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N° 1047
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mars 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
relative à la mobilisation du capital des avoirs russes gelés au profit de l’effort de guerre et de la reconstruction de l’Ukraine,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par
Mme Léa BALAGE EL MARIKY, M. Pouria AMIRSHAHI, M. Joël AVIRAGNET, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Lisa BELLUCO, M. Karim BENBRAHIM, M. Benoît BITEAU, M. Arnaud BONNET, M. Nicolas BONNET, M. Mickaël BOULOUX, Mme Colette CAPDEVIELLE, Mme Eléonore CAROIT, M. Pierrick COURBON, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Inaki ECHANIZ, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Catherine HERVIEU, Mme Céline HERVIEU, M. Sacha HOULIÉ, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Julie LAERNOES, M. Tristan LAHAIS, Mme Constance LE GRIP, M. Laurent LHARDIT, Mme Lise MAGNIER, M. Christophe MARION, M. Laurent MAZAURY, M. Paul MOLAC, Mme Julie OZENNE, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Maud PETIT, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Christophe PLASSARD, Mme Marie POCHON, M. Dominique POTIER, M. Jean-Claude RAUX, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, Mme Eva SAS, M. Hervé SAULIGNAC, M. Thierry SOTHER, Mme Prisca THEVENOT, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Neuf ans après l’invasion de la Crimée, l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 est la plus grave violation du droit international qu’a connu l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle doit être condamnée avec la plus grande fermeté.
Après trois années d’une guerre qui s’enlise, et alors que les États‑Unis sont prêts à obtenir la paix à tout prix pour servir leurs intérêts, l’Ukraine doit plus que jamais pouvoir continuer à compter sur le soutien humanitaire, financier, militaire, économique et diplomatique de la France et de l’Union européenne.
Cette dernière a su prendre des décisions fortes au cours des derniers mois, comme en témoigne la décision prise lors du sommet européen du 1er février 2024 de lui verser une aide financière de 50 milliards d’euros. Le 21 mai 2024, le Conseil de l’Union européenne a également donné son feu vert à l’utilisation des intérêts générés par les avoirs russes afin de soutenir les capacités d’autodéfense de l’Ukraine et sa reconstruction.
Cette décision des 27 est particulièrement importante. Elle permet d’abord de doter l’Ukraine de ressources financières supplémentaires stables et prévisibles alors que l’instabilité géopolitique actuelle ouvre une période d’incertitude dangereuse pour le soutien à l’effort de guerre ukrainien. L’utilisation des avoirs russes gelés est ensuite guidée par le principe de la justice et de la responsabilité internationale. Ce sont les responsables de cette guerre injustifiable qui doivent en payer les conséquences et prendre en charge la reconstruction, et non uniquement le contribuable européen. La Russie est reconnue par la communauté internationale comme le responsable de cette guerre illégale et plusieurs sanctions ont déjà été adoptées en réponse, dont l’efficacité continue à être questionnée. La mobilisation des avoirs gelés représente ainsi un élément supplémentaire de dissuasion en droit international avec un impact économique et financier non seulement sur le pays agresseur mais également - et de manière inédite - sur le pays agressé qui peut profiter de cette manne financière. C’est une réponse juste et proportionnée qui peut contribuer à inverser un sentiment d’impunité de la Russie ‑ comme d’autres belligérants dans le monde ‑ face au droit international.
Si nous nous félicitons de l’accord trouvé lors du Conseil de l’Union européenne du 21 mai 2024, nous insistons néanmoins sur le fait qu’il reste insuffisant pour couvrir les besoins des Ukrainiens. Selon la Commission européenne, le bénéfice annuel généré par ces avoirs pourrait se situer entre deux milliards et demi et trois milliards d’euros. En parallèle au 31 décembre 2023, les besoins de relance et de réparation de l’État ukrainien ont été évalués à environ 486 milliards de dollars.
Il est désormais urgent de décider, non pas uniquement de la mobilisation des revenus générés par les avoirs russes gelés, mais bien de la mobilisation du capital dont il est estimé que près de 200 milliards d’actifs russes gelés le sont au sein de l’Union européenne.
C’est pourquoi la présente résolution appelle le Gouvernement à agir auprès de ses partenaires et des institutions européennes afin que le capital des actifs gelés russes dans l’Union européenne puisse être également mobilisé afin de soutenir, à la hauteur des besoins réels, l’effort de guerre de l’Ukraine face à l’agresseur russe ainsi que sa reconstruction.
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proposition de rÉsolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la décision du Conseil de l’Union européenne du 21 mai 2024,
Considérant l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine depuis le 24 février 2022 ;
Considérant les besoins multiples – financiers, militaires, humanitaires ou de toute autre nature – de l’Ukraine nécessaires pour lui permettre de faire face à cette agression ;
Considérant le coût que représente l’effort militaire mené par l’Ukraine pour assurer sa défense, son intégrité et la protection des civils ;
Considérant le coût de la reconstruction du pays pour l’État ukrainien ;
Considérant que la sécurité et l’intégrité de l’Europe sont étroitement liées à celle de l’Ukraine et que l’agression de l’Ukraine par la Russie, si elle n’est pas repoussée, constitue une menace critique pour l’Europe ;
Considérant que l’Union européenne a créé un groupe de travail « ad hoc » chargé de travailler sur l’utilisation des actifs russes gelés et immobilisés pour soutenir la reconstruction en Ukraine ;
Considérant les textes adoptés par le Conseil de l’Union le 21 mai 2024 – la décision PESC 2024/1470 et le règlement 2024/1469 – visant à mobiliser les bénéfices générés par les avoirs russes gelés et les affecter à hauteur de 90 % à la Facilité européenne pour la paix qui finance le soutien militaire de l’Union à l’Ukraine et de 10 % à la Facilité pour l’Ukraine qui met en œuvre l’assistance macro économique à ce pays ;
Considérant que la mise à contribution des avoirs russes répond à un principe de justice en vertu duquel l’agresseur russe doit être tenu pour responsable et comptable des conséquences de la guerre qu’il mène ;
Considérant que l’accord trouvé lors du Conseil européen du 21 mai 2024 ne concerne que l’utilisation des recettes exceptionnelles générées par les avoirs russes immobilisés et non le capital lui même,
Considérant que l’Union européenne est davantage menacée par une victoire de la Russie en Ukraine que par d’éventuels représailles économiques de ce pays, ou d’autres régimes autoritaires, en cas d’une décision de saisir le capital des avoirs russes gelées en Europe,
Considérant qu’une telle mise à contribution est un élément supplémentaire de dissuasion et peut offrir un précédent fondateur en matière de respect du droit international ;
Rappelle sa condamnation, avec la plus grande fermeté, de l’attaque brutale, injustifiée et illégale lancée par la Fédération de Russie à l’encontre du peuple ukrainien le 24 février 2022 et du crime d’agression dont elle s’est rendue coupable vis à vis de l’Ukraine, en violation de la Charte des Nations unies et de toutes les dispositions du droit international ;
Réaffirme son soutien indéfectible à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que son droit légitime à se défendre contre la guerre d’agression déclenchée par la Russie ;
Se félicite des textes adoptés par le Conseil de l’Union le 21 mai 2024 afin de mobiliser les bénéfices générés par les avoirs russes gelés dans l’Union ;
Invite le Gouvernement à agir auprès de ses partenaires et des institutions européennes afin que le capital des actifs gelés russes dans l’Union européenne puisse être également mobilisé afin de soutenir, à la hauteur des besoins réels, l’effort de guerre de l’Ukraine face à l’agresseur russe ainsi que sa reconstruction.