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N° 860
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par
M. Philippe BOLO, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Sophie METTE, Mme Sandrine LE FEUR, M. Hubert OTT, Mme Josy POUEYTO, M. Olivier FALORNI, M. Denis FÉGNÉ, M. Jean-Carles GRELIER, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, M. Pierre HENRIET, Mme Louise MOREL, M. Jimmy PAHUN, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Richard RAMOS, Mme Mereana REID ARBELOT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Joël BRUNEAU, M. Jean-Luc FUGIT, M. Éric MARTINEAU, M. Xavier ROSEREN, M. Emmanuel MAUREL, Mme Mélanie THOMIN, M. Stéphane VOJETTA, Mme Géraldine BANNIER, Mme Béatrice BELLAMY, Mme Colette CAPDEVIELLE, Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Charles FOURNIER, M. Philippe LATOMBE, M. Pascal LECAMP, M. Gérard LESEUL, M. Freddy SERTIN, Mme Dominique VOYNET, M. Hervé BERVILLE, Mme Anne BERGANTZ, M. Peio DUFAU, Mme Olga GIVERNET, Mme Sandrine JOSSO, M. Vincent DESCOEUR, M. Jean-Yves BONY, M. François-Xavier CECCOLI,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 16 octobre 2023, la Commission européenne a publié une proposition de règlement relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques afin de réduire la pollution par les microplastiques. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne sur les matières plastiques, du plan d’action pour une économie circulaire et du plan d’action « zéro pollution », en cohérence avec les objectifs du Pacte vert pour l’Europe. L’enjeu de prévention des pertes de granulés plastiques figure également dans le projet de traité mondial pour lutter contre la pollution par les plastiques, dont la cinquième séquence de négociations s’est tenue à Busan, en Corée du Sud, à la fin du mois de novembre 2024.
Le texte proposé par la Commission européenne doit permettre de lutter contre l’une des principales sources de pollution par des microplastiques rejetés non intentionnellement dans l’environnement en Europe : les granulés plastiques industriels (GPI) ([1]). Ces microplastiques ont, en effet, des impacts significatifs, durables et persistants sur la biodiversité et les écosystèmes ainsi que sur la santé humaine.
Les littoraux français et espagnols ont été touchés, au cours des derniers mois, par des déversements de granulés plastiques qui se sont échoués sur les plages de Galice, du Finistère, de Vendée, de Loire‑Atlantique et de Gironde. Ces « marées blanches » de microbilles de plastique, qui résultent principalement de pertes accidentelles de granulés lors du transport maritime, tout autant que de mauvaises pratiques tout au long de la chaîne logistique, sont quasi‑impossibles à traiter et à éliminer une fois présentes dans l’environnement. Pourtant ce type de pollution est largement évitable par la mise en place de mesures de prévention à toutes les étapes du cycle de production et de transport.
L’Union européenne s’est engagée à réduire significativement la pollution par les microplastiques, notamment avec le plan d’action « zéro pollution » qui vise une diminution de 30 % des rejets de microplastiques dans l’environnement d’ici à 2030. Les mesures prévues par la proposition de règlement européen contribueraient à environ un quart de l’effort nécessaire pour atteindre cet objectif.
Dans le cadre de sa lutte contre la pollution par les microplastiques, l’Union européenne a initié trois actions principales :
– la prévention du risque de fuite de granulés de plastique dans l’environnement ;
– la diminution des rejets non intentionnels de microplastiques ;
– l’interdiction progressive de l’ajout intentionnel de microplastiques dans les produits de consommation.
La présente proposition de résolution européenne s’inscrit dans le prolongement de celle présentée au Sénat ([2]) par Mme Marta De Cidrac et M. Michaël Weber, adoptée le 17 janvier dernier.
Reprenant in extenso la résolution sénatoriale en y ajoutant un développement concernant la traçabilité des pertes de granulés de plastique dans l’environnement, afin de renforcer la portée des actions envisagées à l’échelle européenne. Elle vise également à démontrer au Gouvernement que le Parlement, par l’adoption de résolutions similaires sur la question des granulés plastiques par le Sénat et l’Assemblée nationale, s’exprime d’une seule et même voix sur ce sujet et que les deux chambres souhaitent que le Gouvernement français se mobilise pour porter cette position dans les négociations européennes.
La proposition de règlement relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques s’inspire, par ailleurs, de la recommandation non contraignante de la Convention pour la protection de l’environnement maritime de l’Atlantique du Nord‑Est (OSPAR) ([3]) sur les granulés de plastique industriels, adoptée en juin 2021, qui tend à promouvoir la mise en œuvre de normes de prévention et de systèmes de certification pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des plastiques.
Le texte renvoie également aux dispositions adoptées par la France, dans le cadre de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC), qui visent à prévenir la dispersion de granulés plastiques dans le milieu naturel. À ce titre, les autorités françaises ont salué l’initiative de la Commission européenne. La France est, en effet, le premier pays au monde à disposer d’une règlementation sur les pertes et fuites de granulés de plastique industriels.
Le Parlement européen a adopté sa position le 23 avril 2024. La Présidence hongroise a présenté aux États membres, au début du mois de novembre 2024, un texte de compromis afin de parvenir à une orientation générale lors du Conseil environnement du 17 décembre 2024. Les trilogues devraient débuter en 2025.
1. Les microplastiques : une source insidieuse de pollution des milieux naturels
Le plastique est devenu omniprésent dans notre vie quotidienne en raison de ses nombreux avantages (souplesse, solidité, résistance, durabilité, coût bas…) et multiples usages. Il a bien souvent remplacé des matériaux traditionnels dans de nombreux secteurs et est aujourd’hui le troisième matériau le plus fabriqué de la planète.
Au niveau mondial, sa production a connu une croissance exponentielle depuis le début des années 1950. Elle est ainsi passée de 1,5 million de tonnes en 1950 à presque 414 millions de tonnes en 2023 ([4]), son augmentation étant plus rapide que celle de la population. Il est prévu un doublement de la production d’ici 2050. Selon l’OCDE, si aucune mesure n’est prise, l’utilisation des plastiques au niveau mondial pourrait presque tripler d’ici 2060, atteignant 1,2 milliard de tonnes. Il convient toutefois de noter que la production de matières plastiques en Europe a eu tendance à baisser au cours des dernières années.
Cette croissance rapide a des effets particulièrement négatifs sur les milieux naturels et la biodiversité ainsi que sur le climat et la santé humaine. Les résidus de plastique, de toutes tailles, se déposent et s’accumulent partout dans la nature, dans les sols, sur les rivages, à la surface des océans et des mers. Ils se dispersent partout sur la planète et se retrouvent dans les régions les plus reculées, autrefois vierges, comme l’Antarctique et le mont Everest, ou dans des écosystèmes vulnérables comme les récifs coralliens et les profondeurs marines. Selon plusieurs estimations, entre 6 et 10 % de la production mondiale de plastique finissent dans les océans sous forme de déchets marins.
Les résidus de plastique dans l’environnement peuvent être classifiés en trois catégories : les macroplastiques (taille supérieure à 5 millimètres), les microplastiques et les nanoplastiques.
a. Les sources de pollution par les microplastiques
Selon l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), les microplastiques sont des particules solides de matière plastique, composées de mélanges de polymères et d’additifs fonctionnels dont la taille est comprise entre 5 millimètres et quelques centaines de nanomètres. Ils peuvent se présenter sous la forme de fibres, de granulés, de microbilles, de sphérules ou de poudres. Tandis que leur taille maximale fait l’objet d’un consensus scientifique, leur taille minimale varie selon les définitions et les domaines d’étude, allant de quelques centaines de nanomètres à environ 333 nm.
Les microplastiques peuvent être catégorisés selon deux origines distinctes.
Les microplastiques primaires sont rejetés sous la forme de petites particules directement dans l’environnement. Ils peuvent être le produit de la fabrication, de l’utilisation ou de l’entretien (poussière de pneus, fibres issues du lavage des textiles synthétiques…), ou être produits volontairement ajoutés à des produits dans un but spécifique (fonction abrasive des détergents, microbilles exfoliantes dans des cosmétiques…).
Les microplastiques secondaires proviennent du vieillissement et de la fragmentation de macrodéchets plastiques sous l’effet de différents facteurs environnementaux abiotique et biotique (eau, oxygène, rayonnement ultra‑violet, micro‑organismes…).
Les six principales sources de microplastiques primaires identifiées sont les suivantes : les granulés plastiques, les produits cosmétiques, les peintures, les textiles synthétiques, les pneus, les microplastiques ([5]).
Dans les pays disposant de systèmes de traitement des déchets perfectionnés, les rejets de microplastiques primaires excèdent ceux de microplastiques secondaires. Selon un rapport, sur les microplastiques primaires dans les océans publié par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2020, près de 48 % des pertes de microplastiques primaires se retrouvent dans les océans, le reste étant piégé dans le sol ou les boues d’épuration.
Selon des travaux menés par le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), pour le compte du ministère de la transition écologique, sur la période 2020‑2022, les trois types de microplastiques les plus retrouvés sur les littoraux français sont les GPI (61 %), les fragments en plastique dur (33 %) et les fragments de polystyrène expansé (5 %). L’étude relève ainsi que « ce premier état des lieux met en évidence une forte abondance de microplastiques échoués sur les sites échantillonnés avec une présence marquée de GPI »([6]).
b. Les risques liés à la pollution par les microplastiques
La pollution par les microplastiques a des conséquences néfastes sur l’environnement, le climat et la santé humaine.
En se dispersant dans l’environnement, les particules de plastiques sont ingérées par de nombreux organismes vivants, causant ainsi des atteintes durables à la biodiversité et aux écosystèmes. Elles peuvent provoquer divers dommages sur le plan physique, notamment des lésions internes qui entraînent des difficultés respiratoires, des troubles de la déglutition ou des perturbations du processus digestif. Les microplastiques soulèvent des inquiétudes supplémentaires au‑delà de leurs effets physiques directs. Ils peuvent aussi être les vecteurs de micro‑organismes pathogènes susceptibles d’introduire des espèces dans des milieux où elles étaient absentes.
Des effets potentiels des microplastiques sur le climat ont également été identifiés par des études ([7]), comme le rapporte l’étude d’impact sur la proposition de règlement, réalisée par la Commission européenne. Les microplastiques représentent une pression négative sur l’absorption de dioxyde de carbone. Les processus de cycle du carbone et des nutriments dans le sol peuvent, en effet, être fortement affectés par la présence de microplastiques et leur décomposition ultérieure, ce qui peut entraîner une diminution de la capacité d’absorption des gaz à effet de serre. En outre, les plastiques et les microplastiques sont une source d’émissions de gaz à effet de serre, exerçant une pression supplémentaire sur le climat. Les émissions de gaz à effet de serre se produisent, en effet, à chaque étape du cycle de vie des plastiques, les processus liés à l’extraction, au raffinage, à la fabrication et à la gestion en fin de vie.
Le récent rapport de l’OPECST sur les impacts des plastiques sur la santé humaine ([8]) souligne, par ailleurs, que « les signaux d’alarme concernant les risques que font peser les plastiques particulaires sur la santé humaine se multiplient ».
c. Les granulés de plastique, une importante source de pollution par les microplastiques en Europe
Les GPI, aussi connus sous le nom de billes, pellets, paillettes ou larmes de sirène, sont utilisés par les plasturgistes et les transformateurs en tant que matière première lors de la fabrication d’objets en plastique. Ils se présentent sous différentes dimensions, couleurs et formes, telles que des granulés, des flocons, des poudres ou des liquides. Ils sont le plus fréquemment produits sous forme de granulés d’une taille de 2 à 5 millimètres. La France a introduit, dans le code de l’environnement, une définition des GPI plus englobante, qui les caractérise par des dimensions externes supérieures à 0,01 mm et inférieures à 1 cm ([9]).
La production des granulés de plastique s’effectue dans des sites industriels où ils sont d’abord stockés dans de grands silos. Ils sont ensuite emballés avant d’être transportés par transport routier, ferroviaire ou maritime vers des installations de transformation. Ces granulés sont alors transformés, selon différents procédés industriels, pour obtenir des produits plastiques finaux.
Les pertes de granulés se produisent, en plus ou moins grande quantité, tout au long de la chaîne de fabrication, de transport et de transformation. Les déversements systématiques ou accidentels résultent généralement de mauvaises pratiques de manipulation des granulés et d’un manque de sensibilisation aux conséquences de leur présence dans l’environnement.
Plusieurs étapes de la chaîne d’approvisionnement[10] des GPI présentent un risque élevé de fuites dans l’environnement :
– les opérations de manipulation générale (emballages défectueux, remplissage…) ;
– le transport de granulés (nettoyage, chargement et fermeture des véhicules, stockage et déchargement des conteneurs en vrac, accidents…) et en particulier maritime (conteneurs d’expédition endommagés ou perdus, sacs endommagés…) ;
– le traitement des déchets.
La production mondiale annuelle de granulés plastiques industriels est estimée entre 300 et 400 millions de tonnes. 70 millions de tonnes de GPI sont produits dans l’Union européenne par an ; les prévisions pour 2028/2030 sont de l’ordre de 80 millions de tonnes. Les pertes représentent environ 0,6 % du flux total.
Selon la Commission européenne, les granulés plastiques constituent la troisième plus grande source de microplastiques non intentionnels libérés dans l’environnement en Europe, après les peintures et les pneumatiques. Selon une estimation établie par la Commission dans le cadre d’une méthodologie élaborée avec des ONG qui repose sur des chiffres de 2019, 52 000 à 184 000 tonnes sont perdus chaque année dans l’Union européenne, soit l’équivalent de 2 100 à 7 300 chargements de camions de granulés. Aucune évaluation des pertes n’a été établie au plan national. Lors d’une audition au Sénat, la représentante de l’ONG Surfrider Foundation Europe a estimé que le chiffre fourni par la Commission européenne était largement sous‑évalué en l’absence d’obligation pour les industriels et les transporteurs de communiquer les données relatives aux pertes.
Comme l’a indiqué l’Association nationale des élus des littoraux (ANEL) lors de leur audition au Sénat, ce sont principalement des particuliers, des collectivités territoriales ou des associations environnementales qui signalent les échouements de granulés plastiques. Or les moyens dont disposent les collectivités territoriales pour faire face à ces déversements accidentels, plus ou moins importants, en particulier en mer, sont relativement limités et bien souvent, aucune intervention n’est réalisée, en raison de ressources insuffisantes.
En tout état de cause, ces granulés, qui sont extrêmement mobiles, sont difficiles à capturer. Du fait de leur légèreté et de leur flottabilité, ils sont, en effet, facilement transportés par l’air et par les eaux douces et marines, et envahissent ainsi les sols, les eaux pluviales, les lacs, les rivières, les estuaires, les plages, les lagunes, les mers et les océans. Les impacts environnementaux suspectés, selon le document établi par le Cedre[11], résultent des impacts physiques sur les habitats ; des impacts écotoxicologiques pour les écosystèmes ; et du risque d’adsorption de polluants chimiques et de transport de micro‑organismes pathogènes.
2. Une proposition de règlement qui s’inscrit dans le cadre des actions déjà conduites en faveur de la réduction de la pollution par les microplastiques
La proposition de règlement européen s’inscrit dans le cadre des différentes initiatives élaborées au niveau européen pour lutter contre la pollution par les plastiques et les microplastiques. Elle est également en phase avec les négociations, qui doivent reprendre au printemps 2025, pour un traité mondial sur les matières plastiques ainsi qu’avec les travaux conduits dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI). Par ailleurs, elle renvoie aux dispositions adoptées, par la France, dans le cadre de la loi anti‑gaspillage pour une économie circulaire, relatives à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l’environnement.
a. L’Union européenne est déjà fortement engagée dans la lutte contre la pollution des microplastiques
La Commission européenne a adopté plusieurs initiatives visant à réduire la pollution par les microplastiques, qu’ils soient primaires ou secondaires.
Elle s’est ainsi engagée à lutter contre ce type de pollution dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe ([12]), du plan d’action pour une économie circulaire pour une Europe plus propre et plus compétitive ([13]), de la stratégie pour la protection des sols à l’horizon 2030 ([14]), ainsi que du plan d’action de l’Union européenne intitulé « Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols » ([15]), publié en 2021. Ce plan fixe d’ailleurs un objectif de réduction de 30 % des microplastiques libérés dans l’environnement, quelle qu’en soit l’origine, d’ici à 2030.
Plus concrètement, le règlement (UE) 2023/2055 ([16]), adopté le 25 septembre 2023, a introduit, dans le cadre du règlement REACH, une restriction importante sur les microplastiques ajoutés intentionnellement dans les produits, en interdisant leur commercialisation, seuls ou mélangés dans des produits de consommation courante, en cas de concentration supérieure ou égale à 0,01 % en poids.
D’autres mesures ont également été prises au niveau européen concernant d’autres sources non intentionnelles de pollution par les microplastiques. C’est notamment le cas du règlement dit Euro 7 ([17]) qui introduit des limites relatives aux émissions de particules dues au freinage et à l’abrasion des pneumatiques, lesquels constituent la deuxième source de rejets de microplastiques primaires en Europe. En outre, le règlement sur l’écoconception des produits ([18]) doit permettre de fournir un cadre en termes de durabilité pour des produits tels que les textiles ou les peintures, qui sont aussi une source de rejets de microplastiques dans l’environnement.
Enfin, la proposition de règlement européen tend aussi à compléter d’autres mesures réglementaires déjà prises par l’Union européenne pour lutter contre la pollution plastique. La directive sur les plastiques à usage unique ([19]) a constitué une étape importante pour réduire l’impact des déchets plastiques dans l’environnement, en particulier dans les océans. Le nouveau règlement relatif aux emballages et déchets d’emballages ([20]) , qui a fait l’objet d’un accord en trilogue, le 4 mars 2024, vise à réduire sensiblement la production de déchets d’emballages et par conséquent, leur fuite dans la nature, en fixant des objectifs contraignants de réemploi et de recyclabilité des emballages en limitant certains types d’emballages à usage unique et en exigeant des opérateurs économiques une réduction drastique des emballages utilisés.
b. La participation de l’Union européenne aux négociations internationales visant à lutter contre la pollution plastique
À l’échelle internationale, l’UE défend une position ambitieuse, en particulier dans le cadre des négociations, engagées en 2022, à l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement visant un accord mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, ainsi que dans le cadre des travaux de l’Organisation maritime internationale (IMO) et de la Convention pour la protection de l’environnement maritime de l’Atlantique du Nord‑Est (OSPAR).
Lors de la dernière session de négociation pour parvenir à un accord sur un traité mondial sur les matières plastiques qui s’est tenue à Busan, en Corée du Sud, à la fin novembre 2024, deux approches distinctes se sont opposées : une approche globale qui visait à couvrir l’intégralité du cycle de vie des plastiques afin de réduire significativement leur production mondiale, notamment défendue par l’Union européenne, et une approche plus limitée concentrée essentiellement sur la gestion des déchets plastiques, soutenue par les pays producteurs de pétrole et transformateurs de plastique. Ces approches reflètent les niveaux d’engagement et d’ambition différents des parties prenantes dans la lutte contre la pollution plastique. Force est de noter que les granulés de plastique sont identifiés et pris en compte dans le texte de compromis, présenté par le président du Comité intergouvernemental de négociation. Son article 7 stipule en effet que chaque partie prenante est tenue de prendre des mesures pour prévenir, réduire et, dans la mesure du possible, éliminer les fuites et rejets de granulés de plastique dans l’environnement.
Par ailleurs, l’Union européenne a participé en tant qu’observateur aux discussions de l’Organisation maritime internationale (OMI), qui ont permis l’adoption, en mars 2024, de recommandations non contraignantes sur le transport maritime des granulés de plastique, qui visent à en réduire les risques environnementaux. Les principales recommandations concernent le conditionnement des pellets de plastique dans des emballages de haute qualité, l’identification et l’arrimage des conteneurs les transportant. Elles s’inscrivent dans le cadre des efforts de l’OMI pour garantir la sécurité du transport des granulés plastiques à bord des navires et prévenir les dommages au milieu marin en cas de déversement accidentel. Un groupe de travail sur la lutte contre la pollution par les GPI a ainsi été créé, en 2023, sous le pilotage du Cedre, afin d’élaborer des directives sur les meilleures pratiques de nettoyage en cas de déversement de granulés de plastique par les navires. L’Union européenne tend aussi à construire des alliances pour l’adoption de mesures contraignantes au niveau de l’OMI.
Enfin, la recommandation de la Convention OSPAR 2021/06 sur la réduction des pertes de granulés plastiques dans le milieu marin, adoptée en 2021, est une initiative importante qui tend à réduire le déversement de granulés dans l’environnement marin, et sur laquelle s’appuie la proposition de règlement européen. Elle vise à promouvoir l’élaboration et la mise en œuvre de normes de prévention des pertes de granulés et de systèmes de certification efficaces pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des matières plastiques. Le programme de surveillance OSPAR fournit aussi une méthode standardisée pour réaliser des enquêtes sur les déchets marins sur les plages.
c. Une initiative en phase avec les efforts déjà entrepris par le secteur de l’industrie du plastique
Cette proposition de règlement, comme le souligne la Commission européenne dans son exposé des motifs, s’appuie aussi sur le programme « Operation Clean Sweep » (OCS). Ce programme a été développé par l’industrie américaine des plastiques, en 1990, pour aider les entreprises à lutter contre les fuites de granulés en fournissant une série de recommandations sous la forme d’un manuel basé sur l’apprentissage collectif. Il a été lancé en Europe en 2014 et n’est devenu véritablement opérationnel qu’à partir de 2018 sous l’impulsion de Plastics Europe, association qui réunit les producteurs européens de matières plastiques. Lors d’une audition au Sénat, les représentants de Plastics Europe ont indiqué que 3 400 sociétés (membres de Plastics Europe, transporteurs terrestres, transformateurs, compoundeurs, logisticiens, ports…) étaient, à ce jour, signataires du programme OCS.
Ce programme repose sur quatre axes : la mise en place d’un audit sur chaque site afin d’analyser les points de transfert des granulés ; l’analyse des zones de fuite ; la mise en place de mesures correctives ; l’établissement d’un bilan. Depuis juin 2023, un processus de certification a été mis en place qui définit un référentiel des meilleures pratiques pour prévenir les pertes de granulés de plastique et tendre vers un niveau zéro. Les clauses du référentiel de certification comprennent des exigences de base et des exigences spécifiques. 80 sites, dont des fabricants de résines polymères ou des transformateurs, ont été certifiés.
d. La France fait figure de pionnière en matière de législation sur les pertes de granulés plastiques
La France est le seul pays au monde à disposer d’une règlementation encadrant de façon contraignante les pertes et les fuites de granulés plastiques industriels. L’article L. 541‑15‑11 du code de l’environnement, introduit par l’article 83 de la loi AGEC ([21]) , impose ainsi, depuis le 1er janvier 2023, de nouvelles obligations aux sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels.
La loi française prévoit ainsi que les sites de production, de manipulation et de transport de GPI doivent être dotés d’équipements spécifiques, avoir installé des dispositifs de confinement et récupération dans les zones à risque et avoir mis en place des procédures contribuant à prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l’environnement. Ces sites doivent aussi faire l’objet d’inspections régulières par des organismes certifiés indépendants, « afin de s’assurer de la mise en œuvre des obligations […] et de la bonne gestion des granulés sur l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment s’agissant de la production, du transport et de l’approvisionnement » ([22]).
Un décret ([23]) précise les modalités de mise en œuvre de ces mesures. En particulier, il prévoit qu’elles s’appliqueront aux exploitants de sites de production, de manipulation et de transport de GPI manipulant plus de 5 tonnes par an. Il établit un certain nombre de procédures visant à identifier les zones à risque de déversement, à vérifier régulièrement la conception et la manipulation des emballages utilisés pour le stockage et le transport, à confiner et ramasser quotidiennement les granulés répandus accidentellement dans l’enceinte du site, à nettoyer régulièrement les bassins de rétention et les abords du site, à inventorier et vérifier le bon fonctionnement des équipement de prévention, à former et sensibiliser le personnel et les tiers intervenant sur le site et, enfin, à réaliser des contrôles internes tous les six mois de ces procédures.
Ces procédures doivent être auditées tous les trois ans par un organisme certificateur accrédité. Les conclusions de ces auditions sont ensuite rendues publiques sur le site internet de l’exploitant du site.
Selon les informations communiquées aux sénateurs Mme Marta De Cidrac et M. Michaël Weber lors de leurs auditions au Sénat, l’inspection des installations classées a réalisé en 2024, dans le cadre d’une opération « coup de poing », 147 inspections dans neuf régions. Ces inspections ont permis de constater la relative bonne mise en œuvre de ces dispositions réglementaires ; seuls deux procès‑verbaux ont été dressés pour des sites en situation de non‑conformité prolongée. Des arrêtés préfectoraux de mise en demeure ont été pris et ont concerné vingt‑neuf sites ; les points identifiés feront prochainement l’objet de vérification dans le cadre de nouvelles inspections.
3. Des règles communes pour prévenir et réduire les pertes de granulés de plastique dans l’environnement
La Commission européenne a présenté un ensemble de mesures visant à lutter contre la pollution plastique à la source dans l’objectif de réduire de 54 à 74 % les pertes de granulés de plastiques par rapport à celles estimées en 2019. Il s’agit, en particulier, de créer un cadre législatif harmonisé au niveau européen cohérent avec les différentes initiatives et recommandations prises par des instances internationales ou le secteur de la plasturgie (qui reposent pour le secteur professionnel, à l’heure actuelle, sur la base du volontariat). Une harmonisation avec les politiques nationales et les initiatives locales doit aussi assurer une gestion plus cohérente et efficace de cette problématique.
La proposition de règlement européen se concentre sur les rejets non intentionnels de granulés de plastiques industriels, qui servent de matériau de base à la fabrication de la quasi‑totalité des objets en plastique, et qui ne sont pas encore couverts par une règlementation européenne.
La proposition de règlement s’articule autour de quatre axes :
– une approche tout au long de la chaîne d’approvisionnement ;
– une obligation générale d’éviter les pertes ;
– un système de certification obligatoire par un tiers pour les grands opérateurs et d’auto déclaration de conformité pour les plus petites entreprises ;
– une méthodologie harmonisée d’estimation des pertes élaborée par des organismes de normalisation.
a. Couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur
La proposition de règlement établit une obligation générale de prévention des pertes, pour les opérateurs économiques, les transporteurs de l’Union européenne et les transporteurs de pays tiers, à toutes les étapes d’approvisionnement, dès son entrée en vigueur.
Seraient ainsi assujettis à l’obligation de gestion des granulés tous les opérateurs et installations économiques manipulant des granulés de plastiques industriels au‑delà de 5 tonnes par an, indifféremment de la taille de l’opérateur économique.
Cette obligation s’appliquerait à toutes les opérations se déroulant dans l’Union européenne et liées aux granulés plastiques, à savoir la production, le broyage et le compostage, la conversion, la gestion des déchets, y compris le recyclage, la distribution, le reconditionnement, le transport, le stockage et le nettoyage.
Le seuil d’assujettissement aux exigences du règlement aux entreprises manipulant plus de 5 tonnes de granulés plastiques par an est identique à celui fixé par la législation française. La proposition de règlement prévoie des initiatives pour aider les petites et moyennes entreprises à mettre en œuvre le règlement.
L’ensemble des transporteurs de l’Union européenne et hors Union européenne circulant dans l’Union européenne par route, rail, et voie fluviale seraient aussi visés par cette règlementation ; cette fois sans limite de seuil, à l’exception de ceux utilisant la voie maritime, en raison de son caractère international. Toutefois, la Commission s’est déclarée ouverte à des propositions sur ce sujet en fonction de l’évolution des discussions en cours au sein de l’OMI.
Le champ d’application du texte couvre non seulement l’ensemble des opérateurs économiques mais aussi des transporteurs de l’Union européenne et de pays tiers, ce qui n’est pas le cas dans le dispositif français.
b. Fixer une obligation de résultat aux opérateurs économiques et aux transporteurs en matière de manipulation de granulés plastiques
La proposition de règlement prévoit que les entreprises devront déclarer, auprès des autorités nationales compétentes, leurs activités relatives à la manipulation de granulés plastiques, pour permettre à ces autorités d’effectuer les contrôles nécessaires en matière de respect des exigences, mais aussi les informer en cas d’accidents.
Le texte fixe des exigences communes en matière de manipulation des granulés plastiques, à toutes les étapes de la chaîne logistique, au sein de l’Union européenne. Ces exigences devront être mises en œuvre par l’ensemble des opérateurs économiques et des transporteurs acheminant des granulés plastiques dans l’Union européenne, selon l’ordre de priorité suivant :
– la prévention, pour éviter tout déversement de granulés ;
– le confinement des granulés déversés, pour éviter leur dispersion dans l’environnement ;
– le nettoyage, en dernier recours, après un déversement ou une perte.
Ces pratiques, déjà largement adoptées par un certain nombre d’entreprises de la plasturgie, comme l’ont indiqué les représentants du secteur auditionnés au Sénat, comprennent la mise en place d’équipements et de procédures pour capturer et nettoyer les granulés autour des zones à haut risque de déversement. Les exigences posées par le texte européen sont en cohérence avec la législation déjà appliquée en France.
Dans ce cadre, les opérateurs économiques exploitant des installations dans lesquelles sont manipulés des GPI devront réaliser et tenir à jour un plan d’évaluation des risques par installation, en fonction de la nature et de la taille de l’installation et de l’ampleur des opérations. Ce plan prévoit une cartographie et une minimisation des risques. Celui‑ci ainsi qu’une auto déclaration de respect des exigences seront communiqués à l’autorité compétente de l’État membre. Les installations et les transporteurs de l’Union européenne devront aussi tenir un registre des mesures mises en œuvre et des quantités de pertes estimées. Par ailleurs, des exigences sont posées en matière de formation des personnels.
L’annexe 1 de la proposition de règlement précise les pratiques que les opérateurs économiques devront intégrer dans leur plan de gestion des risques, et l’annexe 3 celles à suivre par les transporteurs, qu’ils soient basés dans l’Union européenne ou ailleurs, dès lors qu’ils opèrent à l’intérieur du territoire de l’Union.
Ces exigences posées par le règlement entraîneront des coûts de mise en conformité pour le secteur. Globalement, le coût de mise en œuvre pour les opérateurs économiques est estimé entre 315 et 430 millions d’euros par an pour l’ensemble de l’Union européenne (dont 19,4 millions d’euros de coûts administratifs pour les entreprises).
Cependant, selon la Commission européenne, l’augmentation des coûts devrait être limitée en raison du faible coût de mise en œuvre des meilleures pratiques de gestion par rapport au chiffre d’affaires du secteur (0,13 %), et de la réduction significative des pertes de granulés qui devrait en découler. Cette réduction est estimée entre 25 et 140 000 tonnes par an. Pour les entreprises manipulant les granulés, les avantages incluent donc un gain économique chiffré entre 23 et 127 millions d’euros du fait de la quantité de granulés non perdus dans l’environnement.
Comme l’ont souligné les représentants des industriels de la plasturgie lors de leur audition, la mise en œuvre de ces mesures de prévention présente de fait, pour les entreprises, un avantage économique en réduisant le gaspillage de la matière première, et contribue aussi à améliorer leur image de marque en matière environnementale auprès d’un public de plus en plus sensible à ces questions.
c. Instaurer une obligation de certification pour les installations les plus importantes
Afin de permettre aux autorités nationales compétentes de s’assurer de leur conformité, les moyennes et grandes entreprises exploitant des installations traitant plus de 1 000 tonnes de granulés par an devront obtenir, respectivement tous les quatre ou trois ans, une certification de conformité aux exigences fixées à l’annexe I du règlement auprès de certificateurs accrédités par les États membres et leur notifier les documents d’évaluation des risques.
Les certificateurs devront procéder à des contrôles ponctuels pour s’assurer de la mise en œuvre des mesures prévues par les plans d’évaluation des risques. Les entreprises concernées devront aussi réaliser, tous les ans, une évaluation interne de toutes leurs installations concernant le respect de ces mêmes mesures.
d. Prévoir des exigences allégées selon la taille et le volume d’activité de l’entreprise
La Commission européenne propose, contrairement à la règlementation française, une approche différenciée en fonction de la taille et du volume d’activité de l’entreprise. Les petites et microentreprises ainsi que les moyennes et grandes entreprises exploitant des installations manipulant moins de 1 000 tonnes de granulés par an pourraient ainsi être soumises à des formalités de contrôle moins strictes.
Elles ne seraient pas soumises à l’obligation de certification par un tiers et devraient seulement fournir une auto déclaration de respect des exigences tous les cinq ans. Ces entreprises seraient aussi exemptées des obligations de procéder à des évaluations internes et d’établir un programme de sensibilisation et de formation pour leurs personnels.
e. Harmoniser la méthodologie au service d’une meilleure connaissance statistique des pertes de granulés plastiques
Par ailleurs, l’Union européenne devra élaborer une méthode normalisée afin de mieux estimer les pertes de granulés plastiques dans l’environnement dans le cadre de la réglementation REACH. Cette méthodologie sera élaborée par un organisme européen de normalisation avec l’objectif d’aider les opérateurs à quantifier leurs pertes, à démontrer leur conformité aux autorités compétentes et à disposer de davantage de données.
Il est également prévu que les États membres prévoient des sanctions en cas de non‑respect des dispositions du règlement.
4. Une initiative de la Commission européenne unanimement saluée mais dont l’ambition doit être renforcée
Si l’initiative de la Commission européenne vise à compléter un vide juridique au niveau européen afin de prévenir les rejets non intentionnels de granulés de plastique tout au long de la chaîne de valeur, mérite d’être saluée et reconnue, l’ambition du texte pourrait être relevée, notamment pour se rapprocher du dispositif adopté en France, et certains points mériteraient d’être consolidés.
Les autorités françaises défendent la possibilité de maintenir le cadre juridique national existant, qui s’avère plus ambitieux en matière d’exigences imposées aux opérateurs économiques, de sorte que la mise en œuvre du règlement n’oblige pas la France à des adaptations législatives particulières. Selon les informations communiquées aux rapporteurs de la commission des affaires européennes au Sénat, la France aurait obtenu des assurances sur l’introduction d’une disposition permettant aux États membres de conserver leurs dispositions déjà en vigueur.
Sur le plan juridique, l’article 193 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit en effet que « les mesures de protection arrêtées en vertu de l’article 192 [qui constitue la base juridique de la proposition de règlement] ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées. Ces mesures doivent être compatibles avec les traités. Elles sont notifiées à la Commission ». En conséquence, des mesures nationales renforcées pourraient être conservées dès lors qu’elles n’entrent pas en conflit avec d’autres règles ou principes de l’Union européenne, tels que la libre circulation des marchandises ou des services et respectent le principe de proportionnalité. Cette question juridique devra être réévaluée sur la base de l’accord politique qui sera conclu à l’issue des trilogues.
a. Un objectif environnemental partagé de prévention des pertes de granulés plastiques dans l’environnement
Au cours des différentes auditions réalisées au Sénat, l’ensemble des parties prenantes, États membres, industriels de la plasturgie et ONG, ont salué et approuvent l’initiative de la Commission européenne de prévenir les pertes et fuites de granulés de plastique afin de lutter contre la pollution des microplastiques dans l’environnement.
Les représentants des industriels ont ainsi indiqué que les exigences posées par le texte de la Commission européenne étaient « raisonnables et bien réfléchies », qu’elle avait « réalisé au global un très bon travail qu’il faut saluer ». Ils ont aussi souligné le risque réputationnel que représentent les accidents liés au déversement de granulés plastiques dans la nature pour les entreprises du secteur, de tels événements étant souvent très médiatisés et relayés sur les réseaux sociaux.
Pour sa part, l’Organisation non gouvernementale Surfrider Foundation Europe a salué l’approche adoptée par la Commission européenne, estimant que « face au vide juridique actuel à l’échelle européenne et aux nombreux cas de pollution signalés, il était impératif de combler cette lacune ».
L’objectif de la proposition de règlement visant à prévenir une pollution des milieux naturels largement évitable par la mise en place de bonnes pratiques de gestion de l’utilisation et du transport des granulés de plastique est à saluer. Ce texte doit, en particulier, permettre, au niveau européen, de renforcer les efforts réalisés en ce sens par les acteurs de l’industrie plastique et de créer des conditions de concurrence équitable entre les opérateurs économiques au sein du marché intérieur européen.
La réduction des pertes de granulés devrait aussi avoir des impacts économiques positifs sur certains secteurs tels que la pêche commerciale, l’agriculture, le tourisme et les loisirs dans les zones géographiques régulièrement touchées par les rejets, en particulier les littoraux. En effet, la présence récurrente de granulés plastiques sur les plages affecte directement l’attractivité des sites touristiques et les activités économiques côtières. Elle occasionne aussi des coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales, qui, faute de pouvoir en établir les responsabilités, sont contraintes de mobiliser des ressources financières pour assurer les opérations de nettoyage. Cette inquiétude des collectivités territoriales qui doivent faire face fréquemment à des épisodes de pollution de ce type et considère que la dimension de réparation des dommages à l’environnement, malgré l’existence de cadres juridiques au niveau européen ([24]) et national ([25]), est insuffisamment prise en compte.
Le texte de la Commission européenne prévoit que les exploitants responsables des déversements de granulés plastiques, à condition de pouvoir les identifier, devront couvrir les coûts de nettoyage des granulés. Ainsi les entreprises à l’origine de la pollution seraient tenues de financer les opérations de nettoyage sur les plages et dans d’autres zones affectées, plutôt que de laisser cette charge aux autorités locales. Cette ambition s’inscrit donc dans le principe du pollueur‑payeur visant à responsabiliser les entreprises pour la prévention et le nettoyage des dommages environnementaux causés par leurs activités.
b. L’intégration nécessaire du transport maritime dans le champ d’application du règlement
L’intégration du transport maritime dans le champ du règlement constitue un point de divergence entre États membres, encore en discussion. Certains pays – la Grèce, Chypre, Malte, l’Allemagne, la Lettonie, la Croatie, la Bulgarie et la Slovaquie - y sont opposés au motif qu’il serait préférable de conduire une action au niveau international avant de fixer des exigences trop strictes au niveau européen, et que cela risquerait de nuire à la compétitivité du transport maritime européen. D’autres y sont plutôt favorables comme la France, la Tchéquie, la Lituanie, l’Irlande, l’Espagne, les Pays‑Bas, le Danemark, l’Italie, la Suède, la Finlande. Un consensus semble néanmoins se dégager pour introduire des dispositions contraignantes en ce sens dans le règlement, calquées sur les recommandations de l’Organisation maritime mondiale (OMI). La Présidence hongroise a ainsi présenté une proposition d’ajustement qui prévoit d’intégrer le transport maritime. Cette avancée est essentielle compte tenu de la croissance du transport de granulés plastiques par voie maritime et des risques d’accidents en mer.
Force est de constater que les pertes de granulés de plastique en mer, même si elles sont occasionnelles provoquent des dommages significatifs aux écosystèmes marins et aux secteurs économiques côtiers.
Des accidents marquants se sont récemment produits dans l’Union européenne et ont notamment touché, à plusieurs reprises, les côtes atlantiques françaises : la plage de Plomeur en décembre 2022, le littoral des Landes en novembre 2023, la plage de la Govelle en Loire‑Atlantique le 20 novembre 2023…
Source : Vigipol
Différentes plaintes ont été déposées par des municipalités et l’État français. Ainsi, le 5 avril 2024, l’Association Nationale des Élus du Littoral (ANEL) et d’autres acteurs ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Brest pour pollution des eaux et des milieux naturels. Pour l’instant, l’enquête est toujours en cours pour tenter de déterminer les responsabilités.
La commission des affaires européennes estime qu’un meilleur encadrement du transport maritime pour prévenir les fuites de granulés plastiques en mer est donc nécessaire. Ainsi l’inclusion de ce mode de transport dans le champ du règlement permettrait de rendre obligatoires dans l’Union européenne des recommandations déjà élaborées dans le cadre de l’OMI. Ces recommandations portent notamment sur les emballages, qui doivent être suffisamment robustes pour résister aux chocs et contraintes du transport maritime, des protocoles d’étiquetage afin de mieux identifier les GPI et des lignes directrices en matière d’arrimage pour assurer un placement sécurisé des conteneurs de GPI.
L’Union européenne disposerait ainsi d’une réglementation plus contraignante que les initiatives prises au plan international. Pour que l’ensemble des transporteurs se trouve effectivement intégré dans le champ d’application du règlement, la France demande que soit bien précisé dans le texte qui sera adopté que tous les navires à destination ou au départ d’un port européen, indépendamment de leur pavillon, respectent les exigences posées par la règlementation européenne. Les navires circulant dans les zones économiques exclusives des États membres, et notamment autour des régions ultrapériphériques (RUP), sur lesquelles pèsent aussi des menaces de fuites de GPI, seraient alors concernés par les dispositions prévues par la proposition de règlement.
c. Des exigences qui doivent être fixées en fonction du seul volume de granulés plastiques manipulés
Le principe d’une certification indépendante pour les moyennes et grandes entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes par an de granulés complété par l’auto déclaration à laquelle seraient soumises les micros et petites entreprises ainsi que celles manipulant un volume inférieur de GPI ne permet pas de garantir suffisamment le respect des exigences fixées par la proposition de règlement en matière de prévention des pertes de granulés plastiques et de lutter efficacement contre ce type de pollution dans l’environnement.
Sur ce point, le texte présenté par la Commission européenne s’écarte du dispositif français, qui prévoit une obligation de certification pour tous les opérateurs économiques manipulant plus de 5 tonnes de granulés par an. La formule retenue dans le projet de règlement européen interroge donc sur le seuil d’exemption envisagé au regard des considérations environnementales.
Afin de conserver l’approche retenue par la législation française le seuil d’assujettissement à l’obligation de certification de 1 000 tonnes de granulés manipulés par an est très élevé, en particulier si on prend en compte la structure des entreprises françaises de la plasturgie : 80 % des entreprises françaises manipulant des granulés de plastique sont des petites et moyennes entreprises et 50 % d’entre elles emploient moins de dix salariés. En conséquence, seul un petit nombre d’entre elles seraient effectivement couvertes par les dispositions du règlement, contrairement aux règles actuelles prévues par le code de l’environnement.
Ainsi l’efficacité d’un contrôle qui reposerait uniquement sur un système d’auto déclaration pour les entreprises manipulant un volume important de granulés de plastique est incertaine. De surcroît les mêmes règles, incluant l’obligation de certification, doivent s’appliquer à tous les opérateurs économiques, quelle que soit leur taille.
En conséquence, le seuil de 1 000 tonnes doit être abaissé à un niveau plus proche de celui retenu dans le dispositif français, qui est plus ambitieux en termes de contrôle. En outre, le seuil doit être fixé uniquement en fonction du volume de granulés plastiques manipulés, indépendamment de la taille de l’entreprise. Dans cette optique les petites entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes par an de granulés doivent également être soumises à l’obligation de certification indépendante par un tiers, et non à l’auto déclaration.
Par ailleurs, la direction générale de la prévention du ministère de la transition écologique a indiqué aux rapporteurs du Sénat qu’un seuil trop élevé « pourrait engendrer une charge plus importante pour l’inspection des installations classées afin de contrôler plus régulièrement les opérateurs économiques non soumis à certification ».
L’exemption prévue par la Commission européenne pour les petits opérateurs (en taille ou volume) ne peut concerner l’obligation d’établir un programme de sensibilisation et de formation. En effet, les inspections réalisées par les services de l’État montrent que la formation des personnels est un facteur essentiel pour la mise en œuvre de la réglementation, à un coût faible. Des exigences doivent être définies en termes de formation des personnels pour l’ensemble des entreprises manipulant et transportant des granulés de plastique, quel que soit le volume de granulés manipulés et la taille de l’entreprise, afin de les sensibiliser aux risques associés à ces granulés et aux méthodes de prévention.
d. Une nécessaire clarification de la définition des granulés de plastique
La Commission européenne a proposé une définition des granulés de plastique qui repose sur la matière première utilisée, sans égard à leurs usages. Or cette définition n’inclut pas, dans le texte de la proposition, les formes les plus petites telles que les poudres de plastique, les paillettes et les poussières.
Les autorités françaises estiment nécessaire de préciser la définition des GPI afin d’y inclure plus largement tous les types de granulés, quel que soit leur forme ou leur taille, y compris les poudres, paillettes ou flocons.
Au regard de leurs impacts environnementaux et des opérations de prévention à mettre en œuvre, la définition doit couvrir toutes les formes et tailles des granulés de plastique, y compris les formes les plus petites comme les poussières de plastique.
e. Un renforcement nécessaire des exigences en matière d’emballages
Les annexes 1 et 3 de la proposition de règlement fixent des exigences en matière d’emballages. Il est nécessaire que soit clairement mentionnée dans le règlement européen la nécessité d’emballer les granulés plastiques dans des contenants ou sacs suffisamment solides et robustes, résistants aux impacts et aux potentielles dégradations dans le milieu aquatique, scellés pour prévenir tout risque de fuite de ces granulés dans l’environnement dans des conditions normales de transport mais aussi en cas d’intempéries météorologiques ou d’accidents. Lors des déversements accidentels en mer, force est de constater que les emballages souvent trop fragiles échouent éventrés sur les plages et répandent alors des millions de granulés plastiques sur plusieurs kilomètres de côtes.
L’interdiction du transport en vrac des GPI devrait être étudiée dans le cadre des travaux de l’OMI.
f. La traçabilité des pertes de granulés de plastique
Le bilan quantitatif des microplastiques rejetés dans l’environnement, indispensable à l’évaluation de la pression de cette forme de pollution, se heurte à l’indisponibilité des données.
La proposition de règlement européen mériterait donc d’être élargie à l’obligation de déclaration des pertes de GPI lors des opérations de transport (date, lieu, quantité, type de GPI, provenance et destination). En effet, si la gestion des pertes dans les enceintes des entreprises de production, de conditionnement ou de transformation est facilitée en raison de la faculté à les endiguer et à les traiter, il en va différemment pour les pertes accidentelles lors des opérations de transport terrestre, fluvial et maritime. La légèreté et la flottabilité des GPI qui s’échappent dans le milieu naturel, et en particulier dans les milieux fluviaux et marins, rend en effet particulièrement difficile le nettoyage des zones où la perte s’est produite.
Plusieurs arguments militent pour l’intégration de cette obligation de déclaration des pertes accidentelles lors des opérations de transport :
Elle permettrait d’abord de faciliter le chiffrage des quantités rejetées dans l’environnement qui repose aujourd’hui sur des hypothèses qui rendent fragiles les quantités évaluées ; en cohérence avec la volonté de l’Union européenne d’élaborer une méthode normalisée afin de mieux estimer les pertes de granulés plastiques dans l’environnement dans le cadre de la règlementation REACH.
Elle apparaît ensuite cohérente avec l’objectif du règlement qui prévoit que les entreprises devront déclarer, auprès des autorités nationales compétentes, leurs activités relatives à la manipulation des granulés plastiques. Il apparaît inopportun que les activités de transport puissent échapper à cette obligation.
Enfin, elle faciliterait l’identification des responsabilités (rappelons que les plaintes déposées contre X suite aux arrivées massives de GPI sur les côtes Atlantique en janvier 2024 peinent à avancer faute des capacités à identifier les coupables) et le chiffrage des coûts de nettoyage des granulés par les opérateurs responsables des déversements.
– 1 –
proposition de rÉsolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la recommandation 2021/06 de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord‑Est sur les granulés plastiques dans le milieu marin,
Vu les recommandations de l’Organisation maritime internationale pour le transport maritime de granulés de plastique, approuvées par le Comité de la protection du milieu marin lors de sa quatre‑vingt unième session (18‑22 mars 2024),
Vu la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux,
Vu la communication COM(2018) 028 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 16 janvier 2018 intitulée « Une stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire »,
Vu la communication COM(2019) 640 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l’Europe »,
Vu la communication COM(2020) 98 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 mars 2020 intitulée « Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire – Pour une Europe plus propre et plus compétitive »,
Vu la communication COM(2021) 400 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 12 mai 2021 intitulée « Cap sur une planète en bonne santé pour tous. Plan d’action de l’UE : Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols »,
Vu la communication COM(2021) 699 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 novembre 2021 intitulée « Stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 – Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat »,
Vu la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages,
Vu la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin,
Vu la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives,
Vu la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution),
Vu la directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement,
Vu le règlement (UE) 2024‑1328 de la Commission du 16 mai 2024 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne l’octaméthylcyclotétrasiloxane (« D4 »), le décaméthylcyclopentasiloxane (« D5 ») et le dodécaméthylcyclohexasiloxane (« D6 »),
Vu le règlement (UE) 2024/1781 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour des produits durables, modifiant la directive (UE) 2020/1828 et le règlement (UE) 2023/1542 et abrogeant la directive 2009/125/CE,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 10 novembre 2022 relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009, COM(2022) 586 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 octobre 2023 relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques, COM(2023) 645 final,
Vu la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, en particulier son article 83,
Vu le décret n° 2021‑461 du 16 avril 2021 relatif à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l’environnement,
Vu la proposition de loi du Sénat n° 164 (2020‑2021) visant à lutter contre le plastique, présentée par Mme Angèle Préville et plusieurs de ses collègues, déposée le 30 novembre 2020,
Vu le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 217 (2020‑2021) de Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice, et de M. Philippe Bolo, député, intitulé « Pollution plastique : une bombe à retardement ? », déposé le 10 décembre 2020,
Vu le rapport du Sénat n° 411 (2020‑2021) de Mme Martine Filleul, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur la proposition de loi visant à lutter contre les plastiques, déposé le 3 mars 2021,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 149 (2022‑2023) du 30 juin 2023 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009, COM(2022) 586 final,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 146 (2023‑2024) du 5 juillet 2024 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance et à la résilience des sols (directive sur la surveillance des sols), COM(2023) 416 final,
Vu le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 141 (2024‑2025) de M. Philippe Bolo, député, sur les impacts des plastiques sur la santé humaine, déposé le 14 novembre 2024,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 35 (2024‑2025) du 17 janvier 2025 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques - COM(2023) 645 final,
– Concernant l’objectif global de la proposition de règlement :
Considérant que les microplastiques constituent une source importante de pollution de l’environnement, et que les rejets non intentionnels de granulés de plastiques représentent l’une des principales sources de pollution par les microplastiques primaires dans l’Union européenne ;
Considérant que les granulés plastiques disséminés dans les milieux aquatiques et terrestres sont susceptibles de causer des dommages significatifs à la biodiversité, aux écosystèmes, à la chaîne alimentaire ainsi qu’au climat et à la santé humaine ;
Considérant que la pollution des littoraux et des milieux marins a des incidences négatives sur les activités économiques des zones côtières telles que l’agriculture, la pêche ou le tourisme, et que les collectivités territoriales ne disposent pas de moyens et de ressources financières pour faire face à ce type de pollution ;
Considérant que cette source de pollution, une fois produite, est très difficile à traiter et à éliminer en raison de la petite taille, de la facilité de dispersion et de la persistance dans l’environnement des granulés de plastique ;
Considérant que l’Union européenne s’est fixé un objectif de réduction de la pollution par les microplastiques de 30 % d’ici à 2030 dans le cadre du plan d’action « zéro pollution », et que les mesures proposées par la Commission européenne concernant les pertes de granulés de plastique dans l’environnement devraient contribuer à hauteur d’un quart de cet objectif ;
Soutient l’objectif de prévenir et réduire la pollution par les microplastiques dans l’environnement et la nécessité de prendre des mesures efficaces pour prévenir les pertes et les fuites de granulés plastiques industriels dans l’environnement tout au long de la chaîne d’approvisionnement ;
Considère que les dispositions proposées par la Commission sont de nature à créer un cadre favorable à la prévention et à la réduction de la pollution par les microplastiques dans l’environnement ;
Rappelle son soutien au principe du pollueur‑payeur et déplore que les collectivités territoriales soient le plus souvent contraintes d’assumer seules le coût du nettoyage et des dommages causés localement en raison des difficultés à identifier le pollueur, en particulier dans le cas des pertes de conteneurs de granulés plastiques en mer ;
Demande une meilleure prise en compte du coût que représente la réparation des dommages causés à l’environnement par la pollution, en particulier des plastiques et microplastiques ;
Souligne la nécessité d’aboutir à la signature d’un traité mondial sur la pollution par les plastiques, qui incluent les microplastiques, afin notamment d’impliquer l’ensemble des pays et acteurs du secteur de la plasturgie dans la prévention des pertes de granulés de plastique dans l’environnement ;
– Concernant l’approche générale retenue par la Commission européenne dans la proposition de règlement :
Considérant que les rejets dans l’environnement de granulés de plastique résultent, d’une part, de pertes opérationnelles liées à de mauvaises manipulations le long de la chaîne de production et d’utilisation et, d’autre part, de pertes accidentelles lors de leur transport, qu’il soit terrestre, ferroviaire ou maritime, et sont donc évitables par la mise en œuvre de mesures de prévention ;
Considérant les règles déjà adoptées par l’Union européenne pour réduire la dispersion des microplastiques dans l’environnement ;
Considérant que la Commission européenne propose de les compléter en instaurant une obligation générale de prévention des pertes de granulés de plastique pour l’ensemble des opérateurs économiques, les transporteurs de l’UE et les transporteurs de pays tiers ;
Considérant que la proposition de règlement européen s’appuie sur les recommandations déjà adoptées par la Convention pour la protection de l’environnement maritime de l’Atlantique Nord‑Est et par l’organisation maritime internationale,qui visent à lutter contre la pollution plastique des milieux marins et prévenir les déversements accidentels de granulés plastiques en mer ;
Considérant que l’approche retenue par la Commission européenne est largement inspirée par la législation adoptée par la France, dans le cadre de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui instaure un dispositif spécifique afin de prévenir les pertes non‑intentionnelles de granulés de plastique dans l’environnement ;
Approuve l’initiative de la Commission européenne visant à établir un cadre réglementaire harmonisé concernant l’ensemble des activités liées à l’utilisation de granulés de plastique, que ce soit la production, le chargement, la manutention, le stockage, le recyclage ou le transport ;
Estime que l’harmonisation des règles au niveau européen est essentielle pour garantir une protection plus efficace de l’environnement et des conditions de concurrence équitables entre opérateurs au sein du marché intérieur de l’UE ;
Salue le fait que la proposition de règlement prévoit des obligations applicables, comme dans le dispositif français, à tous les opérateurs économiques manipulant plus de cinq tonnes de granulés de plastique industriels par an et prévoit des exigences équivalentes pour les transporteurs européens et ceux de pays tiers ;
– Concernant l’intégration du secteur maritime au champ d’application du règlement :
Considérant que les déversements accidentels de granulés de plastique dans l’environnement se produisent le plus souvent lors de leur transport, en particulier par voie maritime, et que le transport maritime est un acteur important de la chaîne d’approvisionnement des granulés de plastique dans l’Union européenne ;
Considérant que la perte de conteneurs en mer représente une source grave de pollution marine, avec des répercussions néfastes sur les écosystèmes marins et qu’il est difficile, dans la plupart des cas, d’en établir les responsabilités, comme l’illustrent les récents épisodes de déversement de granulés sur les plages françaises et espagnoles ;
Considérant l’absence de cadre réglementaire contraignant pour le secteur du transport maritime qui représente pourtant plus des deux tiers du transport de marchandises dans l’Union européenne et dont l’activité devrait continuer de croître ;
Estime nécessaire que le champ d’application du règlement soit étendu à tous les modes de transport, y compris maritime, en l’absence de recommandations contraignantes établies par l’Organisation maritime internationale, dans le respect du droit international ;
Préconise que les dispositions du règlement s’appliquent à l’ensemble des navires à destination ou au départ de ports européens, indépendamment de leur pavillon ;
Souligne que l’inclusion du transport maritime dans le champ du règlement permettra de contribuer à une meilleure protection des zones géographiques maritimes, notamment autour des régions ultrapériphériques,qui sont les plus exposées aux risques de pollution liée aux fuites de granulés de plastiques ;
– Concernant les exigences applicables aux entreprises du secteur de la plasturgie :
Considérant que les transformateurs et fabricants européens des plastiques sont déjà engagés dans des actions de prévention des pertes et fuites de granulés de plastique, notamment dans le cadre du programme « Operation Clean Sweep » ;
Se félicite que les exigences proposées par la Commission européenne s’inspirent et généralisent les principes et méthodes déjà mis en œuvre par les opérateurs économiques de la plasturgie sur la base du volontariat ;
Estime cependant nécessaire de rendre juridiquement contraignantes les recommandations élaborées par les parties à la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord‑Est et à l’Organisation maritime internationale au niveau européen ;
Fait valoir que les coûts de mise en conformité pour les acteurs du secteur devraient être limités en raison des mesures qu’ils ont déjà mises en place et du gain économique que la réduction des pertes de granulés devrait représenter pour eux ;
– Concernant les exigences allégées pour les petites et moyennes entreprises :
Considérant que la Commission européenne prévoit un allégement de certaines dispositions, en particulier l’obligation de certification par un tiers au profit de l’auto‑déclaration, pour les petites entreprises ainsi que pour les moyennes et grandes entreprises manipulant moins de 1 000 tonnes de granulés de plastique par an ;
Considérant que l’article 193 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne fait pas obstacle à l’adoption par les États membres de mesures de protection environnementale plus strictes que celles prévues par la réglementation européenne ;
Considérant que le secteur de la plasturgie en France est principalement composé de petites et moyennes entreprises ;
Doute de l’opportunité, sur le plan opérationnel et compte tenu des considérations environnementales, des exemptions envisagées par la Commission européenne, susceptibles de bénéficier à des opérateurs économiques manipulant des volumes importants de granulés plastiques et d’éviter donc certaines obligations à un nombre important d’entreprises en France ;
Estime que la taille de l’entreprise ne doit pas être un critère déterminant pour l’application des obligations posées par la proposition de la Commission européenne et appelle à retenir le tonage de granulés manipulés annuellement comme seul critère ;
Propose que les exemptions aux obligations de certification, d’évaluations internes, de réunions de gestion et de réalisation d’un programme de sensibilisation et de formation soient mieux encadrées ;
Demande à cet égard que les petites entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes de granulés par an ne soient pas exemptées desdites obligations ;
Considère, en tout état de cause, que le seuil d’assujettissement à l’obligation de certification que la Commission propose de fixer à 1 000 tonnes de granulés manipulés par an, apparaît trop élevé compte tenu des enjeux environnementaux, et préconise de l’abaisser à un niveau plus proche de celui retenu en droit français ;
Recommande que le règlement européen reprenne les dispositions du dispositif déjà mis en œuvre par la France, et prévoie en particulier son application à l’ensemble des opérateurs économiques manipulant plus de 5 tonnes de granulés plastiques par an ;
Souligne qu’un contrôle rigoureux est nécessaire pour s’assurer du respect des exigences en matière de pertes et fuites de granulés de plastiques et rappelle, à ce titre, le rôle et l’importance des inspections régulières par les autorités compétentes ;
Préconise un renforcement du contrôle du respect des exigences pour les entreprises soumises à l’auto déclaration, qui pourrait notamment être assuré dans le cadre d’un audit externe ;
Recommande de renforcer les opérations d’inspection sur les sites industriels afin de vérifier le respect des dispositions du règlement ;
Estime nécessaire que l’ensemble des exploitants et du personnel impliqués dans la manipulation des granulés plastiques soient formés aux bonnes pratiques, à la gestion des déversements et au respect des règles et que, par conséquent, l’obligation d’établir un programme de sensibilisation et de formation s’applique à l’ensemble des entreprises relevant du champ d’application du règlement ;
– Concernant la définition des granulés de plastique et l’élaboration de bonnes pratiques de gestion :
Considérant la nécessité de maintenir un haut niveau d’exigence en matière de prévention des pertes de granulés de plastiques dans l’environnement ;
Considérant les risques de fuite de granulés plastiques dans l’environnement, en particulier en mer, que ce soit dans des conditions normales de transport, en cas d’intempéries météorologiques ou d’accidents, et leurs incidences négatives ;
Demande que la définition des granulés de plastique industriels soit suffisamment précise pour inclure toutes les formes et tailles de granulés de plastique industriels, y compris les plus petites que sont les poudres, les paillettes et les flocons ;
Préconise l’application des mesures établies par l’Organisation maritime internationale concernant le protocole d’étiquetage et de notification pour les conteneurs de granulés plastiques, ainsi que le renforcement des exigences en matière d’emballage ;
Estime que l’interdiction du transport en vrac devrait faire l’objet de travaux dans le cadre de l’Organisation maritime internationale ;
– Concernant la quantification des pertes de granulés de plastique dans l’environnement :
Considérant l’obligation du projet de règlement européen de déclaration, auprès des autorités nationales compétentes, des activités relatives à la manipulation des granulés plastiques ;
Considérant l’obligation de réaliser et de tenir à jour un plan d’évaluation des risques prévoyant la tenue d’un registre des mesures mises en œuvre et des quantités de pertes estimées par les transporteurs de l’UE ;
Considérant l’objectif de l’Union européenne d’élaborer une méthode normalisée afin de mieux estimer les pertes de granulés plastiques dans l’environnement dans le cadre de règlementation REACH ;
Considérant que le texte de la Commission européenne prévoit que les exploitants responsables de déversements de granulés plastiques devront couvrir les coûts de nettoyage ;
Considérant, faute des capacités à déterminer les responsabilités, l’enlisement des enquêtes menées à la suite des plaintes contre X déposées auprès du tribunal de Brest pour pollution des eaux et des milieux naturels par des granulés plastiques début 2024 ;
Estime nécessaire d’ajouter au projet européen de règlementation l’obligation de déclaration des pertes de granulés lors des opérations de transport ;
Préconise que ces déclarations comportent la date du déversement, ses coordonnées géographiques, la quantité perdue, le type et la nature des GPI perdus ainsi que l’origine et la destination du transport ;
Recommande que les données des déclarations de pertes soient rendues publiques afin d’être accessibles aux scientifiques, aux ONG environnementales et aux citoyens européens ;
Invite le Gouvernement à défendre cette position au sein du Conseil de l’Union européenne.
([1]) Selon la norme ISO 472 :2013, un granulé est une « petite masse de matériau de moulage préformé, ayant des dimensions relativement uniformes dans un lot donné, utilisé comme matière première dans les opérations de moulage et d’extrusion ».
([2]) Résolution européenne du Sénat n° 35 (2024-2025) du 17 janvier 2025 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques - COM(2023) 645 final.
([3]) La convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, dite convention OSPAR, entrée en vigueur di 25 mars 1998, vise à prévenir et éliminer la pollution marine résultant des activités humaines en atlantique Nord-Est afin de protéger les écosystèmes et la biodiversité.
([4]) Source : Plastics Europe.
([5]) Thompson et al., Twenty years of microplastic pollution research – What have we learned?, Science 386, 395 (2024), 25 octobre 2024.
([6]) La surveillance des microplastiques sur le littoral français – Bulletin d’information du Cedre n°45 - novembre 2023 – pages 10 et 11.
([7]) Rilling M. C. et al., Microplastic effects on carbon cycling processes in soils, Plos Biology, 2021.
([8]) Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 560 (2024-2025) de M. Philippe Bolo, député, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, sur les impacts des plastiques sur la santé humaine, déposé le 14 novembre 2024.
([9]) Article D. 541-360 du code de l’environnement.
([10] Selon le manuel du programme Operation Clean Sweep (OCS)
([11]) Informations clés sur les granulés plastiques industriels.
([12]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « La pacte vert pour l’Europe », COM(2019) 640 final.
([13]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 mars 2020 intitulée « un nouveau plan d’action pour une économie circulaire – Pour une Europe plus propre et plus compétitive », COM(2020) 98 final.
([14]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 novembre 2021 intitulé « Stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 – Récolter les fruits du sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat », COM(2021) 699 final.
([15]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du12 mai 2021 intitulée « Cap sur une planète en bonne santé pour tous. Plan d’action de l’UE : Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols », COM(2021) 400 final.
([16]) Règlement (UE) 2023/2055 de la Commission du 25 septembre 2023 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les microparticules de polymère synthétique.
([17]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur, des moteurs et des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité des batteries (Euro 7), COM(2022) 586 final.
([18]) Règlement 2024/1781/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour des produits durables, modifiant la directive (UE) 2020/1828 et le règlement (UE) 2023/1542 et abrogeant la directive 2009/125/CE.
([19]) Directive (UE)2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement.
([20]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets d’emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE, COM(2022) 677 final.
([21]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
([22]) Article L. 541-15-11 du code de l’environnement.
([23]) Décret n° 2021-461 du 16 avril 2021 relatif à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l’environnement.