N° 1771

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 septembre 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à inscrire le flottage et le radelage du bois à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France,

 

présentée par

Mme Justine GRUET, Mme Valérie ROSSI, M. Julien GUIBERT,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le radelage, technique ancestrale de transport du bois par voie d’eau au moyen de radeaux, constitue un élément emblématique de l’histoire économique, sociale et culturelle de nombreuses régions françaises. Du Jura au Morvan, de la Durance à la Loire, des générations de radeliers, parfois appelés « flotteurs de bois », ont façonné nos paysages, nourri nos villes et transmis un savoir‑faire collectif unique.

Pratiqué depuis le Moyen Âge, le flottage en amont et le radelage en aval ont permis l’approvisionnement en bois d’œuvre et de chauffage des grands centres urbains, notamment Paris, tout en forgeant une véritable culture populaire des vallées fluviales. Ces pratiques mobilisaient des techniques exigeantes : liage du bois, navigation, maîtrise des crues, mais aussi une organisation sociale et itinérante, où chants, récits, rituels et transmission orale accompagnaient l’effort commun.

De Chamblay à Clamecy, d’Embrun à Rive‑de‑Gier, les traces sont encore visibles : quartiers des flotteurs, maisons de radeliers, musées et fêtes patrimoniales témoignent de cet héritage. Des associations locales, telles que les Radeliers de la Loue à Chamblay, Flottescale à Clamecy ou les Radeliers de la Durance, font aujourd’hui revivre cette mémoire à travers reconstitutions, actions pédagogiques et événements populaires.

Au‑delà de sa valeur historique, le radelage incarne une mémoire vivante : celle d’une France laborieuse, ingénieuse et solidaire, fondée sur la transmission de gestes ancestraux. Il offre aussi des perspectives d’avenir : attractivité touristique, valorisation culturelle et éducative, redynamisation de territoires ruraux autour d’un patrimoine durable.

À l’international, plusieurs pays européens ont déjà inscrit ces savoir‑faire à leur inventaire national du patrimoine culturel immatériel, voire à l’UNESCO (organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture), comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la Lettonie, la Pologne et la Tchéquie. En 2022, une candidature transnationale a permis l’inscription du « flottage du bois » sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il est légitime que la France, forte d’une tradition riche et originale, rejoigne ce mouvement.

Le radelage, par son caractère ancestral, son lien profond avec le territoire, la richesse de ses savoir‑faire et l’engagement des acteurs locaux pour sa sauvegarde, répond pleinement aux critères de l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France. Son inscription permettrait d’assurer sa transmission, de soutenir ses défenseurs, et d’ouvrir la voie à une future candidature internationale.

Inscrire le radelage à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France, c’est rendre hommage à des générations de radeliers qui, au fil de l’eau et des forêts, ont contribué discrètement mais puissamment à la prospérité de notre pays. C’est affirmer que ce patrimoine humain, technique et territorial demeure une part essentielle de notre mémoire collective et de notre identité nationale.

 


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proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée par l’UNESCO en 2003, ratifiée par la France en 2006,

Considérant que le flottage et le radelage du bois, pratiques anciennes, ont façonné durablement l’économie, l’organisation sociale et l’identité culturelle de nombreux territoires français, en particulier dans le Jura, les Alpes, le Massif central et le Morvan ;

Considérant que ces pratiques représentaient un maillon essentiel d’une filière bois complète, allant de l’exploitation forestière à la transformation, et contribuaient directement à l’approvisionnement des grands centres urbains, notamment via les fleuves et rivières tels que la Loue, le Doubs, la Durance, la Saône, le Rhône, la Seine ou la Loire ;

Considérant que ces savoir‑faire mobilisaient des compétences techniques, linguistiques et sociales transmises oralement, et qu’ils incarnent un mode de vie fondé sur le travail, la solidarité et la connaissance des milieux naturels ;

Considérant que des associations locales, telles que les Radeliers de la Loue (Chamblay), Flottescale (Clamecy) ou les Radeliers de la Durance (Hautes‑Alpes), contribuent activement à leur préservation et à leur transmission ;

Considérant que l’inscription à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France renforcerait ces actions, assurerait une reconnaissance institutionnelle et préparerait une éventuelle candidature transnationale auprès de l’UNESCO ;

Invite le Gouvernement à engager les démarches nécessaires à l’inscription du flottage et du radelage du bois, de leurs savoir‑faire, récits, usages et gestes techniques, à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France ;

Affirme que cette reconnaissance participe à la sauvegarde d’un pan essentiel de l’histoire économique, sociale et humaine de nos territoires, à la valorisation de la filière bois traditionnelle, au développement culturel, éducatif et touristique, et au renforcement du lien entre mémoire locale et identité nationale.