N° 2154
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête sur les défaillances de prévention et de contrôle du risque amiante dans les sites industriels français,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Julien GOKEL, M. Didier LE GAC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Pierrick COURBON, M. Matthias TAVEL, Mme Élise LEBOUCHER, M. Idir BOUMERTIT, Mme Marietta KARAMANLI, M. Jean-Paul LECOQ, Mme Alix FRUCHON, Mme Alma DUFOUR, M. Stéphane PEU, M. Édouard BÉNARD, M. Julien BRUGEROLLES, M. Arnaud LE GALL,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’amiante reste l’un des risques sanitaires professionnels les plus dramatiques de notre époque. Bien que son usage soit interdit en France depuis 1997, les expositions perdurent, notamment dans des sites industriels anciens. Ce danger, à la fois bien connu et particulièrement toxique, nécessite une vigilance constante, une prévention rigoureuse, un suivi médical adapté des personnes potentiellement exposées et un contrôle efficace de l’État.
Des faits récents montrent que les manquements ne sont pas anecdotiques, mais peuvent être systématiques.
D’une part, les conclusions de l’Inspection du travail de Dunkerque, rendues le 4 novembre 2025, ont pointé une exposition très grave à l’amiante de près de 400 salariés, dont 308 employés d’ArcelorMittal, sur le site de Dunkerque–Grande‑Synthe. Selon le rapport, aucune mesure de prévention spécifique n’a été mise en place lors des opérations de réparation du haut‑fourneau n° 4, malgré la présence avérée d’un risque. Des défaillances dans la coordination entre l’entreprise utilisatrice et les entreprises sous‑traitantes sont également relevées, exposant ainsi des travailleurs à un péril majeur.
Ces expositions supposées imposent non seulement une analyse approfondie des pratiques de prévention, mais également la garantie d’un suivi médical à long terme pour l’ensemble des personnes concernées, conformément aux obligations prévues par la réglementation.
D’autre part, un autre site emblématique d’ArcelorMittal pose question : Fos‑sur‑Mer. Selon les syndicats, notamment la CGT, plus de 600 salariés du site seraient en suivi médical renforcé pour des raisons liées à l’amiante. Or, le ministère du travail a récemment refusé le classement du site comme « site amianté », argumentant que l’exposition ne serait pas suffisamment « significative » selon les critères réglementaires. Par ailleurs, ArcelorMittal Méditerranée a été mis en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans le cadre d’une pollution industrielle, ce qui ajoute à l’inquiétude quant à la gestion globale des risques sur ce site.
Ces deux cas ne peuvent être considérés comme de simples incidents isolés. Ils témoignent d’un phénomène plus vaste, révélant des défaillances structurelles dans la prévention du risque amiante dans de nombreux secteurs industriels :
– des risques mal cartographiés ou insuffisamment pris en compte ;
– des pratiques de sous‑traitance peu sécurisées ;
– un défaut de transparence ;
– des contrôles de l’État parfois trop faibles ou non systématiques ;
– et des dispositifs de suivi post‑exposition insuffisants ou inégalement appliqués.
C’est pourquoi la création d’une commission d’enquête parlementaire apparaît aujourd’hui indispensable. Cette commission devra :
– examiner l’ensemble des obligations en matière de prévention de l’amiante dans les sites industriels ;
– analyser la coordination entre donneurs d’ordre et entreprises intervenantes ;
– évaluer les moyens et l’efficacité des services de contrôle de l’État (inspection du travail, préfectures, etc.) ;
– clarifier les responsabilités des acteurs ;
– et proposer des recommandations pour renforcer la loi, améliorer les contrôles, assurer un suivi médical systématique et durable des travailleurs exposés, et garantir que de telles défaillances ne puissent plus se reproduire.
Tel est l’objet de la présente proposition de résolution.
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proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur les défaillances de prévention et de contrôle du risque amiante dans les sites industriels français, chargée d’examiner :
1) Les conditions de mise en œuvre, par les entreprises industrielles et leurs sous‑traitants, des obligations légales relatives à la prévention et à la protection des travailleurs contre le risque amiante ;
2) Les mécanismes de coordination entre entreprises utilisatrices et entreprises extérieures sur les sites industriels comportant des installations contenant de l’amiante ;
3) L’action et les moyens des services de l’État responsables du contrôle du respect des dispositions législatives et réglementaires relatives au risque amiante ;
4) Les éventuelles défaillances structurelles susceptibles d’exposer les salariés à un danger grave ou imminent ;
5) Toute recommandation utile pour renforcer la prévention, la transparence, la protection des travailleurs susceptibles d’être exposés à l’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle, ainsi que les dispositifs de suivi médical à long terme qui doivent leur être garantis.