Description : Description : LOGO

N° 4425

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 août 2021.

PROJET  DE  LOI

autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire
en matière pénale entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République de Singapour,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean CASTEX,

Premier ministre,

par M. Jean‑Yves LE DRIAN,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 22 juillet 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, E. DUPOND-MORETTI, et le ministre des affaires intérieures et du droit de la République de Singapour, K. SHANMUGAM, ont signé, à Singapour, une convention d’entraide judiciaire en matière pénale.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et Singapour sont toutes deux parties à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York le 15 novembre 2000, et à la Convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme adoptée le 10 janvier 2000.

La France et Singapour sont liés par différentes conventions bilatérales en matières culturelle, fiscale, et de défense notamment, mais jusqu’ici aucune convention d’entraide judiciaire pénale ne liait les deux pays.

L’entraide judiciaire en matière pénale s’effectue, au titre de la courtoisie internationale, au cas par cas, selon le principe de réciprocité. La coopération se développait néanmoins depuis 2010 notamment pour les affaires relatives à des infractions économiques et financières pouvant impliquer des préjudices significatifs. Il s’agit pour Singapour, pays de Common Law, de la première convention d’entraide judiciaire en matière pénale signée depuis 2005 et de la toute première signée avec un pays de tradition de droit civil.

L’article 1er énonce l’engagement de principe des Parties de s’accorder mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression est, au moment où l’entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la Partie requérante. L’entraide inclut notamment la localisation ou l’identification de personnes, la perquisition, la saisie ou encore la communication de documents publics et officiels. Elle est également accordée dans certaines procédures particulières, comme celles susceptibles d’engager la responsabilité d’une personne morale. En revanche, sont exclues, de manière classique, du champ de la convention l’exécution des décisions d’arrestation et d’extradition, l’exécution des condamnations pénales, les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun ainsi que le transfert de procédures pénales. Enfin, la convention ne vise que l’entraide judiciaire entre les Parties et ne permet pas à des personnes privées de présenter des demandes au titre de celle-ci.

L’article 2 traite des restrictions qui peuvent être apportées à l’entraide. De manière classique, celle-ci peut être refusée si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise comme politiques ou des infractions connexes à des infractions politiques ou si la Partie requise estime que l’exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d’autres de ses intérêts essentiels. En outre, l’entraide peut être refusée si elle porte préjudice à une personne pour des considérations de nature discriminatoire comme la religion, l’origine ethnique, les opinions politiques ou encore la nationalité, ainsi que si elle porte atteinte à la sécurité de la personne. Sont également refusées les demandes ayant pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l’origine de la requête ne constituent pas une infraction pénale au regard de la législation de la Partie requise.

Le texte précise en revanche que l’entraide ne peut être rejetée au seul motif que la demande se rapporte à une infraction que la Partie requise qualifie d’infraction fiscale ou lorsque la Partie requise n’impose pas le même type de taxes ou d’impôts, de douane et de change ou ne contient pas le même type de règlementation en ce domaine que la législation de la Partie requérante. De même, de manière notable, le secret bancaire ne peut être invoqué comme motif de refus. Le texte prévoit aussi que l’entraide peut être différée si l’exécution de la demande est susceptible d’entraver une enquête ou des poursuites en cours.

Enfin, par souci de favoriser chaque fois que possible la coopération, la Partie requise, avant de refuser ou de différer l’entraide, doit informer rapidement la Partie requérante des motifs de refus ou d’ajournement et consulter la Partie requérante pour décider si l’entraide peut être accordée aux termes et conditions qu’elle juge nécessaires.

Les articles 3 et 4 traitent du mode de transmission, du contenu et de la forme des demandes d’entraide.

Les deux Parties désignent le ou les autorité(s) compétentes pour émettre, transmettre et recevoir les demandes. Pour la France, il s’agit du ministère de la Justice, pour transmettre et recevoir les demandes, et des autorités judiciaires pour les émettre. Les modifications concernant ces désignations devront être notifiées à l’autre Partie par voie diplomatique. Les autorités désignées par les deux Parties exécutent rapidement les demandes ou, selon le cas, les transmettent à leurs autorités compétentes.

Le texte prévoit qu’en cas d’urgence, une demande peut être adressée par tout moyen permettant d’en obtenir une trace écrite et peut ne pas comporter tous les éléments énumérés à l’article 4. La demande formelle devra alors être transmise dans un délai de quinze jours sauf si les Parties s’accordent sur un délai plus long.

Les demandes doivent, classiquement, comporter un certain nombre d’informations, listées par l’article 4, telles que l’autorité compétente ayant émis la demande, l’objet et le motif de la demande ou encore les textes applicables définissant et réprimant les infractions ainsi que les mesures d’entraide demandées. La Partie requise peut demander des informations complémentaires si elle estime que les informations transmises par la Partie requérante sont insuffisantes pour y donner suite conformément à la convention. Cet article est particulièrement détaillé, et ce afin de permettre d’une part d’attirer l’attention des praticiens français sur les exigences particulières liées aux spécificités du droit singapourien, et d’autre part de simplifier d’autres dispositions qui étaient initialement très complexes dans la contre-proposition singapourienne.

L’article 5 fixe les conditions d’exécution des demandes d’entraide. Celles-ci, classiquement, sont exécutées en accord avec la législation de la Partie requise. La Partie requérante peut demander l’application de formalités et de procédures particulières à condition qu’elles ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la Partie requise. Afin de favoriser la coopération, il est en outre prévu que la Partie requise exécute la demande d’entraide dès que possible en tenant compte des échéances de procédures, ou d’autre nature, indiquées par la Partie requérante. Les auditions sous serment doivent être expressément demandées pour que la Partie requise puisse y donner suite sauf si sa législation s’y oppose.

L’article 6 traite des demandes complémentaires d’entraide judiciaire.

L’article 7 concerne la localisation ou l’identification de personnes que s’efforce d’effectuer la Partie requise à la demande de la Partie requérante.

L’article 8 traite de la demande d’obtention de preuves à laquelle la Partie requise doit s’efforcer de répondre. Une personne à qui il est demandé de fournir des éléments de preuve est autorisée à refuser si la législation pénale d’une des deux Parties le lui permet. Si elle souhaite se prévaloir d’un potentiel droit de refuser de témoigner en vertu de la législation de la Partie requérante, il reviendra à cette Partie de fournir un certificat officiel à la Partie requise établissant l’existence de ce droit.

L’article 9 concerne les demandes d’entraide afin de solliciter la comparution volontaire d’une personne se trouvant sur le territoire de la Partie requise. Des frais ou des indemnités pourront être versés ou remboursés à cette personne. Si celle-ci consent à comparaitre, la Partie requise prend les mesures nécessaires afin de faciliter la comparution.

La comparution et le retour de la personne s’effectuent conformément aux modalités convenues entre les autorités désignées par chaque Partie.

L’article 10 fixe le régime des auditions par vidéoconférence. En cas d’impossibilité pour une personne qui se trouve sur le territoire de l’une des Parties de témoigner ou de prêter son concours en personne, le témoignage peut se faire par vidéoconférence. La personne concernée ainsi que la Partie requise devront donner leur consentement.

A la suite de cette audition, les autorités désignées par la Partie requise établissent et transmettent à la Partie requérante un procès-verbal dont le contenu est fixé par l’article 10.

L’article 11 est consacré au régime du sauf-conduit intervenant dans le cadre d’une demande d’entraide et liste les règles encadrant l’immunité de la personne concernée.

L’article 12 règle le sort des produits et instruments d’infractions. La Partie requise s’efforce, sur demande, d’établir si les produits d’une infraction à la législation de la Partie requérante se trouvent dans sa juridiction et informe la Partie requérante du résultat de ses recherches. Dans sa demande, la Partie requérante communique à la Partie requise les motifs sur lesquels repose sa conviction que de tels produits peuvent se trouver dans sa juridiction.

Les Parties se prêtent une assistance mutuelle, dans la limite de leur législation nationale, en matière de confiscation des produits et instruments concernés. En cas de découverte, la Partie requise prend les mesures nécessaires autorisées par sa législation pour immobiliser ces produits ou instruments dans l’attente d’une décision définitive de la Partie requérante à leur égard. A la demande de la Partie requérante, la Partie requise peut exécuter une décision définitive de confiscation prononcée par les autorités judiciaires de la Partie requérante.

La Partie requise doit également, dans la mesure où sa législation le permet et sur demande de la Partie requérante, envisager à titre prioritaire de restituer à la Partie requérante les produits des infractions, notamment en vue de l’indemnisation des victimes ou de la restitution au propriétaire légitime, sous réserve des droits des tiers de bonne foi. Enfin, en l’absence d’un accord entre les Parties, les produits ou instruments confisqués reviennent à la Partie requise.

L’article 13 traite des mesures de perquisition, de saisie et de remise de toute pièce ou objet en lien avec une affaire pénale. La Partie requise exécute les demandes et informe la Partie requérante du résultat de leur exécution. Cette dernière se conforme aux conditions imposées par la Partie requise s’agissant de la restitution et de la garde de toute pièce saisie.

L’article 14 est consacré à la signification d’actes de procédure. La Partie requérante doit notamment transmettre sa demande au plus tard soixante jours avant la date fixée pour la réponse ou la comparution prévue. La Partie requise transmet à l’autre Partie la preuve de signification de l’acte ou, le cas échéant, l’avise d’une impossibilité de donner suite à la demande de signification.

L’article 15 aborde la question de la transmission d’informations aux fins de poursuites. Chacune des Parties peut informer l’autre de faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de cette dernière afin que des poursuites pénales puissent être diligentées sur son territoire. La Partie qui a reçu les informations fait savoir à l’autre la suite donnée à cette communication.

En vertu de l’article 16, la Partie requérante peut demander à ce que lui soit communiquées les copies de documents ou dossiers accessibles au public dont disposent des services et des organismes gouvernementaux, mais également les copies de tous documents ou dossiers non accessibles au public dont disposent des services et des organismes gouvernementaux, comme des extraits de casier.

L’article 17 traite de la dispense d’authentification des documents ou pièces transmis au titre de la présente convention. Une authentification peut toutefois être demandée expressément par l’une des Parties, dans les limites de la législation interne de la Partie requise. Les documents et pièces sont dûment authentifiés s’ils sont signés et scellés par une autorité de la Partie requise conformément à sa législation.

L’article 18 règle les questions de confidentialité et de spécialité. La Partie requérante ne peut divulguer ou utiliser une information ou un élément de preuve fourni et obtenu à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande, sans l’accord préalable écrit de la Partie requise. Cette dernière doit également prendre toutes les mesures nécessaires au respect du caractère confidentiel de la demande et de son contenu. En cas d’impossibilité de le faire, la Partie requise doit en informer la Partie requérante qui décide s’il faut néanmoins donner suite à l’exécution.

L’article 19 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel communiquées au titre de la présente convention peuvent être utilisées par la Partie à laquelle elles ont été transmises.

L’article 20 pose le principe selon lequel la demande de la Partie requérante, ainsi que les documents qui l’accompagnent, doit être traduite dans une langue officielle acceptée par la Partie requise.

L’article 21 règle la question des frais liés à l’exécution des demandes d’entraide. L’ensemble des coûts ordinaires est pris en charge par la Partie requise. Certains frais comme les frais et honoraires d’experts ou les honoraires de l’avocat engagé par la Partie requérante sont toutefois exclus de cette prise en charge. En cas de frais extraordinaires intervenant au cours de l’exécution de la demande, les Parties se consultent à l’avance pour définir les termes et conditions de l’entraide.

Les articles 22 à 25 règlent les conditions de consultations, de règlement des différends, de modifications, d’entrée en vigueur et de dénonciation de l’instrument.

Telles sont les principales observations qu’appellent la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour, signée à Singapour le 22 juillet 2020.

 


projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour, signée à Singapour le 22 juillet 2020, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

Fait à Paris, le 25 août 2021.

Signé : Jean CASTEX,

Par le Premier ministre :
Le ministre de l’Europe
et des affaires étrangères
 

Signé : Jean‑Yves LE DRIAN