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N° 4427

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

 

visant à lutter contre le détournement des aides sociales à l’éducation,

 

 

présentée par

Mme Marine BRENIER,

députée.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le contexte familial ainsi que la classe sociale de naissance d’un enfant conditionnent bien souvent sa future situation et sa capacité à s’éloigner de la misère, à être proche du manque ou dans le besoin. Lutter efficacement contre la pauvreté des enfants passe par la connaissance des déterminismes sociaux et familiaux qui sont à l’origine de cette pauvreté. Il convient ainsi d’élaborer des politiques publiques propres à assurer l’égalité des chances pour tous les enfants et dans tous les domaines déterminants (éducation, santé, alimentation, logement, habillement…). La proposition de résolution se concentrera sur les aides sociales à l’éducation des enfants, en particulier celles versées pour assurer l’égal accès à l’école.

La première étape d’accessibilité à l’école est l’inscription dans un établissement scolaire. Toutefois, l’accès concret à l’éducation ne se limite pas à cela ; encore faut‑il que l’égalité des chances pour réussir son cursus soit garantie. La réussite scolaire des élèves est bien évidemment en partie possible grâce aux capacités de l’enfant, à la qualité des enseignements dispensés ou à l’encadrement du personnel‑enseignant. Mais croire que la réussite d’un enfant se résume uniquement à sa volonté et au cadre enseignant c’est se détourner de la réalité qui est celle d’une inégalité d’accès aux biens et aux services scolaires élémentaires. Afin de garantir l’égalité des enfants dans la possibilité de réussir leur parcours scolaire, il est important de s’assurer qu’ils disposent tous des mêmes moyens matériels. Aussi, faut‑il que les aides sociales déjà existantes pour remédier aux différences matérielles de situation soient correctement utilisées pour les besoins de l’enfant, au cours de son année scolaire.

Les politiques publiques actuelles pour lutter contre la pauvreté des enfants passent uniquement par l’approche familialiste, c’est‑à‑dire par un système d’aide sociale tourné vers les parents. En effet, la plupart des aides sociales font l’objet d’un versement unique pour chaque enfant, directement mis sur le compte des parents, sans contrôle quant à la dépense. Ainsi, par exemple, l’allocation de rentrée scolaire (ARS) ou encore les bourses scolaires versées de l’école élémentaire au lycée ne remplissent pas toujours leur mission qui est celle d’aider les familles les plus modestes à payer les frais liés à la scolarité de l’enfant. En réalité, de nombreux parents détournent le but de ces aides pour se procurer d’autres biens, souvent très éloignés des besoins scolaires de l’enfant. Par conséquent, plusieurs élèves, dès le premier jour de la rentrée, ne disposent pas des fournitures nécessaires. Pour indication, selon le site « aide‑sociale.fr », la fraude aux prestations familiales était de 119 millions d’euros en décembre 2020.

L’objectif de la présente proposition de résolution n’est pas de sanctionner la mauvaise utilisation des aides sociales, de diminuer le montant des aides ou encore de les retirer à certaines familles mais de contrôler l’utilisation qui en est faite en orientant la dépense. Plusieurs Députés de notre famille politique Les Républicains, se sont déjà saisis de la problématique liée au détournement des aides sociales versées pour les besoins des enfants. Pour rappel, Messieurs Pierre‑Henri Dumont ([1]) et Pierre Cordier ([2]) ont tous deux proposé de verser l’ARS sous la forme d’un titre spécial de paiement. La distribution de l’ARS sous forme de « bons de rentrée », à l’image des titres‑restaurants, permettrait de s’assurer que l’aide de rentrée scolaire soit utilisée pour les besoins de l’enfant et pour ses besoins uniquement. Ils seraient utilisés à usage personnel au nom de l’enfant, pour son habillement, ses affaires scolaires ou encore son inscription à une activité sportive. Ainsi, par exemple, il ne serait pas possible d’acheter, avec les bons d’achat de rentrée, du matériel multimédia. Bien que ces produits puissent être essentiels pour la famille, ils ne le sont pas pour la rentrée scolaire de l’enfant. Par ailleurs, Mme Isabelle VALENTIN a proposé que « 50 % du montant des allocations familiales soient versés sous forme de chèques pour l’alimentation en produits frais, l’habillement, les fournitures scolaires, les activités extra‑scolaires » ([3]). De plus, il est judicieux de souligner qu’en mars 2021, le Président du Sénat a transmis au Président de l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales ([4]). Le Sénat s’est donc préoccupé encore dernièrement du détournement des aides sociales. Ce combat n’est néanmoins pas nouveau ; par exemple, Messieurs Denis JACQUAT ([5]) et Édouard COURTIAL ([6]), anciens Députés, ont déposé plusieurs propositions de loi sur ce sujet ([7]), sous les XIIIe et XIVe législatures.

Les propositions de lois chez Les Républicains se multiplient à mesure que les détournements des aides sociales pour les besoins des enfants sont constatés. Pour autant, le Gouvernement ne s’est toujours pas intéressé à ce sujet, alors qu’il s’agissait d’un des engagements de sa stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. La lutte contre la fraude aux aides sociales fait donc partie intégrante des valeurs défendues par Les Républicains, alors que le Gouvernement et sa majorité ne semblent pas en faire une priorité.

Le bon usage des aides sociales à l’éducation se doit d’être réellement contrôlé. Plutôt que de verser sur le compte des parents le montant de l’aide sociale à l’éducation, il serait pertinent de faire bénéficier l’enfant d’une réduction immédiate au moment de l’achat d’un bien pour ses besoins scolaires ou de proposer des titres spéciaux de paiement pour s’assurer que l’aide sociale soit utilisée dans l’intérêt unique de l’enfant.

Sur ces différents points, le régime actuel des allocations familiales versées pour aider les enfants mériterait d’être ajusté pour lutter efficacement contre la pauvreté des enfants en garantissant l’accès concret pour tous les enfants à l’éducation. Cette proposition de résolution encourage vivement le Gouvernement à encadrer la forme du versement des aides sociales, de façon à garantir l’utilisation effective des aides sociales à l’éducation, pour les besoins de l’enfant.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la proposition de loi n° 2634 visant à encadrer l’utilisation de l’allocation de rentrée scolaire et à lutter contre la fraude,

Vu la proposition de n° 3260 visant à verser l’allocation de rentrée scolaire sous forme d’un titre spécial de paiement,

Vu la proposition de loi n° 4067 visant à renouer avec une politique familiale ambitieuse pour relancer la natalité en France,

Vu la proposition de loi n° 3983 tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales,

Vu la proposition n° 3190 visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale,

Vu la proposition n° 3092 visant à moduler l’allocation de rentrée scolaire en fonction du cycle de formation,

Vu la proposition de loi n° 2190 visant à verser l’allocation de rentrée scolaire sous forme d’un titre spécial de paiement,

Vu les articles R. 543‑1 à R. 543‑9 et les articles L. 543‑1 et L. 543‑3 du code de la sécurité sociale,

Vu les articles L. 531‑1 à L. 533‑3 du code de l’éducation,

Considérant l’inefficacité du dispositif actuel des aides sociales à l’éducation pour lutter efficacement contre la pauvreté des enfants ;

Considérant que les dispositifs mis en place ne permettent pas de garantir l’utilisation effective des aides sociales à l’éducation pour les besoins de l’enfant uniquement ;

Considérant que le détournement des aides sociales à l’éducation est devenu trop fréquent et n’est pas contrôlé efficacement par le Gouvernement ;

Invite le Gouvernement à engager une réflexion sur le détournement des aides sociales à l’éducation dans le contexte de la pauvreté des enfants ;

Suggère que le Gouvernement entreprenne une réforme sur les aides sociales à l’éducation pour s’assurer de l’effectivité des politiques sociales de lutte contre la pauvreté des enfants ;

Souhaite que le Gouvernement encadre la dépense des aides sociales à l’éducation en versant les allocations familiales concernées sous forme de titres spéciaux de paiement ;

Invite le Gouvernement à modifier son système de versement des bourses scolaires pour que celles‑ci ne soient pas directement versées sur le compte des parents mais déduites des achats pour les besoins de l’enfant.


([1])  Proposition de loi n° 2634 visant à encadrer l’utilisation de l’allocation de rentrée scolaire et à lutter contre la fraude, enregistrée le 4 février 2020.

([2])  Proposition de n° 3260 visant à verser l’allocation de rentrée scolaire sous forme d’un titre spécial de paiement, enregistrée le 28 juillet 2020.

([3])  Proposition de loi n° 4067 visant à renouer avec une politique familiale ambitieuse pour relancer la natalité en France, enregistrée le 7 avril 2021.

([4])  Proposition de loi n° 3983 tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales, enregistrée le 12 mars 2021.

([5])  Proposition n° 3092 visant à moduler l’allocation de rentrée scolaire en fonction du cycle de formation, enregistrée le 13 janvier 2011.

([6])  Proposition de loi n° 2190 visant à verser l’allocation de rentrée scolaire sous forme d’un titre spécial de paiement, enregistrée le 21 décembre 2009.

([7])  Proposition n° 3190 visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale, enregistrée le 3 novembre 2015.