N° 2129
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 novembre 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à renforcer le plan national de lutte contre le scolyte en forêt,
présentée par
M. Vincent ROLLAND, M. Didier PADEY, Mme Véronique BESSE, M. Jean-Yves BONY, M. Fabrice BRUN, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Alix FRUCHON, M. Eric LIÉGEON, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Véronique LOUWAGIE, Mme Lise MAGNIER, M. Denis MASSÉGLIA, M. Antoine ARMAND, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Patrick HETZEL, Mme Sophie PANONACLE, M. David TAUPIAC, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Lionel VUIBERT, M. Thierry BENOIT, Mme Catherine IBLED, M. Joël BRUNEAU, M. Hubert OTT, M. Xavier ROSEREN, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Benoît BLANCHARD, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, M. Sébastien HUYGHE, M. Nicolas RAY,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Nos forêts sont les témoins à ciel ouvert de notre patrimoine naturel.
En plus de façonner nos paysages, nos forêts jouent un rôle majeur dans la préservation de la biodiversité, dans la lutte contre le changement climatique ou encore dans le développement de l’économie locale.
Qu’elles se situent en bord de mer, dans les plaines ou dans nos montagnes, les forêts constituent un véritable rempart naturel contre l’érosion.
En zone de montagne, leur rôle est décisif dans la prévention des avalanches, des chutes de pierre, des glissements de terrain ou pour la protection des sols.
La France est une nation forestière européenne de premier plan. Au cours des trois derniers siècles, la forêt française s’est fortement étendue. Aujourd’hui, elle couvre un peu moins d’un tiers du territoire avec plus de 17,3 millions d’hectares recensés selon l’Office national des forêts (ONF). Avec ses 138 essences d’arbres qui la composent, la forêt française rassemble près de 75 % des essences présentes en Europe.
Cette diversité est une fierté qu’il nous incombe de protéger.
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La forêt française est un véritable atout économique. En 2023, la filière du bois génère en France environ 30 milliards d’euros de valeur ajoutée, représentant environ 1,1 % du produit intérieur brut (PIB). Elle emploie près de 420 000 personnes.
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Depuis une dizaine d’années, les conséquences du dérèglement climatique se font directement ressentir sur nos forêts.
Certaines d’entre elles sont plus exposées aux risques incendie : notamment en Corse, sur le littoral méditerranéen, dans les Cévennes, les piémonts alpin et pyrénéen et dans les Landes.
Pour la seule année 2025, 1 800 feux de forêt et de végétation ont détruit 20 000 hectares soit deux fois plus de surface brûlée que la moyenne observée entre 2006 et 2021 selon l’ONF. L’incendie du massif des Corbières a brûlé, à lui seul, 17 000 hectares.
Les sécheresses de plus en plus fortes, fréquentes et étendues rendent les arbres beaucoup plus vulnérables causant ainsi une forte hausse du dépérissement.
Ce dépérissement et cette « surmortalité » participent eux‑mêmes à l’aggravement du dérèglement climatique. En effet, le carbone stocké dans la biomasse de l’arbre est rejeté lorsque l’arbre meurt et se décompose.
Le rôle de « piège de carbone » est plus largement remis en cause par ce stress accru pour les arbres, conséquence notamment des sécheresses qui réduisent leurs capacités de photosynthèse et de croissance. En France, le puits de carbone forestier a ainsi été divisé par deux en 10 ans.
De surcroît, les forêts jouent un rôle crucial dans le cycle de l’eau. La forêt fait office de tampon hydrique en absorbant de grandes quantités d’eau lors des pluies (entre 20 et 50 % des pluies) et en les restituant progressivement. Les arbres captent également l’eau du sol via leurs racines et la restituent dans l’atmosphère sous forme de vapeur grâce à l’évapotranspiration, ce qui contribue à la formation des nuages et à la régulation des précipitations.
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Outre les risques précédemment évoqués, l’augmentation préoccupante des dommages causés par la profusion des scolytes (ou bostryche typographe) constitue une nouvelle menace, moins spectaculaire mais tout aussi dévastatrice.
Les scolytes appartiennent à la famille des coléoptères et mesurent quelques millimètres de long. Ils sont adaptés pour creuser de petits tunnels sous l’écorce des arbres, ce qui endommage leur système vasculaire. Les femelles y pondent ensuite leurs œufs.
Une fois écloses, les larves se nourrissent alors de l’écorce et des tissus internes de l’arbre ; un processus d’alimentation et de reproduction qui perturbe ainsi le flux de sève et affaiblit progressivement l’arbre.
Ces véritables épidémies de scolytes qui peuvent se propager sur de vastes étendues laissant derrière elles, de nombreux arbres morts. Les effets néfastes de cet insecte se concentrent principalement sur l’épicéa, même si d’autres essences sont touchées dans une moindre mesure.
L’affaiblissement des arbres dû à l’activité des scolytes les rend encore plus vulnérables à la sécheresse ou aux maladies. Les épicéas infectés deviennent en effet plus sensibles aux champignons pathogènes, entraînant une augmentation des maladies fongiques.
À ce désastre environnemental, s’ajoute dans le cas de l’épicéa, un impact économique immense puisque le bois scolyté devient moins valorisable et exploitable si la contamination est détectée trop tard.
L’épidémie de scolytes entraine donc des répercussions directes sur l’approvisionnement en bois. Une conséquence pourtant évitable puisqu’une détection rapide rend l’utilisation du bois infecté encore possible.
La profusion des scolytes a donc des conséquences multiples et variées sur l’environnement, la biodiversité, sur l’économie mais aussi sur la sécurité lorsque des arbres morts viennent par exemple à chuter sur les routes ou chemins.
Le territoire métropolitain est largement touché. Le rapport publié le 15 avril 2024 par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire indique que depuis 2018, « on estime le volume de bois de crise à 37 millions de m3 (22 en épicéa, 15 en sapin) et les surfaces touchées à 110 000 hectares à rapporter aux 520 000 hectares de peuplement d’épicéas et de sapins présents dans les régions concernées ».
Du Nord‑Est et l’arc Jurassien, l’épidémie s’est étendue en Auvergne‑Rhône‑Alpes et notamment en Savoie. Le massif du Beaufortain fait ainsi partie de ces « régions concernées » puisque selon le dernier bilan de santé des forêts publié en 2023 par la préfecture de la région Auvergne‑Rhône‑Alpes, l’épicéa commun y est en état de santé rouge, du fait d’une « crise de scolyte majeure ».
L’État a présenté un plan d’actions le 15 avril 2024. Un plan nécessaire mais encore insuffisant au regard des enjeux actuels et parfois peu adapté. L’aide à l’achat de kits d’écorçage a par exemple été rapidement arrêtée du fait de l’absence de demandes. Cette crise doit amener à une réflexion entière sur l’évolution des forêts et sur un modèle plus résilient au changement climatique.
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Alors que la forêt française façonne nos paysages, protège notre environnement et que ce poumon vert constitue un secteur économique majeur, nous ne pouvons-nous résoudre à la voir dépérir. L’adoption de cette résolution permettrait d’alerter le Gouvernement sur cette lutte essentielle contre le scolyte et plus largement sur la nécessité de réfléchir à la « forêt de demain ».
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proposition de RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Invite le Gouvernement :
1) À développer la communication sur l’utilisation du bois scolyté produit au niveau local notamment dans le domaine de la construction ;
2) À encourager le développement des pistes forestières, les opérations de replantation auprès des propriétaires et des pépinières et la diversification des essences, notamment pour les forêts ayant un rôle de protection en zone de montagnes ;
3) À former davantage de bûcherons face à la pénurie actuelle et travailler à une amélioration de leur rémunération pour rendre le métier attractif ;
4) À aider à l’augmentation de la part « forêts » dans les budgets des communes concernées par la crise du scolyte ;
5) À augmenter les moyens alloués à l’Office national des forêts pour mener les expérimentations nécessaires sur le renouvellement des essences.