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N° 2046

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 décembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à accentuer les efforts pour favoriser l’accès de tous au logement,

 

présentée par

M. Jean-Paul MATTEI, Mme Marina FERRARI, M. Romain DAUBIÉ, M. Mickaël COSSON, Mme Anne-Laure BABAULT, M. Erwan BALANANT, Mme Géraldine BANNIER, Mme Anne BERGANTZ, M. Philippe BERTA, M. Christophe BLANCHET, M. Philippe BOLO, M. Jean-Louis BOURLANGES, Mme Blandine BROCARD, M. Vincent BRU, M. Laurent CROIZIER, M. Jean-Pierre CUBERTAFON, Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, Mme Mathilde DESJONQUÈRES, M. Laurent ESQUENET-GOXES, M. Olivier FALORNI, Mme Estelle FOLEST, M. Bruno FUCHS, Mme Maud GATEL, M. Luc GEISMAR, Mme Perrine GOULET, M. Frantz GUMBS, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, Mme Sandrine JOSSO, M. Mohamed LAQHILA, Mme Florence LASSERRE, M. Philippe LATOMBE, M. Pascal LECAMP, M. Laurent LECLERCQ, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Aude LUQUET, M. Emmanuel MANDON, M. Éric MARTINEAU, Mme Sophie METTE, M. Bruno MILLIENNE, Mme Louise MOREL, M. Hubert OTT, M. Jimmy PAHUN, M. Frédéric PETIT, Mme Maud PETIT, Mme Josy POUEYTO, M. Richard RAMOS, Mme Sabine THILLAYE, M. Nicolas TURQUOIS, Mme Laurence VICHNIEVSKY, M. Frédéric ZGAINSKI, les membres du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) [(1)],

députés.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le logement joue un rôle essentiel dans la vie des ménages : c’est certes un lieu d’habitation, mais c’est aussi bien plus. C’est le lieu de la vie familiale ; un héritage et c’est un concentré de souvenirs ; dans certains cas, il représente les économies d’une vie, une forme d’assurance pour le futur. C’est un sujet central pour nos concitoyens

Les secteurs du logement et de l’immobilier traversent une crise conjoncturelle renforcée par une inadaptation de nos politiques publiques actuelles face aux évolutions sociétales et économiques.

Les prix des logements ont été multipliés par 2,4 en 25 ans quand ceux des loyers ont été multipliés par 2,6 en 30 ans.

Le taux d’effort des ménages s’accentue fortement. Ainsi, la Fondation Abbé Pierre estimait en 2021 que 5,7 millions de personnes devaient fournir un effort financier excessif pour se loger, à plus de 35 % de leurs revenus.

Le logement social est de plus en plus inaccessible : les demandeurs qui remplissent les critères d’accès se heurtent à des listes d’attente qui les obligent à patienter plusieurs années et le manque d’offres dans certaines régions aggrave cette difficulté. L’Union sociale pour l’habitat estime que le nombre de ménages en attente d’un logement social a atteint 2,42 millions fin 2022, alors que ce chiffre était de 1,8 million en 2015. Il faut noter également que les procédures administratives complexes dissuadent parfois les personnes de faire une demande, et malgré les efforts déployés pour accroître la transparence et l’offre de logements sociaux, l’accès demeure un défi majeur.

La crise inflationniste traversée par l’Europe en 2023 a entrainé une hausse des taux directeurs et, à travers eux, une hausse des taux d’emprunt pour les ménages. Alors que la sortie du Covid avait entrainé une reprise très rapide du marché, celui‑ci s’est retrouvé grippé par la chute du pouvoir d’achat et la hausse importante des taux qui dépassent désormais les 4 %.

Le nombre de transactions s’est ainsi effondré en 2023 à 885 000, soit 21 % de moins qu’en 2022. Cette baisse des transactions s’est couplée à une baisse des prix notamment dans les grandes villes (‑8,4 % à Lyon, ‑5 % à Paris et à Nantes).

Ces difficultés structurelles, au‑delà des conséquences sociales, ont également des conséquences sur l’emploi puisqu’un Français sur dix a déjà été contraint de refuser un emploi faute de logement, dont 14 % des moins de 35 ans. 7 Français et sur 10 considèrent que les prétentions salariales des demandeurs d’emploi sont étroitement liées au poids du logement dans leur budget.

Cette mauvaise conjoncture a fini par toucher le secteur de la construction qui se retrouve à son tour en difficulté. La Fédération française du bâtiment (FFB) estime que la production de logements neufs devrait diminuer de 7,8 % en 2023, baisse qui devrait se poursuivre. Selon les prévisions de la FFB, les mises en chantier devraient en effet reculer de 16 % sur un an l’année prochaine, quand les permis de construire délivrés diminueraient, eux, de 12 %. Cette réduction de la demande devrait entrainer une destruction d’environ 90 000 emplois dans le secteur.

Pourtant, selon la Cour des comptes, le besoin en logement est estimé à 370 000 nouvelles constructions par an, alors que seulement un peu plus de 300 000 auront été construits en 2023.

A cela s’ajoute la nécessaire adaptation du parc existant au changement climatique. Le secteur du bâtiment représente ainsi 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Un quart des logements sont des passoires énergétiques, avec une forte proportion d’occupation de ces passoires par des ménages en situation de précarité énergétique, conduisant à des effets sur la santé physique et mentale des occupants.

Pour répondre à ce double enjeu environnemental et social, l’exécutif et le législateur ont souhaité, dans la loi Climat et résilience, interdire progressivement la location des passoires énergétiques, tout en mettant en place, notamment au travers MaPrimeRenov’, un accompagnement financier important pour la mise en œuvre des travaux de rénovation.

La France compte depuis 2015 plus de seniors de plus de 60 ans que de jeunes de moins de 20 ans. De la même manière, l’espérance de vie augmente – avec une croissance forte du nombre de personnes âgées de plus de 85 ans, créant des enjeux nouveaux de prise en charge de la dépendance, mais aussi d’adaptation des logements à ce vieillissement alors que la majorité du patrimoine immobilier appartient aux générations les plus âgées.

En conséquence,

 


proposition de loi

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu la Constitution du 5 octobre 1958, et notamment le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l’article 34‑1,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière ;

Vu la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière et portant modification de la loi du 23 décembre 1986 ;

Vu la loi n° 2000‑1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain ;

Vu la loi n° 2014‑366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ;

Vu la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;

Considérant qu’en l’espace de 40 ans, le logement est passé d’un puissant facteur de réduction des inégalités à l’une des principales causes de l’aggravation des inégalités sociales, générationnelles et territoriales ;

Considérant que la récente hausse des taux d’emprunt est venue ajouter aux problématiques structurelles une crise conjoncturelle impactant tous les secteurs de l’immobilier ;

Considérant les enjeux d’adaptation des logements aux défis climatiques, en matière de performance énergétique ou d’artificialisation des sols ;

Considérant la nécessaire adaptation du parc existant au vieillissement de la population alors que 6 millions de personnes seront âgées de 75 ans et plus d’ici 2030 ;

Considérant le mauvais appariement de l’offre et des besoins en logements ;

Considérant que les étudiants connaissent des difficultés pour se loger du fait du manque d’offre de logements qui leur sont destinés et de la tension grandissante du marché dans les principales villes étudiantes ;

Considérant le besoin d’adapter le parcours résidentiel à chaque étape de la vie ;

Considérant les difficultés de logement observées dans les zones tendues, notamment pour les travailleurs dans les zones touristiques ;

Considérant que les collectivités territoriales représentent des acteurs essentiels de la politique du logement, à même d’adapter cette dernière aux besoins des territoires ;

Considérant que le secteur du bâtiment entre dans une période de récession avec 7,8 % de logements produits en moins en 2023 par rapport à 2022, faisant courir un risque pour l’année 2024 de perdre 90 000 emplois dans ce secteur essentiel ;

Considérant que la défaillance du parc locatif privé alors que 2,4 millions de ménages sont en attente d’un logement social et que 85 000 logements sociaux ont été construits en 2023 ;

Invite le Gouvernement à prendre des initiatives fiscales visant à favoriser les locations longue durée dans le parc privé locatif, la construction de logements neufs et la rénovation du parc existant ainsi que l’accession à la propriété des primo‑accédants ;

Propose au Gouvernement de réviser les règles d’urbanisme afin de laisser les collectivités en charge encourager la construction et la rénovation de logements, sans pour autant contrevenir aux obligations du « Zéro artificialisation nette » ;

Salue le développement de ma Prime Renov’ et ma Prime Adapt’, dispositifs essentiels qui doivent être développés pour accompagner tous les Français dans leurs travaux d’adaptation de leur logement au changement climatique et à l’évolution démographique ;

Appelle le Gouvernement et les collectivités territoriales à favoriser le parcours résidentiel intergénérationnel ;

Souhaite que le Gouvernement évalue les différents modes de transmission, notamment par le développement du démembrement de propriété et du viager ;

Invite le Gouvernement à proposer des évolutions législatives permettant de mobiliser le parc de logements vacants ;

Suggère au Gouvernement de lancer une réflexion sur les relations entre les bailleurs et les locataires afin de fluidifier le marché ;

Invite le Gouvernement à soutenir la construction de logements sociaux, notamment en territorialisant certains critères de la loi n° 2000‑1208 du 13 décembre 2000 précitée, dite loi « SRU », et à revoir leurs règles d’attribution et d’occupation ;

Propose de développer les outils en matière d’investissement public local en matière de logement, notamment par le recours aux sociétés d’économie mixte locale ;

Souhaite que les fonds de cohésion européens puissent servir au financement du logement social ;

Appelle le Gouvernement à rechercher tous les leviers permettant de faciliter le recours aux prêts pour les particuliers qui souhaitent acquérir un logement, notamment en incitant les banques à exploiter leurs marges de manœuvre sur les prêts, mais aussi par un assouplissement des lignes directrices du Haut conseil de stabilité financière sur l’octroi de prêts immobiliers aux ménages ;

Souhaite que l’État, la Banque de France et le secteur bancaire explorent la possibilité de mettre en œuvre un financement différencié par composant d’un bien immobilier ;

Invite le Gouvernement à rester vigilant quant à la sortie du marché des passoires thermiques concernées par l’interdiction de location au 1er janvier 2025 en renforçant les incitations à la rénovation énergétique de ces logements et adaptant éventuellement les critères inappropriés ;

Invite le Gouvernement à déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi comprenant l’ensemble des dimensions législatives, territoriales, administratives et fiscales de la politique de logement.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Anne-Laure BABAULT, M. Erwan BALANANT, Mme Géraldine BANNIER, Mme Anne BERGANTZ, M. Philippe BERTA, M. Christophe BLANCHET, M. Philippe BOLO, M. Jean-Louis BOURLANGES, Mme Blandine BROCARD, M. Vincent BRU, M. Mickaël COSSON, M. Laurent CROIZIER, M. Jean-Pierre CUBERTAFON, Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, M. Romain DAUBIÉ, Mme Mathilde DESJONQUÈRES, M. Laurent ESQUENET-GOXES, M. Olivier FALORNI, Mme Marina FERRARI, Mme Estelle FOLEST, M. Bruno FUCHS, Mme Maud GATEL, M. Luc GEISMAR, Mme Perrine GOULET, M. Frantz GUMBS, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, Mme Sandrine JOSSO, M. Mohamed LAQHILA, Mme Florence LASSERRE, M. Philippe LATOMBE, M. Pascal LECAMP, M. Laurent LECLERCQ, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Aude LUQUET, M. Emmanuel MANDON, M. Éric MARTINEAU, M. Jean-Paul MATTEI, Mme Sophie METTE, M. Bruno MILLIENNE, Mme Louise MOREL, M. Hubert OTT, M. Jimmy PAHUN, M. Frédéric PETIT, Mme Maud PETIT, Mme Josy POUEYTO, M. Richard RAMOS, Mme Sabine THILLAYE, M. Nicolas TURQUOIS, Mme Laurence VICHNIEVSKY, M. Frédéric ZGAINSKI.