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N° 1667

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur la relation entre l’État et les groupes pétroliers
durant la période d’inflation,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Aurélien SAINTOUL, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Mathilde PANOT, René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean‑Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, , Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député‑e‑s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au troisième trimestre de 2022, TotalEnergies affichait un bénéfice de l’ordre de 6,6 milliards de dollars, en hausse de 43 % par rapport au troisième trimestre de 2021. Sur l’année, l’entreprise a dégagé un bénéfice net record de 20,5 milliards de dollars. ExxonMobil, Shell et Chevron ont également battu leur record annuel de bénéfices en 2022 et ont réalisé le bénéfice net le plus élevé jamais enregistré au cours d’un premier trimestre en 2023.

Malgré ces situations profitables, les prix à la pompe n’ont pas cessé d’augmenter au cours des derniers mois et le pouvoir d’achat des Français a directement été impacté.

Dès lors, la gestion de la période inflationniste par le gouvernement interpelle.

Ce 17 septembre 2023, la Première ministre a annoncé que les distributeurs de carburant pourront vendre de l’essence « à perte » pendant quelques mois. Il sagit dune pratique interdite en France depuis 1963 et dont les exceptions sont strictement encadrées. En toute hypothèse, cette décision ne peut avoir été annoncée sans qu’un accord ait été discuté au préalable entre l’État et les industriels.

Si les carburants constituent un produit d’appel pour la grande distribution, ils sont le cœur de l’activité des petits distributeurs. Cette nouvelle décision va déréguler le marché en favorisant la grande distribution et en asphyxiant les petits distributeurs.

Depuis deux ans, le gouvernement s’est montré incapable dendiguer l’inflation. Le ministre de l’économie s’évertue à protéger les revenus des actionnaires des grandes entreprises. En juillet 2022 déjà, il passait un accord avec TotalEnergies. Le groupe consentait à augmenter la valeur de sa « ristourne à la pompe » dans les seules stations de son réseau. Cette opération avait servi à conjurer les propositions des oppositions au Parlement. Le groupe La France insoumise — NUPES plaidait en faveur du blocage des prix du carburant à 1,4 euro le litre. Les Républicains défendaient le gel des prix à 1,5 euro le litre, une mesure moins ambitieuse mais potentiellement majoritaire dans l’hémicycle. Le ministre de l’économie avait alors interrompu les débats afin de conclure un accord avec TotalEnergies, en prenant de vitesse l’Assemblée nationale, au bénéfice de l’entreprise.

De son côté, l’État a financé pendant plusieurs mois une ristourne propre jusqu’à 30 centimes par litre. En 2022, il a dépensé 7,5 milliards d’euros d’argent public dans cette remise sur le carburant. Le gouvernement a donc fait le choix d’endetter l’État et a fortiori les contribuables. Il a permis à TotalEnergies d’échapper à la taxation de ses superprofits et au blocage de ses prix.

Le ministre de l’économie s’est fait l’intermédiaire d’entreprises privées. Il a multiplié les interventions dans les médias pour consacrer leur politique ainsi que pour dénigrer les propositions de son opposition au Parlement. Sur le plateau de BFMTV en juillet 2022, il déclarait complaisamment : « je préfère le geste de TotalEnergies à une taxe supplémentaire. Je salue cette décision juste et forte, bonne pour les consommateurs » . ([1])

Dans le secteur pétrolier, le gouvernement a nettement renforcé l’hégémonie de TotalEnergies dans notre pays. En septembre et en octobre 2022, les interminables files d’attente dans les stations du groupe en ont été la meilleure preuve. La ristourne que l’entreprise a consentie n’a pas eu d’impact négatif sur les gains qu’elle a réalisés. En attirant les consommateurs dans les stations de son réseau avec une ristourne exclusive, elle a au contraire dégagé un bénéfice record de plus de 20 milliards de dollars sur l’année 2022.

L’entreprise a capitalisé sur le fait de réserver sa remise aux seuls centres de distribution de son réseau, et de ne pas l’étendre à tous ses points de vente. Le ministre de l’économie et TotalEnergies ont donc conclu un accord gagnant – gagnant. Le ministre a été gagnant sur le plan politique, puisqu’il a pu faire croire aux Français qu’il agissait en faveur de leur pouvoir d’achat ; tandis que TotalEnergies a été gagnant sur le plan économique, en sabotant la concurrence et en monopolisant le marché.

Michel‑Édouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E.Leclerc, avait lui‑même dénoncé cette situation, le 1er septembre 2022 sur le plateau de France Info. Il demandait notamment à ce que « les clients de Leclerc, les clients de Carrefour, les clients d’Avia et des petits pompistes qui vendent du Total, [soient] dans la promesse de Monsieur Pouyanné ». ([2]) 

Au regard de la crise énergétique qui s’amplifie et plonge toujours davantage les Français dans la précarité, il est urgent d’éclairer la nature de la transaction entre l’État et les groupes pétroliers.

Une collusion entre le ministre de l’économie et les groupes pétroliers n’est pas à écarter. Une commission d’enquête parlementaire doit urgemment étudier cette hypothèse et permettre d’accéder à l’ensemble des négociations, des mails et des échanges entre le ministère de l’Économie et des finances et les directions des groupes pétroliers.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de 30 membres chargée d’évaluer la nature de la relation entre l’État et les groupes pétroliers durant la période de spirale inflationniste et la crise énergétique.


([1])  Interview de Bruno Le Maire sur BFMTV le 22 juillet 2022

([2])  Interview de MichelÉdouard Leclerc sur France Info le 1er septembre 2022