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N° 973
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur les violences commises au sein du lycée Notre-Dame de Bétharram et l’absence de traitement des signalements,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Christine ARRIGHI, Mme Clémentine AUTAIN, Mme Léa BALAGE EL MARIKY, Mme Delphine BATHO, Mme Lisa BELLUCO, M. Karim BEN CHEIKH, M. Benoît BITEAU, M. Arnaud BONNET, M. Nicolas BONNET, M. Alexis CORBIÈRE, M. Hendrik DAVI, M. Emmanuel DUPLESSY, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Damien GIRARD, M. Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, M. Tristan LAHAIS, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mme Eva SAS, Mme Sabrina SEBAIHI, Mme Danielle SIMONNET, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, M. Boris TAVERNIER, M. Nicolas THIERRY, Mme Dominique VOYNET,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis octobre 2023, un collectif d’anciens élèves du lycée privé catholique Notre‑Dame‑de‑Bétharram, situé à Lestelle‑Bétharram dans les Pyrénées‑Atlantiques, a révélé l’ampleur des violences physiques, sexuelles et pédocriminelles qui y ont été commises durant plusieurs décennies. Les faits dénoncés concernent une période s’étalant des années 1950 aux années 2010, et plus de 112 plaintes ont d’ores et déjà été déposées devant la justice.
Les actes en cause, perpétrés par des prêtres et des surveillants de l’établissement, auraient été rendus possibles et perduré par un système de silenciation institutionnalisée et un climat d’omerta au sein de l’établissement et de la société locale. L’enquête journalistique, notamment menée par Mediapart, a mis en lumière l’absence de réaction des autorités administratives et politiques face aux nombreux signalements qui ont émergé au fil des années.
Des documents et témoignages recueillis indiquent que plusieurs autorités publiques, dont des élus locaux et nationaux, ont été alertées de ces faits sans que des mesures de protection adaptées ne soient prises, à l’instar du rectorat de Bordeaux, qui a été saisi de la question par la sénatrice de Gironde Monique de Marco en mai 2024. Parmi ces responsables, M. François Bayrou, ancien ministre de l’éducation nationale (1993‑1997), ancien président du conseil général des Pyrénées‑Atlantiques (1992‑2001) et actuel Premier ministre et maire de Pau, aurait été directement informé à plusieurs reprises des accusations de violences au sein de l’établissement. En 1996, alors qu’il était ministre, il s’est rendu dans le lycée pour apporter son soutien à l’institution, à un moment où des violences physiques commises par un surveillant général venaient d’être dénoncées. En 1998, alors qu’un directeur de l’établissement était mis en examen pour viol sur mineur, M. François Bayrou aurait sollicité une rencontre avec le juge d’instruction chargé de l’affaire et aurait reçu confirmation de la matérialité des faits.
Malgré ces éléments, M. François Bayrou a affirmé devant la représentation nationale, en février 2025, qu’il n’avait jamais été informé des violences commises à Notre‑Dame‑de‑Bétharram. Or ce discours semble contredit par les faits. Ainsi, un ancien élève, victime reconnue par l’Église, et indemnisé en 2023, lui aurait adressé un courrier recommandé avec accusé de réception en mars 2024, resté sans réponse.
Si le rôle de M. François Bayrou dans cette affaire doit être pleinement éclairci, il est plus que probable qu’il ait été loin d’être le seul élu ou agent public à avoir gardé le silence. Le nombre de plaintes déposées, l’ancienneté des faits et leur répétition au fil des décennies laissent penser qu’un système de silenciation institutionnalisé a permis à ces violences de se perpétuer. Il apparaît nécessaire d’examiner les éventuelles responsabilités d’autres élus locaux, des autorités académiques, de l’administration préfectorale ainsi que des ministères concernés, afin de comprendre pourquoi aucune action n’a été engagée pour protéger les enfants victimes et prévenir de nouveaux abus. La commission d’enquête doit ainsi s’attacher à mettre à jour les dysfonctionnements à l’origine des défaillances dans la protection des enfants et jeunes pensionnaires de l’établissement et l’ensemble des mécanismes de protection et d’inertie qui ont permis à ces crimes de se poursuivre dans l’impunité, et formuler des recommandations pour garantir qu’un tel système ne puisse plus jamais prospérer.
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proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de 30 membres chargée d’examiner :
1° les alertes concernant les violences commises à Notre‑Dame de Bétharram et le rôle joué par les responsables publics de l’époque dans la gestion de ces affaires et les décisions prises, ou non, en réponse aux alertes répétées ;
2° les éventuelles pressions exercées par l’institution scolaire et les autorités locales pour protéger l’établissement de poursuites judiciaires ;
3° les dysfonctionnements administratifs et judiciaires ayant empêché une intervention plus précoce pour protéger les victimes et prévenir de nouvelles agressions ;
4° la prise des comptes des signalements dans les internats en France.
La commission d’enquête peut entendre toute personne dont l’audition lui semble utile à l’accomplissement de sa mission et solliciter toute documentation nécessaire à la manifestation de la vérité. Elle remet son rapport dans un délai de six mois à compter de sa constitution.