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N° 2512

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 avril 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

portant sur la reconnaissance et la condamnation des persécutions des Assyro-Chaldéens de 1915 comme génocide,

 

présentée par

M. Sylvain MAILLARD, Mme Anne-Laure BLIN, M. Olivier MARLEIX, M. Dominique DA SILVA, Mme Claire GUICHARD, M. Charles RODWELL, M. Hadrien GHOMI, M. Éric CIOTTI, M. Damien ABAD, Mme Caroline ABADIE, M. Damien ADAM, M. Éric ALAUZET, M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Mme Emmanuelle ANTHOINE, M. Jean-Philippe ARDOUIN, M. Antoine ARMAND, Mme Nathalie BASSIRE, M. Quentin BATAILLON, M. Thibault BAZIN, M. Clément BEAUNE, M. Belkhir BELHADDAD, M. Mounir BELHAMITI, Mme Fanta BERETE, M. Denis BERNAERT, Mme Véronique BESSE, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Benoît BORDAT, Mme Élisabeth BORNE, M. Éric BOTHOREL, M. Florent BOUDIÉ, Mme Chantal BOULOUX, Mme Pascale BOYER, Mme Yaël BRAUN-PIVET, Mme Maud BREGEON, M. Anthony BROSSE, Mme Anne BRUGNERA, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Françoise BUFFET, Mme Céline CALVEZ, Mme Eléonore CAROIT, M. Lionel CAUSSE, M. Pierre CAZENEUVE, M. Jean-René CAZENEUVE, Mme Émilie CHANDLER, M. Yannick CHENEVARD, Mme Mireille CLAPOT, Mme Fabienne COLBOC, Mme Claire COLOMB-PITOLLAT, M. François CORMIER-BOULIGEON, Mme Bérangère COUILLARD, Mme Laurence CRISTOL, Mme Christine DECODTS, Mme Julie DELPECH, M. Frédéric DESCROZAILLE, M. Benjamin DIRX, Mme Ingrid DORDAIN, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Philippe DUNOYER, Mme Stella DUPONT, M. Olivier DUSSOPT, M. Philippe EMMANUEL, Mme Sophie ERRANTE, M. Philippe FAIT, M. Marc FERRACCI, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Nicolas FORISSIER, M. Philippe FREI, M. Jean-Luc FUGIT, M. Thomas GASSILLOUD, Mme Anne GENETET, Mme Annie GENEVARD, M. Raphaël GÉRARD, M. Éric GIRARDIN, M. Joël GIRAUD, Mme Olga GIVERNET, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, M. Jean-Carles GRELIER, M. Meyer HABIB, M. Benjamin HADDAD, Mme Nadia HAI, M. Yannick HAURY, M. Michel HERBILLON, M. Alexandre HOLROYD, M. Sacha HOULIÉ, M. Éric HUSSON, Mme Monique IBORRA, M. Alexis IZARD, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Caroline JANVIER, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, M. Emmanuel LACRESSE, Mme Amélia LAKRAFI, M. Luc LAMIRAULT, Mme Virginie LANLO, M. Michel LAUZZANA, M. Pascal LAVERGNE, Mme Sandrine LE FEUR, M. Marc LE FUR, M. Didier LE GAC, M. Gilles LE GENDRE, Mme Constance LE GRIP, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole LE PEIH, M. Fabrice LE VIGOUREUX, M. Vincent LEDOUX, M. Mathieu LEFÈVRE, Mme Patricia LEMOINE, Mme Brigitte LISO, M. Jean-François LOVISOLO, Mme Laurence MAILLART-MÉHAIGNERIE, Mme Jacqueline MAQUET, M. Bastien MARCHIVE, M. Louis MARGUERITTE, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), Mme Alexandra MARTIN (GIRONDE), M. Didier MARTIN, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, Mme Emmanuelle MÉNARD, M. Ludovic MENDES, Mme Lysiane MÉTAYER, M. Nicolas METZDORF, Mme Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, M. Paul MIDY, Mme Laure MILLER, Mme Véronique DE MONTCHALIN, M. Benoit MOURNET, M. Karl OLIVE, M. Nicolas PACQUOT, Mme Sophie PANONACLE, Mme Astrid PANOSYAN-BOUVET, M. Didier PARAKIAN, M. Didier PARIS, Mme Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, M. Emmanuel PELLERIN, M. Patrice PERROT, Mme Anne-Laurence PETEL, Mme Michèle PEYRON, Mme Béatrice PIRON, M. Jean-Pierre PONT, M. Éric POULLIAT, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Natalia POUZYREFF, M. Nicolas RAY, M. Rémy REBEYROTTE, M. Robin REDA, Mme Cécile RILHAC, Mme Véronique RIOTTON, Mme Stéphanie RIST, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Xavier ROSEREN, M. Jean-François ROUSSET, M. Lionel ROYER-PERREAUT, M. Thomas RUDIGOZ, Mme Laetitia SAINT-PAUL, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Mikaele SEO, M. Charles SITZENSTUHL, M. Philippe SOREZ, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Bruno STUDER, Mme Michèle TABAROT, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Liliana TANGUY, Mme Sarah TANZILLI, M. Jean TERLIER, Mme Huguette TIEGNA, M. Stéphane TRAVERT, M. David VALENCE, M. Olivier VÉRAN, Mme Annie VIDAL, M. Patrick VIGNAL, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane VIRY, M. Stéphane VOJETTA, M. Lionel VUIBERT, M. Guillaume VUILLETET, M. Christopher WEISSBERG, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN, M. Jean-Marc ZULESI, M. Francis DUBOIS, M. Pierre CORDIER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 1915, les Ottomans ont lancé un processus génocidaire contre le peuple arménien, au cours duquel plusieurs communautés chrétiennes ont également été victimes de cette politique d’extermination. Parmi eux, les Assyro‑Chaldéens, connus comme les Assyriens, Chaldéens, Syriaques et Araméens, vocables qui désignent un seul et même peuple.

Ces communautés avaient déjà été l’objet d’exactions au sein de l’empire ottoman, via le brigandage kurde, des massacres ou encore des conversions forcées à l’islam, comme ce fut le cas des communautés assyrienne et arménienne de Diyarbakir durant les massacres de 1895 et 1896.

Entre 1915 et 1918, la population assyrienne du nord de la Mésopotamie (régions du sud‑est de l’actuelle Turquie et région du nord‑ouest de l’Iran) a été massacrée et déplacée de force par les troupes ottomanes et kurdes. Ce sont 250 000 Assyro‑Chaldéens, soit la moitié de la population de l’époque, qui auraient été massacrés. Non pas par des actes isolés mais dans le cadre d’une opération concertée.

Ces exécutions et persécutions de masse ont provoqué l’exode massif de ces populations dans le Caucase, en Syrie, en Irak et dans le reste du monde. Exil qui s’est d’ailleurs poursuivi jusque dans les années 1970, du fait de l’état de dhimmitude auquel ils ont souvent continué d’être réduits, en faisant des sous‑citoyens dans certains pays de la région.

Cet événement tragique de leur histoire est désormais désigné par les communautés assyro‑chaldéennes sous le nom de « Sayfo », qui signifie « épée » en araméen.

Or, si le génocide arménien, par son ampleur, est reconnu par de nombreux pays et organisations internationales, considéré comme l’un des quatre génocides officiellement acceptés par l’ONU, et est commémoré chaque 24 avril par la France, le massacre des Assyriens souffre d’un manque de reconnaissance en tant que génocide.

Ce manque est sans doute dû au fait que l’identité assyro‑chaldéenne demeure méconnue. Le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920, reconnaît pourtant, au sein de son article 62 (section III, Kurdistan), une identité aux Assyro‑Chaldéens. C’est dans ce cadre qu’au travers des associations assyriennes de la diaspora, l’Union européenne a tenté plusieurs démarches auprès du Gouvernement turc pour faire reconnaitre ce peuple.

Cette méconnaissance n’empêche pas ces communautés de continuer à être l’objet de stigmatisations et de violences. Encore récemment, en 2014 et 2015, les terroristes islamistes de Daesh ont ciblé méthodiquement les Chrétiens présents en Syrie et en Irak, notamment par des actes de stigmatisation, par la conversion forcée à l’islam ou encore, par des actes de tortures ou d’exécutions sommaires.

En 2007, l’Association internationale des spécialistes des génocides (International Association of Genocide Scholars) est parvenue à un consensus selon lequel « la campagne ottomane contre les minorités chrétiennes de l’Empire entre 1914 et 1923 constituait un génocide contre les Arméniens, les Assyro‑Chaldéens et les Grecs pontiques d’Anatolie. » et a adopté une résolution reconnaissant officiellement le génocide assyrien.

Par la suite, la Suède et les Pays‑Bas ont été les premiers États à reconnaître le massacre des Assyro‑Chaldéens de 1915‑1918 comme un génocide. Certains états américains et australiens ont également adopté des résolutions en ce sens.

La mémoire et l’histoire contribuent à l’identité des peuples. Au contraire, l’oubli et la négation portent atteinte au respect de la dignité humaine.

Depuis les Capitulations de 1535 entre François Ier et Soliman le Magnifique, la France a endossé un rôle de protecteur envers les Chrétiens d’Orient. Fidèle à cet héritage, elle se doit de reconnaître les souffrances profondes qui ont emmaillé l’histoire de ces communautés, parmi lesquelles les massacres de 1915‑1918 sont une plaie encore béante dans la mémoire des Chrétiens d’Orient.

Cette proposition de résolution vise ainsi à faire reconnaître comme génocide les massacres subis par les Assyro‑Chaldéens durant la période allant de 1915 à 1918, afin de combler ce vide de l’histoire et permettre que s’exerce pleinement le devoir de mémoire sur ces événements.

 

 

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,

Vu la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, et notamment son article 2,

Vu la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950,

Vu la résolution de 2007 de l’association internationale des spécialistes des génocides reconnaissant comme génocide la campagne ottomane contre les Arméniens, les Assyriens et les Grecs pontiques d’Anatolie entre 1914 et 1923,

Vu la loi n° 2001‑70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915,

Vu le décret n° 2019‑291 du 10 avril 2019 relatif à la commémoration annuelle du génocide arménien de 1915,

Considérant que les spécificités historiques, linguistiques, culturelles et religieuses des Assyro‑Chaldéens en font un peuple à l’identité propre, distincte de celle des autres peuples du Proche et du Moyen‑Orient ;

Considérant qu’au début du XXe siècle, la population assyro‑chaldéenne vivant dans l’Empire ottoman s’élevait à plus de 500 000 personnes ;

Considérant qu’avant la Première Guerre mondiale, le peuple assyro‑chaldéen a été victime de persécutions graves et récurrentes et de plusieurs massacres, notamment ceux de 1895‑1896 ;

Considérant qu’entre 1915 et 1918, le régime ottoman a organisé le meurtre en masse de la population assyro‑chaldéenne, son exode hors des frontières de l’empire et sa conversion forcée à l’islam ;

Considérant que l’extermination combinée et concertée de plus de 250 000 Assyro‑Chaldéens, soit plus de la moitié de la population de l’époque, avait pour buts la négation de l’identité assyrienne et sa disparition de l’espace ottoman, au regard des exécutions massives et systématiques, de la spoliation de leurs terres et biens ainsi que de la destruction systématique de leurs biens d’expression culturelle ;

Considérant qu’en vertu de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, sont considérés comme des crimes de génocide les actes ci‑après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial et religieux : le meurtre de membres du groupe, l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ;

Considérant que la France a reconnu le génocide arménien en 2001 et que, depuis 2019, une journée de commémoration annuelle lui est officiellement consacrée le 24 avril ;

Considérant que la reconnaissance des génocides perpétrés au cours de l’histoire doit permettre d’éviter la répétition de crimes semblables à l’avenir ;

Considérant que la reconnaissance des atrocités et des souffrances subies par les minorités chrétiennes de l’Empire ottoman et par les populations Assyro‑Chaldéo‑Syriaques participe, aujourd’hui comme hier, au combat contre l’oubli, pour l’établissement des responsabilités et des réparations légitimes et contre la réitération de ces tragédies ;

Considérant l’importance du travail de mémoire et du respect de la dignité de la personne humaine ;

1. Invite le Gouvernement à reconnaitre officiellement comme ayant un caractère génocidaire, l’extermination de masse, la déportation et la suppression de l’héritage culturel de plus de 250 000 Assyro‑Chaldéens par les autorités ottomanes, entre 1915 et 1918 ;

2. Invite le Gouvernement à condamner le génocide commis par les autorités ottomanes contre les Assyro‑Chaldéens entre 1915 et 1918 ;

3. Invite le Gouvernement à encourager sur la scène internationale un libre accès aux archives relatives aux massacres perpétrés entre 1915 et 1918, à la fin de la période ottomane, afin de permettre aux historiens de poursuivre leurs recherches visant à établir et documenter les faits de cette période.

4. Encourage le travail de mémoire, en particulier à travers l’enseignement et la culture, afin de mieux faire connaître les événements survenus au cours de cette période de l’histoires, et les souffrances qui en découlent.