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N° 4631

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2021.

PROJET DE LOI

portant reconnaissance de la Nation et réparation
des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil
sur le territoire français,

(Procédure accélérée)

(Renvoyé à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean CASTEX,

Premier ministre,

par Mme Florence PARLY,
Ministre des armées,

et par Mme Geneviève DARRIEUSSECQ,
ministre déléguée, auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Par son discours en date du 20 septembre 2021, le Président de la République a reconnu la dette de la Nation à l’égard des harkis et assimilés. Ils ont choisi de s’engager aux côtés des forces armées françaises lors de la guerre d’Algérie. Pourtant, la France a abandonné nombre d’entre eux à un sort qui s’est avéré souvent tragique dans les suites immédiates de l’accession à l’indépendance de l’Algérie ; quant à ceux d’entre eux qui ont pu regagner la France, elle les a relégués, avec leurs familles, dans des camps de transit ou d’autres types de structures où ils ont subi des conditions de vie indignes.

Le présent projet de loi tire les conséquences de ce discours. Il a pour objet de reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l’accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d’Algérie, sur son territoire après les accords d’Evian et de réparer les préjudices subis par ces personnes résultant de leurs conditions de vie, particulièrement précaires, dans les structures de transit et d’hébergement où ils ont été cantonnés.

Le chapitre Ier est destiné à reconnaître les conditions d’accueil indignes des personnes de statut civil de droit local rapatriées d’Algérie à leur arrivée sur le territoire national et à leur ouvrir un droit à réparation des préjudices qu’ils ont subis de ce fait sous la forme d’une indemnité forfaitaire.

L’article 1er exprime la reconnaissance, par la Nation, des services rendus en Algérie par les anciens membres des formations supplétives, qui ont servi la France et qu’elle a délaissés lors du processus d’indépendance de ce pays. Il reconnaît également la responsabilité de la France dans les conditions indignes de l’accueil, sur le territoire national, des personnes de statut civil de droit local rapatriées d’Algérie postérieurement aux déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie. Il dispose que ces personnes ainsi que les membres de leurs familles ont été soumis, dans certaines structures de transit et d’hébergement dans lesquelles ils ont séjourné, à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et des atteintes aux libertés individuelles qui ont pu être source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables.

L’article 2 dispose que les personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local ainsi que les membres de leurs familles ayant séjourné dans les structures mentionnées à l’article 1er ont droit à la réparation par l’État des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions de vie dans ces structures. Il détermine les conditions de mise en œuvre du droit à réparation et précise les circonstances de temps et de lieu permettant de caractériser l’existence d’un préjudice indemnisable.

Peuvent ainsi y prétendre les personnes ayant vécu dans des structures de transit et d’hébergement dont la liste est fixée par décret, entre la publication au Journal officiel de la République française des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie et la fermeture de la dernière de ces structures, le 31 décembre 1975.

Au‑delà des anciens membres des formations supplétives, le droit à réparation est ouvert à l’ensemble des personnes de statut civil de droit local rapatriées d’Algérie ainsi qu’à leurs conjoints et enfants, à condition qu’ils aient séjourné dans ces structures durant la même période.

Le régime de réparation créé instaure une présomption de dommage au profit des bénéficiaires du dispositif en leur garantissant l’octroi d’une somme forfaitaire, dont le montant est déterminé dans les conditions et selon un barème fixés par décret, en fonction de la durée de séjour dans les structures concernées. La réparation ainsi versée est réputée couvrir l’ensemble des préjudices de toute nature subis par les intéressés du fait de leurs conditions de vie dans ces structures.

L’article 3 prévoit les modalités d’instruction des demandes et de fixation du montant de la réparation. Une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles est instituée auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC‑VG). Elle est chargée de statuer sur les demandes de réparation, après instruction par les services de l’Office.

Cette commission est également chargée de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés ainsi que des conditions dans lesquelles les personnes rapatriées d’Algérie de statut civil de droit local ont été accueillies sur le territoire français.

La composition, le fonctionnement de la commission, les modalités de présentation et d’instruction des demandes de réparation ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes concernées peuvent être entendues seront précisés par décret.

L’article 4 précise les compétences de l’ONAC‑VG. À cet égard, il étend le périmètre de ses prérogatives en lui confiant le soin d’assurer l’instruction des demandes présentées en application de l’article 2 et, avec l’appui de la commission mentionnée à l’article 3, de faciliter les démarches administratives des enfants et petits‑enfants des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, notamment l’accès aux dispositifs d’aide auxquels ils peuvent prétendre, qu’ils leur soient spécifiques ou qu’il relève du droit commun.

Les articles 5 et 6 posent le principe de l’exonération de la somme forfaitaire versée en application de l’article 2 pour le calcul respectivement de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale sur les revenus d’activités et sur les revenus de remplacement.

Le chapitre II, composé d’un unique article 7, a pour objet d’actualiser de manière à le rendre plus favorable le régime de l’allocation viagère qui avait été instituée par l’article 133 de la loi n° 2015‑1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 au profit des conjoints et ex‑conjoints survivants des anciens membres des formations supplétives anciennement de statut civil de droit local, à la condition notamment que ceux‑ci aient fixé leur domicile en France.

Il supprime d’abord les deux dispositifs de forclusion opposables aux conjoints et ex‑conjoints survivants qui étaient institués au 3° du I et au II de l’article 133 de la loi n° 2015‑1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, qui prévoyaient que ces demandes n’étaient recevables que dans le délai d’un an à compter de la date du décès ou, si celui‑ci était intervenu avant la date d’entrée en vigueur de la loi, jusqu’au 31 décembre 2016. Il offre ainsi aux personnes éligibles n’ayant jamais déposé de demande ou ayant déposé, sous l’empire de la législation actuelle, une demande en dehors des délais de forclusion, le droit de prétendre à l’allocation viagère.

Il étend ensuite le bénéfice de cette allocation, d’une part, aux conjoints et ex‑conjoints survivants de personnes anciennement de statut civil de droit local qui étaient « assimilées » aux membres des formations supplétives, à l’instar du champs d’application qui avait été retenu pour l’allocation de reconnaissance, et, d’autre part, aux conjoints et ex‑conjoints des anciens membres des formations supplétives et assimilés anciennement de statut civil de droit local lorsque ceux‑ci avaient fixé leur domicile dans un autre État membre de l’Union européenne que la France.

Enfin, outre le versement de l’allocation viagère, l’article 7 ouvre à ces différentes catégories de personnes le bénéfice des arrérages de l’allocation correspondant à la période courant de la date du décès de leur conjoint ou ex‑conjoint à la date de leur demande, dans la limite de quatre ans.

 

 

 

 

 


1

projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre des armées et de la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la ministre des armées et la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, qui seront chargées d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Fait à Paris, le 3 novembre 2021.

Signé : Jean CASTEX

 

 

Par le Premier ministre :

La ministre des armées,

Signé : Florence PARLY

 

La ministre déléguée auprès de la ministre des armées,
chargée de la mémoire et des anciens combattants,

Signé : Geneviève DARRIEUSSECQ

 

 


Chapitre Ier

MESURES DE RECONNAISSANCE ET DE RÉPARATION

Article 1er

La Nation exprime sa reconnaissance aux harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a délaissés.

Elle reconnaît sa responsabilité du fait des conditions indignes de l’accueil sur son territoire, postérieurement aux déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie, des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles hébergés dans certaines structures où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et des atteintes aux libertés individuelles qui ont pu être source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables.

Article 2

Les personnes mentionnées à l’article 1er, leurs conjoints et leurs enfants, qui ont séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans l’une des structures destinées à les accueillir et dont la liste est fixée par décret, peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions de vie dans ces structures.

La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans les conditions et selon un barème fixés par décret. Son montant est réputé couvrir l’ensemble des préjudices de toute nature subis à raison de ce séjour. Il tient compte, le cas échéant, des sommes déjà perçues en réparation des mêmes chefs de préjudice.

Article 3

Il est institué auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles. Elle est chargée :

1° De statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l’article 2, après instruction par les services de l’Office ;

2° De contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés ainsi que des conditions dans lesquelles les personnes mentionnées à l’article 2 ont été rapatriées et accueillies sur le territoire français ;

3° D’apporter son appui à l’Office dans la mise en œuvre des missions définies aux 3° et 3° bis de l’article L. 611‑5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

À la demande de la commission et pour le seul exercice des missions de celle‑ci, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre peut solliciter de tout service de l’État, collectivité publique ou organisme gestionnaire de prestations sociales communication de tous renseignements utiles.

Un décret précise la composition et le fonctionnement de la commission, les modalités de présentation et d’instruction des demandes de réparation ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes concernées peuvent être entendues.

Article 4

L’article L. 611‑5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :

1° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis D’assurer l’instruction des demandes présentées en application de l’article 2 de la loi n°           du              portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français ; »

2° Au 2°, les mots : « à ce titre » sont remplacés par les mots : « au titre des 1° et 1° bis » ;

3° Après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis De faciliter les démarches administratives des descendants jusqu’au second degré des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, notamment l’accès aux dispositifs d’aide spécifiques ou de droit commun auxquels ils peuvent prétendre ; ».

Article 5

Le 4° de l’article 81 du code général des impôts est complété par un d ainsi rédigé :

« d) La réparation prévue à l’article 2 de la loi n°          du          portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français ; ».

Article 6

Le II de l’article L. 136‑1‑3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « assujetties » est remplacé par le mot : « assujettis » ;

2° Après le 5°, il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° La réparation prévue à l’article 2 de la loi n°           du         portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français. »

Chapitre II

MESURES D’AIDE SOCIALE

Article 7

L’article 133 de la loi n° 2015‑1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France » sont remplacés par les mots : « formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, si ceux‑ci ont fixé leur domicile en France, selon des modalités fixées par décret » ;

b) Le 3° est abrogé ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II.- S’ils n’ont présenté leur demande d’attribution de l’allocation viagère ni avant le 31 décembre 2016 ni dans l’année ayant suivi le décès, les conjoints et ex‑conjoints survivants d’un ancien membre des formations supplétives ou assimilé décédé avant la date d’entrée en vigueur de la loi n°            du           peuvent y prétendre, sous réserve du respect des conditions prévues au I. » ;

3° Au III, les mots : « au I » sont remplacés par les mots : « aux I, II et IV » et après le mot : « supplétives », sont insérés les mots : « ou assimilé » ;

4° Les IV et V sont remplacés par les dispositions suivantes :

« IV. – Sous réserve du respect des conditions prévues aux 1° et 2° du I, sont éligibles à l’allocation viagère les conjoints et ex‑conjoints mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité survivants des anciens membres des formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local, si ceux‑ci ont servi en Algérie et fixé leur domicile dans un autre État de l’Union européenne.

« V. – Les personnes mentionnées au II et au IV bénéficient des arrérages de l’allocation afférents à la période remontant jusqu’au décès de leur conjoint, dans la limite des quatre années précédant celle de leur demande. »