– 1 –

N° 1032

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mars 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’échec de « Scribe - XPN », logiciel de rédaction des procédures pénales pour la police,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Antoine LÉAUMENT, M. Ugo BERNALICIS, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députés et députées.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un article du 13 février 2025 intitulé « Police : un projet de logiciel de rédaction de procédures pénales à plusieurs millions d’euros, sur le point d’être abandonné », le journal Le Monde nous apprenait l’arrêt du projet de nouveau logiciel « Scribe - XPN ».

Ce projet, lancé en 2016, devait initialement doter la police et la gendarmerie d’un puissant logiciel commun de rédaction des procédures, destiné à permettre à la fois une inter‑opérabilité entre les services, une dématérialisation des procédures, et un gain de temps pour les services de sûreté intérieure comme, in fine, pour les magistrats. Il aurait donc pu être enfin une option sérieuse pour simplifier les procédures pour les agents sans rogner sur les droits à la défense des mis en cause. Il devait par ailleurs constituer une brique essentielle du Nouveau Système d’Information dédié à l’Investigation (NS2I), projet indispensable pour améliorer le travail au long cours des enquêteurs de la police judiciaire.

Mais ce projet serait donc en passe d’être abandonné, après une gabegie financière invraisemblable. En effet, selon des sources policières citées par Le Monde, le bilan comptable de ce fiasco avoisinerait les 20 millions d’euros. Pour rien. Pourtant, à la fin de l’année 2021, le ministre de l’intérieur M. Gérald Darmanin promettait que ce logiciel serait pleinement opérationnel en 2024. Le 5 décembre 2023, en réponse à une question écrite de la députée du groupe Les Républicains Mme Christelle D’Intorni, le ministre de l’Intérieur répondait encore que le projet continuait et constituait même « une pièce maîtresse de la transformation numérique de la police nationale » Que s’est‑il passé depuis ? Pourquoi ces annonces, pourtant récentes, n’ont pas été suivies d’effet ?

Il est vrai que le projet a connu depuis le début un certain nombre de problèmes. Ceux‑ci ont commencé avec le refus de la hiérarchie policière de travailler à partir des éléments technologiques développés en interne par la gendarmerie nationale, qui avaient pourtant le double avantage d’être opérationnels et gratuits. Ce premier refus a entraîné le retrait de la gendarmerie du projet, préférant travailler à l’amélioration de son propre logiciel qui semble, de son côté, parfaitement opérationnel. Dès 2017, un point de situation du cabinet du directeur général de la police nationale évoque, selon Le Monde, un programme déjà « en phase critique ». Depuis, les chefs de projets se sont succédé sans parvenir à remettre sur les rails un programme qui semblait depuis ses origines être largement sorti du plan de marche initialement prévu.

En juillet 2022 après un audit flash du projet de logiciel Scribe, la Cour des comptes remettait un rapport accablant sur son avancée. Elle écrivait dans ses conclusions que « le programme se caractérise, depuis ses débuts, par une absence de cadrage et une formalisation très insuffisante de l’expression des besoins ». La Cour expliquait également que « le programme a pâti d’un pilotage éclaté, qui a engendré une dilution des responsabilités entre les parties prenantes ». Elle proposait une série de recommandations et notamment celle d’une « reprise de travaux communs entre la police et la gendarmerie » dont elle indiquait qu’elle « permettrait de garantir effectivement la convergence technologique des deux logiciels ». La Cour des comptes précisait même que ce travail commun devait « constituer l’un des objectifs de premier rang à l’occasion de la relance du projet ».

Compte tenu de l’ampleur du fiasco et de ses conséquences concrètes pour les forces de sûreté comme pour les citoyens, il est nécessaire que la représentation nationale crée une commission d’enquête sur le sujet.

Comment un tel fiasco a‑t‑il été possible ? Comment la société Capgemini a pu recevoir plusieurs millions d’euros sans être capable de fournir un logiciel fonctionnel après huit ans de travail ? Qu’a‑t‑elle fait de cet argent ? Pourquoi la direction de la police nationale a‑t‑elle refusé de partir du logiciel proposé par la gendarmerie, qui semble, lui, parfaitement opérationnel ? Quelles sont les responsabilités individuelles et collectives des responsables de ce projet dans son échec ? Quelles solutions notamment internalisées peuvent être proposées pour sortir par le haut de cette gabegie d’argent public, en dotant les forces de police et de gendarmerie d’un logiciel commun fonctionnel le plus rapidement possible ?

C’est à toutes ces questions que devra répondre la commission d’enquête que nous proposons de constituer par cette résolution.

 


– 1 –

proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’évaluer les causes de l’échec de la création d’un logiciel commun de rédaction des procédures pour la police et la gendarmerie. Cette commission d’enquête devra notamment :

1° Analyser les causes et les responsabilités des dysfonctionnements dans la mise en place et le suivi du projet depuis 2016 ;

2° Faire la lumière sur l’usage qui a été fait de l’argent public dépensé pour ce projet ;

3° Proposer des solutions pour permettre aux forces de sûreté de la police et de la gendarmerie de disposer le plus vite possible d’un logiciel commun opérationnel de rédaction des procédures.