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N° 1568
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
visant à garantir l’attribution post 2030 de la bande de fréquences inférieure à 700 mégahertz à la télévision numérique terrestre,
(Renvoyée à la commission des affaires européennes)
présentée par
M. Aurélien SAINTOUL, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Le spectre est un bien public. » C’est par ces mots que l’Union européenne définit la bande de fréquences 470‑690 mégahertz utilisée pour la télévision numérique terrestre (TNT) dans sa décision (UE) 2017/899 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 ([1]).
La ressource hertzienne est précieuse et se partage difficilement. Son attribution relève donc d’un choix politique de prioriser un usage par rapport à un autre, même si les progrès techniques ont permis d’héberger des usages multiples sur des bandes de fréquences de plus en plus restreintes. En effet, en 2014, le Gouvernement décide de généraliser la norme de compression MPEG‑4 sur la TNT : plus économe en ressource hertzienne que le format MPEG‑2, elle permet d’améliorer la qualité offerte aux téléspectateurs tout en optimisant l’utilisation de la bande hertzienne face aux besoins croissants du très haut débit mobile.
Des réaffectations de certaines bandes de fréquences initialement destinées aux chaînes de la TNT vers un usage mobile ont eu lieu, à plusieurs reprises, depuis la création de la TNT en 2005.
A ce jour, l’usage de la bande de fréquences inférieure à 700 mégahertz n’est garanti pour la TNT que jusqu’en 2030. L’avenir de la TNT après 2030 est donc incertain. Les usages liés à la téléphonie mobile sont en augmentation constante et nécessitent plus de fréquences, au détriment de la TNT.
La réaffectation éventuelle après 2030 des fréquences actuellement dévolues à la TNT risque de mettre en cause leur ampleur, notamment au sein de la bande des 600 mégahertz, et ainsi la diversité des chaînes gratuites qu’elle est en mesure de proposer, au profit d’une affectation à des usages beaucoup plus énergivores.
L’attribution se décide au niveau national, en coopération avec l’Union européenne et l’Union internationale des télécommunications (UIT). À ce jour, le principe de la disponibilité de la bande de fréquences 470‑694 mégahertz au moins jusqu’en 2030 pour la TNT est consacré à tous les niveaux.
Cette garantie de ressources permet de sanctuariser l’existence de la TNT qui présente de nombreux avantages sur les autres moyens de diffusion de la télévision.
Elle est tout d’abord, moins énergivore que les autres moyens de diffusion. Ainsi, selon une étude menée en 2021 par l’association européenne des opérateurs de diffusion hertzienne ([2]), une heure de visionnage de la TNT représente en France une consommation d’énergie de 8 watts‑heure contre 76 watts‑heure pour une lecture en streaming hors offre du fournisseur d’accès (dite over the top ou OTT), et 111 Wh pour une heure de télévision via internet (IPTV). En rapportant ces chiffres aux usages (TNT, OTT et IPTV), il a été calculé que la TNT permet d’assurer 39 % du temps total de visionnage de la télévision avec 5 % seulement de la consommation électrique associée aux équipements dédiés au visionnage. Ce mode de diffusion est donc très nettement le plus économe en énergie.
La TNT est également le mode de diffusion le plus respectueux de la vie privée des utilisateurs. Elle garantit une réception anonyme et confidentielle, indépendante de tout accès à Internet via un accès non traçable. L’anonymat est plus compliqué à garantir dans le cas des modèles de distribution à large bande basés sur l’adresse IP.
C’est un mode de diffusion plus résilient en case de crises, de catastrophes naturelles ou de cyberattaques. En effet, il s’agit d’un mode de réception souverain, implanté de bout en bout sur le territoire national, qui contribue à prévenir les menaces d’ingérences étrangères dans le contexte géopolitique actuel.
Il s’agit par ailleurs, d’un modèle moins couteux pour l’utilisateur final car les entreprises de diffusion supportent le coût d’entretien des infrastructures et les éditeurs celui de leur diffusion. Par sa gratuité, elle participe à la cohésion sociale, notamment au profit des foyers n’étant pas en mesure de souscrire à des abonnements au service de télévision et de plateformes via Internet.
La TNT assure une large couverture de la population (97 % de la population métropolitaine), et contribue par là à l’égalité entre les territoires. C’est particulièrement vrai concernant les zones rurales et montagneuses. Là où la réception TNT n’est pas assurée, une offre gratuite par satellite Fransat permet aux habitants d’accéder aux mêmes chaînes.
Enfin, la TNT reste le mode d’accès majoritaire à la télévision en France. En effet, selon une enquête TDF (Télédiffusion de France) menée en 2023 et publiée en janvier 2024, 62 % des Français ont un accès à la TNT pour regarder la télévision. L’enquête révèle par ailleurs que 57 % des Français jugent important de recevoir la TNT chez eux et, parmi tous ceux qui ont un accès opérationnel, 68 % trouveraient gênant d’en être privés.
Longtemps dominante, il est vrai qu’en 2017 la réception terrestre numérique a été dépassée par la télévision par internet (IPTV – Internet Protocol Television) qui constitue aujourd’hui le premier mode de réception des foyers français, à hauteur de 63,9 %. Cette offre s’est notamment imposée grâce au succès des abonnements triple‑play proposés par les fournisseurs d’accès à internet, comprenant à la fois l’accès à Internet, la téléphonie et la télévision. Connaissant une tendance à la baisse depuis plusieurs années, la réception TNT continue néanmoins d’être utilisée par 42,4 % des foyers et demeure toujours le mode de réception exclusif de près d’un foyer sur cinq (19,8 %).
La TNT reste donc un mode d’accès indispensable à la télévision pour près de cinq millions de foyers, notamment dans certaines zones géographiques et pour certaines catégories socio‑professionnelles.
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) observe aussi que les foyers recevant la télévision exclusivement par voie hertzienne sont principalement composés d’une seule personne, âgée d’au moins 50 ans, inactive ou de catégorie socioprofessionnelle moins favorisée et habitant une petite agglomération[3]. De même, certaines disparités régionales existent : à titre d’exemple, plus de la moitié des foyers en Normandie (51,3 %) et en Bretagne (50,7 %) ont recours à la TNT, une proportion bien supérieure à la moyenne nationale.
La technologie hertzienne demeure donc indispensable pour garantir l’accès de tous à l’information, à la culture et au divertissement, et en particulier de ceux qui en sont les plus éloignés. Il importe donc de faire en sorte que les fabricants de télévisions continuent d’assurer la réception terrestre numérique et ne basculent pas exclusivement sur des modèles de télévisions IPTV car cela rendrait de facto la question de l’attribution de la bande de fréquences à la TNT superfétatoire.
Dans son opinion du 25 octobre 2023 sur une stratégie sur l’utilisation future sur la bande de fréquences 470‑790 mégahertz après 2030 dans l’Union européenne, le groupe pour la politique en matière de spectre radioélectrique (RSPG) qui dépend de la Commission européenne reconnait la place prépondérante de la TNT en France. Le groupe déclare : « Dans d’autres États membres, l’utilisation de la TNT gratuite reste encore très importante et, dans un grand nombre d’États membres de l’Union européenne, aucune réduction des besoins en spectre pour la TNT n’est envisagée à court terme […] » et cite la France comme exemple représentatif de ces pays.
Pour toutes ces raisons, il est essentiel de continuer à garantir l’offre TNT en France. La TNT est une technologie précieuse dont il convient de garantir les perspectives d’avenir après 2030 et une prévisibilité réglementaire à long terme à même de garantir les investissements réalisés en la matière.
L’année 2025 sera une année charnière concernant le devenir de la bande 470‑694 mégahertz.
En effet, deux rapports sont attendus.
Au niveau national, la loi n° 2015‑1267 du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif aux perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France.
Au niveau européen, la Commission européenne produira également un rapport sur la stratégie politique à mettre en œuvre concernant cette bande ; dans la perspective des Conférence mondiale de radiocommunications (CMR) de 2027 et 2031.
À ce jour il n’existe pas de perspective de position commune d’une utilisation sanctuarisée pour la TNT de la bande de fréquences inférieures à 700 mégahertz. Dans son avis de 2023, le RSPG (Radio Spectrum Policy Group) « reconnaît la possibilité que, pour l’utilisation de la bande 470‑649 mégahertz, un scénario unique ne soit pas applicable à tous les États membres » et que donc « la conclusion du sous‑groupe du RSPG est qu’un chemin commun pour tous les États membres semble difficile, même après 2030, en raison des besoins nationaux variés en matière de spectre et des problèmes transfrontaliers. »
Il est donc essentiel, durant les négociations qui vont s’engager au niveau international à l’Union internationale des télécommunications (UIT) comme au niveau européen, que la France défende le principe d’un maintien des fréquences destinées à un usage télévisuel.
La présente résolution appelle donc la Commission européenne à défendre le principe de l’attribution post 2030 de la bande de fréquences inférieure à 700 mégahertz à la TNT.
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proposition de rÉsolution europÉenne
Article unique
L’Assemblée nationale,
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 114,
Vu la décision (UE) 2017/899 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 sur l’utilisation de la bande de fréquences 470‑790 MHz dans l’Union,
Vu l’avis du groupe pour la politique en matière de spectre radioélectrique sur une stratégie sur l’utilisation future sur la bande de fréquences 470‑790 MHz après 2030 dans l’Union européenne,
Vu le rapport Lamy sur l’utilisation future de la bande ultra haute fréquence transmis à la Commission européenne en aout 2014,
Vu l’article 21 de la loi n° 2015‑1267 du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre,
Considérant que l’article 4 du la décision (UE) 2017/899 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 énonce que « Les États membres veillent à la disponibilité de la bande de fréquences 470‑694 MHz , ci‑après dénommée « bande de fréquences inférieure à 700 MHz », au moins jusqu’en 2030 pour la fourniture de services de radiodiffusion par voie terrestre, y compris de la télévision gratuite, et pour l’utilisation par des PMSE audio sans fil, en fonction des besoins nationaux, tout en respectant le principe de neutralité technologique. » ;
Considérant que l’article 21 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise également que : « la bande de fréquences radioélectriques 470‑694 mégahertz reste affectée, au moins jusqu’au 31 décembre 2030 […] pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre » ;
Considérant que dans son rapport à la Commission, Pascal Lamy, président du groupe de haut niveau sur l’utilisation future de la bande UHF (470‑790 MHz), a recommandé que la bande de fréquences 700 MHz soit mise à disposition jusqu’en 2030 pour la télévision numérique terrestre et que la situation soit réexaminée d’ici à 2025 dans la perspective de la Conférence mondiale des radiocommunications de 2027 et 2031 organisée par l’l’Union internationale des télécommunications ;
Considérant que dans son opinion du 25 octobre 2023 sur une stratégie sur l’utilisation future sur la bande de fréquences 470‑790 MHz après 2030 dans l’Union européenne, le groupe pour la politique en matière de spectre radioélectrique « reconnaît la possibilité que, pour l’utilisation de la bande 470‑649 MHz, un scénario unique ne soit pas applicable à tous les États membres » ;
Considérant que lors de son audition, le Président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en 2024, Roch‑Olivier Maistre, avait rappelé la volonté française de continuer à porter, lors des conférences mondiales de radiocommunications, une position ferme en faveur de « la préservation d’une bande de fréquences dédiée à la télévision numérique terrestre » ;
Appelle la Commission européenne à prendre acte des conclusions du groupe pour la politique en matière de spectre radioélectrique et à reconnaitre la place prépondérante de la télévision numérique terrestre en France dans le rapport qu’elle doit rendre en 2025 sur le futur de la bande de fréquences inférieure à 700 MHz ;
Appelle la Commission européenne à défendre l’attribution de la bande de fréquences inférieure à 700 MHz à la télévision numérique terrestre après 2030 lors des Conférence mondiale des radiocommunications de 2027 et 2031 organisée par l’Union internationale des télécommunications ;
Appelle le Gouvernement français à porter une position claire en faveur du maintien de la télévision numérique terrestre dans la bande de fréquences inférieure à 700 MHz au sein du Conseil de l’Union européenne.
([2]) The low carbon TV delivery project, quantitative study of the GHG emissions of delivering TV content, étude réalisée par le cabinet Carnstone, septembre 2021.
([3]) Arcom, Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine, réalisé par
Médiamétrie, 27 juillet 2023.