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N° 1050

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mars 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements  obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Davy RIMANE, M. Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Jean-Victor CASTOR, M. André CHASSAIGNE, Mme Elsa FAUCILLON, Mme Émeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Emmanuel MAUREL, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Nicolas SANSU, M. Emmanuel TJIBAOU, M. Pouria AMIRSHAHI, M. Christian BAPTISTE, M. Elie CALIFER, Mme Océane GODARD, M. Steevy GUSTAVE, M. Laurent LHARDIT, M. Max MATHIASIN, M. Damien MAUDET, Mme Estelle MERCIER, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, Mme Eva SAS, Mme Dominique VOYNET,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 21 février 2017, dans le prolongement de la loi de modernisation de la justice du 21e siècle, l’ancien ministre de la Justice Jean‑Jacques Urvoas a signé, avec sept associations spécialisées dans le domaine de l’exclusion, une charte nationale afin de développer l’accès au droit.

Elle rappelle notamment que « l’accès au droit doit être effectif pour tous les citoyens ».

L’accès au droit est un préalable à l’exercice des droits fondamentaux, impliquant que tout justiciable puisse avoir accès à la connaissance, d’une part, de la norme juridique qui régit la vie en société, et d’autre part, aux droits subjectifs qui sont rattachés à sa personne ainsi qu’aux moyens de les faire valoir. Il est indissociable de l’accès à la justice, qui consiste en la garantie reconnue à chaque citoyenne et chaque citoyen de pouvoir saisir un juge et bénéficier de l’ensemble des garanties qui l’accompagnent.

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Pourtant, dans un avis portant sur l’accès au droit et à la justice dans les outre‑mer, publié en 2017, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) pointait les nombreux dysfonctionnements et obstacles qui empêchent les populations ultramarines d’avoir connaissance de leurs droits, freinant en conséquence leur recours à un juge.

En outre, de l’enquête réalisée par le cabinet Odoxa en 2021 pour le Conseil national des barreaux, étendue à l’outre‑mer, il ressortait que 58 % des ultramarins affirment éprouver des difficultés à faire valoir leurs droits ([1]).

L’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon déclarait par ailleurs, lors d’une audition menée le 21 novembre 2019 par la Délégation sénatoriale aux outre‑mer : « On a le sentiment qu’à beaucoup d’égard, les habitants des départements et territoires d’outremer n’ont pas le même accès aux droits, ils ont un accès aux droits inférieurs à ce qui existe en métropole ».

Le rapport issu des États généraux de la Justice, remis en juillet 2022, abonde dans le même sens : « L’accès au droit [dans les territoires dits d’outre‑mer] est particulièrement précaire dans un contexte de pauvreté et de fracture numérique largement supérieures à ce qui est observé sur le territoire européen de la France ».

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L’outre‑mer est ainsi, « le grand parent pauvre et oublié qui concentre une somme d’injustices inversement proportionnelles à la beauté des paysages cartes postales souvent présentées » ([2]). Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer aux indicateurs hors normes qui placent ces territoires en dehors des standards nationaux et témoignent des écarts persistants qui demeurent entre les dits outre‑mer et la France hexagonale, en matière, notamment :

De niveau de vie : selon les chiffres publiés par l’Insee en mai 2022, la moyenne nationale du produit intérieur brut par habitant est de 34 500 euros en 2020 alors qu’il se situe autour de 9 700 euros à Mayotte, 15 100 en Guyane, 22 200 euros à la Réunion, 23 200 euros en Guadeloupe et 24 700 euros en Martinique ;

De grande pauvreté : les données de l’Insee pour l’année 2018 indiquent que la grande pauvreté touche cinq à dix fois plus les départements d’outre‑mer que l’hexagone. Elle frappe plus de 10 % de la population guadeloupéenne, martiniquaise et réunionnaise et près de 30 % des Guyanais, contre 2 % des habitants de l’hexagone. Selon l’institut, trois quarts de la population mahoraise vivrait dans la grande pauvreté.

De chômage : toujours selon les chiffres publiés par l’Insee, cette fois‑ci en 2019, le taux de chômage dépasse les 24 % à la Réunion en 2018 et atteint même 38 % à Mayotte, le département le plus touché, contre 9 % dans l’hexagone ;

D’illettrisme qui frappe une grande partie des ultramarins et les empêchent d’avoir une compréhension de l’environnement normatif et d’accéder à des droits les plus élémentaires faute de pouvoir comprendre la langue française.

L’accès au droit est pourtant un élément clé de l’État de droit, dont l’une des garanties fondamentales est d’offrir à l’ensemble de sa population un accès égal à toutes les prestations de justice qui caractérisent une société démocratique. L’intervention moindre, inadaptée, voire inexistante d’acteurs ou de structures aptes à fournir les informations utiles au justiciable entraîne nécessairement la mauvaise connaissance, voire l’ignorance du droit et la faible saisine de la justice étatique.

Il paraît pertinent de rappeler dans un premier temps la diversité des statuts juridiques régissant les dits outre‑mer, ces territoires où « l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité » reste bien souvent figé au stade de concept abstrait. Treize territoires sont ainsi répartis en quatre catégories juridiques :

– La Guyane, Mayotte, la Guadeloupe, la Martinique, et la Réunion sont des départements et régions d’outre‑mer (DROM), placés sous le régime de l’identité législative prévu par l’article 73 de la Constitution, qui indique que les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais peuvent faire l’objet d’adaptations compte tenu des « caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités », ce qui implique des dispositions dérogatoires ponctuelles.

– Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin, Wallis et Futuna, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et la Polynésie française sont des collectivités d’outre‑mer (COM), régies par l’article 74 de la Constitution qui met en place un principe de spécialité législative, les lois et règlements n’étant applicables que sur mention expresse, mises à part les lois dites de souveraineté.

– La Nouvelle‑Calédonie est une collectivité sui generis, qui dispose d’un statut particulier relevant du titre XIII de la Constitution.

– Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et de l’île de Clipperton, deux territoires inoccupés, sont régis par un régime législatif particulier. Ils seront, de facto, exclus du champ d’étude de la commission d’enquête.

Malgré des catégories juridiques communes, chaque territoire bénéficie d’un statut qui lui est propre, ce qui implique nécessairement une politique d’accès au droit et à la justice élaborée en cohérence avec les singularités rattachées à chacun d’eux.

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I - La mise en œuvre effective d’un accès à la justice pour tous en outremer : quelle est la place accordée aux singularités linguistiques, culturelles et géographiques ?

Lors des débats relatifs au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023 – 2027, qui se sont déroulés en juin 2023, l’adoption de plusieurs amendements relatifs aux territoires ultramarins, portés par la députée de Polynésie Française Mereana Reid Arbelot, corroborait les écueils auxquels ces territoires font face en matière de justice.

À l’occasion de cette loi de programmation, par le biais de l’adoption desdits amendements, le Gouvernement s’est ainsi engagé, notamment :

– À ce que soit menée une réflexion sur l’offre d’études juridiques, sur l’organisation des concours d’accès aux professions juridiques et sur la préparation à ces concours par les candidats résidant en outre‑mer ;

– À promouvoir et systématiser les initiatives innovantes au service d’une amélioration de l’accès au droit et à la justice en outre‑mer (audiences foraines, chambres détachées, pirogues administratives, Justibus et Randonnées du droit) ;

– À instaurer une formation juridique minimale pour les citoyens défenseurs et pour les assesseurs exerçant dans certains territoires d’outre‑mer ;

– À améliorer l’information des justiciables, notamment par la traduction des divers supports de communication dans les langues régionales des collectivités d’outre‑mer.

Il est nécessaire de s’assurer que ces engagements, s’ils sont un point de départ, soient suivis d’effets.

Au regard des éléments qui précèdent, cette commission d’enquête s’appuiera, dans le cadre de sa réflexion, sur le constat selon lequel nul ne demande à pouvoir exercer un droit dont il n’a pas connaissance. Dans les territoires dits d’outre‑mer, les difficultés à accéder à la connaissance du droit et de l’institution judiciaire sont multiples et entraînent mécaniquement, ainsi que cela a été mentionné précédemment, un recours au juge plus rare que dans l’hexagone.

Cette commission d’enquête aura pour but de mettre en lumière les freins structurels à l’appropriation effective par les justiciables ultramarins de leurs droits, par le biais de trois angles spécifiques :

L’angle de l’articulation entre règles coutumières et règles de droit commun

L’article 75 de la Constitution prévoit que « les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun (…) conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé » et institue ainsi un droit à l’identité des populations ultramarines.

Pourtant, l’importation, parfois abrupte, de la norme juridique française, est venue interrompre l’application d’une justice parfois fondée sur des règles coutumières. Si tous les territoires d’outre‑mer ne sont pas concernés par le phénomène normatif coutumier, il a pu être démontré que le manque d’acculturation à l’articulation entre coutume et normes républicaines entraîne incompréhension, défiance et non‑recours fréquent de la part des justiciables.

Il reviendra à la commission d’enquête de déterminer l’ancrage de la coutume dans le règlement des conflits et dans quelle mesure la sécurisation de sa juridicité bénéficierait aux populations locales dans la cadre de la reconnaissance et de la défense de leurs droits.

L’angle de la tradition orale et du multilinguisme

En octobre 2021, les États généraux du multilinguisme dans les outre‑mer, organisés à l’île de La Réunion, reconnaissaient comme prioritaire la nécessité d’augmenter les efforts de l’État et des collectivités pour répondre aux besoins en traduction et en médiation dans les services publics. Dans le prolongement de l’angle précédent, il reviendra à la commission d’enquête de se pencher sur la réelle prise en compte des publics allophones de nationalité française dans le processus judiciaire.

L’angle de l’éloignement géographique du juge

Du fait d’une organisation judiciaire inégalement répartie sur les territoires, des audiences foraines ont été instituées pour lutter contre l’éloignement géographique du juge mais elles restent difficiles à organiser, notamment parce qu’elles impliquent des coûts de déplacement et d’hébergement des magistrats qui ne sont pris en charge que partiellement. La commission d’enquête sera notamment chargée de mettre au jour les principaux écueils affectant l’effectivité de ces audiences et les besoins réels des juridictions en la matière.

II - Le fonctionnement intrinsèquement défaillant de la justice outremer : établir un état des lieux transversal des moyens matériels, humains et financiers de l’organisation judiciaire.

Afin de s’assurer d’une prise en compte accru des contextes locaux, la commission d’enquête abordera le fonctionnement de la justice dans les outre‑mer sous les angles suivants :

L’angle de la dématérialisation croissante

L’article L.562‑6‑1 du code de l’organisation judiciaire est l’illustration idoine de l’installation progressive d’une justice fiction caractérisée par un recours excessif à la visioconférence. Cet article permet en effet de compléter les formations de jugement en Nouvelle‑Calédonie par la participation dématérialisée de magistrats en visioconférence.

Pourtant, dans un rapport faisant état d’un déplacement à Mayotte en juin 2023, le Conseil national des barreaux relate de nombreux dysfonctionnements (conditions techniques défaillante, panne d’électricité, accès à internet partiellement assuré) et atteintes aux droits que le recours à la vidéo‑audience peut générer. En l’occurrence, étaient visées les vidéo‑audiences en matière de droit d’asile mais les conclusions des rapporteurs n’en éclairent pas moins l’absolue nécessité de faire du recours à la visioconférence l’exception et non la règle.

La dynamique de dématérialisation croissante qui est à l’œuvre, notamment dans le domaine de la justice, porte en elle le risque d’affecter le mode de production de la vérité judiciaire et de contribuer à instaurer un contradictoire au rabais.

L’angle de l’attractivité des juridictions ultramarines

Face aux difficultés rencontrées par le ministère de la Justice dans les affectations des magistrats et fonctionnaires au sein des juridictions ultramarines, la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 prévoit une expérimentation de brigades de soutien à Cayenne et à Mamoudzou visant à renforcer ces juridictions pour une durée de six mois. Le ministère de la justice « se donne pour objectif d’assurer un renfort ponctuel permettant aux juridictions de surmonter des difficultés dans l’attente d’une réponse plus pérenne ».

Il reviendra à la commission d’enquête d’identifier l’impact réel de cette expérimentation et ses éventuels écueils.

Outre cet aspect lié à l’attractivité, l’insuffisante acculturation du personnel judiciaire issu de l’hexagone aux dimensions culturelles et aux particularités sociales des territoires ultramarins dans lesquels il exerce nuit nécessairement au fonctionnement de qualité de la justice ultramarine.

S’agissant du statut coutumier précédemment évoqué, les justiciables régis par celui‑ci relèvent des juridictions civiles de droit commun, ce qui requiert des magistrats des connaissances complémentaires par rapport à leurs collègues. La connaissance des cultures locales peut s’avérer cruciale pour gérer les contentieux, notamment en matière familiale ou pénale. Dans son avis sur l’accès au droit et à la justice dans les outre‑mer, la CNCDH soulignait l’absence de préparation au concours de l’ENM et d’implantation d’institut des études judiciaires dans les territoires ultramarins.

Cette commission d’enquête se penchera sur l’impact de l’absence de formation adaptée des personnels judiciaires sur la continuité du service public, sur le bon fonctionnement des juridictions et sur la confiance du justiciable en l’institution judiciaire. Elle aura notamment à étudier la déclinaison dans ces territoires des obligations des magistrats en matière de mobilité.

L’angle des frais de déplacements des avocats

En vertu de l’article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux, relatif au droit à un recours effectif et à celui d’accéder à un tribunal impartial, « une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice ». De même, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme fait mention pour tout justiciable accusé d’une infraction de « pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office » s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur.

L’aide juridictionnelle doit donc permettre aux personnes les plus démunies de pouvoir bénéficier de l’assistance gratuite d’un avocat lorsqu’elles saisissent le juge pour faire valoir leurs droits. Du fait des réalités géographiques des territoires ultramarins, il est rappelé de longue date que les avocats sont exposés à des frais qui ne sauraient être comparés à ceux des avocats exerçant dans l’hexagone.

Lors du débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur l’état de la justice dans les outre‑mer au Sénat le 13 avril 2023, M. Jean‑François Carenco, alors ministre chargé des outre‑mer, indiquait que le Garde des Sceaux était « prêt à étudier certaines évolutions en la matière » mais que le développement de la « vidéointervention » de l’avocat entre son lieu d’exercice et le lieu de la juridiction était un levier envisagé au même titre que l’augmentation de l’indemnisation des frais de déplacement.

Des conditions matérielles dégradées pouvant porter atteinte à l’effectivité de la défense, au principe contradictoire et à l’équité, il reviendra à la commission d’enquête d’établir si la mise en place d’un tel dispositif ne ferait pas obstacle au respect des garanties fondamentales inhérentes au droit du requérant à un recours effectif, notamment au regard de la fracture numérique toujours très présente dans certains territoires dits d’outre‑mer et d’une alimentation en électricité parfois fluctuante.

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Ainsi que le soulignait Ludovic Friat, Président de l’Union Syndicale des Magistrats, dans une tribune du 26 juin 2023 : « la justice doit ressembler au pays (d’outremer) dans lequel elle est rendue » ([3]). Cette commission d’enquête aura pour but de formuler des propositions intégrant les contraintes et particularités de chacun des territoires ultramarins pour réconcilier les citoyens‑justiciables ultramarins avec la République dont l’un des principes vise à leur assurer une égalité réelle en matière d’accès au Droit et à la Justice.

L’angle de la confiance dans la justice

Selon une célèbre maxime tirée d’une décision rendue par la Chambre des Lords en 1924 : « La justice ne doit pas seulement être rendue, mais il doit être visible qu’elle est rendue ». Force est constater qu’il prévaut auprès des justiciables ultramarins, au mieux, le sentiment d’une justice mal rendue, au pire celui d’un déni de justice.

Cette défiance envers la justice est à la fois multifactorielle et particulièrement alarmante car : « La crise de confiance est déjà majeure dans l’hexagone, elle est totalement désastreuse en outremer » ([4]).

Ainsi, la présence précédemment évoquée, en outre‑mer, de personnels judiciaires dépourvus d’une connaissance du contexte et des spécificités culturelles des territoires dans lesquels ils sont affectés, y contribue fortement. Les plus critiques de cette situation y voient une justice coloniale, ayant pour vocation d’être rendue au détriment des ultramarins. Cette conviction se trouve confortée, lorsqu’à l’occasion d’une affaire donnée, un justiciable éprouve le sentiment d’un parti pris pour son adversaire, en raison de son origine hexagonale ou de son rang social.

Plus encore, force est de constater qu’il existe en outre‑mer des délais d’audiencement particulièrement longs, pouvant retirer tout sens à une décision de justice lorsqu’elle intervient au terme de plusieurs années, ce qui a pour effet de décourager de se tourner vers les juridictions. Dans ce contexte de sentiment d’inefficacité de la justice et de défiance à son égard, la tentation de recourir à un règlement des litiges en dehors des circuits judiciaires, y compris en matière pénale, est de plus en plus fréquente.

Enfin, l’affaire de l’empoisonnement au chlordécone illustre parfaitement le fossé pouvant exister entre les attentes des justiciables d’outre‑mer et l’appréciation de celles‑ci par la justice, a fortiori la défiance qui en découle.

Il importe par conséquent, de restaurer la confiance dans la justice auprès des justiciables d’outre‑mer, et d’annihiler le sentiment selon lequel elle s’exerçait au profit du » colon » et des puissants qu’il protège, au détriment des ultramarins.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée d’étudier les dysfonctionnements, par le biais des angles précités, rendant difficile l’accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins, et entretenant une crise de confiance envers les institutions judiciaires.

 

 


([1])  Baromètre des droits et de l’accès au droit en France, enquête réalisée auprès d’un échantillon de français hexagonaux et ultramarins du 12 au 28 mai 2021 réalisée par le cabinet Odoxa pour le Conseil national des barreaux.

([2])  Patrick Lingibé, Les inégalités d’accès au droit et aux droits en outre-mer : personne ne vous croira ? 21 juin 2022.

([3])  Consultable ici : https://www.actu-juridique.fr/justice/la-justice-doit-ressembler-au-pays-doutre-mer-dans-lequel-elle-est-rendue/

([4])  Patrick Lingibé, Une justice ultramarine en état de grande fragilité : que faire après le rapport Sauvé III ? 26 janvier 2023, consultable ici : https://www.actu-juridique.fr/justice/une-justice-ultramarine-en-etat-de-grande-fragilite-que-faire-apres-le-rapport-sauve-iii/