N° 1582
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à rétablir l’égalité de traitement entre les enseignants titulaires à la suite de la publication du décret n°2023-729 modifiant les conditions de classement du personnel enseignant, d’éducation et psychologue de l’éducation nationale relevant du ministre de l’éducation nationale,
présentée par
Mme Christelle PETEX, M. Ian BOUCARD,
députée et député.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le décret n° 2023‑729 du 7 août 2023, modifiant les modalités de classement à l’entrée dans les corps enseignants, éducatifs et psychologues de l’Éducation nationale, a instauré un nouveau dispositif de reprise d’ancienneté des services antérieurs. Celui‑ci s’inscrit dans une logique d’amélioration de l’attractivité des métiers de l’enseignement et de meilleure reconnaissance des expériences professionnelles acquises avant l’entrée dans le service public.
Toutefois, si les finalités de cette réforme peuvent être saluées, sa mise en œuvre a introduit une inégalité manifeste de traitement entre agents relevant d’un même corps. En effet, seuls les enseignants titularisés à compter de la rentrée de septembre 2023 peuvent bénéficier des nouvelles règles de classement, plus avantageuses. Les agents déjà titularisés antérieurement, bien qu’exerçant les mêmes missions, appartenant aux mêmes corps, et souvent titulaires des mêmes concours, en sont exclus de façon automatique, sans examen individualisé, ni compensation a posteriori.
Cette rupture d’égalité a des conséquences lourdes et durables, notamment, une perte de traitement liée à un reclassement moins favorable, une progression de carrière plus lente, une diminution des droits à pension, et, plus largement, un sentiment d’injustice au sein même de la communauté éducative.
Par ailleurs, le Gouvernement a refusé d’étendre ces mesures aux enseignants titularisés antérieurement, en invoquant le principe de non‑rétroactivité des actes administratifs. Cette justification, si elle repose sur un principe reconnu du droit administratif, ne saurait suffire à légitimer une différence de traitement durable entre agents placés dans une situation comparable au regard de leurs missions, de leur statut et de leurs obligations de service.
Il convient de rappeler que le Conseil d’État estime que le principe d’égalité de traitement des agents publics s’applique pleinement au sein d’un même corps (CE, 06 novembre 2019, n° 424391). Le législateur ou le pouvoir réglementaire ne peuvent y déroger qu’en présence de situations objectivement différentes ou d’un motif d’intérêt général suffisant.
Or, dans le cas présent, le seul motif avancé par le ministère, des contraintes budgétaires, ne saurait, en tant que tel, justifier une rupture d’égalité. Les principes fondamentaux du droit de la fonction publique imposent une équité de traitement entre agents accomplissant des fonctions équivalentes.
Aussi, cette situation appelle une réponse à la hauteur des attentes légitimes exprimées par les personnels concernés. Plusieurs solutions sont envisageables pour restaurer l’égalité de traitement notamment l’adoption d’un décret complémentaire permettant une reprise partielle d’ancienneté pour les agents titularisés avant 2023 ou l’ouverture d’un droit à reclassement rétroactif, dans des conditions équitables, pour les enseignants lésés.
La présente proposition de résolution vise donc à affirmer, de manière solennelle, la nécessité d’un réexamen par le Gouvernement de ce dispositif réglementaire afin que des mesures correctrices soient envisagées sans délai, dans le respect des principes constitutionnels de notre République et dans un esprit de justice sociale.
– 1 –
proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le décret n° 2023‑729 du 7 août 2023 modifiant les conditions de classement du personnel enseignant, d’éducation et psychologue de l’éducation nationale relevant du ministre de l’éducation nationale,
Vu l’article 1er de la Constitution, selon lequel « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » garantissant l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction,
Vu les articles L. 311‑1 et suivants du code général de la fonction publique affirmant les principes d’égalité, de neutralité et de traitement équitable entre agents publics,
Vu la décision du Conseil d’État du 6 novembre 2019 n° 424391 relatif à l’égalité de traitement des agents d’un même corps,
Considérant que les enseignants titularisés avant une certaine date ne peuvent bénéficier des nouvelles modalités de reprise d’ancienneté introduites pour les nouveaux entrants, alors même qu’ils exercent les mêmes fonctions, dans les mêmes conditions et avec les mêmes obligations de service ;
Considérant que cette différence de traitement porte atteinte au principe constitutionnel d’égalité et alimente un sentiment légitime d’injustice au sein du corps enseignant ;
Considérant que cette situation a des conséquences concrètes sur les carrières des agents concernés, notamment en termes de rémunération, d’évolution indiciaire, de déroulement de carrière et de droits à pension ;
Considérant que la seule justification budgétaire avancée ne constitue pas, en droit, un motif suffisant pour instaurer une différence de traitement entre agents placés dans une situation identique au regard de l’objet du texte ;
Considérant qu’il est de la responsabilité de l’État, garant de la cohésion du service public, de corriger les effets inéquitables d’une mesure réglementaire affectant durablement l’unité statutaire des corps enseignants ;
Considérant que le Gouvernement a justifié son refus d’appliquer rétroactivement les nouvelles dispositions en matière de reprise d’ancienneté aux enseignants déjà titularisés en invoquant le principe de non‑rétroactivité des actes administratifs ;
Invite le Gouvernement à engager dans les plus brefs délais une concertation en vue de la mise en place d’un dispositif correcteur, permettant de garantir une égalité de traitement effective entre tous les enseignants titulaires, indépendamment de leur date de titularisation, et ce dans le respect des principes fondamentaux de la fonction publique.