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N° 4563

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour une coopération hospitalière transfrontalière effective,

 

présentée par

MM. Antoine HERTH, Olivier BECHT
et les membres du groupe Agir ensemble (1),

députés.

 

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Olivier Becht, Pierre‑Yves Bournazel, Annie Chapelier, Paul Christophe, M’jid El Guerrab, Christophe Euzet, Agnès Firmin Le Bodo, Thomas Gassilloud, Antoine Herth, Dimitri Houbron, Philippe Huppé, Loïc Kervran, Aina Kuric, Luc Lamirault, Jean‑Charles Larsonneur, Vincent Ledoux, Patricia Lemoine, Alexandra Louis, Lise Magnier, Valérie Petit, Benoit Potterie, Maina Sage.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire de la covid‑19 que nous traversons a mis en lumière les problématiques de résilience de notre système de santé face aux risques sanitaires comme ceux d’une pandémie qui peuvent, en l’espace de quelques mois, s’abattre sur l’ensemble de notre planète et paralyser l’activité mondiale en quelques jours, faute d’une capacité d’adaptation de nos modèles à une crise dont personne n’aurait pu imaginer ou concevoir les conséquences.

Dans ce cadre, nous avons pu connaître, dans notre pays, une saturation très rapide de nos services d’urgence et de réanimation, face à un nouveau fléau pour lequel nous étions dépourvus de solutions. L’implication sans faille de l’ensemble des personnels soignants, des médecins et des services hospitaliers, aura été l’élément clé pour répondre à l’urgence sanitaire à laquelle nos établissements de santé étaient confrontés, alors que la situation était dramatique dans certaines régions de notre pays et dans tous les couloirs des services d’urgence de France.

Pourtant, plus d’un an après le début de la pandémie, force est de constater que de nombreuses leçons de cette crise doivent encore être tirées.

En effet, alors que la construction européenne nous a permis d’assurer la paix sur notre continent depuis la dernière guerre mondiale, elle nous aura permis également de créer des liens, des passerelles avec nos voisins qui ont été salvateurs dans un contexte de chaos sanitaire. Cependant, ces liens, généralement créés et entretenus au niveau local, se sont souvent heurtés à des blocages législatifs, diplomatiques ou administratifs incompréhensibles, alors que l’unique question résidait en ce que les pouvoirs publics pouvaient faire pour sauver la vie de nos résidents et ressortissants touchés gravement par le coronavirus.

Dans ce contexte, certes exceptionnel et inédit, c’est, de l’avis unanime des acteurs du terrain, dans la plus parfaite improvisation qu’ont été organisés les transferts de patients vers nos voisins européens. Chaque acteur, qui élu local, qui directeur d’établissement, qui chef de service ou même simple soignant, ayant ainsi dû, grâce notamment à ses propres relations personnelles, faire sauter dans l’urgence des verrous administratifs particulièrement inadaptés à la crise et à sa gestion pratique.

Or ce n’est que grâce à ces circuits courts que des solutions rapides ont pu être présentées au plus haut sommet de l’État et mener ainsi à des prises en charge de patients à l’étranger, sans véritable plan d’action global géré au niveau national.

Ce n’est que grâce à ces contacts directs que, pour la seule période du 18 mars au 1er avril 2020, soit le stade le plus critique de la pandémie pour notre système de santé, 142 patients principalement issus des régions Grand‑Est et Hauts‑de‑France, qui ont pu être évacués vers nos voisins européens (notamment l’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg et la Belgique).

Ces transferts n’ont évidemment pas à eux seuls sauvé notre système de santé de l’implosion alors tant redoutée, mais force est de constater qu’ils ont apporté une bouffée d’oxygène plus que bienvenue, au même titre que les transferts interrégionaux effectués au même moment.

Leur utilité est d’ailleurs d’autant moins contestable qu’ils ont été effectués durant toute la période de la pandémie, aussi bien lors de la première vague, que de la seconde : au mois de novembre 2020, des patients, certes en nombre plus restreint, continuaient d’être transférés de France vers des hôpitaux étrangers, distant de plusieurs centaines de kilomètres.

Au‑delà de leur seule utilité sanitaire, ces transferts de patients ont aussi eu pour effet indirect de souligner l’intérêt et les enjeux liés à la coopération transfrontalière en matière hospitalière. Pour la première fois peut‑être, nos concitoyens pouvaient voir et mesurer concrètement l’utilité de la coopération européenne dans le domaine de la santé.

Cette coopération a certes été instaurée dans l’improvisation, mais elle a fonctionné et doit pouvoir être sinon généralisée, du moins développée.

En dehors même de la crise sanitaire qui nous a permis de réaliser l’importance de cette coopération transfrontalière dans le domaine hospitalier, il n’est pas rare de constater également, dans les zones frontalières, certaines problématiques d’accès, voire d’éloignement du soin : pour certains de nos compatriotes, l’hôpital le plus proche peut se situer à quelques dizaines de minutes de l’autre côté d’une frontière, alors que le prochain établissement français se trouve parfois à trente ou quarante‑cinq minutes de plus.

Si des accords bipartites ont pu être trouvés, autorisant les personnels soignants à traverser la frontière pour se rendre sur une situation d’urgence le plus rapidement possible, il n’en reste pas moins méconnus. Ce sont ainsi nombre de nos résidents et ressortissants qui vont perdre du temps pour accéder aux soins, alors que la prise en charge rapide d’une problématique de santé est primordiale, parfois vitale, pour assurer et garantir le moins de séquelles possibles au patient.

Aussi, l’enjeu n’est pas nouveau. De solides jalons ont d’ores et déjà été posés, tant au niveau européen, qu’au niveau des législations nationales.

Au niveau européen, l’article 168 du Traité de Lisbonne définit les compétences communautaires en matière de santé, la sacralisant comme une compétence partagée de l’Union Européenne, et vise notamment à encourager la coopération transfrontalière dans le domaine.

De même, la jurisprudence de la CJUE considère les soins médicaux - au travers de l’arrêt Kohll et Decker de 1998 - et les soins hospitaliers - par l’arrêt Smits et Peerbooms de 2001 - comme des services auxquels le principe de libre circulation doit s’appliquer, ne saurait être interprétée autrement que comme un approfondissement de facto de la coopération sanitaire.

Sur le plan national, en France, la coopération sanitaire transfrontalière a été prise en compte en 2006 au travers de l’élaboration des Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire, devenus en 2011 les Schémas Régionaux d’Organisation des Soins.

Plusieurs accords cadres bilatéraux ont par ailleurs été conclus avec nos partenaires au cours des dernières années : Allemagne (2005), Belgique (2005), Espagne (2008) ou encore la Hongrie (2008)… C’est sur la base de ces accords bilatéraux que des coopérations effectives ont pu concrètement être mises en oeuvre au niveau des territoires. A titre d’exemple, le 19 mars 2013 est mis en place un partenariat interhospitalier en cardiologie entre les hôpitaux de Forbach et Völklingen (Allemagne), ou également, dès le début de la décénnie, entre les cliniques du Diaconat de Mulhouse et l’hôpital universitaire de Bad Krozingen.

Ces avancées bien réelles sont toutefois, aujourd’hui, insuffisantes. La crise sanitaire a mis en lumière leurs limites et, partant, la nécessité d’aller plus loin.

Insuffisantes, elles le sont car ces coopérations restent cloisonnées à des territoires particuliers et à des spécialités limitées. Ce qui, dans le cas de la pandémie massive que nous connaissons, est inefficace.

Insuffisantes, elles le sont également car elles restent, en pratique, méconnues et rencontrent des difficultés dans leur mise en œuvre. Aux obstacles linguistiques, bien réels, s’ajoutent en effet les différences de culture, de pratiques médicales et administratives entre des communautés soignantes et hospitalières formées dans des cadres distincts.

C’est donc sur l’ensemble de ces leviers qu’il faut agir.

Agir, car l’enjeu sanitaire dépasse le seul cadre national.

Agir, car nos concitoyens, notamment en zone frontalière, attendent des réalisations effectives et concrètes.

Agir, car l’espace européen est un espace de vie et non pas seulement un marché de biens et services, et que la santé fait partie intégrante des préoccupations quotidiennes des Françaises et des Français.

Agir, car la mutualisation des moyens, des savoirs et des compétences apparaît comme une évidence face à des défis qui, eux, ne connaissent pas les frontières.

Agir, en somme, car l’heure n’est plus aux demi‑mesures et aux petits‑pas : des mesures incitatives, précises et concrètes doivent être prises. Sans imposer le modèle ou l’organisation “à la française” de notre système hospitalier, il s’agit néanmoins de poser un cadre normatif et programmatique susceptible de répondre aux besoins avérés d’une coopération plus approfondie et plus étroite entre les différents systèmes hospitaliers.

Tel est l’objet de la présente proposition de résolution.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Considérant l’impérieuse nécessité pour les États de garantir la sécurité et la prise en charge de nos ressortissants et résidents en cas de soucis de santé ;

Considérant que la santé est un des enjeux majeurs du XXIème siècle auquel la réponse doit passer par une meilleure coopération et un meilleur travail commun au niveau européen ;

Considérant qu’il existe depuis plusieurs années une volonté politique affirmée, tant européenne que nationale, de progresser dans le domaine de la coopération sanitaire transfrontalière ;

Considérant que cette coopération sanitaire répond à une attente régulièrement exprimée par nos concitoyens, notamment dans les territoires transfrontaliers ;

Considérant, toutefois, que les efforts entrepris en ce sens jusqu’à présent restent trop limités et cloisonnés à certaines spécialités et dans des territoires restreints ;

Considérant, en outre, que la crise sanitaire de la covid‑19, a clairement mis en lumière la nécessité d’approfondir et d’aller plus loin dans la coopération sanitaire, notamment hospitalière ;

Considérant que les seules initiatives locales, malgré leur indéniable volontarisme, ne sauraient être en mesure de répondre à ce besoin sans un soutien affirmé de l’État, seule entité à même de proposer et mettre en œuvre une réponse globale et coordonnée à ce besoin ;

Souhaite que la France prenne la tête de l’initiative politique européenne dans le renforcement et l’harmonisation des pratiques de santé transfrontalières ;

Invite dans cette perspective le Gouvernement à engager une nouvelle étape de la coopération transfrontalière sanitaire ;

Invite le Gouvernement, au travers de ses administrations déconcentrées, à faire un véritable état des lieux et un recensement de tous les partenariats, démarches et autres accords transfrontaliers existants dans le domaine de la santé ;

Invite le Gouvernement à simplifier les démarches nécessaires pour la création de nouveaux partenariats avec des établissements de santé ou des praticiens de nos pays voisins ;

Appelle la France à mieux faire connaître aux usagers les actions déjà menées dans le domaine de la santé transfrontalière, afin que tous les Français puissent connaître les solutions possibles qui s’offrent à eux, parfois à quelques kilomètres, mais dans un pays étranger ;

Appelle la France à mettre en place dans les meilleurs délais, et aux échelles départementales, régionales et nationale, un véritable schéma de coopération transfrontalière sanitaire, afin de sanctuariser, connaître et développer les démarches transfrontalières avec pour objectif une vraie solidarité sanitaire dans tous les domaines de la santé entre notre pays et nos voisins ;

Appelle enfin le Gouvernement à œuvrer pour une harmonisation des droits des patients des zones transfrontalières.