No 1637
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2025.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
pour un féminisme universel,
TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES EUROPÉENNES
ANNEXE AU RAPPORT
Voir le numéro : 1381.
– 1 –
proposition de rÉsolution europÉenne
Article unique
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑1 du règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Constitution française, notamment son Préambule de 1946 qui garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme, son article premier qui dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales », et son article 34 qui dispose notamment que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse »,
Vu la loi du 13 juillet 1965 sur la capacité juridique des femmes mariées, la loi du 22 décembre 1972 sur l’égalité de rémunération, la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, la loi du 13 juillet 1983 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la loi du 27 mai 2008 portant adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique ouvrant la procréation médicalement assistée à toutes les femmes,
Vu la ratification par la France de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, entrée en vigueur en 2014, et la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000, notamment ses articles 21 et 23 qui consacrent le principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération,
Vu les articles 2, 3 et 7 du traité sur l’Union européenne,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 8, 19, 153 et 157 qui assignent à l’Union la mission d’éliminer les inégalités et de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, autorisent l’adoption d’actes législatifs pour lutter contre toutes les formes de discrimination, et permettent des actions positives pour renforcer la position des femmes,
Vu la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services, la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010 sur le congé parental, et la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit,
Vu la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020‑2025 de la Commission européenne, la feuille de route 2025 pour renforcer les droits des femmes, la directive européenne sur la transparence des rémunérations adoptée en 2023, la directive sur l’équilibre hommes‑femmes dans les conseils d’administration, la première loi européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes adoptée en mai 2024, ainsi que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul entrée en vigueur le 1er octobre 2023,
Vu la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne qui consacre l’égalité entre femmes et hommes comme un principe fondamental du droit communautaire,
Vu le préambule de la Charte des Nations Unies qui dispose notamment que les peuples des Nations Unies sont résolus à proclamer leur foi dans l’égalité de droits des hommes et des femmes,
Considérant que l’histoire du combat féministe universel s’inscrit dans une longue lutte pour l’émancipation des femmes, marquée par la conquête des droits civils, des libertés fondamentales et l’accès à l’indépendance économique, et que ce combat s’est historiquement fondé sur des principes universalistes et laïques, visant à libérer toutes les femmes, sans distinction d’origine ou de culture ;
Considérant que le féminisme universel refuse toute instrumentalisation politique ou relativisme culturel, et s’oppose à toutes les formes d’oppression sexiste, qu’elles soient issues d’intégrismes religieux, de traditions patriarcales ou de systèmes politiques autoritaires, en affirmant que la laïcité et l’égalité sont les garantes de la liberté des femmes ;
Considérant que le mouvement féministe contemporain dans toute sa diversité, tout en s’enrichissant de la « libération de la parole » et de la dénonciation de nouvelles formes d’oppression, doit préserver sa vocation à défendre les droits de toutes les femmes, partout dans le monde, sans céder aux dérives identitaires ou sectaires qui menacent son universalité et risquent d’enfermer la cause féministe dans des logiques de division ou de hiérarchisation des luttes ;
Considérant enfin que l’histoire du féminisme est celle d’un combat sans cesse renouvelé contre toutes les formes de patriarcat, qu’il soit religieux, culturel ou politique, et que sa force réside dans son exigence d’égalité, de justice et d’universalité, au service de l’émancipation de toutes les femmes, sans exception ;
Considérant l’exclusion du collectif Nous vivrons de la manifestation féministe du 8 mars 2025 place de la République en France par d’autres féministes ;
Considérant la remise en cause des droits des femmes notamment dans les démocraties occidentales ;
Considérant la fragilité des acquis des combats féministes notamment dans les périodes de crise ;
Considérant l’interdiction quasi totale de l’avortement en Pologne et les violations diverses des droits des femmes en Hongrie ou en Italie ;
Considérant la conflictualisation du débat public et les détournements opportunistes du combat féministe universel depuis plusieurs années ;
Appelle les institutions européennes à reconnaitre la portée universelle du combat pour les droits des femmes ;
Invite les institutions européennes à intégrer une définition du féminisme universel opposable notamment aux autorités gestionnaires en charge des financements européens ; le féminisme universel est défini comme le principe visant à garantir l’égalité effective des droits et de la dignité entre les femmes et les hommes. Le féminisme universel reconnaît et embrasse la diversité des expériences et des identités féminines, sans distinction d’origine, d’opinion ou d’engagement, et proscrit toute hiérarchisation ou exclusion entre les luttes féministes. Toute mesure, action ou organisation qui exclut un groupe de femmes en raison de leur appartenance, de leur combat ou de leurs convictions contreviendrait à ce principe ;
Encourage la Commission européenne à introduire la notion de féminisme universel dans les consultations visant à rédiger la nouvelle stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes post‑2025 en se basant sur la feuille de route de l’Union européenne pour les droits des femmes présentée le 8 mars 2025 ;
Demande que l’Union européenne fasse respecter les acquis de la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020‑2025 ainsi que les futurs objectifs de la stratégie post‑2025 à tous les États membres ;
Invite la Commission européenne à prendre en compte dans la rédaction des objectifs de la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes, post-2025, l’importance de l’éducation et de l’histoire des luttes pour les droits des femmes, ainsi qu’à promouvoir l’égalité entre toutes les femmes dans le combat féministe ;
Appelle la Commission européenne, dans l’ensemble de ses communications et de ses propositions de législation en matière numérique, à lutter contre tout type de stéréotypes qui pourraient s’avérer contraire à une définition du féminisme universel ;
Demande à la Commission européenne de conditionner les accords internationaux qu’elle signe au nom de l’Union européenne au respect des droits des femmes ;
Appelle la Commission européenne à soutenir les associations ou mouvements qui promeuvent le combat universel pour l’égalité ;
Invite le Gouvernement français et l’Union européenne à ne pas accorder ou, le cas échéant, à retirer des subventions aux associations ou groupes qui par leur combat peuvent stigmatiser, inférioriser ou appeler à la haine d’un autre groupe remettant ainsi en cause l’universalité notamment du combat féministe ;
Appelle l’Union européenne à conditionner les subventions qu’elle accorde aux associations prônant l’égalité plutôt que l’identité et l’infériorisation de la femme sur l’homme, l’universel plutôt que le séparatisme, et à mettre en place une procédure de « filtrage » systématique ;
Demande à l’Union européenne de tirer toutes les conséquences de l’arrêt du 16 janvier 2024 de la Cour de Justice de l’Union européenne qui reconnaît que la violence à l’encontre des femmes fondées sur le genre est une forme de persécution pouvant donner lieu en tant que telle à une protection.