Description : LOGO

N° 1810

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à reconnaître et à permettre la prise en charge intégrale par l’Assurance maladie du tatouage thérapeutique 3D suite à un cancer du sein,

présentée par

Mme Laure LAVALETTE,

députée.


 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le cancer du sein est l’un des cancers les plus répandus en France, touchant environ 58 000 femmes chaque année. Malgré les avancées médicales, il reste une cause majeure de décès chez les femmes, avec environ 12 000 décès annuels. Ce chiffre est en légère augmentation sur la période 2010‑2023, de 0,3 % par an, comme le dévoilait récemment Santé publique France, l’Institut national du cancer (Inca), les hospices civils de Lyon et le réseau français des registres des cancers.

De nombreuses campagnes de prévention et de dépistage sont menées chaque année, notamment durant le mois consacré d’Octobre rose. L’Assurance maladie joue un rôle crucial dans la prise en charge des femmes atteintes de cancer du sein. Elle rembourse la majorité des traitements médicaux, y compris la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et l’hormonothérapie. Le dépistage est également une priorité, offert gratuitement tous les deux ans aux femmes âgées de 50 à 74 ans dans le cadre du programme national de dépistage organisé.

Bien que la majorité des interventions liées au cancer du sein soient prises en charge par l’Assurance maladie en France, il existe des coûts et des frais annexes qui peuvent rapidement s’accumuler. Les dépassements d’honoraires, les frais de déplacement pour se rendre aux rendez‑vous médicaux, les médicaments non remboursés et les soins de support (crèmes émollientes, gaines de contention, vernis anti‑UV, soutien‑gorge postopératoires…) peuvent représenter un fardeau financier considérable.

La reconstruction mammaire qui intervient après une mastectomie d’un ou des deux seins et qui fait partie intégrante du traitement du cancer du sein est une charge financière qui peut peser très lourd. En France, environ 30 % des femmes ont recours à la reconstruction mammaire après une mastectomie selon la Haute Autorité de santé. Avec un reste à charge moyen de 1 400 euros, certaines femmes ayant subi une mastectomie renoncent à se faire reconstruire pour des raisons financières. Les consultations et les interventions de reconstruction sont prises en charge à 100 % pour les patientes en affection longue durée (ALD) sur la base du tarif de l’Assurance maladie. Il est également notable de souligner que les tarifs de remboursement de six actes de reconstruction mammaire ont été revalorisés de 23 % entre 2013 et 2015. Par ailleurs, depuis juin 2014, l’assurance maladie prend également en charge des actes de symétrisation mammaire (mastoplastie unilatérale de réduction ou d’augmentation avec pose d’un implant) quand ils sont réalisés après un traitement du cancer du sein par chirurgie. Mais en fonction de l’endroit où est pratiquée l’opération, le reste à charge peut passer de zéro à plusieurs milliers d’euros. En effet, avec des délais parfois très longs dans les hôpitaux publics ou les centres de lutte contre le cancer, certaines femmes se dirigent vers le secteur privé aux tarifs élevés.

Il existe deux principales méthodes de reconstruction mammaire, parfois associées : la mise en place d’une prothèse interne (implant mammaire) et l’utilisation de tissus provenant d’autres parties du corps (reconstruction par lambeau ou reconstruction autologue avec ou sans microchirurgie).

Il est également possible, et cette technique s’ajoute souvent à la première, de pratiquer une dermo‑pigmentation des aréoles mammaires. Cette technique, prise en charge par l’Assurance maladie lorsqu’elle est pratiquée à l’hôpital, permet d’insérer des pigments dans la peau pour recréer l’apparence d’un mamelon naturel. Mais cette pratique, qui vise souvent à corriger l’insatisfaction d’une reconstruction mammaire par prothèse ou lambeau est, elle aussi, insatisfaisante pour les patientes puisqu’il s’agit d’un tatouage éphémère qui doit être repris régulièrement suite à un effacement de celui‑ci au bout de 18 mois. De plus, cette méthode coûte très chers aux professionnels en hôpitaux qui ne disposent que de peu de pigments, ne correspondant pas aux différentes carnations de peau.

Une solution alternative est possible, celle du tatouage 3D. Grâce à une technique de dessin, un jeu d’ombre et de lumières, utilisant une palette de teintes adaptées, il est possible de pouvoir reproduire une aréole mammaire ainsi qu’un mamelon en trompe l’œil 3D pour avoir l’illusion du relief. Ce tatouage définitif permet à la patiente d’éviter un acte chirurgical et s’appuie sur un véritable savoir‑faire artistique qui prend en compte tous les aspects de la peau allant jusqu’à reproduire les taches de rousseur par exemple. Cette technique récente en France ne fait l’objet d’aucun remboursement par l’Assurance maladie et d’une prise en charge très partielle par un très petit nombre de mutuelles. Cet acte non médical coûte entre 300 et 1 000 euros selon la taille du tatouage, un coût bien moins élevé que celui de la chirurgie.

Pourtant, la prise en charge de ces tatouages définitifs constituerait une véritable avancée pour les femmes atteintes d’un cancer du sein qui ne parviennent pas à faire disparaître les traces physiques de leur maladie. Obtenir un résultat semblable au corps d’avant permet de réduire très largement le coût tant financier d’un suivi psychologique que le coût moral subi par une reconstruction mammaire ratée, trop peu réaliste ou trop longue du fait des délais d’attente. Depuis septembre 2021, un dispositif expérimental dans le département de la Gironde permet ce remboursement. Nous enverrons un signal fort aux femmes victimes de la maladie en élargissant cette expérimentation à l’ensemble du territoire et cela permettrait de créer un effet d’émulation pour les mutuelles qui pourraient jouer leur rôle de complémentaires.

La reconstruction mammaire doit s’entendre évidemment comme une reconstruction physique mais c’est aussi la reconstruction psychologique qu’elle doit s’évertuer à permettre. La maladie, en s’attaquant à la poitrine, zone éminemment féminine, affecte profondément l’image corporelle. Les traitements tels que la mastectomie, bien que salvateurs, laissent des traces indélébiles, tant sur le plan physique qu’émotionnel. Les femmes, confrontées à ce bouleversement, peuvent éprouver une véritable perte d’identité. Certaines femmes peuvent ressentir un sentiment de mutilation, percevant leur corps comme étranger, voire hostile. Cette discordance entre l’image de soi d’avant et l’apparence post‑traitement peut conduire à un rejet de son propre corps, et par extension, à un retrait social.

Cette proposition de résolution demande au Gouvernement d’agir afin que les femmes puissent bénéficier d’une reconstruction pleinement satisfaisante grâce à la reconnaissance et à la prise en charge par l’Assurance maladie des tatouages thérapeutiques 3D.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le code de la santé publique,

Vu le code de la sécurité sociale,

Vu l’article L. 165‑1 du code de la sécurité sociale,

Considérant que près de 60 000 femmes sont touchées par le cancer du sein chaque année en France ;

Considérant que 30 % des femmes ont recours à la reconstruction mammaire après une mastectomie ;

Considérant que les reconstructions mammaires par prothèse ou lambeau ne sont pas toujours satisfaisantes, notamment au niveau de l’aréole mammaire ;

Considérant que le cancer du sein touche une zone particulièrement sensible pour les femmes causant une détresse psychologique importante ;

Considérant que la recherche de l’esthétisme et du « corps d’avant » est indispensable à la reconstruction psychologique ;

Considérant que le reste à charge demeure élevé lorsque vient l’étape de la reconstruction mammaire ;

Considérant que les femmes victimes d’un cancer du sein doivent pouvoir avoir le choix d’une reconstruction mammaire non‑chirurgicale ;

Invite le Gouvernement à engager une négociation avec l’Assurance Maladie afin de permettre la reconnaissance et la prise en charge intégrale du tatouage thérapeutique 3D suite à un cancer du sein.