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N° 342

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à condamner le régime dictatorial de la République islamique d’Iran notamment pour ses crimes à l’encontre des femmes iraniennes,

présentée par Mesdames et Messieurs

Meyer HABIB, Olivier MARLEIX, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, AnneLaure BLIN, Émilie BONNIVARD, JeanYves BONY, Ian BOUCARD, JeanLuc BOURGEAUX, Hubert BRIGAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, MarieChristine DALLOZ, Christelle D’INTORNI, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, PierreHenri DUMONT, Nicolas FORISSIER, JeanJacques GAULTIER, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Justine GRUET, Victor HABERTDASSAULT, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Philippe JUVIN, Marc LE FUR, Emmanuel MAQUET, Alexandra MARTIN, Frédérique MEUNIER, Maxime MINOT, Yannick NEUDER, Éric PAUGET, Isabelle PÉRIGAULT, Christelle PETEXLEVET, Alexandre PORTIER, Aurélien PRADIÉ, Nicolas RAY, Vincent ROLLAND, Raphaël SCHELLENBERGER, Vincent SEITLINGER, Nathalie SERRE, Michèle TABAROT, JeanPierre TAITE, JeanLouis THIÉRIOT, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Antoine VERMORELMARQUES, JeanPierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 16 septembre dernier, la police des mœurs de la République islamique d’Iran assassinait Mahsa Amini, iranienne d’origine kurde de vingt‑deux ans, au prétexte funeste que son voile ne couvrait pas suffisamment ses cheveux.

Depuis, un vent de révolte souffle au sein de ce peuple épris de liberté, nous faisant croire en un nouvel espoir démocratique et libéral en Iran après quarante ans de dictature islamiste.

Alors que la répression du régime a fait plus de cent morts depuis son assassinat, Mahsa Amini est devenue le visage de la Liberté des femmes dans le monde et le martyr d’un idéal brandi par un peuple millénaire qui a tant apporté à la civilisation humaine.

Lorsqu’en 1979, la Révolution islamique menée par l’Ayatollah Khomeni renversait le régime inégalitaire des Shah d’Iran, l’obscurité se refermait sur cette nation au cœur de l’ancienne Mésopotamie.

L’Iran devint alors un régime théocratique menaçant pour les droits humains les plus élémentaires de son propre peuple, en particulier des femmes, sommées de porter leur voile dans l’espace public au risque de subir des peines particulièrement lourdes pouvant aller des traitements arbitraires, inhumains et dégradants jusqu’à la torture.

Comme à chaque fois que la liberté est menacée dans le monde, les femmes sont les premières à en payer un lourd tribut. En Iran et dans les pays où la Chariah est scrupuleusement appliquée, le voile islamique sert d’étendard à l’Islam politique pour affirmer la mainmise de la théocratie sur tous les pans de la société.

Nous, Français, devons regarder l’Iran avec les yeux d’un vieux pays, d’un vieux continent, d’une civilisation judéo‑chrétienne, humaniste, qui porte les valeurs universelles du siècle des Lumières comme fondement de son identité.

Notre assemblée ne peut rester insensible et inactive à la souffrance de cette civilisation sœur, qui dépasse et transcende l’islam politique.

La barbarie qui s’est emparée de l’Iran ne peut pas nous laisser indifférents. Civilisation longtemps considérée comme celle de l’Autre, des passerelles solides, indéfectibles et anciennes relient pourtant Paris et Téhéran.

L’Iran des Mollah est l’antithèse de cette civilisation. Un régime sanguinaire, contre nature. Comment continuer à accepter la violence inouïe imposée aux femmes dans une nation où la langue persane est historiquement le vecteur de l’amour et des plaisirs, sauvegardée au fil des siècles grâce à la poésie d’Hafez ou Ferdowsi ?

La question du voile obligatoire ne doit pas non plus être éludée. Alors que certains s’adonnent à banaliser le port du voile en France, le qualifiant d’habit quelconque qu’il conviendrait d’accepter indifféremment dans nos sociétés occidentales au nom de la liberté individuelle, des millions de femmes dans le monde risquent chaque jour leur vie lorsqu’elles décident de le retirer. La situation terrible que vit l’Iran nous rappelle que le voile est avant tout un symbole d’oppression des femmes, jamais de liberté.

La présente résolution vise à adopter un symbole fort de la part de notre Assemblée et de montrer l’exemple à tous les Parlements du monde libre : la condamnation unanime et officielle, par‑delà nos sensibilités politiques, du régime de la République islamique notamment pour ses crimes à l’encontre des femmes iraniennes.

Depuis deux semaines, notre Assemblée apporte son soutien à ces femmes et à leur soif d’émancipation du joug de la République islamique. La Présidente de l’Assemblée nationale, dans un moment de solennité rare, a fait respecter une minute de silence en ce sens en ouverture de la première séance des Questions au Gouvernement de la session ordinaire, ce mardi 4 octobre 2022.

S’il faut distinguer les régimes et leur contingence, aux nations multi‑millénaires et leur permanence, notre Assemblée sortirait grandie d’adopter une résolution visant à s’associer à la révolte du peuple iranien contre un régime inique, homophobe, misogyne, négationniste, autoritaire et despotique, dont les valeurs sont en tout point opposées à celles que nous défendons depuis la Révolution française.

La République islamique d’Iran est par ailleurs à quelques étapes de devenir une puissance nucléaire dans le silence assourdissant des nations. Elle deviendrait le premier régime islamiste à détenir des armes nucléaires de destruction massive. C’est une menace pour toute l’humanité.

Le régime iranien est devenu la matrice de l’islamisme, ennemi existentiel de la France et de l’Europe, qui a tant endeuillé nos nations depuis vingt ans. Protagoniste d’une guerre ayant défiguré le Moyen‑Orient il y a trente‑trois ans, l’Iran est aujourd’hui le chef de file d’une idéologie qui a ensanglanté le monde libre, de New‑York à Madrid, de Paris à Londres, ou de Nice à Vienne.

Près de quarante ans après l’attentat du Drakkar qui a tué 58 de nos parachutistes dans un attentat à Beyrouth, l’Iran continue de soutenir le Hezbollah libanais, groupe classé terroriste par l’Union européenne.

Ce régime iranien qui garde arbitrairement en otage les syndicalistes français Cécile Kohler et son époux Jacques Paris, arrêtés en mai dernier et accusés sans fondement d’espionnage par le régime.

Ce même régime qui persécute les homosexuels, les minorités kurdes et organise des concours de caricature de la Shoah chaque mois, et dont le Président n’hésite pas à affirmer qu’il émet des doutes sur la véracité du génocide juif, souhaite ouvertement rayer Israël de la carte du monde.

Ne répétons pas les erreurs du passé. Rappelons‑nous des mots de Raymond Aron en réaction à l’accueil de l’Ayatollah Khomeni, en exil en France : « Ils ont oublié que l’Histoire est tragique ». Rétrospectivement, il semblerait hélas que ce jour‑là, la France commettait, par ignorance, imprudence et méprise, une faute morale, politique et historique.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Convention des Nations unies de 1979 sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes,

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,

Constatant les assassinats de plusieurs femmes iraniennes par la brigade des mœurs du régime iranien ;

Constatant que Jina Mahsa Amini, femme kurde iranienne, a été arrêtée le 13 septembre 2022 à Téhéran par la police des mœurs pour avoir porté son voile de manière « inappropriée », que cette police des mœurs procède régulièrement à des détentions arbitraires de jeunes femmes pour non‑respect du port obligatoire du voile, et qu’elle a battu Jina Mahsa Amini jusqu’à la faire tomber dans un coma, avant de décéder trois jours plus tard ;

Constatant les multiples formes de discrimination à l’encontre des homosexuels et l’entrave à leurs droits élémentaires ;

Constatant les dispositifs de répression généralisée ayant conduit à la mort de plus de cent personnes en marge des manifestations iraniennes consécutives au meurtre de Mahsa Amini ;

Constatant que la République islamique d’Iran se rapproche chaque jour un peu plus de l’arme nucléaire, à partir des stocks d’uranium enrichis observés par l’Agence internationale de l’énergie atomique ;

1. Présente ses condoléances à la famille de Madame Mahsa Amini ;

2. Reconnaît officiellement les violences perpétrées par les autorités de la République islamique d’Iran comme attentatoires aux droits humains les plus élémentaires ;

3. Affirme son soutien au peuple iranien et aux femmes désirant se libérer de l’obligation du port du voile ;

4. Invite le Gouvernement français à protéger les ressortissants iraniens sur le sol français de toute intimidation ou de tout harcèlement de la part de la République islamique d’Iran ;

5. Invite le Gouvernement français à adopter les mesures nécessaires auprès de la communauté internationale et dans sa politique étrangère à l’égard de la République islamique d’Iran pour faire cesser ces crimes et pour que les libertés fondamentales soient respectées.