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N° 1401

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à ouvrir exceptionnellement l’Ordre de la Libération
pour l’amiral Philippe de Gaulle,

présentée par Mesdames et Messieurs

Jérôme NURY, Olivier MARLEIX
et les membres du groupe Les Républicains (1) et apparentés (2),

députés.

 

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Emmanuelle Anthoine, Thibault Bazin, Valérie Bazin‑Malgras, Anne‑Laure Blin, Émilie Bonnivard, Jean‑Yves Bony, Ian Boucard, Xavier Breton, Hubert Brigand, Fabrice Brun, Dino Cinieri, Éric Ciotti, Josiane Corneloup, Marie‑Christine Dalloz, Vincent Descœur, Fabien Di Filippo, Julien Dive, Francis Dubois, Virginie DubyMuller, Pierre‑Henri Dumont, Nicolas Forissier, Jean‑Jacques Gaultier, Annie Genevard, Philippe Gosselin, Justine Gruet, Victor Habert‑Dassault, Michel Herbillon, Patrick Hetzel, Christelle D’Intorni, Philippe Juvin, Mansour Kamardine, Marc Le Fur, Véronique Louwagie, Emmanuel Maquet, Olivier Marleix, Alexandra Martin, Frédérique Meunier, Maxime Minot, Yannick Neuder, Jérôme Nury, Éric Pauget, Isabelle Périgault, Christelle Petex‑Levet, Alexandre Portier, Aurélien Pradié, Nicolas Ray, Vincent Rolland, Raphaël Schellenberger, Vincent Seitlinger, Nathalie Serre, Michèle Tabarot, Jean‑Pierre Taite, Jean‑Louis Thiériot, Isabelle Valentin, Pierre Vatin, Antoine Vermorel‑Marques, Jean‑Pierre Vigier, Alexandre Vincendet, Stéphane Viry.

(2) Messieurs : Jean‑Luc Bourgeaux, Pierre Cordier, Meyer Habib.

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

 

« Philippe de Gaulle, premier des Compagnons »

 

Mesdames, Messieurs,

Certains noms font l’Histoire. De Gaulle est sans aucun doute l’un des plus prestigieux.

Fils aîné d’Yvonne et de Charles de Gaulle, Philippe naît le 28 décembre 1921 à Paris.

À 18 ans, le concours de l’École navale qu’il prépare est interrompu par la guerre. Refusant d’accepter la défaite, il embarque pour l’Angleterre le 18 juin 1940 afin d’y continuer la lutte. Philippe de Gaulle apprend, lorsqu’il débarque au port de Falmouth le 19 juin au matin, que son père vient de lancer un appel à la résistance.

Il est alors l’un des premiers de ceux qui s’engageront pour poursuivre la lutte, que l’on nommera les « Français libres ». Le Général, isolé après la signature de l’armistice et condamné à mort par un tribunal militaire, peut compter sur le soutien indéfectible de son fils qui sera à ses côtés lors du deuxième appel à la BBC, le 22 juin.

Philippe de Gaulle s’engage ensuite dans les Forces navales françaises libres. Embarqué comme enseigne de vaisseau de 1re classe, il participe à la bataille d’Angleterre en 1940, puis à la bataille de l’Atlantique contre les sous‑marins allemands jusqu’en 1944. Alors que la perspective du débarquement approche, il incorpore le régiment blindé de fusiliers marins de la 2e Division Blindée du général Leclerc.

Il rejoint donc les hommes qui avaient fait le serment le 2 mars 1941 à Koufra (Libye), de ne déposer les armes que « lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ».

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« La 2e Division Blindée »

La 2e Division Blindée, dite 2e DB compte lorsqu’elle débarque en France un effectif de près de 12 500 combattants. 6 410 hommes qui la composent tomberont en 8 mois. Il faudra attendre la fin de la campagne de France pour que l’afflux massif de volontaires porte ses effectifs à 18 000.

Philippe de Gaulle arrive le 2 août 1944 sur la côte normande. Deux mois après le débarquement et l’opération OVERLORD, les Alliés qui avaient rapidement sécurisé le Cotentin se sont retrouvés bloqués dans l’Orne par les Allemands retranchés dans les plaines et le bocage normand.

Le 6 août 1944, Hitler ordonne le déclenchement d’une offensive, l’opération Liège, qui échoue. Les Allemands au nombre de 150 000, qui s’étaient dangereusement avancés, commencent à être pris au piège dans la « poche » de Falaise‑Chambois.

Aux Alliés de prendre ces deux villes et de refermer la poche afin d’anéantir l’ennemi.

Le commandement allié ne rate pas cette occasion et lance dès le 7 août de violentes contre‑attaques au cours desquelles s’illustre la 2e DB.

Les forces allemandes conscientes de l’importance stratégique d’Argentan pour éviter l’encerclement s’accrochent, soldant ainsi par des échecs les différentes tentatives alliées de reprendre la ville.

Dans ce contexte, la vitesse et l’usage de chars sont essentiels pour prendre à revers l’ennemi. Philippe de Gaulle et son unité assurent dès lors avec succès, une mission de ravitaillement pour un peloton de blindés tombés en panne de carburant au milieu des lignes ennemies.

Argentan est libérée peu après le 12, Falaise le 16 et la « poche » de Falaise‑Chambois refermée. Les Allemands y perdent près de 50 000 hommes, tués, blessés ou prisonniers.

*

La Normandie libérée, la route de Paris est désormais ouverte.

Au matin du 25 août 1944, Philippe De Gaulle et son peloton entrent par la porte d’Orléans dans la capitale. L’après‑midi même, il se voit confier la tâche de négocier la reddition de plusieurs centaines de soldats allemands retranchés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Accompagné d’un officier allemand prisonnier, il pénètre sans arme dans le bâtiment et négocie avec succès la reddition. Sauvant ainsi le Palais Bourbon de combats qui auraient pu être fatals au magnifique édifice du XVIIIe siècle.

Par la suite, il prendra part aux violents combats qui se dérouleront à Saint‑Denis et au Bourget. Plus de 12 000 Allemands seront tués, blessés ou prisonniers quand la 2e DB perdra près de 1 800 hommes.

Après une réorganisation de la 2e DB, Philippe de Gaulle prend la tête du 1er peloton du 1er escadron. Avec 52 hommes dont la moitié composée de conscrits et quelques chars vétustes, il s’illustre à de nombreuses reprises couvrant ainsi l’avancée des troupes alliées vers le Rhin.

Touché par des éclats d’obus lors d’une embuscade ennemie, il participe malgré ses blessures à la percée des lignes allemandes près des Vosges à la mi‑novembre 1944, et à la prise de nombreux villages : Nonhigny, Montreux, puis Parux et Cirey. La colonne allemande qui battait en retraite est anéantie. En moins d’une semaine, plus d’une centaine d’hommes dont plusieurs officiers sont faits prisonniers. La percée réalisée permet également la prise de Badonviller et Bréménil et ouvre aux Alliés, la route de Strasbourg et de sa cathédrale.

Philippe de Gaulle participera ensuite à la bataille des Ardennes où l’intervention de la deuxième Division Blindée permettra d’éviter la retraite des Français. L’unité de Philippe de Gaulle détruira dans ces combats quatorze chars et neuf véhicules blindés ennemis.

*

L’ordre de la Libération

L’ordre de la Libération est une distinction prestigieuse créée par le Général de Gaulle le 16 novembre 1940.

Elle récompense le courage et le dévouement de ceux qui ont contribué de manière significative et déterminante à la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Une distinction unique décernée à des individus, des unités militaires ou des communes pour leur rôle exceptionnel. Deuxième ordre national français après la Légion d’honneur, l’ordre de la Libération ne comporte qu’un seul titre, celui de Compagnon de la Libération et un insigne unique, la croix de la Libération.

Les 1 038 Compagnons de la Libération sont issus de 25 nationalités différentes, de tous âges et de tous milieux. Parmi eux, des héros parfois très jeunes comme Mathurin Henrio, abattu par les Allemands à l’âge de 14 ans, ou encore des visages plus connus comme le Général Dwight Eisenhower qui deviendra plus tard, le 34e Président des États‑Unis.

Six femmes ont reçu cette distinction : Berty Albretch, Laure Dieboldd, Marie Hackin, Marcelle Henry, Simone Michel‑Lévy et Emilienne Moreau‑Evard. Toutes résistantes pendant la guerre.

Par décret en date du 23 janvier 1946, le Général de Gaulle met fin à l’attribution de la croix de la Libération. Deux exceptions seront faites après cette date. La première en 1958 pour le Premier ministre britannique Winston Churchill qui a « inspiré et dirigé la résistance de son pays et contribué, par‑là, d’une manière décisive à sauver la liberté du monde ». La seconde à titre posthume en 1960 pour le roi Georges VI, fervent opposant au régime nazi.

Avant de fermer l’ordre, le Général de Gaulle organisa une cérémonie grandiose pour le 11 novembre 1945. Les noms de quinze personnes – treize hommes et deux femmes – morts pour la France, furent tirés au sort pour cette cérémonie symbolique.

Leurs cercueils furent transférés et veillés sous le dôme doré de l’Hôtel des Invalides le 10 novembre. Ils furent escortés le 11 jusqu’à l’Arc de triomphe, puis disposés autour du Soldat inconnu, créant un lien entre les deux conflits mondiaux. Le convoi funèbre rejoignit ensuite le Mont‑Valérien, lieu hautement symbolique ou plus de mille résistants avaient été fusillés pendant la guerre.

En 1952, Edmond Grethen, fusillé en Indochine en mars 1945 sera inhumé à leurs côtés. Ces seize morts pour la France reposèrent sur ces lieux jusqu’à l’inauguration du mausolée de la France combattante en 1960.

Leurs seize cercueils furent disposés en cercle autour d’un caveau vide, destiné à accueillir le dernier Compagnon de la Libération.

Hubert Germain, décédé le 12 octobre 2021 y sera inhumé le 11 novembre 2021 à l’issue d’une cérémonie en tous points similaires à celle qui avait eu lieu 76 ans plus tôt.

*

Une reconnaissance partielle et tardive pour un engagement exemplaire.

Il faut attendre avril 1945 pour que Philippe de Gaulle reçoive des mains du général Leclerc sa première décoration militaire, la croix de Guerre 1939 – 1945 avec trois citations pour faits de guerre. Un peu plus d’un an plus tard, il sera fait chevalier de la Légion d’honneur.

Un engagement pour la France que Philippe de Gaulle continuera bien après la fin de la Seconde Guerre mondiale. En poursuivant sa carrière militaire dans la marine où il deviendra contre‑amiral en 1971, puis vice‑amiral en juin 1975 et amiral en juin 1980. Il dirigera par ailleurs la délégation française lors des négociations de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui ont abouti à la convention de Montego Bay en 1982, après 9 ans de travail.

La même année, il prendra sa retraite en tant qu’Inspecteur général de la marine avant de commencer une carrière politique où il continuera de servir comme conseiller de Paris et adjoint au Maire de Paris chargé des relations extérieures, puis comme conseiller régional Île‑de‑France et sénateur de Paris de 1986 à 2004.

Après une longue carrière et un engagement exemplaire, la France retient que le Général de Gaulle a toujours refusé de décerner la médaille de la Résistance à son fils Philippe, tout comme il lui a refusé le titre de Compagnon de la Libération.

Un refus justifié par la simple inquiétude de se voir reprocher un acte de népotisme.

La France doit reconnaître ses héros.

L’engagement de Philippe de Gaulle dans la Libération doit être reconnu.

Tel est le sens de cette proposition de résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’ordonnance n° 5 du 12 novembre 1940 précisant les conditions dans lesquelles seront prises les décisions du Chef des Français Libres,

Vu l’ordonnance n° 7 du 16 novembre 1940 créant l’Ordre de la Libération,

Vu le décret du 23 janvier 1946 mettant fin à l’attribution de la croix de la Libération,

Vu le décret du 18 juin 1958 portant attribution de la croix de la Libération à Sir Winston Churchill,

Vu le décret du 4 avril 1960 portant attribution de la croix de la Libération à Sa Majesté le roi George VI,

Considérant ses états de service irréprochables durant la Seconde Guerre mondiale ;

Invite le Gouvernement à ouvrir exceptionnellement l’Ordre de la Libération à l’amiral Philippe de Gaulle.