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N° 1012

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mars 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur
le fonctionnement et l’efficacité des caisses de retraite
en France,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien DIVE, Francis DUBOIS, Isabelle PÉRIGAULT, Raphaël SCHELLENBERGER, Isabelle VALENTIN, Ian BOUCARD, JeanJacques GAULTIER, Hubert BRIGAND, Éric PAUGET, Véronique LOUWAGIE, Nathalie SERRE, JeanPierre VIGIER, Maxime MINOT, Justine GRUET, Victor HABERTDASSAULT, Josiane CORNELOUP, PierreHenri DUMONT, Yannick NEUDER, Stéphane VIRY, Nicolas FORISSIER, Dino CINIERI, Nicolas RAY, Pierre CORDIER, Frédérique MEUNIER, Valérie BAZINMALGRAS, JeanPierre TAITE, Christelle D’INTORNI, Philippe GOSSELIN, Michel HERBILLON, Philippe JUVIN,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pensions de retraite : des erreurs de calcul fréquentes  

« Aideznous à améliorer nos services » : c’est l’invitation qu’ont lancé la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) à leurs assurés. Les délais de traitement sont souvent le premier motif qui ressort des réclamations émises auprès des services. Aujourd’hui, pas moins de 21 000 nouveaux retraités attendent de recevoir leur pension de retraite et ce nombre serait sous‑estimé ([1]).

Dans son rapport sur l’exercice 2021 de la branche vieillesse de la Sécurité sociale publié en juin 2022, la Cour des comptes épingle les dysfonctionnements récurrents touchant les calculs effectués au moment de la liquidation des retraites de base. Le rapport des Sages ne compte pas moins d’une nouvelle retraite sur sept comportant au moins une erreur de portée financière : un nombre de trimestre mal pris en compte, des déclaration erronées de la part des employeurs ou encore une mauvaise prise en compte des ressources avant l’attribution du minimum vieillesse. Les erreurs sont donc plus généralement en faveur de la caisse que des retraités. La Cour des comptes estime le montant de ces erreurs à environ 70 millions d’euros sur les 5,8 milliards d’euros de prestations attribuées en 2021.

 

Le fonctionnement en trois niveaux des caisses de retraite en France

Créé en 1945 avec la Sécurité sociale et au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le système de retraite est l’un des fleurons du modèle social français. Pourtant, 70 ans après sa création, il est souvent critiqué pour sa complexité.

La retraite en France a un fonctionnement fondé sur trois niveaux :

– Le premier niveau est le régime de retraite de base ; ce régime est basé sur des cotisations et la répartition. Il est obligatoire donc tout travailleur doit cotiser.

– Le second niveau est le régime de retraite complémentaire ; il est aussi obligatoire et fonctionne par répartition.

– La retraite supplémentaire ou surcomplémentaire ; facultative, elle peut être individuelle ou d’entreprise.

Le premier niveau de la retraite obligatoire est le régime de base qui constitue le fondement du système de retraite français et qui concerne aussi bien les salariés du privé, les fonctionnaires, les travailleurs non‑salariés (professions libérales, artisans…) que les salariés bénéficiant de régimes spéciaux (RATP, SNCF, EDF‑GDF…). Fondés sur la solidarité entre générations, les régimes de base fonctionnent sur le principe d’un système par répartition. Les salariés en activité cotisent ainsi pour payer les pensions de retraite de leurs aînés, c’est d’ailleurs tout l’enjeu du débat sur l’âge du départ à la retraite. Ces trimestres de retraite ouvrant ensuite droit à une pension de vieillesse. Ces droits accumulés sont reversés par différents organismes au moment du départ à la retraite, sous la forme d’une pension de retraite de base et une pension de retraite complémentaire.

Le deuxième niveau concerne la retraite complémentaire qui est également obligatoire depuis 1972. Elle a vocation à compléter la retraite de base versée par les caisses de régime général en leur versant un complément ou une addition de pension. Différents organismes sont chargés de d’administrer et de verser la pension complémentaire en fonction du régime de l’assuré social comme l’Agirc‑arcco, l’Ircantec ou encore la RAFP. Pour la grande majorité d’entre eux, il s’agit d’un fonctionnement par points : tout au long de sa carrière, le travailleur cotise et en échange cumule des points proportionnellement à son revenu et ses cotisations.

Le troisième niveau, la retraite supplémentaire, encore appelée retraite surcomplémentaire, désigne les régimes de retraite facultatifs par capitalisation (non légalement obligatoires) proposés par certaines entreprises à leurs salariés, ainsi que les produits d’épargne retraite individuels. Il s’agit aussi d’une solution souvent privilégiée par les indépendants ou dirigeants d’entreprise qui cotisent peu au régime général de la Sécurité sociale.

L’ensemble se traduit par la coexistence de 42 caisses et 36 régimes de retraite de base et complémentaires différents. Salarié du privé, militaire, employé agricole, cadre de la fonction publique… la pension de chacun de ces professionnels répond à des règles propres.

Des dysfonctionnements au détriment des plus modestes

Au 31 décembre 2022, le régime général verse une pension à 15 millions de retraités de droit direct ou dérivé. Avec les dossiers de milliers de nouveaux retraités, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail ne parviennent pas à les traiter en temps et en heure. Or, ces difficultés sont généralement rencontrées par les plus modestes car ce sont eux qui, le plus souvent, ont alterné entre périodes d’activité et de chômage. En outre, plus le salaire est important, plus les retards ou erreurs de versement sont supportables. Ce dysfonctionnement administratif entraine de lourdes conséquences pour beaucoup de Français avec de faibles revenus car ils se trouvent privés de ressources. En effet, en raison de retards et erreurs, certains retraités sont confrontés à des situations dramatiques par un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public dont la mission propre est pourtant de calculer et verser le montant des retraites. Il existe de nombreux exemples qui illustrent les dysfonctionnements dans le calcul du montant des retraites comme celui d’une assurée de 61 ans qui a déposé sa retraite le 1er juillet 2022 et dont le dossier n’a été traité que mi‑septembre. Il s’est agi pour elle de « tenir trois mois sans cet argent, une pension de 1027 euros, et cette période a été un vrai calvaire ». Autre exemple dans l’Aube : une retraitée a vu, depuis le début de l’année 2023, le montant de sa pension de retraite chuter de 30 %, soit 300 euros sur une pension d’environ 1 100 euro, en raison d’une erreur de calcul. De nombreux cas aussi attestent de retards ou de retraites non payées au motif de bugs informatiques, de services injoignables et d’appels téléphoniques qui n’aboutissent pas. Aussi, les retraités témoignent souvent de l’impossibilité de rencontrer physiquement un interlocuteur, de recevoir des courriers comportant des informations contradictoires ou encore, et le cas le plus fréquent, d’envoyer des dossiers en recommandé non reçus par la CARSAT.

Alors que le pays est marqué par une forte mobilisation contre la réforme des retraites, cette dernière peut perturber encore davantage les procédures administratives si un plan d’action national n’est pas rapidement mis en application. Il serait donc nécessaire que les pouvoirs publics prennent en compte la gravité de la situation en :

– rendant obligatoire la tenue d’entretiens préparatoires pour faciliter la constitution des dossiers

– versant sans délai les pensions des nouveaux retraités et les pensions de réversion

– neutralisant les frais ou pénalités générés par les retards de paiement

La retraite est un droit qui doit être respecté et honoré en temps et en heure ; or, en faisant subir ces dysfonctionnements, ces situations font porter un préjudice certain à la santé physique et morale de ces nombreux retraités. Le départ à la retraite est une étape importante dans une vie qui induit des bouleversements comme une chute drastique des revenus donc ces nombreuses erreurs administratives n’ont pas leur place dans un pays aujourd’hui touché par une forte inflation.

La problématique de l’efficacité des caisses de retraite en France n’a encore jamais été traitée, c’est pourquoi la commission d’enquête doit faire toute la lumière sur ces dysfonctionnements administratifs qui pénalisent de nombreux retraités.

 

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres. Cette commission d’enquête a pour mission :

1° De dresser un bilan régime du fonctionnement des caisses de retraite en France ;

2° D’étudier les conséquences économiques et sociales de ce fonctionnement sur les portefeuilles des retraités.


([1]) https://www.ladepeche.fr/2022/11/15/retraites-21-000-pensionnaires-payes-en-retard-cette-annee-comment-expliquer-une-telle-situation-10804839.php