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N° 1615

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

appelant le Gouvernement français à défendre la souveraineté agricole française contre la stratégie de décroissance agricole de la Commission européenne,

présentée par

M. Grégoire de FOURNAS, Mathilde PARIS, Caroline COLOMBIER, Emmanuel BLAIRY, Serge MULLER, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Frédéric FALCON, Alexandre SABATOU, Thomas MÉNAGÉ, Anaïs SABATINI, Edwige DIAZ, Frank GILETTI, Michaël TAVERNE, Laurence ROBERTDEHAULT, Christine LOIR, Nicolas DRAGON, Jérôme BUISSON, Laurent JACOBELLI, Angélique RANC, Jordan GUITTON, Daniel GRENON, Bryan MASSON, Frédéric CABROLIER, José GONZALEZ, Frédéric BOCCALETTI, Sébastien CHENU, Hervé de LÉPINAU, Philippe LOTTIAUX, Bénédicte AUZANOT, Stéphane RAMBAUD, Lisette POLLET, Kévin PFEFFER, Thierry FRAPPÉ, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Pierrick BERTELOOT, Matthieu MARCHIO, Alexis JOLLY, Michel GUINIOT, Christian GIRARD, Laure LAVALETTE, Stéphanie GALZY, Aurélien LOPEZLIGUORI, Géraldine GRANGIER, Gisèle LELOUIS, Emeric SALMON, Franck ALLISIO, Thibaut FRANÇOIS, Pierre MEURIN, José BEAURAIN, Sophie BLANC, Katiana LEVAVASSEUR, MarieFrance LORHO, Antoine VILLEDIEU, Julien RANCOULE, Daniel GRENON, Alexandre LOUBET, Lionel TIVOLI, Nicolas MEIZONNET, Roger CHUDEAU, Julie LECHANTEUX, Julien ODOUL, Marine HAMELET, Michèle MARTINEZ, Bruno BILDE, Florence GOULET, Christine ENGRAND, Alexandra MASSON,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

 

« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France »

Maximilien de Sully, ministre d’Henri IV, 1638

 

 

Mesdames, Messieurs,

La souveraineté alimentaire est la capacité d’un état à définir lui‑même une stratégie agricole qui lui permette de déterminer son degré d’autonomie alimentaire pour fournir une alimentation de qualité à sa population tout en garantissant sa sécurité alimentaire.

L’impérieuse nécessité pour la France de recouvrer sa souveraineté alimentaire n’est plus à démontrer. Acquise au cœur des Trente Glorieuses, elle subit un effondrement constant depuis vingt ans. La France n’est plus la championne agricole autosuffisante qu’elle fut durant des décennies. Depuis l’année 2000, elle a été rétrogradée de deuxième à cinquième exportatrice mondiale alors même que les importations ne cessent d’augmenter. 100 000 exploitations ont disparu entre 2010 et 2020, et le nombre d’exploitants a chuté de 18 % depuis 2010. La diversité de nos terroirs donne pourtant depuis des siècles un nombre exceptionnel de produits d’une très grande qualité qui a permis de nourrir la population et prendre toute sa part dans la constitution de notre patrimoine. Notre agriculture participe également à former nos paysages, et à faire vivre notre ruralité grâce à l’activité économique générée par agriculteurs et paysans.

Si les causes de la perte de notre souveraineté sont multiples, l’une des grandes menaces de l’agriculture française est assurément celle de la philosophie mortifère de la Commission européenne. En effet, celle‑ci ne cache pas son ambition de réduction de nos productions avec une stratégie de décroissance de l’agriculture des États membres.

Déclinaison du pacte vert, le programme de la stratégie européenne Farm to Fork est vaste : diminution drastique de l’utilisation des pesticides, non conditionnée au fait d’assurer des alternatives efficaces, et de ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage. La Commission vise également une baisse de 20 % de l’utilisation d’engrais ainsi que de porter à 25 % des terres converties à l’agriculture biologique en un temps réduit. Enfin, on y trouve l’objectif de restauration de la nature sur au moins 20 % des terres et des zones marines d’ici 2030, qui a été votée par le Parlement européen le 12 juillet 2023.

Cette ultime frénésie de la Commission vise à réduire considérablement nos capacités de production en sacrifiant une nouvelle fois nos modèles agricoles sur l’autel de l’écologie dogmatique, renforçant toujours plus notre dépendance aux importations. L’agriculture est désormais reléguée au second plan de la stratégie économique de l’Union européenne. Par ailleurs, une étude de l’organe européen JRC, dissimulée par la Commission durant plus d’un an, a révélé en 2020 les conséquences extrêmement néfastes de la stratégie Farm to Fork pour les productions agricoles des États membres.

Notre agriculture ne peut pas subir cet ultime sacrifice programmé. Dans la perspective de reconquête notre souveraineté alimentaire, il est impératif que le Gouvernement français se positionne avec fermeté contre l’ensemble des dispositions issues de Farm to Fork et du Pacte vert lorsque celles‑ci s’inscrivent clairement dans une logique de décroissance de notre agriculture. L’augmentation des importations induite par les objectifs de cette stratégie mettent par ailleurs davantage en péril nos agriculteurs alors que la Commission européenne est dans l’incapacité d’imposer la réciprocité des normes environnementales et sanitaires avec les pays importateurs.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 235, 237, 238, 293 et 294 du Traité sur le Fonctionnement de lUnion européenne ;

Vu la communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique et Social Européen et au Comité des Régions relative à la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 (Com[2020] 380 final) ;

Vu la communication de la Commission du 20 mai 2020 sur une stratégie « de la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement (Com[2020] 0381) ;

Vu le Rapport technique du Join Research Center de l’Union européenne publié le 29 Juillet 2021, « Modelling environnemental and Climate Ambition in the agriculture sector with the CAPRI model » ;

Vu la communication de la Commission sur le pacte vert, du 22 juin 2022 ;

Vu l’orientation générale du Conseil de l’Union européenne pour une proposition de règlement sur la restauration de la nature, sur proposition de la Commission européenne, 2022/0195 (COD), du 20 juin 2023 ;

Vu le texte adopté le 12 juillet 2023 par le Parlement européen relatif à la restauration de la nature (COM(2022)034 - C9‑0208/2022 - 2022/0195(COD)) ;

Considérant que les objectifs de la Commission européenne sont : d’atteindre la part de 25 % de l’agriculture biologique, de diminuer de 20 % les épandages d’engrais, de diminuer de 10 % les surfaces cultivées sur le continent d’ici 2030 ;

Considérant que la réalisation de ces objectifs de la Commission européenne aurait pour conséquence selon les scénarios : soit un recul de la production européenne pouvant atteindre les 12 % et une diminution des exportations entre 10 % et 20 %, avec un doublement des importations, soit une diminution de 7 % de la production mais une augmentation des coûts des denrées agricoles de 90 %, et dans tous les cas une augmentation de 30 à 180 millions de personnes touchées par la faim dans le monde ;

Considérant que le Gouvernement français a pris en compte lors du Conseil de l’Union européenne, le 20 juin 2023, l’objectif de la Commission européenne de restaurer 10 % des terres agricoles d’ici 2030 ;

Considérant que le Parlement européen demande, dans le cadre du règlement sur la restauration de la nature, à la Commission européenne de communiquer annuellement et de reporter le règlement le cas échéant, si le prix des denrées alimentaires augmente de 10 % ou si la production diminue de 5 % sur un an ;

Considérant que la réglementation en matière de biodiversité doit tenir compte de la situation de l’agriculture et des agriculteurs ;

Considérant que la résilience et la sécurité et souveraineté alimentaire de chaque État membre est un objectif nécessaire qui ne peut et ne doit être entravé par la Commission européenne ;

Considérant la déclaration du Président de la République qui rappelle que « souveraineté agricole et alimentaire » est « mère de toutes les batailles » ;

1. Dénonce l’objectif général de couvrir par des mesures de restauration 10 % des terres agricoles qui conduira à une perte de surface agricole utile et nécessaire ;

2. Dénonce les autres objectifs de la Commission européenne qui ont pour conséquence de mettre en péril la souveraineté de l’agriculture française ;

3. Invite le Gouvernement français à systématiquement défendre l’agriculture et la pêche françaises ainsi que la souveraineté alimentaire française face aux objectifs de la Commission européenne qui auraient pour conséquence de les mettre en danger.