– 1 –

N° 927

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à intégrer les pères sous valproate de sodium dans le dispositif d’indemnisation pour les victimes de la Dépakine,

 

présentée par

Mme Christine LOIR, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. Théo BERNHARDT, M. Bruno BILDE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, M. Stéphane BUCHOU, M. Jérôme BUISSON, M. Eddy CASTERMAN, M. Marc CHAVENT, M. Sébastien CHENU, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Sandra DELANNOY, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, M. Guillaume FLORQUIN, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Monique GRISETI, M. Julien GUIBERT, M. Michel GUINIOT, Mme Marine HAMELET, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, M. Alexis JOLLY, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Julien LIMONGI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, Mme Claire MARAIS-BEUIL, M. Matthieu MARCHIO, M. Patrice MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Éric MICHOUX, M. Thibaut MONNIER, M. Serge MULLER, M. Thierry PEREZ, Mme Christelle PETEX, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Catherine RIMBERT, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Sophie-Laurence ROY, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre SABATOU, Mme Anne SICARD, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Thierry TESSON, M. Romain TONUSSI, M. Frédéric WEBER,

députées et députés.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, la prise en compte de l’épilepsie constitue un enjeu majeur de santé publique. Avec environ 500 000 personnes concernées, elle représente la première cause de handicap neurologique. Les traitements pour l’épilepsie ont considérablement évolué au cours du 20e siècle, notamment grâce aux molécules de valproate, acide valproïque, ou acide 2‑propylpentanoïque.

Les traitements à base de valproate et dérivés (Dépakine, Micropakine, Dépakote, Dépamide, Divalcote et génériques), carbamazépine (Tegretol et génériques) et topiramate (Epitomax et génériques) sont utilisés contre l’épilepsie. Ces derniers sont également parfois prescrits contre certains troubles de l’humeur et psychiatriques comme les troubles bipolaires, certaines migraines et les douleurs neuropathiques.

Commercialisé sous le nom de Dépakine depuis 1967 par le laboratoire Labaz, puis racheté en 1973 par Sanofi, ce médicament a révolutionné la prise en charge de l’épilepsie. Il est aujourd’hui le traitement épileptique le plus utilisé au monde.

Dès les années 1980, des études scientifiques incontestées ([1]) à cette heure démontrent que les femmes enceintes prenant de la Dépakine courent un risque élevé de mettre au monde des enfants présentant des malformations congénitales graves, des retards de développement et des troubles neurodéveloppementaux. On estime que des dizaines de milliers d’enfants souffrent de dommages consécutifs à la prise de valproate de sodium pendant la grossesse.

Sous l’action de la lanceuse d’alerte Mme Marine Martin, en 2011, avec la fondation de l’association aide aux parents d’enfants souffrants du syndrome de l’anticonvulsivant (APESAC), s’entament les premières actions civiles et au pénal. Les laboratoires pharmaceutiques ont été accusés alors de ne pas avoir correctement informé les patientes et les professionnels de la santé des risques associés à ce médicament.

En 2013 une réévaluation européenne des risques a été décidée sous la pression des associations anglaises et françaises et s’est achevée fin 2014. Le 12 décembre 2014, dans une lettre aux professionnels de santé, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) reconnait ainsi le risque d’issues anormales des grossesses sous Dépakine et le 26 mai 2015 sont publiées de nouvelles conditions de prescription et de délivrance de ces traitements, en restreignant la prescription pour les femmes en âge de procréer et informant cette dernière des risques. En 2016, un dispositif d’indemnisation pour aider les familles est créé, confié à l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM).

Dès 2017, diverses études démontrent que chez les hommes la prise de Dépakine peut avoir un impact sur la fertilité et la santé reproductive ([2]). Elles démontrent notamment que la prise de Dépakine chez l’homme peut entraîner une baisse de la qualité du sperme et des anomalies de la morphologie des spermatozoïdes.

En plus de ses effets sur la fertilité masculine, le valproate de sodium présente également des risques pour les futurs enfants. Les enfants nés de pères prenant du valproate de sodium peuvent être exposés aux mêmes risques que s’ils étaient exposés à une prise par la mère.

En août 2023, une étude ([3]) de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a en effet révélé une augmentation significative du risque de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père avait été traité avec du valproate dans les trois mois précédant la conception. Ce risque peut varier entre 5,6 % et 6,3 % chez les enfants exposés au valproate, comparativement à 2,5 % à 3,6 % chez ceux dont le père avait été traité par d’autres antiépileptiques tel que le lévétiracétam. 

Selon l’APESAC, 161 392 hommes étaient sous traitement en 2022. Certains sont devenus pères. Face à cette situation, ils sont alors en droit d’obtenir une reconnaissance et un dédommagement pour ce préjudice, pour eux et leurs enfants nés alors qu’ils étaient sous traitement, et qu’ils n’avaient en aucun cas été tenus informés des effets toxiques sur la qualité des spermatozoïdes et les risques de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant à naître.

À cette heure, le disposif d’indemnisation ne prend pas encore en compte cette dimension dans son dispositif, ne reconnaissant que les mères, et leurs enfants.

Depuis le 6 janvier 2025, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) durcit les conditions de prescription et d’information également auprès des hommes. Il s’agit d’un premier pas dans la reconnaissance de ce risque, tout comme le renforcement de l’information préventive dans la cadre de toute prescription de cette molécule.

Aussi l’objet de cette résolution invite donc le Gouvernement à prendre acte des risques pour les pères traités par valproate de sodium lors de la procréation et de leurs détresses en tant que » papas » Dépakine et victimes.

Une évolution est nécessaire dans le but d’inclure ces patients masculins, et leurs enfants, dans le système d’indemnisation prévu par l’ONIAM, tout comme il est nécessaire de recenser l’ensemble des patients masculins traités par cette molécule et de poursuivre les actions d’information et de prévention sur les risques du valproate sur la procréation chez la femme, comme chez l’homme.

 


– 1 –

proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi n° 2002‑303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé,

Vu la reconnaissance par différentes études scientifiques, du valproate de sodium, traitement contre l’épilepsie, comme étant une molécule tératogène et ayant des effets toxiques sur la fertilité masculine,

Vu les différentes études montrant un lien effectif entre la consommation pendant la grossesse de valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés, et des risques élevés de malformations fœtales et de retards de développement chez les enfants à naître, 

Considérant que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la mise en place d’un dispositif d’indemnisation pour les victimes du valproate de sodium et de ses dérivés, aussi connu sous la dénomination Dépakine, confié à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux ;

Considérant que le Comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance de l’Agence européenne du médicament examine une étude observationnelle sur le risque de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants conçus par des pères traités par Dépakine ;

Considérant que les résultats initiaux de cette même étude suggèrent un risque accru si le médicament est pris dans les trois mois précédant la conception, chez les patients masculins ;

Considérant les décisions prises le 13 décembre 2024 par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui visent à réduire les risques de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants à naître liés à l’exposition au valproate dans les trois mois précédant la conception, suite à la prescription chez les hommes traités par valproate de sodium et ses dérivés, dans les trois mois précédant la conception ;

Invite le Gouvernement à intégrer, dans le dispositif d’indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés, prévu à l’article 150 de la loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, toute personne atteinte d’un préjudice imputable à l’exposition paternelle durant les mois qui ont précédé la conception de l’enfant ;

Invite le Gouvernement à recenser et à prendre toute mesure permettant de contacter les patients masculins traités par valproate et par ses dérivés et leur descendance pour mieux les informer sur le dispositif d’indemnisation prévu par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux ;

Invite le Gouvernement à recenser les professionnels de santé prescrivant du valproate et ses dérivés pour les informer des risques.

 

 


([1]) En 1982, l’effet tératogène du valproate de sodium est confirmé par le Dr. Elisabeth Robert Gnansia puis en 1983, reprise de l’alerte par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) d’Atlanta (USA).

([2]) L’étude épidémiologique citée par l’ANSM a été publiée dans le JAMA Neurol le 31 mai 2022.

([3]) Information ANSM destinée aux pharmaciens (ville et hôpital), neurologues, neuropédiatres, pédiatres, médecins généralistes, psychiatres, gynécologues, gynéco-obstétriciens et sages femmes