N° 3717
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2020.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
invitant le Gouvernement à utiliser le droit commun
pour gérer les menaces sanitaires en évitant le recours à des dispositifs analogues à l’état d’urgence sanitaire et d’inscrire l’état d’urgence sanitaire durablement dans notre droit,
présentée par Mesdames et Messieurs
Martine WONNER, Jean LASSALLE, Jean‑Michel CLÉMENT, Charles de COURSON, Marc LE FUR, Benoit SIMIAN, Laurence TRASTOUR‑ISNART,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’adresse aux Français du Président de la République du 16 mars 2020 a fait basculer notre état de droit vers l’état d’urgence sanitaire dont les Françaises et les Français ne voient plus la fin.
Lors de l’examen du dernier projet de loi prorogeant une énième fois l’état d’urgence sanitaire, le ministre de la santé, Olivier Véran, avait annoncé un nouveau texte qui serait soumis au Parlement. Les craintes émanant des différents bords politiques étaient alors nombreuses et elles étaient justifiées. En effet, le projet de loi présenté par le Gouvernement le lundi 21 décembre 2020 en conseil des ministres vise à faire entrer définitivement dans notre droit l’état d’urgence sanitaire qui ne devait être que temporaire.
Face aux dérives et à l’excès de pouvoir qui gagnent chaque jour un peu plus le Gouvernement, le Parlement ne peut se retrouver affaibli comme le prévoit ce projet de loi. Il sera dépossédé d’un contrôle effectif qui s’inscrit dans la durée et sera relégué comme il l’a été depuis le début de cette crise.
Le contenu de ce projet de loi aura des effets significatifs sur l’exercice des droits et des libertés constitutionnels. Il marque la continuité du virage emprunté par l’exécutif depuis le début de cette législature : un virage sécuritaire qui rogne indubitablement les libertés fondamentales. Ces libertés ne peuvent être conditionnées comme entend le faire ce texte.
Nous devons nous reposer sur notre droit commun et placer notre confiance dans les dispositifs qu’il contient. Il envisageait l’hypothèse d’une épidémie bien avant la réforme introduite par la loi du 23 mars 2020. En effet, l’article L. 3131‑1 du code de la santé publique autorise le ministre de la santé « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie » à prendre des mesures proportionnées au risque encouru. Le cas des « maladies épidémiques ou contagieuses » est quant à lui mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 2212‑2 du code général des collectivités territoriales. En parallèle, le préfet peut intervenir en cas de « menaces sanitaires graves » ou de « danger ponctuel imminent pour la santé publique », investi en ce sens de pouvoirs de police spéciale.
L’exception devient encore une fois la règle.
Aux promesses de lendemains meilleurs, les Françaises et les Français doivent se contenter depuis des mois d’une vision floue qui nous entraîne doucement vers des terrains toujours plus sombres.
Cette proposition de résolution invite donc le Gouvernement à utiliser le droit commun pour gérer les crises sanitaires en évitant tout recours à des régimes analogues à l’état d’urgence sanitaire.
proposition de rÉsolution
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Invite le Gouvernement à envisager :
– de recourir au droit commun toutes les fois où cela est possible pour gérer une menace sanitaire sur le territoire national, y compris en période de pandémie ;
– d’affirmer la prééminence de l’exercice des droits fondamentaux garantis par les lois de la République et les engagements internationaux ratifiés par la France ;
– de refuser toute inscription pérenne dans la loi de dispositifs ayant pour effet direct ou indirect de suspendre ou diminuer l’exercice des droits fondamentaux des citoyens durant une menace sanitaire en privilégiant le recours à des lois d’exception ;
– de refuser la mise en place de dispositifs ayant pour effet direct ou indirect de suspendre ou diminuer le droit à l’information des citoyens durant une menace sanitaire, par la mise en place notamment de comités ou conseils parallèles ne permettant un accès transparent sur les décisions prises par l’exécutif ;
– de refuser toute mise en place de dispositifs ayant pour effets directs ou indirects de ne pas inclure dès le premier jour le Parlement dans les décisions prises par le Gouvernement durant une menace sanitaire, notamment sans vote.