N° 2391

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux difficultés d’accès aux soins à l’hôpital public,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christophe NAEGELEN, M. Bertrand PANCHER, M. Jean-Félix ACQUAVIVA, Mme Nathalie BASSIRE, M. Guy BRICOUT, M. Jean-Louis BRICOUT, M. Michel CASTELLANI, M. Paul-André COLOMBANI, M. Charles DE COURSON, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Martine FROGER, M. Stéphane LENORMAND, M. Max MATHIASIN, M. Paul MOLAC, M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, M. Laurent PANIFOUS, M. Benjamin SAINT-HUILE, M. Olivier SERVA, M. David TAUPIAC, M. Jean-Luc WARSMANN, Mme Estelle YOUSSOUFFA,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a quatre ans, la crise sanitaire liée au covid‑19 obligeait le monde et la France à se confiner, pour protéger la population, et éviter l’effondrement de notre système de santé hospitalier.

Si l’hôpital public a tenu, c’est notamment grâce à la mobilisation sans faille de ses soignants, à qui le « Ségur de la santé » a tenté d’apporter une reconnaissance qu’il reste encore à poursuivre.

Car la crise sanitaire, qui a mis notre hôpital à dure épreuve, est venue exacerber une crise du système de santé ancienne, un délitement continu des services hospitaliers, qui éloignent de plus en plus nos concitoyens d’un accès aux soins de qualité.

Dès 2019, avant même la survenue de l’épidémie de covid‑19, notre pays a connu de longs mois de mobilisation avec un mouvement de grève massif des hôpitaux et des services d’urgences.

Quatre ans plus tard, alors que les rapports, les missions et les « Ségur » se sont succédés, notre hôpital public continue de traverser une crise grave, au détriment de la santé et de la sécurité des patients.

Une crise grave de l’hôpital public qui nuit à l’accès aux soins des citoyens

Faute de recueil centralisé des données sur les difficultés rencontrées par les services, les chiffres à notre disposition sont ceux des syndicats qui mènent leurs propres études. Une commission d’enquête permettrait de fournir un état des lieux précis de la situation, dans chacun de ces services, et comprendre l’origine et les causes d’une telle dégradation.

Ainsi, selon une étude menée par la Fédération hospitalière de France (FHF), en 2023, 70 % des établissements hospitaliers participants à l’étude, ont fermé des lits en médecine, 29 % en chirurgie, 25 % en soins critiques et 17 % aux urgences. 60 % des lits fermés le sont parce que les hôpitaux ne parviennent pas à recruter suffisamment de soignants.

Aujourd’hui, 30 % des postes de médecins hospitaliers sont vacants, selon les chiffres de la FHF. Le nombre de candidats au concours de praticiens hospitaliers a encore baissé au printemps 2023, avec 3 364 candidatures reçues pour 10 846 postes vacants publiés, contre 4 056 candidatures un an avant.

Le manque d’accès aux soins se traduit également par des disparités territoriales importantes, qui génèrent un sentiment de déclassement chez les citoyens concernés. Le temps d’accès aux soins pour les ruraux est désormais supérieur de 52 % à celui des urbains.

Dans les territoires ultra‑marins et insulaires, le manque d’infrastructures, l’éloignement et les surcoûts exacerbent les difficultés en matière de santé.

Ce manque d’accès aux soins, qui se fait dans des conditions de plus en plus dégradées, entraine des pertes de chances considérables et intolérables pour les patients.

Tous les services hospitaliers sont concernés, mais ils connaissent des dégradations plus ou moins importantes. Une attention particulière doit être portée notamment aux services d’urgences. Le syndicat SAMU‑Urgences de France estimait que pour le seul mois de décembre 2022, 150 personnes étaient décédées sur des brancards faute de prise en charge du fait du manque de lits et de personnel.

Selon un bilan réalisé par ce même syndicat, sur plus de la moitié des 680 structures d’urgence en France, 163 services d’urgence ont fermé au moins une fois au cours des deux mois d’été 2024, tandis que 166 structures mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) ont fermé au moins une unité sur la période. Les trois‑quarts des Samu‑Centres 15 disent avoir eu besoin de renforts d’assistants de régulation médicale (ARM), mais un tiers n’ont pas pu en trouver.

Par ailleurs, nous assistons à une fermeture continue des maternités, obligeant les patientes à parcourir de nombreux kilomètres pour accoucher. Près de 33 % des maternités ont fermé en 20 ans, entre 2001 et 2021. En près de 50 ans, depuis 1972, trois quarts de ces établissements ont même disparu.

Dans le même temps, la France voit son taux de mortalité infantile augmenter, notamment du fait d’une dégradation des soins obstétricaux et pédiatriques. Nous avons encore tous en mémoire la saturation des urgences pédiatriques lors de l’épidémie de bronchiolite en hiver dernier.

Quant aux services de psychiatrie, ils sont également confrontés à de graves dysfonctionnements et manques de moyens ; confirmant le constat que la santé mentale continue d’être le parent pauvre de notre système de santé.

Questionner les responsabilités politiques, administratives et médicales

Lors du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale, toutes les fédérations hospitalières alertaient sur l’insuffisance de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour faire face à l’inflation qui se répercute sur les coûts de fonctionnement comme les projets d’investissement, ainsi que pour couvrir les revalorisations salariales. Le budget pour 2024 a acté un creusement inédit du déficit des hôpitaux publics qui avoisinera 2 à 3 milliards d’euros en 2023.

Toutefois, l’origine des dysfonctionnements n’est pas uniquement liée à un manque d’investissements récents.

La responsabilité de la crise de l’hôpital public est ancienne et collective : elle est le résultat de plusieurs décennies de décisions politiques et administratives.

Aujourd’hui, nous devons questionner l’origine de ces dysfonctionnements au travers des politiques menées et des directives données par le ministère de la Santé et par les Agences régionales de santé, notamment en matière de répartition de l’offre de soins sur le territoire (attribution des internes, rémunération, tarifs hospitaliers…).

Nous devons également nous intéresser à l’effectivité et l’application de ces politiques, en comparant notamment leur mise en œuvre sur tous nos territoires. La responsabilité est aussi celle des acteurs et administrations chargés de mettre en œuvre les décisions politiques ainsi que celle des hôpitaux et des services, qui assurent quotidiennement la tenue de notre service public hospitalier.

Une réflexion sur la pertinence de la gouvernance de la politique de santé, sur le plan national et à tous les échelons territoriaux est à mener.

Questionner ces dysfonctionnements implique de s’interroger sur les moyens matériels et humains accordés à notre hôpital public ; sur les investissements consentis comparativement aux besoins ; sur l’organisation de l’hôpital et du système de soins ; sur les conditions d’exercice des soignants ; sur les inégalités d’accès aux soins et les spécificités propres à chacun de nos territoires…

La crise de notre hôpital public est en réalité une crise de notre système de santé dans sa globalité, avec des patients qui, dans des territoires de plus en plus nombreux, n’ont plus accès qu’à l’hôpital public, dans des conditions dégradées.

Toute la lumière doit être faite sur les dysfonctionnements de notre hôpital public, afin de pouvoir proposer des solutions concrètes pour qu’aucun citoyen ne soit éloigné de l’accès aux soins, sur aucun de nos territoires.

 

 

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres, chargée d’évaluer les difficultés d’accès aux soins à l’hôpital public sur tout le territoire, et tenter d’identifier des solutions pour y remédier.