N° 2532

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 avril 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à revoir la politique de financement de la zéro artificialisation nette pour répondre aux besoins des collectivités territoriales,

 

présentée par

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les difficultés d’application du principe de « zéro artificialisation nette » (ZAN) prévu par la loi Climat et Résilience de 2019 provoque de nombreuses interrogations de la part des élus locaux sur sa mise en œuvre ayant pour objectif d’atteindre le niveau zéro de l’artificialisation nette des sols d’ici à 2050 et pour diminuer la consommation d’espaces par deux en 2031. Le gouvernement reconnaît les problématiques du dispositif et souligne la nécessite de le modifier.

Avec le soutien du Gouvernement, le Sénat a procédé à des corrections contenues dans la loi du 20 juillet 2023 « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux ». Les nouveaux décrets d’application relatifs à la territorialisation de l’objectif ZAN dans les schémas et documents de planification et à la nomenclature des surfaces artificialisées sont attendus pour améliorer le dispositif et donner une marge de manœuvre aux élus pour permettre les constructions qui correspondraient aux besoins de la population et aux besoins écologiques et climatiques. Un modèle économique et financier doit être pensé sur le long terme, afin de permettre le renouvellement urbain et la réaffection des friches.

Une discussion doit avoir lieu à ce sujet concernant la loi de finances 2024, comme le prévoit l’article 9 de la loi Climat et Résilience « dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols. […] Ce rapport chiffre les pertes de recettes ou les dépenses supplémentaires induites par les propositions formulées ».

Les lois de finances en date de 2022 et 2023 n’avaient pas prévu de dispositif spécifique au financement et à l’accompagnement du ZAN, contrairement à la loi Climat du 22 août 2021 qui prévoyait dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi que le Gouvernement remettait au Parlement « un rapport proposant les modifications nécessaires en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme, à la fiscalité du logement et de la construction ainsi qu’au régime juridique de la fiscalité de l’urbanisme, des outils de maîtrise foncière et des outils d’aménagement à la disposition des collectivités territoriales pour leur permettre de concilier la mise en œuvre des objectifs tendant à l’absence d’artificialisation nette et les objectifs de maîtrise des coûts de la construction, de production de logements et de maîtrise publique du foncier ».

Aussi, au cours du mois d’octobre 2023, l’association des maires de France (AMF) a proposé vingt nouvelles mesures à mettre en œuvre pour répondre à cette problématique économique et financière. Cette proposition de résolution a vocation à reprendre les propositions de l’AMF, basées sur l’expérience et l’expertise des élus locaux. Au travers différents moyens d’action (mission de suivi des lois de 2021 et 2023, organisation de débats, rapports) le Sénat alerte sur la nécessité de prendre le sujet à bras‑le‑corps. La commission des finances s’y attelle par le biais d’une mission d’information qui a commencé au début du mois de mars.

Le livre blanc de la société d’ingénierie Services Conseil Expertises et Territoires (SCET) nommé « objectif ZAN : réarmer l’intervention publique face au défi du zéro artificialisation nette » paru en janvier 2023 évoquait déjà la notion de coût et proposait des pistes pour donner aux élus locaux les outils financiers et fiscaux pour la mise en œuvre. Il était question de « l’exclusion de l’éligibilité au dispositif Pinel et au prêt à taux zéro (PTZ) des constructions sur des terres non artificialisées, ou encore l’exonération totale de taxe d’aménagement pour les projets qui ne changent pas l’emprise au sol du bâti (surélévation, rénovation, reconstruction). » 

La loi de finances 2024 a partiellement intégré ces dispositions, le dispositif Pinel a été supprimé, le prêt à taux zéro (PTZ) recentré. Le fonds vert constitue un autre moyen de financement du ZAN, mis en avant par le ministre Christophe Béchu. Néanmoins, le levier pérenne de la fiscalité locale n’a pas été évoqué, malgré l’article 72‑2 de la Constitution prévoyant l’obligation pour l’État de transférer les ressources correspondant aux charges nouvelles assignées aux collectivités.

La mission d’information menée au Sénat et devant prendre fin au mois de septembre 2024 permettra de revoir la fiscalité locale pour mieux prendre en considération la sobriété foncière. Les élus locaux doivent pouvoir bénéficier d’outils juridiques et financiers pour territorialiser le ZAN.

Ainsi, cette proposition de résolution a pour objectif de donner des solutions financières et fiscales aux élus locaux pour une meilleure mise en œuvre de l’objectif ZAN sans pénaliser nos collectivités et leurs moyens. Ce texte peut également venir compléter les travaux actuels notamment du gouvernement, dans le cadre de la prochaine loi de finances 2025.

 


– 1 –

Proposition de résolution
visant à revoir la politique de financement de la zéro artificialisation nette pour répondre aux besoins des collectivités territoriales

 

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu l’article R4251-8-1 du Code Général des Collectivités Territoriales ;

Vu l’article L101-2 du Code de l’Urbanisme ;

Vu les dispositions de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et l’instauration de l’objectif zéro artificialisation nette ;

Vu les dispositions de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale ;

Vu les dispositions de la loi n°2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux ;

Vu le décret n°2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols ;

Vu le décret n°2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols ;

Vu le décret n°2023-1098 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols ;

Considérant les difficultés de conciliation entre l’objectif zéro artificialisation nette et les enjeux sociétaux tels que la transition écologique, la réindustrialisation, l'énergie renouvelable, la construction de nouveaux logements notamment sociaux ;

Considérant le manque de ressources et de moyens notamment en ressources humaines des communes et intercommunalités pour réviser les documents d’urbanisme et suivre la comptabilisation de l’artificialisation ;

Considérant le manque de ressources financières et fiscales des communes et des intercommunalités ;

Considérant les nombreuses incompréhensions remontées par les associations d’élus qu’il convient de lever ;

Estimant qu’un consensus se dégage sur la nécessité de prévoir un traitement différencié pour les projets d’intérêt national en déduisant les surfaces à artificialiser de la surface nationale d’artificialisation devant être atteinte ;

Saluant les concertations menées entre l’État et les élus territoriaux et parlementaires sur le sujet ;

Sollicite le gouvernement pour développer des observatoires à l’échelle nationale et locale afin d’analyser l’évolution du coût du foncier et ajuster les outils financiers et fiscaux ;

Demande au gouvernement de renforcer la valorisation des compétences et des ressources humaines en matière d’urbanisme ;

Incite le gouvernement à renforcer la capacité des services déconcentrés de l’État à accompagner les communes et intercommunalités dans leurs démarches liées au ZAN ;

Invite le gouvernement à majorer et réviser les critères d’octroi de la Dotation Générale de Décentralisation (DGD) pour une participation de l’État au coût de l’ingénierie ;

Demande au gouvernement de permettre un accès accru aux outils de l’aménagement et aux opérateurs via la création d’établissements publics fonciers dotés d’une fiscalité sanctuarisée

Demande au gouvernement de préciser et rendre transparent les modalités d’affectation du Fonds verts, ainsi qu’une revalorisation des enveloppes ;

Invite le gouvernement à replacer la contractualisation dans la réalité des enjeux s’imposant aux communes et intercommunalités ;

Incite le gouvernement à financer certaines exonérations et abattements décidés par les collectivités lorsqu’elles relèvent de la solidarité nationale (ZAN, logement social, etc.) ;

Appelle le gouvernement à transformer les différentes taxes sur les logements vacants en une véritable taxe du bloc communal ;

Sollicite le gouvernement pour réformer la taxe sur les résidences secondaires afin de la rendre accessible à davantage de communes ;

Demande au gouvernement de majorer la taxation des plus-values sur la cession des terrains nus devenus constructibles en prévoyant des exonérations ;

Sollicite le gouvernement pour réinstaurer et simplifier le versement pour sous-densité (VSD) ;

Demande au gouvernement de réformer et majorer la taxe d’aménagement afin de l’adapter au ZAN Réformer la fiscalité des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en faveur des communes ;

Invite le gouvernement à articuler l’évolution des aides à l’investissement locatif avec le ZAN ;

Incite le gouvernement à augmenter l’intérêt fiscal et économique à renaturer, faire du renouvellement urbain, améliorer le cadre de vie, recycler le foncier, décarboner l’aménagement ;

Demande au gouvernement d’établir une sécurisation juridique des clauses et outils visant à lutter contre la spéculation à destination des maires et présidents d’intercommunalité ;

Sollicite le gouvernement pour proposer un mécanisme de régulation sur la base du volontariat des communes et intercommunalités ;

Invite le gouvernement à mettre en place des outils fonciers ou fiscaux innovants permettant, par exemple, la dissociation du foncier et du bâti, afin de faire baisser le prix des logements ;

Appelle le gouvernement à renforcer les contacts entre les élus et les offices notariaux afin d’accélérer les procédures de récupération foncière.