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N° 218
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 septembre 2022.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),
présentée par Mesdames et Messieurs
Olivier MARLEIX, Raphaël SCHELLENBERGER, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZIN‑MALGRAS, Anne‑Laure BLIN, Émilie BONNIVARD, Jean‑Yves BONY, Ian BOUCARD, Jean‑Luc BOURGEAUX, Xavier BRETON, Hubert BRIGAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, Julien DIVE, Christelle D’INTORNI, Marie‑Christine DALLOZ, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Francis DUBOIS, Virginie DUBY‑MULLER, Pierre‑Henri DUMONT, Nicolas FORISSIER, Jean‑Jacques GAULTIER, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Justine GRUET, Victor HABERT‑DASSAULT, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Philippe JUVIN, Mansour KAMARDINE, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Alexandra MARTIN, Frédérique MEUNIER, Maxime MINOT, Yannick NEUDER, Jérôme NURY, Éric PAUGET, Christelle PETEX‑LEVET, Alexandre PORTIER, Aurélien PRADIÉ, Isabelle PÉRIGAULT, Nicolas RAY, Vincent ROLLAND, Vincent SEITLINGER, Nathalie SERRE, Michèle TABAROT, Jean‑Pierre TAITE, Jean‑Louis THIÉRIOT, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Antoine VERMOREL‑MARQUES, Jean‑Pierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Augmentation exponentielle des prix de l’énergie, hausse massive des importations d’électricité ces dernières années (44 TWh en 2021, dont 22,2 TWh depuis l’Allemagne et le Benelux, contre 27,5 TWh en 2007), sécurité d’approvisionnement sous tension et risque important de coupures d’électricité cet hiver, retour au charbon, perte de résilience et mise à mal de notre souveraineté : le naufrage de la politique énergétique du Président de la République est total.
La souveraineté de la France, c’est‑à‑dire sa capacité à maîtriser son destin, est le fondement même de notre liberté collective et de notre indépendance nationale. Charles De Gaulle, conscient que la France ne disposait pas d’assez de ressources énergétiques sur son territoire pour produire son électricité, développe alors l’énergie nucléaire en lançant un programme de développement dès 1945, avec la création du Commissariat à l’Énergie Atomique, afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement des Français et assurer une souveraineté nationale.
C’est ensuite le quadruplement du prix du pétrole fin 1973 qui poussa le Président George Pompidou et son Premier ministre Pierre Messmer à développer une industrie nucléaire civile massive pour ne pas dépendre de l’or noir. Puis, c’est successivement au tour de Valery Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy de soutenir cette filière.
La trajectoire défavorable à l’atome décidée par François Hollande et prise par Emmanuel Macron nous a menés dans le mur et met finalement en lumière le projet avant‑gardiste de Charles de Gaulle. Le Président de la République demande dorénavant aux Français d’attraper froid en hiver et de se serrer la ceinture afin de pallier ses seules erreurs de jugement.
Bien avant la pandémie de covid‑19, le gestionnaire de réseau RTE avait cependant prévenu, dans son bilan prévisionnel de 2019, que la situation serait critique avec « une sécurité d’approvisionnement sous vigilance » en 2022 et 2023.
Mais c’est ainsi : en confirmant la décision de François Hollande de fermer en 2020 la centrale de Fessenheim au terme d’un accord électoral entre le PS et EELV, l’actuel locataire de l’Elysée expose désormais notre pays à des coupures d’électricité qui semblent cette année inévitables.
Pourtant, depuis la dernière campagne présidentielle, M. Macron a changé d’avis après une valse‑hésitation : il souhaite désormais mettre l’accent sur le nucléaire… En quelques semaines, il a ainsi franchi la frontière entre le nucléaire honteux et polluant, au nouveau nucléaire qui est devenu synonyme des ambitions de réindustrialisation, de souveraineté et d’une promesse d’énergie abondante et bon marché.
Le Président souhaite donc désormais six nouveaux réacteurs de nouvelle génération pour 2035 et l’étude pour huit de plus pour la fin de la décennie 2040. Il propose également de revenir sur la fermeture actuellement programmée de douze réacteurs d’ici 2035 : un véritable virage à 180°. Mieux vaut tard que jamais, mais malheureusement, ce tournant intervient au moment où les acteurs de la filière sont affaiblis par sa faute. En outre, depuis son discours du 10 février 2020 à Belfort où il présentait son nouveau plan pour l’avenir énergétique en France, la loi n’a toujours pas été modifiée et la réduction de 75 à 50 % d’électricité nucléaire dans la production nationale est toujours d’actualité, tout comme la fermeture prévue des douze réacteurs, qui en découle.
Preuve, s’il en fallait, que les décisions du Président de la République se prennent soit par incompétence soit pour des raisons électoralistes, mais certainement pas sur la base de considérations économiques ou environnementales.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron tente donc d’effacer son passif en la matière et cherche à faire notamment oublier le désastre de la vente d’Alstom à General Electric (GE), dans lequel il porte une lourde responsabilité. En effet, lors de son discours à Belfort le 10 février 2022, il a annoncé le rachat de l’activité nucléaire de GE par EDF, censée être au centre de sa politique énergétique : comble du cynisme.
Malheureusement, les retards et l’envolée des coûts du chantier de l’EPR de Flamanville témoignent des effets de la perte de compétences et des surcoûts des décisions différées, provoqués par les erreurs de jugement d’un Président aujourd’hui dans l’impasse et coupable d’une terrible faille d’anticipation, largement inspirée par l’idéologie écologiste, punitive et décliniste.
En outre, 32 des 56 réacteurs nucléaires sont aujourd’hui à l’arrêt et EDF a indiqué une baisse de production de presque 50 %, situation historiquement inédite et dangereuse pour notre approvisionnement électrique. Malgré tous les arguments du Gouvernement pour justifier cette situation, seul le manque d’investissement dans la filière depuis 10 ans est responsable des fragilités de notre parc nucléaire.
Aussi, le prolongement de la centrale à charbon à Cordemais, ou encore le redémarrage prévu de celle de Saint‑Avold, est un autre exemple de la conséquence d’une stratégie énergétique sans cohérence, qui prétendait lutter contre les émissions de gaz à effet de serre mais préférait néanmoins fermer des centrales nucléaires plutôt que les centrales à charbon.
De surcroît, bien que les énergies « vertes » soient sans cesse qualifiées de compétitives et que leur développement massif soit perçu comme la solution pour réussir notre transition énergétique, leur impact sur la facture d’électricité commence à peine à se faire sentir et ne permettent pas de lutter contre le dérèglement climatique au détriment du nucléaire, selon le rapport de la Commission d’enquête parlementaire installée à la demande des députés LR en 2019 sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables.
La crise ukrainienne permet au Gouvernement français de se dédouaner de la hausse des prix de l’énergie et de l’électricité en particulier. Pourtant, ce sont bien le soutien massif aux énergies intermittentes, la fermeture de Fessenheim et l’aide aux fournisseurs alternatifs qui ont fait monter la facture. Les aléas conjoncturels renforcent certes cette situation, mais ne l’expliquent pas.
Cette proposition de résolution demande donc la création d’une commission visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.
Ce faisant, elle pourra analyser précisément les causes et origines des motivations qui ont poussé le Président de la République à avoir voulu réduire le parc nucléaire français avant de revenir sur cette décision une fois la filière fragilisée.
Au cours de ses travaux, la Commission pourrait se pencher sur les différents scénarios de trajectoire énergétique qui ont été envisagés et chercher à savoir si le Gouvernement avait pleinement conscience des risques qu’il faisait planer sur la sécurité d’approvisionnement des Français lorsqu’il a décidé de fermer Fessenheim et arrêté le projet ASTRID sans engager de nouveaux projets pour compenser les pertes de capacité de production.
proposition de rÉsolution
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