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N° 5264

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2022

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les potentielles discriminations et renforcement des inégalités sociales de la plateforme numérique Parcoursup destinée à recueillir et gérer les vœux d’affectation des futurs étudiants de l’enseignement supérieur français,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Sébastien NADOT,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Parcoursup est une plateforme numérique destinée à recueillir et gérer les vœux d’affectation des futurs étudiants de l’enseignement supérieur français. Depuis 2020, elle gère près de 660 000 bacheliers, 180 000 étudiants en réorientations, 95 000 candidats à une reprise d’étude et 33 000 candidats ayant une scolarité à l’étranger, soit au total plus de 950 000 candidats pour 15 500 formations. Mise en place par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en 2018 dans le cadre de la loi « Orientation et réussite des étudiants », l’application Parcoursup a remplacé Admission PostBac (APB), mettant ainsi fin au tirage au sort et enregistrant les vœux motivés des candidats, qui doivent accepter ou décliner les propositions au fur et à mesure qu’elles leur sont faites.

Le Défenseur des droits, la Cour des comptes et le Conseil constitutionnel ont dénoncé ou souligné chacun à leur tour le manque de transparence du dispositif ainsi que les risques d’inégalité de traitement entre candidats.

La plateforme Parcoursup est censée permettre à l’étudiant de suivre l’évolution de son dossier de candidature et d’être alerté en cas de proposition lors de la phase d’admission. La sélection est effectuée en cohérence avec le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation et les compétences, auxquels s’ajoutent les caractéristiques de la formation et parfois certains aspects de son parcours individuel extrascolaire. L’ensemble des critères permet de paramétrer un algorithme qui effectue automatiquement la sélection des candidats.

Certains établissements semblent pourtant reprendre la main pour partie sur le processus, ajoutant leurs propres critères sélectifs. Les remontées de parents d’élèves, d’étudiants et de professeurs font état de difficultés importantes à construire une stratégie de vœux, de dysfonctionnements en nombre, d’une procédure chronophage et stressante pour les jeunes et leur entourage, convergeant vers l’idée que les objectifs fixés à la plateforme Parcoursup ne sont pas atteints. Plus grave, pour certains élèves, l’impact du dispositif est négatif. En plus d’importantes frustrations et du stress, on peut se demander si Parcoursup n’est pas générateur de discriminations. Des établissements limitent par exemple l’accès de certains bacheliers, parce que issus de lycées ayant mauvaise réputation. D’autres pondèrent les notes et interdisent ainsi l’accès à leur école aux futurs étudiants sur les résultats d’une seule matière. Parfois, le « parcours citoyen » hors temps scolaire est également un critère de sélection…

Parcoursup a fonctionné pour l’orientation des post‑bacheliers en 2020, 2021 et 2022. Des évolutions ont été apportées pour tenter de répondre aux nombreux problèmes soulevés. L’algorithme de classement local – c’est‑à‑dire au niveau de chaque établissement –, demeurant souvent inaccessible, est un point d’attention extrêmement pour un système national qui se veut juste. Autrement dit, un candidat ne peut généralement pas savoir pourquoi il n’a pas été retenu, ce qui fait peser de forts doutes sur l’ensemble du processus de Parcoursup compte tenu du manque de transparence.

Pour certains universitaires Parcoursup renforcerait la capacité des établissements à opérer une sélection sociale des étudiants tandis que le système bénéficierait globalement aux catégories socio‑professionnelles au capital culturel élevé, bonnes connaisseuses des rouages du milieu scolaire.

Dès 1970 dans La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement les sociologues Pierre Bourdieu et Jean‑Claude Passeron faisaient le constat d’une corrélation entre l’origine sociale, d’une part, et l’orientation scolaire, d’autre part, et montraient que l’école joue un rôle de légitimation et de reproduction des inégalités sociales. Plus récentes, les enquêtes PISA successives viennent également rappeler qu’en France les destinées scolaires se figent dès le plus jeune âge, ce qui caractérise la France comparée aux autres pays de la zone OCDE.

Après trois ans d’exercice de Parcoursup, il y a lieu d’effectuer un contrôle démocratique afin de mesurer si le dispositif participe de la reproduction des inégalités sociales, voire les renforce. Longtemps, il a été demandé à l’école de compenser les inégalités sociales en jouant le rôle d’ascenseur social potentiel de la République. Une évaluation de Parcoursup, au croisement des analyses statistiques, sociologiques et faisant aussi appel aux spécialistes en données et en informatique, doit permettre de dire s’il s’agit d’un dispositif neutre ou bien qui renforce les inégalités sociales devant l’école, sachant qu’elles demeurent aujourd’hui très fortes en France.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur les potentielles discriminations et renforcements des inégalités sociales de la plateforme numérique Parcoursup destinée à recueillir et gérer les vœux d'affectation des futurs étudiants de l'enseignement supérieur français.