N° 2336

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

appelant le Gouvernement à reconnaitre davantage et à revaloriser de toute urgence les professionnels infirmiers et infirmières libéraux de France.,

 

présentée par

M. Yannick NEUDER, M. Thibault BAZIN, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Hubert BRIGAND, M. Fabrice BRUN, M. Vincent DESCOEUR, M. Francis DUBOIS, M. Nicolas FORISSIER, M. Jean-Jacques GAULTIER, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, M. Michel HERBILLON, M. Patrick HETZEL, M. Marc LE FUR, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), Mme Frédérique MEUNIER, M. Éric PAUGET, Mme Isabelle PÉRIGAULT, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, M. Vincent ROLLAND, Mme Michèle TABAROT, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Isabelle VALENTIN, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Éric CIOTTI, Mme Annie GENEVARD, M. Philippe JUVIN,

députés.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nous les avons applaudis tous les soirs à 20h pendant le confinement pour saluer leur dévouement face à une des plus grosses crises sanitaires qu’a connue notre pays. Aujourd’hui, leur quotidien est tout autre.

Les infirmiers et infirmières libéraux sont un maillon essentiel de l’offre de soin en France et particulièrement indispensable pour atteindre l’objectif commun du virage ambulatoire et du maintien à domicile. Tous les jours de l’année, ces professionnels de santé dévoués assurent le maintien, le retour et le soin à domicile de nos ainés, de nos enfants, de nos proches mais aussi l’accompagnement jusqu’au dernier souffle de certains de nos concitoyens.

Bien souvent, l’infirmier libéral est le seul contact humain que les patients, notamment les plus âgés, peuvent espérer au quotidien. Ces professionnels de santé assurent en effet un lien tout particulier avec le patient et l’ensemble des personnes qui lui sont inhérentes (médecin, pharmacien, famille, pouvoirs publics, etc.). Leur rôle ne se limite pas seulement à soigner, mais à informer, détecter, rassurer les familles ou encore coordonner les soins.

Par ailleurs, ils participent activement à la permanence de soins, faisant preuve d’une très grande disponibilité. En assurant un maillage territorial au quotidien les infirmiers libéraux garantissent le retour à domicile des patients, permettant à l’hôpital de libérer des lits et favorisent ainsi la fluidité de l’accès aux soins en France.

En somme, les infirmières et infirmiers libéraux sont parmi les trésors de la Nation dans la mesure où ils lui permettent d’honorer son devoir républicain de solidarité et de santé publique.

Toutefois, force est de constater que leur situation est aujourd’hui peu tenable, bien en‑deçà de la reconnaissance morale et l’utilité publique que le peuple de France leur reconnaît.

Entre 2012 et 2022, l’inflation cumulée atteint près de 15 % tandis que les honoraires de ces professionnels n’ont pas été revalorisés d’un iota. Les mesures qui devaient prendre en compte l’inflation sont jugées « indignes » par la profession et ne compensent même pas la hausse du prix des carburants. Depuis 2009, les revenus des infirmiers libéraux n’ont jamais été revalorisés, et ce, malgré les nombreuses sollicitations des syndicats à ce sujet.

Par ailleurs, le manque considérable de moyens alloués dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2024, comme dans les précédents aux infirmiers libéraux affecte considérablement la vie de ces femmes et de ces hommes dont le quotidien est de plus en plus dur alors même que le nombre de patients est en constante augmentation.

Les tentatives successives de revalorisation des indemnisations forfaitaires de déplacement passant de 2,50 à 2,75 euros sont jugés comme « insuffisants » et « peu viables » par les professionnels de terrain qui ne peuvent faire autrement que de se déplacer en voiture afin de mailler l’ensemble du territoire national et en particulier les territoires ruraux.

Pourtant, il apparaît comme une évidence, au regard de la nature de leur travail qui revêt d’une utilité publique majeure, que la situation exige de faire évoluer la rémunération des infirmiers libéraux. C’est non seulement une question de juste reconnaissance de leur travail mais également d’attractivité des métiers du soin dont nous avons tant besoin.

D’autre part, les conditions d’exercice des infirmiers libéraux pâtissent d’un réel manque de lisibilité et de transparence.

À titre d’exemple, le forfait pour le bilan de soins infirmiers (BSI) est un échec cuisant. Le BSI permet à l’infirmier, à la suite d’une prescription de soins pour dépendance, de faire une évaluation de l’état de santé du patient dépendant afin d’établir un plan de soins infirmiers personnalisé. Toutefois, ces forfaits sont des « fourre‑tout » (toilette, préparation et administration des traitements, prise de constantes, pansements simples). Aussi, les règles de facturation dérogent aux règles traditionnelles, pouvant conduire à des erreurs synonymes d’une augmentation des procédures en réclamation d’indus.

Autre exemple, la pénibilité du travail des infirmiers libéraux est bien réelle. Ces professionnels de santé manipulent des patients plus ou moins lourds, plus ou moins grabataires. Malgré les aides qui sont à leur disposition, force est de constater que leur profession a des conséquences physiques importantes. De nombreux infirmiers souffrent de pathologies du rachis, des articulations, des membres supérieurs ou inférieurs… Ils travaillent tôt le matin et finissent tard le soir. Il est à noter que l’espérance de vie d’une infirmière est diminuée de sept ans par rapport aux autres personnes dans notre pays. Les pouvoirs publics doivent mieux anticiper cette pénibilité qui de toute évidence nuit à l’attractivité de cette profession touchée de plus en plus par des burn‑out.

Enfin, l’on pourrait évoquer également la nomenclature des actes qui devient obsolète. En effet, le glissement vers l’ambulatoire amène les infirmiers à prodiguer des soins qui ne sont toujours pas répertoriés dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et qui ne sont donc pas rémunérés à leur juste valeur.

Pour toutes ces raisons, les infirmiers et infirmières libéraux questionnent la place et le devenir de leur profession alors même qu’ils sont épuisés et que leurs difficultés de trésorerie s’accumulent. 30 % des jeunes diplômés abandonnent la profession dans les cinq ans qui suivent le diplôme ! C’est donc autant d’infirmiers libéraux potentiels en moins.

Face à leur détresse, les actions du Gouvernement ne sont pas suffisantes !

Cette inaction publique menace chaque jour pas moins de 30 à 40 patients par infirmier libéral qui risquent de se voir dépourvus de soins et plongés dans la désertification médicale à chaque fois qu’un poste disparaît.

C’est pourquoi le Législateur doit absolument relayer ce cri silencieux des infirmiers et infirmières libéraux.

Ils souffrent en silence tout en continuant de prodiguer les soins nécessaires à des millions de nos concitoyens. Ils doivent aujourd’hui être entendus !

Tel est l’objet de cette proposition de résolution qui exhorte le Gouvernement à reconnaître davantage et à revaloriser de toute urgence les professionnels infirmiers libéraux en France.

 


– 1 –

proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale, Considérant le devoir républicain de solidarité et de santé publique ;

Considérant l’objectif national de maintien à domicile et de virage ambulatoire ;

Considérant la dégradation de l’offre de soin en France et le contexte de désertification médicale ;

Considérant le vieillissement de la population et l’augmentation des besoins d’aide à domicile sur l’ensemble du territoire national ;

Considérant le manque d’attractivité de la profession d’infirmier libéral en France ;

Considérant l’augmentation manifeste des coûts inhérents à la profession d’infirmier libéral ;

Considérant une offre de soins saturée ainsi que des parcours trop peu gradués pour les infirmiers libéraux ;

Considérant l’insuffisance budgétaire allouée aux soins de ville et à la profession d’infirmier libéral ;

Considérant les difficultés croissantes, notamment administratives, inhérentes à la profession d’infirmier libéral ;

Considérant la pénibilité physique de la profession d’infirmier libéral ;

Considérant le manque de reconnaissance manifeste de la profession d’infirmier libéral en France ;

Invite le Gouvernement à :

– garantir un égal accès aux soins infirmiers sur l’ensemble du territoire national ;

– développer l’attractivité de la profession d’infirmier libéral au travers d’un grand plan national ;

– reconnaître davantage l’utilité publique des infirmiers et infirmières libéraux en France ;

– compléter dans une démarche de simplification les conditions et textes règlementaires inhérents à l’exercice de la profession d’infirmier libéral en France ;

– s’engager à des mesures concrètes visant à améliorer le quotidien des infirmiers et infirmières libéraux de France, en particulier au regard de leur difficultés de trésorerie ;

– s’engager à des mesures concrètes visant à améliorer l’exercice quotidien de la profession d’infirmier libéral ;

– s’engager à des mesures concrètes visant à un meilleur financement des actes de soins infirmiers ;

– faciliter la formation et l’évolution de carrière des infirmiers et infirmières libéraux en France.