N° 2233

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 février 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à harmoniser le régime relatif à l’emploi des prestataires de services pour les travaux viticoles exigeant une technicité particulière,

 

présentée par

Mme Marie-France LORHO, M. Hervé DE LÉPINAU, M. Daniel GRENON, Mme Catherine JAOUEN, M. Philippe LOTTIAUX, M. Frédéric FALCON, M. José BEAURAIN, M. Christophe BARTHÈS, M. Pierrick BERTELOOT, M. Thierry FRAPPÉ, M. Frédéric CABROLIER, Mme Annick COUSIN, Mme Sophie BLANC, M. Pierre MEURIN, M. José GONZALEZ, Mme Edwige DIAZ, M. Nicolas MEIZONNET, M. Frank GILETTI, Mme Julie LECHANTEUX, M. Alexandre LOUBET, M. Alexis JOLLY, M. Matthieu MARCHIO, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Pascale BORDES, M. Victor CATTEAU, M. Alexandre SABATOU, M. Jordan GUITTON,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La prestation de service se caractérise par la délégation de tout ou partie des travaux d’une exploitation à une entreprise spécialisée, professionnel indépendant qui signe avec l’exploitant un contrat de prestation. Dans le domaine de la viticulture, le recours à des prestataires dans le cadre de certaines missions ponctuelles est fréquent. Eu égard au contexte de fortes tensions de recrutement dans différentes régions viticoles, comme au caractère saisonnier de cette profession, l’emploi d’entreprises sous‑traitantes constitue une possibilité appréciée par la profession, notamment face à la complexité du recrutement direct.

I. – Le recours à la sous‑traitance

A. Une sous‑traitance française

Le recours à la prestation de services pour toute exploitation agricole est encadré mais comporte des zones d’ombres et des risques. Pour tout prestataire établi en France, l’exploitant agricole doit s’assurer de l’inscription de la société sous‑traitante au registre du commerce et des sociétés ou à un autre registre professionnel tout comme les obligations sociales légales. Le contrat liant les deux parties doit établir les obligations de chacune d’entre elles comme les conditions de prestation et le prix de celle‑ci en fonction de la nature des travaux. Ces activités ne sont pas tenues pour des activités de production agricoles mais comme des activités commerciales rémunérées pour le compte d’un tiers.

L’un des risques de ce recours apparaît lorsque le prestataire emploie lui‑même des salariés ; c’est alors à lui d’encadrer et d’avoir autorité sur ses ouvriers, à défaut de quoi le viticulteur ayant eu recours au prestataire pourrait voir sa responsabilité engagée pour différents types d’infractions (travail dissimulé, prêt illicite de main‑d’œuvre…).

B. Une prestation réglementée pour les étrangers

Cette prestation de services est particulièrement réglementée, notamment pour les entreprises étrangères. Il existe plusieurs cas de figure permettant d’employer de la main‑d’œuvre étrangère (prestataire propriétaire d’un établissement immatriculé en France de manière permanente ; prestataire sans établissement qui se tourne vers la mutualité sociale agricole (MSA) qui est Centre national des firmes étrangères ; prestataire en situation de détachement ou de pluriactivités). Le viticulteur doit s’assurer que le prestataire a opéré une déclaration préalable de détachement et la désignation d’un représentant en France. Cette opération donne lieu à une déclaration dont il doit fournir la copie et qui devra être annexée au registre unique du personnel de l’exploitation. Dans l’éventualité où cette opération n’aurait pas été faite, le viticulteur est passible d’une amende s’élevant jusqu’à 4 000 euros par salarié, amende doublée en cas de récidive (plafonnement à 500 000 euros).

Dans les différents cas de figure, il est conseillé aux exploitants, avant de faire appel à un prestataire de services, de contacter la MSA référente, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ou la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) territorialement compétentes.

II. – Des travaux non éligibles à la prestation de service ?

Certaines tâches spécifiques à l’activité viticole correspondent au numéro APE/NAF 0161Z ([1]) (activités de soutien aux cultures) ; ce numéro est donné aux organisations exerçant une spécialité concernant ce secteur. Il s’agit notamment des opérations de récolte, des traitements des récoltes ou encore la taille des arbres fruitiers et des vignes. La légitimité de l’exercice de certaines de ces activités au titre de la prestation de service est néanmoins contestée par l’inspection du travail, notamment dans le Vaucluse.

A. Le cas de la récolte manuelle du raisin

La récolte manuelle du raisin nécessite au même titre que la taille de la vigne des compétences spécifiques. La sélection des grappes par lesdits prestataires doit en effet bénéficier d’un regard professionnel. La récolte manuelle vise, notamment pour les cultures d’excellence, à choisir les baies de raisin les plus qualitatives, matures et dénuées de maladies. Elle permet aussi de ne pas fragiliser les pieds de vigne. Or, certains viticulteurs, notamment dans le Vaucluse, rapportent s’être vus contestés la légitimité de l’emploi à de tels prestataires pour cette activité de récolte, qui ne nécessiterait pas selon l’inspection du travail, de qualités professionnelles spécifiques. Or, comme cela a été soulevé plus haut, la récolte des grains nécessite un regard expert pour une production qualitative.

B. Pour un élargissement des tâches éligibles à la prestation

À l’image de la récolte manuelle du raisin, nombreux sont les travaux de la vigne qui nécessitent une technicité particulière. C’est notamment le cas de l’ébourgeonnage ou de la taille. Ces différents travaux doivent être clairement compris comme éligibles à la prestation de service ; or, il semblerait que seules certaines régions admettent, dans la pratique, cette élection des travaux mentionnés aux activités de soutien au culture, intégrés au code APE/NAF 0161Z.

De manière à clarifier le droit sur les tâches éligibles à cette prestation de service, et à le faire appliquer de manière rigoureuse sur l’ensemble du territoire et non par la seule pratique à quelques régions comme c’est actuellement le cas, cette proposition de résolution invite le gouvernement à harmoniser le régime relatif à l’emploi de tels prestataires. Elle entend avoir pour effet de s’assurer que les différentes Directions Départementales de l’Emploi, du Travail et des Solidarités appréhendent de la même manière les prestataires de services dans le domaine viticole et qu’il ne soit pas créé des inégalités territoriales quant au recours auxdits prestataires.

Le dispositif juridique de cette proposition de résolution invite le gouvernement à harmoniser le régime relatif à l’emploi des prestataires de services pour les travaux viticoles exigeant une technicité particulière.

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article D. 645‑11 du code rural et de la pêche maritime,

Constatant la disparité de traitement entre les exploitants agricoles ayant recours à des prestataires de services.

Considérant les bénéfices économiques pour les exploitants agricoles d’une telle équité de traitement.

Invite le Gouvernement à harmoniser le régime relatif à l’emploi des prestataires de services pour les travaux agricoles exigeant une technicité particulière, en permettant aux entreprises de travaux et services agricoles et ruraux définies au 1° de l’article L. 722‑2 du code rural et de la pêche maritime d’entreprendre des travaux définis au code NAF 0161Z sans préjudice d’usage d’un prêt illicite de main‑d’œuvre.

 

 


[1] https://www.coover.fr/code-ape-naf/0161z