N° 2045

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à encourager le développement de l’actionnariat salarié,

 

présentée par

M. Stéphane VIRY, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Ian BOUCARD, M. Nicolas FORISSIER, Mme Justine GRUET, M. Patrick HETZEL, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Nicolas RAY, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Xavier BRETON, M. Fabrice BRUN, M. Vincent ROLLAND, Mme Annie GENEVARD, Mme Marie-Christine DALLOZ, M. Raphaël SCHELLENBERGER, M. Francis DUBOIS, M. Marc LE FUR, M. Michel HERBILLON,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Mesdames, Messieurs,

L’actionnariat salarié, érigé en mécanisme favorisant la cohésion et le lien social dans l’entreprise, s’inscrit dans une vision où la convergence des intérêts des employeurs et des employés constitue une pierre angulaire de la performance collective. Selon la Direction général du Trésor, l’actionnariat salarié « a pour ambition de renforcer la cohésion et le lien social dans l’entreprise, d’aligner les incitations des employeurs et des employés et de renforcer la stabilité du capital dans le cas de sociétés cotées ».

Ouvert à tous les salariés, qu’ils évoluent au sein de sociétés cotées ou non, l’actionnariat salarié a connu une expansion remarquable en France. Avec environ 3,5 millions de participants en 2023, la France se positionne comme le leader européen en matière d’implication des salariés dans la détention d’actions. Les récentes évolutions législatives, à l’image de la loi Pacte de mai 2019 et de la loi transposant l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur de novembre 2023, ont réaffirmé l’engagement politique en faveur de cet instrument, cherchant à faciliter et à renforcer l’attractivité de l’actionnariat salarié.

La loi dite « la partage de la valeur » constitue une illustration tangible quant à la volonté d’encourager de l’actionnariat salarié. Ce dispositif s’affirme comme un levier efficace pour encourager le partage des bénéfices tout en consolidant la fidélité des salariés. À l’heure où la mobilité professionnelle s’accroît, l’actionnariat salarié se profile comme un instrument efficace pour assurer la stabilité de la main‑d’œuvre.

Grâce à l’alignement des intérêts entre actionnaires et employés, promu par l’actionnariat salarié, une culture commune de réussite et de prospérité pour l’entreprise est créée. Cette approche incitative s’avère cruciale, impliquant financièrement les salariés dans la réussite de l’entreprise. La possession d’actions engendre un sentiment d’appartenance et de fierté, renforçant la cohésion au sein de l’entreprise. Par ailleurs, la participation des employés aux décisions stratégiques, notamment lors des assemblées générales, témoigne d’une gouvernance plus participative, où la voix des employés se fait entendre.

Dans cette dynamique, l’actionnariat salarié devient un catalyseur de réduction des conflits sociaux. L’implication des salariés dans la propriété de l’entreprise favorise une compréhension mutuelle des enjeux et des objectifs, créant ainsi un environnement propice à la collaboration.

Enfin, au‑delà de ses bénéfices individuels, l’actionnariat salarié se révèle être un moteur pour la création de richesses collectives.

Ainsi, encourager le développement de l’actionnariat salarié s’impose comme une démarche stratégique tant pour le bien‑être des employés que pour la prospérité des entreprises françaises. En renforçant la compétitivité, la stabilité, et la cohésion sociale, l’actionnariat salarié devient une composante non négligeable de la modernisation du tissu économique et social de la France.

Cependant, malgré les avancées notables, l’actionnariat salarié demeure confronté à des défis majeurs qui nécessitent une attention particulière. En effet, le dispositif se concentre au sein des grandes entreprises, comme l’a révélé un rapport parlementaire rédigé par mes collègues députés Louis Margueritte et Eva Sas. Les données de la Direction Générale du Trésor démontrent que la part du capital détenue par les actionnaires salariés était en moyenne de 3,3 % pour les entreprises du CAC40 en 2020, et de 1,59 % pour les entreprises du SBF120 (hors CAC40).

La Chambre des Métiers et de l’Artisanat de France souligne que l’application de l’actionnariat salarié demeure peu répandue dans les TPE et PME. Les chefs d’entreprise de moins de 50 salariés expriment une préférence pour la conservation totale de la maîtrise de leurs décisions et de la gestion de leur entreprise. Leur réticence s’explique par la volonté de préserver le contrôle et la stabilité de l’entreprise fondée par ces entrepreneurs.

En réponse à une enquête menée dans le cadre du Panorama de l’Actionnariat Salarié 2022, les chefs d’entreprise ont identifié trois raisons majeures expliquant la réticence des PME à mettre en place un plan d’actionnariat salarié : les problèmes de confidentialité, les enjeux liés à la transmission de l’entreprise et la complexité de l’opération elle‑même.

De plus, selon la Fédération européenne de l’actionnariat salarié (FEAS), le dispositif connaît, en Europe, un déclin constant depuis 2011. Bien que les salariés détiennent un record de 3,3 % du capital des entreprises en 2022, la part des salariés ordinaires diminue, favorisant largement les dirigeants exécutifs par rapport aux salariés ordinaires. Cette inégalité renforce la perception du caractère moins démocratique de l’actionnariat salarié, tel que souligné par la FEAS. La part des dirigeants dans le capital des sociétés cotées européennes dépasse désormais celle des salariés ordinaires, accentuant un déséquilibre déjà présent il y a quinze ans.

Enfin, la suppression du régime comptable de la décote sur le prix des actions, décidée par le collège de l’Autorité des normes comptables le 29 septembre 2022, suscite des inquiétudes quant à son impact sur la volonté des entreprises de proposer des offres d’actions à leurs salariés.

Face à ces défis, il est nécessaire d’adopter des mesures audacieuses pour encourager le développement de l’actionnariat salarié, conformément à l’ambition du ministre de l’Économie Bruno Le Maire visant 10 % d’actions des grandes entreprises détenues par les collaborateurs. Pour ce faire, une attention particulière doit être portée à la simplification du dispositif, en allant au‑delà des récentes avancées de la loi transposant l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur.

Il est essentiel de démocratiser l’actionnariat salarié au sein des PME et ETI, qui représentent une part substantielle du tissu entrepreneurial français et qui ont été, jusqu’à présent, largement négligées par ces mesures. La réponse aux craintes des chefs d’entreprise des PME et ETI sur le statut du salarié actionnaire, notamment en ce qui concerne la gouvernance, doit être traitée. La simplification des démarches administratives, souvent jugées trop lourdes pour les PME et ETI, est également nécessaire pour rendre l’actionnariat salarié plus accessible.

Parallèlement, une réponse adéquate à la décision de l’Autorité des normes comptables, visant à revoir la comptabilité de l’actionnariat salarié, doit être élaborée. Il serait pertinent de proposer une augmentation de la limite de 2 % du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS) pour le versement unilatéral de l’entreprise en faveur de l’acquisition d’actions par les salariés. Cette démarche permettrait de compenser partiellement la suppression de la décote.

Ainsi, il est important de poursuivre les efforts en vue d’encourager l’actionnariat salarié en France. En répondant aux enjeux spécifiques des petites et moyennes entreprises (PME) et entreprise de taille intermédiaire (ETI), en simplifiant les procédures et en adaptant le cadre fiscal. La France peut promouvoir une culture d’entreprise plus inclusive, où les salariés sont non seulement des acteurs essentiels de la réussite économique, mais également des partenaires à part entière dans la gouvernance et le développement des entreprises.

Tel est Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de résolution.

 

 


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proposition de loi

Article unique

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que l’actionnariat salarié suscite un sentiment d’appartenance et de fierté renforçant la cohésion au sein de l’entreprise ;

Considérant que l’actionnariat salarié se révèle être un moteur de création de richesse collective ;

Considérant que l’actionnariat salarié se concentre au sein des grandes entreprises et que la part du salarié ordinaire détenant des actions diminue ;

Considérant la suppression du régime comptable de la décote sur les prix des actions, décidée par le collège de l’Autorité des normes comptables ;

Invite le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour développer l’actionnariat salarié en France ;

Invite le Gouvernement à démocratiser l’actionnariat salarié au sein des petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire ;

Invite le Gouvernement à simplifier les démarches administratives relatives à l’actionnariat salarié dans le but de rendre le dispositif plus accessible aux petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire ;

Invite le Gouvernement à apporter une réponse adéquate à la décision de l’Autorité des normes comptables visant à revoir la comptabilité de l’actionnariat salarié.