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N° 4805

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à créer un code de l’enfance,

 

présentée par

M. Stéphane VIRY,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 24 mars 2021, la Commission européenne a adopté une stratégie globale sur les droits de l’enfants.

Historiquement, la prise en compte des droits de l’enfant a été très lente et timidement progressive. Elle n’est, pour l’heure, toujours pas satisfaisante.

Ce n’est qu’en 1841 qu’une première avancée a vu le jour en la matière, en interdisant le travail aux enfants de moins de 8 ans. Puis ce n’est que 48 ans plus tard, en 1889, qu’un concept de « protection de l’enfance » est apparu, avec notamment la protection judiciaire de l’enfant maltraité (dans le milieu professionnel et/ou familial).

Il faudra ensuite attendre 38 ans (septembre 1924), pour que la Société des Nations (SDN) adopte la « Déclaration de Genève », qui a été la première et réelle avancée en matière de protection de l’enfant, en reconnaissant l’existence de droits spécifiques aux enfants et la responsabilité des adultes à leur égard. De cette Convention va naître la « Déclaration universelle des droits de l’enfant » en 1959, qui permet de matérialiser cette reconnaissance spécifique.

L’ordonnance du 2 février 1945, elle, a créé les tribunaux pour enfants et le juge des enfants, face à la délinquance juvénile devenant de plus en plus présente en France.

En novembre 1989, les droits fondamentaux de l’enfant sont enfin reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant. Cette convention pose quatre principes fondamentaux parmi lesquels : la non‑discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre survivre et se développer, le respect des opinions de l’enfant.

Cependant, dans un Rapport au Comité des droits de l’enfant de l’ONU du 10 juillet 2020, le Défenseur des droits déclare qu’il existe un décalage entre les droits proclamés de l’enfant et ses droits réels : « la protection contre toutes les formes de violences, notamment les violences intrafamiliales, les violences à l’école et les autres violences institutionnelles n’est pas encore parfaitement garantie ».

En effet, cette convention ne suffit plus à protéger les droits des enfants. En France, un enfant est tué tous les cinq jours. Depuis le début de la pandémie mondiale de la COVID‑19, une nouvelle ère s’est instaurée, véritable crise des droits de l’enfant : la part des situations de violences physiques dans les hospitalisations d’enfants de moins de 5 ans a connu une hausse de 50 %, entre mars et avril 2020.

Pire encore, un sondage Ipsos réalisé en novembre 2020 pour l’association « Face à l’inceste » a démontré qu’un français sur dix aurait été victime de violences sexuelles durant l’enfance. Selon les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, sur les 4341 victimes de violences sexuelles incestueuses, 75 % ont moins de 9 ans.

Face à ces chiffres inquiétant, la France doit réagir.

Actuellement, le cadre juridique de la protection de l’enfant semble inapproprié. La délinquance juvénile n’est plus à contester : de plus en plus de médias s’emparent des infractions commises par des mineurs. Mais paradoxalement, cette délinquance des mineurs reste stable depuis quelques années : en 2019, 218 000 mineurs ont été jugés pour des faits de délinquance (3,3 % de la population âgée de 10 à 17 ans).

En outre, parmi tous les mineurs cités précédemment, 51 % d’entre eux avaient entre 16 et 17 ans, 40 % entre 13 et 15 ans, 7,8 % entre 10 et 12 ans. Autrement dit, plus de la moitié des infractions juvéniles ont été commises par des auteurs relativement âgés.

Jusque’à la seconde moitié du XXème siècle, la justice pénale des mineurs était répartie dans trois textes : l’ordonnance du 2 février 1945, des décrets, et quelques articles du code de procédure pénale. Le 30 septembre 2021 est entré en vigueur le Code de la justice pénale des mineurs qui reprend les grands principes de l’ordonnance de 1945.

L’objectif de ce code est d’accélérer les procédures pénales et renforcer la prise en charge des mineurs délinquants par la protection judiciaire de la jeunesse. Malgré cette première avancée pour davantage de justice des mineurs, ce code délaisse les volets « éducation » et « protection des mineurs », pour se focaliser sur la répression et la coercition.

Aujourd’hui, la France ne fait bonne figure auprès de ses voisins européens. Elle est placée à la 14e position sur l’échelle des pays dans lesquels l’enfance est la mieux protégée. Elle a d’ailleurs récemment été condamnée par la Cour Européenne des droits de l’homme, le 4 juin 2021, concernant l’affaire de la petite Marina, tuée par ses parents à l’âge de 8 ans, en août 2009, en raison des dysfonctionnements qui ont eu lieu dans cette affaire.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, un code de l’enfance doit être instauré, afin de réunir toutes les dispositions éparpillées dans différents codes, sans se cantonner à leur protection ou à leur pénalisation, concernant les mineurs délinquants.

Ce code permettrait de prendre en compte l’enfant en tant que tel, en tant que personne avec des droits, des libertés et des devoirs. Il réunirait l’ensemble des dispositions juridiques envers les mineurs, enfants et adolescents.

Le code de l’enfant pourrait répondre au plan suivant :

– Le premier livre porterait sur les dispositions générales relatives à l’enfance, ses droits, ses libertés fondamentales, ses devoirs ;

– Le second livre sur la condition juridique de l’enfant ;

– Le troisième sur la protection de l’enfant ;

– Le quatrième concernerait l’éducation, en intégrant des dispositions relatives aux enfants porteurs de handicap ;

– Le cinquième sur le droit à la culture ;

– Le sixième sur le droit au travail des enfants ;

– Le septième ferait référence aux dispositions pénales relatives aux mineurs.

Tel est en l’espèce, l’objet de cette proposition de résolution.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant les différents textes relatifs à l’enfant, ses droits, ses obligations, sa protection, adoptés depuis 1945 ;

Considérant le nombre de textes qui tend à se multiplier sur les enfants, leurs droits et protections ;

Considérant les statistiques qui tendent à démontrer que les actes de délinquance commis par des mineurs se multiplient ;

Considérant que le cadre juridique actuel est inapproprié et qu’il est nécessaire de rendre plus efficace et plus protecteur le droit français vis‑à‑vis de notre jeunesse ;

Considérant que l’Europe a un rôle à jouer en matière de protection de l’enfant ;

Plaide pour la création de « code de l’enfance », afin de réunir dans un même texte les dispositions préexistantes ;

Plaide pour qu’une importance concrète soit donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant ;

Plaide pour que la présidence française de l’Union européenne soit l’occasion de réaffirmer la nécessité de protéger notre jeunesse ;

Invite le Gouvernement à réfléchir à l’opportunité de créer un tel code de l’enfance.