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N° 4440

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à relocaliser et créer une filière française de production
et de recyclage de masques de protection sanitaire,

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Isabelle VALENTIN, Valérie BEAUVAIS, Patrick HETZEL, Jacques CATTIN, Philippe BENASSAYA, JeanPierre VIGIER, Brigitte KUSTER, Fabrice BRUN, Alain RAMADIER, Michel VIALAY, Philippe MEYER, Laurence TRASTOURISNART, JeanMarie SERMIER, Vincent ROLLAND, JeanYves BONY, Bernard PERRUT, JeanClaude BOUCHET, Éric PAUGET, Fabien DI FILIPPO, Damien ABAD, Stéphane VIRY, AnneLaure BLIN, Michel HERBILLON, JeanLuc REITZER, Yves HEMEDINGER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chacun se souvient des débuts laborieux de la gestion gouvernementale de la pandémie du covid‑19. Alors que la France s’apprêtait à faire face à une crise sanitaire mondiale d’une ampleur inédite, ni les Français, ni même les soignants, ne disposaient de masques chirurgicaux ou de masques FFP2 en nombre suffisant. Pourtant, selon le célèbre adage : « Gouverner, c’est prévoir ».

En effet, depuis la nouvelle stratégie instaurée en 2013 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dans une note dénommée Doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire et le rapport sénatorial de 2015 intitulé L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) : comment investir dans la sécurité sanitaire de nos concitoyens ?, l’Etat a fait le choix de réduire drastiquement les volumes de stocks de masques, jugés trop coûteux.

Selon Olivier Véran, Ministre de la Santé, cette décision a été prise au motif que « les usines de production étaient capables d’être actives très rapidement, notamment en Chine ». Or la Chine a été le foyer mondial de la pandémie du covid‑19, paralysant son économie, d’où une pénurie internationale en masques de protection sanitaire aux conséquences dramatiques.

Pire, l’usine Spérian de Plaintel, dans les Côtes d’Armor, qui était le seul site de production de masques respiratoires en France et qui en produisait plus de 200 millions en 2010, a fermé à la fin de l’année 2018 dans l’indifférence totale des pouvoirs publics. Pourtant, le protocole d’accord signé en 2005 entre l’État et ce fabricant stipulait alors qu’il était exclu « de dépendre exclusivement d’importations qui se trouveraient interrompues dans un contexte de pandémie ».

En revanche, face à une situation chaotique au cœur de la crise sanitaire, nous devons saluer les élus locaux qui ont su faire preuve de réactivité et d’agilité devant les défaillances de l’État et la pénurie en masques de protection sanitaire, et qui ont su s’approvisionner pour protéger les Français.

Ainsi, la relocalisation et la création d’une filière française de production de masques de protection sanitaire représentent désormais un enjeu de souveraineté, afin que notre nation puisse faire face à d’éventuelles nouvelles pandémies. De même, il est également indispensable de mettre en place une filière de recyclage des masques de protection sanitaire, en raison des enjeux écologiques.

La mise en place de ces politiques publiques comporterait de nombreux bienfaits : une contribution à la réindustrialisation de la France et la création d’emplois ; la sécurisation de nos approvisionnements en produits sanitaires stratégiques en cas de pandémie ; la réduction de notre empreinte environnementale ; la garantie de prix stables pour les consommateurs, quel que soit le contexte sanitaire.

Conscient de ces enjeux stratégiques, les représentants des producteurs de masques installés en France proposent de nombreuses pistes.

Tout d’abord, ceux‑ci proposent de recentrer les critères de sélection des appels d’offres sur la qualité, la sécurité d’approvisionnement et l’aspect environnemental plutôt que sur l’unique critère de prix. En effet, ce seul critère de prix dans les appels d’offre des commandes publiques pénalise les fabricants français au profit des entreprises chinoises, nos produits étant en moyenne 20 à 30 % plus chers en la matière. Ainsi, pour la seule année 2020, la France a dépensé près de 5,9 milliards d’euros pour l’achat de masques, dont 84 % ont été importés depuis la Chine.

L’Etat mène donc une politique paradoxale, puisqu’il subventionne une filière française mais achète massivement ses masques à l’étranger. Ainsi, selon Christian Curel, président du syndicat des Fabricants Français de Masques (F2M), si les entreprises nationales ont une capacité hebdomadaire de production de 100 millions de masques, celles‑ci ne tournent qu’à un tiers de ce potentiel. Il lance donc un appel aux pouvoirs publics : « Si nous continuons [à appliquer ces règles], cette filière qui a été subventionnée va devoir s’arrêter ».

Voulons‑nous retrouver notre souveraineté sanitaire, ou prendre le risque de revivre ce que nous avons vécu au début de la crise du Covid‑19, c’est‑à‑dire dépendre de la Chine pour les importations de masques, celle‑ci pouvant fermer ses frontières à tout moment, créant dans notre pays une pénurie de masques au pire d’une pandémie ?

De même, les représentants de ce secteur plaident pour un maintien du taux de TVA à 5,5% sur les masques de protection sanitaire au‑delà du 31 décembre 2021, d’autant plus que, selon toutes vraisemblances, la pandémie n’aura pas disparu à cette date.

Enfin, ils demandent à l’État de renforcer les contrôles des masques importés, et de responsabiliser davantage les importateurs.

Ces quelques mesures devraient attirer l’attention du Gouvernement, et s’inscrire dans une démarche plus globale de réindustrialisation des secteurs stratégiques et de recyclage des déchets.

Ainsi, en concertation avec l’ensemble des filières concernées, les parlementaires et les élus locaux, l’État devrait s’engager à bâtir dans les plus brefs délais une stratégie globale visant à relocaliser et créer une filière française de production et de recyclage de masques de protection sanitaire.

Pour ces raisons nous vous demandons, Mesdames, Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que la France était démunie de masques de protection sanitaire face à la crise mondiale du covid‑19, parce qu’elle n’avait ni stocks stratégiques ni capacités de production, et qu’elle n’est pas à l’abri de futures épidémies ;

Considérant que la sécurisation de nos approvisionnements, la relocalisation d’activités stratégiques et la réindustrialisation sont des enjeux de souveraineté majeurs, aptes à créer de nouveaux emplois, à garantir des prix stables pour les consommateurs et à réduire notre empreinte environnementale ;

Considérant que le recyclage des masques produits est également un enjeu environnemental important, lequel ne doit pas être éludé par la crise sanitaire mais davantage pris en compte ;

Invite le Gouvernement à réfléchir à une véritable stratégie globale visant à relocaliser et créer une filière française de production et de recyclage de masques de protection sanitaire.