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N° 1161

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête afin d’étudier les stratégies d’influence et d’implantation des idées racistes, identitaires et néonazies dans l’enseignement supérieur et la recherche,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie MESMEUR, M. Raphaël ARNAULT, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’enseignement supérieur et la recherche (ESR), garants des principes républicains et de la liberté de pensée, sont aujourd’hui confrontés à une infiltration alarmante des discours et organisations racistes, identitaires et néonazies. Ce phénomène, en pleine expansion, constitue une menace directe pour les valeurs démocratiques, la liberté d’expression et la sécurité des campus universitaires.

Des organisations comme l’UNI et la Cocarde, sous une apparente légitimité institutionnelle, se révèlent être des vecteurs privilégiés de la diffusion d’idées d’extrême droite racistes, suprémacistes et anti‑républicaines.

Les exemples des liens tissés entre ces organisations et les mouvements racistes et identitaires abondent : à Besançon, des militants de la Cocarde ont repeint en blanc une statue de Victor Hugo, accompagnée de l’inscription raciste « White Power » ([1]). À Rennes, des militants de l’UNI se sont pris en photo avec l’Oriflamme, un groupe royaliste et néofasciste. Un ex‑candidat à des élections universitaires pour l’Uni, y a d’ailleurs été photographié en train de faire le « kühnen », variante du salut nazi ([2]). En Vendée, des membres de l’UNI ont soutenu le collectif Touche pas à ma statue, lors de manifestations contre la laïcité aux Sables‑d’Olonne et à l’île de Ré ([3]). A Strasbourg, des montages antisémites ont fuité de conversations privées des dirigeants de la section locale de l’UNI ([4]). Ces exactions, signalées par les députés Nouveau Front Populaire du territoire, révèlent les affinités idéologiques entre l’UNI et l’extrême droite, bien que le président du syndicat ait été suspendu de ses fonctions par sa direction.

Cette connivence entre ces organisations étudiantes et des groupes d’extrême droite dont certains ont déjà été dissous par le ministère de l’intérieur est particulièrement inquiétante. Il en résulte une stratégie et des comportements clairement identifiés mais encore insuffisamment combattus, qui visent à propager une idéologie haineuse et discriminatoire, s’attaquer aux valeurs de la République et à ses institutions, faire taire par la violence et l’intimidation toute remise en question de ces discours racistes et identitaires.

Les agressions physiques perpétrées par les groupes d’extrême droite à l’encontre de militants syndicaux étudiants font désormais légion. Elles se révèlent souvent en liens directs avec des groupuscules néonazis et néofascistes, qui apportent un soutien logistique et sécuritaire à ces actions.

En novembre 2021, une marche féministe contre les violences sexuelles à Paris a été attaquée par une vingtaine d’individus cagoulés et armés de barres de fer, parmi lesquels le responsable de la Cocarde Nanterre ([5]). À Lorient, en janvier 2024, un militant d’un syndicat étudiant a été menacé avec une arme blanche par un membre de Reconquête ([6]). À Bordeaux, une militante associative se plaint d’avoir été violemment agressée par des membres de la Cocarde ([7]). À Paris‑Panthéon‑Assas, un étudiant décrochant des affiches de la Cocarde a subi une agression violente en septembre 2024, causant une incapacité totale de travail de neuf jours ([8]).

Outre les violences physiques, cette offensive idéologique s’inscrit dans une logique de harcèlement et d’intimidations systématiques. En mars 2024, le président de l’UNEF Toulouse a été la cible d’un harcèlement en ligne massif qu’il estime orchestré par des militants de l’UNI et de la Cocarde, avec des insultes antisémites comme « sale youpin » ([9]). À Nantes, un responsable syndical a découvert des inscriptions racistes sur les murs du campus, telles que : « Le nèg** Ritchie, t’es cuit », accompagnées de symboles royalistes ([10]).

Cette stratégie délibérée pour imposer la présence et les idées d’extrême droite dans l’espace universitaire s’illustre également par la multiplication de graffitis sur de nombreux campus à travers le pays : Rouen, Clermont‑Ferrand, Caen, Brest, Nantes, Aix‑en‑Provence, Rennes, Tours, Chambéry, Saint‑Étienne… Rares sont les universités en France qui semblent y échapper. Ces inscriptions, ouvertement contraires aux valeurs républicaines, arborent des slogans tels que « La France aux Français », « PD = Pédophile », « France Blanche », « HP pour les PD », « Européens, rejoins les tiens », des croix gammées ou encore des affiches glorifiant Pétain.

Cette volonté d’implantation au sein de l’Enseignement supérieur et de la Recherche s’appuie sur des moyens syndicaux et des positions d’élus étudiants pour occuper l’espace institutionnel à des fins détournées : obtention de locaux, représentation dans les conseils étudiants et organisation de conférences apparemment neutres qui dissimulent des intentions idéologiques racistes, identitaires et violentes.

C’est ainsi que la Cocarde a pu déposer des listes aux élections des représentants étudiants au sein des Conseil d’Administration des CROUS en début d’année 2024.

À Nantes, le 20 mars 2024 est organisée une conférence de l’UNI « sur l’OAS et l’Algérie française avec deux vétérans de la guerre qui étaient présents sur le campus » ([11]).

Ce phénomène semble se développer dans un climat de tolérance passive et d’inaction de la part de certaines administrations universitaires et du gouvernement. La rareté des réponses disciplinaires et de mesures préventives favorise ainsi une banalisation des comportements racistes, homophobes, identitaires et violents, instaurant de facto une forme d’impunité. À titre d’exemple, l’université Paris I a permis à la Cocarde, organisation non représentative, d’envoyer un courriel à l’ensemble des étudiants pour dénoncer « la tyrannie de la bienpensance » et appeler à combattre « le wokisme, l’islamogauchisme et l’indigénisme » ([12]). De même, les plaintes récurrentes de l’UNEF Clermont, concernant des agressions de ses militants ou des dégradations de ses locaux, restent sans suite ([13]). Enfin, en septembre 2024, le ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque a choisi, dans une démarche perçue comme complice, de participer à son premier déplacement officiel au séminaire de l’UNI, confirmant une tolérance inquiétante à l’égard de ces dérives ([14]).

Une telle attitude des autorités ne peut qu’encourager la propagation de ces idées extrémistes, menaçant par-là les principes fondamentaux de notre République.

Face à cette situation, il est essentiel de comprendre en profondeur les mécanismes et les causes de cette infiltration pour préserver les valeurs fondamentales de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une commission d’enquête parlementaire est nécessaire pour analyser les stratégies d’implantation idéologique d’idées proches de l’extrême‑droite dans l’ESR, évaluer les violences et menaces associées, éclairer les liens avec les groupuscules extrémistes et identifier les responsabilités des autorités publiques et universitaires dans la passivité observée face à ces dérives. La commission sera également chargée de formuler des recommandations concrètes pour renforcer les outils de vigilance et de contrôle, permettant de restaurer un environnement universitaire protégé de toute influence contraire aux principes de la République.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée :

1° d’analyser la stratégie d’infiltration des organisations identitaires, racistes ou néonazies dans l’enseignement supérieur et la recherche : étudier la façon dont des syndicats comme l’Union nationale inter‑universitaire et la Cocarde exploitent les structures syndicales et les instances représentatives pour diffuser leur idéologie et examiner les conséquences de leurs activités sur les campus ;

2° d’évaluer les actes de violence et d’intimidation pour dresser un bilan des violences physiques, des menaces et du harcèlement en ligne rapportés par les organisations syndicales étudiantes et enseignantes, et déterminer si ces actions relèvent d’une stratégie coordonnée ou systémique ;

3° d’éclairer les liens entre organisations étudiantes et groupuscules identitaires et analyser les relations entre l’Union nationale inter‑universitaire, la Cocarde, le Groupe union défense et d’autres groupuscules identitaires, néonazis ou néofascistes. La commission enquête sur la récurrence des associations entre ces organisations et la convergence de leurs actions ;

4° d’identifier les causes de l’absence de réponse des autorités universitaires et étatiques afin de comprendre pourquoi les autorités universitaires, les recteurs, et les pouvoirs publics peinent à intervenir face à la prolifération de cette idéologie dans les universités. L’inertie de ces autorités alimente l’installation de pratiques discriminatoires, et cette situation justifie un examen approfondi ;

5° de formuler des recommandations pour renforcer la lutte contre l’idéologie raciste, identitaire ou néonazie dans l’enseignement supérieur et la recherche et proposer des mesures de vigilances. Une législation plus contraignante pourrait être envisagée afin de limiter la présence et les actions des groupes violents d’extrême droite dans les campus.

 

 


([1]) https://www.20minutes.fr/societe/4074607-20240206-quoi-cocarde-etudiante-syndicat-extreme-droite-plus-plus-present-universites-francaises?utm_source=chatgpt.com

([2]) https://www.letelegramme.fr/ille-et-vilaine/rennes-35000/en-pleine-ascension-ce-syndicat-etudiant-rennais-a-brutalement-arrete-ses-activites-6722867.php

([3]) Coup d’éclat ou coup de poing : l’extrême droite étudiante gagne les campus | Mediapart

([4])  Derrière les mèmes antisémites, la radicalisation de l'UNI Strasbourg

([5]) L'extrême droite s'attaque à coup de ceinture à la manif #NousToutes - L'insoumission

([6]) À Lorient, l’extrême droite intimide arme à la main un syndicat étudiant | Mediapart

([7]) Enquête. "Nous couvrons plus de la moitié du territoire français" : la Cocarde étudiante, syndicat d'extrême droite en pleine croissance

([8]) À Assas, l’extrême droite tabasse un syndicaliste étudiant | StreetPress

([9]) Raphaël Montazaud, debout face à l’extrême droite toulousaine - L'Humanité

([10]) Coup d’éclat ou coup de poing : l’extrême droite étudiante gagne les campus | Mediapart

([11]) Coup d’éclat ou coup de poing : l’extrême droite étudiante gagne les campus | Mediapart

([12]) Coup d’éclat ou coup de poing : l’extrême droite étudiante gagne les campus | Mediapart

([13]) Depuis la candidature Zemmour, la violence d’extrême droite se déchaîne sur les universités

([14]) La conférence de Patrick Hetzel face à l’UNI, syndicat d’extrême droite, passe mal