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N° 2067

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 novembre 2025.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête visant à lever les incertitudes budgétaires en matière de sécurité sociale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Joëlle MÉLIN, Mme Marine LE PEN, les membres du groupe Rassemblement National [(1)],

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Sécurité sociale fête ses 80 ans cette année, mais son architecture s’est modelée sous le poids de l’histoire et 200 ans de développement de la protection sociale à la française.

1. Le poids de l’histoire : 2 siècles d’une lente structuration

En effet, c’est vers 1830, lors de la grande révolution industrielle du XIXe siècle, qu’il a été nécessaire, sous l’impulsion de certains patrons comme les patrons chrétiens sociaux, de protéger urgemment les populations venues des campagnes vers les zones minières et industrialisées.

Ainsi, peu à peu, se sont développés les risques « veuvage et orphelins », les risques « décès, accidents et maladies », ainsi que celui des « pensions ». Parallèlement, sont apparues les sociétés de secours mutuels, ancêtres de nos assurances privées.

Dès 1925, soit 100 ans après le début de l’industrialisation, les séquelles de la Première Guerre Mondiale ont nécessité que l’État prenne en charge 30 % des salariés, créant ainsi l’embryon de la Sécurité sociale que nous connaissons.

Puis, sur 80 ans, de 1945 jusqu’à nos jours, la Sécurité sociale a couvert peu à peu tous les Français, directement ou indirectement par structuration d’assurances corporatistes gérant tout ou partie des risques.

Les rôles ont été répartis : les URSSAF (Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale) départementales, depuis 1925 déjà, prélèvent les cotisations et les impôts dédiés, puis les transfèrent à l’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), qui les répartit immédiatement sur les caisses primaires des 5 risques, chargées ainsi de la liquidation des prestations.

Parallèlement, la Sécurité sociale s’est architecturée en 5 branches, dotées chacune d’une caisse nationale et de sous‑directions.

La séparation les unes des autres n’est toujours pas terminée, expliquant ainsi la porosité entre les budgets. Quant à la 5e branche autonomie, créée depuis moins de 5 ans, elle reste inaboutie.

2. Le poids d’un financement aujourd’hui déséquilibré

En 1946, le financement de la Sécurité sociale était entièrement assis sur les cotisations issues du travail, partagées entre les employeurs et les salariés. En 1993, les cotisations représentaient encore 86 % des ressources, alors qu’il est aujourd’hui fiscalisé à hauteur de 52 % via les ITAF (Impôts et taxes affectés : contribution sociale généralisée, TVA…) : le déséquilibre est total et a priori peu réversible

Les raisons de ces pertes de recettes sont multiples : le chômage chronique, par diminution des cotisations salariales et patronales, les prélèvements fiscaux et sociaux excessifs, associés à une bureaucratisation aveugle, limitent la création et le développement des entreprises et donc l’embauche. Bien sûr la mondialisation dérégulée et l’inflation ont également joué un rôle prépondérant.

Toutes les branches de la Sécurité sociale sont touchées : les avantages famille et retraite ont été réduits, le handicap et la santé abandonnés, faisant ainsi passer notre pays dans un déclassement permanent des performances.

Il y a donc de nombreuses années que la Direction de la Sécurité Sociale et tous les services ministériels auraient dû prendre les mesures de gestion et de contrôle nécessaires et, pour certaines, évidentes. Surtout quand le périmètre concerné atteint les 666 milliards d’euros.

3. Le poids d’une gestion à vaul’eau

Arrivé à de telles sommes, il aurait fallu depuis longtemps : des projections pluriannuelles (mais elles sont balbutiantes) ; des outils de contrôle interne et de gestion des comptes performants avec des logiciels sans faille, comme a su le faire l’État pour ses comptes publics. Il aurait fallu écouter ce que dit et redit la Cour des comptes depuis 30 ans dans ses rapports d’application et 20 ans dans ses rapports de certification.

Au lieu de cela, ce sont tous les comptes de la Sécurité sociale qui sont entachés d’incertitudes voire de réelles anomalies comptables ou administratives, au mépris de nombreuses règles de droit et de processus de gestion basiques.

Sur la seule année 2024, la Cour a relevé :

– Sur la branche recouvrement : 1 anomalie significative et l’absence d’éléments probants pour 6 motifs ;

– Sur la branche maladie : 3 anomalies significatives et l’absence d’éléments probants pour 11 motifs ;

– Sur la branche AT/MP : 1 anomalie significative et l’absence d’éléments probants pour 8 motifs ;

– Sur la branche famille : absence d’éléments probants pour 6 motifs : comptes non certifiés en 2022, 2023 et 2024 ;

– Sur la branche vieillesse : absence d’éléments probants pour 6 motifs ;

– Sur la branche autonomie : 2 anomalies significatives et l’absence d’éléments probants pour 5 motifs.

De quel droit peut‑on continuer à mentir et à gérer nos 5 branches au rabais, à la fausse économie ou au recul des droits ou au renoncement aux soins, à heurter nos compatriotes, avec des mesures gravement choquantes comme des fraudes non recherchées et injustes, comme certaines aides non contributives offertes à tout nouvel arrivant dans notre pays ?

4. L’urgence d’y voir clair et de faire enfin les comptes

Aujourd’hui, face aux déficits vertigineux chroniques du budget de l’État comme de la Sécurité sociale ou les collectivités territoriales, qui impactent sévèrement le quotidien des Français, il convient en urgence d’auditer les financements, leur gestion et leur contrôle, afin de déterminer les causes de dysfonctionnements éventuels ayant abouti à cette situation.

De facto, les mesures de redressement à prendre devraient logiquement apparaître et seront à traiter dans les plus brefs délais.

La commission d’enquête étant contrainte dans le temps, les travaux se concentreront sur la période allant de 2022 à nos jours, afin d’apporter le maximum d’information et une justesse d’analyse pour apporter des mesures concrètes et urgentes.

L’attachement des Français à leur Sécurité Sociale est profond : il est de notre responsabilité de la préserver.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête composée de 30 membres. Cette commission a les missions suivantes :

– auditer les financements, la gestion et le contrôle de la sécurité sociale ;

– éxaminer les causes de dysfonctionnement et anomalies soulevées, notamment par les rapports de la Cour des comptes ;

– élaborer des propositions et des recommandations pour lever les incertitudes et connaître le montant réel du budget social.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Franck ALLISIO, M. Maxime AMBLARD, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, Mme Anchya BAMANA, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Théo BERNHARDT, M. Guillaume BIGOT, M. Bruno BILDE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, M. Jorys BOVET, M. Jérôme BUISSON, M. Eddy CASTERMAN, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, M. Bruno CLAVET, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Sandra DELANNOY, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Alexandre DUFOSSET, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, M. Aurélien DUTREMBLE, M. Auguste EVRARD, M. Frédéric FALCON, M. Marc DE FLEURIAN, M. Guillaume FLORQUIN, M. Emmanuel FOUQUART, M. Thierry FRAPPÉ, M. Julien GABARRON, Mme Stéphanie GALZY, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, M. Christian GIRARD, M. Antoine GOLLIOT, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Monique GRISETI, M. Julien GUIBERT, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, M. Timothée HOUSSIN, M. Sébastien HUMBERT, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, M. Alexis JOLLY, Mme Tiffany JONCOUR, Mme Sylvie JOSSERAND, Mme Florence JOUBERT, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Marine LE PEN, M. Robert LE BOURGEOIS, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Nadine LECHON, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Julien LIMONGI, M. René LIORET, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, M. David MAGNIER, Mme Claire MARAIS-BEUIL, M. Matthieu MARCHIO, M. Pascal MARKOWSKY, M. Patrice MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Thibaut MONNIER, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Caroline PARMENTIER, M. Thierry PEREZ, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, M. Matthias RENAULT, Mme Catherine RIMBERT, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Sophie-Laurence ROY, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, Mme Anne SICARD, M. Emmanuel TACHÉ, M. Jean-Philippe TANGUY, M. Michaël TAVERNE, M. Thierry TESSON, M. Lionel TIVOLI, M. Romain TONUSSI, M. Antoine VILLEDIEU, M. Frédéric-Pierre VOS, M. Frédéric WEBER.