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N° 1320

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les violences et la menace terroriste d’extrême droite,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Aurélien TACHÉ, Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, Julien BAYOU, Lisa BELLUCO, Charles FOURNIER, MarieCharlotte GARIN, Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Julie LAERNOES, Benjamin LUCAS, Francesca PASQUINI, Sébastien PEYTAVIE, Marie POCHON, JeanClaude RAUX, Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Sophie TAILLÉPOLIAN, Nicolas THIERRY, Nadège ABOMANGOLI, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Clémentine AUTAIN, Mickaël BOULOUX, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Florian CHAUCHE, Hendrik DAVI, Arthur DELAPORTE, Alma DUFOUR, Karen ERODI, David GUIRAUD, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Élisa MARTIN, Danièle OBONO, Thomas PORTES, Ersilia SOUDAIS, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député‑e‑s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les incidents, violences et même attentats liés à des groupuscules d’extrême droite se répètent et se sont même considérablement amplifiés ces dernières années. Il ne faut plus avoir peur des mots : si tous ces évènements ne sont pas du terrorisme, nous parlons pourtant aussi d’une menace terroriste liée principalement à des groupes suprémacistes qui se dessine et prend corps sous nos yeux. Une menace et des violences face auxquelles de nombreux français se sentent abandonnées et que l’État semble avoir du mal à appréhender.

L’incendie perpétré contre le domicile du Maire de Saint‑Brévin, démissionnaire depuis, étant le dernier exemple en date devrait jouer un rôle de déclencheur, annonciateur de la catastrophe vers laquelle on se dirige tout droit sans sursaut.

Alors que ce maire vient de révéler devant la commission des lois du Sénat, que toutes les demandes de protection qu’il avait effectuée étaient restées sans réponse jusqu’à l’incendie de sa maison, que jamais les services de l’État ne l’avaient soutenu et que le Préfet de Loire‑Atlantique, enchainant les mensonges, a même été jusqu’à interdire la manifestation de soutien qu’il a reçue, le gouvernement reste dans le déni en parlant simplement d’augmenter les sanctions pour les violences contre les élus et refuse toujours de nommer le mal : l’extrême‑droite.

Pourtant, dans ce tragique évènement, tous les dysfonctionnements sont sous nos yeux et à toutes les échelles de l’État. Et ces dysfonctionnements s’inscrivent dans un contexte où les violences liées à l’extrême‑droite prospèrent, où des groupuscules nazis paradent dans nos rues et où nous constatons une augmentation d’agressions commises par des groupuscules racistes et homophobes contre des étudiants, des associations, des élus…

Les auditons effectuées avant l’examen de la proposition de loi visant à dresser un état des lieux exhaustif de la menace terroriste d’extrême droite ont fait apparaitre que bien souvent les personnes ou associations menacées ne se sentent pas protégées par l’État. Pour ne citer que quelques exemples : Invasion des locaux de SOS Méditerrané à Marseille et agression physiques des salariées, 6 femmes et un homme, qui ont crus « qu’il s’agissait d’un attentat » en 2018, attaques récentes des centres du planning familial à Bordeaux, l’UNEF qui témoigne d’actes violents de l’extrême‑droite dans les universités légitimées par un discours politique intolérant.… Agrégés les uns aux autres, ces exemples tissent une réalité : les associations sont harcelées, en ligne et dans le monde bien réel ; leurs actions sont menacées, voire parfois annulées ; un poids singulier et anormal pèse sur les salariés et les bénévoles et parfois les élus, qui craignent pour leur propre intégrité physique.

Par ailleurs, le rapport annuel d’Europol sur l’état et les tendances du terrorisme en Europe publié mi‑juillet 2022 dresse un constat sans appel : en 2021, c’est presque la moitié des arrestations menées dans le cadre de dossiers terroristes d’extrême droite en Europe qui ont eu lieu en France. Notre pays totalise 37 % (contre 46 % en 2019 et 39 % en 2020) des interpellations en Europe en lien avec des affaires de terrorisme jihadiste et 45 % (33 % il y a trois ans) de celles concernant le terrorisme d’extrême droite.

Au titre des exemples récents : Le 23 juin 2022, un homme a été interpelé à son domicile de Faches‑Thumesnil, après un signalement via la plateforme en ligne Pharos d’une vidéo publiée sur l’application Telegram. Dans cette vidéo il faisait part « de son intention de commettre une attaque contre la mosquée de Lille‑Sud. Il est poursuivi pour « apologie publique d’un acte de terrorisme » et « menace de mort » commise en raison « de la race, l’ethnie, la nation ou la religion ».

Le 23 décembre 2022, une femme et deux hommes ont été tués près du Centre culturel kurde Ahmet‑Kaya à Paris. Le suspect, William, était déjà connu « pour tentative d’homicide volontaire dans un camp de migrants » à Paris en 2021 et a revendiqué un acte raciste. Pour le Conseil Démocratique Kurde en France, il est « inadmissible » que la fusillade ne soit pas qualifiée d’attentat terroriste.

Le 17 janvier 2023, treize membres des « Barjols », groupe proche de l’extrême droite identitaire, ont été renvoyés par des juges antiterroristes devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont soupçonnés d’avoir envisagé une attaque contre le président de la République, Emmanuel Macron, en 2018. Le 2 février, jusqu’à cinq ans de prison ferme et une relaxe ont été requis contre ce groupuscule.

Le 10 mai 2023, le média Politis nous apprenait que quatre personnes, dont un gendarme, comparaîtront devant la cour d’assises de Paris, du 19 au 30 juin, pour des projets d’attentats liés à l’extrême droite. Parmi les potentielles cibles, Jean‑Luc Mélenchon ou encore le rappeur Médine.

Le 22 mai 2023, le centre LGBTI de Touraine en Indre‑et‑Loire a été attaqué pour la sixième fois en deux mois avec un engin explosif.

Partout la menace monte ; dans ce cadre, il est urgent de prendre la véritable mesure des violences liée à l’extrême‑droite dans notre pays mais aussi du risque terroriste auquel la France est exposée du fait de mouvements et d’individus d’extrême‑droite.

Dans ce cadre, cette proposition de résolution vise à la création d’une commission d’enquête visant à analyser et établir un état des lieux exhaustif des violences et de la menace terroriste liée à l’extrême droite en France. Cette commission devra également faire la lumière quant à la manière dont l’État l’appréhende cette menace et y répond.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres. Cette commission d’enquête vise à dresser un état des lieux exhaustif des violences et de la menace terroriste d’extrême droite. Elle a pour missions :

1° d’apporter une estimation du nombre de personnes ayant participé à au moins une action, formation ou séjour d’un groupuscule d’extrême droite au cours des six dernières années ;

2° de présenter, en tendance, le développement de ladite activité et de ses locaux au cours des six dernières années ;

3° d’établir une analyse de la structure des groupuscules d’extrême droite, de leur financement et de leurs éventuels liens avec des partis politiques en France et à l’étranger ;

4° de lister une synthèse des risques d’attaques terroristes d’extrême droite au cours de ces six dernières années ;

5° d’analyser le cadre juridique assurant la protection des élus, de leur domicile et des personnes travaillant pour des associations réalisant des missions humanitaires, ainsi qu’une étude de l’opportunité de faire évoluer ce cadre afin de renforcer cette protection ;

6° d’observer les actions précises engagées par l’État à la suite des signalements de menaces d’extrême‑droite et étudier les raisons de ses faiblesses et ses dysfonctionnements ;

7° d’identifier l’état de la présence de l’idéologie d’extrême droite et identitaire au sein des services spécialisés en charge de la détection et de l’analyse de cette menace ;

8° d’exposer le soutien financier dont bénéficient les médias d’extrême droite, notamment grâce aux annonceurs publicitaires et aux capitaux français et étrangers.