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N° 583

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2018.

PROJET  DE  LOI

autorisant ladhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites darmes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Édouard PHILIPPE,

Premier ministre,

par M. Jean‑Yves LE DRIAN,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite « de Palerme » ([1]), a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 15 novembre 2000 dans le cadre de sa résolution 55/25 ([2]). Elle est entrée en vigueur le 29 septembre 2003. Elle est complétée par trois protocoles additionnels portant respectivement sur le trafic illicite de migrants ([3]), la traite des personnes ([4]) et le trafic d’armes à feu, objet du présent projet de loi.

Le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions (ci‑après le « protocole armes à feu ») a été adopté le 31 mai 2001, soit six mois après la convention et ses deux premiers protocoles, conformément à la résolution consensuelle 55/255 ([5]) de l’Assemblée générale des Nations unies. Il est entré en vigueur le 3 juillet 2005, une fois franchi le seuil de ratification de 40 États. Il vise à prévenir et combattre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions. Il a pour objet de promouvoir, faciliter et renforcer la coopération entre États dans cette perspective. Il est sans préjudice du droit de légitime défense individuelle ou collective, reconnu à l’article 51 de la Charte des Nations unies ([6]), et donc du droit des États d’acquérir des armes pour se défendre.

La France a ratifié la convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée et ses deux premiers protocoles le 6 août 2002, mais elle n’a pas signé le protocole armes à feu. Son adhésion au protocole, plusieurs fois relancée, n’a pas abouti du fait des difficultés liées aux modalités techniques ainsi qu’aux moyens budgétaires et humains nécessaires pour mettre en œuvre les procédures de contrôle prévues par le texte. La plupart de ces obstacles administratifs ont désormais été surmontés. En outre, l’Union européenne est d’ores et déjà partie au protocole armes à feu pour les dispositions relevant de sa compétence ([7]).

Enfin, la relance de l’adhésion de la France au protocole armes à feu s’inscrit dans une stratégie globale de mobilisation contre les trafics d’armes à feu au sein des enceintes internationales pertinentes, notamment à la suite des attentats terroristes de janvier et novembre 2015.

Le protocole armes à feu est annexé à la convention de Palerme qui a pour objet d’harmoniser certaines infractions pénales, telles que la participation à un groupe criminel organisé, le blanchiment d’argent, la corruption ou l’entrave au bon fonctionnement de la justice. Elle prévoit également des mesures pour améliorer la coopération judiciaire entre les États, notamment en matière d’entraide judiciaire, d’extradition et pour la mise en place d’équipes communes d’enquête. Parmi les autres dispositions de la convention de Palerme, on peut relever, en particulier, des mesures relatives à la prévention et à la protection des témoins et des victimes, ainsi que des dispositions relatives aux collaborateurs de justice.

Le présent protocole comprend un préambule et 21 articles divisés en trois parties : dispositions générales (Partie I), mesures de prévention (Partie II), et dispositions finales (Partie III).

Partie I : dispositions générales

L’article 1er règle les relations entre le protocole armes à feu et la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée qu’il complète. Les dispositions de la convention s’appliquent mutatis mutandis au protocole, sauf disposition contraire de celui‑ci. Le protocole est interprété conjointement avec la convention.

L’article 2 précise l’objet du protocole armes à feu, c’est‑à‑dire promouvoir, faciliter et renforcer la coopération entre les États parties afin de prévenir et combattre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions.

L’article 3 détaille les définitions pertinentes pour le protocole : celles des armes à feu (les armes à feu anciennes et leurs répliques étant définies par le droit interne), des pièces et éléments, des munitions, de la fabrication illicite, du trafic illicite et du traçage.

L’article 4 précise le champ d’application du protocole. Sont visées les infractions détaillées par le protocole lorsqu’elles sont de nature transnationale et qu’un groupe criminel y est impliqué. Le protocole ne s’applique en revanche pas aux transactions ou transferts entre États s’il porte préjudice au droit d’un État de prendre, dans l’intérêt de sa sécurité nationale, des mesures compatibles avec la Charte des Nations unies.

L’article 5 stipule que les actes intentionnels suivants doivent être pénalisés par la législation nationale des États parties au protocole armes à feu : la fabrication illicite et le trafic illicite d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, ainsi que la falsification ou l’effacement, l’enlèvement et l’altération de façon illégale des marques que doivent porter les armes à feu. En outre, le protocole prévoit que soit pénalisé le fait de tenter de commettre l’une de ces infractions ou de s’en rendre complice, ainsi que d’organiser, de diriger, faciliter, encourager ou favoriser sa commission.

L’article 6 prévoit que les États parties adoptent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions ayant fait l’objet d’une fabrication ou d’un trafic illicites, et pour éviter qu’elles ne tombent entre les mains de personnes non autorisées en les saisissant et les détruisant.

Partie II : Prévention

En application de l’article 7, les États parties conservent les informations sur les armes à feu, leurs pièces, éléments et munitions durant une période de dix ans pour assurer le traçage et l’identification. Les informations sont les marques appropriées exigées par le protocole et les éléments pertinents en cas de transactions internationales.

Les mesures de marquage aux fins de l’identification et du traçage des armes à feu sont détaillées à l’article 8. Un marquage unique (indiquant le nom du fabricant, le lieu d’origine et le numéro de série) et d’usage facile est apposé lors de la fabrication des armes à feu. S’agissant des armes à feu importées définitivement, un marquage simple est apposé afin d’identifier le pays importateur et si possible l’année d’importation. Si l’arme importée ne comporte pas de marquage unique apposé à la fabrication, celui‑ci est porté lors de l’importation. Par ailleurs, un marquage approprié est apposé lorsqu’une arme à feu est définitivement transférée des stocks de l’État en vue d’un usage civil permanent. Les États parties encouragent l’industrie des armes à feu à concevoir des mesures empêchant d’enlever ou d’altérer les marques.

L’article 9 stipule que les États parties ne considérant pas les armes neutralisées ([8]) comme des armes à feu prennent les mesures nécessaires pour prévenir leur réactivation[9] illicite. Il établit des principes généraux de neutralisation : rendre définitivement inutilisables et impossibles à réactiver toutes les parties essentielles d’une arme, faire vérifier les mesures de neutralisation par une autorité compétente, et faire délivrer par ladite autorité un certificat ou faire appliquer un marquage certifiant la neutralisation.

L’article 10 prévoit que les États parties établissent ou maintiennent un système de licences d’exportation et d’importation ainsi que des mesures sur le transit international pour le transfert d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, et en précise la nature. Préalablement à la délivrance de licences d’exportation dans ce cadre, les États parties vérifient que les États importateurs ont accordé des licences d’importation, et que les États de transit ne s’opposent pas au transit. La licence d’exportation ou d’importation doit contenir des informations complètes, précisées au paragraphe 3. Les États parties s’assurent que les procédures d’octroi de licences sont sûre, et que leur authenticité est vérifiable. Enfin, les parties peuvent adopter des procédures simplifiées pour l’importation et l’exportation temporaire ou le transit d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions à des fins légales vérifiables telles que la chasse, le tir sportif, l’expertise, l’exposition ou la réparation.

L’article 11 stipule que les États parties prennent les mesures appropriées pour assurer la sécurité des armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions au moment de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et du transit, et pour accroître l’efficacité des contrôles des importations, des exportations et du transit.

L’article 12 concerne l’échange d’informations pertinentes entre États, conformément à leurs systèmes nationaux. Ces informations concernent notamment les fabricants, négociants, importateurs, exportateurs et transporteurs autorisés d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions ; elles portent également sur : les groupes criminels organisés participant à la fabrication ou au trafic illicite des armes à feu, les moyens de dissimulation utilisés pour ce faire, les méthodes, moyens et routes empruntés, les mesures de prévention les plus efficaces et les informations scientifiques et technologiques. Il est également prévu que les États parties coopèrent pour le traçage des armes. Chaque partie doit garantir la confidentialité des informations reçues au titre de cet article.

L’article 13 stipule que les États coopèrent aux niveaux bilatéral, régional et international pour contribuer à atteindre les buts du protocole, désignent des points de contact nationaux chargés d’assurer la liaison avec les autres États parties et cherchent à obtenir l’appui de tous les acteurs industriels et commerciaux impliqués.

L’article 14 prévoit que les États parties coopèrent entre eux et avec les organisations internationales compétentes dans le domaine de la formation et de l’assistance technique, ainsi que financière et matérielle.

L’article 15 prévoit que les États parties qui ne l’ont pas déjà fait envisagent d’établir un système de règlementation des activités de courtage, pouvant inclure une exigence d’enregistrement des courtiers, une exigence d’autorisation pour pratiquer le courtage et l’exigence d’indiquer sur les licences de transferts le nom et l’emplacement des courtiers impliqués dans la transaction. Les courtiers et le courtage peuvent également faire l’objet d’échanges d’informations comme prévu par l’article 12, et de conservation de renseignements conformément à l’article 7.

Partie III : Dispositions finales

En application de l’article 16, les États parties privilégient la voie de la négociation pour régler les différends concernant l’interprétation ou l’application du protocole. En cas d’échec de la négociation, le paragraphe 2 du présent article prévoit que les parties se soumettent à une procédure d’arbitrage et que l’une des parties en cause peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice si les parties ne s’entendent pas sur l’organisation d’un arbitrage dans un délai de six mois. Les États parties ont la possibilité d’émettre une réserve à l’application des dispositions du paragraphe 2 et de la retirer à tout moment par notification au secrétariat général de l’Organisation des Nations unies.

Conformément à l’article 17, le protocole a été ouvert à la signature des États au siège des Nations unies et des organisations régionales d’intégration économique jusqu’au 12 décembre 2002. Il est également ouvert à l’adhésion de tout État ou de toute organisation régionale d’intégration économique dont au moins un État membre est partie au protocole. Le protocole est soumis, en fonction de leurs procédures constitutionnelles respectives, à ratification, acceptation ou approbation, des États signataires.

L’article 18 prévoit que le protocole entre en vigueur le 90e jour suivant la date de dépôt du quarantième instrument de ratification, acceptation, approbation ou adhésion par un État, et en tout état de cause après l’entrée en vigueur de la convention de Palerme. Pour les État ratifiant, acceptant, approuvant ou adhérant au protocole après son entrée en vigueur, ce dernier entre en vigueur le 30e jour suivant la date de dépôt de l’instrument pertinent.

À l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du protocole, un État partie peut proposer un amendement au protocole (article 19). Les États parties recherchent un consensus au sujet de l’amendement mais, le cas échéant, recourent à un vote à la majorité des deux tiers des présents lors de la conférence des parties. Les organisations régionales d’intégration économique disposent d’un droit de vote égal au nombre de leurs États membres parties pour les domaines relevant de leur compétence, si les États membres eux‑mêmes n’exercent pas leur droit de vote. Les amendements adoptés sont soumis à ratification, acceptation ou approbation des États parties, pour lesquels ils entrent en vigueur 90 jours après la date du dépôt de l’instrument pertinent.

En application de l’article 20, un État partie peut dénoncer le protocole par notification écrite adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies. La dénonciation prend effet un an après la date de sa réception. Une organisation régionale d’intégration économique cesse d’être partie au protocole lorsque tous ses États membres l’ont dénoncé.

L’article 21 stipule que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies est dépositaire du présent protocole. Les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe font également foi.

Le protocole armes à feu ne comporte pas d’annexes.

Telles sont les principales observations qu’appelle le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

 


projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001 délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

Fait à Paris, le 24 janvier 2018.

Signé : Édouard PHILIPPE,

Par le Premier ministre :
Le ministre de lEurope et
des affaires étrangères
 

Signé : Jean‑Yves LE DRIAN

 


([1]) Publiée par décret n° 2003875 du 8 septembre 2003 :

https ://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2003/9/8/MAEJ0330077D/jo/texte

([2]) http ://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/55/25

([3]) Décret n° 2004446 du 19 mai 2004 portant publication du protocole contre le trafic illicite de migrants

https ://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000435915

([4]) Décret n° 2004447 du 19 mai 2004 portant publication du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes :

https ://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000249066

([5]) https ://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/Publications/ARES%2055255/55r255f.pdf

([6]) Article 51 Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est lobjet dune agression armée, jusquà ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans lexercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et naffectent en rien le pouvoir et le devoir qua le Conseil, en vertu de la présente Charte, dagir à tout moment de la manière quil juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

([7]) Signature le 16 janvier 2002 et approbation le 21 mars 2014. L’UE a formulé, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du Protocole, une déclaration précisant les matières régies par le Protocole dont la compétence a été transférée à l’organisation par ses États membres parties au Protocole.

([8]) Une arme physiquement modifiée afin de ne plus pouvoir tirer de munitions réelles est considérée comme étant neutralisée. Elle ne fait plus l’objet des contrôles imposés aux armes à feu actives.

([9]) Certaines armes neutralisées le sont par des procédés réversibles avec certains outils et connaissances techniques : la réactivation est alors possible.