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N° 389

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2017

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LA PROPOSITION DE LOI
relative à lexercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (n° 310),

 

PAR Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE

Députée

 

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 310 et 389.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction........................................................... 5

I. une organisation territoriale et des responsabilités À clarifier pour lexercice de la compétence gemapi

A. Gemapi : deux volets dintervention pour une prévention efficace

1. Une prise de conscience de la vulnérabilité du territoire national en matière dinondation

2. La déclinaison dune nouvelle stratégie nationale de prévention

3. La nécessité de définir une nouvelle compétence permettant une approche globale de la prévention des risques

B. Lexercice de la compétence gemapi confiée aux EPci dans le cadre dune coopération territoriale renforcée

1. Un émiettement historique des acteurs en matière de politique de leau

2. Le transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI

C. les sources de financement de la compétence gemapi

1. La faculté dinstaurer une « taxe GEMAPI »

2. Les cofinancements publics

II. Les dispositions de la proposition de loi pour accompagner la mise en œuvre de la réforme

A. Le rôle du département conforté

B. Un régime de responsabilité aménagé

C. Un assouplissement des modalités de transfert ou de délégation de la compétence

D. Une concertation élargie

E. une étude approfondie sur les conditions de gestion des grands fleuves

DISCUSSION GÉNÉRALE

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de laction publique territoriale et daffirmation des métropoles) Prolongation de lexercice de la compétence GEMAPI par les départements et encadrement de la responsabilité des EPCI

Après l’article 1er

Article 1er bis (nouveau) (art. L. 211-7 du code de lenvironnement) Adhésion dun syndicat mixte à un autre syndicat mixte dans le cadre de lexercice de la compétence GEMAPI

Après l’article 1er bis

Article 2 Rapport relatif à la gestion des fleuves

Après l’article 2

Article 3 (art. L. 5211-61 du code général des collectivités territoriales) Transfert de la compétence GEMAPI aux syndicats de droit commun

Article 4 (art. L. 213-12 du code de lenvironnement) Sécabilité interne de la compétence GEMAPI

Article 5 (art. L. 211-7 du code de lenvironnement) Champ des missions hors GEMAPI

Après l’article 5

Article 6 (art. L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales) Extension de la mission de solidarité territoriale du département à la prévention du risque dinondation

Article 7 (supprimé) (art. L. 333-1 du code de lenvironnement) Avis consultatif des parcs naturels régionaux

Après l’article 7

Fiche 1 : Carte des territoires à risque important dinondations (TRI) en 2012

Fiche 2 : Liste des compétences locales dans le domaine de leau

Fiche 3 : Les différentes sources de financement de la compétence gemapi

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

L’une de nos plus grandes richesses réside dans nos fleuves, nos cours d’eau et notre littoral. Ils marquent l’identité de nos territoires et concentrent à proximité de leurs rives des bassins de vie et d’activité économique dont la densité reflète bien leur attractivité. Cela est vrai aujourd’hui et le sera encore davantage demain, au regard des changements climatiques que nous aurons à connaître.

Toutefois, la fragilité de leurs écosystèmes et les risques qui pèsent sur eux du fait de phénomènes naturels, souvent amplifiés par des politiques inadaptées, se sont rappelés à nous au travers de la pollution croissante des eaux de surface et souterraines et des graves inondations meurtrières qui se sont succédées au cours des dernières décennies.

Ces dernières ont conduit à une prise de conscience des acteurs nationaux et locaux, mais également des citoyens, sur la vulnérabilité de certains territoires et la nécessité d’intégrer pleinement les politiques des risques d’inondation et gestion des milieux aquatiques dans une stratégie globale d’aménagement.

À la suite de la transposition en 2010 de la directive « Inondation » ([1]), un travail d’inventaire a ainsi été conduit au niveau national pour identifier les principaux territoires à risque et définir une stratégie nationale, devant être déclinée localement par les acteurs situés en amont et en aval de chaque bassin, dans le cadre d’une coopération renforcée.

Si certains territoires se sont engagés dans cette démarche avec succès, ce travail a toutefois permis de constater l’émiettement de la gouvernance en matière de gestion des milieux aquatiques (GEMA) et de prévention des inondations (PI), et l’inégale prise en compte de ces compétences sur le territoire national.

Les enjeux de santé et de sécurité engendrés par cette situation ont conduit le législateur à confier leur exercice à un même échelon de collectivités sur l’ensemble du territoire : conformément aux dispositions de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 ([2]), une nouvelle compétence « GEMAPI » regroupant ces deux domaines dintervention, doit ainsi être transférée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2020.

Le choix de l’intercommunalité est motivé par la proximité de cet échelon avec les territoires et par son rôle en matière d’aménagement. Si la possibilité de transférer ou de déléguer tout ou partie des missions entrant dans cette nouvelle compétence à un syndicat mixte ou à un établissement public dédié est maintenue, cet échelon, proche des citoyens et attentif au développement du territoire, pourra définir une stratégie globale à mettre en œuvre et les coopérations territoriales à renforcer pour obtenir les résultats souhaités.

Cependant, comme le souligne le Centre européen de prévention du risque d’inondation (CEPRI), « il est probable que la majorité des EPCI soient, à ce stade, très insuffisamment préparés. Pour mettre en œuvre la GEMAPI, en particulier sur le volet de défense contre les inondations et contre la mer, il faut analyser le contenu de cette compétence, à savoir, ce quelle recouvre en fonction des réalités et des enjeux locaux, et mener un important travail détat des lieux » ([3]). La question de l’adéquation entre la carte intercommunale et le réseau hydrographique reste également posée.

Dans ce contexte, MM. Marc Fesneau et Richard Ferrand, présidents des groupes Mouvement démocrate et apparentés et La République En Marche, ont souhaité concrétiser, par une proposition de loi conjointe, la volonté du Gouvernement, exprimée lors de la 28e convention de l’intercommunalité, d’améliorer les dispositions relatives au transfert de la compétence GEMAPI.

Cette initiative témoigne du souhait de la majorité de répondre aux inquiétudes exprimées par les élus locaux face aux incertitudes demeurant sur les conditions dans lesquelles ils devront exercer cette nouvelle compétence.

Parmi ces dernières, les plus prégnantes concernent le financement des ouvrages de protection à rénover ou à construire, la possibilité pour certains acteurs locaux, ayant développé une grande expertise, de continuer d’exercer cette compétence après le 1er janvier 2020 et la responsabilité qui pèsera sur les élus, notamment dans les premiers temps du transfert de cette compétence.

Si la présente proposition de loi ne peut couvrir pleinement l’ensemble de ces sujets, elle apporte pour chacun d’eux les souplesses les plus attendues pour une préparation sereine des transferts à venir. Elle prévoit, également, la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la gestion des fleuves, qui pourra utilement être étendu à celle des littoraux puisque ces deux grands pans de la prévention contre les inondations sont ceux qui soulèvent le plus de difficultés en termes de mutualisation des moyens d’expertise et de financement.

Elle constitue en cela une première étape nécessaire à l’appropriation par les territoires de cette compétence, qui doit s’inscrire dans une réflexion concertée permettant de définir une approche globale de la gestion de leau, appliquée à une échelle favorisant la solidarité territoriale.

Nous souhaitons ainsi que cette réforme puisse se dérouler dans des délais et des conditions qui permettent à lensemble des acteurs concernés de se saisir de leurs responsabilités et dassurer quaucune mort évitable ne soit occasionnée par un défaut de gouvernance. À cette fin, il sera de notre devoir de veiller collectivement à ce que les EPCI et leurs groupements disposent bien des moyens nécessaires pour y parvenir.

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I.   une organisation territoriale et des responsabilités À clarifier pour l’exercice de la compétence gemapi

A.   Gemapi : deux volets d’intervention pour une prévention efficace

La compétence GEMAPI, créée par la loi MAPTAM en 2014, a pour objet d’inciter les territoires à adopter une approche globale des actions à mener en matière de prévention des risques. En effet, une gestion efficace des milieux aquatiques que constituent, notamment, les cours d’eau, les zones de déversement ou les zones humides, et qui sont souvent situés en amont des centres urbains à protéger, est un complément essentiel à l’atténuation de phénomènes naturels pouvant emporter des risques d’inondation. Les ouvrages de protection, tels que les digues, peuvent alors être concentrés dans les zones les plus à risques.

Une telle approche nécessite toutefois que les collectivités compétentes, soit les EPCI à compter du 1er janvier 2018, s’inscrivent dans une stratégie de coopération territoriale assurant les solidarités nécessaires en amont et en aval de chaque bassin hydrographique.

1.   Une prise de conscience de la vulnérabilité du territoire national en matière d’inondation

Avec 17,1 millions d’habitants exposés au risque d’inondation par débordement de cours d’eau et 1,4 million à celui de submersion marine, la France est particulièrement concernée par ces phénomènes naturels.

La tempête Xynthia, qui a causé le décès de 47 personnes et engendré des dommages estimés à 1,5 milliard d’euros dans la nuit du 27 au 28 février 2010 et les inondations successives du Var de 2010, 2011 et 2012 qui ont fait 29 victimes et entraîné 700 millions d’euros de dégâts, l’ont dramatiquement rappelé. Depuis, les épisodes d’inondations se poursuivent avec, par exemple, celles d’octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes et de mai et juin 2016 dans la vallée du Loing et en Île-de-France.

Prenant acte de la vulnérabilité du territoire national et tirant les conséquences du renforcement de la réglementation européenne en matière de politique de l’eau et de prévention des inondations, les gouvernements successifs se sont engagés dans un travail de redéfinition des missions constitutives de ces politiques publiques et de clarification de leur gouvernance, notamment au sein des territoires.

 

2.   La déclinaison d’une nouvelle stratégie nationale de prévention

Deux directives européennes ont été à l’origine d’une meilleure approche de la gestion de l’eau et de la prévention des risques au niveau national, soit :

– la directive-cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau du 22 décembre 2000 ([4]), transposée en droit français par les lois du 21 avril 2004 ([5]) et du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ([6]), qui a fixé des objectifs ambitieux sur la qualité des eaux déclinés dans les schémas directeurs daménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ;

– la directive « Inondation » du 23 octobre 2007 ([7]) qui a fixé un cadre et une méthode pour l’élaboration des politiques publiques de gestion des risques d’inondation. Ses dispositions ont été transposées par la loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010. Dans ce contexte, lÉtat a arrêté, en octobre 2014, une stratégie nationale de gestion du risque inondation (SNGRI), déclinée à léchelle des bassins en plans de gestion des risques dinondation (PGRI) sous la responsabilité du préfet coordonnateur.

Dans chacun des 122 territoires à risque important d’inondation (TRI) ainsi identifiés, une stratégie locale de gestion du risque d’inondation est mise en place prévoyant l’intervention des collectivités aux côtés de l’État sur la base de programmes d’actions opérationnels – programmes d’actions de prévention des risques d’inondation (PAPI), plans de submersions rapides (PSR), etc.

Selon les informations transmises à votre rapporteure par le Gouvernement, ont été labellisés depuis 2011 :

– 81 PAPI ;

– 44 PAPI d’intention (déposés en préalable aux PAPI, ils peuvent présenter un diagnostic de territoire, une stratégie et un programme détudes) ;

– 28 endiguements labellisés PSR.

Ils représentent des investissements à hauteur de 1,794 milliard d’euros, dont 729,6 millions sont financés par l’État au travers principalement du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), appelé plus communément Fonds Barnier.

Cette stratégie repose sur le principe, défini à l’article 220 de la loi « Grenelle II » ([8]), selon lequel les ouvrages de prévention des inondations doivent « satisfaire à des règles aptes à en assurer lefficacité et la sûreté ». Une obligation de moyens simpose désormais aux gestionnaires ([9]).

Pour garantir la cohérence des actions menées sur le territoire, la conception des SDAGE et les PGRI est étroitement liée, ces deux types d’intervention devant être complémentaires pour traiter de manière globale les problématiques posées en amont et en aval des cours d’eau.

Articulation des stratégies en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations

Source : Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

3.   La nécessité de définir une nouvelle compétence permettant une approche globale de la prévention des risques

La compétence GEMAPI ne représente qu’une partie des missions composant le « grand cycle de leau » dont le principe s’est progressivement affirmé ([10]) comme l’un des fondements d’une politique attachée à assurer le bon état des cours d’eau et des milieux aquifères tout au long de leur cycle naturel.

Les quatre missions relevant de cette compétence, parmi les douze définies à l’article L. 211-7 du code de l’environnement comme participant aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), sont rappelées dans le tableau suivant.

les missions conduites dans le cadre de la compétence GEMAPI

Items

(art. L. 211-7)

Missions

Exemples

Aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique

Rétention, ralentissement, ressuyage de crues, restauration de champs d’expansion des crues, re-méandrage, faucardage (couper les herbes ou roseaux qui poussent dans les fossés)

Entretien et aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau

Plans de gestion (art. L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement)

Entretien des berges (ripisylve), vidanges régulières et entretien des ouvrages hydrauliques du plan d’eau (colmatage des éventuelles fuites sur les digues)

Défense contre les inondations et contre la mer

Entretien, gestion et surveillance des ouvrages de protection existants contre les crues et les submersions marines

Études et travaux neufs sur l’implantation de nouveaux ouvrages

Définition et régularisation administrative des systèmes d’endiguement

Protection et restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines

Plan de gestion des milieux aquatiques, entretien

Opération de renaturation, restauration de zones humides

Continuité écologique, gestion du transport sédimentaire

Source : La compétence GEMAPI, Caisse des Dépôts et consignation, septembre 2017.

Le regroupement de ces différentes missions au sein de la GEMAPI est cohérent puisque celles relevant des 1°, 2° et 8° conditionnent en grande partie les résultats à attendre de la prévention contre les risques d’inondation.

Les autres compétences de la politique de l’eau peuvent ainsi être considérées comme des missions partagées avec d’autres collectivités, à l’exception de celles relevant du petit cycle de l’eau, soit les compétences « eau » et « assainissement » également transférées aux EPCI à compter du 1er janvier 2020 ([11]).

Quel que soit l’échelon compétent, elles constituent des actions complémentaires utiles dans le cadre de l’exercice de la compétence GEMAPI. En effet, comme le souligne le Centre européen de prévention du risque d’inondation (CEPRI), « ce nest quà travers une approche stratégique globale que les représentants des collectivités locales permettront à leur territoire de faire face au risque dinondation dans les meilleures conditions. » ([12])

 

 

 

Les douze missions composant la politique de leau déclinée dans les SAGE

L’article L. 211-7 du code de l’environnement décline en douze items l’ensemble des missions de la politique de l’eau, dont la compétence est exercée par les collectivités territoriales :

1° L’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ;

2° L’entretien et l’aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau ;

3° L’approvisionnement en eau ;

4° La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l’érosion des sols ;

5° La défense contre les inondations et contre la mer ;

6° La lutte contre la pollution ;

7° La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines ;

8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ;

9° Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile ;

10° L’exploitation, l’entretien et l’aménagement d’ouvrages hydrauliques existants ;

11° La mise en place et l’exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;

12° L’animation et la concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins, ou dans un système aquifère, correspondant à une unité hydrographique.

Ces missions participent toutes à une meilleure gestion de l’eau sur les territoires, notamment lorsqu’elles sont exercées dans le cadre d’une coopération territoriale renforcée entre collectivités compétentes.

B.   L’exercice de la compétence gemapi confiée aux EPci dans le cadre d’une coopération territoriale renforcée

1.   Un émiettement historique des acteurs en matière de politique de l’eau

La politique de l’eau se caractérise par une pluralité d’acteurs qui, en l’absence de stratégie commune, nuit à la cohérence des actions menées au sein des bassins hydrographiques et fragilise leur financement. À titre d’exemple, la construction et l’entretien des digues de protection contre les inondations et les submersions relève théoriquement de l’initiative individuelle conformément à l’article 33, toujours en vigueur, de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais.

Dans les faits, les collectivités locales – le plus souvent au travers de leurs groupements ou de sociétés d’économie mixte – et l’État, pour les grands fleuves, ont pris l’initiative de gérer ces compétences à la suite de catastrophes naturelles. Il en est résulté un émiettement de la gouvernance et des inégalités entre territoires dans la prévention des risques qu’illustre le schéma ci-dessous.

Cartographie des intervenants dans le champ « GEMAPI »

 

 

Source : La compétence GEMAPI, Caisse des Dépôts et consignation, septembre 2017.

2.   Le transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI

Dans ce contexte, le législateur a décidé, à l’article 56 de la loi MAPTAM, le transfert de plein droit de la compétence GEMAPI aux EPCI à fiscalité propre au 1er janvier 2018 (soit les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles) ([13]).

L’entrée en vigueur de ce transfert, initialement fixée par l’article 59 de cette même loi au 1er janvier 2016, a été repoussée de deux ans par l’article 76 de la loi 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe ») ([14]). Cette date ne fait pas obstacle à ce que les EPCI à fiscalité propre puissent exercer cette compétence de manière anticipée, à titre facultatif.

Selon les informations transmises à votre rapporteure, en octobre 2017, 200 EPCI sur 1 266 (soit 15 %) exercent ainsi tout ou partie de cette compétence, soit :

– 5 métropoles sur 17 ;

– 4 communautés urbaines sur 13 ;

– 41 communautés d’agglomération sur 219 ;

– 150 communautés de communes sur 1 018.

Par ailleurs, 54 syndicats mixtes dont 12 syndicats ouverts (c’est-à-dire comprenant parmi leurs membres d’autres collectivités que des communes ou des EPCI à fiscalité propre) et 24 syndicats intercommunaux sont également compétents en la matière. L’action du syndicat mixte ouvert SYMADREM qui est en charge de longue date de la protection de la basse vallée du Rhône contre les crues de ce fleuve et contre les submersions marines en est un exemple.

En outre, l’article 59 précité prévoit une période transitoire pendant laquelle « les conseils généraux, les conseils régionaux, leurs groupements ou les autres personnes morales de droit public » qui assurent des missions relevant de la compétence GEMAPI pourront continuer à les exercer « jusquau 1er janvier 2020 ».

L’objectif est de permettre aux collectivités territoriales de s’organiser au cours de cette période pour que le transfert de la compétence aux EPCI se déroule dans les meilleures conditions. Pour cela, deux outils de préparation à la réforme ont été mis en œuvre avec des résultats encore difficiles à apprécier, soit :

– une stratégie dorganisation des compétences locales de leau (SOCLE), prévue par le SDAGE et cohérente avec les PGRI, dont l’objectif est de déterminer l’organisation territoriale la plus efficace pour la gestion des bassins hydrographiques. Élaborée en concertation avec les membres du comité de bassin et arrêté par le préfet coordonnateur de bassin avant le 31 décembre 2017, elle propose une répartition des compétences GEMAPI et hors-GEMAPI entre les collectivités. Toutefois, lors de leur audition par la rapporteure, les représentants d’élus n’ont pas considéré que cet outil avait permis, à ce stade, de préparer cette répartition de manière suffisamment concertée avec les collectivités compétentes ;

– des missions dappui technique de bassin (MATB) conduites jusqu’au 1er janvier 2018 sous l’autorité du préfet coordonnateur de bassin, dont l’objet est d’établir un état des lieux, d’une part, des linéaires de cours d’eau et d’autre part, des ouvrages et installations nécessaires à la protection des territoires. Ces missions ont notamment contribué à mettre à jour les complexités de la gouvernance actuelle et l’inadaptation de certains ouvrages.

Calendrier de mise en œuvre de la compétence GEMAPI

Dici au 31 décembre 2017

 

Du 1er janvier 2018 au 1er janvier 2020

Au 1er janvier 2020

 

– Possibilité pour les EPCI à fiscalité propre de prendre la compétence par anticipation (régime de droit commun).

 

– Soutien à la mise place par la « Mission d’appui technique » des préfets.

 

– Prise de la compétence GEMAPI obligatoirement et automatiquement par les EPCI à fiscalité propre.

 

– Poursuite par les régions et départements de l’exercice transitoire des missions GEMAPI qu’ils assuraient avant le 29/01/14 sauf autre accord avec l’EPCI.

– Fin de la période transitoire.

 

– Prise de la compétence « eau » et

« assainissement » obligatoirement et automatiquement par les EPCI à fiscalité propre avec délégation possible aux EPAGE et EPTB.

 

– Entraîne la gestion des eaux pluviales urbaines.

 

Source : La compétence GEMAPI, Caisse des Dépôts et consignation, septembre 2017.

Le schéma dorganisation encouragé, in fine, par cette réforme et les outils de préparation mis en œuvre au sein des différents bassins, est le suivant :

– au 1er janvier 2018, lEPCI devient compétent pour l’ensemble des missions relevant de la GEMAPI. Cet échelon détient ainsi toute l’information sur la conduite globale de cette compétence ;

– en fonction des caractéristiques hydrographiques de son territoire et de l’emplacement de ce dernier sur le bassin, il peut alors sinscrire dans une démarche de coopération territoriale, en transférant ou en déléguant tout ou partie de cette compétence, à une échelle plus cohérente pour mener des interventions préventives ou de sécurisation (celles-ci peuvent être confiées, par exemple, à un syndicat mixte, à un établissement public territorial de bassin – EPTB – ou à un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux –EPAGE) ([15]).

Ce schéma s’inscrit dans un travail de mutualisation des moyens financiers et de l’expertise technique déjà à l’œuvre dans de nombreux territoires.

Le tableau suivant présente les avantages et les inconvénients qui découleront des choix d’organisation que devront prendre les EPCI à compter du 1er janvier 2018.

Avantages et inconvénients des différentes organisations de l’exercice de la compétence GEMAPI

Source : Les ouvrages de protection contre les inondations, Les guides du CEPRI, 2017.

L’article 59 de la loi MAPTAM dispose, enfin, que l’État ou l’un de ses établissements continue à gérer les digues qui étaient à sa charge à la date d’entrée en vigueur de la loi MAPTAM pendant une durée de dix ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit jusqu’au 29 janvier 2024. Le désengagement à venir de l’État pose principalement la question du financement de ces ouvrages, notamment pour certains cours d’eau, comme la Loire.

C.   les sources de financement de la compétence gemapi

Selon les évaluations présentées en 2014 par les services de l’État au Comité national de l’eau, qui ne concernaient que le volet prévention des inondations et non celui de la gestion des milieux aquatiques, le coût d’exploitation courant et la provision pour renouvellement des ouvrages de protection serait supérieur à 300 millions d’euros par an. Il serait souhaitable que cette prévision puisse être affinée à la suite des MATB conduites ces dernières années par les préfets coordonnateurs de bassin.

Ce financement devra être assuré par les EPCI, notamment au travers de l’instauration de la taxe GEMAPI, et par d’autres ressources nationales (subventions) ou européennes (fonds d’aide). Il conviendra, toutefois, de s’assurer que le transfert de la compétence ne se traduise pas par le désengagement des autres acteurs, comme les départements et les régions, dont la participation ne sera plus que facultative.

1.   La faculté d’instaurer une « taxe GEMAPI »

Avant l’entrée en vigueur de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, une collectivité prenant en charge des travaux de gestion des milieux aquatiques ou de prévention des inondations avait la faculté d’instaurer une redevance pour service rendu, conformément aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime, et L. 211-7-1 du code de l’environnement.

L’article 56 de la loi a remplacé cette redevance par une taxe facultative, plafonnée et affectée, applicable dès 2015 (la compétence GEMAPI pouvant être exercée par anticipation).

La taxe doit être votée chaque année par l’organe délibérant de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre compétent, qui détermine un produit global attendu. Elle fait l’objet d’un double plafonnement :

– un plafonnement par habitant : son produit ne peut dépasser 40 euros par habitant résidant dans le périmètre concerné pour chaque exercice budgétaire ;

– un plafonnement global : son produit global est limité au montant annuel des charges prévisionnelles de fonctionnement et d’investissement.

La recette cible est répartie sur les quatre principales taxes perçues au profit des collectivités territoriales (taxe d’habitation, taxes foncières, contribution économique territoriale), proportionnellement aux recettes que chacune procure à la commune ou à l’EPCI.

Le produit de cette taxe est strictement affecté à « lexercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, telle quelle est définie au I bis de larticle L. 211-7 du code de lenvironnement », conformément à l’article L. 1530 du code général des impôts ([16]).

Selon les informations transmises à votre rapporteure, en 2017, 34 EPCI à fiscalité propre, sur les 200 exerçant la compétence, ont perçu la taxe GEMAPI, dont :

– 28 communautés de communes ;

– 4 communautés d’agglomération ;

– 2 communautés urbaines.

Le faible recours à cette taxe, à ce jour, peut s’expliquer par le nombre limité d’EPCI ayant choisi d’exercer cette compétence de manière anticipée et par la possibilité de recourir à d’autres sources de financement plutôt que d’augmenter la fiscalité locale.

2.   Les cofinancements publics

D’autres organismes publics sont susceptibles de subventionner les travaux de gestion des milieux aquatiques ou de prévention des inondations réalisés par les communes et les EPCI à fiscalité propre ([17]), dont :

– le département et la région dans le cadre de l’exercice par ces derniers de missions complémentaires à celles relevant de la compétence GEMAPI ;

– les agences de l’eau : ces subventions peuvent être accordées au titre d’actions en faveur de la qualité de l’eau ou de prévention des inondations, mais pas pour la submersion marine ;

– le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM, dit « Fonds Barnier ») : seuls les études et travaux s’inscrivant dans un programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) pour des actions d’investissement sont éligibles (et non le renouvellement ou la remise en état des ouvrages existants) ([18]) ;

– les fonds européens : à titre d’exemple, le fonds européen de développement régional (FEDER) peut financer des travaux de digue et de surverse (notamment, au travers des contrats de plan État-région).

II.   Les dispositions de la proposition de loi pour accompagner la mise en œuvre de la réforme

A.   Le rôle du département conforté

Aux termes de l’article 59 de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, les départements et les régions, ainsi que leurs établissements et groupements ne seront plus habilités à intervenir, dès la fin de la période transitoire au 1er janvier 2020, dans les domaines relevant de la compétence GEMAPI, dès lors que l’ensemble de la compétence sera exclusivement exercé par les EPCI à fiscalité propre.

Cette situation risque de poser des difficultés dans les territoires où les départements participaient activement à la gestion du grand cycle de l’eau. C’est pourquoi larticle 1er de la proposition de loi entend revenir sur le dispositif en vigueur en permettant aux départements qui assurent une des missions de la GEMAPI au 1er janvier 2018 d’en poursuivre l’exercice, s’ils le souhaitent, au-delà du 1er janvier 2020.

Par ailleurs, larticle 6 tend également à renforcer le rôle des départements en matière de prévention des inondations. En effet, il propose d’étendre les dispositions relatives à l’assistance technique que les départements peuvent apporter aux communes et EPCI, en y intégrant la notion de « prévention du risque dinondation » aux côtés de celles, déjà présentes, de protection de la ressource en eau, de restauration et d’entretien des milieux aquatiques.

B.   Un régime de responsabilité aménagé

Larticle 1er de la proposition de loi prévoit, en outre, de limiter la responsabilité des EPCI pendant les deux premières années de la mise en œuvre de la compétence GEMAPI. Le texte dispose, à cet effet, que « la responsabilité de létablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent peut être engagée, jusquau 31 décembre 2019, uniquement en ce qui concerne lorganisation de la compétence à la suite de son transfert au 1er janvier 2018. »

C.   Un assouplissement des modalités de transfert ou de délégation de la compétence

Les articles 3 et 4 modifient, d’une part, les possibilités pour un EPCI à fiscalité propre d’opérer un transfert partiel de la compétence GEMAPI à un syndicat, et, d’autre part, les dispositions qui régissent les établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE) et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB).

Cette modification a vocation à remettre en cause l’interprétation retenue par les services de l’État qui considèrent que le transfert ou la délégation partiels de la compétence n’est possible que s’ils concernent les quatre items, pris dans leur intégralité, des 1°, 2°, 5° et 8° de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, sans possibilité de scinder l’un d’entre eux.

D.   Une concertation élargie

Larticle 5 de la proposition de loi complète ce même article L. 211-7 afin d’élargir la mission d’animation et de concertation prévue au 12° – donc hors GEMAPI – à la « prévention du risque dinondation ». Il permettra ainsi aux collectivités et groupements qui assurent l’animation de la politique du grand cycle de l’eau d’intervenir également dans ce domaine.

Larticle 7 prévoit, quant à lui, d’associer les parcs naturels régionaux à l’élaboration des documents de planification et d’aménagement portant sur la gestion des milieux aquatiques et des zones humides de leur territoire.

E.   une étude approfondie sur les conditions de gestion des grands fleuves

Larticle 2 prévoit enfin que le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi, un rapport sur les effets du transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI sur la gestion des fleuves et les éventuelles mesures institutionnelles et financières à prendre pour assurer que cette gestion soit bien à la hauteur des enjeux posés.

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   DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa première réunion du mercredi 22 novembre 2017, la Commission examine la proposition de loi relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (n° 310) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure).

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Madame la présidente, mes chers collègues, l'exercice des responsabilités impose de prendre des décisions courageuses. La gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) nous en donne, ce matin, une nouvelle illustration.

Incontestablement, le transfert à l'échelle intercommunale, prévu par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, de 2014 et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe de 2015, de compétences jusqu'alors morcelées constitue une avancée.

Ni le Gouvernement, ni la majorité parlementaire n'entendent revenir sur cette évolution.

La détermination n'exclut pas le pragmatisme. Les auditions que j'ai conduites l'ont confirmé : à six semaines de l’échéance du 1er janvier 2018, la majorité des intercommunalités ne sont pas prêtes à prendre la compétence GEMAPI et les inquiétudes exprimées par les élus locaux doivent être entendues.

Dans ce contexte, MM. Marc Fesneau et Richard Ferrand, présidents des groupes Mouvement Démocrate et apparentés et La République en Marche, ont souhaité, par une proposition de loi conjointe, répondre aux incertitudes pouvant demeurer et assouplir les conditions dans lesquelles les intercommunalités devront exercer cette nouvelle compétence.

Cette proposition de loi, que j'ai l'honneur de rapporter au nom de la commission des Lois, a vocation à entrer en vigueur avant la fin de l'année. Elle sera discutée la semaine prochaine en séance avant de l'être par le Sénat.

Elle compte sept articles. Compte tenu de l'objet de cette proposition de loi, mais aussi des délais très courts qui sont les nôtres, certains sujets comme le financement de la GEMAPI ou l'articulation avec les compétences « eau » et « assainissement » ont sciemment été laissés de côté. Il faudra nous en saisir dans les prochains mois.

L'article 1er entend revenir sur le dispositif en vigueur en permettant aux départements qui assurent une des missions de la GEMAPI au 1er janvier 2018 d'en poursuivre l'exercice, s'ils le souhaitent, au-delà du 1er janvier 2020. J'ai déposé un amendement pour formaliser l'intervention des départements, sous la forme d'une convention qui comportera également un volet financier.

Cet article prévoit, en outre, de limiter la responsabilité des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pendant les deux premières années de la mise en œuvre de la compétence GEMAPI. Je vous proposerai une réécriture de cette disposition qui, en l'état, n'est pas opérationnelle.

L'article 2 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi, un rapport sur les effets du transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI sur la gestion des fleuves et les éventuelles mesures institutionnelles et financières à prendre pour assurer que cette gestion soit bien à la hauteur des enjeux. Je défendrai un amendement visant à étendre l'objet de ce rapport aux zones côtières et aux digues domaniales.

Les articles 3 et 4 modifient les possibilités pour un EPCI à fiscalité propre d'opérer un transfert partiel de la compétence GEMAPI à un syndicat ainsi que les dispositions qui régissent les établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux (EPAGE) et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB).

Je vous proposerai un amendement visant à assouplir encore le dispositif, en permettant la délégation de la compétence au profit des syndicats de droit commun, notamment les syndicats mixtes, dans les mêmes conditions que pour les EPAGE et les EPTB. Cette modification a aussi vocation à remettre en cause l'interprétation retenue par les services de l'État qui considèrent que le transfert ou la délégation partiels de la compétence GEMAPI, ce que l'on nomme la « sécabilité », n'est possible que s'ils concernent les quatre missions, prises dans leur intégralité, des 1°, 2°, 5° et 8° de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, sans possibilité de scinder l'une d'entre elles.

L'article 5 complète ce même article L. 211-7 afin d'élargir la mission d'animation et de concertation prévue au 12° – donc hors GEMAPI – à la « prévention du risque d'inondation ». Il permettra ainsi aux collectivités et groupements qui assurent l'animation de la politique du grand cycle de l'eau d'intervenir également dans ce domaine.

L'article 6 tend à renforcer le rôle des départements en matière de prévention des inondations. En effet, il propose d'étendre les dispositions relatives à l'assistance technique que les départements peuvent apporter aux communes et EPCI, en y intégrant la notion de « prévention du risque d'inondation » aux côtés de celles, déjà présentes, de protection de la ressource en eau, de restauration et d'entretien des milieux aquatiques.

L'article 7 prévoit, quant à lui, d'associer les parcs naturels régionaux à l'élaboration des documents de planification et d'aménagement portant sur la gestion des milieux aquatiques et des zones humides de leur territoire.

Voilà, mes chers collègues, les grandes lignes de cette proposition de loi qui, j'en suis convaincue, doit pouvoir rassembler l'ensemble des groupes de notre assemblée.

M. Olivier Dussopt. J’indiquerai d’emblée que le groupe Nouvelle Gauche souscrit à cette proposition de loi. Nous considérons qu’elle va dans le bon sens car elle permet d’assouplir certaines dispositions. Nous approuvons également les amendements proposés par la rapporteure.

La compétence GEMAPI a été introduite dans la loi MAPTAM par un amendement du sénateur Pierre-Yves Collombat – passé depuis du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste –, qui avait été soutenu par le président du groupe, Jacques Mézard. Le transfert devait avoir lieu le 1er janvier 2016 et lors de l’examen de la loi NOTRe, j’avais proposé un report au 1er janvier 2018. Force est de constater que beaucoup d’intercommunalités ne sont pas aujourd’hui en mesure d’exercer cette compétence dans des conditions optimales.

Il pouvait apparaître nécessaire de clarifier l’exercice des missions existantes en matière de GEMAPI mais plusieurs interrogations demeurent. Cette compétence suppose un transfert non seulement des communes vers les intercommunalités mais aussi de l’État vers les intercommunalités, notamment en matière de pouvoirs de police.

La compétence est définie par quatre missions. Pour des raisons de cohérence de l’action publique, il est préférable que l’ensemble de ces missions soient confiées à la même entité. Cependant, cette compétence est sécable et chaque mission peut être transférée ou déléguée. C’est la raison pour laquelle je souscris à l’article 3 qui rend possible la sécabilité interne des missions mais je déplore, comme la rapporteure, que cet article ne vise que les transferts et non pas la délégation de compétences. J’ai proposé un amendement pour les y ajouter.

Une deuxième interrogation porte sur la responsabilité des élus et les pouvoirs de police du maire. L’attribution de la compétence GEMAPI devait clarifier la responsabilité des acteurs en fixant un cadre juridique, financier et institutionnel plus cohérent pour la mise en place des actions de lutte contre les inondations. Or un flou juridique subsiste autour de la responsabilité des maires. Beaucoup d’entre eux craignent que cela ne conduise à leur accorder une responsabilité plus large que l’exercice de leurs pouvoirs de police actuels. Il faudrait que nous apportions ensemble une clarification d’ici à l’examen en séance publique.

Une autre interrogation est liée au financement de la compétence. Les communes comme les EPCI pourront, si elles le souhaitent, mettre en place une taxe, dite « taxe GEMAPI », répartie entre les assujettis à différents impôts locaux. Toutefois, cette taxe est fragilisée par la suppression en cours de la taxe d’habitation, qui rend son assise moins ferme qu’elle ne l’était au moment de l’examen des lois MAPTAM et NOTRe. Par ailleurs, nous savons que les contraintes financières des agences de l’eau posent le problème de la pérennité du financement de la compétence GEMAPI. À ce stade, il n’est pas envisageable que seuls les communes et les EPCI aient à leur charge la gestion d’ouvrages qui dépasserait largement leurs capacités et leurs moyens. Je pense en particulier à la gestion des fleuves. L’article 2 propose que le Gouvernement remette un rapport sur les évolutions financières. Pour ma part, je proposerai de réintroduire la responsabilité de l’État concernant les digues domaniales, ouvrages bien trop importants pour être confiés aux communes et aux EPCI.

Enfin, je terminerai par une interrogation au sujet des départements. À compter du 1er janvier 2020, les départements et les régions ne pourraient plus, juridiquement et financièrement, intervenir en matière de GEMAPI. Or certains d’entre eux sont historiquement impliqués dans la prévention des inondations et des risques de submersion marine. Ils œuvrent notamment pour assurer une solidarité financière et territoriale entre l’amont et l’aval. Leur mise à l’écart du dispositif risque surtout de fragiliser de nombreux territoires.

Sur ce point, la proposition de loi que nous examinons constitue une avancée car elle permet d’adapter le transfert de la compétence GEMAPI aux réalités vécues par de nombreux élus locaux. La présence des départements pourrait être maintenue. Ce sont autant d’améliorations que nous soutenons.

Notre groupe regrette que la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération ait été rejetée il y a quelques semaines. Elle était fondée sur une même volonté de lever des obstacles. Un travail est mené actuellement par la ministre Jacqueline Gourault pour trouver une solution. Nous pouvons néanmoins utiliser la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en l’enrichissant de quelques dispositions. Je pense à la réforme du financement des services publics industriels et commerciaux qui assurent les services publics de l’eau et de l’assainissement ainsi qu’à la séparation de la compétence « gestions des eaux pluviales » de la compétence « assainissement » afin de permettre aux intercommunalités qui font le choix d’exercer la compétence « assainissement » de ne pas intégrer la compétence « gestion des eaux pluviales » et de disposer de plus de souplesse dans la gestion des inondations. Enfin, vous ne serez pas étonnés que nous revenions sur le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau » et « assainissement » des communes aux communautés de communes et communautés d’agglomération.

Ces réserves mises à part, nous souscrivons à la proposition de loi et je remercie la rapporteure de l’avoir enrichie.

Mme Catherine Kamowski. La proposition étant co-signée par le MODEM et La République en Marche, nous y sommes favorables, même si nous souhaitons ajouter quelques clarifications sur le rôle des régions et des parcs naturels régionaux.

Entendons-nous bien, ce texte n’est pas une remise en cause cachée de la loi MAPTAM qui fait de la GEMAPI une compétence exclusive et obligatoire des EPCI. C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons aux amendements qui iraient dans ce sens.

Il entend mieux prendre en compte les autres collectivités qui exerçaient déjà tout ou partie de la compétence. Nous devons donner de la souplesse au dispositif pour faciliter son application alors que la compétence n’est à l’heure actuelle exercée que par 15 % des EPCI. Il y a un long chemin à parcourir avant que l’ensemble des EPCI soient concernés.

Deux enjeux s’attachent à un exercice amélioré de cette compétence.

Le premier est humain, ce que pourrait faire oublier la nature très technique de ce texte. Environ 17 millions de personnes en France sont exposées aux risques d’inondation et un peu plus d’1,5 million aux risques de submersion marine.

Le deuxième est plus technique. Il faut, dans un cadre souple, inciter les EPCI à exercer cette compétence. Selon le Centre européen de prévention et de gestion des risques d’inondation (CEPRI), « ce n’est qu’à travers une approche stratégique globale que les représentants des collectivités locales permettront à leur territoire de faire face aux risques d’inondation ».

En d’autres termes, l’union fait la force. Nous devons donner confiance aux collectivités comme nous devons leur faire confiance.

M. Erwan Balanant. Nous en convenons tous ici, la GEMAPI est un enjeu important, qui suscite des inquiétudes parmi les collectivités, qu’elles se voient transférer l’intégralité de la compétence ou qu’elles en soient dessaisies. La loi MAPTAM confie à titre exclusif et obligatoire aux EPCI à fiscalité propre la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations à compter du 1er janvier 2018.

L’état du droit n’est cependant pas satisfaisant. Si notre groupe, le MODEM, a déposé cette proposition de loi, c’est pour atteindre trois objectifs.

Tout d’abord, nous avons estimé que les carences et les imprécisions des textes actuels justifiaient de remettre ce dispositif sur le métier législatif.

Ensuite, nous avons voulu introduire davantage de souplesse dans la transition, étant donné le nombre très important de collectivités vers lesquelles le transfert de compétence n’est pas près d’être effectué. Nous voulons faire en sorte que ce qui fonctionne aujourd’hui continue de fonctionner, lorsque cela n’entre pas en contradiction avec la volonté de rationalisation affirmée par le législateur ces dernières années. Je pense notamment aux départements côtiers qui disposent de moyens d’expertise indéniables en matière de prévention des risques de submersion marine.

Enfin, nous avons déposé ce texte dans une volonté de co-construction. Nous sommes convaincus, depuis le début, que les expériences de terrain doivent servir à l’amender, à condition que chacun se cantonne à l’objet de la proposition de loi, qui est l’organisation de la compétence et non son financement.

S’agissant du texte à proprement parler, nous serons d’accord, chers collègues, pour dire qu’il va dans le bon sens, qu’il s’agisse, dans son article 1er, de permettre aux départements exerçant des missions GEMAPI de continuer à le faire après le 1er janvier 2020 – ce qui est impossible dans le cadre actuel du droit – ou encore de tenter d’instaurer un différé entre le moment où les EPCI doivent organiser la compétence et celui où leur responsabilité peut être engagée – c’est le sens du sixième alinéa de cet article.

L’article 2 ouvre le débat, via la demande d’un rapport au Gouvernement, sur la gestion des fleuves. Nous ne sommes pas convaincus par l’idée selon laquelle l’EPCI est l’échelle pertinente pour exercer cette gestion et pensons que cela doit relever d’une politique nationale. À ce titre, il est important de préciser que le rapport devra porter sur les possibles évolutions institutionnelles et financières de cette gestion.

Les articles 3 et 4 visent, quant à eux, à empêcher les interprétations diverses au sujet de la sécabilité des missions de la GEMAPI et introduisent la possibilité de transférer en totalité ou partiellement certaines d’entre elles. Nous allons dans le bon sens. Je pense aux cas où certaines structures exerçant aujourd’hui une partie d’une mission de manière efficace pourraient se trouver menacées si nous ne touchions pas au droit actuel.

Les articles 5 et 6 tirent les conséquences de l’article 1er et organisent la possibilité pour les départements exerçant les missions GEMAPI au 1er janvier 2018 de faire bénéficier de leur ingénierie et de leur assistance technique les EPCI qui vont devenir compétents.

Nous sommes devant un texte dont l’ambition est de faciliter les modalités techniques du transfert de la compétence, ce qui constitue une première étape nécessaire de l’organisation de la GEMAPI.

Des membres du groupe MODEM et apparentés ont déposé des amendements pour autoriser l’adhésion d’un syndicat mixte ouvert sous réserve de l’accord du préfet afin d’intégrer les régions d’outre-mer dans le dispositif, quand elles exercent une compétence GEMAPI, ou encore pour permettre aux parcs naturels régionaux de continuer à exercer une part des compétences GEMAPI après le 1er janvier 2018.

Je ne doute pas que notre rapporteure saura nous proposer des ajouts intéressants, après son travail d’audition des acteurs concernés.

Le groupe MODEM soutient ce texte et attend beaucoup des débats afin de l’améliorer dans l’intérêt de nos territoires et de nos concitoyens. N’oublions pas que l’un des enjeux de la GEMAPI est d’éviter des drames humains.

M. Raphaël Schellenberger. Disons-le d’emblée, le groupe Les Républicains est plutôt favorable à cette proposition de loi qui contient des dispositions de bon sens, réclamées de longue date par les opérateurs de la compétence GEMAPI.

Nous avons toutefois déposé des amendements qui portent sur deux sujets principaux.

Une première série d’amendements aborde la question du financement qui, à notre sens, ne saurait se distinguer de l’exercice de la compétence, d’autant qu’en matière de lutte contre les submersions marines, le coût des infrastructures est élevé.

Une deuxième série consistera à élargir le champ d’application du texte à la gestion de l’eau et de l’assainissement pour plusieurs raisons de bon sens. Nous avons écouté avec attention le discours que le Premier ministre a prononcé hier devant le congrès des maires. Il a annoncé qu’il veillerait à introduire de la souplesse dans la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement », ce qui fait écho à la proposition de loi que le groupe Les Républicains a présentée lors de la niche parlementaire du mois dernier. Pour que ces annonces soient réalistes, elles doivent répondre à une temporalité en adéquation avec la vie des territoires, ce qui correspond à la même échéance que pour la GEMAPI, le 1er janvier 2018. Or il paraît peu vraisemblable que nous examinions deux textes permettant de régler ces questions d’ici au 31 décembre 2017.

Nous aurions pu intégrer la compétence GEMAPI dans notre proposition de loi. Nous vous proposons finalement d’intégrer les compétences « eau » et « assainissement » dans celle-ci. Cela permettrait d’avoir une vision plus globale du grand cycle de l’eau et de sa gestion institutionnelle.

Je rejoins les orateurs précédents. Ce texte a beau être technique, il est éminemment politique car il met en jeu la conception que nous avons de la décentralisation.

Il interroge la notion de subsidiarité. Nous devons poser un principe simple : ne touchons pas à ce qui marche. La subsidiarité ne consiste pas à créer des échelons de collectivités ayant des compétences exclusives mais à trouver le niveau de collectivité le plus efficace pour exercer telle ou telle compétence. Ce niveau n’est pas partout le même pour la GEMAPI.

Ce texte porte en lui une nouvelle vision de la subsidiarité, de l’efficience et de l’efficacité des politiques publiques décentralisées. Il pose le principe de sécabilité interne bien loin de la segmentation des compétences par bloc voulue par les lois MAPTAM et NOTRe.

Nous avons observé un mouvement progressif de décentralisation s’agissant de compétences de proximité. Cette évolution commence à toucher les grandes compétences d’aménagement qui nécessitent des investissements importants. Peut-on imaginer que l’État se dessaisisse de ses compétences en matière de grandes infrastructures de lutte contre les inondations pour les confier à des EPCI qui n’ont pas les moyens de les financer ? Cette évolution reposerait, à nos yeux, sur un déséquilibre entre responsabilités et moyens financiers.

Le groupe Les Républicains défendra des amendements en ce sens pour améliorer le texte dans un esprit positif.

M. Jean-Luc Warsmann. Je voudrais d’abord féliciter les auteurs de ce texte, qui ont effectué un travail heureux, qui a permis des améliorations.

Me faisant l’écho des élus de mon territoire, je vous poserai quatre questions.

La Meuse a déjà, hélas, provoqué de graves inondations. Les élus se sont organisés dans un établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA), qui est souvent donné en exemple. Il a élaboré une modélisation globale et a prévu un programme de travaux avec, pour chacune des tranches envisagées, une évaluation du rapport qualité-prix. Les régions pourront-elles continuer à financer ce type d’établissements, une fois cette proposition de loi adoptée ?

Ma deuxième question porte à nouveau sur les régions. Certaines, comme la mienne, lancent des opérations en matière de GEMAPI en tant que maître d’ouvrage. La dérogation pourra-t-elle perdurer au-delà de 2020 ?

Troisième question plus générale : les régions pourront-elles continuer à financer des EPTB sans transfert de compétences, au titre de leurs actions en matière de biodiversité ou d’aménagement du territoire ?

Enfin, un syndicat mixte ouvert pourrait-il adhérer directement à un EPTB ? La question ne se pose pas seulement en outre-mer, me semble-t-il.

M. Ugo Bernalicis. Nous nous étions opposés à la loi MAPTAM et à la loi NOTRe et nous voterons en faveur des dispositions qui, dans cette proposition de loi, vont dans le sens de la libre administration des collectivités territoriales et du libre choix des compétences, notamment pour les départements, niveau que nous privilégions.

Pour ce qui est de la sécabilité, nous émettrons quelques réserves. Nous considérons que ce n’est pas forcément une bonne chose de découper en morceaux cette compétence qui a une certaine cohérence.

Nous avons déposé des amendements pour supprimer l’automaticité du transfert des compétences introduites par la loi MAPTAM.

Enfin, pour ce qui est de la production de rapports, notre regard sera bienveillant.

Voici les positions principales du groupe de La France insoumise au sujet de cette proposition de loi. Je les détaillerai au moment de l’examen des amendements.

Mme la rapporteure. Je vous remercie, chers collègues, pour vos interventions. Elles montrent bien que les attentes sont fortes dans l’ensemble des groupes politiques.

Les diverses auditions ont montré qu’il existait parmi les associations d’élus une réelle volonté de se saisir de cette compétence. Le morcellement qui prévalait n’était pas satisfaisant, compte tenu de l’enjeu majeur que constitue la protection des populations. Nous devons envisager cette gestion de façon plus naturelle et plus raisonnable, en créant, par exemple, des solidarités de bassins qui s’approchent le plus possible des réalités des territoires.

Une proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes a en effet été débattue récemment. Sur ce sujet, vous avez sans doute noté les annonces faites hier par le Premier ministre : pour plus de souplesse, à nouveau, on se calerait sur la mise en œuvre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi). La compétence obligatoire serait ainsi maintenue, mais avec une minorité de blocage – 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population. Ce système existe déjà.

Vous savez également que l’intercommunalité est abordée au congrès des maires, qui se réunit en ce moment même. Des précisions nouvelles seront peut-être apportées pour répondre aux attentes des élus.

En matière de GEMAPI, cette proposition de loi constitue aussi un bon signal, mais c’est une première étape. Le rapport demandé au Gouvernement a pour objectif d’identifier les attentes et de mieux cerner les problèmes budgétaires.

La Commission en vient à l’examen des articles.

 


   EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de laction publique territoriale et daffirmation des métropoles)
Prolongation de lexercice de la compétence GEMAPI par les départements et encadrement de la responsabilité des EPCI

Résumé du dispositif et effets principaux :

Le présent article prévoit que :

– les acteurs qui exercent l’une des missions relevant de la compétence GEMAPI au 1er janvier 2018, et non plus à la date de publication de la loi MAPTAM, pourront demeurer compétents en la matière jusqu’au transfert de cette compétence aux EPCI devant intervenir au plus tard au 1er janvier 2020 ;

– par dérogation, les départements qui remplissent cette condition pourront continuer d’exercer la compétence GEMAPI au-delà de cette date ;

– la responsabilité des EPCI ne pourra être engagée, au cours de la période transitoire du 1er janvier 2018 au 1er janvier 2020, qu’au titre de l’organisation de la compétence.

Dernières modifications législatives intervenues :

L’article 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », prévoit les modalités d’entrée en vigueur du transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI et de la période transitoire d’exercice partagé avec d’autres collectivités ou personnes morales entre le 1er janvier 2018 et 1er janvier 2020.

Les apports de la Commission :

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a adopté les dispositions suivantes :

– un département qui souhaitera continuer d’exercer les missions relevant de la compétence GEMAPI après le 1er janvier 2020 devra conclure une convention avec les EPCI situés sur son territoire. Cette convention permettra de préciser la répartition des missions entre le département et les EPCI, leur financement et les mesures prises pour assurer la coordination de leurs actions ;

– le régime de responsabilité qui s’appliquera aux EPCI au titre des ouvrages de prévention des inondations dont ils deviendront gestionnaires à la suite de la réforme est précisé : ils pourront bénéficier du régime de responsabilité limitée prévu à l’article L. 562-8-1 du code de l’environnement sous deux conditions, à savoir, exploiter et entretenir ces ouvrages dans les règles de l’art et les soumettre à une autorisation administrative avant le 1er janvier 2022 ;

– un EPCI qui n’aurait pas encore la compétence GEMAPI est autorisé à délibérer sur sa délégation ou son transfert à un syndicat mixte, à la condition qu’à la date de cet événement, il exerce bien la compétence.

I.   le maintien des départements dans l’exercice de la compétence gemapi

A.   l’intervention limitée des départements et des régions en soutien aux EPCi

L’article 59 de la loi MAPTAM prévoit une période transitoire au cours de laquelle « les conseils généraux, les conseils régionaux, leurs groupements ou les autres personnes morales de droit public » qui assuraient des missions relevant de la compétence GEMAPI à la date de publication de cette loi, sont autorisés à poursuivre cet exercice jusqu’au 1er janvier 2020.

À compter de cette date, le caractère exclusif de la compétence confiée aux EPCI limitera leur intervention aux compétences que la loi leur réserve.

Or, les régions et les départements sont souvent associés étroitement aux collectivités gestionnaires, dans le cadre des contrats de rivières, des plans fleuve ou des programmes d’action et de prévention des inondations (PAPI) ([19]).

Toutefois, si ces deux échelons de collectivités ne pourront plus agir en tant que maîtres d’ouvrage à l’issue de la période transitoire, ils pourront continuer à financer des actions réalisées par d’autres gestionnaires.

Le département peut ainsi maintenir son financement au titre de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui prévoit qu’il « peut contribuer au financement des projets dont la maîtrise douvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, à leur demande. »

Il peut également mettre ses services à disposition des collectivités rurales dans le cadre de sa compétence d’appui et de solidarité territoriale prévue à l’article L. 3232-1 du même code ([20]).

La région peut également intervenir au titre de sa compétence générale en matière d’aménagement du territoire (article L. 4211-1) ou d’animation et de concertation dans le domaine de l’eau. C’est notamment le cas de la Bretagne, qui s’est saisie de cette compétence facultative.

Pour mémoire, l’article L. 211-7 du code de l’environnement prévoit, en effet, que « lorsque létat des eaux de surface ou des eaux souterraines présente des enjeux sanitaires et environnementaux justifiant une gestion coordonnée des différents sous-bassins hydrographiques de la région, le conseil régional peut se voir attribuer tout ou partie des missions danimation et de concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques ».

Par ailleurs, conformément aux dispositions prévues par le I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement et par l’article L. 151-36 du code rural et de la pêche, ces deux échelons peuvent également exercer des compétences facultatives dans le domaine de l’eau, lorsque ces dernières n’entrent pas en concurrence avec les compétences exclusivement exercées par le bloc communal.

Par conséquent, sur la base de ces différentes dispositions, les départements et les régions pourront ainsi continuer de :

– participer au financement de la compétence GEMAPI dans les conditions rappelées ci-dessus ;

– adhérer à un syndicat mixte ouvert auquel les EPCI ont transféré tout ou partie de la compétence GEMAPI, à condition que l’objet de ce dernier inclue au moins une autre mission pour laquelle les départements et les régions peuvent intervenir (par exemple, la lutte contre l’érosion des sols ou contre la pollution des eaux terrestres et maritimes) ;

– contribuer à la maîtrise douvrage dopérations mixtes, c’est-à-dire relevant à la fois de la compétence GEMAPI et d’une compétence partagée en matière de gestion de l’eau ;

– conclure une convention pour prestation de service comme le permet l’article L. 5111-1 selon lequel « des conventions qui ont pour objet la réalisation de prestations de services peuvent être conclues entre les départements, les régions, leurs établissements publics, leurs groupements et les syndicats mixtes. »

Comme le souligne l’AdCF, « le cadre réglementaire national apparaît donc suffisamment solide et explicite. Il ne préjuge toutefois pas des décisions qui seront prises par les conseils régionaux et départementaux concernant leurs politiques daccompagnement des maîtres douvrage […]. Un désengagement apparaîtrait cependant préjudiciable à lensemble de la politique conduite en matière de grand cycle de leau. » ([21])

B.   la réforme proposée

Le présent article propose de permettre aux départements de demeurer compétents en matière de GEMAPI, au-delà de la période transitoire, à la condition qu’ils exercent d’ores et déjà cette compétence (alinéas 4 et 6).

L’objectif est de préserver l’expertise développée par certains départements (comme ceux de la Vendée ou des Charentes maritimes) ainsi que les conditions de financement, conditionnant la réalisation des investissements nécessaires. Une dizaine de départements seraient concernés.

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a toutefois souhaité préciser qu’un département qui souhaitera continuer d’exercer les missions relevant de la compétence GEMAPI après le 1er janvier 2020 devra conclure une convention avec les EPCI situés sur son territoire. Cette convention permettra de préciser la répartition des missions entre le département et les EPCI, leur financement et les mesures prises pour assurer la coordination de leurs actions.

II.   des précisions nécessaires sur la responsabilité des epci

A.   une responsabilité partagée

La question de la responsabilité des acteurs publics se pose principalement en matière de prévention des inondations, qui emporte le plus de risques pour les biens et les personnes.

1.   La responsabilité limitée des gestionnaires d’ouvrages

La responsabilité des gestionnaires d’ouvrages de protection contre les risques d’inondation est engagée au titre de l’efficacité de ces ouvrages au regard d’un niveau de protection, défini en fonction des caractéristiques du territoire et sa densité d’occupation. Ces derniers doivent donc respecter une obligation de moyens.

Cette limitation de leur responsabilité, qui constitue une avancée notable issue de la loi « Grenelle II » ([22]) et complétée par la loi MAPTAM ([23]), est codifiée à l’article L. 562-8-1 du code de l’environnement dans les termes suivants : « la responsabilité du gestionnaire de louvrage ne peut être engagée à raison des dommages que louvrage na pas permis de prévenir dès lors quil a été conçu, exploité et entretenu dans les règles de lart et conformément aux obligations légales et réglementaires. »

Par conséquent, les collectivités compétentes en matière de GEMAPI sont responsables au regard de l’entretien de ces ouvrages ainsi que de toutes les prescriptions fixées dans l’acte d’autorisation pris par le préfet. À titre d’exemple, un gestionnaire de digues ne pourra pas être tenu responsable de sa rupture sous l’effet d’une crue « centennale » si celle-ci a été conçue pour résister à une plus faible crue.

Toutefois, ces dispositions ont été précisées par le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques (dit décret « digues »).

Selon l’article R. 562-14 qui en découle, le bénéfice de cette limitation de responsabilité au titre d’une « digue à raison des dommages quelle na pu prévenir (…) est subordonné à linclusion de celle-ci à un système dendiguement autorisé ».

Cette restriction emporte deux conséquences importantes pour les EPCI gestionnaires.

En premier lieu, l’EPCI « aura tout intérêt à anticiper le plus tôt possible ses décisions en matière de prévention des inondations » ([24]), à savoir, soit décider de déclasser l’ancienne digue ([25]), soit déposer une demande d’autorisation du système d’endiguement. Il devra alors définir les performances qu’il lui assigne ainsi que les zones protégées correspondantes. Il devra également indiquer les risques de débordement pour les hauteurs d’eaux les plus élevées.

Toutefois, les représentants d’élus se sont interrogés, lors de leur audition, sur la capacité des EPCI à définir le bon niveau de protection, qui nécessite une expertise approfondie des risques à couvrir. En effet, la détermination du niveau de protection relève de l’autorité compétente bénéficiaire de l’autorisation délivrée par le préfet (R. 562-13) et sa responsabilité peut être engagée si ce niveau est insuffisant pour assurer la protection des biens et des personnes.

Ce risque pourrait toutefois être limité par la réalisation de diagnostics précis, avec le concours financier des agences de l’eau. À titre d’exemple, selon les informations transmises à votre rapporteure :

– l’agence de l’eau Seine-Normandie a financé 23 études de gouvernance pour un montant moyen de 90 000 euros par étude ;

– l’agence de l’eau Loire-Bretagne accompagne la structuration de la maîtrise d’ouvrage et l’organisation de l’exercice de la compétence GEMAPI, pour un montant de plus de 1 700 000 euros depuis 2013.

En cas de défaillance du gestionnaire, il sera de la responsabilité du préfet d’exercer ses prérogatives de police (R. 214-127).

Par ailleurs, les représentants d’élus ont également souligné que la responsabilité du gestionnaire peut être engagée au titre d’un délai excessif à faire réaliser ces diagnostics, puis à réaliser les travaux nécessaires. Or, l’état souvent dégradé des ouvrages de protection peut justifier des inquiétudes quant à la capacité des EPCI à réaliser dans des délais contraints des investissements très lourds en termes techniques et financiers.

En second lieu, la limitation de la responsabilité des EPCI prévue à l’article L. 562-8-1 ne trouvera pas à s’appliquer entre la mise à disposition des ouvrages aux EPCI par convention et l’autorisation du système d’endiguement par le préfet (si celle-ci n’a pas été sollicitée par le précédent gestionnaire), puisqu’elle est conditionnée par cette dernière.

Ce dernier point est problématique en ce qu’il pourrait être source de contentieux sur la répartition des responsabilités entre l’ancien gestionnaire et l’EPCI dans la période suivant la mise à disposition des ouvrages.

Il conviendrait ainsi d’encourager le gestionnaire historique des digues « bien quil ne possède pas la qualité dautorité compétente pour la prévention des inondations » de se saisir de sa faculté, jusqu’à la fin de la période transitoire, « [d’] anticiper les règles prévues pour les systèmes dendiguement » ([26]).

2.   La responsabilité du maire au titre de ses pouvoirs de police générale

Le transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI ne remet pas en cause les pouvoirs de police générale du maire, définis à l’article L. 2212-2 du CGCT, qui comprennent notamment « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que […] les inondations, les ruptures de digues […], de pourvoir durgence à toutes les mesures dassistance et de secours et, sil y a lieu, de provoquer lintervention de ladministration supérieure ».

Il ne remet pas non plus en cause l’exercice par le maire de polices spéciales (en particulier, la police de la conservation des cours d’eau non domaniaux, exercée sous l’autorité du préfet) ainsi que ses compétences locales en matière d’urbanisme et la responsabilité qui y est attachée.

Dans ce cadre, le maire est donc tenu de :

– prendre en compte les risques existants dans les documents d’urbanisme et dans la délivrance des autorisations d’urbanisme ;

– informer préventivement les administrés sur ces risques ;

– assurer une mission de surveillance et d’alerte ;

– intervenir en cas de carence des propriétaires pour assurer le libre écoulement des eaux ;

–  organiser les secours en cas d’inondation.

Comme précisé par l’instruction du Gouvernement du 21 octobre 2015 ([27]), « la création et lattribution de la compétence GEMAPI aux communes nalourdit donc pas leur responsabilité en la matière », sans pour autant l’atténuer.

Selon le Gouvernement, elle devrait toutefois permettre au maire de mieux exercer ses responsabilités en situation de crise. En effet, le gestionnaire du système d’endiguement a aussi pour mission d’informer le maire et la préfecture sur les performances de ce dernier et sur les venues d’eau qui pourraient se produire en cas de crues ou de tempête dépassant ses capacités de protection. Ainsi, pour l’organisation des secours dont il a la charge, le maire bénéficiera d’un interlocuteur unique au travers de l’EPCI, lui permettant de mieux exercer ses fonctions et d’anticiper les situations pouvant mettre en danger la population.

3.   La responsabilité de l’État dans le cadre de sa mission de contrôle

Par ailleurs, l’État, au travers de son représentant, peut également voir sa responsabilité engagée au titre de l’instruction des demandes d’autorisation des systèmes d’endiguement, du recours à ses pouvoirs de police générale, notamment en cas de défaillance de l’autorité de police communale, et de ses pouvoirs de police de l’eau.

4.   La responsabilité des propriétaires riverains de cours d’eau

L’exercice de la compétence GEMAPI ne remet pas en cause les droits et devoirs des propriétaires privés ([28]). Ainsi, le propriétaire riverain est toujours responsable de l’entretien du cours d’eau (notamment pour garantir le libre écoulement des eaux) et de la préservation des milieux aquatiques situés sur ses terrains au titre du code de l’environnement en contrepartie du droit d’usage de l’eau et du droit de pêche. De même, il demeure responsable de la gestion de ses eaux de ruissellement au titre du code civil.

La collectivité n’a vocation à intervenir qu’en cas de défaillance de part ou d’opérations d’intérêt général ou d’urgence. Dans ce cas, elle doit engager une procédure de déclaration d’intérêt général (DIG), telle que prévue à l’article L. 211-7 du code de l’environnement, dans les conditions fixées aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime.

B.   la réforme proposée

Les alinéas 7 et 8 du présent article ont pour objet de limiter plus fortement la responsabilité des EPCI en prévoyant que celle-ci « peut être engagée, jusquau 31 décembre 2019, uniquement en ce qui concerne lorganisation de la compétence à la suite de son transfert au 1er janvier 2018. »

Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, cette disposition doit permettre « à chaque territoire de préparer au mieux le transfert de GEMAPI compte tenu de la complexité des organisations à imaginer. »

Toutefois, si la volonté ainsi exprimée d’accorder le temps nécessaire aux EPCI pour l’organisation du transfert de cette compétence est légitime au regard de ses enjeux pour les territoires et leurs habitants, il ne semble pas qu’une telle disposition puisse être opposable au juge en cas de sinistre. Il convient donc d’en préciser la rédaction de manière à mieux répondre aux inquiétudes exprimées par les élus en la matière.

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a souhaité préciser le régime de responsabilité qui sappliquera aux EPCI au titre des ouvrages de prévention des inondations dont ils deviendront gestionnaires à la suite de la réforme.

En effet, comme précédemment rappelé, certains de ces ouvrages nécessiteront la réalisation d’importants investissements que les EPCI ne pourront réaliser qu’à la suite d’études techniques préalables permettant, dans un premier temps, d’apprécier le niveau de risque à couvrir et, dans un second temps, de déposer auprès du préfet une demande d’autorisation d’un système d’endiguement.

Par conséquent, de manière à adapter leur régime de responsabilité à cette phase transitoire, cet amendement propose d’étendre aux EPCI concernés le régime de responsabilité limitée prévu à l’article L. 562-8-1 du code de l’environnement sous deux conditions :

– qu’ils exploitent et entretiennent les ouvrages dans les règles de l’art ;

– qu’ils les soumettent à une autorisation administrative avant le 1er janvier 2022.