Description : LOGO

N° 3743

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à reconnaître et accompagner les patients atteints de covidlong,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard PERRUT, Damien ABAD, Emmanuelle ANTHOINE, Julien AUBERT, Édith AUDIBERT, Valérie BAZINMALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Émilie BONNIVARD, JeanClaude BOUCHET, Bernard BOULEY, Marine BRENIER, Fabrice BRUN, Jacques CATTIN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Claude de GANAY, Rémi DELATTE, Éric DIARD, Julien DIVE, JeanPierre DOOR, Virginie DUBYMULLER, PierreHenri DUMONT, Michel HERBILLON, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Claire GUION‑FIRMIN, Patrick HETZEL, Mansour KAMARDINE, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR ,Constance LE GRIP, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Gérard MENUEL, Philippe MEYER, Éric PAUGET, Bérengère POLETTI, Nathalie PORTE, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Vincent ROLLAND, Martial SADDIER, Nathalie SERRE, Laurence TRASTOURISNART, Pierre VATIN, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY, JeanYves BONY, Isabelle VALENTIN, JeanJacques GAULTIER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si la crise sanitaire fait encore rage en France, avec nos existences rythmées par les annonces journalières du nombre de contaminations, hospitalisations et décès, ce décompte désormais ritualisé ne semble toutefois constituer que la partie visible d’une maladie aux multiples visages.

Les prémices de la pandémie étaient ainsi marquées par l’impression générale que la covid‑19 était une maladie courte et relativement bénigne qui durait moins de quinze jours, la plupart des recherches se concentrant alors sur la proportion beaucoup plus faible de patients qui tombaient gravement malades ou décédaient.

Pourtant, essoufflements, fatigue, difficultés de concentration, douleurs thoraciques, musculaires et articulaires... une cinquantaine de symptômes sont au moins dénombrés par certains patients contaminés par le Sars‑CoV‑2, des semaines, voire des mois après leur exposition au virus. Sans justifier une hospitalisation, ces manifestations persistantes de la covid‑19, aussi diverses qu’invalidantes, constituent les conséquences de la maladie pour des patients touchés par ce qui est dorénavant communément appelé « covid‑long ».

Ces conséquences sont telles que, plusieurs mois après, ces personnes sont épuisées, atteintes psychologiquement, physiquement mais également souvent financièrement avec d’éventuelles implications sur leurs vies professionnelles et personnelles. C’est la double‑peine pour les personnes isolées, qui ne peuvent compter sur leur entourage familial ou amical pour les aider dans leur quotidien.

Cette souffrance est d’autant plus amplifiée par l’absence de certitudes quant à la fin de ce mal et à l’existence d’un traitement efficace, alors que la plupart des malades n’ont même jamais été testé pour la covid, ce sont pourtant les plus nombreux, en partie parce que les tests sont longtemps restés limités.

C’est d’abord sur les réseaux sociaux que les témoignages sont apparus, dès le mois d’avril, et faisaient majoritairement état d’une « grande fatigue ». Peu d’inquiétude au premier abord, tant ces symptômes viraux qui se prolongent quelque temps chez l’adulte sont habituellement traités par les médecins. Mais la persistance des symptômes post‑covid au‑delà de trois mois, combinés à leur caractère polymorphe, a fini par interpeller les professionnels de santé, démunis face à cette résurgence difficile à anticiper et traiter. Il s’agit en effet d’une maladie nouvelle dont les symptômes ne sont pas toujours visibles ; les IRMS, les scanners ou les scintigraphies ne permettent pas de voir les problèmes liés au système nerveux, alors que cela peut arriver avec le Covid‑long qui frappe indistinctement toutes les classes d’âge.

C’est ainsi qu’est née #ApresJ20 – Association Covid Long France. « Notre but est d’informer sur le covid long pour éviter à des milliers de personnes de se retrouver peutêtre avec un handicap à vie, indique Pauline, 27 ans, porte‑parole et présidente de l’association. Il n’y a pas que des gens qui guérissent, ou qui meurent. » Contaminée mi‑mars, cette chercheuse doctorante en nutrition a dû retourner vivre chez ses parents : « J’ai une dysautonomie, c’estàdire un dérèglement du système nerveux autonome, une dyspnée ou syndrome d’hyperventilation, et une suspicion de péricardite ». Maux auxquels il faut également ajouter des troubles cognitifs et, selon ses propres termes, « une fatigue enveloppante ».

Une enquête menée par l’APHP ([1]) auprès de 600 patients, détaille que ces malades de la covid peuvent en effet, non seulement présenter des troubles neurologiques, mais aussi digestifs, ORL ou gynécologiques, qui les handicapent toujours plus ou moins lourdement, au moins trois semaines après leur contamination.

Dans un rapport publié fin juillet, issu d’une enquête téléphonique auprès d’environ 300 patients symptomatiques mais non hospitalisés, les CDC ([2]) d’Atlanta avaient conclu que des symptômes persistaient chez au moins un tiers des malades deux à trois semaines après leur primo‑infection. L’APHP, elle, retient un taux compris entre 10 et 15%.

Une récente étude danoise conduite aux Îles Féroé parue dans Clinical Infectious Disease nous apprend que sur 180 patients, 53,1 % rapportent une persistance d’au moins un symptôme 125 jours en moyenne après le début des premiers signes du virus. Un patient sur trois rapporte un à deux symptômes et près d’un patient sur cinq, trois à quatre symptômes toujours présents. Dans cet échantillon, les symptômes les plus ressentis sont la fatigue, la perte de goût et de l’odorat, et des douleurs articulaires (ou arthralgie en terme médical). À la fin du suivi, un peu moins d’un patient sur deux était devenu asymptomatique alors qu’ils n’étaient que 4,4 % à l’être lors de la phase aigüe de la maladie. Les auteurs concluent que, chez une partie non négligeable des patients, les symptômes peuvent mettre des mois à se résorber, même chez les personnes n’ayant eu que des symptômes modérés de covid‑19.

Le nombre de malades reste donc encore difficile à chiffrer, tout comme la durée des symptômes à partir de laquelle la covid‑19 peut être qualifiée de « long ». Pour tous ces patients, il est toutefois nécessaire de poursuivre les investigations pour mieux cerner la prévalence, établir des critères diagnostics et déterminer l’étiologie de la maladie. Tout cela, dans le but de proposer aux patients des traitements médicaux adaptés.

Dernièrement, certains hôpitaux ont créé des consultations spécialement dédiées à cette nouvelle maladie de longue durée, quand sa reconnaissance et détection restent difficile. Une étude appelée « Colocate » a également été lancée par le centre hospitalier de Tourcoing (Nord). Elle a pour vocation de tenter de faire la lumière sur ce covid‑long. Force est toutefois de constater la marginalité de ces initiatives qui en sont à leurs balbutiements.

Le syndrome a pourtant été reconnu en août par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est pris très au sérieux au Royaume‑Uni, où une quarantaine de consultations dédiées ont été créées. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) commence tout juste à réfléchir à la façon d’aider ces patients complexes.

Ce silence, notamment de la part nos pouvoirs publics, est inexplicable tant les malades sont en souffrance, le diagnostic n’étant pas posé, et les médecins mal informés. Cette maladie reste mal comprise et son absence de prise en compte dans nos politiques publiques sanitaires est inacceptable. L’OMS a d’ailleurs appelé à deux reprises les gouvernements à s’engager sur le sujet.

Pour l’ensemble de ces motifs, il est urgent qu’un véritable programme sanitaire à la hauteur des conséquences de l’épidémie de la covid19, soit mis en œuvre, pour que les médecins et les scientifiques mènent une recherche sur les conséquences de cette dernière, sur la santé physique et mentale des patients, afin d’établir une liste complète des symptômes, de leurs expressions, de les documenter et de les rendre publics auprès des patients et des médecins.

Sans ce travail, il sera impossible d’identifier et de faire reconnaitre l’ensemble des pathologies comme il se doit, et d’assurer l’accompagnement des patients.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant la crise sanitaire en cours ;

Considérant l’existence de symptômes persistants de la covid‑19 sur une partie des personnes contaminées ;

Considérant que des dizaines de milliers de personnes ont présenté une forme peu grave, n’ayant pas entraîné d’hospitalisation, ou n’ont pas été testées ;

Considérant que les complications respiratoires sont consécutives à des formes souvent peu graves de la covid‑19 ;

Considérant la méconnaissance des formes persistantes de la covid‑19 et de leurs conséquences physiques, psychologiques et financières ;

Considérant qu’un diagnostic précoce permet une meilleure prise en charge et que cette identification permettrait une amélioration des données d’études scientifiques ;

Considérant les lacunes de suivi de ces patients et les implications durables sur leur santé ;

Considérant que trop peu de moyens ont été alloués pour effectuer la sensibilisation et les formations pour les professionnels de santé ;

Invite le Gouvernement à établir un bilan statistique des patients atteints de formes persistantes du virus de la covid‑19 ;

Invite le Gouvernement à dresser et réactualiser régulièrement la liste complète des symptômes de covid‑long, de leurs expressions, de les documenter et de les rendre publics auprès des patients et des médecins sur le modèle des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux États‑Unis ou service national de santé (NHS) en Grande‑Bretagne ;

Invite le Gouvernement à mener une campagne d’information et de sensibilisation, auprès des professionnels de santé, mais aussi auprès du grand public, pour faire connaître et reconnaître la maladie de covid‑long ainsi que les symptômes liés notamment à travers une documentation officielle ;

Invite le Gouvernement à se doter des moyens suffisants afin d’améliorer la connaissance des besoins et des modalités de prise en charge des personnes atteintes par un covid‑long ;

Invite le Gouvernement à définir, pour l’ensemble de la communauté médicale, des protocoles de suivi sur le long cours notamment afin de prévenir les réactivations, voire les effets des réinfections dont sont sujets les malades atteints de covid‑long qui, pour une grande part, n’ont plus d’anticorps au bout de deux mois, encore moins au bout de six mois ;

Invite le Gouvernement, en relation avec les instances territoriales, à proposer une prise en charge adaptée de ces troubles, que ce soit par la médecine de ville ou au sein des établissements de santé ;

Invite le Gouvernement à mettre en place un réel parcours de soins pour les personnes souffrant de covid‑long et assurer un suivi avec à chaque étape de la maladie et des besoins des patients ;

Invite le Gouvernement à garantir l’implantation de centres coordonnés de soins et soutien des malades covid‑19 au long cours sur l’ensemble du territoire ;

Invite le Gouvernement à maintenir la covid‑19 en maladie à déclaration obligatoire après la période d’état d’urgence sanitaire ;

Invite le Gouvernement à identifier l’ensemble des pathologies liées aux formes persistantes de la covid‑19, leurs durées et les arrêts maladie afférents ;

Invite le Gouvernement à accompagner les malades de covid‑long dans les dépenses liées aux traitements ;

Invite le Gouvernement à étudier la prise en compte des covid‑longs comme affection de longue durée au sens de l’article D. 160‑4 et L. 324‑1 du code de la sécurité sociale ;

Invite le Gouvernement à amplifier la recherche sur les formes persistances de la covid‑19 ;

Invite le Gouvernement à coordonner ses actions en lien avec les associations de malades ;

Invite le Gouvernement à lancer une coopération européenne sur les formes persistantes de la covid‑19 par le lancement d’un plan européen de recherche.


([1])  Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

([2])  Centres pour le contrôle et la prévention des maladies.