N° 1686

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à accélérer et faciliter la création de structures d’accueil temporaires adaptées aux personnes malades et en perte d’autonomie permettant un véritable répit aux proches aidants,

 

présentée par

Mesdames Laure LAVALETTE et Marine LE PEN,

députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, 9,3 millions de personnes se sont déclarées aidantes d’un proche. Ce chiffre, sous‑estimé, atteindrait en réalité 15 millions de personnes et un grand nombre d’entre elles ignorent qu’elles sont aidantes. Les proches aidants non professionnels sont les maillons invisibles d’une chaîne de solidarité essentielle que l’État se doit de soutenir et d’encourager. Ces proches aidants sont en réalité des héros du quotidien qui, bien souvent, mènent une double vie quitte à s’oublier eux‑mêmes.

Leurs missions sont nombreuses et pèsent lourd sur leur santé physique et morale : soins physiques, suivi médical et communication avec les équipes de soins, soutien affectif et moral… Ils reproduisent pour un autre, ce qu’ils font naturellement pour eux‑mêmes : aide à la toilette, ménage, aide à la mobilité, courses, préparation des repas, organisation des rendez‑vous médicaux et paramédicaux, accompagnement et suivi de ces rendez‑vous…). La santé physique des aidants familiaux se retrouve fortement impactée et ils sont nombreux à déclarer des maladies chroniques, des maladies coronariennes et des AVC. La santé mentale des proches aidants est également alarmante. Les indices élevés des hormones de stress pourraient, à long terme, augmenter de nombreuses pathologies telles que l’hypertension et le diabète. Ces indices seraient 23 % plus élevés que chez personnes non aidantes([1]). 60 % d’entre eux sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le déclenchement de la maladie de leur proche et un sur trois meurt avant la personne aidée.

La situation délétère de ces aidants indispensables aux personnes malades et en perte d’autonomie ne se limite pas à ces chiffres alarmants. Car si la santé mentale et physique des aidants est mise à mal, leur situation professionnelle et financière ne fait qu’aggraver l’état psychique des aidants familiaux. L’enquête nationale Ipsos‑Macif sur la situation des aidants en 2020 alerte sur la charge économique importante que cela comporte. Ils sont 33 % à apporter un soutien financier à la personne aidée et 9 aidants sur 10 ne perçoivent aucune contrepartie financière pour leur engagement. Concernant l’impact sur la vie professionnelle, 17 % des personnes interrogées ont dû aménager leurs horaires, 12 % ont dû réduire leur temps de travail et 10 % ont dû cesser leur activité professionnelle. La vie professionnelle des jeunes actifs est particulièrement touchée : 55 % rapportent au moins une conséquence, 10 % d’entre eux ont connu une mutation géographique et 10 % ont dû trouver un autre emploi. L’accompagnement du proche malade ou en perte d’autonomie peut, pour un grand nombre d’aidants, signifier une rupture dans le parcours professionnel et donc entraîner une perte significative des revenus.

Ces proches aidants tentent quotidiennement de soutenir la personne aidée dans la recherche de la vie la plus normale possible ; la leur n’ayant plus rien de normal, jusque dans leur vie sociale et familiale. C’est toute la vie du proche aidant qui bascule.

Il est de notre devoir d’accompagner ces aidants vers un véritable répit. Cela est d’autant plus indispensable que le vieillissement de la population française va accroître le besoin d’aidants qui permettent déjà d’éviter la saturation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Leur rôle est absolument essentiel dans une société du « bien vieillir » efficiente.

Si nous avons l’image d’un aidant prenant en charge un parent âgé, il existe en réalité une multitude de profils d’aidants et beaucoup sont en réalité les aidants de personnes jeunes en perte d’autonomie ou handicapées qui n’ont alors pas leur place dans un EHPAD. Les personnes malades, en perte d’autonomie ou handicapées doivent alors pouvoir bénéficier d’établissements et de structures adaptées à leur âge et niveau d’autonomie afin d’éviter un placement en EHPAD délétère pour l’image qu’ils ont d’eux‑mêmes et qui risquerait d’accélérer de nombreux symptômes dus à leur pathologie. Or, de nombreuses structures permettant un accompagnement adapté aux personnes accueillies et adaptées aux besoins de répit de l’aidant, voient leurs projets refusés au motif qu’il resterait des places d’EHPAD disponibles.

Si la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a instauré un droit au répit pour les proches aidants, force est de constater que beaucoup d’aidants ne parviennent pas à bénéficier de ce droit du fait de l’absence de structures de répit adaptées, soit du fait de durées minimales ne correspondant pas aux besoins de répit, soit du fait de leur éloignement ne permettant pas à l’aidant de transporter la personne aidée et de se rendre au travail.

Cette proposition de résolution invite donc le Gouvernement à assurer la création d’au moins une structure d’accueil adaptée aux besoins réels de répit des aidants dans chaque département et à faciliter la création de projets innovants allant dans ce sens.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles ;

Vu le plan Alzheimer et maladies apparentées 2008‑2012 ;

Vu la loi n° 2015‑1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement ;

Vu la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 ;

Vu le rapport de la concertation Grand âge et autonomie de Dominique Libault présenté en 2019 ;

Vu le rapport de l’IGAS de 2022 intitulé Soutenir les aidants en levant les freins au développement de solutions de répit ;

Considérant le vieillissement de la population française à court terme des personnes âgées de 75 à 84 ans passant de 4,1 millions en 2020 à 6,1 millions en 2030 et à moyen terme avec un taux de croissance supérieur à 50 % de la population de plus de 85 ans ;

Considérant que ce vieillissement va accroître le besoin et le nombre d’aidants ;

Considérant que 60 % des aidants sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le début de la maladie de leur proche ;

Considérant que l’aidant fait partie intégrante de la vie quotidienne de la personne aidée, que l’implication physique et morale empêche à l’aidant de mener une vie normale et mène, bien souvent, à un état d’épuisement et de surmenage ;

Considérant que chez les aidants de 20 à 59 ans, le taux d’emploi des aidants monte à 67 % mais reste inférieur à celui de la population générale pour la même catégorie d’âge (74 %) ;

Considérant que l’offre d’accueil temporaire en EHPAD est insuffisante et que ces établissements imposent souvent des durées minimales ne correspondant pas au besoin de répit des aidants qui peut‑être de 24 heures ou seulement d’une nuit ;

Considérant que tous les départements ne disposent pas d’une offre de structures d’accueil temporaires suffisante, voire d’aucune structure ;

Considérant les difficultés pour les aidants d’assurer le transport de la personne aidée lorsque la structure se situe en dehors de leur département, notamment pour les accueils de jour, et particulièrement en zone rurale ;

Invite le Gouvernement à assurer la création d’au moins une structure d’accueil temporaire, de jour, à la nuit et de courte durée dans chaque département ;

Invite le Gouvernement à faciliter la création de ces structures et cela, même lorsque des places d’EHPAD sont encore disponibles afin de sortir d’un modèle du « tout EHPAD » ne correspondant pas aux besoins des personnes jeunes en perte d’autonomie.

 


([1]) Observatoire régional de santé Île de France, Santé des proches aidants et interventions en santé publique, octobre 2020