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N° 2462

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024.

PROJET DE LOI

relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie,

 

(Renvoyé à une commission spéciale.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Gabriel ATTAL,

Premier ministre,

par Mme Catherine VAUTRIN,
ministre du travail, de la santé et des solidarités,

et par M. Frédéric VALLETOUX,
ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé
et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention
 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Ces vingt dernières années, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour affirmer la prise en considération de l’autonomie et du choix du patient en fin de vie et consacrer le principe du respect de sa dignité.

La loi a ainsi permis que la personne malade, consciente et en capacité d’exprimer sa volonté de façon libre et éclairée, puisse refuser toute investigation ou tout traitement, même si ce refus est susceptible de mettre sa vie en danger. Elle a institué et rendu opposables les directives anticipées par lesquelles la personne peut préciser par avance ses souhaits, dans l’hypothèse où elle ne serait plus en mesure d’exprimer sa volonté. La loi a également condamné l’acharnement thérapeutique en interdisant les actes de soins qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie : de tels traitements peuvent ainsi être arrêtés ou limités, soit à la demande de la personne malade si celle‑ci est en état de manifester sa volonté, soit si elle est inconsciente, sur décision du médecin, à l’issue d’une procédure collégiale qui tient compte de ses directives anticipées ou des vœux qu’elle a exprimés auprès de sa personne de confiance ou de ses proches. La loi a aussi autorisé la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, pour soulager les souffrances insupportables ou réfractaires aux traitements d’une personne atteinte d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme.

La volonté du patient, la recherche de l’apaisement et la préservation de la dignité de la personne malade sont au cœur de ces avancées législatives. Elles constituent également le fondement de l’ensemble des mesures qui ont été engagées, dans le cadre des cinq plans quinquennaux mis en œuvre depuis 1999, pour développer l’offre de soins palliatifs, afin de mieux soulager les souffrances des personnes malades et de mieux les accompagner aux différents stades de la maladie, et non exclusivement au stade de la fin de vie.

Si l’ensemble de ces évolutions ont d’ores et déjà considérablement modifié l’approche de la fin de la vie, les rapports, les études et les débats menés ces toutes dernières années montrent toutefois qu’il est encore imparfaitement répondu à deux demandes sociétales fortes qui coexistent aujourd’hui : celle de pouvoir accéder de façon équitable aux soins palliatifs en tout lieu du territoire et celle de pouvoir décider de sa mort, ainsi que l’a relevé le Comité consultatif national d’éthique dans son avis du 13 septembre 2022 sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie. C’est ce qui ressort également des rapports émanant de plusieurs missions d’évaluation et de contrôle, dont ceux de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi du 2 février 2016 dite « Claeys‑Leonetti » et de la Cour des comptes relatif à la politique des soins palliatifs, mais aussi de l’avis de l’Académie nationale de médecine « Favoriser une fin de vie digne et apaisée : Répondre à la souffrance inhumaine et protéger les personnes les plus vulnérables » ou des travaux menés par la Convention citoyenne pour la fin de vie, réunie sous le pilotage du Conseil économique, social et environnemental. Dans son rapport au président de la République remis le 3 avril 2023, les cent quatre‑vingt‑quatre membres de cette convention se sont exprimés sur la nécessité de renforcer l’accès aux soins palliatifs. 75 % de ses membres se sont positionnés en faveur d’une aide à mourir, considérant que le cadre légal en vigueur était insuffisant.

Ces constats et ces revendications sociétales, exprimés dans différents cadres et instances, appellent une réponse qui implique de concilier notre devoir de solidarité envers les personnes les plus vulnérables d’une part, en créant les conditions du développement de mesures fortes en faveur des soins d’accompagnement, et le respect de l’autonomie de la personne d’autre part, en ouvrant la possibilité d’accéder à une aide à mourir, sous certaines conditions strictes, afin de pouvoir traiter les situations de souffrance que rencontrent certaines personnes dont le pronostic vital est engagé de manière irrémédiable.

Pour faire face aux besoins de nos concitoyens, des instructions ont été données, en 2023, aux agences régionales de santé pour structurer, au niveau local, des filières territoriales de soins palliatifs. Les propositions formulées en novembre dernier dans le cadre des travaux conduits par l’instance de réflexion stratégique chargée de la préfiguration de la stratégie nationale des soins palliatifs, de la prise en charge de la douleur et de la fin de vie ont servi de base à l’élaboration de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, dont l’ambition est de déterminer et de mettre en œuvre, pour les dix années à venir, un modèle rénové et renforcé de prise en charge de la douleur chronique ou aiguë et de l’accompagnement de la fin de vie, fondé sur une logique d’anticipation et de pluridisciplinarité. La gouvernance, le pilotage et le suivi de cette stratégie seront confiés une instance créée pour une durée analogue à celle‑ci. La redéfinition de la notion des soins d’accompagnement ainsi que la création des maisons d’accompagnement et du plan personnalisé d’accompagnement, portées par le présent projet de loi, participent directement à la rénovation de cette politique.

Par l’institution d’une aide à mourir, le Gouvernement a souhaité, par ce projet de loi qui s’inscrit dans le sillage des évolutions législatives engagées depuis 2002, dessiner un cadre permettant d’assurer un point d’équilibre entre ce qu’une majorité des Français revendique et des conditions strictes d’accès à cette aide, telles qu’elles ont pu être tracées par le Comité consultatif national d’éthique.

Le projet de loi repose sur deux titres complémentaires.

Le titre Ier est relatif aux soins d’accompagnement et aux droits des malades.

Le projet de loi prévoit, dans son article 1er, de rénover l’approche de la prise en charge de la douleur et de la fin de vie, en intégrant la notion de soins palliatifs définie à l’actuel article L. 1110‑10 du code de la santé publique, dans celle plus englobante de « soins d’accompagnement ». Les soins d’accompagnement ne se résument ainsi pas aux soins palliatifs, entendus comme les soins médicaux destinés à traiter la douleur, mais doivent désormais se définir plus largement comme les soins qui visent à anticiper, prévenir et soulager les souffrances dès l’annonce du diagnostic et aux différents stades de la maladie afin d’améliorer la qualité de vie des personnes malades et de leur entourage, et de préserver leur dignité et leur bien‑être. Ils couvrent ainsi d’autres soins que les soins palliatifs, tels que les soins de support (prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychologique, aide à la pratique d’une activité physique adaptée etc.) ou encore les soins de confort (musicothérapie, massage, soins socio‑esthétiques etc.), et plus largement toutes les mesures et soutiens mis en œuvre pour répondre aux besoins de la personne malade, médicaux ou non médicaux, de nature physique, psychique ou sociale, et à ceux de ses proches aidants. Le principe d’un accompagnement pluridisciplinaire, qui figure déjà à l’article L. 1110‑11 du code de la santé publique, est ainsi réaffirmé. En soulignant la nécessité d’une prise en charge anticipée, adaptée et évolutive en fonction des différents stades de la maladie, l’article 1er insiste également sur l’enjeu d’une démarche palliative initiée précocement, y compris à domicile, et régulièrement réévaluée pour améliorer la qualité de vie du patient jusqu’à la mort.

L’article 2 crée une nouvelle catégorie d’établissement médico‑social dans le code de l’action sociale et des familles pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leur entourage, dénommée « maison d’accompagnement ». Structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital, elles seront composées de petites unités de vie qui proposeront une prise en charge globale et pluridisciplinaire aux personnes en fin de vie et à leurs proches. Celles‑ci pourront y être admises lorsque le retour à domicile, à la suite d’une hospitalisation, n’est pas possible, ou encore lorsque la prise en charge à domicile ou en établissement médico‑social ne s’avère pas adaptée, afin d’éviter une hospitalisation en établissement de santé. Ces établissements sont autorisés par le directeur général de l’agence régionale de santé et financés par l’Assurance maladie sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie spécifique et par un forfait journalier à la charge des personnes accueillies.

L’article 3 consacre la création d’un dispositif de coordination autour du patient en instituant et systématisant, dans le cadre de l’annonce du diagnostic d’une affection grave, de proposer au patient un temps d’échange dédié à l’anticipation, à la coordination et au suivi des prises en charge sanitaire, psychologique, sociale et médico‑sociale de la personne malade et de son entourage de façon à pouvoir organiser la coordination des prises en charge, dans une démarche de planification anticipée de leurs besoins (« advance care planning » dans la littérature et la pratique anglo‑saxonnes). Dans le cadre de ces échanges, le professionnel de santé aura la responsabilité d’initier la mise en place d’un plan personnalisé d’accompagnement. Ce plan, qui doit identifier les besoins actuels ou à venir du patient, dans leurs dimensions médicales, médico‑sociales et sociales et qui comporte un volet relatif à la prise en charge de la douleur, a vocation à l’accompagner dans son parcours et à évoluer en fonction des développements de la maladie et des adaptations nécessaires des prises en charge.

En deuxième lieu, le Gouvernement souhaite renforcer l’accompagnement et les droits des patients et de leurs aidants.

L’article 4 comporte plusieurs mesures d’amélioration des modalités selon lesquelles toute personne peut formuler, par anticipation, ses souhaits en matière de prise en charge médicale afin d’en faciliter la connaissance par ses proches et les professionnels de santé, dans l’hypothèse où elle ne serait plus en mesure d’exprimer sa volonté. Il prévoit que les personnes qui ont bénéficié d’un plan personnalisé d’accompagnement pourront l’annexer à leurs directives anticipées. Il prévoit également la possibilité pour toute personne d’enregistrer ses directives anticipées dans l’espace numérique de santé afin d’en faciliter la consultation par les professionnels de santé, ainsi que la possibilité pour le titulaire de l’espace numérique de santé d’en déléguer l’accès à un proche aidant, afin qu’il l’accompagne dans sa prise en charge. Cette délégation d’accès est entourée de garanties, qui permettent notamment d’assurer la protection des droits de personnes mineures et des majeurs protégés.

Le titre II est relatif à l’aide à mourir.

Le chapitre Ier de ce titre est consacré à la définition de l’aide à mourir.

L’article 5 définit l’aide à mourir. Elle consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne.

Le chapitre II est consacré aux conditions d’accès à l’aide à mourir.

L’article 6 définit les conditions d’accès à cette aide à mourir. Sont éligibles à cette aide les personnes âgées d’au moins 18 ans, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, capables de manifester leur volonté de façon libre et éclairée, atteintes d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme et présentant une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à cette affection.

La condition liée à la capacité de manifester sa volonté de façon libre et éclairée implique que la personne qui demande une aide à mourir prenne sa décision sans pression intérieure ni extérieure, en toute connaissance de cause, c’est‑à‑dire en ayant conscience de la portée et des conséquences de son choix. Le recours à la notion de volonté permet d’exprimer le caractère central de la décision de la personne dans le processus d’aide à mourir, qui ne doit pas être subi par la personne malade ni imposé par les professionnels de santé. Le projet de loi précise que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée.

Pour accéder à l’aide à mourir, la personne doit être atteinte d’une maladie grave et incurable. Cette condition s’inscrit dans la continuité de celles exigées pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès prévue par la loi Claeys‑Leonetti en 2016. Cela signifie que la personne doit être atteinte d’une maladie qui engage son pronostic vital (maladie grave) et qui ne peut être guérie (maladie incurable). La personne doit voir son pronostic vital engagé à court ou moyen terme du fait de cette pathologie. Selon la Haute autorité de santé, « On parle de pronostic vital engagé à court terme lorsque le décès du patient est attendu dans quelques heures à quelques jours. ». Le moyen terme se compte, quant à lui, en semaine ou mois et correspond à une période pour laquelle l’évaluation peut être endossée par un professionnel de santé.

La personne doit également présenter une souffrance réfractaire ou insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements : les deux adjectifs
« réfractaire » et « insupportable » sont importants pour englober toutes les souffrances que peuvent ressentir les personnes en fin de vie sans perspective d’amélioration de leur situation. Cette souffrance, qui peut être physique ou psychologique, doit cependant être en lien avec l’affection qui engage son pronostic vital, ce qui exclut les souffrances exclusivement liées à des troubles psychiques ou psychologiques.

Le chapitre III est consacré à l’ensemble de la procédure d’aide à mourir.

L’article 7 précise les conditions de présentation d’une demande d’aide à mourir. La personne malade qui souhaite accéder à l’aide à mourir doit d’abord en faire la demande à un médecin en activité qui n’est pas un membre de sa famille ni son ayant droit. Sont regardés comme membres de la famille de la personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir un parent, un allié, le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ou un ayant droit de la personne. Cette dernière ne peut présenter simultanément plusieurs demandes.

La personne qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne doit l’indiquer au médecin.

Le médecin qui accepte d’examiner cette demande, doit informer la personne sur son état de santé, les perspectives de son évolution, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles. Il doit également lui proposer de bénéficier des soins palliatifs définis à l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique et s’assurer que la personne peut y avoir accès en pratique si elle en a exprimé la demande. Il doit enfin lui indiquer qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande et lui expliquer les conditions d’accès à l’aide à mourir et sa mise en œuvre.

L’article 8 définit la procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale. Le médecin doit d’avoir vérifié le respect des conditions d’âge, de nationalité et de résidence (I).

Il doit ensuite procéder à un examen médical de la personne malade. Pour procéder à l’appréciation de la situation médicale de celle‑ci, le médecin recueille l’avis d’un autre médecin qui ne connait pas la personne, spécialiste de la pathologie de celle‑ci si lui‑même ne l’est pas, et d’un auxiliaire médical ou d’un aide‑soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical.

Il peut également recueillir l’avis d’autres professionnels, notamment de psychologues, infirmiers ou aides‑soignants, qui interviennent auprès de la personne. Lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, le médecin doit informer la personne chargée de la mesure de protection et tenir compte des observations qu’elle formule le cas échéant (II).

La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir doit intervenir dans un délai maximum de quinze jours suivant la demande. Cet encadrement vise à protéger l’accès de la personne à l’aide à mourir contre un traitement dilatoire de sa demande. La décision motivée est notifiée à la personne. Lorsqu’un majeur protégé a demandé l’aide à mourir, la personne en charge d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne est informée par le médecin de la décision qu’il a prise (III).

Après avoir été informée de ce qu’elle pouvait avoir recours à la procédure d’aide à mourir, la personne dispose d’un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à deux jours, avant de confirmer au médecin sa volonté d’accéder à une aide à mourir. Il n’y a en revanche pas de délai maximal. Cependant, si ce délai de réflexion dépasse trois mois ou si l’aide à mourir n’est pas réalisée dans ce délai, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne (IV).

Après confirmation de sa demande, le médecin mentionné au I doit informer la personne sur les modalités d’administration et d’action de la substance létale. Il s’agit d’une information personnalisée sur les produits, le mode d’administration qui sera utilisé, l’existence d’une procédure en cas d’incident, la durée etc. Il détermine également, avec la personne, le professionnel de santé, qui peut être soit un médecin soit un infirmier, chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale (V).

Le médecin prescrit la préparation magistrale létale et adresse cette prescription à une pharmacie à usage intérieur autorisée à préparer la substance létale. Seules les PUI désignées par arrêté ministériel pourront en effet préparer et dispenser la préparation magistrale létale. Elles seront aussi chargées de sa traçabilité dans le système d’information dédié (VI).

L’article 9 précise les droits de la personne dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. Il s’agit du droit de convenir, avec le médecin ou l’infirmier qui l’accompagnent, de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale, d’être accompagnée par la ou les personnes de son choix et du droit à ce que la procédure ait lieu hors de son domicile. Il devra néanmoins être tenu compte dans l’exercice de ces droits des contraintes, notamment de sécurité, qui pourraient se poser pour la mise en œuvre de l’aide à mourir. En effet, des considérations de sécurité pourraient faire obstacle à ce qu’une personne malade, hospitalisée, puisse être accompagnée par un trop grand nombre de personnes. De même, la possibilité pour la personne de demander à mourir hors de son domicile ne lui confère pas un droit à choisir tout lieu de réalisation. Si la date retenue est postérieure à un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, le médecin mentionné à l’article 7 devra évaluer à nouveau, à l’approche de cette date, le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne.

L’article 10 prévoit, dans un souci de sécurisation du dispositif, que lorsque la date de l’administration de la substance létale est fixée, la pharmacie à usage intérieur mentionnée au second alinéa du VI de l’article 8 réalise la préparation magistrale létale et la transmet à la pharmacie d’officine désignée par le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne. La pharmacie d’officine délivre la préparation magistrale létale à ce professionnel de santé. Lorsque la personne est admise ou hébergée dans un établissement qui est doté d’une pharmacie à usage intérieur, cette dernière remplit les missions de la pharmacie d’officine.

Comme indiqué, le professionnel de santé qui accompagne la personne le jour de la réalisation de l’aide à mourir peut être un médecin ou un infirmier : il doit en effet pouvoir intervenir en cas d’incident. Le professionnel chargé d’accompagner la personne vérifie également que la personne veut toujours procéder à l’administration. Il prépare, le cas échéant, l’administration de la substance létale et assure la surveillance de son administration (I de l’article 11). Si la personne demande néanmoins un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et convient d’une nouvelle date dans les conditions prévues à l’article 9 (II du même article).

L’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle‑même ou, lorsque celle‑ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par un proche ou une personne volontaire qu’elle désigne lorsqu’aucune contrainte n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne. Lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire. Il doit toutefois se trouver à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (III du même article). Le décès de la personne est constaté par un professionnel habilité qui enregistre la fin de la procédure dans le système d’information dédié (IV du même article). Le professionnel de santé qui accompagne la personne dresse un compte‑rendu de la mise en œuvre des actes prévus aux I à III de l’article 11. Il assure enfin le retour de la préparation magistrale létale à la pharmacie d’officine lorsque celle‑ci n’a pas été utilisée ou ne l’a été que partiellement. Les produits ainsi collectés par l’officine sont détruits dans des conditions sécurisées conformément à l’article L. 4211‑2 du code de la santé publique (V du même article).

L’article 12 prévoit qu’il peut être fin à la procédure dans trois hypothèses : premièrement, si la personne renonce à l’aide à mourir ; deuxièmement, si le médecin chargé de se prononcer sur la demande prend connaissance, postérieurement à sa décision, d’éléments d’information le conduisant à considérer que les conditions mentionnées à l’article 7 n’étaient pas remplies ou cessent de l’être ; troisièmement, si la personne refuse l’administration de la substance létale.

Le même article prévoit que toute nouvelle demande doit être présentée selon les modalités prévues à l’article 7.

L’article 13 précise qu’afin d’assurer la traçabilité de chaque procédure d’aide à mourir, les différents actes qui jalonnent celle‑ci donne lieu à un enregistrement, par les professionnels concernés, dans un système d’information.

L’article 14 dispose que la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne qui en fait l’objet. Cette disposition a pour conséquence d’interdire tout recours d’un tiers contre une telle décision. Ce contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative.

L’article 15 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application de l’ensemble de ces dispositions.

Le chapitre IV est consacré à la clause de conscience des professionnels de santé.

L’article 16 poursuit deux objets distincts mais complémentaires. D’une part, il institue une clause de conscience pour les professionnels de santé qui ne souhaiteraient pas participer à la procédure d’aide à mourir (I). Ils sont alors tenus, ainsi que cela est déjà prévu en matière d’interruption volontaire de grossesse, de communiquer à la personne le nom des professionnels de santé susceptibles de les remplacer. Seuls les pharmaciens ne peuvent bénéficier d’une telle clause. Par ailleurs, une hospitalisation ou un hébergement dans un EHPAD ne peut pas faire obstacle à l’accès d’une personne malade à l’aide à mourir. Ainsi, si, au sein d’un établissement de santé ou d’un établissement médico‑social, aucun médecin ne veut traiter de demande d’aide à mourir ou si aucun professionnel de santé ne souhaite accompagner une personne, le responsable de la structure sera tenu d’y permettre l’intervention à cette fin d’un autre professionnel de santé et des personnes désignées par la personne pour l’assister (II). D’autre part, cet article invite les professionnels qui seraient volontaires pour participer à la procédure d’aide à mourir à se déclarer auprès de la commission créée à l’article 17, qui centralisera ainsi les coordonnées des professionnels volontaires (III).

Le chapitre V est consacré aux procédures de contrôle et d’évaluation du dispositif d’accompagnement à l’aide à mourir.

L’article 17 prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation, placée auprès du ministre chargé de la santé. Celle‑ci aura trois missions. Elle sera d’abord chargée du contrôle du respect, pour chaque procédure d’aide à mourir, des conditions prévues aux chapitres II et III du présent titre. Elle procèdera à ce contrôle à partir notamment des données enregistrées dans le système d’information mentionné à l’article 13.

Elle sera également chargée du suivi et de l’évaluation de l’application du présent titre, ce qui lui permettra d’en informer annuellement le Gouvernement et le Parlement et de formuler des recommandations.

Elle assurera enfin la gestion du registre des professionnels de santé se déclarant disposés à participer à la mise en œuvre des dispositions relatives à l’aide à mourir. Ce registre a pour objet de permettre d’orienter les personnes demandant l’aide à mourir vers des professionnels volontaires, dans l’hypothèse où un professionnel de santé leur oppose sa clause de conscience.

La commission de contrôle et d’évaluation devant être regardée comme une « autorité constituée » au sens de l’article 40 du code de procédure pénale, elle sera tenue, si elle suspecte, dans le cadre de son contrôle, que des faits sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, d’effectuer un signalement au procureur de la République, à qui seul appartiendra d’apprécier l’opportunité d’engager des poursuites. Si elle estime que des faits sont susceptibles de constituer un manquement aux règles déontologiques ou professionnelles, elle pourra aussi saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent (I).

Cette commission sera responsable du système d’information (SI) dédié au suivi de la procédure d’aide à mourir. La mise en place de ce SI permettra donc d’assurer, de façon certaine, la traçabilité de chacune des procédures d’aide à mourir, depuis la demande jusqu’à l’enregistrement du décès de la personne, et à la commission de vérifier que la réglementation a bien été respectée. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, déterminera les caractéristiques principales de ce traitement de données (II). La composition de la commission et ses règles de fonctionnement propres à garantir son indépendance et son impartialité, ainsi que les modalités d’examen, pour chaque personne ayant demandé l’aide à mourir, du respect des conditions prévues aux chapitres II et III du présent titre, seront déterminées par décret en Conseil d’État.

Ce même article prévoit que les médecins membres de la commission peuvent accéder, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission, au dossier médical de la personne ayant procédé ou fait procéder à l’administration de la substance létale (III).

L’article 18 confie à la Haute autorité de santé et à l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé la mission d’évaluer les substances létales qui seront utilisées pour la mise en œuvre de l’aide à mourir. La Haute autorité de santé se voit ainsi confier la mission d’établir des recommandations de bonnes pratiques, incluant une liste de produits susceptibles, isolément ou de manière combinée, d’être utilisés dans le cadre de l’aide à mourir, indépendamment de leur autorisation de mise sur le marché.

Cet article prévoit également que les produits destinés à l’aide à mourir sont insérés dans un circuit spécifique et sécurisé, dont les modalités seront précisées par décret. L’ordonnance prescrivant la substance létale est envoyée par le prescripteur à une pharmacie à usage intérieur spécialement autorisée. Une liste limitative des pharmacies à usage intérieur autorisées sera en effet fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. La pharmacie à usage intérieur procèdera à la préparation, à la facturation à l’assurance maladie. Elle préparera les produits dans un emballage qui garantit leur confidentialité, leur bonne conservation et la sécurité du transport, avant de les confier à un transporteur en capacité d’assurer, dans les meilleurs délais, la livraison des produits à la pharmacie d’officine désignée (ou à la PUI de l’établissement qui accueille la personne malade).

Le chapitre VI comporte diverses dispositions permettant d’assurer la mise en œuvre du dispositif.

L’article 19 prévoit la prise en charge par l’assurance maladie des frais exposés dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide à mourir en complétant, dans le code de la sécurité sociale, la liste des frais relevant de la protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie. Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixera le prix de cession des préparations magistrales létales pris en charge dans le cadre de l’aide à mourir, couvrant les frais de leur réalisation, de leur acheminement et de délivrance, ainsi que le tarif des honoraires ou rémunérations forfaitaires des professionnels de santé pour les missions réalisées dans le cadre de l’aide à mourir, qui ne pourront pas donner lieu à dépassement ni franchise.

L’article 20 a pour objet de neutraliser les dispositions législatives du code des assurances et de la mutualité qui prévoient des exclusions de garantie en cas de suicide la première année (ou dans l’année suivant un avenant d’augmentation des garanties) en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir.

L’article 21 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant de :

– d’étendre et d’adapter en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis‑et‑Futuna, les dispositions de la présente loi ainsi que, le cas échéant, les dispositions d’autres codes et lois nécessaires à son application, en tant qu’elles relèvent de la compétence de l’État ;

– de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions aux caractéristiques en matière de santé et de sécurité sociale particulières à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et à Mayotte.

 


1

projet de loi

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre du travail, de la santé et des solidarités et du ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté à l'Assemblée nationale par la ministre du travail, de la santé et des solidarités et le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, qui seront chargés d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

 

Fait le 10 avril 2024.

Signé : Gabriel ATTAL

 

Par le Premier ministre :

 

La ministre du travail, de la santé et des solidarités,
Signé : Catherine VAUTRIN

 

Le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé
et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention,
Signé : Frédéric VALLETOUX

 

 


TITRE Ier

renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades

Article 1er

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 1110‑5‑1, les mots : « les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110‑10. » sont remplacés par les mots : « des soins palliatifs. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 1110‑8, le mot : « palliatifs » est remplacé par les mots : « d’accompagnement » ;

3° À l’article L. 1110‑9, les mots : « palliatifs et à un accompagnement » sont remplacés par les mots : « d’accompagnement, dont des soins palliatifs. » ;

4° L’article L. 1110‑10 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 111010. – Les soins d’accompagnement mettent en œuvre le droit fondamental à la protection de la santé mentionné à l’article L. 1110‑1. Ils ont pour objet, à l’initiative et sous la conduite des médecins et des professionnels de l’équipe de soins d’offrir une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien‑être.

« Dans le respect de la volonté de la personne, ils anticipent, évaluent et procurent, dès le début de la maladie puis de façon renouvelée :

« 1° Une réponse aux besoins physiques, dont le traitement de la douleur, ainsi qu’aux besoins psychologiques et sociaux de la personne malade ;

« 2° Des soins palliatifs, délivrés de façon active et continue, destinés à soulager sa douleur et à apaiser sa souffrance psychique ;

« 3° Un soutien à l’entourage de la personne malade.

« Ils sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire. Ils sont prodigués quel que soit le lieu de résidence ou de soins de la personne malade. » ;

5° La troisième phrase du premier alinéa du I de l’article L. 1111‑2 est remplacée par les dispositions suivantes : « Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile, notamment les soins d’accompagnement mentionnés à l’article L. 1110‑10. » ;

6° À la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 1111‑4, les mots : « les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110‑10 » sont remplacés par les mots : « des soins palliatifs. » ;

II. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au 5° de l’article L. 311‑1, les mots : « et d’accompagnement, y compris à titre palliatif » sont remplacés par les mots : « d’accompagnement et de soins mentionnés à l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique » ;

2° À l’avant‑dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 311‑8, le mot : « palliatifs » est remplacé par les mots : « d’accompagnement mentionnés à l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique ».

Article 2

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 312‑1 est ainsi modifié :

a) Après le 17° du I, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° Les maisons d’accompagnement qui ont pour objet d’accueillir et d’accompagner des personnes en fin de vie et leurs proches. » ;

b) Le II est ainsi modifié :

– au deuxième alinéa, la référence : « et 7° » est remplacée par la référence : « , 7° et 18° » ;

– au quatrième alinéa, la référence : « et au 17° » est remplacée par la référence : « , au 17° et au 18° » ;

2° Au b de l’article L. 313‑3, la référence : « et 12° » est remplacée par la référence : « , 12° et 18° » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 314‑3‑3, la référence : « au 9° » est remplacée par la référence : « aux 9° et 18° » ;

4° Au titre IV du livre III, il est créé un chapitre X ainsi rédigé :

« Chapitre X

« Maisons d’accompagnement

« Art. L. 34101. – Les personnes suivies dans les établissements et services mentionnés au 18° de l’article L. 312‑1 ont accès à l’ensemble des soins mentionnés à l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique. »

Article 3

Après l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110‑10‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110101.  Dès l’annonce du diagnostic d’une affection grave, le médecin ou un professionnel de santé de l’équipe de soins propose au patient, à l’issue d’échanges au cours desquels celui‑ci peut être assisté de personnes de son choix, la formalisation d’un plan personnalisé d’accompagnement. Ce plan est élaboré à partir des besoins et des préférences du patient et évolue avec ceux‑ci. Il est dédié à l’anticipation, à la coordination et au suivi des prises en charge sanitaire, psychologique, sociale et médico‑sociale et comporte un volet relatif à la prise en charge de la douleur. Il est utilisé par les professionnels qui interviennent auprès du patient et qui, s’il y a lieu, le complètent, en lien avec ce dernier. »

Article 4

I. – L’article L. 1111‑11 du code de la santé publique est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par les dispositions suivantes : « La personne qui bénéficie d’un plan personnalisé d’accompagnement selon les modalités prévues à l’article L. 1110‑10‑1 peut l’annexer à ses directives anticipées. » ;

b) Les deux dernières phrases du cinquième alinéa sont remplacées par les dispositions suivantes :

« Les directives anticipées peuvent notamment être conservées dans le dossier médical partagé mentionné à l’article L. 1111‑14. Lorsque tel est le cas, leur existence est régulièrement rappelée à leur auteur dans l’espace numérique de santé mentionné à l’article L. 1111‑13‑1. » ;

II. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° Le IV de l’article L. 1111‑13‑1 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Le titulaire de l’espace numérique de santé en est le gestionnaire et utilisateur. Il peut autoriser la personne de confiance prévue à l’article L. 1111‑6, un parent ou un proche à accéder à son espace numérique de santé et à y effectuer pour son compte toute action. Cette autorisation est révocable à tout moment.

« Lorsque le titulaire de l’espace numérique de santé est un mineur, ses représentants légaux sont gestionnaires et utilisateurs de l’espace numérique de santé. Ils ne peuvent déléguer ce rôle à un tiers.

« Lorsque le titulaire de l’espace numérique de santé est une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure de protection dispose, au même titre que le titulaire, d’un accès à l’espace numérique de santé, à l’exclusion de tout autre tiers. Lorsque le titulaire n’est pas apte à exprimer sa volonté, la personne chargée de la mesure de protection peut le gérer pour son compte, en tenant compte de son avis.

« À tout moment, le gestionnaire de l’espace numérique de santé peut décider : « ; 

b) Au 1°, avant les mots : « De proposer un accès temporaire ou permanent à son espace numérique de santé » sont insérés les mots : « Sans préjudice des dispositions qui régissent l’accès des professionnels de santé au dossier médical partagé prévues aux articles L. 1111‑16, L. 1111‑17 et L. 1111‑18 » ;

2° Le quatrième alinéa de l’article L. 1111‑14 est supprimé.

TITre II

Aide À mourir

Chapitre Ier

Définition

Article 5

L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne.

L’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122‑4 du code pénal.

Chapitre II

Conditions d’accès

Article 6

Pour accéder à l’aide à mourir, une personne doit répondre aux conditions suivantes :

1° Être âgée d’au moins 18 ans ;

2° Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;

3° Être atteinte d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme ;

4° Présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements ;

5° Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Chapitre III

Procédure

Article 7

I. – La personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande expresse à un médecin en activité qui n’est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni un ayant droit de la personne.

La personne ne peut présenter simultanément plusieurs demandes.

La personne qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne l’indique au médecin.

II. – Le médecin :

1° Informe la personne sur son état de santé, les perspectives de son évolution, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles ;

2° Propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs définis à l’article L. 1110‑10 du code de la santé publique et s’assure, le cas échéant, qu’elle puisse y accéder ;

3° Indique à la personne qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ;

4° Explique à la personne les conditions d’accès à l’aide à mourir et sa mise en œuvre.

Article 8

I. – Le médecin mentionné à l’article 7 vérifie que la personne remplit les conditions prévues à l’article 6.

Les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peuvent pas être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée.

II. – Pour procéder à l’appréciation des conditions mentionnées aux 3° à 5° de l’article 6, le médecin :

1° Recueille l’avis :

a) D’un médecin qui remplit les conditions du premier alinéa de l’article 7 et qui n’intervient pas auprès de la personne, spécialiste de la pathologie de celle‑ci si lui‑même ne l’est pas. Ce médecin a accès au dossier médical de la personne et il peut examiner la personne avant de rendre son avis ;

b) D’un auxiliaire médical ou d’un aide‑soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical ;

2° Peut également recueillir l’avis d’autres professionnels, notamment de psychologues, infirmiers ou aides‑soignants, qui interviennent auprès de la personne ;

3° Lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, informe la personne chargée de la mesure de protection et tient compte des observations qu’elle formule le cas échéant.

III. – Le médecin se prononce dans un délai maximal de quinze jours suivant la demande et notifie sa décision motivée à la personne. Il en informe, le cas échéant, la personne en charge d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne.

IV. – Après un délai de réflexion qui ne peut être inférieur à deux jours à compter de la notification de la décision mentionnée au III, la personne confirme auprès du médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale.

En l’absence de confirmation dans un délai de trois mois à compter de la notification, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure définie au II.

V. – Lorsque la personne a confirmé sa volonté, le médecin mentionné à l’article 7 l’informe sur les modalités d’administration et d’action de la substance létale.

Il détermine, avec la personne, le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale.

VI. – Le médecin mentionné à l’article 7 prescrit la substance létale conformément aux recommandations prévues au 23° de l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale.

Il adresse cette prescription à l’une des pharmacies à usage intérieur désignées par l’arrêté du ministre chargé de la santé mentionné au second alinéa du 1° de l’article L. 5121‑1 du code de la santé publique.

Article 9

I. – Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale.

Si la date retenue est postérieure à un délai de trois mois à compter de la notification de la décision mentionnée au III de l’article 8, le médecin mentionné à l’article 7 évalue à nouveau, à l’approche de cette date, le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne selon les modalités prévues au second alinéa du IV de l’article 8.

II. – Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile.

Elle peut être accompagnée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale.

Article 10

Lorsque la date est fixée, la pharmacie à usage intérieur mentionnée au second alinéa du VI de l’article 8 réalise la préparation magistrale létale et la transmet à la pharmacie d’officine désignée par le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne. La pharmacie d’officine délivre la préparation magistrale létale au médecin ou à l’infirmier.

Lorsque la personne est admise ou hébergée dans un établissement qui est doté d’une pharmacie à usage intérieur, cette dernière remplit les missions de la pharmacie d’officine prévues dans le présent article.

Article 11

I. – Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne :

1° Vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder à l’administration ;

2° Prépare, le cas échéant, l’administration de la substance létale ;

3° Assure la surveillance de l’administration de la substance létale.

II. – Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et convient d’une nouvelle date dans les conditions prévues à l’article 9.

III. – L’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle‑même.

Lorsque celle‑ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, l’administration est effectuée, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsqu’aucune contrainte n’y fait obstacle, soit par le professionnel de santé présent.

Lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire. Il doit toutefois se trouver à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté, conformément aux recommandations prévues au 23° de l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale.

IV. – Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223‑42 du code général des collectivités territoriales.

V. – Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne rapporte à la pharmacie d’officine mentionnée à l’article 10 la préparation magistrale létale lorsque cette dernière n’a pas été utilisée ou ne l’a été que partiellement.

Les produits ainsi collectés par l’officine sont détruits dans des conditions sécurisées conformément à l’article L. 4211‑2 du code de la santé publique.

Le professionnel de santé mentionné au premier alinéa dresse un compte‑rendu de la mise en œuvre des actes prévus aux I à III du présent article.

Article 12

I. – Il est mis fin à la procédure :

1° Si la personne informe le médecin mentionné à l’article 7, ou le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, qu’elle renonce à l’aide à mourir ;

2° Si le médecin mentionné à l’article 7 prend connaissance, postérieurement à sa décision, d’éléments d’information le conduisant à considérer que les conditions mentionnées à l’article 8 n’étaient pas remplies ou cessent de l’être ;

3° Si la personne refuse l’administration de la substance létale.

II. – Toute nouvelle demande doit être présentée selon les modalités prévues à l’article 7.

Article 13

Chacun des actes mentionnés au présent chapitre donne lieu à un enregistrement, par les professionnels concernés, dans un système d’information.

Article 14

La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun.

Article 15

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre, notamment :

1° Les modalités d’information de la personne qui demande l’aide à mourir ;

2° La forme et le contenu de la demande mentionnée à l’article 7 et de sa confirmation mentionnée au IV de l’article 8 ;

3° La procédure de vérification des conditions prévues à l’article 6 et de recueil des avis mentionnés au II de l’article 8.

Chapitre IV

Clause de conscience

Article 16

I. – Les professionnels de santé mentionnés à l’article 7, ainsi qu’aux I à V et au premier alinéa du VI de l’article 8 ne sont pas tenus de concourir à la mise en œuvre des dispositions prévues aux chapitres II et III.

Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à la mise en œuvre de ces dispositions doit informer, sans délai, la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles d’y participer.

II. – Lorsqu’une personne est admise dans un établissement de santé ou hébergée dans un établissement ou service mentionné à l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, le responsable de l’établissement ou du service est tenu d’y permettre :

1° L’intervention des professionnels de santé mentionnés aux articles 7 et 8 ;

2° L’accès des personnes mentionnées au II de l’article 9.

III. – Les professionnels de santé qui sont disposés à participer à la mise en œuvre des dispositions du chapitre III peuvent se déclarer auprès de la commission mentionnée à l’article 17.

Chapitre V

Contrôle et évaluation

Article 17

I. – Une commission de contrôle et d’évaluation, placée auprès du ministre chargé de la santé, assure :

1° Le contrôle, à partir notamment des données enregistrées dans le système d’information mentionné à l’article 13, du respect, pour chaque procédure d’aide à mourir, des conditions prévues aux chapitres II et III du présent titre ;

2° Le suivi et l’évaluation de l’application du présent titre afin d’en informer annuellement le Gouvernement et le Parlement et de leur proposer des recommandations ;

3° L’enregistrement, au sein d’un registre accessible aux seuls médecins, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, des déclarations des professionnels de santé mentionnées au III de l’article 16.

Lorsqu’à l’issue du contrôle mentionné au 1°, la commission estime que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre, par des professionnels de santé, des dispositions des chapitres II et III du présent titre sont susceptibles de constituer un manquement aux règles déontologiques ou professionnelles, elle peut saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent.

II. – La commission est responsable du système d’information mentionné à l’article 13.

Nonobstant les dispositions de l’article L. 1110‑4 du code de la santé publique, les données enregistrées dans ce système d’information sont traitées et partagées dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, aux seules fins d’assurer le suivi, le contrôle et l’évaluation des dispositions prévues au présent titre.

III. – Nonobstant les dispositions de l’article L. 1110‑4 du code de la santé publique, les médecins membres de la commission peuvent accéder, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission, au dossier médical de la personne ayant procédé ou fait procéder à l’administration de la substance létale.

La composition de la commission et ses règles de fonctionnement propres à garantir son indépendance et son impartialité, ainsi que les modalités d’examen, pour chaque personne ayant demandé l’aide à mourir, du respect des conditions prévues aux chapitres II et III du présent titre, sont déterminées par décret en Conseil d’État.

Article 18

I. – Après le 22° de l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 23° ainsi rédigé :

« 23° Élaborer des recommandations de bonne pratique portant sur les substances létales susceptibles d’être utilisées pour l’aide à mourir définie à l’article 5 de la loi n°         du          . et sur les conditions de leur utilisation, en tenant compte notamment des comptes‑rendus mentionnés au V de l’article 11 de cette loi. »

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 5121‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est qualifiée de létale une préparation magistrale utilisée pour l’aide à mourir définie à l’article 5 de la loi n°          du        , qui est préparée, dans le respect des recommandations mentionnées au 23° de l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale, par l’une des pharmacies à usage intérieur des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire désignées par arrêté du ministre chargé de la santé, et délivrée dans les conditions mentionnées à l’article L. 5132‑8 du présent code. » ;

2° À la fin du premier alinéa de l’article L. 5121‑14‑3, les mots : « ou de son autorisation d’importation parallèle mentionnée à l’article L. 512117 ou de son autorisation mentionnée à l’article L. 5121‑15 » sont remplacés par les mots : « , de son autorisation mentionnée à l’article L. 5121‑15 ou des recommandations mentionnées au 23° de l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale. » ;

3° Après le 6° de l’article L. 5126‑6, il est ajouté un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les pharmacies à usage intérieur mentionnées au deuxième alinéa du 1° de l’article L. 5121‑1 peuvent transmettre les préparations magistrales létales définies à cet article aux pharmacies d’officine ou aux pharmacies à usage intérieur chargées de leur délivrance, mentionnées à l’article 10 de la loi n°        du           » ;

4° Le premier alinéa du II de l’article L. 5311‑1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, sur demande du ministre chargé de la santé, elle peut également procéder à l’évaluation des produits de santé destinés à être utilisés pour l’aide à mourir définie à l’article 5 de la loi n°         du        ».

Chapitre VI

Dispositions diverses

Article 19

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’article L. 160‑8, il est rétabli un 3° ainsi rédigé :

« 3° La couverture des frais afférents à la mise en œuvre des dispositions du titre II de la loi n°        du         . » ;

2° Après le 31° de l’article L. 160‑14, il est inséré un 32° ainsi rédigé :

« 32° Pour les frais afférents à la mise en œuvre des dispositions du titre II de la loi n°        du           » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 160‑15 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle n’est pas non plus exigée pour les frais prévus au 3° de l’article L. 160‑8. »

II. – Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe :

1° Les prix de cession des préparations magistrales létales mentionnées au 1° de l’article L. 5121‑1 du code de la santé publique couvrant les frais de leur réalisation, de leur acheminement et de leur délivrance ;

2° Les tarifs des honoraires ou rémunérations forfaitaires des professionnels de santé pour les missions réalisées dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du présent titre. Ces honoraires ne peuvent donner lieu à dépassement.

Article 20

I. – L’article L. 132‑7 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir prévue à l’article 5 de la loi n°          du              ».

II. – L’article L. 223‑9 du code de la mutualité est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’assurance en cas de décès doit couvrir le risque de décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir prévue à l’article 5 de la loi n°          du             ».

III. – Le présent article s’applique aux contrats en cours au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 21

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant :

1° D’étendre et d’adapter en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et à Wallis‑et‑Futuna, les dispositions de la présente loi ainsi que, le cas échéant, les dispositions d’autres codes et lois nécessaires à son application, en tant qu’elles relèvent de la compétence de l’État ;

2° De procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions aux caractéristiques en matière de santé et de sécurité sociale particulières à SaintPierreetMiquelon et à Mayotte.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.