N° 191
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2024.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
appelant le Gouvernement à généraliser l’identification et l’intégration des revenus perçus illégalement dans le calcul des allocations familiales,
présentée par
M. Yannick NEUDER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Justine GRUET, Mme Sylvie BONNET, M. Pierre CORDIER, Mme Michèle TABAROT, M. Nicolas RAY, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Frédérique MEUNIER, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Hubert BRIGAND, M. Patrick HETZEL, M. François-Xavier CECCOLI, M. Fabien DI FILIPPO, M. Alexandre PORTIER, Mme Christelle PETEX, M. Thibault BAZIN, M. Michel HERBILLON, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Annie GENEVARD, M. Julien DIVE, Mme Alexandra MARTIN, M. Corentin LE FUR, M. Philippe GOSSELIN,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le trafic de stupéfiants constitue un fléau que le gouvernement et son arsenal pénal n’arrivent à contenir. Depuis des dizaines d’années, le trafic empoisonne la vie de ceux qui vivent à proximité des lieux où s’établissent les réseaux de distribution. C’est un problème profondément enraciné, alimenté par une demande constante et par l’implication de réseaux criminels organisés.
En 2023, le trafic de drogue en France a généré un chiffre d’affaires estimé à plus de 3 milliards d’euros, avec environ 240 000 personnes impliquées directement ou indirectement dans ce commerce illicite. Parmi ces personnes, environ 21 000 y travaillent à temps plein. Les saisies de drogue ont atteint un niveau record avec 157 tonnes de substances interceptées. Cependant, ces saisies ne représentent qu’une petite fraction des volumes en circulation, ce qui montre l’ampleur du problème.
On ne compte également plus les évènements tragiques liés à ces réseaux. Depuis le début de l’année 2023, une violente guerre entre deux organisations criminelles pour le contrôle du marché de la drogue à Marseille a entraîné de nombreux homicides. Fin 2023, la police avait recensé 315 faits d’homicides ou de tentatives liés au narcotrafic en France, marquant une hausse de 57 % par rapport à l’année précédente. L’un des événements les plus tragiques de l’année 2024 a été la mort du petit Fayed, un enfant de 10 ans, tué fin août dans une fusillade liée à un règlement de comptes entre gangs dans le quartier Pissevin à Nîmes. Cet incident a provoqué une grande émotion et a mis en lumière l’impact croissant de la violence liée au trafic de drogue sur les victimes innocentes. Enfin, le 13 août dernier, une fusillade a fait quatre blessés dont trois graves à proximité d’un point de deal à Echirolles, en Isère.
Parallèlement, le bilan des opérations « Places Nettes XXL », menées sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la délinquance, est globalement considéré comme mitigé. D’une part, bien que les interpellations soient nombreuses, les critiques soulignent que ces actions ont souvent un impact temporaire, les trafiquants et délinquants se réorganisant rapidement après les opérations. De plus, les personnes interpellées sont parfois des jeunes sans antécédents lourds, ce qui pose la question de l’efficacité à long terme de ces opérations.
En Isère, une initiative pionnière a été mise en place en collaboration entre le parquet de Grenoble et la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour cibler les trafiquants de drogue en impactant directement leurs revenus issus des allocations sociales. Ce partenariat, lancé en décembre 2020, permet à la CAF de recalculer, réduire, voire suspendre les allocations familiales des personnes condamnées pour trafic de stupéfiants. Ce mode d’action inédit s’inscrit dans le « plan stup » élaboré par le parquet de Grenoble en 2019 avant d’être plus récemment formalisé et mis en œuvre sur le terrain.
Lorsqu’une personne est condamnée pour trafic de drogue, le parquet transmet à la CAF les détails du jugement, y compris les revenus illégaux perçus grâce à ces activités criminelles. En utilisant ces informations, la CAF peut ajuster les prestations sociales qui lui sont dues. Ce processus comprend une réévaluation des droits à ces prestations, avec des sanctions allant de la réduction à la suspension complète des allocations.
L’objectif principal de cette mesure est de dissuader les individus impliqués dans le trafic de drogue de continuer à bénéficier des aides sociales, en les privant d’une partie de leurs ressources financières.
Depuis l’introduction de ce dispositif, 55 trafiquants ont été signalés à la CAF pour des révisions de leurs allocations. Cette approche est vue comme une mesure complémentaire dans la lutte contre le trafic de drogue, visant à affaiblir les soutiens financiers dont disposent les trafiquants, tout en renforçant les sanctions judiciaires classiques.
Aussi, cette proposition de résolution appelle le Gouvernement à généraliser ce dispositif sur l’ensemble du territoire national dans le cadre de la nécessaire lutte contre le trafic de stupéfiants qui gangrène la société et constitue la source de trop nombreux drames évitables chaque année.
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proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Considérant le nécessaire lutte contre le trafic de drogue en France,
Invite le Gouvernement à généraliser l’identification et l’intégration des revenus perçus illégalement dans le calcul des allocations familiales dans le cadre d’une coopération entre les autorités judiciaires et les Caisses d’Allocation Familiales.