N° 1772

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 septembre 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour rendre justice à la mémoire des marins du Bugaled Breizh,

 

présentée par

M. Damien GIRARD, M. Tristan LAHAIS, M. Mickaël BOULOUX, Mme Lisa BELLUCO, Mme Nicole LE PEIH, M. Jimmy PAHUN, M. Laurent LHARDIT, M. Paul MOLAC, Mme Mereana REID ARBELOT, Mme Catherine HERVIEU, Mme Dominique VOYNET, Mme Marie POCHON, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Éric BOTHOREL, M. Hervé BERVILLE,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 15 janvier 2004, quelques jours après les fêtes de la nouvelle année, un chalutier finistérien originaire de Loctudy coule subitement dans les eaux internationales au large des Cornouailles anglaises. Les cinq marins du Bugaled Breizh, Yves Gloaguen, Georges Lemétayer, Pascal Le Floch, Patrick Gloaguen, Éric Guillamet, trouvent la mort dans ce naufrage.

37 secondes, c’est le temps qu’il a fallu au Bugaled Breizh pour sombrer. Un temps anormalement court pour un navire de 24 mètres.

Aujourd’hui encore, le doute demeure sur les causes de ce naufrage. L’une des principales hypothèses immédiatement évoquée est qu’un sous‑marin militaire aurait rencontré le train de pêche du chalutier, le coulant à grande vitesse.

De fait, plusieurs cas d’accrochage entre bateaux de pêche et sous‑marins sont recensés. Après avoir d’abord nié les faits, la marine britannique a ainsi admis qu’un de ses sous‑marins a entraîné le naufrage du Shéralga dans les années 1980 et indemnisé les familles des victimes en conséquence. Plus récemment en 2016, le sous‑marin portugais Tridente a rencontré les filets du chalutier Daytona.

L’amiral et ancien commandant du sous‑marin nucléaire lanceur d’engins L’inflexible Dominique Salles a ainsi soumis en 2005 à la justice un rapport d’expertise crédibilisant l’hypothèse d’un crochetage du câble du train de pêche du Bugaled Breizh par un sous‑marin nucléaire d’attaque. De même, un rapport de l’IFREMER de 2008 invalide l’autre hypothèse principale, celle d’un enfouissement du train de pêche.

Dans leur globalité, la majorité des experts judiciaires, militaires comme civils, évoquent comme une possibilité, sinon l’hypothèse la plus probable, la thèse d’un sous‑marin militaire comme cause du naufrage.

Dans ces circonstances, la défense des responsables politiques français affirmant en bloc l’absence de responsabilité de pays membres de l’Alliance Atlantique ou de la Marine nationale sans laisser la place à l’expression d’un doute légitime constitue de fait une mise en cause du comportement des marins et de leurs familles demandant sincèrement des réponses sur la mort de leurs proches et une éventuelle explication du pouvoir politique.

Ainsi, l’honneur, le professionnalisme et la capacité à naviguer des cinq marins morts ont plusieurs fois été mis en cause lors des procès et enquêtes ayant fait suite à la mobilisation des familles des victimes du Bugaled Breizh.

Le manque d’empathie des autorités politiques françaises vis‑à‑vis des familles des victimes et la mise en cause personnelle des marins font de la tragédie du Bugaled Breizh un enjeu mémoriel fort pour les Finistériens, les Bretons et la communauté des gens de mer. Le succès de la série 37 secondes diffusée sur Arte en 2025 en démontre encore la vivacité.

C’est aux autorités politiques, sans se défausser sur les fonctionnaires, les militaires ou le personnel de justice, de se montrer à la hauteur de la douleur et de l’attachement à la vérité des familles et de l’ensemble des citoyens mobilisés pour la vérité sur le naufrage du chalutier.

Le Parlement peut réparer dans la mémoire collective cet épisode en apportant une reconnaissance symbolique de la nation aux familles des victimes pour leur peine et affirmant l’absence de responsabilité de leurs proches dans le drame du 15 janvier 2004.

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de résolution demande au Gouvernement français d’agir pour que la Légion d’honneur soit attribuée à titre posthume à Yves Gloaguen, Georges Lemétayer, Pascal Le Floch, Patrick Gloaguen et Éric Guillamet, marins du Bugaled Breizh.

 


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proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles R1 à R135‑5 du code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite,

Vu l’instruction du 6 juin 1979 fixant le cérémonial pour la remise de la décoration posthume,

Considérant que l’honneur, le professionnalisme et la capacité à naviguer des cinq marins du Bugaled Breizh ont plusieurs fois été mis en cause lors des procès et enquêtes ayant fait suite à la mobilisation des familles,

Considérant qu’il est du devoir du Parlement d’effectuer une reconnaissance symbolique de la nation aux familles des victimes pour leur peine et affirmant l’absence de responsabilité de leurs proches dans le drame du 15 janvier 2004,

Invite le Gouvernement à attribuer à titre exceptionnel et posthume le grade de chevalier de la Légion d’honneur à Yves Gloaguen, Georges Lemétayer, Pascal Le Floch, Patrick Gloaguen et Éric Guillamet, marins du Bugaled Breizh morts en mer.