N° 2444

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à exiger un débat parlementaire sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada,

 

présentée par

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, Mme Émilie BONNIVARD, M. Paul-André COLOMBANI, M. Antoine VILLEDIEU, M. André VILLIERS, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Francis DUBOIS, Mme Hélène LAPORTE, M. Kévin PFEFFER, Mme Josiane CORNELOUP, M. Christophe NAEGELEN, M. Jean-Louis BRICOUT, M. Ian BOUCARD, M. Hubert BRIGAND, M. Philippe LOTTIAUX, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Emmanuelle MÉNARD, M. Guy BRICOUT, Mme Véronique BESSE, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, M. Yannick NEUDER,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) est un accord commercial bilatéral de libre‑échange entre l’Union européenne et le Canada, conclu en 2013. Bien qu’il ait reçu l’approbation du Parlement européen et de 17 États membres à ce jour, l’accord n’est entré en vigueur que provisoirement depuis le 21 septembre 2017. Cet accord, étant de nature mixte, inclut à la fois des dispositions relevant des compétences exclusives de l’Union européenne, telles que la politique commerciale commune, ainsi que des compétences partagées avec les États membres, notamment en matière de marché intérieur, de cohésion économique, sociale et territoriale, et de protection des consommateurs. Par conséquent, pour être pleinement mis en œuvre, le CETA doit obtenir la ratification de l’ensemble des parlements des 27 États membres.

En France, au‑delà de ces interrogations au regard du droit de l’Union européenne, le CETA s’applique seulement de manière provisoire depuis 2019. En effet, le 17 juillet 2019, seuls les députés La République en marche (LREM) (aujourd’hui Renaissance) et MoDem ont voté favorablement le Projet de loi de ratification du CETA qui, en dépit de l’opposition des députés Socialistes, Insoumis, Rassemblement national (RN), Communistes, Écologistes et Union des démocrates et indépendants et Indépendants (UDI), a été adopté à 9 voix près. Malgré cette victoire limitée à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi au Sénat le 21 mars 2024, les sénateurs, dans un contexte fortement marqué par la crise agricole depuis le début d’année, l’ont largement rejeté à 214 voix, témoignant ainsi des préoccupations profondes du monde agricole.

Ce rejet s’inscrit pleinement dans le prolongement des diverses manifestations et mouvements de contestation des agriculteurs depuis janvier dernier, exprimant un malaise profond accumulé depuis plus d’une décennie. Ces revendications mettent en évidence un besoin criant de réformes, notamment en matière de simplification des normes, de lutte contre la concurrence déloyale et le déséquilibre des relations commerciales et de reconnaissance des revenus suffisants des agriculteurs. Il est clair que nos agriculteurs veulent une vraie rémunération et du respect, moins de charges et de normes : justes échanges, réciprocité des normes, exonération de charges sur la main‑d’œuvre, choc de simplification, amélioration des retraites agricoles et prédation.

Dans ce cadre, le CETA, par ses principes, va à l’encontre de ces revendications agricoles. En effet, il vise à faciliter les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Canada tout en réduisant fortement les barrières tarifaires et non‑tarifaires aux échanges commerciaux. Il comprend également de nombreuses dispositions liées à l’exportation des biens et des services, ainsi qu’aux opportunités d’investissements des entreprises européennes et canadiennes. Ces dernières semblent compromettre la souveraineté alimentaire et agricole de la France, pourtant prochainement reconnue dans le projet de loi d’Orientation agricole (PJLOA), présenté, suite à de multiples reports, ce mercredi en Conseil des ministres, sous la forme d’« intérêt général majeur de la nation ».

Face à la perspective d’un rejet en deuxième lecture du projet de loi de ratification du CETA à l’Assemblée nationale, le ministre délégué au commerce extérieur, M. Franck Riester, a repoussé, le 26 mars dernier, ce vote à une date ultérieure, et ce après les élections européennes du 9 juin prochain. En réponse à ce stratagème gouvernemental, les députés communistes entendent se saisir du projet de loi lors de leur niche parlementaire, prévue pour le 30 mai prochain, à 10 jours seulement des élections européennes.

Dans un souci démocratique et de respect du droit de contrôle parlementaire sur l’action gouvernementale, il est urgent de réclamer un examen immédiat du Projet de loi de ratification du CETA à l’Assemblée nationale, en réponse au rejet massif du Sénat. Il est temps de répondre aux préoccupations légitimes de nos agriculteurs et de promouvoir une France souveraine en matière alimentaire et agricole.

Compte tenu de ces éléments, cette Proposition de résolution appelle à la poursuite immédiate d’un débat démocratique sur le projet de loi de ratification du CETA à l’Assemblée nationale.

 

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 24 et 53 de la Constitution du 4 octobre 1958,

Vu le Traité sur l’Union européenne (TUE) du 1er novembre 1993,

Vu les articles 3 et 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) du 25 mars 1957,

Vu le Projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Canada, d’autre part et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, (CETA) déposé le 23 juillet 2019,

Considérant que la crise agricole débutée en janvier dernier à l’échelle de la France et de l’Europe tout entière exprime un mal-être profond des agriculteurs ;

Considérant que les agriculteurs pointent du doigt en grande partie la multiplication d’accords de libre-échange et réclament la fin de la concurrence déloyale, le rétablissement de l’équilibre des relations commerciales, l’amélioration des revenus insuffisants ;

Considérant que le CETA, par principe étant un accord de libre-échange, impacte directement les conditions de vie et de travail de nos agriculteurs. Il vise à accroître la concurrence déloyale, le déséquilibre des relations commerciales et les revenus insuffisants des agriculteurs ;

Considérant que le Parlement dispose d’un droit de contrôle sur l’action gouvernementale et qu’il approuve la ratification de certains traités de commerce ;

Exige au Gouvernement de soumettre à un débat démocratique immédiat de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la France à l’Assemblée nationale.