N° 786
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à dénoncer les accords franco‑algérien du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013,
présentée par
M. Éric CIOTTI, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, Mme Brigitte BARÈGES, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, Mme Christelle D’INTORNI, M. Olivier FAYSSAT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Vincent TRÉBUCHET, M. Gérault VERNY, les membres du groupe UDR [(1)],
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Une fois encore, l’Algérie a décidé d’humilier la France. Le 8 janvier dernier, les autorités algériennes ont refusé de reprendre dans leur pays, à la suite d’une décision d’expulsion française, un de leurs ressortissants, vivant en France, qui avait appelé sur ses réseaux à « une sévère correction » de tout opposant politique algérien, ce qui relève de l’infraction de « provocations publiques à commettre un crime ou un délit et légitimant la torture ».
Dans un communiqué expliquant leur refus d’accepter leur ressortissant, le ministère de l’Intérieur algérien ose qualifier la décision d’expulsion française « d’abus de pouvoir ». Le ministère des affaires étrangères algérien a quant à lui asséné que cette expulsion était « arbitraire et abusive ».
Le ressortissant visé a pourtant été condamné à de multiples reprises pour des infractions relatives aux stupéfiants, expulsé une première fois en 2008, les attaches familiales dont il se prévaut se résument à ses enfants majeurs, dont il se serait peu occupé, et de son ex‑femme dont il a divorcé en 2013.
Cette affaire fait elle‑même suite, dans un triste parallèle, à l’arrestation et à l’emprisonnement du romancier franco‑algérien Boualem Sansal le 16 novembre 2024, qui est toujours séquestré par le régime algérien au moment où ces lignes sont écrites. Âgé de 80 ans, gravement malade, celui‑ci fait l’objet d’un emprisonnement politique de la part d’un pouvoir qui lui refuse même l’accès aux soins élémentaires requis par son état de santé. De même, après deux mois de détention, celui‑ci n’avait toujours pas pu recevoir la visite de son avocat français, dont le visa a été refusé par les autorités algériennes. Cette absence d’accès à ses droits les plus simples en matière de justice est de surcroît réalisée alors qu’on lui reproche l’un des crimes les plus graves du code pénal algérien : l’atteinte à la sûreté de l’État et l’atteinte à l’intégrité territoriale du pays, tout cela pour avoir émis des critiques contre le pouvoir en place.
Ces deux événements déplorables ne sont hélas que les derniers d’une longue liste de tentatives des autorités algériennes d’humilier la France et de remettre en cause ses décisions souveraines, ainsi que du durcissement d’un régime qui ne veut laisser aucune liberté à la moindre critique.
De telles insultes devraient pourtant être vécues par notre pays comme de véritables outrages lorsque l’on connaît les conditions d’accueil, de circulation et d’emploi très avantageuses dont bénéficient les ressortissants algériens dans notre pays, en vertu de l’accord franco‑algérien du 27 décembre 1968.
En effet, l’entrée et l’installation des Algériens en France sont largement facilitées, par un certain nombre de dispositions, dont voici les principaux exemples :
– un visa touristique de court séjour est suffisant pour le conjoint algérien, contrairement au visa de long séjour imposé aux autres nationalités ;
– la délivrance de plein droit d’un certificat de résidence pour Algérien (CRA) valable dix ans, après une année seulement de mariage avec un ressortissant français, contre trois ans pour les autres nationalités, ainsi que le renouvellement automatique de ce titre ;
– la délivrance de plein droit d’un CRA d’une année si un Algérien en situation illégale se contente de justifier d’une résidence en France depuis dix ans ;
– les conditions du regroupement familial sont allégées par rapport au droit commun (délivrance à la famille d’un titre de séjour de même nature que celui du regroupant ; durée de séjour régulier préalable à la demande de seulement douze mois, contre dix‑huit mois pour le droit commun ; exigence d’une intégration et d’une insertion dans la société française non soumise à vérification, etc.) ;
– l’exemption de la signature d’un contrat d’intégration républicaine (CIR) ;
– la liberté d’établissement très étendue pour l’exercice d’une activité professionnelle en France sans avoir à prouver sa viabilité économique, opportunité dont les étudiants algériens terminant leur cycle d’études usent et abusent pour demeurer en France, etc.
Toutes ces mesures, dérogatoires au droit commun, le CESEDA s’appliquant de plein droit pour l’entrée et la circulation des étrangers d’autres nationalités, confinent à l’injustice lorsque l’on sait que nos compatriotes ne bénéficient quant à eux d’aucune largesse de l’État algérien pour pouvoir pénétrer dans ce pays.
Près de soixante ans après cet accord, le temps est venu de dire à l’Algérie que nous ne lui devons rien, et qu’il n’existe aucune raison légitime pour lesquelles nous maintiendrons cet accord avantageux à leur égard. Celui‑ci est devenu totalement obsolète, malgré quelques modifications en 1985, 1994 et 2001, qui ne l’ont pas fondamentalement altéré. Rien ne justifie que les ressortissants algériens ne soient pas soumis aux mêmes lois en matière d’entrée et de circulation en France que les citoyens d’autres nationalités.
La dénonciation de cet accord interviendrait de plus dans un contexte où il est devenu urgent que la France mette un terme à l’immigration de masse qu’elle subit depuis de trop nombreuses années. Or ces dispositions alimentent naturellement les flux en facilitant, par rapport aux autres nationalités, l’entrée des ressortissants algériens. Ainsi, selon l’INSEE, en 2020, on comptait environ 870 000 Algériens en France. Ce chiffre monte même à 2,5 millions si on prend en compte leurs enfants et petits‑enfants nés en France, y compris les binationaux.
Au surplus, un autre accord intergouvernemental existe, beaucoup plus récent celui‑ci, et qui se trouve cette fois‑ci au bénéfice exclusif de l’élite administrative et politique de l’Algérie. Signé à Alger le 16 décembre 2013, celui‑ci permet une exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d’un passeport diplomatique ou de service. Concrètement, tout détenteur algérien d’un passeport diplomatique ou de service, est dans la capacité de venir en France sans demande de visa d’entrée, qu’il se déplace en mission, ou bien même à titre privé, et ce pour un séjour ininterrompu ou plusieurs séjours dont la durée totale n’excédera pas quatre‑vingt‑dix jours sur toute période de cent quatre‑vingts jours sur le territoire des États membres de l’espace Schengen, ou dans toute partie du territoire de la République française non comprise dans cet espace.
Compte tenu de l’hostilité dont fait preuve le pouvoir algérien à notre égard, allant jusqu’à interdire à nos diplomates de circuler librement dans leur pays, l’inverse n’étant pas vrai, il est temps de mettre un terme à cette facilité qui profite à l’élite politico‑administrative algérienne.
Il est de plus totalement inacceptable que les autorités algériennes fassent obstacle à la politique d’éloignement française en n’acceptant de délivrer qu’au compte‑gouttes les laissez‑passer consulaires nécessaires à la réadmission de leurs ressortissants.
Pour toutes ces raisons, la présente proposition de résolution a pour objet d’appeler à la dénonciation des accords franco‑algérien du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013.
Les termes de l’article 34‑1 de la Constitution ne permettent certes pas au Parlement de voter une résolution contenant une injonction à l’égard du Gouvernement. Mais tel n’est pas l’objet de la présente résolution, qui appelle à la dénonciation de cet accord par les autorités en ayant la compétence.
– 1 –
proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Considérant que les autorités algériennes font montre d’une hostilité grandissante à l’égard de la France ;
Considérant que l’accord franco‑algérien du 27 décembre 1968, publié par le décret n° 69‑243 du 18 mars 1969, a créé un régime dérogatoire qui facilite l’immigration des ressortissants algériens vers la France ;
Considérant qu’aucun motif ne justifie désormais que les ressortissants algériens bénéficient d’un tel statut juridique facilitant leur entrée et leur séjour en France dans des conditions plus favorables que celles qui sont régies par le code de l’entrée et du séjour des étrangers ;
Considérant qu’il est aujourd’hui nécessaire d’arrêter l’immigration de masse vers la France ;
Considérant que l’accord franco‑algérien du 16 décembre 2013 prévoit des facilités d’entrées dans notre pays aux détenteurs d’un passeport diplomatique ou de service de nationalité algérienne ;
Considérant que ces facilités ne sauraient être accordées à une nation ayant un comportement inamical ;
Appelle les autorités en ayant la compétence à dénoncer les accords franco‑algérien du 27 décembre 1968 et du 16 décembre 2013.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, Mme Brigitte BARÈGES, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, M. Éric CIOTTI, Mme Christelle D’INTORNI, M. Olivier FAYSSAT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Vincent TRÉBUCHET, M. Gérault VERNY.