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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2018.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI
portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (n° 846)
PAR M. Richard Lioger et Mme Christelle Dubos
Députés
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Voir les numéros : 846, 881, 942 et 944.
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Pages
Titre IER CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER
Chapitre Ier Dynamiser les opérations d’aménagement pour produire plus de foncier constructible
Article 3 bis (nouveau) (article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016) Permis d’innover
Chapitre II Favoriser la libération du foncier
Chapitre III Favoriser la transformation de bureaux en logements
Chapitre IV Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme
Article 13 Simplifier la hiérarchie des normes des documents d’urbanisme
Article 14 Clarifier les dispositions relatives aux schémas d’aménagement régional
Article 17 ter (nouveau) Création d’un guichet national de la publicité foncière
Chapitre V Simplifier l’acte de construire
Chapitre VI Améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme
TITRE II évolutions du secteur du logement social
Chapitre Ier Restructuration du secteur
Chapitre II Adaptation des conditions d’activité des organismes de logement social
Chapitre III Dispositions diverses
TITRE III Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale
Chapitre Ier Favoriser la mobilité dans le parc social et le parc privé
Chapitre II Favoriser la mixité sociale
Article 49 Caractère expérimental et optionnel du dispositif d’encadrement des loyers
TITRE IV AMéLIORER LE CADRE DE VIE
Chapitre Ier Revitalisation des centres-villes
Chapitre II Rénovation énergétique
Chapitre III Lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil
Article 56 sexies (nouveau) Signalement de revenus présumés illicites à Tracfin
Chapitre IV Améliorer le droit des copropriétés
Chapitre V Numérisation du secteur du logement
Chapitre VII Diffusion par voie hertzienne de données horaires du temps légal français
Chapitre VIII Dispositions spécifiques à la Corse (Division et intitulé nouveaux)
Liste des personnes auditionnées
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Madame, Monsieur,
Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) est le fruit d’une longue concertation entamée dès l’été 2017. Après une consultation citoyenne numérique en juillet et août 2017, la préparation de ce projet de loi a fait l’objet d’une étape innovante : entre décembre 2017 et février 2018, une conférence de consensus réunissant députés, sénateurs, Gouvernement, élus locaux et acteurs économiques et associatifs du secteur du logement et de l’urbanisme a permis à toutes les parties prenantes d’échanger sur l’avant-projet de loi rendu public par le Gouvernement.
Depuis le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce travail d’écoute et de concertation s’est poursuivi. Durant trois semaines, en avril et mai 2018, vos deux co-rapporteurs, M. Richard Lioger pour les titres Ier et IV et Mme Christelle Dubos, pour les titres II et III, ont procédé à 53 auditions au cours desquelles ils ont entendu tous les principaux acteurs du logement, de l’urbanisme, du commerce et du numérique.
Au cours de ces auditions, de nombreux constats ont fait l’objet d’un consensus. Il en est ainsi de la nécessité de lever les blocages qui entravent la construction de logements ou de faciliter la mobilité des locataires au sein du parc social et du parc privé. Ce texte n’est pas une énième loi logement : c’est un projet de loi équilibré, qui aspire à être utile à l’ensemble de nos territoires et à l’ensemble de nos compatriotes sans les opposer, qu’ils soient locataires ou propriétaires, habitants des quartiers prioritaires ou des territoires ruraux.
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Concernant la construction de logements, le projet de loi est guidé par une devise : construire plus, mieux et moins cher. Pour cela le texte instaure un partenariat intense entre les collectivités territoriales et l’État, qui permettra de gérer main dans la main les grandes opérations d’urbanisme. Il apporte des simplifications et donne de nouveaux outils pour mieux mobiliser le foncier public, faciliter la transformation de bureaux en logements et lutter contre les recours abusifs qui bloquent un trop grand nombre de projets.
Pour accompagner le plan « Action cœur de villes » lancé par le Gouvernement, qui vise 222 villes moyennes dont le centre-ville est en difficulté, le projet de loi prévoit un outil contractuel souple, les opérations de revitalisation de territoire (ORT), permettant certaines adaptations des règles régissant l’urbanisme commercial.
Concernant le logement, le projet de loi prend en compte la vie quotidienne de tous les Français et apporte une réponse aux besoins de chacun. Il permet un meilleur accès au logement pour ceux qui ont peu de moyens et se retrouvent face à un parc social saturé. Pour eux, il revoit les règles d’attribution des logements, y apporte de la transparence et prévoit une expérimentation afin de mettre en œuvre une politique des loyers qui prenne mieux en compte la capacité financière des ménages entrant dans le parc social. Pour les classes moyennes, le projet de loi dynamise la production de logements intermédiaires et permet d’expérimenter vraiment l’encadrement des loyers dans les agglomérations où l’écart entre les loyers du parc social et ceux du parc privé est le plus élevé.
Par ailleurs, le projet de loi répond à l’évolution des modes de vie. Pour ceux qui sont mobiles, étudiants ou professionnels, il crée un bail mobilité qui permettra le développement d’une nouvelle offre de logements tout en apportant davantage de souplesse aux locataires comme aux propriétaires. Le projet de loi encourage les nouvelles formes d’habitat partagé, comme la colocation intergénérationnelle entre jeunes et seniors ou les colocations entre personnes handicapées dans le parc social.
En accord avec les principales fédérations de bailleurs sociaux, le projet de loi accompagne la réforme structurelle du secteur HLM initiée par la loi de finances pour 2018. Le texte encourage ainsi les organismes HLM à se regrouper en leur laissant la liberté du mode de regroupement le plus approprié à la réalité de chaque territoire et de chaque organisme. Il donne de nouvelles compétences aux bailleurs sociaux pour participer à la revitalisation des centres-villes et mieux accompagner leurs locataires. Enfin, il facilite la cession de logements sociaux afin de créer un cercle vertueux permettant à la fois de développer l’accession sociale à la propriété et de financer de nouvelles constructions.
En outre, pour les personnes les plus fragiles, le projet de loi traduit dans la législation la politique du « Logement d’abord » et affiche clairement l’ambition de lutter contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil.
Enfin, le volet numérique du projet de loi comporte des mesures de simplification qui, conformément à l’accord trouvé entre le Gouvernement et les opérateurs téléphoniques, permettront d’accélérer le déploiement d’antennes-relais et de réseaux de fibre optique sur l’ensemble du territoire.
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L’examen de ce projet de loi en commission des affaires économiques a donné lieu à la discussion de 2 437 amendements, ce qui constitue un record pour la commission. Ce nombre d’amendements témoigne du caractère transversal de ce projet de loi et de l’importance accordée par les élus et nos concitoyens aux sujets du logement et du cadre de vie.
Au cours des 40 heures de débats, la commission a adopté 401 amendements provenant de presque tous les groupes politiques.
Le texte de la commission, discuté en séance publique, est donc considérablement enrichi et précisé sur de nombreux points.
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LES PRINCIPAUX AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
Titre Ier – Construire plus, mieux et moins cher
Titre II – Évolutions du secteur du logement social
Titre III – Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale
Titre IV – Améliorer le cadre de vie
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La commission a examiné le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) (n° 846), sur le rapport de
M. Richard Lioger (titres Ier et IV) et de Mme Christelle Dubos (titres II et III).
M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, monsieur le secrétaire d’État, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue pour l’examen de ce projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit ELAN, qui va nous occuper au cours des jours et des nuits à venir.
Après nous être consacrés à l’avenir de l’agriculture française, nous allons nous atteler cette semaine à un aspect important de la vie quotidienne de nos concitoyens : le logement, premier poste de dépense des ménages en France.
Pendant la campagne présidentielle, le projet porté par le Président de la République et la majorité s’était fixé pour premier objectif de lutter contre « l’assignation à résidence ». Au sens figuré, l’assignation à résidence s’apparente à une barrière à l’accès à notre modèle social qui inclut la formation professionnelle, l’éducation ou notre système de santé. Comme son nom l’indique, l’assignation à résidence, c’est aussi l’impossibilité de s’émanciper sur les lieux même où l’on construit sa vie.
Moderniser notre politique du logement et de l’aménagement du territoire pour recréer de la mobilité, tel est l’objectif de ce projet de loi ELAN. Ce texte était annoncé depuis plusieurs mois et notre commission a déjà beaucoup travaillé pour préparer son examen.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous avions entendu tous les deux dès le 18 octobre 2017. La commission a ensuite procédé à l’audition d’un certain nombre d’acteurs éminents, notamment M. Jacques Chanut et M. Jean-Baptiste Dolci, respectivement président et vice-président d’Action Logement, le 7 février 2018. Puis elle a organisé deux tables rondes, la première sur la revitalisation des centres-villes et ses enjeux en matière de logement et d’urbanisme commercial, la seconde sur le plan national « Logement d’abord » et l’accès au logement des personnes sans abri ou défavorisées.
Je mentionnerais aussi les travaux que nous avons consacrés à l’examen de la proposition de loi de M. Hubert Wulfranc, ici présent, visant à lutter contre les marchands de sommeil, un sujet important qui fait l’objet de plusieurs dispositions de ce projet de loi. Pour la partie du projet de loi portant sur le numérique, nous avons eu de nombreuses auditions des opérateurs. Plusieurs d’entre vous ont également participé aux nombreux débats de la conférence de consensus, et je n’aurais garde d’oublier la cinquantaine d’auditions tenues par nos deux rapporteurs : M. Richard Lioger, chargé des titres Ier et IV sur l’urbanisme, et Mme Christelle Dubos, responsable des titres II et III sur le logement.
Ce projet de loi suscite manifestement un très fort intérêt. Trois autres commissions ont ainsi décidé de se saisir pour avis. Je salue, à cette occasion, la présence parmi nous de M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois, et de Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je rappelle d’ailleurs que cette dernière commission bénéficie d’une délégation au fond sur les articles 21 et 55.
Je note également que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est saisie pour avis et a désigné M. Jean-Paul Mattei comme rapporteur.
Mesdames et messieurs les députés, votre intérêt pour ce texte s’est aussi manifesté à l’occasion du dépôt des amendements. C’est le moins que l’on puisse dire : le très récent record du nombre d’amendements en commission des affaires économiques, enregistré lors de l’examen du projet de loi sur l’agriculture, vient d’être littéralement pulvérisé puisque près de 2 440 amendements sont à examiner sur le présent projet de loi. Tous les groupes sont logés à la même enseigne. J’ai ici le tableau des amendements déposés par groupe ou par député : vous avez tous contribué à cette créativité qui dépasse, de loin, le passé et l’histoire : sur des sujets similaires, le projet de loi ALUR n’avait suscité que – si l’on peut dire – 1 060 amendements. Nous en avons plus du double cette fois-ci.
Je me garderais d’examiner, ici et maintenant, les causes de cette inflation d’amendements. Nul doute que nous aurons l’occasion d’en discuter au cours des semaines à venir, à l’occasion d’un autre projet de loi. En revanche, il m’appartient, en tant que président de la commission, de veiller à l’efficacité du travail parlementaire. En application de l’article 41 de notre Règlement, je me dois d’organiser les travaux de la commission afin que nous puissions étudier au mieux cette masse d’amendements.
Comme c’est l’usage, l’examen du projet de loi commence par une discussion générale. Nous entendrons donc M. Jacques Mézard pendant quinze minutes environ, puis les deux rapporteurs au fond, durant huit minutes chacun, et les trois rapporteurs pour avis pendant quatre minutes chacun. Les orateurs des groupes auront chacun la parole pour quatre minutes et tout député pourra ensuite intervenir avec des questions d’une durée d’une minute.
Nous passerons ensuite à l’examen des articles et des amendements. Dans ce cadre, je vous propose de reconduire les règles que notre commission avait suivies lors de ses réunions sur le projet de loi agriculture.
Premièrement, les séances de vendredi 18 mai, qui figuraient comme éventuelles dans la convocation, ont été ouvertes. Je n’exclus pas de siéger samedi, voire dimanche si cela se révèle nécessaire. Les ministres m’ont fait connaître leur disponibilité pour ces dates et je les en remercie.
Deuxièmement, je commencerai nos réunions à l’heure précise : tant pis pour les amendements qui ne pourraient être défendus.
Troisièmement, je serai très strict sur les durées d’intervention : une minute maximum pour présenter un amendement ou pour le discuter, puis je couperai la parole. Dix secondes, ce n’est pas grand-chose, mais quand on les multiplie par 2440, elles se transforment en sept heures de débat supplémentaires… Je ne laisserai donc pas les dix secondes qu’on me demande parfois avec insistance.
Quatrièmement, pour les amendements identiques, un seul orateur par groupe ayant déposé l’un de ces amendements identiques interviendra ; les autres auteurs d’amendements identiques ne pourront prendre la parole que s’ils ont des arguments supplémentaires à faire valoir par rapport aux précédents orateurs.
Cinquièmement, dans la discussion suivant l’intervention de l’auteur, après l’avis du rapporteur et, s’il le juge nécessaire, du Gouvernement, je n’autoriserai qu’un orateur pour et un orateur contre. Bien entendu, cette règle sera mise en œuvre en veillant à respecter l’équilibre entre les groupes et, sur les questions de fond, j’accorderai plus de souplesse pour laisser place au débat.
Vous conviendrez avec moi que ces diverses règles nous ont permis d’examiner le texte sur l’agriculture dans des délais convenables et en préservant la qualité des débats. Je souhaite qu’il en soit de même sur le projet de loi ELAN.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mesdames et messieurs les députés, l’élan que vous avez manifesté pour déposer des amendements me permet de dire, en bon parlementaire que je suis que je resterai, que le Parlement a toute son utilité. Et le ministre que je suis ne peut que saluer le travail parlementaire.
Avec le secrétaire d’État, Julien Denormandie, j’ai déjà eu l’occasion de venir devant votre commission pour vous présenter la stratégie du Gouvernement en matière de logement, dans laquelle s’inscrit ce projet de loi. Nous avons aussi eu l’occasion d’échanger sur ce sujet durant l’examen du projet de loi de finances et à l’occasion de débats dans l’hémicycle, dont certains étaient à votre initiative.
Certains d’entre vous ont participé à la conférence de consensus qui s’est tenue cet hiver au Sénat, à l’initiative du président Larcher et avec mon accord et celui du secrétaire d’État. Pour bon nombre d’entre vous, si ce n’est pour nous sous, bon nombre des dispositions du projet de loi ELAN, si elles ne vous sont pas toujours familières, ne vous sont pas inconnues.
Voici des décennies que nos politiques en matière de logement et d’habitat ne sont plus totalement en phase avec les évolutions de la société française. Il ne s’agit pas pour nous de contester et de remettre en cause le travail qui a pu être fait par les gouvernements successifs : à chaque moment, les gouvernements ont, de manière opportune, voulu faire évoluer la politique en matière de logement. Notre société, dans ce domaine comme dans de nombreux autres, évolue très vite et il est normal de chercher à s’y adapter.
Le quotidien de nos concitoyens a profondément changé et les politiques publiques liées au logement n’ont pas toujours évolué au même rythme : nous sommes plus souvent en réaction qu’en anticipation. Nous voulons tenir compte de ces évolutions de la manière la plus positive possible. Nos concitoyens changent souvent d’emploi, donc de logement : quand on est à la recherche d’un emploi, on a besoin d’être mobile. Le modèle familial s’est profondément modifié au cours des dernières décennies et le nombre de familles monoparentales s’est accru de manière accélérée. Les outils numériques ont changé nos comportements et nos habitudes de vie, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de l’habitat. Nous avons désormais besoin de logements davantage connectés, plus écologiques, plus modulables, mieux adaptés à la diversité des parcours. Cela nécessite donc de revoir un certain nombre de nos politiques.
Nous connaissons tous le diagnostic. Nous sommes très largement d’accord sur la nature de certains problèmes même si, en raison de sensibilités différentes, nous pouvons diverger sur la manière d’y répondre. La plupart de ces problèmes ne sont pas nouveaux. La demande de logements est en constante augmentation dans les métropoles et dans les centres-villes des grandes agglomérations. Nous constatons aussi qu’une pénurie de logements freine la mobilité professionnelle, les parcours résidentiels et le développement d’un grand nombre de territoires.
Dans le même temps, nous constatons que l’offre de logements est inadaptée aux besoins des Français dans de nombre de villes moyennes et que de nombreux logements sont vacants, voire dégradés, dans certains territoires ruraux. Le plan que nous avons lancé en faveur des villes moyennes s’intègre totalement dans notre stratégie logement. L’ambition de ce projet de loi est de remédier aux problèmes constatés, à travers un axe fondamental qui guide et inspire ce quinquennat : libérer et protéger.
Le projet de loi que nous vous présentons, Julien Denormandie et moi-même, s’adresse à tous les acteurs du logement et à tous nos concitoyens, qu’ils vivent à la ville ou à la campagne, et particulièrement aux plus modestes, pour lesquels le logement est un sujet de préoccupation quotidien. Avec ce texte, il s’agit de faciliter l’activité dans la construction et la rénovation du parc bâti, de redonner des moyens aux acteurs et d’accompagner les évolutions sociétales. Nous avons aussi la volonté de lutter contre les fractures territoriales, d’adapter des solutions de logement pour les plus démunis et de fluidifier les parcours résidentiels des plus fragiles.
Ce projet de loi est le fruit d’une large concertation engagée il y a plus d’un an, avant l’élection présidentielle. Une importante consultation en ligne a rassemblé plusieurs milliers de contributions. Une vaste concertation a ensuite eu lieu avec les élus locaux, les collectivités locales, les parlementaires et les spécialistes du secteur de l’habitat jusqu’à la conférence de consensus. Je dois remercier les députés pour le travail qu’ils ont accompli dans le cadre de cette conférence ; c’était une innovation, proposée par le Sénat et que j’ai pour ma part jugée très fructueuse et positive. Je ne doute pas, monsieur le président, que vous saurez organiser le même genre de travail partenarial avec le Sénat, à la faveur d’un autre texte. Cette conférence a été un bon moyen de travailler ensemble et de développer une bonne concertation.
Nous allons poursuivre cette concertation à l’occasion de l’examen des quelque 2 400 amendements que vous avez eu la sagesse de préparer. Et même si je ne leur donnerai peut-être pas toujours un avis favorable, je suis de ceux qui considèrent que le droit d’amendement est une bonne chose.
M. Thibault Bazin. Il faudra le dire à vos collègues…
M. le président Roland Lescure. Chacun son rôle !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Exactement ! Mes positions en la manière sont connues.
Certainement perfectible, ce projet de loi se veut d’ores et déjà un texte équilibré, articulé autour de quatre titres correspondant aux quatre piliers qui fondent notre politique du logement.
Le titre Ier s’intitule : « Construire plus, mieux et moins cher ». L’objectif est donc de libérer les initiatives dans les territoires, en laissant le maximum de marge de manœuvre à ceux qui sont sur le terrain. D’une manière générale, nous avons voulu simplifier. Pour avoir suivi beaucoup de débats parlementaires en matière de logement pendant neuf ans au Sénat, je ne peux qu’approuver un tel état d’esprit. Dans ce pays, nous avons une grande capacité à complexifier et à multiplier les normes. La responsabilité n’est pas seulement celle des gouvernements et des parlementaires, elle est collective et les lobbies, voire les corporatismes, y ont leur part.
Nous voulons donc laisser des marges de manœuvre à ceux qui sont sur le terrain, en situation, avec la volonté de promouvoir des opérations d’urbanisme et de revitalisation ambitieuses sur tous les territoires. Aux élus et aux collectivités locales, nous proposons de nouveaux outils de contractualisation pour qu’ils puissent élaborer des projets de territoire équilibrés, des projets urbains mixtes combinant des logements, des commerces et des activités. Les intercommunalités et les communes concernées pourront signer le projet partenarial d’aménagement (PPA) avec l’État, afin de réaliser des opérations d’aménagement complexes ou d’une certaine ampleur. En complément, elles pourront aussi créer une grande opération d’urbanisme (GOU) qui leur permettra de déroger à certaines règles de droit commun de l’urbanisme. Notre souci est l’efficacité.
Dans le cadre de ces opérations, la libération du foncier est facilitée : l’État pourra céder du foncier de son domaine privé aux signataires d’un projet partenarial d’aménagement. Depuis des années, nous constatons qu’il faut un temps considérable – parfois jusqu’à treize ou quatorze ans – pour libérer du foncier de l’État.
Ce titre Ier comporte également des mesures de simplification des normes de construction avec, par exemple, le développement de logements évolutifs pour un meilleur équilibre en termes de coût de construction et d’adaptation aux besoins de la société. La simplification vaudra également pour les documents d’urbanisme : les autorisations feront l’objet d’une procédure de dématérialisation et le nombre de pièces à fournir pour les permis de construire sera limité.
S’agissant des recours, un sujet que j’avais assez longuement abordé devant vous au mois d’octobre dernier, des mesures législatives et réglementaires concertées sont prévues pour accélérer les délais de jugement et sanctionner les recours abusifs. Pour chaque niveau de procédure, notre objectif est de passer en moyenne de vingt-quatre à dix mois, en particulier pour les logements collectifs. C’est un enjeu important : on dit que plus de 30 000 logements sont bloqués dans le pays en raison de recours. Il ne s’agit pas de mettre en échec le droit de recours, mais de mettre en place des dispositions permettant d’accélérer les procédures et de sanctionner davantage ceux qui font des recours dans le seul but de nuire ou d’obtenir des transactions financières.
Pour utiliser au mieux les espaces déjà construits, nous proposons des mesures favorisant la transformation de bureaux vacants en logements avec bonus de constructibilité, la création de la catégorie des immeubles de moyenne hauteur, et un élargissement de la procédure de réquisition des locaux vacants depuis plus d’un an à des fins d’hébergement lorsqu’ils appartiennent à des personnes morales.
Le titre II tend à favoriser l’évolution du secteur du logement social. Nouvel acte de la réforme de ce secteur, le projet de loi vise à renforcer la capacité de production et de rénovation de logements sociaux et à rendre plus efficace la gestion de ce secteur administré. Il prévoit notamment la restructuration, étalée sur trois ans, des organismes de logement social. Si un organisme de logement locatif social n’a pas une taille suffisante, il devra rejoindre un groupe, sauf s’il est situé dans les territoires où le parc et les bailleurs sont peu nombreux : je tiens à préserver la proximité et à éviter que certains territoires soient privés de tout organisme de logement social. Nous devons atteindre le bon équilibre entre la proximité et la mutualisation. Le lien avec le territoire reste garanti, ce qui a toujours été pour moi une réelle priorité.
Nous voulons simplifier le cadre juridique applicable aux bailleurs sociaux par des mesures visant à rendre leur maîtrise d’ouvrage plus efficace et compétitive. Les dérogations aux concours d’architecture et à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique (MOP), prévues pour les bailleurs sociaux, ne déclenchent pas que des réactions positives, mais c’est un choix politique assumé.
La simplification de l’accession à la propriété pour les locataires d’HLM permettra de stabiliser les classes moyennes dans certains quartiers pour plus de mixité sociale, tout en donnant plus de moyens aux bailleurs pour construire de nouveaux logements ou rénover le parc existant.
Le titre III s’intitule : « Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale ». En matière de logement, les attentes des ménages sont fortes, diverses, variables dans le temps. En ce qui concerne le parc social, nous proposons de renforcer la transparence des attributions grâce à la généralisation de la cotation dans les grandes agglomérations, et de renforcer la mobilité des locataires en réexaminant leur situation tous les six ans. Ce dernier point suscite beaucoup de débats mais cela répond à un réel besoin, notamment pour ce qui touche à la mobilité.
Dans le parc privé, le bail mobilité permettra de mobiliser les logements qui ne seraient pas loués sans ce nouvel outil. Les baux adaptés et à durée définie répondront aux besoins de personnes en mobilité, notamment des étudiants ou des salariés en mission professionnelle qui ont besoin d’un logement meublé pour une durée de quelques mois.
Nous avons aussi prévu de développer l’offre de logements intermédiaires. En zone tendue, les programmes locaux de l’habitat (PLH) devront fixer un objectif de production de logements de ce type. D’autres mesures visent à favoriser la mixité intergénérationnelle ou la colocation dans le parc social pour les personnes handicapées, et à améliorer les procédures en coordonnant mieux, par exemple, celles relatives à l’expulsion et au surendettement. Comme nous avons tous pu le constater sur le terrain, il n’est pas très logique que des procédures d’expulsion et des procédures de surendettement vivent leur vie en parallèle sans jamais se rejoindre.
La préoccupation exprimée dans l’intitulé du titre IV : « Améliorer le cadre de vie », est au cœur du projet de territoire. Les mesures de ce projet de loi visent à accélérer la rénovation des centres des villes moyennes, à travers un contrat intégrateur unique : l’opération de revitalisation des territoires (ORT). C’est un des objectifs du plan « Action cœur de ville », lancé il y a quelques semaines après plusieurs mois de réflexion et qui concerne 222 villes dont la liste est maintenant connue.
Pour améliorer le cadre de vie, il faut aussi renforcer la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil. Je sais que nombre d’entre vous veulent accentuer cette lutte et nous en avons débattu lors de l’examen d’une proposition de loi du groupe communiste sur le sujet. Nous proposons d’instaurer une présomption de revenus qui permettra des poursuites fiscales. Nous proposons aussi d’élargir et de systématiser les astreintes administratives. Nous voulons vraiment lutter contre ce fléau.
Des mesures portent sur la modernisation et la simplification du droit des copropriétés. Il s’agit de les rendre plus réactives tout en apportant des solutions à celles qui sont dégradées. Dans certains territoires, nombre de copropriétés présentent des signes de dégradation très forts, à l’origine de problèmes sociaux considérables. C’est là une préoccupation que vous êtes nombreux à signaler, et à juste titre. Nous voulons agir de la manière la plus efficace possible car, si l’État et les collectivités ne bougent pas, nous serons confrontés à des situations sociales catastrophiques. Je ne vais pas citer des exemples que nous connaissons tous, et qui démontrent qu’il y a urgence à agir dans ce domaine.
Le projet de loi propose de clarifier les règles concernant les locations touristiques et de sanctionner plus fermement les abus. Il faut éviter que des logements, qui pourraient être occupés de manière durable, ne disparaissent du marché comme c’est le cas dans les zones tendues et particulièrement à Paris.
Enfin, ce dernier titre prévoit des mesures de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire afin de conjuguer l’ambition environnementale et la faisabilité technique et économique.
Mesdames et messieurs les députés, voilà un tableau synthétique des quatre actions fondamentales visées dans ce projet de loi. Ce texte s’inscrit dans l’objectif de cohésion des territoires, en complémentarité avec des actions menées à travers d’autres dispositions législatives. Il est au cœur de la mission qui nous a été confiée, à Julien Denormandie et moi-même, par le Président de la République.
Nous sommes partis du constat que de nouvelles disparités se dessinent : le fossé grandit entre les territoires qui concentrent nombre d’atouts liés au dynamisme économique et démographique et les autres. Mais même dans les territoires qui présentent ces caractéristiques de dynamisme économique et géographique, on trouve des quartiers en grande difficulté. Dans les territoires marqués par le retrait économique et la vacance de logements et de commerces, se développe un sentiment d’abandon ou d’assignation à résidence.
Les différentes mesures que je viens de vous présenter montrent notre volonté de simplifier et de donner davantage de souplesse afin d’apporter des réponses concrètes aux besoins de nos concitoyens en matière de logement. C’était notre état d’esprit lorsque nous avons mené cet important travail de concertation. Si nous pouvons avoir des désaccords sur les mesures à adopter, je sais que nous sommes sous déterminés à améliorer l’accès au logement et à lutter contre ces fractures, car nous partageons un attachement fort aux valeurs et aux principes républicains.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je voulais vous dire pour vous présenter ce texte de la manière la plus synthétique possible. Des sensibilités diverses s’exprimeront naturellement au cours de la discussion de ces mesures : c’est cela le débat démocratique auquel, le secrétaire d’État et moi-même, nous sommes très attachés.
M. Richard Lioger, rapporteur sur les titres Ier et IV. Tout au long de l’élaboration de ce projet de loi, nous avons appliqué une méthode que
M. le ministre vient de rappeler : la concertation, l’écoute et le dialogue.
Ce projet de loi a été le fruit d’une longue maturation et de nombreux échanges qui ont commencé dès avant votre installation à l’Hôtel de Castries, messieurs les ministres, par une longue série d’entretiens avec tous les acteurs du monde de l’urbanisme, du logement et du numérique. Nous avons essayé de n’oublier personne, nous avons même auditionné plusieurs fois certains acteurs. Nous avons voulu mettre sur la table tous les sujets qui préoccupent les Français sur cette question centrale du logement.
La concertation est notre marque de fabrique : je pense à votre travail, messieurs les ministres, à celui de notre collègue Stéphanie Do, à la conférence de consensus et à la soixantaine d’auditions menées depuis quelques semaines avec Christelle Dubos et Mickaël Nogal. Je voudrais saluer le dévouement de tous, l’efficacité avec laquelle ces auditions ont été menées et la participation de nombre d’entre vous.
Cette concertation a été jalonnée d’accords essentiels : ainsi ceux que vous avez annoncés avec les opérateurs téléphoniques sur la couverture numérique que nous allons renforcer dans ce projet de loi. Tout cela, encore et toujours, pour venir en aide aux plus fragiles, à ceux qui sont les plus isolés. Tel est bien l’esprit de ce projet de loi : rester fidèle à notre devise républicaine qui nous rappelle que l’égalité doit être un objectif commun de tous les jours pour faire vivre notre pacte national.
Avant même l’adoption de cette loi, vous avez décidé que l’État viendrait en aide à 222 communes dont les centres bourgs sont en difficulté. Un certain nombre de mesures aideront les collectivités locales à travailler sur ce sujet. En septembre dernier, les bailleurs sociaux avaient manifesté leur incompréhension. Cet épisode est aujourd’hui largement dépassé grâce aux propositions de réorganisation et de financement qui étaient indispensables et qui sont maintenant saluées par tous. Au cours des dernières auditions, nous avons même vu les organismes d’HLM s’enthousiasmer de la possibilité d’élargir leurs compétences, notamment en matière de rénovation urbaine.
Ma collègue Christelle Dubos ne m’en voudra pas, j’en suis sûr, de déborder un peu sur les mesures du titre II, afin de montrer l’interdépendance et la complémentarité de tous les titres de ce projet. Les mesures se répondent d’un article à l’autre, d’un titre à l’autre, et tout cela dans un seul et même but : la nécessité de construire plus, mieux et moins cher. Tels sont les trois piliers du développement économique et social de ce texte de loi dont le spectre large permet une intervention à tous les niveaux dans les domaines de l’urbanisme et du logement.
Ce texte instaure d’abord un partenariat intense entre les collectivités et l’État, qui permettra de gérer main dans la main de grandes opérations de développement immobilier. La libération du foncier sera, je l’espère, aussi fluide qu’efficace – en tout cas, c’est notre objectif. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’a pas toujours été le cas, comme peuvent en témoigner ceux d’entre nous qui sont des élus locaux. Ce partenariat entre les collectivités et l’État est au cœur de ce projet de loi. Les collectivités ont été pleinement associées à l’élaboration de la loi. Elles seront pleinement associées à la restructuration du monde HLM et elles disposeront de nombreux nouveaux outils en matière d’urbanisme.
Nous avons aussi associé les partenaires privilégiés que sont les professionnels de la construction et de la promotion immobilière et commerciale. Nous attendons d’eux qu’ils participent, avec les collectivités et leurs outils, les sociétés d’économie mixte (SEM), à la revitalisation des centres bourgs. Grâce à l’effet de levier que l’on connaît, il s’agit de ramener des logements et des commerces au centre de ces villes qui perdent chaque jour un peu de leur population. C’est un enjeu fondamental pour l’équilibre de nos territoires et je sais que nous y sommes tous ici très attentifs.
Ce texte affiche par ailleurs clairement l’ambition de lutter contre l’habitat indigne et contre les marchands de sommeil. J’en suis heureux car je me suis engagé fortement dans cette lutte. Nous avons décidé de renforcer les pouvoirs de police et les sanctions pour la mener à bien.
Toujours pour soutenir les plus fragiles, nous avons aussi voulu prévoir des mesures pour la réhabilitation des copropriétés très dégradées et la codification des règles relatives à la copropriété.
Le volet numérique comporte diverses mesures : les bases d’un futur bail de location numérique ; la simplification des délais administratifs nécessaires au déploiement d’antennes-relais et de réseaux de fibre optique ; l’harmonisation des sanctions applicables aux opérateurs qui prennent des engagements contraignants en matière de déploiement de réseaux mobiles ou fixes ; un article enfin organise la responsabilité de la définition du temps légal en France.
Après ce bref rappel de contenu des articles, j’en viens à quelques observations de fond qui ont motivé le dépôt de plusieurs amendements.
En ce qui concerne les opérations de revitalisation de territoires (ORT) prévues à l’article 54, je proposerai de mieux encadrer le pouvoir qu’ont les préfets de suspendre les autorisations d’exploitation commerciale. Il leur appartiendra de prendre ces décisions au cas par cas plutôt que de mettre en place des moratoires généraux qui constitueraient une atteinte disproportionnée à la libre concurrence.
Dans un souci de souplesse, je propose également que les ORT puissent se mettre en œuvre de façon dérogatoire aux documents d’urbanisme. Les autorités politiques à la manœuvre dans les ORT et dans la définition des documents d’urbanisme étant sensiblement les mêmes, il convenait de prévoir que, le cas échéant, la signature d’une convention d’ORT entraîne la mise en compatibilité accélérée des documents d’urbanisme.
D’autres amendements visent à simplifier et à faciliter certaines procédures d’urbanisme commercial, toujours dans la perspective de redynamiser nos centres-villes.
Sur les sujets numériques enfin, comme beaucoup de collègues issus de tous les bancs, je proposerai de donner davantage d’ambition à la simplification administrative qui permet d’accélérer les redéploiements. Il s’agit de résorber les poches de mauvaise couverture, notamment dans les zones littorales et dans les zones de montagne, de limiter certains contentieux administratifs aux délais inutiles, d’expliciter certaines dispositions sur le sujet certes technique mais essentiel qu’est la prise en charge financière des extensions de réseau électrique pour déployer une nouvelle antenne relais. J’ai évidemment à cœur de préserver les acquis de la « loi Abeille » qui avait fixé des normes élevées de protection de nos concitoyens à l’exposition aux ondes électromagnétiques. L’équilibre trouvé par le Gouvernement semble être le bon.
Pour conclure, je voudrais nous souhaiter de faire un bon travail dans un esprit constructif et au service du développement du logement pour tous et du dynamisme économique et de l’attractivité de notre pays.
Mme Christelle Dubos, rapporteure sur les titres II et III. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, j’ai eu la responsabilité d’examiner les titres II et III de ce projet de loi ELAN. Ces deux titres traitent des questions du logement et de la mixité sociale sur nos territoires. Sur ces deux aspects, ce texte modifiera la vie quotidienne de millions de Français.
Si nos concitoyens aspirent tous à pouvoir se loger dans de bonnes conditions, force est de constater que l’accès au logement est de plus en plus difficile. En début d’année, la Fondation Abbé Pierre ne recensait pas moins de 4 millions de mal logés et de 12 millions de fragilisés. Les classes moyennes ne sont pas épargnées dans les zones tendues où le nombre de logements intermédiaires fait défaut.
Le législateur est régulièrement saisi de ces questions. Au cours des dernières années, des lois ont apporté des avancées certaines : la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) de 2000, outil en faveur de la mixité sociale, fonctionne bien au regard des quelque 300 communes carencées ; la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de 2014, qui a instauré la garantie Visale et des mesures de sécurisation des locataires ; la loi égalité et citoyenneté.
Ce projet de loi ELAN s’inscrit dans une stratégie plus large de réformes structurelles de notre politique de l’habitat. Ce n’est pas une énième loi logement : c’est un projet de loi équilibré qui aspire à être utile à l’ensemble de nos compatriotes sans les opposer, qu’ils soient locataires ou propriétaires, mobiles ou sédentaires.
Le texte part des situations de vie de tous les Français et il apporte une réponse aux besoins de chacun. Il permet un meilleur accès au logement, à ceux qui ont peu de moyens et se retrouvent face à un parc social saturé. Pour eux, il développe la construction, revoit les règles d’attribution des logements et y apporte de la transparence. Il n’oublie pas ceux de la classe moyenne qui n’entrent pas dans les critères du parc social mais qui, parfois, n’ont pas les moyens d’accéder au parc privé en zone tendue. Pour eux, il dynamise la production de logements privés abordables et permet d’expérimenter vraiment l’encadrement des loyers.
Il répond à différents modes de vie parce que la société change. Pour ceux qui sont mobiles, étudiants ou professionnels, il crée un bail mobilité avec la dispense d’un dépôt de garantie parfois lourd. Pour ceux qui, au contraire, souhaitent accéder à la propriété, il libère les ventes dans le parc social, engageant un cercle vertueux qui permet aussi de financer la construction. Pour ceux qui sont installés dans le parc social et dont la vie a changé, soit parce que les enfants sont partis ou, au contraire, parce que la famille s’agrandit, il permet de proposer des solutions de relogement.
Ce texte enfin favorise la mixité sociale et la solidarité. Il encourage la colocation intergénérationnelle entre jeunes et seniors, qui a des vertus positives pour chacun. Il sécurise l’intermédiation locative pour les propriétaires qui souhaitent mettre leurs biens à la disposition de familles en situation précaire. Il permet la colocation et l’entraide dans le parc social pour les personnes handicapées. Il développe davantage la mise à disposition de locaux vacants pour l’hébergement d’urgence en faveur des sans-abri, permettant ainsi le développement du plan « Logement d’abord ».
Tout au long de la cinquantaine d’auditions réalisées en tant que rapporteur, j’ai été guidée par la volonté que tous les Français se retrouvent dans ce texte. À ce stade, je crois que c’est le cas. Quasiment toutes les personnes auditionnées ont salué la concertation qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi. Sans grande surprise, les dispositions actant la réforme structurelle du logement social, élaborée en lien avec les organismes de ce secteur, sont peu remises en cause. De nombreuses propositions, souvent attendues, reçoivent un accueil très favorable : la gestion en flux des logements sociaux ; la simplification des procédures d’attribution ; l’obligation de programmer une offre de logements intermédiaires dans certaines communes situées en zones tendues ; la suppression du caractère manuscrit de l’acte de cautionnement.
Les pratiques abusives constatées dans le domaine des meublés de tourisme, qui s’effectuent souvent via des plateformes numériques, pénalisent l’offre de logements en zone tendue. Pour y faire face, le texte fixe à cent vingt jours maximum la durée de location d’une résidence principale dans certaines communes. Il renforce les sanctions vis-à-vis du loueur et de l’intermédiaire lorsque des manquements sont constatés. Ces mesures ont été largement saluées.
Certaines modifications peuvent néanmoins être apportées à la marge. En ce qui concerne la réforme du logement social tout d’abord, la définition du seuil de regroupement des organismes de logements sociaux pourrait, par exemple, intégrer une meilleure prise en compte du modèle particulier des sociétés d’économie mixte. La représentativité des collectivités et des locataires dans la gouvernance des nouvelles sociétés de coordination pourrait être confortée. Il me semble également essentiel de maintenir la possibilité de vente par le biais de la location-accession, dispositif parfois indispensable aux foyers les plus modestes.
Plusieurs acteurs souhaiteraient être rassurés sur les contours du nouveau bail mobilité. Pour répondre à leur souhait, il convient de proposer des garde-fous complémentaires ne remettant pas en cause le fonctionnement de ce dispositif qui répond à un réel besoin. Je suggère d’instaurer une obligation d’information sur le montant de loyer appliqué au précédent locataire, et une obligation de communication des quittances de loyer sur demande. Les diagnostics techniques du logement, notamment ceux qui sont en lien avec la sécurité, doivent pouvoir être communiqués. Enfin, je propose d’encadrer les possibilités d’avenant afin qu’elles restent strictement contenues dans la limite maximale des dix mois prévus pour ce contrat, et de supprimer toute possibilité de reconduction tacite du bail.
En matière de solidarité en faveur des plus fragiles, le texte propose d’ouvrir le parc social à la colocation pour les personnes handicapées, afin de développer l’entraide et de lutter contre l’isolement. Cette mesure, qui va dans le bon sens, gagnerait à être élargie à toutes les personnes en perte d’autonomie liée à l’âge, ce qui serait un formidable moyen de prévention.
Pour terminer, je souhaite réagir aux velléités de certains collègues d’aller plus vite et plus loin sur quelques sujets comme l’encadrement des loyers. Nous devons tous garder à l’esprit la difficile mise en œuvre de cet encadrement à Paris et à Lille. Pour éviter un tel scénario, le texte propose un dispositif robuste sur le plan juridique. Il permettra d’expérimenter réellement cet encadrement des loyers et de disposer de retours d’expérience solides qui soutiendront potentiellement son extension.
À travers ce texte, nous avons la possibilité de changer les choses pour bon nombre de nos concitoyens. J’espère que nous nous en saisirons.
Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le Président, messieurs les ministres, chers collègues, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis des articles 4, 5 et 54 du projet de loi, et elle a bénéficié d’une délégation au fond pour les articles 21 et 55.
Je commencerai par présenter brièvement les objectifs poursuivis par les articles 21 et 55 ainsi que les amendements qui ont été adoptées.
L’article 21 concerne le dispositif d’individualisation des frais de chauffage, profondément remaniée par la loi du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Les concertations menées à l’occasion de la préparation des textes réglementaires avaient mis en lumière certaines difficultés. L’article 21 vise à recentrer le dispositif sur les immeubles collectifs d’habitation et les immeubles mixtes pourvus d’une installation centrale de chauffage, et à assouplir le régime des dérogations pour coût excessif, afin d’éviter que le coût des dispositifs ne soit supérieur aux gains liés aux économies réalisées. Il étend l’obligation de mettre en place le dispositif d’individualisation au réseau de froid. La commission, partageant ces objectifs, n’a adopté que deux amendements rédactionnels à cet article 21.
L’article 55 fait évoluer l’obligation de réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire. Introduite dans le code de la construction et de l’habitation par la loi Grenelle 2, cette obligation avait ensuite été renforcée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’article 55 du présent projet de loi assouplit le dispositif et fixe des objectifs intermédiaires plus réalistes, tout en conservant le principe d’une réduction de 60 % de la consommation d’énergie des bâtiments à l’horizon 2050.
Outre des amendements rédactionnels, la commission a adopté une série d’amendements de fond. Ils tendent, respectivement, à préciser que c’est sur l’énergie finale que s’appliquent les objectifs de réduction de la consommation d’énergie ; à permettre que la chaleur fatale revendue par les bâtiments soit déduite de la consommation prise en compte pour la définition des objectifs de réduction ; à prévoir que le respect des obligations prévues par l’article fasse l’objet d’un véritable contrôle ; et enfin, à préciser que le décret d’application de l’article doit être pris dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, et que la plateforme informatique permettant de recueillir les données et d’assurer le suivi doit être en place au 1er janvier 2020.
Parmi les articles dont la commission s’est saisie pour avis, l’article 5 a fait l’objet de deux amendements rédactionnels et d’un amendement imposant que l’autorité environnementale qui soumettrait un projet, un plan ou un programme à évaluation environnementale après examen au cas par cas précise les objectifs spécifiques de cette évaluation.
Sur l’article 54, qui institue le dispositif des opérations de revitalisation de territoire (ORT), la commission a adopté des amendements qui font évoluer la définition des objectifs des ORT afin qu’ils concernent également les espaces publics, la réhabilitation des friches urbaines, les parcs des locaux artisanaux ainsi que la valorisation du patrimoine.
Ces propositions étendent l’objectif de promotion du développement durable, limité dans le projet de loi aux secteurs du commerce et de l’artisanat. Avant signature, le projet devra faire l’objet d’un débat devant l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné et une concertation publique pourra être engagée. Nous avons également précisé que la dispense d’autorisation d’exploitation commerciale pour les commerces qui s’implantent en centre-ville ne pourra être accordée que si la convention le prévoit.
Nous avons en outre souhaité ouvrir à l’EPCI et aux communes signataires d’une convention d’ORT la possibilité de demander au préfet de suspendre par arrêté les demandes d’autorisation relatives à la création de commerces de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés. Enfin, la commission a adopté un article additionnel qui prolonge jusqu’en 2021 l’expérimentation sur la mise en œuvre d’une tarification sociale de l’eau par certaines collectivités territoriales.
M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mes chers collègues, la commission des lois s’est réunie ce matin ; je vous fais donc part de travaux tout frais.
Le parcours de ce projet de loi a commencé en septembre par l’affirmation des priorités du Gouvernement en la matière et s’est construit dans un esprit de large concertation – je pense en particulier à la conférence de consensus. Je le dis d’autant plus librement que j’étais parmi ceux qui étaient circonspects à l’égard de cette démarche au départ : au fur et à mesure de son déroulement, elle a vraiment prouvé sa valeur et sa capacité à agréger les acteurs, à leur permettre de se parler, d’échanger, de faire part de leur vérité face à une réalité particulièrement complexe.
Sans doute l’une des qualités principales de ce texte est-elle d’embrasser cette réalité complexe dans son ensemble ; et peut-être que le défaut de ceux qui l’ont précédé est de l’avoir justement traitée par parties. Cette réalité est urbaine, sociale, économique, territoriale. Même si le texte peut paraître extrêmement large et constituer une somme législative tout à fait conséquente, c’est justement en cela qu’il répond à une nécessité.
La commission des lois est aussi la commission de l’administration générale de la République. À ce titre, elle a considéré devoir se saisir d’un certain nombre d’articles : l’article 4 en ce qui concerne l’outre-mer ; les articles 23 et 24 portant sur les recours abusifs et les procédures administratives – chacun a évidemment en tête les éléments de viscosité qui font que le secteur de l’habitat et du logement connaît parfois de grosses difficultés –, l’article 54, qui porte sur l’aménagement du territoire, mais aussi sur les collectivités locales ; les articles 56, 57 et 58 enfin, qui traitent principalement des marchands de sommeil.
Nos travaux se sont principalement concentrés sur l’article 54 et sur la problématique des marchands de sommeil. Sans vouloir empiéter sur le travail de Richard Lioger, je voudrais souligner que les collectivités locales ne sont pas absentes de ce projet. Le titre Ier remet les collectivités locales au cœur des grandes opérations d’urbanisme. Mais évidemment, c’est au titre de la revitalisation des centres-villes – donc les opérations de revitalisation du territoire (ORT) – que leur place sera la plus affirmée, et nous y veillerons. Nos travaux en la matière se sont surtout attachés à l’environnement commercial de ces ORT et nous aurons l’occasion d’y revenir en temps et en heure.
Les marchands de sommeil sont évidemment une plaie dont il nous faut nous débarrasser aujourd’hui, et nous souhaitons aller plus loin que le texte. Mais somme toute, compte tenu de la dimension de ce texte, il est assez naturel que le débat parlementaire ne soit pas simplement utile, mais nécessaire. C’est ce que traduisent les 2 500 amendements que nous allons être amenés à examiner. La commission des lois a été d’une grande sobriété en la matière, puisque nous avons examiné une trentaine d’amendements et adopté une vingtaine d’entre eux.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir cet après-midi, en tant que rapporteur pour avis, de porter la voix de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi relatif à l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, qui entend répondre aux aspirations profondes de nos concitoyens en créant un choc de l’offre et en permettant de construire plus vite, mieux et moins cher.
En cette année européenne du patrimoine culturel, j’aimerais rappeler, à titre liminaire, que l’acte de construire ne se résume pas à un acte technique répondant à de strictes contraintes économiques. C’est aussi un acte éminemment culturel qui participe au rayonnement international de notre pays et à la qualité du cadre de vie de ses habitants.
C’est pour cette raison que la commission des affaires culturelles s’est saisie pour avis sur sept articles ou parties d’articles, avec deux axes fondamentaux sur lesquels je vous appelle à la vigilance.
Le premier, ce sont les conditions de préservation de notre patrimoine bâti, qui représente notre bien commun, la trace d’une histoire collective, mais aussi un formidable levier d’attractivité et de développement économique pour les territoires.
C’est pour cette raison qu’il ne faut pas négliger le potentiel de nos monuments historiques dans le processus de revitalisation des territoires que le projet de loi prévoit de contractualiser à l’article 54.
C’est pour cette raison également qu’il convient de ne pas s’écarter des équilibres dessinés à l’article 15 s’agissant des avis des architectes des Bâtiments de France (ABF) en secteur protégé. Un avis simple et non plus conforme serait désormais exigé pour l’installation des antennes de téléphonie mobile et pour les autorisations de démolir portant sur des bâtiments insalubres ou frappés d’un arrêté de péril. Si ces deux concessions répondent aux attentes des Français en matière de couverture extensive des territoires et de valorisation d’espaces publics de qualité, il est pour autant primordial de ne pas chercher à élargir le champ de l’avis simple de l’ABF.
Malgré les critiques parfois légitimes qu’il peut susciter, l’ABF demeure le pilier de nos politiques de préservation du patrimoine, en remplissant une précieuse mission de conseil et d’accompagnement, notamment pour les maires des petites communes afin de garantir la qualité des constructions et leur insertion harmonieuse dans l’espace urbain.
L’enjeu aujourd’hui consiste donc davantage à renouer le dialogue entre les élus locaux et les ABF, en ménageant une voie de concertation en amont de la délivrance des avis conformes de ces derniers. C’est le sens des quatre amendements que je présenterai sur ce sujet, qui ne doivent pas être pris séparément, mais qui s’inscrivent dans une continuité logique pour engager une coconstruction et une coresponsabilité, pour que jamais les avis ne soient vécus comme des sanctions.
Le deuxième enjeu fondamental, c’est de ne pas reproduire les erreurs du passé en négligeant la dimension architecturale de l’acte de construire.
Le Président de la République a eu l’occasion de manifester un attachement fort pour l’excellence architecturale de notre pays pendant la campagne présidentielle. La France, c’est le patrimoine, mais un patrimoine qui ne se résume pas à une contemplation nostalgique du passé. La création d’aujourd’hui est le patrimoine de demain. Ne l’oublions jamais : les lois de 1977 sur l’architecture et de 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique ont été élaborées en réaction aux errements de la reconstruction d’après-guerre, avec la construction rapide et massive des grands ensembles dont nous continuons de payer le coût social et économique.
Nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas conscience de ces enjeux au moment de l’examen du projet de loi ELAN.
L’acte de construire s’inscrit dans le temps court – quelques années tout au plus – avec des enjeux de rentabilité économique qui peuvent entrer en contradiction avec la qualité du bâti et la qualité de vie de ses occupants : on a pu observer ces dernières années, en parallèle d’une amélioration de la qualité technique des logements, une dégradation nette de leur qualité spatiale et d’usage.
C’est pourquoi il est important de prendre également en compte le temps long, en pensant au coût global, en intégrant le coût de la construction, mais aussi les coûts d’entretien et de maintenance et de valeur d’usage des logements. Aussi, si on veut rompre avec la « France moche » tant décriée et concilier toutes ces échelles de temps, nous devons poser un nouveau cadre qui donne à l’architecte la possibilité de jouer son rôle de concepteur, mais aussi de gestionnaire des projets.
C’est pour cette raison que, tout en souscrivant aux principaux objectifs du projet de loi, je proposerai, au nom de la commission des affaires culturelles, plusieurs amendements visant à élaborer par voie de concertation un nouveau modèle d’intervention de l’architecte qui soit garant de la qualité globale des logements.
M. le président Roland Lescure. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Mickaël Nogal. Depuis plusieurs décennies, la société française connaît de profondes mutations : accroissement de la mobilité professionnelle, transitions numérique et écologique, recomposition des familles, hausse des prix des loyers… Les Français ont besoin de logements en phase avec leurs modes de vie : plus connectés, plus écologiques, plus modulables et mieux adaptés à la diversité de leurs parcours.
Mais ils ont aussi besoin de logements moins chers. Premier poste de dépense des ménages, le logement représente aujourd’hui en moyenne 26 % du budget des Français, et bien plus dans les zones les plus tendues ou pour les plus fragiles de nos concitoyens.
Cette loi vise donc à donner à tous les Français un accès à des logements moins coûteux, de qualité, et à résorber la fracture sociale et territoriale que connaît le pays depuis de nombreuses années. Nous avons trop longtemps opposé les locataires aux propriétaires, les zones urbaines aux zones rurales ; aujourd’hui, nous proposons des solutions à chacun, d’où qu’il vienne et où qu’il soit.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prend toute sa place dans une stratégie logement plus globale, comprenant un ensemble de mesures législatives, réglementaires et de plans d’action. Rappelons par exemple la prolongation des dispositifs Prêt à taux zéro (PTZ) et Pinel dans le projet de loi de finances pour 2018, pour favoriser la construction de logements dans les zones tendues et l’accession à la propriété. Citons également le plan « Action cœur de ville », qui prévoit de réhabiliter les logements et revitaliser nos centres-villes.
Je pense aussi au plan très haut débit, avec l’objectif de connecter tous les Français sans exception d’ici 2022. Ces mesures s’inscrivent pleinement dans notre volonté de renforcer la cohésion de nos territoires.
Cette stratégie logement c’est, au total, près de dix mois de consultation. Une conférence de consensus réunissant tous les acteurs du secteur et les parlementaires s’est tenue au Sénat entre décembre et février. À cette occasion, un avant-projet de loi avait été rendu public, et je veux saluer la transparence et la démarche du Gouvernement.
Entre la consultation menée par le Gouvernement cet été et celle réalisée par La République en Marche, ce sont au total près de 2 600 contributions des professionnels et 20 000 réponses citoyennes qui ont nourri cette stratégie logement dont ELAN est la traduction législative. Parallèlement, notre commission a mené de nombreuses auditions sur le sujet, complétées par celles des corapporteurs, nos collègues Christelle Dubos et Richard Lioger.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui comporte des mesures fortes pour l’ensemble des Français. Alors que près de 2 millions de Français sont en attente d’un logement social, souvent pendant plusieurs années, jusqu’à huit ans en Île-de-France, le texte prévoit de réorganiser le secteur des HLM – dont il serait intéressant de revoir le nom – pour construire et rénover davantage de logements. Pour les plus démunis, nous proposerons un dispositif visant à permettre l’occupation temporaire de bâtiments vacants au profit d’associations ou d’organismes qui font de l’hébergement d’urgence et de l’accompagnement social, ainsi qu’un mécanisme de transformation de bureaux en logements via un bonus de constructibilité de 30 %, pour rendre cette opération plus attractive. La lutte contre les marchands de sommeil sera par ailleurs renforcée par la création d’une présomption de revenu, comme c’est le cas pour les trafiquants de drogue ou de contrefaçons.
Nous défendrons également la création d’un carnet numérique du logement, qui rassemblera toutes les informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement. Prévu dans la loi de transition énergétique en 2015, ce carnet n’a jamais vu le jour. Nous l’avons retravaillé pour en faire aujourd’hui une réalité.
Autre mesure phare de ce projet de loi, le bail mobilité. Engagement de campagne d’Emmanuel Macron, ce nouveau bail meublé d’un à dix mois s’adressera à des personnes en mobilité professionnelle. Nous le défendrons et proposerons d’aller plus loin en permettant un renouvellement dans ce délai maximum de dix mois, toujours pour s’adapter aux besoins des Français.
Vous le voyez, le texte que nous examinons aujourd’hui comporte des mesures à destination de tous les publics, qui n’opposent pas les uns aux autres et qui permettront de répondre aux besoins de chacun.
M. Thibault Bazin. Ayant été pendant dix ans développeur de projets immobiliers pour un promoteur national, en province, je connais bien la problématique de la construction. Par souci déontologique, je précise devant mes collègues avoir démissionné et quitté toutes mes fonctions.
Cela étant précisé, Messieurs les ministres, votre premier budget a profondément mis à mal la dynamique du logement en France. En effet, la loi de finances pour 2018 a quasiment supprimé l’APL accession, restreint le dispositif Pinel aux zones tendues, programmé la fin du PTZ d’ici 2020 dans les zones détendues et fragilisé la capacité d’autofinancement des offices HLM, principaux donneurs d’ordres dans les territoires déjà délaissés des investisseurs privés.
Pour désamorcer la gronde légitime face à la brutalité de ces mesures, vous nous avez conviés à la conférence de consensus sur le logement, une bonne initiative. Les attentes étaient fortes, et à la lecture de ce projet de loi, la déception est grande. On ne sent aucun élan pour un aménagement équilibré de notre territoire. Certes, il y a des mesures pour les territoires bien portants. Mais rien, ou si peu, pour 95 % du territoire français.
Il y a beaucoup d’oubliés dans votre projet de loi. Certes, on trouve des dispositifs intéressants pour faciliter des opérations publiques dans quelques territoires, mais aucun moyen financier ou fiscal afin de soutenir les investissements privés tant attendus.
Votre projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux, ni dans son périmètre géographique, ni dans son périmètre financier. Certes, il y a des annonces de simplification, d’allégement de normes, mais certaines posent question : ainsi la limitation de l’obligation de logements accessibles à 10 % seulement des immeubles collectifs, ou comme le concept d’immeuble de moyenne hauteur, faisant craindre une diminution de la sécurité incendie pour ceux qui y habiteront. Il faudra nous rassurer sur les ordonnances, messieurs les ministres.
Certes, il y a la volonté d’une réforme du logement social ; mais elle peut détourner encore davantage les opérateurs de leur mission première de loger ceux en difficulté. Pire, elle risque d’éloigner les acteurs du territoire, avec des seuils déconnectés des réalités locales.
Certes, il y a la volonté d’accompagner la mobilité. Mais ce projet de loi ne porte aucune ambition pour les millions de Français qui habitent déjà un logement et qui souhaiteraient le rénover, le rendre accessible ou l’adapter au vieillissement.
Messieurs les ministres, les premiers effets de vos mesures fiscales se font déjà sentir. Nous nous dirigeons vers un véritable trou d’air de la production de logements à l’horizon 2020. Les indicateurs sont au rouge pour 2018 : baisse des mises en chantier de logements, baisse des transactions dans le parc existant, baisse des crédits immobiliers. Vous voulez construire plus, mais les mesures que vous proposez nous emmènent sur le chemin inverse.
Vous faites le pari de tout miser sur les zones tendues où le foncier est cher et peu mobilisable. Et si votre stratégie n’était pas la bonne ? Et si les fonds publics pouvaient être mieux utilisés ?
Aux propriétaires des métropoles, vous proposez l’encadrement des loyers dont on connaît déjà les effets néfastes et contre-productifs, réduisant le fameux choc d’offre que vous souhaitez.
Aux maires, vous souhaitez enlever la signature des permis de construire sur les grandes opérations d’aménagement et la compétence en matière de lutte contre l’habitat insalubre.
Et si l’évolution annoncée n’était que recul ?
Des propriétaires méprisés, des maires mis hors-jeu, des territoires oubliés. Quel avenir proposez-vous aux villes moyennes non retenues dans le plan cœur de ville ? Quel avenir proposez-vous aux habitants des territoires de la France périphérique ?
Ces millions de Français ont aussi le droit d’accéder à la propriété. Ces millions de Français ont aussi droit de rénover leur logement, de sortir de la précarité énergétique, et donc de la précarité sociale. Quels moyens budgétaires et fiscaux prévoyez-vous pour joindre la parole aux actes ?
Messieurs les ministres, vous avez perdu la bataille budgétaire de 2017. Mais est-ce que l’aménagement du territoire va être indéfiniment le parent pauvre des politiques publiques de votre gouvernement ?
Il faudrait revenir aux attentes des Français. Ils regrettent la concentration de logements, la surdensité au détriment de la qualité de vie. Que veulent les Français ? Devenir propriétaires de leur logement, si possible spacieux, avec des espaces extérieurs pour une vie de qualité en famille ; rénover leur logement pour qu’il soit moins énergivore, pour l’adapter au vieillissement.
Alors qu’allez-vous mettre en œuvre, messieurs les ministres, pour le permettre à chaque Français sur l’ensemble du territoire ? Quels sont les engagements de l’État pour les territoires moins bien portants ? Quels moyens allez-vous déployer ? Nous attendons des actes.
Les députés du groupe Les Républicains espèrent que l’examen de ce texte, tant en commission qu’en séance publique, le fera évoluer favorablement.
M. Jean-Luc Lagleize. Chers collègues, c’est avec beaucoup d’intérêt que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés accueille ce projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Cet intérêt est d’autant plus fort que ce projet de loi a été construit de manière collective depuis l’été 2017 au travers de nombreuses consultations impliquant à la fois nos concitoyens, les élus locaux et les professionnels du secteur, lors de la conférence de consensus sur le logement.
Jusqu’à présent, la politique du logement a consisté pour l’essentiel à subventionner la demande par des aides au logement qui ont nourri la hausse des loyers et ont été captées par les propriétaires.
Malgré les 42 milliards d’euros de dépenses publiques annuelles alloués à l’actuelle politique du logement, notre pays compte encore quatre millions de mal-logés et plus d’un million de demandeurs attendant l’attribution d’un logement social.
En outre, les ménages français consacrent en moyenne 27 % de leur budget au logement, qui est ainsi devenu leur premier poste de dépenses.
Or il nous paraît essentiel que chacun de nos compatriotes puisse disposer d’un logement décent, de qualité, et adapté à ses besoins. C’est une règle fondamentale de notre vie en société, car tout ou presque se construit à partir du logement : l’épanouissement, la recherche d’emploi, l’intégration sociale et le développement familial.
Notre pays souffre également de déséquilibres territoriaux importants entre centres urbains et zones rurales, d’une crise de l’aménagement du territoire, d’un phénomène de dévitalisation des centres-villes et centres bourgs, et fait face à l’urgence écologique qui affecte le secteur de la construction et de l’aménagement.
Le projet de loi ELAN répond de façon globalement satisfaisante à ces problématiques, notamment grâce aux mesures de libération du foncier, à la réforme du secteur du logement social, à l’amélioration de la transparence dans l’attribution des logements sociaux, à la création du bail mobilité, ou encore à la simplification des normes de construction.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés considère en effet que la politique du logement doit être construite autour des besoins des Français, en lien avec les territoires. Nous devons redonner aux collectivités toute la place qui leur revient dans les différents dispositifs d’aménagement, notamment pour leur fine connaissance des territoires et de leurs besoins.
Malgré les avancées majeures que porte le texte dont nous allons débattre, il nous semble essentiel d’insister davantage sur la justice sociale pour favoriser l’accessibilité de tous et soutenir une économie du logement plus forte et innovante, connectée aux territoires.
Il est aujourd’hui fondamental de mieux adapter les mesures que nous votons à la réalité du terrain et d’encourager un accompagnement personnalisé des communes par les services déconcentrés de l’État, dans le but de faciliter la diversité sociale dans tous les quartiers et d’accompagner l’ensemble des maires, quelle que soit la taille de leur commune, vers la réalisation d’objectifs ambitieux, réalistes et consentis.
Au-delà de la création de nouveaux dispositifs législatifs et réglementaires, il est nécessaire de mobiliser pleinement les outils déjà existants et d’améliorer l’accompagnement des services de l’État, pour mieux les faire connaître des maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui connaissent bien leurs territoires et qui sont en mesure de décider des régulations idoines là où elles sont nécessaires.
Le projet de loi que vous portez ouvre également d’autres chapitres importants concernant des sujets aussi divers que la lutte contre les marchands de sommeil, la facilitation de la transformation de bureaux en logements, la mise en cohérence normative et la lutte contre les recours abusifs.
Nous en partageons complètement les objectifs et proposerons certains éléments qui nous semblent aller dans le sens de l’amélioration des dispositifs envisagés. Notre fil conducteur sera l’amélioration de la justice sociale et la promotion d’une économie du logement plus forte et innovante, cohérente avec la réalité des territoires et les difficultés qui les traversent.
Nous espérons donc que les débats autour de ce projet loi permettront d’aborder l’ensemble de ces éléments de manière constructive et viendront ainsi enrichir ce texte au profit d’une politique nationale du logement renouvelée et tournée vers l’avenir.
M. Thierry Benoit. Messieurs les ministres, après vous avoir entendu présenter le projet de loi ELAN et attentivement lu son contenu, je ressens de votre part une volonté d’essayer de répondre à des questions sur le logement qui restent posées depuis de nombreuses années.
Avec mes collègues du groupe UDI, Agir et Indépendants, nous avons toutefois identifié quelques fragilités, pour ne pas dire des lacunes.
Un élément me semble faire défaut à travers l’ensemble de ces articles : le continuum, la liaison entre la question du logement et du territoire, ce triptyque de l’emploi, du logement et du transport. Et cela vaut pour la métropole, mais aussi pour les territoires ultramarins.
La question des moyens se pose également. Ce n’est pas faire injure aux messieurs-dames de Bercy que de leur dire qu’ils arbitrent, aujourd’hui encore, en faveur du court terme et du construire plus, alors que nous nous inscrivons dans la perspective du moyen et du long terme. Il faut bien le leur faire comprendre, car ils ont la tête un peu dure…
Je parlais du lien au territoire, mais la question de l’échelon administratif se pose également. Il est vrai que depuis que le « président normal » a bouleversé la carte des régions, on ne sait plus trop quel est le bon échelon. Mais je considère que les régions restent un niveau intéressant pour les aspects programmatiques, tandis que les intercommunalités le sont pour les aspects opérationnels et interventionnels.
La question fiscale a été relevée par certains députés. Nous regrettons que le Gouvernement ait abordé les fameuses questions fiscales dans le projet de loi de finances pour 2018, et notamment qu’il ait fragilisé le PTZ et compliqué l’accession à la propriété en modifiant l’APL accession. Ce faisant, on a vraiment ébranlé la politique du logement ; et quelques mois plus tard, on y revient avec ce projet de loi ELAN… D’autant que lorsque vous portez le regard sur les zones tendues, vous mettez en place des dispositifs fiscaux très attractifs qui encouragent encore plus à s’y installer : comme le disait l’excellent ancien député du Maine-et-Loire Michel Piron, c’est remettre du bois dans la chaudière !
Pour les bailleurs sociaux, vous prévoyez une réorganisation, ce qui me semble intéressant. Mais j’ai une petite expérience de la vie publique locale grâce au cumul des mandats, et notamment du département d’Ille-et-Vilaine, comme plusieurs autres députés et comme le ministre Mézard : j’y vois des bailleurs sociaux d’envergure régionale et nationale qui font très bien leur travail, mais aussi des opérateurs locaux, et c’est une richesse pour les territoires. Dans la refonte de cette organisation, il faut que le Gouvernement soit attentif à cet aspect majeur.
Un bon point de ce projet de loi, ce sont les logements adaptables. Je pense que vous allez dans la bonne direction.
Sur le numérique enfin, ce ne sont pas les deux ou trois articles prévus dans le projet qui permettront d’atteindre l’objectif de 2020 ou 2022.
Surtout, soyons des acteurs de la simplification : ce texte doit vraiment être à cet égard un acte fondateur. Et pensons aussi à porter le regard sur l’accès au logement pour les jeunes.
M. François Pupponi. Aux yeux du groupe Nouvelle Gauche, ce projet de loi, à bien des égards, est un véritable travail d’orfèvre. Bercy et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages en ont rêvé, vous l’avez fait ! Tout a été construit, depuis la loi de finances, pour mettre à mal un secteur entier de l’activité économique : le logement.
Commençons par les aspects fiscaux. Tous les acteurs du secteur nous disent qu’en septembre, la production commencera à ralentir de manière forte, et la baisse des constructions s’affirmera en 2019. Vous êtes donc en train de réussir ce que nous avons dénoncé : 2017 était une année excellente en matière de production de logements, 2018 verra cette production commencer à baisser, et cette baisse s’aggravera en 2019. Et vous continuez avec le projet ELAN.
Premier problème : vous parlez de la vente aux Français. Vous avez raison, tout le monde est favorable à ce que les Français deviennent propriétaires. Mais dans ce texte, il est prévu que les logements soient vendus à des sociétés privées. S’ils n’avaient été vendus qu’aux locataires, ou entre bailleurs, cela ne posait pas de difficultés. Mais vous permettez de vendre à des sociétés privées, en fixant le niveau des ventes à 40 000 par an. Des sociétés privées vont acheter, et comme vous n’avez prévu aucun garde-fou, vous préparez les marchands de sommeil et l’habitat indigne de demain. Car ces sociétés privées vont revendre à des particuliers, elles vont faire du business. Elles ne seront pas là pour gérer du logement, mais pour réaliser de bonnes opérations financières. C’est un premier danger.
Vient ensuite le problème de la réorganisation du monde du logement social. Nous pourrions tous être d’accord, il faut restructurer et réorganiser, allons‑y ! Mais est-ce le moment, alors que l’on demande aux bailleurs sociaux de s’impliquer dans le programme de rénovation urbaine ? Croyez-vous qu’un bailleur conscient qu’il va disparaître dans six mois ou un an va s’impliquer dans ces projets ? On connaît à peu près ceux qui vont être mangés : ce sont les offices publics. Ces offices publics, qui permettent la proximité, n’entreront pas dans la rénovation et cesseront d’entretenir leur patrimoine. Ils ne se lanceront pas dans le grand programme de rénovation urbaine, et cela mettra à mal un grand projet.
Si je peux me permettre, messieurs les ministres, le drame pour vous est que ce texte arrive la semaine où le Président de la République va parler de la banlieue et du plan Borloo. Le plan Borloo dit sur ce sujet tout le contraire de ce que vous faites. C’est le hasard du calendrier, mais il faudra bien le gérer…
J’ai une question à vous poser. Jusqu’à présent, Bercy a toujours appliqué une règle scandaleuse : quand des bailleurs se vendent entre eux du patrimoine, c’est sur le dos des collectivités locales, puisque l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) repart pour quinze ou vingt-cinq ans. Ce qui fait perdre aux collectivités locales concernées des recettes fiscales, car ces immeubles produisent de la recette fiscale.
Monsieur le ministre, prenez-vous l’engagement que les cessions entre bailleurs dans le cadre de la réorganisation ne se feront pas sous forme d’exonération de la TFPB, et que les collectivités locales ne seront pas affectées budgétairement ? Ce sont les quartiers les plus défavorisés qui sont touchés, et c’est encore en contradiction complète avec le plan Borloo.
Sur la mixité sociale aussi, il y a un vrai problème. Vous voulez accélérer la création de places de résidence pour l’hébergement d’urgence ; on peut le comprendre. Pouvez-vous prendre l’engagement que ces résidences ne seront pas mises en place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Sinon, vous allez aggraver la ghettoïsation et la politique d’apartheid que ce pays a mis en œuvre depuis des années – c’est Manuel Valls qui l’a dit. Créer des résidences sociales d’hébergement d’urgence dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, c’est officialiser la non-mixité. Pouvez‑vous vous engager à ne pas laisser installer ces résidences dans ces quartiers ?
Mme Sabine Rubin. Nous abordons aujourd’hui un problème majeur dans la vie des Français. Commençons par rappeler que le logement n’est pas un bien marchand comme un autre. Se loger est un droit fondamental : il est bafoué pour les dizaines de milliers de sans-domiciles fixes et mis en péril pour les près de 4 millions de mal-logés et les plus de 12 millions de personnes en situation de fragilité vis-à-vis du logement. La priorité doit donc être de garantir un logement décent à ces personnes.
Ensuite, de nombreux Français ont des difficultés à se loger, notamment dans les métropoles, du fait d’un manque de logements à un prix abordable.
À cette grave crise, quelles ont été vos premières réponses ? La baisse des APL ; la demande du président Macron aux propriétaires de baisser leur loyer de cinq euros, restée sans effets ; la purge du mouvement HLM qui va perdre 1,7 milliard d’euros de revenus ; la promesse non tenue du Président qu’il n’y ait « plus d’ici la fin de l’année des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois » ; les déclarations choquantes de membres de la majorité sur les SDF à Paris.
Seule initiative positive après cette liste très inquiétante : le lancement du plan « logement d’abord » qui nous semble aller dans le bon sens et dont nous attendons les résultats.
Venons-en au projet de loi ELAN.
Premièrement, vous souhaitez provoquer un choc de l’offre en réduisant les normes, en accélérant les procédures, en prévoyant de nouvelles dérogations. Cela se traduit, par exemple, par un recul très important concernant l’accès pour les personnes à mobilité réduite, qui alerte fortement les associations et constitue un non-sens alors que la population française vieillit. On retrouve la même logique libérale que dans les ordonnances modifiant le code du travail : les rigidités réglementaires empêcheraient la construction de logements, il faut donc déréguler pour augmenter l’offre et faire baisser les prix. Nous ne partageons absolument pas cette idéologie et prônons une politique ambitieuse de rénovation énergétique et de construction de qualité.
Rappelons que la France est le pays d’Europe où l’on construit le plus : c’est donc que l’entrave réglementaire ne doit pas être un problème majeur. De plus, la production de logements ne pourra représenter qu’une très faible part de l’ensemble des logements, et aura donc un faible effet sur les prix.
Nous pensons qu’il faut construire des logements répondant à la demande sociale, et prendre des mesures sur le logement existant sans laisser la main invisible du marché décider de l’avenir du logement en France. C’est pourquoi nous proposons de construire un million de logements sociaux en cinq ans, et d’encadrer les loyers à la baisse.
Au contraire, vous avez imposé un plan d’austérité sans précédent au mouvement HLM, qui ampute ses capacités de construction et de rénovation du parc social. Vous imposez maintenant des fusions entre organismes ; nous ne pensons pas que ce soit le cœur du problème, d’autant plus que les coûts de gestion des grands organismes sont souvent les plus élevés. Après avoir affaibli les organismes HLM et déséquilibré leur modèle économique, vous voulez les renflouer en vendant les bijoux de famille : 20 000, voire 40 000 HLM par an. Il est absurde de vendre ce patrimoine alors que près de 2 millions de ménages sont en attente d’un logement social. Vous suivez l’exemple de la politique de Margaret Thatcher, dont on a vu les conséquences désastreuses. À terme, vous voulez marchandiser le logement social alors qu’il est plus que jamais nécessaire de le préserver et le développer au service de l’intérêt général.
Enfin, vous proposez la création d’un « bail mobilité » non reconductible d’une durée d’un à dix mois pour les étudiants, les personnes en formation et les stagiaires. Disons-le clairement, le bail mobilité est un bail précarité. Cela revient à créer un sous-bail pour les précaires. Il ne faut pas réduire les droits de locataires, mais au contraire mettre en place une garantie universelle des loyers par l’État et encadrer les exigences des propriétaires comme nous le proposons dans « l’Avenir en commun ».
Au cours de ce débat, les députés de la France Insoumise opposeront à la logique libérale qui vous anime et à la marchandisation du logement social que vous préparez une vision humaniste qui considère le logement social comme un modèle et le logement comme un droit fondamental.
M. Stéphane Peu. Bien évidemment, tout le monde ici peut souscrire aux deux grands objectifs du projet de loi : construire plus et mieux protéger. Je pense que la crise du logement dans notre pays est d’abord une crise du logement abordable, si l’on regarde qui est victime du mal logement, et combien pèse le logement dans le budget des ménages. Elle est donc liée au manque de logements conventionnés et de logements HLM.
Le problème est que sur ces objectifs louables et un diagnostic sur lequel nous pouvons être d’accord, vous posez, comme trop souvent, un postulat idéologique. Vous considérez que la réponse doit être libérale, et souvent éloignée des traditions de ce pays. Lors de la conférence de consensus, je vous avais suggéré, messieurs les ministres, de faire du benchmarking, des comparaisons internationales pour regarder partout où des crises du logement sévissent, notamment dans les grandes métropoles européennes, quelles étaient les difficultés auxquelles nos voisins sont confrontés, et les recettes mises en œuvre. Vous savez sûrement que l’atout de la France pour faire face à la crise du logement, c’est justement l’histoire d’une économie mixte dans le secteur du logement : un secteur public et un secteur privé, une économie de court terme et une économie de long terme. C’est cette mixité de la réponse à la crise du logement qui fait la force de notre pays ; c’est sur cette mixité qu’il faut s’appuyer pour répondre aux défis du logement. Et plutôt que d’affaiblir les HLM, il fallait les conforter pour que la branche de long terme, publique ou d’économie sociale et solidaire, soit renforcée par rapport à un secteur privé terriblement consommateur d’argent public. Dans notre pays, le secteur privé vit depuis plusieurs années sous perfusion d’aides publiques, beaucoup plus que le logement conventionné, au point d’en être totalement drogué.
Malheureusement, le fait d’être prisonnier de ce postulat idéologique vous éloigne des réponses pragmatiques qui s’appuieraient sur l’histoire de notre pays et iraient a contrario des crises que connaissent d’autres pays voisins, offrant à notre pays des réponses beaucoup plus efficaces.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine joueront le jeu parlementaire, déposeront des amendements : nous pensons que nous allons apporter notre pierre à l’édifice pour empêcher les mauvaises dispositions et essayer d’améliorer celles qui peuvent l’être. Mais j’appelle votre attention sur une chose : dans l’exposé des motifs, le logement est qualifié de diverses manières : bien marchand, bien de consommation, bien d’usage. Mais jamais on ne le voit qualifié comme un droit, alors que c’est un droit à caractère constitutionnel. Il y a là un péché originel qui permet de mieux comprendre la philosophie de ce projet de loi : loin de construire plus et protéger mieux, il va faire chuter la production de logements dans notre pays et fragiliser les plus modestes.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Les interventions des uns et des autres ont été sans surprise pour ce qui est de leur contenu, mais nous respectons bien entendu les diverses sensibilités qui se sont exprimées.
Je remercie M. Nogal de ses propos sur ce projet de loi, ainsi que M. Lagleize. Je reviendrai sur les explications de M. Benoît, que j’ai senties constructives.
Monsieur Bazin, j’ai bien écouté vos observations. Vous êtes déçu, vous considérez qu’il y a beaucoup d’oubliés, et que nous aurions tout consacré aux zones tendues, nous reprochant même de n’avoir retenu que 222 villes moyennes…
M. Thibault Bazin. Sur un total de 600 !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je ne veux pas vous renvoyer au passé, ce n’est pas mon habitude. Mais dans cette opération, nous avons réussi à mobiliser des fonds, avec des choix qui ont été considérés pertinents par un certain nombre de vos collègues sur le terrain, y compris de votre sensibilité politique, ce dont je me réjouis. Rien n’avait été fait à ce niveau depuis le septennat du président Giscard d’Estaing. Nous apporterons un plus à beaucoup de collectivités, et de manière tout à fait sereine.
J’entends vos critiques et l’expression de votre déception ; nous n’avons rien prévu sur la rénovation, dites-vous, mais avec ce qui a été annoncé sur la rénovation énergétique avec le ministre de la transition écologique et solidaire, ou les interventions fortifiées de l’Agence nationale de l’habitat, je crois que nous avons apporté des solutions à un certain nombre de problèmes.
Vous dites que la construction va flancher ; mais pour l’instant, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) continuent à progresser. C’est une réalité constatée par un certain nombre de collectivités, et elles n’ont pas envie que l’on apporte beaucoup de modifications sur ce plan – mais c’est un autre débat.
En tout cas, nous tiendrons compte de vos observations et j’essaierai, avec le secrétaire d’État, d’y répondre au cours de la discussion.
Monsieur Benoit, je salue votre esprit d’ouverture. Vous avez souligné quelques fragilités sur les liaisons entre logement, territoire et transport. Mais tout cela s’inscrit dans une vision d’ensemble, qui renvoie à d’autres textes, notamment au projet de loi sur les mobilités, et le Parlement pourra faire valoir utilement ses propositions en amont. En tout état de cause, cette vision d’ensemble ne se résume pas au projet de loi ELAN.
Vous avez rappelé les conséquences de la réforme territoriale – vous savez ce que j’en pense…
M. Thierry Benoit. Tout à fait ! Cinq sur cinq, monsieur le ministre !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il ne s’agit pas de créer un nouveau big bang. C’est vrai, les régions sont en train de prendre en considération leur rôle d’aménagement du territoire, élaborant des schémas prescriptifs, d’autres moins – trop souvent d’ailleurs. Vous avez parfaitement raison d’insister sur le rôle des intercommunalités dans ce domaine.
Vous avez parlé de simplification. C’est bien là notre volonté, même si j’entends que cela puisse déplaire à certaines sensibilités. Pendant de longues années, les textes n’ont cessé d’instaurer des règles supplémentaires, qui certes pouvaient constituer des améliorations et apporter des garanties, mais qui complexifiaient la loi. Si la question normative ne posait pas problème, nous ne serions pas assaillis de revendications pour opérer cette simplification.
Madame Rubin, je vous remercie d’avoir commencé par saluer la politique du logement menée par le Gouvernement ; nous y sommes attachés et ferons le maximum pour la développer. À vous entendre, nous aurions opéré une purge du mouvement HLM. Je vous rappelle que nous sommes parvenus il y a quelques semaines à signer une convention avec le président Dumont ; il est donc permis de croire que la purge a été considérée comme ingurgitable… Cette convention constitue un progrès partenarial ; nous y tenions, car nous n’avons jamais cessé le dialogue avec le monde HLM, et le remettre en cause n’a jamais été dans nos intentions.
Cela étant, une restructuration doit être entreprise. Sans aller jusqu’à reprendre les constatations de la Cour des comptes, on peut considérer qu’il était opportun de procéder à des évolutions, en laissant le temps nécessaire au monde HLM pour les conduire : cette restructuration en trois ans démarre d’ailleurs très rapidement et je ne doute pas qu’elle se passera bien.
Vous avez exprimé votre opposition au bail mobilité ; j’entends l’argumentation, mais, là encore, je persiste à penser que nous devons nous munir d’instruments nouveaux pour faciliter la vie quotidienne de nos concitoyens.
Si M. Pupponi était encore là, je lui dirais qu’il a la mémoire courte. Je m’efforce de garder des propos mesurés sur ce qui a pu se passer ces cinq dernières années, y compris à l’ANRU. À chacun ses responsabilités…
Monsieur Peu, vous jugez nos objectifs louables, ce qui est déjà beaucoup ! Mais selon vous, nous n’apporterions qu’une réponse libérale…
M. Stéphane Peu. Dogmatique !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. … et nous serions prisonniers d’un postulat idéologique. Je me garderai de vous renvoyer le compliment : ce serait trop facile, et qui plus est pas tout à fait justifié…
Nous essaierons de tenir compte d’un certain nombre de vos propositions. Il est des sujets sur lesquels nous avons la même approche et où beaucoup de travail reste à faire, notamment l’habitat indigne et les marchands de sommeil.
Vous nous rappelez que le logement est un droit ; je n’en ai jamais douté. Tout ce que nous faisons, avec une approche certes différente de la vôtre, c’est de permettre à nos concitoyens de l’exercer le mieux possible.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Bazin, je note que vous avez utilisé dans votre critique du projet de loi le terme « certes » à cinq reprises, ce qui revient à souligner en creux les éléments très positifs de ce texte : cela me comble d’enthousiasme pour la suite des débats !
Certains d’entre vous ont soulevé les questions budgétaires ; je me dois d’y répondre avec grande précision.
Il est trop facile de dire que le Gouvernement a réduit significativement les aides à l’achat et d’expliquer ainsi les difficultés dans le domaine de la construction. Rappelons que toutes les aides étaient appelées à s’arrêter au 31 décembre 2017. Et cela ne résulte pas des débats budgétaires : c’est ce que disait la loi. Comme toujours en pareil cas, les professionnels de l’immobilier ont interrompu le lancement de leurs opérations en amont des débats budgétaires, en attendant de savoir si ces aides seraient reconduites.
De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque la réduction des aides PTZ et Pinel, qui concernent respectivement 140 000 logements et 60 000 logements environ ? Seul le dispositif Pinel en zones B2 et C, qui concerne 6 000 logements, n’a pas été maintenu par la loi de finances pour 2018. Tous les autres ont été reconduits, et qui plus est sur une durée de quatre ans pour l’immense majorité. En véhiculant, comme certains s’y plaisent, le message selon lequel nous aurions réduit massivement ces aides, on crée la confusion chez les opérateurs alors que nous leur apportons précisément la visibilité dont ils ont besoin. De la même manière, le PTZ en zones B2 et C a été reconduit pour deux ans, ce qui ne veut pas forcément dire qu’il s’arrêtera, comme certains l’ont affirmé, en 2020.
Plus de 5 milliards d’euros ont été mobilisés sur cinq ans pour le plan « Action cœur de ville », dont 1,5 milliard d’euros d’Action Logement. Et l’ANRU sera dotée de 1 milliard d’euros, les premiers crédits ayant été budgétés dans la dernière loi de finances.
S’agissant de la réforme financière du logement social, je rappellerai que lors de nos débats sur la baisse des APL, l’opposition, de droite comme de gauche – notamment en la personne de M. Pupponi –, a défendu des amendements visant à introduire des taux d’effort de 10, 15, voire de 20 %. Leur adoption aurait eu pour conséquence de faire diminuer directement le bénéfice des APL, au détriment soit des locataires, soit des bailleurs sociaux. La réforme ambitieuse que nous avons mise en place permet précisément, grâce à la réduction des loyers dans le parc social, que les allocataires ne soient pas perdants.
M. Peu a raison de souligner l’effet inflationniste des aides. Mais c’est précisément parce que les prix sont si élevés, à plus forte raison dans une période de taux bas, que nous soutenons l’accession ou la construction par ce dispositif d’aides, au point d’en être devenus, nous en avons conscience, totalement dépendants.
Il est strictement faux de dire que les 40 000 logements sociaux annuels seront vendus à des personnes morales de droit privé. Rappelons quelle est la réglementation en la matière : lorsqu’un bailleur social souhaite vendre un logement, il doit le proposer d’abord à l’occupant, puis aux personnes physiques répondant aux critères d’éligibilité au logement social, ensuite à la commune, et en dernier ressort à une personne morale, publique ou privée, quelle qu’elle soit. La seule modification apportée par ce texte consiste à autoriser la vente en bloc de PLS de plus de quinze ans, avec obligation de laisser dans les lieux les occupants, durant tout le temps qu’ils le souhaitent.
Enfin, Mme Rubin a affirmé que nous ne ferions rien dans le domaine de la rénovation énergétique. Je ne crois pas me tromper en affirmant que le plan de rénovation énergétique des bâtiments, que nous avons annoncé avec Nicolas Hulot il y a quelques jours et qui prévoit la rénovation de 100 000 passoires thermiques par an, est plus ambitieux que ce qu’avait promis le candidat de La France insoumise dans son programme aux présidentielles…
M. le président Roland Lescure. Sept orateurs sont inscrits dans la discussion générale.
M. Julien Dive. Je voudrais interroger M. le ministre sur la revitalisation des centres-villes. Le plan « Action cœur de ville » est un beau projet et je me félicite que Saint-Quentin ait été retenue. Est-il néanmoins possible d’accompagner ce type de programme en donnant plus de moyens législatifs aux élus locaux dans le cadre des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) ? Il arrive, et ce fut le cas à Saint-Quentin, que les décisions des CDAC aillent à l’encontre de la volonté des élus locaux. En renforçant le rôle décisionnel du préfet, on touche au spectre des CDAC, mais j’aimerais que l’on puisse aussi renforcer celui du maire en lui octroyant un droit de veto ; cela ne relève pas de la loi, mais du domaine réglementaire. Enfin, êtes-vous toujours opposé, monsieur le ministre, au moratoire sur l’extension des zones commerciales ?
M. Serge Letchimy. Même si nous ne le partageons pas, nous comprenons bien votre objectif : en vendant le patrimoine HLM et en en privatisant une grande partie, vous essayez de restituer d’une main ce que vous avez pris de l’autre. Ma question est simple : comment allez-vous gérer les copropriétés ? La pression sera telle lors de la mise en vente que les occupants finiront par refuser l’offre, laissant les personnes privées acheter le bien. Avec ce texte, qui ne prévoit rien pour les copropriétés ainsi constituées, vous vous préparez à une multiplication des copropriétés dégradées.
Par ailleurs, vous avez affirmé que rien n’avait été oublié dans ce texte : je constate pourtant que rigoureusement rien n’est prévu concernant l’outre‑mer.
M. Daniel Fasquelle. Je copréside le groupe d’études sur l’autisme avec Carole Grandjean. La Cour des comptes vient de rendre un rapport : seulement deux adultes autistes sur dix ont accès au monde du travail. Une vie indépendante et autonome implique aussi l’accès au logement. Votre texte contient certes des dispositions sur l’accès au logement des personnes handicapées, mais il n’y a pas que le handicap physique. C’est le sens des amendements que nous avons déposés et sur lesquels j’appelle votre attention.
Ancien maire du Touquet – ville qui attire des résidents secondaires prestigieux –, j’ai déposé avec Thibault Bazin des amendements portant sur les meublés de tourisme, préparés avec des acteurs de terrain. En responsabilisant les acteurs, votre texte va dans la bonne direction, mais il est possible d’aller plus loin encore.
Je ferai également des propositions concernant les recours abusifs.
M. Jean-Claude Bouchet. Beaucoup de gouvernements ont décidé en leur temps de faire de la politique du logement leur priorité. Mais au-delà des intentions, le constat a toujours été celui de l’échec. La grande erreur est de croire que la politique du logement dans les grandes villes peut s’adapter aux villes de province. Pouvez-vous assurer la différenciation territoriale ? Ce projet de loi garantira-t-il une valeur ajoutée pour les villes de la ruralité ?
Dans quels délais pensez-vous que ce texte puisse répondre à la pénurie de logements que connaît notre pays ? Avez-vous réalisé des études d’impact ?
Enfin, les pénalités financières appliquées aux villes carencées en logements sociaux sont à l’évidence inopérantes. Ne peut-on travailler avec plus d’efficacité au niveau des intercommunalités ?
M. Éric Pauget. Construire plus, mieux et moins cher : nous partageons vos objectifs. Mais la réalité, c’est que la réduction du champ d’application du PTZ, la limitation de l’APL accession et surtout le relèvement, au 1er janvier 2018, du taux de TVA sur les opérations immobilières dans le secteur du logement social mettent l’ensemble des bailleurs sociaux en très grande difficulté de trésorerie et vont précisément à l’inverse de ces objectifs.
Par ailleurs, ce texte, et c’est une de ses faiblesses, ne prend pas en compte les spécificités des territoires, les maires et les communes. Si les maires partagent l’objectif de produire des logements, ils n’oublient pas qu’il y a, derrière, des services publics à gérer et à administrer. Je proposerai des amendements pour revaloriser la place du maire.
M. Robin Reda. Le lien entre logement et territoires est étroit, nous dit-on, mais alors que nous abordons l’examen de ce texte, nous ne connaissons toujours pas la vision du Gouvernement sur la décentralisation – ou plutôt comprend-on que les communes sont priées de s’estomper…
L’Île-de-France représente 20 % des mises en chantier. Or ce qu’on appelle communément le Grand Paris est plongé, pour ce qui tient à l’organisation des territoires, en particulier dans le périmètre métropolitain, dans un flou artistique qui va sérieusement geler les constructions et la gestion des aménagements urbains dans les années qui viennent. Il est urgent que le Gouvernement donne sa position sur ce que doit être le Grand Paris et sur la réorganisation des compétences aménagement et logement. Faute de quoi, la situation va devenir ingérable et mettra à mal les ambitions que vous défendez.
M. Fabrice Brun. Je voudrais revenir sur la dégradation de la construction des logements individuels en milieu rural. Tous types de logements confondus, les vingt-cinq départements où l’on construit le moins n’ont fourni que 15 000 logements en un an, dont 9 700 logements individuels seulement.
Il convient de mettre en place une nouvelle grande politique publique en faveur de la ruralité, en réintroduisant dans les principes fondamentaux de l’urbanisme la notion de développement rural. Sans pour autant opposer la ville à la campagne, il faut assouplir certaines dispositions du code de l’urbanisme, complexifiées de manière surprenante ces dernières années, afin de les adapter à la situation des communes de montagne ou à faible densité démographique. Ce sera le sens des amendements que je défendrai – des amendements semblables avaient été défendus par le sénateur Jacques Genest sous la précédente législature et avaient fait l’objet d’un examen bienveillant à la Haute assemblée. Je doute qu’ils déplaisent à M. le ministre !
Mme Célia Delavergne. J’entends les interrogations de nos collègues, mais je tiens à souligner le caractère équilibré de ce texte, qui réconcilie les locataires et les propriétaires, les zones urbaines et les zones rurales, et à rappeler la part importante qu’il fait aux territoires. Je voudrais aussi insister sur la méthode, puisqu’il est issu d’une conférence de consensus, à laquelle des parlementaires de tous bords ont participé, et qui a su associer les différents territoires. Aboutissement d’un travail collectif, ce texte ne doit pas être une excuse pour ressortir les vieux débats, mais l’occasion de parler logement, dans l’esprit d’équilibre qui a marqué sa conception.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. M. Dive a demandé que, dans le cadre des opérations de revitalisation du territoire – ORT –, nous donnions plus de pouvoir aux maires au sein des CDAC. Il me paraît important qu’en matière d’urbanisme commercial, tout soit fait en concertation avec les collectivités, en particulier avec les maires.
La situation des territoires étant très diverse, nous avons estimé qu’un moratoire généralisé sur l’extension des zones commerciales poserait problème dans un certain nombre d’endroits. Précisément, nous avons voulu faciliter la vie des élus locaux en donnant aux préfets la possibilité de bloquer un certain nombre d’aménagements commerciaux dans le cadre des ORT.
Par principe, je ne suis pas opposé au renforcement du rôle des maires. D’ailleurs, nous avons tenu à maintenir leur pouvoir de signer les permis de construire. Leur ôter ce pouvoir serait faire un pas vers la suppression des communes. J’ai toujours tenu bon sur ce point, et je continuerai.
M. Julien Dive. Vous n’êtes pas le seul !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Oui, mais cela n’a pas toujours été le cas, et dans tous les groupes ; mon expérience sous deux quinquennats me permet de le dire !
Monsieur Fasquelle, j’ai entendu vos observations sur la question du handicap. Je vous remercie d’avoir relevé un certain nombre d’avancées concernant les meublés de tourisme. Enfin, faisant suite au rapport sur les recours abusifs de Christine Maugüé, conseillère d’État, nous avons progressé, beaucoup plus loin que ce qui a été fait jusqu’ici.
Monsieur Bouchet a évoqué la différenciation territoriale et abordé la question de la loi SRU. Dans le débat, nous pourrons nous poser la question de certaines adaptations, mais nous n’entendons pas détricoter l’architecture générale de la loi SRU.
Monsieur Pauget, nous n’avons pas pour objectif de limiter le pouvoir du maire. Au contraire, nous souhaitons, dans l’intérêt des collectivités locales, accélérer les procédures dans le cadre des grandes opérations partenariales d’aménagement, y compris des opérations d’intérêt national (OIN).
Monsieur Reda, je ne peux vous dire aujourd’hui quelle sera la position du Président de la République et du Gouvernement sur le Grand Paris. Il est certain que la situation actuelle, résultat de l’accumulation d’un certain nombre de textes sur lesquels je ne reviendrai pas, n’est pas simple. J’ai reçu tout le monde et les représentants de chaque strate m’ont tous tenu le même discours, que je résumerai ainsi : « La situation actuelle est trop compliquée et il convient de supprimer telle ou telle strate, mais pas la nôtre, qui fonctionne très bien… » (Sourires.) Il nous faudra faire le maximum pour simplifier les choses ; peut-on maintenir une situation aussi complexe, avec des périmètres et des responsabilités enchevêtrées, et des sujets abordés à différentes échelles ?
Au-delà de la situation institutionnelle, nous avons besoin d’une vision d’ensemble et de faire en sorte que les grands projets puissent se réaliser. Le travail de réflexion se poursuit, le préfet d’Île-de-France a beaucoup travaillé sur le sujet à la demande du Président de la République. Cela fera l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale, mais sachez que nous avons pris le dossier à bras-le-corps.
Monsieur Brun, les logements vacants sont effectivement nombreux en milieu rural. Pour être l’élu d’un département très rural, je sais qu’avec des constructions neuves, on arrive même parfois à créer des logements vacants ! Cela ne signifie pas qu’il faille interdire la construction ni marginaliser encore davantage ces territoires. Il faut construire avec discernement, afin que les territoires ruraux conservent leur population et développent leur activité. Ce qui n’est pas toujours rendu facile par la mise en application des SCOT… Il nous reste beaucoup de travail de simplification à faire, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain ; je ne doute pas que vous y prêterez votre concours.
Enfin, monsieur Letchimy, je laisserai au secrétaire d’État le soin de vous répondre sur l’outre-mer et les copropriétés : mais le système des ventes en bloc devrait répondre pour partie à votre préoccupation.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Letchimy, vous demandez si l’accession sociale peut conduire à des copropriétés dégradées. Il faut commencer par rapporter le nombre de 40 000 logements mis en accession sociale par an au parc de logements sociaux, qui en compte 4,5 millions environ : le nombre de logements concernés est donc très limité.
Ces logements sont destinés précisément à ceux qui souhaitent accéder à la propriété. Il ne faut pas occulter le fait que beaucoup de nos concitoyens, y compris dans le parc social, souhaitent devenir propriétaires ; il est de notre responsabilité de pouvoir leur donner accès à ce parcours résidentiel.
Nous donnons la possibilité aux bailleurs de vendre les logements, nous ne l’imposons pas : il ne faut surtout pas en faire une obligation. Nous considérons que cette mesure est intéressante, car la vente d’un logement permet, dans certains territoires, de dégager des fonds pour en construire deux ou trois nouveaux.
Le texte prévoit des dispositions garantissant la transparence et l’information des acquéreurs potentiels. Par ailleurs, les bailleurs sociaux, dont le métier n’est pas d’accompagner l’accession sociale et de gérer la copropriété pourront, s’ils le souhaitent, confier cette mission à une filiale de portage. Cette disposition est l’aboutissement d’un travail que nous avons mené avec Action Logement. L’idée est de permettre la vente en bloc d’un immeuble, les bailleurs sociaux continuant de l’utiliser tandis que la filiale de portage gère la copropriété, le temps que tous les logements aient trouvé un nouveau propriétaire.
Les copropriétés dégradées sont une réalité, aussi bien dans les logements sociaux que dans les logements privés. Au-delà de la prévention, il faut lutter sans relâche contre les copropriétés déjà dégradées ou en train de décliner. Si nous favorisons par la loi l’émergence des opérations de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national – ORCOD-IN –, cela relève surtout d’une gestion de projets. Nous avons demandé aux préfets et aux équipes locales de faire la liste des copropriétés dégradées et nous nommons actuellement, avec l’ANAH, un chef de projet pour chaque copropriété, qui accompagnera son renouvellement. Il s’agit de prendre le problème à la racine et d’apporter des solutions réellement efficaces.
Tout comme vous, je constate que le projet de loi ne comporte pas assez d’éléments sur l’outre-mer. Nous avons beaucoup travaillé avec nos collègues du ministère des outre-mer ainsi qu’avec les parlementaires pendant la conférence de consensus. Nous n’avons pas encore atteint le niveau d’ambition qui doit être le nôtre vis-à-vis de l’outre-mer. Je ne doute pas que les débats permettront d’enrichir le texte à cet égard, notamment à l’article 14, relatif aux schémas d’aménagement régional (SAR). Enfin, les dispositions de la loi ESOC permettent d’adapter le code de la construction aux spécificités ultramarines, notamment avec le permis de faire.
Enfin, monsieur Pauget, vous avez évoqué l’augmentation du taux de TVA sur les opérations immobilières dans le secteur du logement social. Celle-ci résulte des discussions que nous avons eues avec les bailleurs sociaux, qui nous l’ont eux-mêmes proposé, lors du projet de loi de finances. Adossée à la réduction des loyers, qui représentera 800 millions d’euros les deux premières années puis 1,5 milliard d’euros, l’augmentation du taux de TVA permettra de diffuser l’effort entre les bailleurs et les sous-traitants.
Nous reviendrons sur le sujet des bailleurs sociaux, et sur les efforts que nous avons consentis pour améliorer l’aide à la construction, avec des mesures qui n’ont jamais été prises jusque-là – livret A, prêt de haut de bilan, prêt à taux fixe, loi MOP – et qui montrent que nous ne les avons aucunement ponctionnés. Aider à la construction et à la rénovation plutôt qu’à la subvention à la sortie, telle est la logique qui sous-tend toute l’action que nous menons sans relâche vis-à-vis des bailleurs sociaux depuis des mois. Tout ce travail, qui ne relève pas de la législation, mais de l’accompagnement, avec notamment la Caisse des dépôts, n’a d’autres buts que d’améliorer sans cesse le paquet financier proposé aux bailleurs sociaux ; on ne le dit jamais, mais un des scandales de ces dernières années est que les bailleurs sociaux aient eu à se financer à des taux très élevés, alors que leurs collègues européens profitaient de financements à taux bas.
Encore une fois, nous avons décidé de revenir sur ce qui se faisait depuis quarante ans – un système d’aides massives à la construction –, en agissant à la fois au niveau des aides aux personnes et des aides à la construction. C’est plus compliqué et cela prend plus de temps, mais c’est plus juste.
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Titre IER
CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER
Chapitre Ier
Dynamiser les opérations d’aménagement pour produire plus de foncier constructible
La commission examine l’amendement CE2781 de M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le projet de loi propose de nombreuses mesures souhaitées et souhaitables, au service de l’ambition forte affichée au titre Ier. Le risque cependant est de favoriser le « construire plus et moins cher », au détriment du « construire mieux ».
L’amendement propose de renvoyer aux principes contenus à l’article 1er de la loi sur l’architecture de 1977 afin de les faire figurer dans les principes généraux du code de l’urbanisme, et de préciser les objectifs de qualité, d’innovation technique et architecturale, de maîtrise des coûts et de pérennité des ouvrages.
En faisant symboliquement entrer la loi sur l’architecture de 1977 dans le code de l’urbanisme, cet amendement ferait valoir la volonté du législateur de réconcilier deux mondes. Il vise aussi à lutter contre l’impression, parfois erronée, que donne le projet de loi à certains défenseurs de la qualité architecturale.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement n’est pas normatif. Par ailleurs, nous ne sommes pas favorables à une mention de la loi de 1977 sur l’architecture dans un chapitre préliminaire du code de l’urbanisme, celui-ci ayant une vocation beaucoup plus large.
Pour notre part, nous proposerons de préciser un certain nombre de textes pour garantir la qualité architecturale, quand bien même il est difficile de donner une définition de celle-ci. Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, dans la mesure où cet amendement n’est effectivement pas normatif et qu’il est de surcroît redondant, l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme visant déjà la qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de villes. Mais je comprends qu’il faille rassurer sur la volonté du législateur de préserver la qualité architecturale : c’est un objectif que nous partageons.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Cet amendement ayant été adopté après un débat en commission des affaires culturelles, je le maintiens.
M. Stéphane Peu. Le groupe GDR soutiendra cet amendement. On stigmatise souvent les barres et des tours HLM, mais ces logements correspondent en fait à une très brève séquence historique : ces logements ont été construits entre le début des années 1960 et le milieu des années 1970, caractérisées par une production intensive, à l’aide notamment de la technique dite du chemin de grue. La loi de 1977 a justement marqué une rupture et la fin de cet urbanisme des barres et des tours. Sachant que d’autres aspects du projet de loi peuvent faire craindre un retour à un urbanisme simplifié, avec des architectes relégués au second plan, il est important de se référer à ce texte.
M. Serge Letchimy. Nous sommes dans une époque très « constructiviste » en matière de logement et il y a eu peu de réflexions, d’études et de recherches en matière d’urbanisme ces vingt dernières années. Il me semble bon de mettre en avant dans la loi, au-delà des gains en termes de coût ou de quantité, la nécessaire qualité de l’œuvre.
Mme Danielle Brulebois. La loi de 1977 sur l’architecture a créé les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement. Financés par la taxe d’aménagement dans chaque département, les CAUE ont conservé un rôle de conseil sur la qualité architecturale.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CE1723 de M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à définir plus précisément le logement dans la loi, en reprenant la définition formulée par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Un logement est défini par trois conditions cumulatives : il s’agit d’un espace physique, d’un espace social et d’un espace sécurisé par le droit. L’idée, en arrière-fond, est que le logement est un droit, non une marchandise.
M. Richard Lioger, rapporteur. La définition est peu précise juridiquement, à l’image des termes « se détendre, dormir, manger, recevoir » et « espace sécurisé par le droit » utilisés dans l’amendement.
Par ailleurs, le code de la construction et de l’habitation prévoit des critères précis, permettant de définir les conditions que tout logement doit respecter.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
M. Stéphane Peu. Je récuse votre premier argument, les juristes du Haut Comité ayant estimé que cette définition était parfaitement fondée en droit. Définir un droit, ce n’est pas la même chose que définir un bien.
M. Mickaël Nogal. J’ai rencontré le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, qui a évoqué cette volonté d’inscrire le droit au logement en amont du texte. Je pense que cet amendement ne tient pas juridiquement ; j’irais même jusqu’à penser qu’il pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel. Pour autant, je ne souhaite pas que le rejet de cet amendement par le groupe La République en Marche soit interprété comme un manque de considération à l’endroit des personnes défavorisées et, plus généralement, de ceux qui ont droit à un logement.
M. Stéphane Peu. Ceux qui connaissent la nature des jugements sur la question de l’habitat insalubre savent que l’absence de définition du logement dans le droit français laisse des marges d’interprétation, qui jouent souvent au détriment des mal-logés.
La commission rejette l’amendement.
Article 1er
(articles L. 312-1, L. 312-2, L. 312-3, L. 312-4, L. 312-5, L. 312-6, L. 312-7, L. 312-8 [nouveaux] du code de l’urbanisme)
Projet partenarial d’aménagement et grande opération d’urbanisme
L’urbanisme est un des domaines majeurs de compétences qui ont été décentralisées en 1983. Depuis lors, communes et groupements de communes disposent de la compétence de principe en matière de documents d’urbanisme, d’aménagement urbain ainsi que de permis de construire, d’autorisations et d’actes relatifs à l’occupation ou à l’utilisation du sol.
La notion d’opération d’intérêt national (OIN) est née de la nécessité de conserver un régime d’exception à ce transfert de compétences afin de préserver des champs de prérogatives de l’État pour la réalisation d’opérations d’urbanisme d’envergure. La fixation d’un périmètre d’OIN permet en effet à l’État d’y introduire un régime juridique spécifique et d’y exercer certaines compétences d’urbanisme à la place des collectivités territoriales.
2. Les dispositions du projet de loi
En l’état actuel du droit, les grandes opérations urbaines sont conduites, soit à l’initiative des collectivités territoriales, et notamment des métropoles, soit par l’État dans le cadre d’OIN via l’intervention d’établissements publics d’aménagement. Pour dépasser l’alternative entre l’intervention seule d’une collectivité et la création d’une OIN, le projet de loi crée deux nouveaux outils : le projet partenarial d’aménagement et la grande opération d’urbanisme.
a. Le projet partenarial d’aménagement
Les treize premiers alinéas créent le projet partenarial d’aménagement (PPA), nouvel outil contractuel permettant de réunir et de faire s’engager les partenaires opérationnels et financiers autour d’une même opération d’urbanisme. Ce contrat établit les engagements réciproques de l’État et des intercommunalités, y compris des établissements publics territoriaux, de la Ville de Paris et de la métropole de Lyon (alinéas 6 à 10). Les communes concernées sont associées à son élaboration et peuvent en être signataires (alinéa 11). Ce contrat peut aussi être signé, à leur demande, par d’autres collectivités territoriales, comme la région et le département, ainsi que par des établissements publics intéressés (alinéa 12). Sur proposition des collectivités et établissements publics signataires, il peut également être signé par toute société publique locale (SPL) et par tout acteur privé susceptibles de prendre part aux opérations stipulées, à condition qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts (alinéa 13).
Le projet de loi prévoit plusieurs effets juridiques liés au PPA. L’article 3 autorise, sous certaines conditions, les établissements publics d’aménagement de l’État à intervenir hors de leur périmètre, pour des opérations contractualisées dans le cadre d’un PPA. L’article 6 du projet de loi prévoit, quant à lui, une procédure permettant à l’État de céder en bloc et à l’amiable des terrains bâtis ou non bâtis de son domaine privé, pour la réalisation d’opérations d’aménagement prévues par le PPA.
b. La grande opération d’urbanisme
Les quinze derniers alinéas de l’article 1er créent et définissent la grande opération d’urbanisme (GOU).
i. La procédure de création d’une GOU (alinéas 16 à 20).
La GOU doit être prévue dans le PPA (alinéa 16). Le PPA n’emporte pas automatiquement la création d’une GOU, mais, à l’inverse, la mise en place d’une GOU nécessite la signature préalable d’un contrat de PPA. La GOU est une opération d’aménagement dont la réalisation requiert un engagement conjoint de l’État et des intercommunalités « en raison de ses caractéristiques et dimensions » (alinéa 16). La qualification de GOU est décidée par délibération de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’intercommunalité signataire du PPA (alinéa 17). Elle requiert soit l’accord du préfet de département et celui de l’ensemble des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre d’une GOU, soit un arrêté du préfet de département en cas d’avis défavorable d’une des communes (alinéa 18).
ii. Les modalités de fonctionnement d’une GOU (alinéas 20 à 29)
La GOU emporte des transferts de compétences aux intercommunalités en matière d’autorisation d’urbanisme, de maîtrise d’ouvrage et de gestion des infrastructures.
– L’alinéa 21 prévoit le transfert de la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme du maire au président de l’établissement public ou de la collectivité à l’initiative de la GOU.
Le pouvoir du maire pour délivrer les autorisations d’urbanisme
Avec les lois de décentralisation, les maires ont reçu compétence pour délivrer les permis de construire dans les communes dotées de plans d’occupation des sols, de plan local d’urbanisme ou de cartes communales approuvées. L’État reste, par exception, compétent pour se prononcer sur certains projets mentionnés à l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme (par exemple des travaux à l’intérieur d’une OIN). Les articles L. et R. 422-3 du code de l’urbanisme prévoient la possibilité pour une commune de déléguer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la compétence étant alors exercée par le président de l’EPCI. La délégation de compétence doit être confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l’élection d’un nouveau président de l’EPCI. Si la commune n’est pas couverte par un document d’urbanisme, les permis sont instruits et délivrés par le maire au nom de l’État, sauf dans les cas énumérés à l’article R. 422-2 du même code (retour de la compétence au préfet).
Le Conseil d’État ([1]) estime que cette disposition ne méconnaît pas le principe de libre administration des communes dans la mesure où elle répond à l’objectif d’intérêt général d’assurer l’aménagement cohérent d’une zone précisément délimitée et où, en cas d’avis défavorable d’une des communes comprises dans ce périmètre, la qualification de GOU est décidée par le préfet, ce qui confère à l’État le soin d’apprécier l’existence de cette nécessité. L’alinéa 30 de l’article 3 du projet de loi crée l’article L. 422-3-1 du code général des collectivités territoriales qui attribue cette nouvelle compétence aux présidents d’EPCI.
– L’alinéa 23 prévoit que la création et la réalisation des opérations d’aménagement sont réputées d’intérêt communautaire ou métropolitain à l’intérieur du périmètre d’une GOU. Ces compétences sont donc directement transférées aux différents groupements de collectivités sans qu’il n’y ait besoin de vote spécifique de leurs organes délibérants.
L’intérêt communautaire ou métropolitain
L’exercice de certaines compétences par les groupements de collectivités est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt communautaire ou métropolitain. Cet intérêt s’analyse comme la ligne de partage, au sein d’une compétence, entre les domaines d’action transférés à la communauté et ceux qui demeurent au niveau des communes. Cet intérêt est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la communauté urbaine, de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la métropole.
– Les alinéas 27 et 28 permettent à une commune de confier la réalisation d’équipements publics relevant de sa compétence à l’EPCI ou à la collectivité à l’initiative d’une GOU. Cet établissement ou cette collectivité peut également construire et gérer cet équipement en lieu et place de la commune dès lors que celle-ci y renonce, après accord du représentant de l’État dans le département. Comme l’indique le Conseil d’État ([2]), « l’État est alors garant de l’utilisation de ce pouvoir de substitution d’office qui semble jusqu’ici n’avoir pas de précédent entre collectivités territoriales ».
Les alinéas restants créent un régime dérogatoire à certaines règles d’urbanisme dans le périmètre des GOU :
– L’alinéa 22 étend aux projets soumis à permis de construire dans le périmètre d’une GOU l’expérimentation dite du « permis de faire » prévue pour les OIN par la loi du 7 juillet 2016 ([3]) relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Cette expérimentation donne la possibilité à l’État et aux collectivités territoriales, jusqu’en juillet 2023, d’autoriser les maîtres d’ouvrage à déroger aux règles applicables à leurs projets dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles.
– Les alinéas 24 et 25 donnent la possibilité de créer une zone d’aménagement différé (ZAD) par délibération de l’EPCI ou de la collectivité à l’origine de la GOU. Cette possibilité est assortie d’une dérogation à la durée de six ans renouvelable prévue par l’article L. 212-2 du code de l’urbanisme pendant laquelle le droit de préemption dans une ZAD peut être exercé puisque cette durée est portée, dans les GOU, à une période de dix ans renouvelable une fois.
Le rapporteur est convaincu que le PPA, nouveau mode de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, permettra la réalisation d’opérations dont l’ampleur est significative pour le développement des collectivités locales concernées, qu’il s’agisse de production de logements, de construction d’équipements publics ou d’accueil d’activités et de commerces. Cet outil étant contractuel, le rapporteur estime qu’il faut en rester aux dispositions générales du projet de loi et que les caractéristiques précises des opérations pouvant figurer dans un PPA doivent rester à l’appréciation des signataires du contrat.
Le rapporteur considère la GOU comme étant un outil opérationnel essentiel pour offrir aux intercommunalités les leviers nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement d’envergure. Néanmoins, le rapporteur insiste sur l’importance des dispositions du projet de loi, qui permettent d’associer pleinement les communes à ces dispositifs.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté seize amendements rédactionnels ainsi que plusieurs amendements permettant de clarifier le rôle des différents acteurs parties prenantes au PPA ou à la GOU et de préciser l’articulation entre ces deux outils.
Le PPA ayant pour objectif de réunir et de faire s’engager tous les partenaires opérationnels et financiers autour d’un contrat, la commission a adopté deux amendements précisant la liste des signataires potentiels de ce contrat en y ajoutant explicitement les établissements publics locaux et les personnes publiques.
La commission a adopté des dispositions précisant les modalités de mise en œuvre des GOU. Elle a estimé nécessaire d’expliciter ce qui est sous‑entendu par le projet de loi, à savoir que la GOU requiert un engagement conjoint de l’État et d’une collectivité ou d’un EPCI pilote. Elle a également jugé utile de distinguer les dispositions relatives à la GOU qui doivent figurer dans le PPA et celles qui doivent figurer dans l’acte de qualification de GOU. Elle a ainsi adopté, à l’initiative du rapporteur, des dispositions qui prévoient que le contrat de PPA fixe les caractéristiques et les dimensions de la GOU. L’acte de qualification de GOU en fixe, quant à lui, la durée et le plan de financement. Ce plan de financement peut être modifié par délibération de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’EPCI pilote, après consultation des communes concernées. La commission a également souhaité encadrer davantage le pouvoir d’arbitrage attribué au préfet qui est compétent pour créer la GOU en lieu et place de l’intercommunalité, en cas de désaccord d’une commune. Un amendement du rapporteur a ainsi été adopté pour préciser les critères auxquels le préfet doit se soumettre pour exercer ces prérogatives.
Enfin, la commission a tenu à supprimer tout risque de confusion entre le rôle de maître d’ouvrage et la fonction de maîtrise d’œuvre. Dans le cadre d’une GOU, une commune peut confier la réalisation d’équipements publics relevant de sa compétence à l’EPCI compétent qui assure alors la maîtrise d’ouvrage de ces équipements. Contrairement à ce que prévoyait le projet de loi initial, la commission a souhaité que l’EPCI ne soit pas forcément l’acteur qui réalise les études ou les missions nécessaires à l’exécution des travaux.
*
* *
La commission examine les amendements identiques CE334 de M. Thibault Bazin, CE787 de M. Éric Pauget, CE2470 de M. Denis Sommer, ainsi que l’amendement CE1877 de M. Jean-Luc Lagleize, pouvant être soumis à discussion commune.
M. Thibault Bazin. Pour mettre en œuvre durablement des opérations d’aménagement ambitieuses, au service de projets de territoires et des habitants, il ne faut pas écarter les communes de l’accès à un outil contractuel, potentiellement dérogatoire au droit commun de l’urbanisme, et plus performant en matière de politiques publiques.
Mon amendement CE334 vise donc à réintégrer les communes comme bénéficiaires. D’autre part, il vise à rectifier, dans le texte, le champ d’application de ce nouvel outil d’aménagement dérogatoire au droit commun de l’urbanisme, au regard de sa définition telle que précisée dans l’exposé des motifs, soit « la réalisation d’opérations d’aménagement complexes ou d’une certaine ampleur » qui « vise à définir un projet de territoire comprenant des objectifs de production de logements ».
M. Éric Pauget. Mon amendement CE787 vise à réintégrer la commune comme acteur de premier rang des contrats de projet partenarial d’aménagement (PPA), dans le même esprit que l’amendement de M. Bazin. Mes amendements CE788 et CE790, que nous examinerons plus loin, répondent au même objectif.
Mme Danielle Brulebois. L’amendement CD2470, identique, est défendu.
M. Jean-Luc Lagleize. Mon amendement CE1877, tout comme les amendements CE2595 et CE2596 que nous examinerons un peu plus loin, vise à s’assurer que les projets partenariaux d’aménagement (PPA) comprennent bien des logements et à préciser en ce sens le terme « aménagement », et à faire en sorte que la commune soit signataire de tous les PPA.
M. le président Roland Lescure. Restons-en pour l’instant aux amendements identiques CE334, CE787 et CE2470 et à l’amendement CE1877.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Le projet partenarial d’aménagement est un nouveau mode de contractualisation entre l’État et les collectivités, dont il n’est pas pertinent de réduire le champ dans la loi. Ce contrat permettra la réalisation d’opérations dont l’ampleur est significative pour le développement des collectivités locales concernées : production de logements, construction d’équipements publics, accueil d’activités et de commerces. Le caractère complexe de l’opération et son ampleur doivent rester à l’appréciation des signataires du contrat.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quelle est la philosophie de ces projets partenariaux d’aménagement ? Il s’agit de passer en mode projet sur le terrain et de ne pas créer une énième procédure. Le PPA sera un cadre de discussion pour que tous les acteurs puissent débattre localement, s’entendre et porter un nouveau projet. Notre objectif : donner plus de liberté aux acteurs locaux dans la définition de ce qu’est leur projet d’aménagement, son périmètre, et les instruments de sa mise en œuvre. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements concernant la définition du PPA.
M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur Denormandie, vous parlez de « tout projet d’aménagement » mais j’ose espérer que ce projet de loi, intitulé ELAN, parle également de logement, comme le L de cet acronyme l’indique. Je ne vois pas l’intérêt d’insérer dans cette loi des projets complexes ne comprenant pas de logements. C’était l’objectif de mon amendement : réintroduire du logement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mais le A de ELAN désigne l’aménagement… Notre approche consiste à laisser les acteurs locaux le choix de définir le périmètre de leur projet d’aménagement, sans le figer dans la loi.
La commission rejette les amendements identiques CE334, CE787 et CE2470, puis elle rejette l’amendement CE1877.
Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CE988 et CE989 de M. Richard Lioger, rapporteur.
Elle en vient à l’examen des amendements identiques CE788 de M. Éric Pauget, CE887 de M. Thibault Bazin, CE1882 de Mme Emmanuelle Ménard, CE2595 de M. Jean-Luc Lagleize et CE2597 de M. Denis Sommer.
M. Thibault Bazin. L’article 1er traduit la place que vous voulez laisser aux communes dans les PPA. C’est un des sujets importants du projet de loi : développer des projets sans l’aval des communes risque rapidement de poser des problèmes en termes de cohérence des politiques publiques sur les territoires. Il serait contre-productif – et inédit en droit de l’aménagement – d’écarter les communes de l’accès à cet outil contractuel.
Si l’on veut que ce dispositif soit une réussite – et je crois que vous le souhaitez sincèrement – il doit être coconstruit entre les communes, les groupements et l’État. Si tout le monde ne tire pas dans le même sens, jamais on ne pourra mettre durablement en œuvre des opérations d’aménagement ambitieuses. L’amendement CE887 vise à réintégrer les communes comme bénéficiaires de premier rang d’un contrat de projet partenarial d’aménagement, au même titre que leurs groupements.
Mme Emmanuelle Ménard. Il convient que les contrats de PPA puissent être conclus entre l’État et une commune. Les communes ne doivent pas seulement être considérées comme des « partenaires institutionnels et financiers de second rang » mais comme des acteurs privilégiés et compétents. Associer les communes dans les PPA, c’est avoir l’assurance que la production des logements sera intégrée de manière cohérente dans l’urbanisme de la ville. C’est l’objet de mon amendement CE1882.
Contrainte de retourner en séance, je ne pourrai pas défendre mes amendements suivants, mais je le ferai lors de la discussion dans l’hémicycle.
M. Jean-Luc Lagleize. Notre amendement CE2595, dans le même esprit, tend à réintroduire la commune dans le dispositif.
Mme Danielle Brulebois. La commune doit être réintroduite dans les PPA, en raison des compétences structurantes dont elle dispose en matière d’aménagement. C’est l’objet de l’amendement CE2597.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements car les intercommunalités gagnent à être à l’origine des PPA. Par ailleurs, le projet de loi comporte déjà des dispositions qui permettent l’étroite association des communes que vous appelez de vos vœux. L’article 1er indique que les communes concernées sont associées. Son alinéa 13 permet aux communes de proposer qu’une société publique locale ou qu’un acteur privé implanté sur le territoire prenne part à la réalisation des opérations favorisées par le contrat.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Les communes ne sont aucunement écartées puisqu’elles sont associées, ce qui est tout à fait logique.
M. Robin Reda. Je trouve parfaitement incohérent d’écarter les communes comme signataire de ces projets partenariaux tout en réduisant les possibilités de recours au motif qu’ils mettent en péril ces grandes opérations. La commune est le lieu de la démocratie de proximité et de la concertation. Que se passera-t-il si, demain, devant des habitants en réunion publique ou devant son conseil municipal, un maire explique qu’il n’est pas partie prenante à un projet et appelle à s’y opposer ? Cas de figure tout à fait fictif, je vous l’accorde, mais qui montre a contrario que la commune doit être une partie prenante de premier plan, car c’est l’échelon où les grands projets seront les plus discutés, débattus et parfois critiqués. Les intercommunalités ne jouissent pas de la même légitimité auprès des habitants pour mener ce travail de concertation de proximité propre à éviter les risques de recours gracieux, voire contentieux.
M. Mickaël Nogal. Arrêtons de faire comme si les communes n’étaient pas partie prenante des intercommunalités ! Le sujet va être largement évoqué dans ce projet de loi. Les communes ne sont pas laissées de côté : elles sont associées, au second rang, ce qui est logique puisque l’État contractualisera avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le groupe La République en Marche votera contre ces amendements.
M. Stéphane Peu. Le terme « associé » ne veut juridiquement rien dire. La seule association juridiquement valide, c’est la signature du contrat. Ici, la commune peut – ou non – être associée. Le monde des agglomérations n’est pas celui des bisounours, vous le savez bien… La majorité d’une ville n’est pas toujours celle de l’agglomération. Je regrette cette régression alors que les lois de décentralisation avaient constitué une réelle avancée en la matière et justement permis d’en finir avec les barres et les tours caractéristiques d’une période où justement on n’associait pas les communes – et encore moins les habitants – à l’élaboration des projets urbains. Et la seule façon d’asseoir juridiquement l’association des communes, c’est de les rendre signataires du PPA.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quel est notre état d’esprit ? Nous souhaitons faire en sorte que les projets puissent émerger. Deux situations se présenteront : si le projet se limite au périmètre de la commune, l’expérience montre que le PPA ne sera pas forcément utile, les maires disposant déjà des outils. Mais si de grands projets d’aménagement impliquent plusieurs communes, et donc une intercommunalité, le PPA peut être utile. Faut-il alors que toutes les communes soient signataires ? Le projet de loi prévoit que les communes peuvent être signataires de second rang du PPA, mais il n’y a pas besoin qu’elles soient toutes signataires : nous savons qu’il est parfois difficile de mettre tout le monde d’accord sur certains projets d’aménagement. L’EPCI doit avoir le dernier mot. C’est lui qui signe avec l’État.
Pour autant, il ne faut pas vous méprendre, nous ne mettons pas de côté les communes, bien au contraire ! Quand le projet est à l’échelle de la commune, elle le pilote toute seule, sans PPA. Quand il est à l’échelle d’une intercommunalité et que certaines communes ne sont pas désireuses d’avancer dans le même sens que l’intercommunalité – et donc que la majorité des communes –, le PPA doit quand même pouvoir être mis en œuvre.
M. Jean-Luc Lagleize. Tel qu’il est rédigé, l’article permet à un EPCI d’imposer un PPA à une commune. Je vous rappelle que certaines communes, comme Bordeaux ou Toulouse, ont mis en œuvre un PPA sur le seul territoire de leur commune. Je vous rappelle également qu’il y a quelques années, la métropole bordelaise et la commune de Bordeaux n’avaient pas la même gouvernance politique…
Nous souhaitons éviter qu’un EPCI n’impose à un maire un projet d’aménagement, afin que ces projets se développent de manière consensuelle.
M. Éric Pauget. Sur le terrain, ce type de projet ne réussit que si les maires concernés sont associés. La meilleure manière de faire aboutir un projet d’aménagement intercommunal consiste à impliquer tous les maires, quels que soient les clivages politiques. 99 % des intercommunalités ne connaissent d’ailleurs pas de tensions politiques, puisque les maires se sont mis d’accord en amont. Ne pas faire signer les maires, c’est ne pas leur faire confiance et c’est le meilleur moyen de faire échouer le projet !
M. Serge Letchimy. Je peux comprendre votre raisonnement : une majorité doit se dégager pour faire aboutir un PPA et un maire ne doit pas pouvoir bloquer le projet. Mais la rédaction de l’article 1er va beaucoup plus loin et donne l’impression que les compétences communales d’urbanisme – droit des permis, modification des règlements des projets locaux d’urbanisme (PLU) – sont déportées vers les EPCI.
C’est votre état d’esprit et vous êtes majoritaires. Certes, mais la commune – entité démocratique – doit garder sa place au sein des EPCI pour mettre en œuvre les PPA, d’autant plus que les EPCI ont récemment évolué sur le plan de la gouvernance.
M. Stéphane Peu. Sur ces sujets, mon approche est plus pragmatique qu’idéologique. Par ailleurs, je siège depuis de nombreuses années dans une agglomération composée de neuf communes, dans laquelle de nombreux projets d’aménagement intercommunaux ont été menés, qui n’impliquent d’ailleurs jamais toutes les communes, mais seulement trois ou quatre au mieux. Dans mon exemple, nous ne demandons pas que les neuf communes signent le PPA, mais seulement les deux, trois ou quatre concernées, car la commune est le seul échelon où s’exprime la souveraineté populaire directe. Sinon, ou bien le projet sera mené contre une ville et sa population, ou bien il ne se fera pas. Le pragmatisme voudrait donc que la commune soit signataire de premier rang…
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quand un projet est porté par une intercommunalité, qu’il concerne un certain nombre de communes et que toutes y sont favorables, le PPA ou la grande opération d’urbanisme (GOU) ne sert à rien.
Comment inciter tout le monde à se mettre autour de la table pour discuter ? C’est la question fondamentale. Et comment donner la capacité à un EPCI de devenir un élément décisionnaire là où jusqu’à présent, le pouvoir décisionnaire ne peut être accordé qu’au préfet par le truchement des opérations d’intérêt national (OIN). Nous faisons le pari que, dans certains cas – quand des projets intéressant l’agglomération n’emportent pas l’assentiment de tous –, ce nouveau cadre permettra à l’EPCI d’engager les discussions, d’établir un projet, puis, si tout le monde ne s’accorde pas, d’utiliser la GOU pour lui permettre de mener à bien le projet.
Mais n’allons pas faire de cette disposition une généralité : elle ne vise qu’à répondre à des cas très particuliers, lorsqu’un projet d’intérêt intercommunal n’emporte pas l’adhésion de tous, afin de disposer d’un outil permettant de réunir tout le monde et, si une majorité en est d’accord, à l’intercommunalité de mener à bien le projet. M. Mézard et moi-même l’avons toujours dit et répété : d’une manière générale, le permis de construire reste bien de la seule compétence du maire.
La commission rejette ces amendements.
Elle passe ensuite à l’examen de l’amendement CE1289 de M. Richard Lioger, rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes favorables cet amendement, sous réserve de revoir sa rédaction pour la séance afin d’en faire un article indépendant non codifié, sous la forme d’une disposition transitoire.
M. le président Roland Lescure. Plutôt que de le rectifier maintenant, je suggère au rapporteur de le retirer afin de le retravailler d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
La commission en vient ensuite à l’examen, en discussion commune, de l’amendement CE888 de M. Thibault Bazin et des amendements identiques CE790 de M. Éric Pauget, CE2596 de M. Jean-Luc Lagleize et CE2598 de
M. Denis Sommer.
M. Thibault Bazin. L’amendement CE888 vise à rédiger ainsi l’alinéa 11 de l’article 1er : « Art. L. 312‑2. – Lorsqu’elles ne sont pas cocontractantes du contrat de projet partenarial d’aménagement au sens de l’article L. 312‑1, les communes concernées sont associées à l’élaboration du contrat et en sont signataires, si elles le souhaitent. ».
Nos concitoyens peuvent parfois avoir l’impression que les politiques menées le sont sans leur avis. Or, lorsqu’on est élu maire, on porte un projet pour sa ville. Certes, on se retrouve parfois dans des intercommunalités, mais celles-ci ont beaucoup grandi, jusqu’à atteindre la taille XXL – on le voit dans votre département comme dans le mien, monsieur le ministre. Nous devons être en mesure d’asseoir la légitimité des projets, afin qu’ils ne soient pas vécus comme imposés par les intercommunalités ou l’État. Donner aux communes la possibilité de rester des partenaires de premier plan ne pourra que faciliter l’acceptation des projets par les populations.
M. Éric Pauget. J’ai déjà défendu mon amendement CE790. En quoi cela pose-t-il un problème d’intégrer le maire et de lui faire confiance ? J’y vois plutôt une chance supplémentaire de faire aboutir du projet.
Quelle est la réalité des territoires ? La proximité du maire est un élément déterminant. C’est à lui que la population fait confiance, plus qu’à l’intercommunalité ou aux autres strates administratives. Ne pas associer les maires revient à affaiblir votre projet de loi – dont je partage globalement la philosophie – et à ne pas se donner les moyens d’aboutir.
Mme Danielle Brulebois. Notre amendement CE2598 vise à associer les communes à l’élaboration du contrat.
M. Richard Lioger, rapporteur. Ces amendements postulent que les communes ne peuvent être cocontractantes du contrat de projet partenarial d’aménagement, ce qui n’est pas le cas. J’y suis donc défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis également défavorable, mais je tiens à éviter les malentendus. Nous sommes intimement convaincus que les communes et les maires sont au cœur de l’acte de construction et d’aménagement. L’alinéa 11 de l’article 1er ne dit d’ailleurs pas autre chose puisqu’il dispose que « les communes concernées sont associées à l’élaboration du PPA et elles peuvent en être signataires ». Votre amendement est donc satisfait, monsieur Bazin. Nous pouvons préciser « , si elles le souhaitent, » si cela vous semble plus clair.
Par définition, lors de l’élaboration d’un PPA, l’EPCI a l’obligation d’associer les communes. J’entends la remarque de M. Peu sur la valeur juridique du terme « associées ». Nous pouvons y réfléchir pour la séance publique afin d’être plus précis. Mais c’est avant tout une approche « projet » que nous promouvons.
Vous soulevez une deuxième interrogation : que se passe-t-il quand certaines communes concernées n’adhèrent pas à un projet d’intérêt intercommunal ? Dans ce cas, nous souhaitons qu’en dernier ressort, l’EPCI vote. C’est le principe de la GOU, qui évitera de passer par le truchement des opérations d’intérêt national (OIN) et autres – on en compte désormais près d’une vingtaine – et laissera le sujet au niveau de l’intercommunalité.
M. Stéphane Peu. D’une certaine manière, M. le secrétaire d’État vient d’éclairer l’intention du Gouvernement : en ne permettant pas aux communes concernées d’être signataires, on offre la possibilité à la majorité d’un EPCI
– potentiellement extra-communale – d’imposer un projet d’aménagement à une commune. C’est à mes yeux une faute et une régression au regard des responsabilités acquises par les communes au fil des ans. Mais c’est également une régression démocratique car on risque de faire de l’aménagement contre les habitants.
M. Robin Reda. Encore un mot sur le Grand Paris : la commune de Paris me semble être la seule en France – avec Lyon peut-être – qui peut être cocontractante et signataire d’un PPA.
Mais elle est également membre d’un EPCI – la métropole du Grand Paris – qui compte cent trente et une communes. Si je comprends bien votre rédaction, Paris disposera de tous les leviers : si elle est cocontractante d’un PPA, les cent trente autres communes de la métropole ne pourront pas s’opposer à ce projet ; en revanche, du fait de son poids quasiment majoritaire dans l’EPCI, elle pourrait s’opposer à n’importe quel projet partenarial soutenu par toutes les autres communes de la métropole… Si la gouvernance des EPCI – d’ailleurs soutenue par la loi – ne permet pas une gestion en bonne intelligence des projets partenariaux, les objectifs que vous vous fixez ne pourront être atteints.
M. Hubert Wulfranc. Au-delà de l’aspect démocratique, de telles opérations intercommunales d’aménagement ont forcément des incidences en termes d’équipements publics et, qu’on le veuille ou non, influeront nécessairement sur toute la vie des communes concernées. Certes, le projet de loi comporte des éléments de réponse, mais ceux d’entre nous qui ont été maire l’ont tous vécu : ces opérations importantes d’aménagement entraînent des charges directes et induites que l’on retrouvera en compétence communale directe. Certes, on est en « mode projet », mais les incidences concrètes en termes de gestion locale n’en seront pas moins irrémédiables !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Qu’est-ce qu’un PPA ? C’est un projet. Les acteurs du projet se retrouvent autour d’une table et le définissent. Mais l’acte de construction n’est pas du ressort du PPA. Demain, si un PPA concerne une commune qui ne l’aurait pas adopté, l’acte de construction, autrement dit le permis de construire, reste au niveau de la commune. Que se passe-t-il ensuite si le projet est considéré comme d’intérêt intercommunal ? L’acte de construction revient à l’intercommunalité dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme (GOU). Le processus est clairement défini et nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre des articles suivants. Mais le PPA n’est rien d’autre que la définition d’un projet.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je perçois mal la différence de fond entre la rédaction soutenue par M. Bazin et le texte du projet de loi… Nous pouvons sans doute trouver une formulation de compromis pour la séance publique.
Ajoutons que, dans certains cas – je parle d’expérience, pour avoir été président d’agglomération durant de longues années –, certaines communes ne voudront pas signer de PPA, mais elles ne s’y opposeront pas pour autant, et n’intenteront aucun recours. Nous le savons tous…
M. Stéphane Peu. Quand c’est chez elles, c’est différent.
M. Thibault Bazin. Nous sommes ici au cœur du débat : quelle vision de l’aménagement veut-on défendre et à qui revient le pouvoir de veto, ou de bénédiction, si j’ose dire, sur un projet ?
Un projet d’aménagement peut générer des nuisances et des besoins en nouveaux équipements. Souhaite-t-on que les communes qui le souhaitent soient cosignataires ? Auquel cas, si le projet ne leur convient pas, il n’y a pas de projet. C’est clairement notre philosophie, mais j’ai bien compris que ce n’était pas la vôtre, monsieur le ministre, puisqu’en cas de désaccord, vous souhaitez qu’un vote de l’EPCI permette de trancher. Pour notre part, nous souhaitons que ceux qui ont la légitimité pour définir le projet sur leur ban communal, autrement dit les maires et leurs conseils municipaux, puissent garder le dernier mot. Ce point de désaccord fera sans aucun doute l’objet de nouveaux débats en séance.
M. Richard Lioger, rapporteur. Vous avez parfaitement bien résumé les choses : nous souhaitons que les projets se développent ; vous tenez absolument à mettre des barrières…
M. Thierry Benoit. Si on commence dans la caricature dès le début du texte, cela promet !
M. Stéphane Peu. Peut-on nous épargner ce genre d’arguments ? Je ne connais pas l’histoire de tout un chacun ici, mais, pour ce qui me concerne, j’ai été élu à l’urbanisme et au logement pendant vingt ans, et je sais que, sans villes volontaires, il n’y a aucun projet qui tienne. Et si un projet leur est imposé par une structure qui n’a pas leur légitimité, soyez sûrs qu’on lui mettra tous les bâtons dans les roues possibles. Pour faire, il faut que les villes soient signataires.
M. Richard Lioger, rapporteur. Mais elles peuvent l’être…
La commission rejette successivement l’amendement CE888, puis les amendements identiques CE790, CE2596 et CE2598.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE249 de M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu. Cet amendement tourne autour du même sujet, mais il a le mérite d’être plus clair, puisqu’il propose que les communes soient obligatoirement signataires du PPA.
M. Richard Lioger, rapporteur. J’y suis défavorable car la GOU ne peut être créée sans arrêté du préfet de département.
La commission rejette l’amendement.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE990 de M. Richard Lioger, rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement que vous dites rédactionnel est en lien avec les amendements CE991 et CE992 qui vont suivre ; et même s’il n’introduit pas de modification majeure sur le fond, il rend la disposition beaucoup moins lisible quant aux différentes catégories de signataires. Nous demandons le retrait de cet amendement ; faute de quoi, nous y serons défavorables.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je le maintiens.
La commission adopte l’amendement.
Puis, contre l’avis du Gouvernement, elle adopte l’amendement CE991 de M. Richard Lioger, rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE987 de M. Richard Lioger, rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les sociétés d’économie mixte (SEM) peuvent être signataires d’un projet partenarial d’aménagement.
M. Stéphane Peu. Pourquoi exclure les sociétés publiques locales (SPL) ?
M. Richard Lioger, rapporteur. Vous avez raison. De même, les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) pourraient être incluses. Je propose de rectifier l’amendement en remplaçant les mots « toute société d’économie mixte » par « tout établissement public local ».
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.
Elle passe ensuite à l’examen de l’amendement CE2236 de M. François Pupponi.
M. Serge Letchimy. Si les EPL peuvent signer des PPA, pourquoi les communes ne le pourraient-elles pas ? Par définition, un établissement public local est un outil intercommunal ou communal. Autrement dit, l’outil peut signer, mais pas son patron ! Si, dans le cadre d’un PPA, vous prenez l’initiative de grands projets – que vous appelez GOU –, vous avez la possibilité de transférer les droits du sol directement à l’intercommunalité. Tout cela me semble un peu paradoxal. C’est pourquoi nous proposons que les opérateurs HLM soient également signataires des PPA.
M. Richard Lioger, rapporteur. Le paradoxe, c’est que je suis favorable à votre amendement !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est favorable. Mais je vous ferai remarquer que les EPL ne sont pas mieux traités que les maires puisque ces derniers ont également la possibilité de signer les PPA…
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE992 de M. Richard Lioger, rapporteur.
Elle en vient ensuite à l’examen en discussion commune de l’amendement CE1299 de M. Richard Lioger, rapporteur, et des amendements identiques CE889 de M. Thibault Bazin et CE2599 de M. Denis Sommer.
M. Richard Lioger, rapporteur. Après l’alinéa 13 de l’article 1er, mon amendement CE1299 vise à insérer l’alinéa suivant : « lorsqu’un contrat de projet partenarial d’aménagement prévoit une opération d’aménagement susceptible d’être qualifiée de grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, il en précise les dimensions et les caractéristiques. »
M. Thibault Bazin. Notre amendement CE889 est similaire, à ceci près qu’il parle d’opération « susceptible de relever de la qualification de grandes opérations d’urbanisme ». Mais surtout, nous souhaitons que soient précisés le périmètre, la durée, le calendrier et le plan de financement de ces opérations, afin que le PPA soit mieux défini.
Mme Danielle Brulebois. Notre amendement CE2599 vise également à mentionner le périmètre, la durée, le calendrier et le plan de financement de ces opérations.
M. Richard Lioger, rapporteur. Attaché à mon amendement CE1299, je ne peux qu’être défavorable aux amendements CE889 et CE2599.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les trois amendements répondent exactement au même objectif : il s’agit que la grande opération d’urbanisme (GOU) soit précisée dans le cadre d’un PPA.
La différence vient du degré de développement, plus détaillé dans les amendements CE889 et CE2599. Ce projet de loi visant à édicter les grands principes, à charge pour les parties prenantes consultées puis signataires de définir elles-mêmes les caractéristiques des opérations, le Gouvernement préférera l’amendement CE1299 aux amendements CE889 et CE2599, même si nous en partageons totalement l’esprit.
M. Stéphane Peu. Je soutiens quant à moi la proposition de M. Bazin. Certes, je comprends l’esprit des projets partenariaux mais le fait que l’installation d’une ZAC communautaire – procédure qui a ses vertus, car elle « permet de faire », comme on dit – soit soumise à la condition préalable d’un plan de financement et d’un calendrier prévisionnels a tout de même permis d’éviter quelques catastrophes financières aux collectivités et, du même coup, aux contribuables. Il ne me semble donc pas inutile de définir a priori le financement et le calendrier de ces projets.
La commission adopte l’amendement CE1299.
En conséquence, les amendements CE889 et CE2599 tombent.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2773 du rapporteur et CE250 de M. Stéphane Peu.
M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement vise à préciser qu’une GOU requiert l’engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité ou d’un EPCI pilote en substituant les mots « et d’une collectivité ou d’un » aux mots « et de la collectivité ou l’ » à l’alinéa 16 de l’article.
M. Stéphane Peu. L’amendement CE250 vise à préciser que cet engagement conjoint implique également les communes concernées.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable au premier amendement, défavorable au second.
La commission adopte l’amendement CE2773.
En conséquence, l’amendement CE250 tombe.
La commission passe à l’amendement CE2774 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Là encore, cet amendement vise, en remplaçant une référence, à expliciter le fait qu’une GOU requiert l’engagement conjoint de l’État et d’une collectivité ou d’un EPCI pilote.
Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE335 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Nous en arrivons au transfert à la présidence de l’EPCI de la compétence de délivrance des permis de construire, d’aménager et de démolir dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme. Le projet de loi prévoit que ne soit recueilli que l’avis des communes incluses dans le périmètre d’une opération avant la délibération portant création d’une GOU, et que l’État puisse passer outre l’éventuel avis défavorable de l’une de ces communes, voire user d’un pouvoir de substitution d’office permettant à une intercommunalité de prendre la main sur les équipements publics relevant d’une compétence communale. Convenez qu’il ne s’agit pas d’un sujet mineur !
Selon nous, un tel pouvoir de tutelle de l’État ou d’un EPCI sur les communes est inacceptable à plusieurs titres : il porte atteinte au pouvoir de libre administration des collectivités locales et entraîne des transferts automatiques de compétences entre communes et intercommunalités. Nous proposons donc par cet amendement d’adapter le régime des GOU conformément au principe de libre administration, de rétablir les communes dans leur rôle d’acteur principal des grandes opérations d’urbanisme en soumettant ces opérations à leur accord préalable – et non à leur simple avis – et, ce faisant, de faire en sorte que les conditions d’un transfert de compétences soient débattues.
M. Richard Lioger, rapporteur. Au risque de me faire reprendre comme tout à l’heure, je répondrai que votre amendement tend à bloquer les grandes opérations d’urbanisme qui ne recueilleraient pas l’accord de l’ensemble des communes concernées. Je suis d’avis qu’il faut s’en tenir à la simple consultation des communes comme le prévoit le projet de loi. La disposition proposée, que le ministre a rappelée, ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités, dans la mesure où elle répond à l’objectif d’intérêt général d’assurer l’aménagement cohérent d’une zone précisément délimitée où, en cas d’avis défavorable de l’une des communes se trouvant dans ce périmètre, la qualification de GOU est décidée par le préfet, ce qui laisse à l’État le soin d’apprécier l’existence de cette nécessité. Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
M. Stéphane Peu. En toute franchise, il s’agit là d’une mesure très grave qui provoquera un retour aux années 1950 et 1960 – nos territoires portent encore de nombreux stigmates de la façon de faire de cette époque. La cité des 4 000 à La Courneuve, par exemple, fut une opération d’urbanisme d’État dont la ville doit aujourd’hui encore se débrouiller ; je pourrais citer des dizaines d’autres opérations d’urbanisme autoritaire d’État de même nature en Seine-Saint-Denis, dont souffrent encore des villes et des habitants. Rétablir cette méthode s’apparente à une régression totale. Je ne comprends pas que l’on ne puisse pas tirer les enseignements de l’histoire et de ce qui, sur nos territoires, a été fait de pire en matière d’urbanisme pour éviter de le reproduire.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je connais moi aussi ce territoire, ayant vécu les vingt premières années de ma vie à Saint-Denis : j’ai connu, à la Porte de Paris, les bidonvilles où vivaient des Portugais qui, à l’époque, arrivaient en nombre en France. Les opérations d’urbanisme que vous évoquez répondaient alors à une urgence : il fallait loger ces populations. Vous feignez d’ignorer que l’urbanisme et l’architecture ont considérablement évolué depuis. Il serait inimaginable aujourd’hui d’envisager de grandes opérations d’urbanisme telles que celles auxquelles appelait Le Corbusier – par exemple raser le Grand Paris… (Rires.)
M. Robin Reda. Nous voilà enfin sur la bonne voie !
M. Richard Lioger, rapporteur. … le Grand Palais, pardon pour le lapsus, et le remplacer par des tours. L’époque a changé.
M. Mickaël Nogal. La qualité d’une opération ne dépend pas de l’échelon auquel elle est décidée. Certaines ZAC ou OIN fonctionnent très bien, d’autres pas, et il en ira de même pour les GOU. Je ne suis donc pas d’accord avec l’argument de M. Peu.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les opérations d’État, ou OIN, prévues par le droit existant, fleurissent un peu partout : je l’ai dit, il en existe une vingtaine environ. Le principe qui inspire la GOU consiste précisément à montrer que ces opérations ne font pas sens : lorsqu’un projet est bloqué, il est nettement préférable d’en discuter au niveau de l’intercommunalité qu’à celui de l’État dans le cadre de l’OIN. En clair, plutôt que de favoriser les OIN à tout va comme ce fut le cas ces dernières années, nous proposons que les décisions soient prises au plus près du niveau territorial où le projet est susceptible d’être débloqué, c’est-à-dire au niveau de l’intercommunalité, plutôt qu’à celui de l’État.
M. Stéphane Peu. À ceci près que la décision peut être prise contre l’avis des communes concernées ! Je ne connais aucun exemple d’opération d’aménagement ayant recueilli l’assentiment des communes qui se soit traduit par un fiasco comparable à ceux liés aux grandes opérations d’urbanisme d’État conduites en Seine-Saint-Denis. Je me souviens de l’époque où l’on commençait à aménager la Plaine-Saint-Denis, après la construction du Stade de France : Jack Ralite, alors maire d’Aubervilliers, appelait à inventer un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales sous la forme d’un tandem, mais, ajoutait-il, où les deux coureurs ne seraient pas l’un devant l’autre mais côte à côte…
M. Éric Pauget. Cela s’appelle un pédalo !
M. Stéphane Peu. Je trouvais l’image très belle, comme souvent avec Jack Ralite. C’est à cela qu’il faut tendre, plutôt que de revenir aux années soixante.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Roland Lescure. En une heure, chers collègues, nous avons examiné 51 amendements. Nous sommes un peu au-dessus de la vitesse limite en ville, mais nettement au-dessous la vitesse autorisée à la campagne… À ce rythme, nous siégerons jusqu’à la nuit de samedi à dimanche – et encore n’avons-nous pas encore abordé les sujets les plus coriaces. Je vous encourage donc à accélérer les débats.
La commission est saisie de l’amendement CE2447 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision juridique. Il est possible que le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (GOU) s’étende sur plusieurs départements. L’accord des préfets des départements concernés est donc nécessaire pour qualifier une opération d’aménagement de GOU.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE993 du rapporteur.
Puis elle examine les amendements identiques CE251 de M. Stéphane Peu et CE919 de M. Thibault Bazin.
M. Stéphane Peu. Le projet de loi prévoit que la qualification de grande opération d’urbanisme pourra être décidée par le représentant de l’État, quand bien même les communes émettraient un avis défavorable. Telle n’est pas notre conception de la démocratie locale. Parce que nous tenons à ce que le fait communal et le maire soient respectés, nous proposons, par l’amendement CE251, de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 18.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées auparavant.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE994 du rapporteur.
Puis elle se penche sur l’amendement CE995 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’encadrer le pouvoir d’arbitrage attribué au préfet dans le cadre de la procédure de grande opération d’urbanisme. L’article 1er prévoit en effet qu’en cas de désaccord d’une commune, celui-ci est compétent pour créer la GOU en lieu et place de l’intercommunalité. Cependant, le texte ne définit pas les critères qui doivent être remplis pour que le préfet puisse exercer cette prérogative. Il apparaît dès lors utile de préciser que ce dernier doit justifier sa décision par des considérations liées à la mise en œuvre du contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA).
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE2771 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’apporter une précision juridique. Le périmètre de la GOU étant susceptible de s’étendre sur plusieurs départements, un arrêté conjoint des préfets des départements concernés est nécessaire pour qualifier de GOU une opération d’aménagement en cas de désaccord d’une commune.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE996 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CE1300 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à mieux distinguer les dispositions relatives à la GOU qui doivent figurer dans le projet partenarial d’aménagement et celles qui doivent figurer dans l’acte de qualification de grande opération d’urbanisme. Ce dernier fixe, outre la durée de l’opération, le plan de financement de celle-ci.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Cet amendement tend à lier plan de financement et délimitation d’un périmètre de grande opération d’urbanisme. Or, le plan de financement concerne l’aménagement à un niveau opérationnel. Il est donc sans lien avec l’instauration d’un périmètre juridique qui facilite le déroulement des aménagements et qui doit donc être limité dans le temps en raison du régime d’exception qu’il instaure.
M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement répond à un certain nombre de préoccupations qui ont été exprimées par l’opposition tout à l’heure. J’espère donc, mes chers collègues, que vous voterez pour !
M. Stéphane Peu. Lorsqu’on élabore un projet partenarial, il est prudent, me semble‑t-il, d’avoir une idée de son calendrier et de son financement. Ce sont des opérations dans lesquelles on brasse beaucoup d’argent, et les dérapages peuvent être préjudiciables. Une certaine visibilité ne saurait donc nuire.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE1301 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de permettre une modification du plan de financement d’une grande opération d’urbanisme par un acte pris selon les mêmes modalités que pour l’acte de qualification de la GOU.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE997, CE1291, CE1294 et CE1295 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE2329 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je propose de supprimer la fin de la seconde phrase de l’alinéa 26 de l’article 1er, afin d’éviter toute confusion entre le rôle de maître d’ouvrage et la fonction de maîtrise d’œuvre.
M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE998 du rapporteur.
L’amendement CE999 du rapporteur est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1000 et CE1001 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.
La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE122 de Mme Laëtitia Romeiro Dias et les amendements identiques CE2767 du rapporteur et CE1672 de M. Michel Delpon.
Mme Laëtitia Romeiro Dias. La loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi « LCAP », s’était fixé pour objectif d’améliorer la qualité urbaine, en particulier celle des lotissements, par la promotion de la pluridisciplinarité des compétences. Ainsi, le pétitionnaire d’un permis d’aménager a l’obligation de recourir aux « compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental ». Toutefois, cette pluridisciplinarité est contredite par l’obligation de recourir à un architecte si la superficie du projet excède 2 500 mètres carrés. S’instaure ainsi, sur le permis d’aménager, un monopole de fait contraire à l’objectif recherché. Or, dans tous les cas, ce sont les particularités du site et du projet qui doivent guider la constitution de l’équipe et non une règle monopolistique.
L’amendement CE122 a donc pour objet de donner plus de souplesse au périmètre de la pluridisciplinarité et de ne pas laisser s’organiser un monopole.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Votre préoccupation sera prise en compte par l’adoption de l’amendement CE2767, qui permet l’intervention d’autres acteurs que les architectes, en l’espèce les paysagistes concepteurs.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également. La loi « LCAP » est très claire. Si elle dispose que, pour un projet dont la superficie excède 2 500 mètres carrés, il faut faire appel à un architecte, elle n’impose pas un monopole de fait de ces derniers, dont l’intervention est obligatoire mais pas exclusive. Autrement dit, tout autre corps de métiers peut également intervenir au-delà de la limite de 2 500 mètres carrés.
M. le président Roland Lescure. Maintenez-vous votre amendement, madame Romeiro Dias ?
Mme Laëtitia Romeiro Dias. Avant de me prononcer, je souhaiterais savoir si l’amendement CE2767 du rapporteur tend à permettre l’intervention d’une autre profession ou à assouplir véritablement le dispositif.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement va dans le sens que vous souhaitez puisqu’il s’agit notamment de permettre de faire appel à un architecte-paysagiste.
Mme Laëtitia Romeiro Dias. Je maintiens l’amendement CE122.
La commission rejette l’amendement.
M. Richard Lioger, rapporteur. Comme je l’indiquais à l’instant, l’amendement CE2767 vise à modifier l’article L. 441-4 du code de l’urbanisme afin de permettre aux paysagistes concepteurs de participer, au même titre que les architectes, à l’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental (PAPE) nécessaire à l’obtention d’un permis d’aménager concernant les projets de lotissements définis aux articles L. 421-2 et R. 421-19 du code de l’urbanisme. Le choix ainsi laissé aux porteurs de projet de lotissement est conforme à la réalité du terrain et leur permettra de recourir à la compétence la plus adaptée selon les caractéristiques du lotissement en projet.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
M. Stéphane Peu. Je suis plutôt défavorable à ces amendements. Lorsqu’on élabore un projet d’aménagement, il est absolument nécessaire, surtout au-delà d’une certaine superficie, de faire appel à un architecte et à un paysagiste, et non à l’un ou à l’autre, car il s’agit de deux métiers différents. Je ne comprends pas que l’amendement prévoie que l’un puisse se substituer à l’autre.
M. François Pupponi. Ce qui est gênant, c’est que, manifestement, selon son exposé sommaire, l’amendement permettrait à un paysagiste de réaliser un projet architectural. Or, il n’en a pas forcément les compétences.
M. Richard Lioger, rapporteur. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, il est précisé qu’il s’agit de « permettre aux paysagistes concepteurs de participer, au même titre que les architectes, à l’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental ». Mais ils y participeraient à la demande des concepteurs du projet, en fonction de la nature de celui-ci, notamment s’il comprend un volet paysager beaucoup plus important que le volet architectural. En résumé, nous proposons de laisser aux collectivités et aux aménageurs la possibilité de faire appel, en fonction de la nature du projet, soit à un architecte, soit à un paysagiste.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tel que je le comprends, l’amendement offre la possibilité de faire appel à un paysagiste lorsqu’il s’agit d’une opération de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. En revanche, si le projet est purement architectural, il convient de faire appel à un architecte.
M. François Pupponi. J’en suis d’accord, mais ce n’est pas ce qui est mentionné dans l’exposé sommaire de l’amendement, qui permet de recourir à un paysagiste pour un projet architectural.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur Pupponi. Il est bien précisé, dans la dernière phrase de l’exposé sommaire, que « le choix ainsi laissé aux porteurs de projet de lotissement est conforme à la réalité du terrain et leur permettra de recourir à la compétence la plus adaptée selon les caractéristiques du lotissement en projet ». Je m’étonne que vous, qui réclamez souvent qu’on laisse au concepteur, qui est au plus près du terrain, la possibilité de choisir, contestiez cet amendement !
M. Stéphane Peu. Ce n’est pas tant l’exposé sommaire de l’amendement que sa rédaction qui pose problème. En effet, il faudrait remplacer le mot : « ou » par le mot : « et ». Le paysagiste peut intervenir en tant que co-concepteur dans un projet d’aménagement, mais il ne peut pas se voir confier l’entière conception d’un tel projet.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le mot « ou » renvoie uniquement à l’hypothèse où le projet porte sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Lorsque le projet est de nature architecturale, on fait appel à un architecte ; lorsqu’il est de nature paysagère, on peut faire appel à un paysagiste.
M. le président Roland Lescure. C’est également ainsi que je comprends l’amendement.
M. François Pupponi. Mais ce n’est pas ce que propose le rapporteur !
M. le président Roland Lescure. Je suggère que l’on élabore une rédaction plus précise en vue de la séance publique. Retirez-vous l’amendement, monsieur le rapporteur ?
M. Richard Lioger, rapporteur. Si vous voulez, oui…
Les amendements CE2767 et CE1672 sont retirés.
La commission examine l’amendement CE743 de Mme Anne-France Brunet.
Mme Anne-France Brunet. Il s’agit de permettre, sans modifier la définition du lotissement, le dépôt d’un seul permis d’aménager « multisites » sur des parcelles, bâties ou non bâties, qui ne seraient pas adjacentes les unes aux autres, dès lors que les orientations d’aménagement et de programmation prévoient la restructuration de ces quartiers ou centres bourgs dans le cadre d’une opération d’aménagement d’ensemble prévoyant une unité architecturale et paysagère. Cette mesure est de nature à relancer l’urbanisme opérationnel et à accélérer la construction de logements en évitant le cumul d’autorisations.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à une généralisation du permis d’aménager « multisites », dont la plus-value n’est pas clairement démontrée et qui pourrait aller à l’encontre des objectifs de politiques publiques telles que celle qui vise à lutter contre l’étalement urbain. Néanmoins, comme vous le suggérez dans l’exposé sommaire, cet outil pourrait être particulièrement utile dans le cadre des opérations de revitalisation des centres bourgs. Nous pourrions donc travailler ensemble dans ce cadre-là en vue de la séance publique mais, à ce stade, je vous suggère de retirer l’amendement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
Mme Anne-France Brunet. Cet amendement correspond à une attente très forte des aménageurs concernant les lotissements.
M. Richard Lioger, rapporteur. Lorsqu’ils concernent des lotissements, les projets « multisites » risquent véritablement de favoriser le mitage et l’étalement urbain. En revanche, je le répète, il nous est apparu que, dans le cadre des opérations de revitalisation des centres bourgs, ce type de projets devrait être généralisé de manière à favoriser une certaine unité entre différents sites dont certains peuvent ne pas faire partie de l’opération initiale.
L’amendement est retiré.
Article 2
(articles L. 102-12, L. 102-13, L. 102-14 [nouveau] et L. 102-15 [nouveau] du code de l’urbanisme)
Modernisation du régime juridique des opérations d’intérêt national
En l’état actuel du droit, la notion d’opération d’intérêt national (OIN) n’a pas de définition précise. Il existe aujourd’hui dix-huit OIN dites « d’aménagement » qui portent sur des interventions pour développer ou reconfigurer des quartiers urbains. La liste des opérations d’intérêt national est arrêtée par décret en Conseil d’État ([4]). La qualification d’OIN a pour conséquence de retirer aux communes ou EPCI compétents certaines compétences au profit de l’État, notamment en matière de délivrance d’autorisations d’urbanisme ou de création de zones d’aménagement concerté (ZAC) ([5]). La mise en place d’une OIN est en revanche sans effet sur la compétence des communes ou EPCI en matière d’élaboration des documents d’urbanisme.
2. Les dispositions du projet de loi
Les cinq premiers alinéas établissent les critères auxquels une opération doit satisfaire pour être qualifiée d’OIN (elle doit répondre « à des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale ») et instaurent, sur le projet d’OIN, un avis des communes concernées et de l’EPCI compétent en matière d’opérations d’aménagement.
b. La clarification du régime juridique des OIN
Pour plus de clarté, les alinéas 6 à 14 rassemblent en un seul article du code de l’urbanisme, le nouvel article L. 102-13, les dispositions existantes du code de l’urbanisme relatives au régime juridique des OIN.
L’alinéa 7 reprend les dispositions de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme qui prévoit que les constructions et installations nécessaires à la réalisation de l’OIN peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune.
L’alinéa 8 précise que le droit de préemption ([6]) urbain (DPU) régi par l’article L. 211-1 du code de l’urbanisme, le droit de préemption dans les zones à aménagement différé (ZAD) ainsi que le droit de priorité ne peuvent être exercés dans le périmètre d’une OIN. Cela est d’ores et déjà établi par le g de l’article L. 213-1 et par le troisième alinéa de l’article L. 240-2 du code de l’urbanisme.
L’alinéa 9 prévoit que le préfet de département est compétent pour la création des zones d’aménagement concerté (ZAC) situées en tout ou partie à l’intérieur du périmètre de l’OIN. Cela est d’ores et déjà prévu au troisième alinéa de l’article L. 311-1 du code de l’urbanisme.
L’alinéa 10 renvoie à l’article L. 322-3-2 du code de l’urbanisme qui prévoit que si une association foncière urbaine ([7]) est située à l’intérieur du périmètre d’une OIN, l’autorité administrative recueille l’avis, et non l’accord, du conseil municipal sur l’opération qui sera mise en œuvre par l’association.
L’alinéa 11 prévoit que, dans le périmètre d’une OIN, l’autorité administrative de l’État est compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme. Le préfet doit au préalable recueillir l’avis du maire ou du président de l’EPCI compétent. Ces dispositions sont d’ores et déjà prévues au c de l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme.
Les alinéas 12 et 13 reprennent les dispositions de l’article L. 102-13 du code de l’urbanisme qui prévoient que l’autorité compétente peut opposer un sursis à statuer à une demande d’autorisation d’urbanisme lorsque l’autorisation serait susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d’une opération d’aménagement dans le périmètre d’une OIN.
L’alinéa 14 reprend les dispositions du II de l’article 88 de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ([8]). Dans les limites des OIN, à titre expérimental et pour une durée de sept ans à compter de juillet 2016, l’État et les collectivités territoriales peuvent autoriser les maîtres d’ouvrage à déroger aux règles applicables à leurs projets dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles.
c. Le renforcement du régime des OIN
Afin de conférer plus de souplesse au régime des OIN, les alinéas 15, 16 et 17 prévoient la possibilité de définir, par arrêté ministériel, des secteurs dans lesquels la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme s’exerce, pour une durée déterminée, dans les conditions de droit commun. L’État n’est alors pas l’autorité administrative compétente
Par parallélisme avec la GOU, les alinéas 18 et 19 prévoient que le décret en Conseil d’État conférant la qualité d’OIN peut délimiter une ZAD sur tout ou partie du périmètre de l’OIN. Comme dans les GOU, le droit de préemption peut y être exercé pendant une période de dix ans, renouvelable une fois par décret. Les OIN voient ainsi leur régime renforcé et quasiment aligné sur celui des GOU, la différence étant néanmoins qu’une OIN n’est pas contractuelle mais créée par l’État.
L’équilibre trouvé par cet article permet de renforcer le régime juridique des OIN tout en lui donnant plus de souplesse. Cela correspond à l’esprit de l’ensemble du projet de loi : se donner les moyens et les outils pour construire davantage sans pour autant rigidifier et complexifier les procédures d’urbanisme.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté neuf amendements rédactionnels ainsi qu’un amendement clarifiant le régime juridique s’appliquant aux OIN. La commission a jugé pertinent d’ajouter au nouvel article L. 102-13 du code de l’urbanisme, qui regroupe désormais l’ensemble des dispositions relatives aux OIN, la disposition prévue à l’article L. 322-13 du même code, qui prévoit que le représentant de l’État peut, au sein des OIN, délimiter des périmètres de projet dans lesquels les propriétaires fonciers sont incités à se regrouper en association foncière urbaine de projet.
*
* *
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1003 et CE1005 du rapporteur.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1004 du rapporteur, CE252 et CE253 de M. Stéphane Peu.
M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement CE1004 est rédactionnel.
M. Stéphane Peu. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, l’artificialisation des sols a détruit en métropole, au cours de la dernière décennie, près de 67 000 hectares par an en moyenne. Or, depuis plusieurs années, on a l’ambition d’urbaniser sans consommer de manière inconsidérée des terres agricoles ou naturelles : il s’agit plutôt de « faire de la ville sur la ville ». Nous proposons donc, par l’amendement CE252, de soumettre l’autorisation des opérations réalisées en dehors des parties urbanisées des communes à l’avis conforme et motivé de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).
Quant à l’amendement CE253, il vise à substituer, à l’alinéa 7, les mots : « naturels et agricoles » aux mots : « autres qu’urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole ».
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. S’agissant de l’amendement CE252, le code de l’urbanisme prévoit un avis simple de la CDPENAF pour la quasi-totalité des projets ayant pour conséquence une réduction des surfaces naturelles et agricoles. Il n’est donc pas justifié que, dans le cadre d’une Opération d’intérêt national (OIN), cet avis soit conforme.
En ce qui concerne le CE253, mieux vaut en rester à la rédaction, plus englobante, qui figure à l’article L. 111-5 du code de l’urbanisme : un espace non urbanisé peut être un secteur forestier ou une friche agricole en milieu urbain.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Prévoir un avis conforme de la commission donnerait à celle-ci une autorité décisionnaire en lui permettant de bloquer un projet. Nous ne sommes pas favorables à cette solution.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur l’amendement CE1004, j’émets un avis favorable tout en souhaitant, monsieur le rapporteur, que nous en rediscutions d’ici à la séance publique, car je crains que la rédaction proposée ne nuise à la fluidité de la procédure de consultation de la commission. Je souhaite que nous nous assurions que l’amendement n’a qu’une portée rédactionnelle.
M. Martial Saddier. Contrairement à ce qui a été dit, au cours des deux dernières législatures, la loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Duflot », ont contribué à réduire très fortement la consommation des espaces agricoles et naturels. Je partage donc l’avis du Gouvernement. Nous sommes parvenus à un équilibre en la matière ; mieux vaut en rester à un avis simple de la commission.
M. Stéphane Peu. L’objet de l’amendement CE253 est précisément d’étendre le champ de l’article 2, qui ne fait référence qu’aux espaces sur lesquels est exercée une activité agricole, à tous les espaces naturels. En effet, lorsque j’évoque la croissance de l’artificialisation des sols, je ne pense pas uniquement aux espaces agricoles. Cette artificialisation, lorsqu’elle porte sur d’autres surfaces, peut avoir des conséquences sur la gestion de l’eau, par exemple. Je rappelle ainsi que certaines des inondations qui sont intervenues dans un passé récent furent largement dues à une artificialisation des sols qui, sans forcément concerner des espaces agricoles, a nui à l’écoulement des eaux.
Par ailleurs, nous tenons à ce que la commission rende un avis conforme. On peut y voir un pouvoir de blocage mais, dans le cadre d’un projet d’aménagement, on doit négocier en tenant compte des contraintes des uns et des autres. Or, il n’est pas mauvais que, parmi ces contraintes figure celle de limiter le plus possible l’artificialisation des sols.
La commission adopte l’amendement CE1004.
En conséquence, les amendements CE252 et CE253 tombent.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1089 et CE1091 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE985 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Pour plus de clarté, les alinéas 6 à 14 de l’article 2 rassemblent en un seul article, le nouvel article L. 102-13 du code de l’urbanisme, les dispositions existantes du code de l’urbanisme relatives au régime juridique des OIN. Il semble cependant pertinent d’y ajouter la disposition prévue à l’article L. 322-13 du code de l’urbanisme qui prévoit que le représentant de l’État peut délimiter des périmètres de projet au sein desquels les propriétaires fonciers sont incités à se regrouper en association foncière urbaine de projet et les associations foncières urbaines de projet à mener leurs opérations de façon concertée.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE1092 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement rédactionnel CE1093 du rapporteur.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suggère à M. le rapporteur de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. En effet, il tend à remplacer la notion d’opération d’aménagement par celle d’opération. Or, ce faisant, il crée une confusion, car la loi pourrait ainsi laisser entendre qu’il s’agit de l’opération intérêt national (OIN) elle-même, alors qu’une OIN peut comporter plusieurs opérations d’aménagement. Nous pourrons y retravailler d’ici à la séance publique mais, en l’état, l’amendement créerait une incertitude juridique.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement rédactionnel CE1296 du rapporteur.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement vise à insérer, à l’alinéa 15, les mots « du projet » après le mot : « aménagement ». Or, ici, ce terme ne fait pas référence à un projet particulier ; il est employé au sens de l’opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme. Il est donc préférable de maintenir le terme générique d’aménagement.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement rédactionnel CE1095 du rapporteur.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement est satisfait. Qui plus est, sa première phrase est difficilement compréhensible et mériterait d’être réécrite. Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, de le retirer et d’y retravailler d’ici à la séance publique.
L’amendement est retiré.
La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CE1097 et les amendements de coordination CE1297 et CE1317 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.
Article 3
(articles L. 132-7, 300-6-1, L. 321-18 à L. 321-20 [abrogés], L. 321-23, L. 321-29, L. 422-2, L. 422‑3-1 [nouveau] du code de l’urbanisme et article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985)
Procédure intégrée d’urbanisme et intervention des établissements publics d’aménagement en dehors de leur périmètre de compétences
a. Les établissements publics d’aménagement
Les opérations d’aménagement s’inscrivant au sein d’un périmètre d’OIN sont conduites par des établissements publics d’aménagement (EPA) ([9]) ou par des établissements publics fonciers et d’aménagement (EPFA). On compte aujourd’hui douze EPA créés par décret en Conseil d’État et trois EPFA (Grand Paris Aménagement, les établissements publics de l’État en Guyane et à Mayotte).
Il existe un principe de spécialité géographique. Les EPA et EPFA ont pour mission principale de conduire toute action de nature à favoriser l’aménagement, le renouvellement urbain et le développement économique de leur territoire. Néanmoins, l’article L. 321-23 du code de l’urbanisme prévoit que les EPA peuvent agir en dehors du périmètre de compétences, défini dans leurs statuts : ils peuvent procéder à des acquisitions foncières et immobilières et à des opérations d’aménagement, à condition que ces actions soient complémentaires et utiles à la stratégie mise en œuvre dans leur périmètre de compétences. L’article L. 321-29 du code de l’urbanisme indique également que Grand Paris aménagement peut réaliser, en dehors de la région
Île-de-France, des missions de conseil et d’expertise entrant dans le cadre de ses compétences.
La procédure intégrée, définie à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, a pour objet principal de faciliter la « mise en compatibilité » des documents d’urbanisme, afin de simplifier et de raccourcir les délais nécessaires au déploiement de certains projets d’aménagement ou de construction. Cette procédure permet de ne réaliser qu’une seule enquête publique et une seule étude d’impact. Elle peut aujourd’hui être mise en œuvre dans deux cas de figure :
– pour la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’une construction comportant principalement des logements et présentant un caractère d’intérêt général dans une unité urbaine. L’opération doit concourir, à l’échelle de la commune, à la mixité sociale dans l’habitat ;
– pour la réalisation d’un projet immobilier de création ou d’extension de locaux d’activités économiques présentant un caractère d’intérêt général en raison de son intérêt majeur pour l’activité économique locale ou nationale.
2. Les dispositions du projet de loi
a. L’élargissement du périmètre d’intervention des établissements publics d’aménagement
Le projet de loi modifie les articles L. 321-23 et L. 321-29 du code de l’urbanisme pour élargir la possibilité qu’ont les EPA et Grand Paris Aménagement à intervenir hors de leur périmètre. Ces dispositions visent à remédier à l’inégale couverture du territoire national par ces établissements en leur permettant, dans le cadre d’une OIN ou d’une GOU :
– de réaliser et de faire réaliser des opérations d’aménagement et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires, uniquement s’ils sont titulaires d’une concession d’aménagement (alinéas 16 et 24) ;
– de créer des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national ou des sociétés d’économie mixte d’aménagement à opération et acquérir ou céder des participations dans ces sociétés (alinéas 17 et 25).
Ces interventions sont subordonnées à une autorisation délivrée conjointement par les ministres chargés de l’urbanisme et du budget après avis des collectivités concernées et de leurs groupements (alinéas 18 et 26). Elles constituent donc une dérogation ponctuelle et encadrée au principe de spécialité géographique.
Les EPA et Grand Paris Aménagement pourront également conduire les études préalables à la formation des projets partenariaux d’aménagement et réaliser des missions de conseil et d’expertise entrant dans le cadre de leurs compétences (alinéas 19 et 27).
b. L’extension du recours à la procédure intégrée
Les alinéas 2 à 9 simplifient l’écriture de l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme et prévoient le recours possible à la procédure intégrée pour la réalisation d’une GOU présentant un intérêt général. Cette procédure peut également toujours être mise en œuvre :
– pour des opérations d’aménagement ou de construction comportant principalement des logements et présentant un caractère d’intérêt général dans une unité urbaine. Il n’est néanmoins plus nécessaire pour ces opérations de « concourir, à l’échelle de la commune, à la mixité sociale dans l’habitat » ([10]) pour bénéficier de la procédure intégrée ;
– pour la réalisation d’un projet immobilier de création ou d’extension de locaux d’activités économiques présentant un caractère d’intérêt général en raison de son intérêt majeur pour l’activité économique locale ou nationale. Est cependant supprimée la définition de « l’intérêt économique majeur d’un projet » qui devait, jusqu’alors s’apprécier « compte tenu du caractère stratégique de l’activité concernée, de la valeur ajoutée [que le projet] produit, de la création ou de la préservation d’emplois qu’il permet ou du développement du territoire qu’il rend possible » ([11]).
Le premier alinéa permet aux opérateurs des GOU et OIN d’être associés à l’élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme.
L’alinéa 11 supprime du code de l’urbanisme les articles relatifs au projet stratégique et opérationnel qui ne constitue qu’un document interne de pilotage de l’activité des EPA.
Comme le prévoit l’alinéa 15 de l’article 2 du projet de loi, l’alinéa 29 précise que l’État n’est pas toujours compétent pour se prononcer sur les opérations réalisées à l’intérieur des périmètres des OIN.
Comme le prévoit l’alinéa 21 de l’article 1er du projet de loi, les alinéas 30 et 31 créent un nouvel article du code de l’urbanisme prévoyant que dans les GOU, le président de la collectivité territoriale ou de l’établissement public signataire du PPA à l’initiative de la GOU est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme.
Les alinéas 32 et 33 indiquent que la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée n’est pas applicable aux ouvrages d’infrastructure situés dans le périmètre d’une OIN ou d’une GOU ([12]).
Le rapporteur est particulièrement sensible au renforcement du rôle des EPA, en l’occurrence à l’élargissement de la possibilité qu’ils ont d’intervenir en dehors de leur périmètre, dans le respect, bien sûr, des règles de la commande publique.
Le rapporteur considère que l’extension de la dérogation à la loi MOP, qui existe déjà dans les ZAC, aux ouvrages situés dans le périmètre des GOU et OIN permettra d’avoir une maîtrise d’ouvrage unique sur le périmètre de ces opérations. Cela facilitera leur réalisation sans pour autant compromettre l’ambition de l’ensemble du projet de loi, qui est de promouvoir un aménagement du territoire soucieux d’une bonne intégration paysagère, urbaine et patrimoniale.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté dix-sept amendements rédactionnels ou de coordination juridique ainsi que deux amendements de fond du rapporteur. Le premier vise à permettre aux établissements publics fonciers locaux de créer des filiales au même titre que les établissements publics fonciers de l’État ([13]) ou les établissements publics d’aménagement ([14]) afin de leur permettre de réaliser plus efficacement leurs missions. Le second prévoit que la révision des documents d’urbanisme pouvant gêner le bon déroulement des opérations de revitalisation de territoire (ORT) peut se faire selon la procédure intégrée dans un délai de deux ans.
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* *
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1099 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE984 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la définition de l’« intérêt économique majeur d’un projet », présente au deuxième alinéa de l’actuel I bis de l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, que le projet de loi tend à supprimer. Cette définition est en effet nécessaire pour établir les projets immobiliers de création ou d’extension de locaux d’activités économiques qui peuvent bénéficier de la procédure intégrée.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’amendement vise à préciser la définition de l’intérêt économique majeur d’un projet, s’agissant des projets immobiliers d’entreprise qui peuvent donner lieu à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme via une procédure intégrée. La définition que vous proposez est issue d’une circulaire toute récente. Or, nous manquons de recul sur la mise en œuvre de la procédure intégrée en matière d’immobilier d’entreprise. En outre, les acteurs de terrain n’ont pas exprimé le besoin d’une clarification. Nous vous proposons donc de retirer l’amendement. De manière générale, gardons à l’esprit qu’il est toujours plus facile, pour adapter les textes à la réalité, de modifier une circulaire plutôt que la loi.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE2706 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement CE1664 à l’article 54, qui prévoit la révision, dans un délai de deux ans, des documents d’urbanisme pouvant gêner le bon déroulement des opérations de revitalisation de territoire (ORT) selon la procédure intégrée réformée par le présent article.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE1473 de Mme Barbara Bessot Ballot.
Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement vise à encadrer les frais de fonctionnement des opérateurs mentionnés à l’article L. 132-7 du code de l’urbanisme et à éviter ainsi des coûts de revient trop éloignés du budget prévisionnel.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Je partage votre préoccupation qui est d’éviter, dans le cadre des opérations d’aménagement, des coûts de revient trop éloignés du budget prévisionnel. Néanmoins, je ne comprends pas pourquoi votre amendement ne porte que sur les opérations d’aménagement pouvant bénéficier des procédures intégrées d’urbanisme. En outre, je crains que votre amendement ne soit fragile juridiquement et source de contentieux, notamment en raison de l’emploi des termes « dans une logique de respect des prix du marché ».
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement de coordination CE1331 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CE1101 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de référence.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cette erreur sera de facto corrigée au moment de l’adoption du projet de loi. Nous vous proposons donc de retirer l’amendement, qui est satisfait.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CE1479 de Mme Barbara Bessot Ballot.
Mme Barbara Bessot Ballot. Il s’agit d’expliciter la soumission des établissements publics d’aménagement (EPA) aux règles de la commande publique lorsqu’ils interviennent en dehors des opérations d’intérêt national.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Je partage votre préoccupation : les EPA doivent être soumis aux règles de la commande publique lorsqu’ils interviennent en dehors des opérations d’intérêt national. Toutefois, cette préoccupation est déjà prise en compte par le projet de loi, qui prévoit que les EPA ne pourront intervenir en dehors de leur champ de compétence pour réaliser des opérations d’aménagement et acquisitions foncières que lorsqu’ils seront titulaires d’une concession d’aménagement.
Par ailleurs, vous proposez que les EPA puissent seulement « réaliser » et non plus « faire réaliser » les opérations d’aménagement et acquisitions foncières. Or, je ne suis pas favorable à une telle réduction de leur champ d’intervention.
Enfin, vous proposez de conditionner les études et missions d’expertise à une contractualisation préalable entre l’État et les collectivités concernées par un projet partenarial d’aménagement (PPA). Ce n’est pas nécessaire, puisque l’objet du projet de loi est uniquement de permettre aux EPA de fournir une expertise et des analyses en vue de l’élaboration de PPA, et non pas de conduire des études pré-opérationnelles.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CE1102 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de référence.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1103, CE1332, CE1333, CE1345, CE1346, CE1104 et CE1316 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement rédactionnel CE1353 du rapporteur.
M. Stéphane Peu. Je ne comprends pas que cet amendement soit qualifié de « rédactionnel ». Remplacer le terme « l’établissement » par « Grand Paris Aménagement », c’est modifier la nature même de la disposition : on prend une mesure ad hoc pour une seule société – et qu’elle soit publique n’y change rien.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je maintiens qu’il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
M. Stéphane Peu. On ne vote jamais une loi pour une seule personne : la loi est pour tout le monde. En l’espèce, il s’agit d’une personne morale, mais il est curieux qu’une loi consacre spécifiquement un article à une personne morale, même s’il s’agit de Grand Paris Aménagement.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’une catégorie à part entière, et il convient de l’identifier clairement dans cet alinéa.
M. le président Roland Lescure. Je constate que l’alinéa 26 se trouve dans une section de l’article 3 consacrée au Grand Paris Aménagement.
M. Stéphane Peu. J’entends ces arguments, mais je les conteste formellement. Grand Paris Aménagement n’est pas une aire géographique mais une société. Une multitude de personnes morales peuvent intervenir sur l’aire du Grand Paris, et il n’y a pas lieu de citer spécifiquement l’une d’entre elles.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’alinéa 26 est indissociable de l’alinéa 23, par lequel commence le II du présent article, et qui dispose que « dans le cadre d’une opération d’intérêt national au sens de l’article L. 102-12 ou d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, Grand Paris Aménagement peut, en dehors du territoire de la région d’Ile-de-France » procéder aux opérations décrites ensuite dans les alinéas 24, 25 et 26. L’« établissement » cité dans l’alinéa 26 ne peut donc désigner que Grand Paris Aménagement, et remplacer l’un par l’autre n’est donc véritablement qu’une modification rédactionnelle.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel CE1354 et l’amendement de précision CE1385 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement rédactionnel CE1352 du rapporteur.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous demandons le retrait de l’amendement. À défaut, nous y serons défavorables. S’il s’agit bien d’un amendement rédactionnel, il ne nous paraît pas opportun de le voter.
En complétant l’article L. 321-29 du code de l’urbanisme, l’alinéa 27 du projet de loi permet à Grand Paris Aménagement de conduire des expertises préalables à la signature d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) hors de son périmètre statutaire. Aujourd’hui, ce périmètre correspond bien au « territoire de la région d’Île-de-France », mais si vous remplacez par ces mots la désignation générale retenue par le projet de loi – l’alinéa 27 évoque le « périmètre de compétence défini dans ses statuts » –, cela vous obligera à modifier l’article L. 321-29 en cas de changement du périmètre de Grand Paris Aménagement. Ce serait source d’une instabilité et d’une incertitude juridique qui ne sont pas souhaitables. Pour les éviter nous estimons qu’il faut maintenir la rédaction initiale.
L’amendement est retiré.
La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CE1351 et l’amendement de coordination CE1347 du rapporteur.
Elle examine l’amendement CE1325 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. L’alinéa 11 de l’article 3 du projet de loi supprime du code de l’urbanisme les articles relatifs au projet stratégique et opérationnel qui ne constitue qu’un document interne de pilotage de l’activité des établissements publics d’aménagement. Cet amendement supprime, par cohérence, la référence au projet stratégique et opérationnel figurant à l’article L. 321-36-3 du code de l’urbanisme pour les établissements publics de l’État en Guyane et à Mayotte.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE1312 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux établissements publics fonciers locaux de créer des filiales.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE351 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 30 et 31.
Nous poursuivons le combat en faveur des maires. L’alinéa 31 de l’article 3 attribue la compétence pour délivrer le permis de construire d’aménager ou de démolir au président de la collectivité territoriale ou de l’établissement public, dérogeant ainsi aux dispositions de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme. L’amendement propose de maintenir les dispositions qui prévoient que le maire est l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir.
M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable, pour les raisons déjà exposées.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, dans la continuité de notre débat de cet après-midi.
M. Stéphane Peu. Je soutiens cet amendement. Franchement, ce que le projet propose est encore plus grave que ce dont nous avons précédemment débattu. Nous discutions de l’association formelle des communes aux projets partenariaux d’aménagement, mais là, nous parlons des permis de construire. Autrement dit, nous revenons sur l’un des éléments majeurs des lois de décentralisation de Gaston Defferre en 1982. Pourtant, grâce à ce texte, nous avions mis fin à toute une série d’erreurs qui résultaient de l’urbanisme autoritaire. Quel que soit le périmètre de l’opération d’aménagement, conserver la délivrance des permis au maire apporte la garantie de décisions prises au plus près du terrain et du contrôle citoyen.
M. Robin Reda. J’ajoute, monsieur le ministre, que vous défendez une position fortement contradictoire avec celle que vous avez soutenue dans notre discussion précédente puisque vous étiez favorable à ce que les maires continuent d’attribuer les permis de construire et d’examiner les demandes d’autorisation au titre du droit des sols.
Sous prétexte que l’acronyme a changé et que nous ne sommes plus dans le PPA, vous traitez les communes en parents pauvres et vous leur retirez le pouvoir d’attribuer les permis de construire. Tout cela va dans le sens d’un effacement de la commune. Que vous le reconnaissiez ou non, monsieur le ministre, cet effacement est prégnant dans ce projet de loi !
M. Martial Saddier. Nous vivons un moment important. Il se passe quelque chose de remarquable dans ce débat.
Jusqu’à présent, nous avons toujours soutenu la possibilité pour les maires de déléguer certaines de leurs compétences à l’intercommunalité. Mais il s’agissait bien d’une solution facultative. Nous sortons de cette logique avec ce texte. C’est évidemment possible, mais il faut que le Gouvernement assume ce choix, et nous ne voudrions pas qu’il passe inaperçu, car il s’agit d’une véritable révolution concernant l’une des compétences les importantes et les plus symboliques du maire : la délivrance du permis de construire. C’est une rupture par rapport à une pratique constante depuis une trentaine d’années dans notre pays : on passe du facultatif à l’obligatoire.
Je constate que le maire est systématiquement dépossédé de ses compétences. J’aurais souhaité que l’on soit davantage dans l’incitation et moins dans l’obligatoire.
M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur le ministre, le groupe MODEM n’avait pas demandé la suppression des alinéas 30 et 31 car nous étions persuadés que, dans l’article 1er, vous associeriez les communes aux contrats de grande opération d’urbanisme (GOU). Cela aurait constitué un accord tacite des mairies pour transférer la compétence de délivrance des permis de construire à l’EPCI, ce qui aurait pu sembler normal dans le cadre d’un projet multicommunal. En revanche, dans la mesure où, lors de l’examen de l’article 1er, vous n’avez même pas voulu associer la commune à ces grands projets, nous voterons l’amendement CE351.
M. Thibault Bazin. Merci beaucoup !
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je crois que nous avons fait le maximum pour garantir, dans l’immense majorité des cas, que le maire conserve la signature des permis de construire. Il s’agit d’une volonté politique et nous y tenons. Je réaffirme cette position, en rappelant que toutes les associations d’élus ne partagent pas ce point de vue.
Dans le cadre d’un équilibre général, il convient de souligner que le droit existant comporte d’autres cas pour lesquels les permis ne sont pas signés par les maires.
J’entends vos propos et je respecte la position de principe qui est la vôtre, mais la disposition prévue est cohérente avec la philosophie générale des projets concernés.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE1387 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CE2783 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement vise à compenser les multiples exclusions à l’application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP », introduites par les articles 3, 5 et 28 du projet de loi, par un renforcement des prescriptions de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qui, de fait, régiront désormais les relations entre certains maîtres d’ouvrage publics, auxquels la loi MOP ne s’appliquera plus, et les maîtres d’œuvre.
Un décret en Conseil d’État précisera le contenu du contrat qui liera le maître d’ouvrage au maître d’œuvre, notamment les responsabilités, qui ne sont pas très claires, de chacun des prestataires ainsi que le périmètre de leur mission.
Ce décret pourrait également préciser des modalités simplifiées de concours, permettant de réduire la contrainte administrative liée à la sélection des candidatures ainsi que le niveau d’aboutissement des projets exigé lors des premières phases, afin d’encourager le recours à ce mode particulièrement pertinent de sélection de la maîtrise d’œuvre, y compris dans les cas où ce recours ne serait plus obligatoire.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Le projet de loi permet d’exonérer les bailleurs sociaux de l’application du titre II de la loi MOP pour apporter de la souplesse, ce n’est pas pour rigidifier les règles applicables aux relations entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage dans le secteur social comme privé.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Cet amendement ne vise en aucun cas à revenir par un chemin détourné au système du concours, mais, bien au contraire, à fournir un cadre juridique qui corresponde aux pratiques actuelles des bailleurs sociaux, car nous avons tous compris la rigidité et l’obsolescence de la loi MOP, qui constitue le seul cadre existant. Aucune obligation ne s’imposera aux bailleurs : nous nous contentons d’ouvrir une possibilité et d’encadrer ceux qui choisissent d’utiliser ce dispositif dans certains cas précis.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Comme vous l’indiquez, monsieur le rapporteur pour avis, cette possibilité existe déjà aujourd’hui. En revanche, le décret en Conseil d’État prévu par votre amendement fera des architectes une profession réglementée.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. C’est déjà le cas. Ils ont un ordre …
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Certes, mais je veux dire que cela reviendrait à réglementer la profession dans son exercice quotidien.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CE254 de M. Stéphane Peu, CE430 de M. Thibault Bazin et CE558 de M. Arnaud Viala.
M. Stéphane Peu. Il vise à supprimer les alinéas 32 et 33 de l’article.
Dans une première étape, vous avez retiré aux maires la compétence en matière de permis de construire, nous en sommes à la seconde étape : vous voulez vous affranchir de la loi MOP. Par une technocratisation à outrance de l’aménagement et de la construction, vous allez refaire les monstruosités que nous pensions avoir définitivement chassées de notre histoire.
M. Thibault Bazin. S’agissant d’opérations d’envergure avec de véritables enjeux financiers, nous devons être exemplaires. Lorsqu’un aménageur projette de construire un éco-quartier, il vend l’idée qu’il est capable de tout faire, mais son métier ne consiste pas à construire une école, une crèche ou des logements. Avec une première société qui déléguera ensuite à de multiples entreprises, on risque de cumuler les frais de bureau d’études, d’assurance, et de voir le coût global enfler sans obtenir la qualité promise.
Dans une vision d’aménagement, les charges foncières sont réparties et on parvient à les identifier.
Déroger à la loi MOP dans ce cadre ne me semble pas constituer une avancée. Il faut conserver la main, en particulier sur les équipements publics.
M. Julien Dive. L’amendement CE558, comme les précédents, vise à supprimer les alinéas 32 et 33. Il faut appliquer un principe d’équité, et tenir compte de la taille et de la nature des projets, ainsi que de la réalité des territoires.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis très défavorable à ces amendements.
L’extension aux ouvrages situés dans le périmètre des GOU et des OIN de la dérogation à la loi MOP est tout à fait compatible avec l’ambition de l’ensemble du projet de loi, qui est de promouvoir un aménagement du territoire soucieux d’une bonne intégration paysagère, urbaine et patrimoniale.
Les architectes choisis dans le cadre des conceptions-réalisations, telles qu’il en existe partout, produisent des projets architecturaux de qualité. Il faut cesser de dire que seule la loi MOP permet d’obtenir de bons résultats. Les architectes font très bien ce travail dans le cadre des ventes en état futur d’achèvement (VEFA) et dans le privé ; ils pourront continuer à le faire, surtout lorsque l’on connaît leurs très bonnes relations avec les bailleurs sociaux.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Mes observations sont identiques à celle du rapporteur. Considérer que la loi MOP permet d’obtenir le nec plus ultra de l’architecture ne correspond pas à la réalité !
M. François Pupponi. Je ne dis pas que la loi MOP soit la panacée, mais il faut se souvenir des raisons qui ont motivé son adoption. Elle a été votée pour réagir aux abus qui se sont produits dans le passé. Si on en est arrivé à construire les ghettos que nous connaissons, c’est parce qu’à un moment donné, on a laissé la main à certains organismes – en particulier les bailleurs, pour la plupart des filiales de la Caisses des dépôts et consignations (CDC).
Nous étions parvenus à mettre un peu d’ordre, et à faire qu’un seul porteur de projet ne soit plus l’aménageur unique – on sait trop ce que cela a donné –, mais le projet de loi revient à cette solution : cela donne un peu le sentiment de revenir à un passé dont nous connaissons les dérives et dont nous ne voulons plus. La loi MOP a aussi ses avantages.
On sait à peu près à quoi on aboutit en demandant à un aménageur, en particulier à un bailleur, de s’occuper de tout. Il fait des comptes et s’il peut tirer sur les budgets – en particulier ceux des équipements publics –, il ne se gênera pas. Vous allez évidemment vouloir nous rassurer : « Ne vous inquiétez pas, on fera ce qu’il faut… » Mais nous connaissons le système.
M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, vous évoquiez la conception-réalisation d’immeubles, mais nous ne sommes pas au même niveau : nous parlons d’aménagement avec la réalisation d’infrastructures et d’équipements publics. L’aménageur n’a pas les compétences ni les expertises pour réaliser un certain nombre d’ouvrages. En lui confiant l’ensemble du trousseau, nous perdons la main en tant qu’élus et nous perdons un peu la maîtrise des deniers publics. Je pense que nous empruntons un mauvais chemin.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur le terrain, aujourd’hui, la dérogation à la loi MOP existe déjà pour les infrastructures des ZAC…
M. François Pupponi. C’est bien le problème ! On voit la catastrophe qui en résulte !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le texte ne fait qu’étendre cette disposition aux GOU et aux OIN.
M. Martial Saddier. Je formule une double inquiétude.
Nous constatons l’éloignement de la décision et donc du contrôle de l’opération, qui ne sera plus communal. Nous savons que le contrôle d’une opération intercommunale, selon la taille de l’intercommunalité, n’est pas du tout le même que celui opéré par le maire sur sa commune avec son adjoint à l’urbanisme, son adjoint aux travaux…
Si l’on ajoute l’ensemble des pouvoirs donnés aux bailleurs, je ne peux qu’être relativement inquiet que la situation puisse déboucher sur des résultats que nous avons tous regrettés par le passé. À une certaine époque, la République a été obligée de consacrer plusieurs milliards à corriger ses erreurs…
La commission rejette les amendements.
L’amendement CE439 de M. Thibault Bazin est retiré.
La commission adopte l’article 3 modifié.
Article 3 bis (nouveau)
(article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016)
Permis d’innover
La commission a adopté un amendement du Gouvernement, sous‑amendé par le rapporteur, pour clarifier et compléter le régime juridique de l’expérimentation prévue au II de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du
7 juillet 2016, dite « permis d’innover ».
Le champ d’application de cette expérimentation est élargi et précisé. En plus de ceux situés dans le périmètre d’une OIN, pourront bénéficier de l’expérimentation les projets réalisés au sein des GOU et au sein des opérations de revitalisation de territoire. En outre, en sus des constructions soumises à permis de construire, l’application de l’expérimentation est étendue aux projets soumis à déclaration préalable, à permis d’aménager ou à permis de démolir.
L’examen de l’étude des dérogations aux règles, qui est réalisée par le maître d’ouvrage, est désormais sanctionné par la production d’un avis et non plus par un visa aux contours incertains. Cet examen pourra être effectué par un établissement public d’aménagement (EPA), par un établissement public foncier et d’aménagement (EPFA) ou par la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO).
L’amendement adopté précise également l’articulation du « permis d’innover » avec les autorisations d’urbanisme. L’autorisation d’urbanisme est expressément désignée comme l’autorisation unique, valant à la fois autorisation d’occuper le sol et approbation des dérogations aux règles.
*
* *
La commission est saisie de l’amendement CE2652 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements CE2803 et CE2809 du rapporteur.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’amendement vise à améliorer les conditions d’application de l’expérimentation dite « du permis d’innover » et d’élargir son champ d’application aux GOU et aux opérations de revitalisation de territoires – les ORT dont nous parlerons à l’article 54.
Ce permis d’innover existe aujourd’hui pour les OIN. Il est à l’urbanisme ce que le « permis de faire » est à la construction de logements : il fait prévaloir l’objectif final, et il laisse largement les moyens pour l’atteindre entre les mains des maîtres d’ouvrage et des aménageurs dont c’est le métier.
Cet amendement tend donc à permettre, demain, dans le cadre des GOU et des ORT, de disposer de ce permis d’innover qui n’existe aujourd’hui que pour les OIN.
M. Richard Lioger, rapporteur. Mon sous-amendement CE2803 vise à préciser que l’expérimentation dure sept ans à compter de la promulgation de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, et non à compter de la promulgation de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016.
Le sous-amendement CE2809 corrige une erreur de référence en remplaçant dans l’amendement la mention de l’article L. 302-2 du code la construction par celle de l’article L. 303-2, créé par le projet de loi.
Je serai favorable à l’amendement du Gouvernement ainsi sous-amendé.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable aux sous-amendements.
M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. La commission des affaires culturelles a évoqué un potentiel effet miroir entre le projet de loi et la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP », car ce dernier texte définit les permis d’innover. Le fait de les étendre aux GOU et aux ORT nous faisait craindre que surviennent des difficultés d’interprétation, en particulier en matière de responsabilité juridique. Cette nouvelle rédaction permet-elle de résoudre ce problème ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur ce point tout à fait pertinent, monsieur le rapporteur, il faudra que nous puissions vous rassurer totalement en amont du passage du texte dans l’hémicycle.
M. Martial Saddier. Si j’ai bien compris cet amendement, le préfet fera ce qu’il voudra ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il faut repartir du sens même du texte sur la GOU et du pouvoir donné par le préfet à l’EPCI. Ce que nous proposons existe déjà : ce sont les OIN. Tout ce dont nous discutons au niveau de l’intercommunalité existe au niveau de l’État avec ces opérations d’intérêt national. Il en existe une vingtaine en France.
Nous sommes profondément attachés au droit commun existant. Nous l’avions dit dès notre première intervention devant votre commission, sur la stratégie logement : les autorisations de construction doivent rester entre les mains du maire. Une possibilité existe néanmoins, lorsque tout est figé et qu’un projet est d’intérêt national ou intercommunal. Aujourd’hui, les OIN permettent, sur décision du préfet, de transférer toutes les autorisations de construction à l’État. Nous proposons de sortir de cette approche d’État et d’adopter une vision plus territoriale qui se situe entre le droit commun et une arme massive qui n’a de sens que dans quelques cas rares et très particuliers. Nous voulons faire confiance à l’échelon intercommunal.
Le préfet n’a pas tous les droits. Lorsqu’une intercommunalité propose la mise en place d’une GOU, si au moins une commune concernée s’oppose, le préfet rend un avis et décide si le droit à construire est transféré au président de l’intercommunalité. Nous sommes très loin des règles en vigueur pour les OIN, qui permettent au préfet d’exercer directement tous les droits.
M. François Pupponi. Nous avions compris, monsieur le secrétaire d’État, et il s’agit bien d’un changement complet de philosophie.
Aujourd’hui, il y a une vingtaine d’OIN, connues, répertoriées, cadrées ; demain, il y aura des dizaines et des dizaines de GOU. La plupart des intercommunalités vont en demander. Nous donnons des pouvoirs exorbitants aux présidents des EPCI, et les maires seront complètement dépossédés. On sait parfaitement que, dans certains cas, les présidents d’intercommunalités se passeront de l’accord du maire. C’est une autre philosophie, on change de monde. Il faut seulement le reconnaître et le dire.
M. Martial Saddier. C’est effectivement un changement profond. Par définition, une intercommunalité pourra décréter qu’il existe un intérêt intercommunal sur tout. Les préfets n’auront plus qu’à suivre la majorité. Si une intercommunalité demande un transfert, c’est qu’une majorité a été obtenue. Les préfets prendront fait et cause en sa faveur. C’est un dessaisissement très clair et une atteinte au fait communal.
La commission adopte successivement les sous-amendements CE2803 et CE2809.
Elle adopte ensuite l’amendement CE2652 sous-amendé.
Article 4
(article L. 123-2 du code de l’environnement et article L. 2122-22
du code général des collectivités territoriales)
Simplifier les procédures de participation du public
Les zones d’aménagement concerté (ZAC) sont des procédures opérationnelles permettant aux collectivités publiques de réaliser des opérations d’aménagement de l’espace. Ce sont des zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ([15]).
Les projets de création de ZAC peuvent être soumis à évaluation environnementale. L’évaluation environnementale ([16]) est notamment constituée d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé « étude d’impact ». Certaines ZAC, par leurs caractéristiques propres, sont soumises de manière systématique à évaluation environnementale et d’autres doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas afin de déterminer, au regard de leurs possibles conséquences sur l’environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée. Cette décision est prise par l’autorité environnementale.
projets de création de zac et Évaluation environnementale
Article R. 122-2 du code de l’environnement
|
Terrain d’assiette d’une surface inférieure à 5 hectares |
Terrain d’assiette d’une surface comprise entre |
Terrain d’assiette d’une surface supérieure ou égale à 10 hectares |
Surface de plancher strictement inférieure à 10 000 m2 |
Pas d’étude d’impact |
Examen au cas par cas |
Évaluation environnementale obligatoire |
Surface de plancher comprise entre 10 000 et 40 000 m2 |
Cas par cas |
Cas par cas |
Obligatoire |
Surface de plancher supérieure ou égale à 40 000 m2 |
Obligatoire |
Obligatoire |
Obligatoire |
L’étude d’impact fait partie des documents mis à la disposition du public avant la décision de l’autorité compétente pour autoriser le projet. L’article L. 123-2 du code de l’environnement prévoit que, par exception, pour les projets de « création » de ZAC, la mise à disposition du public s’effectue par voie électronique et non pas via une enquête publique. Cet article ne fait référence qu’au projet de « création » de ZAC. Or, une ZAC se décompose en deux étapes : la création et la réalisation. Au stade de la réalisation de la ZAC, il est possible qu’une modification du contenu de l’étude d’impact soit nécessaire ([17]). L’hypothèse que seule la création serait exemptée d’enquête publique conduit à soumettre la ZAC à deux régimes différents de mise à la disposition du public de l’étude d’impact : l’un par mise à disposition par voie électronique pour la création, l’autre par enquête publique pour la réalisation.
Si la ZAC est à l’initiative d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), une délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI est nécessaire pour mettre en place la participation du public ([18]).
2. Les dispositions du projet de loi
Le I de l’article 4 du projet de loi supprime la mention de l’étape de « création » d’une ZAC des exceptions au principe d’enquête publique prévues à l’article L. 123-2 du code de l’environnement. L’objectif est de clarifier le dispositif afin qu’il couvre aussi bien les procédures de création que celles de réalisation de ZAC.
Le II de l’article 4 insère un alinéa à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, afin d’ajouter aux compétences que le maire peut exercer seul par délégation du conseil municipal l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie électronique. L’objectif poursuivi est d’alléger le processus d’évaluation environnementale.
Le rapporteur se félicite de ce que cet article permettra d’accélérer la réalisation de certains projets grâce à l’ajout, à la liste des compétences que le maire peut exercer seul par délégation du conseil municipal, de l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie électronique.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission n’a pas adopté d’amendement sur cet article.
*
* *
M. le président Roland Lescure. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de cet article.
La commission examine l’amendement CE2068 de M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme. Notre amendement vise à supprimer l’article 4. Nous considérons que l’enquête publique et la concertation restent la meilleure façon de faire accepter les projets. Nous nous opposons donc au nivellement par le bas que constitue la modification de l’article L. 132-2 du code de l’environnement.
Pourquoi renoncer à l’enquête publique au moment de la réalisation des zones d’aménagement concerté (ZAC), si ce n’est pour s’arranger avec la démocratie ? Nous considérons que la démocratie environnementale passe par de vrais débats publics. La prétendue simplification du droit environnemental engagée depuis le début de la législature par le Gouvernement, et que poursuit ce projet de loi, va à l’encontre d’une réelle prise en compte des enjeux écologiques liés à la construction et à l’urbanisme.
Par ailleurs, les consultations électroniques posent des problèmes en termes de fracture numérique et d’égalités d’accès.
Enfin, le fait de ne plus vouloir attendre une délibération du conseil municipal pour l’ouverture et l’organisation de la participation du public, mais de les confier au maire par la signature d’un simple arrêté constitue une énième entorse à la démocratie locale.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Vous êtes défavorable à l’application d’une procédure de participation du public dérogatoire au droit commun pour les ZAC, sans mise à disposition du public d’un dossier au format papier en préfecture et dans la mairie concernée, mais l’article 4 du projet de loi que vous souhaitez supprimer ne crée pas cette procédure dérogatoire. Elle existe déjà à L. 123-2 du code de l’environnement. Le projet de loi ne fait que clarifier les modalités de la mise à disposition par voie électronique de l’étude d’impact pour les projets de ZAC.
Par ailleurs, l’article 4 que vous souhaitez supprimer permet d’accélérer la réalisation des projets en ajoutant aux compétences que le maire peut exercer seul par délégation du conseil municipal l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie électronique
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis également défavorable. Cet article ne comprend que des dispositions de clarification.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE1264 de M. Bruno Millienne.
M. Bruno Millienne. Il tend à allonger de quinze jours à un mois la période d’information du public préalable à l’ouverture de sa participation électronique pour les plans, programmes et projets. Quinze jours, c’est un trop court pour que l’ensemble des parties prenantes constituent leur dossier. Je retarde le processus, certes, mais franchement un mois pour la consultation du public, ce n’est pas énorme.
M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Le délai de quinze jours semble suffisant pour informer le public.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.
M. Bruno Millienne. Je trouve un peu dommage que l’on muselle ainsi l’avis des citoyens. Ils jugeront !
M. Thierry Benoit. Ce n’est pas museler : c’est simplifier et réduire les délais. Dans la discussion générale, nous avons parlé de simplification ; les parlementaires doivent en être les acteurs au quotidien. Je soutiens totalement l’objectif de réduction des délais de l’article 4.
Cet amendement devrait être retiré parce qu’il est signé par un député qui appartient à un groupe pragmatique !
M. le président Roland Lescure. Je propose que nous laissions M. Millienne choisir pour lui-même !
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 4 sans modification.
La commission est saisie de l’amendement CE2304 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Cet amendement introduit une simplification, car lorsque deux concertations sont organisées sur le même projet, on doit pouvoir se dispenser de la seconde.
M. Thierry Benoit. Excellent !
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme permet une concertation facultative en amont pour les projets de travaux ou d’aménagement soumis à permis de construire ou à permis d’aménager. Votre amendement exempte de participation amont au titre du code de l’environnement tout projet qui entrerait dans le champ de la participation facultative au titre du code de l’urbanisme. En conséquence, si le maître d’ouvrage ne réalise pas cette concertation facultative, des projets, pourtant soumis à évaluation environnementale, ne feront l’objet d’aucune participation amont.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.
M. François Pupponi. S’il y a une consultation obligatoire, il est inutile de conserver la consultation facultative. Vous rendez les choses plus complexes.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Si je comprends bien, il peut y avoir un trou dans la raquette : dans certains cas, l’adoption de l’amendement pourrait aboutir à ce qu’aucune concertation n’ait lieu. Monsieur le député, nous allons vérifier ce qu’il en est. Bien évidemment, si ce cas ne peut pas se produire, nous vous soutiendrons et, avec M. le ministre, nous applaudirons même des quatre mains.
M. le président Roland Lescure. Monsieur Pupponi, acceptez-vous de retirer votre amendement afin qu’il soit évalué d’ici à la séance publique ?
L’amendement est retiré.
Article 5
(article L. 311-4 du code de l’urbanisme, article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985)
Simplifier les procédures s’imposant aux opérateurs d’aménagement
a. Les ZAC à maîtrise foncière partielle
La collectivité publique à l’initiative de la ZAC dispose de plusieurs possibilités pour promouvoir l’aménagement et l’équipement de la zone. Elle peut opter pour la réalisation directe, par le biais de la régie, ou bien pour une réalisation concédée, par le biais d’une concession d’aménagement. Si l’intégralité des terrains situés dans la zone n’est pas acquise par l’aménageur, on parle alors de ZAC à maîtrise foncière partielle. Cette latitude légale permet le maintien des propriétaires en place lors de la création de la zone.
Les aménageurs d’une ZAC peuvent participer au coût des équipements publics construits sur la ZAC qui répondent au besoin des futurs habitants et des futurs usagers ([19]). La répercussion du coût d’équipement de la zone sur le constructeur est organisée selon différentes modalités :
– lorsqu’un constructeur acquiert le terrain auprès de l’aménageur, le constructeur participe directement au coût d’équipement de la ZAC via le prix de vente du terrain ;
– dans les autres cas, une convention conclue entre la commune ou l’EPCI et le constructeur précise les conditions dans lesquelles celui-ci participe au coût d’équipement de la zone. La convention constitue une pièce obligatoire du dossier de permis de construire ou d’aménager ([20]).
b. La maîtrise d’ouvrage de bâtiments publics dans le cadre d’une concession d’aménagement
La loi du 12 juillet 1985 ([21]), dite « loi MOP », fixe le cadre relatif à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée. Elle repose sur le principe de la séparation juridique et fonctionnelle entre le maître d’ouvrage public qui définit et commande, le maître d’œuvre qui conçoit et dirige, et l’entreprise qui exécute.
Séparation juridique et fonctionnelle imposée par la loi « Mop »
Les contrats de conception-réalisation constituent une exception à ce principe en ce qu’ils associent un concepteur et un entrepreneur dès le stade des études. Le maître de l’ouvrage peut ainsi confier à un groupement de personnes de droit privé (ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructures, à une personne de droit privé) à la fois l’établissement des études et l’exécution des travaux.
Contrats de conception-réalisation
On distingue donc deux grandes catégories de maîtres d’ouvrage :
– ceux soumis au cadre défini par la loi MOP, pour lesquels le concours de maîtrise d’œuvre ([22]) est la procédure de principe lorsque le marché est soumis à une procédure formalisée. Le recours à une opération de conception-réalisation doit être strictement justifié : il n’est autorisé ([23]) que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ;
– ceux qui ne sont pas assujettis à la loi MOP et qui peuvent, de ce fait, opter pour la procédure formalisée de leur choix, dans le cadre défini par la réglementation. Le recours à la conception-réalisation n’est soumis à aucune restriction particulière.
Sont assujettis à la loi MOP :
– l’État et ses établissements publics ;
– les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d’aménagement de ville nouvelle, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes ;
– les organismes privés de sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations ;
– les organismes privés d’HLM, ainsi que les SEM, pour les logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés ;
– les mandataires des maîtres de l’ouvrage susvisés.
Ne sont pas assujettis à la loi MOP :
– les ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure destinés à une activité industrielle dont la conception est déterminée par le processus d’exploitation ;
– les ouvrages d’infrastructure réalisés dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté ou d’un lotissement ;
– les ouvrages de bâtiment acquis par les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte par un contrat de vente d’immeuble à construire prévu par les articles 1601-1, 1601-2 et 1601-3 du code civil.
ii. Les concessions d’aménagement
Parallèlement, l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme prévoit un régime spécifique aux concessions d’aménagement. Par cet article, les opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme peuvent être concédées à toute personne y ayant vocation, et le concessionnaire assure alors « la maîtrise d’ouvrage des travaux et équipements concourant à l’opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution » ([24]).
En l’état, la juxtaposition des règles de la loi du 12 juillet 1985 d’une part, et de l’article L. 300-5 du code de l’urbanisme d’autre part, ne permet pas de déterminer le régime applicable aux concessionnaires. Alors que les ZAC sont expressément exclues du champ de la loi du 12 juillet 1985, il n’est pas certain que les concessionnaires soient des mandataires assujettis à la loi MOP au sens de son article 3 ([25]). Aujourd’hui, les acteurs du secteur ne savent pas avec certitude dans quel régime juridique ils s’inscrivent.
2. Les dispositions du projet de loi
Aujourd’hui, dans le cas d’une ZAC à maîtrise foncière partielle, la loi n’exclut pas que la collectivité impose le versement de tout ou partie des participations du constructeur directement à l’aménageur ([26]). Néanmoins, tel n’est pas nécessairement le cas, ce qui allonge les délais et complexifie la procédure. Pour donner une plus grande sécurité juridique à cette pratique, les deux premiers alinéas prévoient expressément la possibilité d’un versement direct à l’aménageur ou à la personne publique à l’initiative de la ZAC, dans les cas où la convention entre la commune ou l’EPCI et le constructeur le prévoit.
L’alinéa 7 renvoie à une ordonnance le soin d’améliorer les dispositifs de financement des équipements publics. Cette ordonnance pourrait prévoir la possibilité de moduler la participation financière des constructeurs en fonction des caractéristiques particulières de l’opération (réalisation de logements, densification, constructions structurantes pour l’opération d’aménagement…), disposition qui était contenue dans l’avant-projet de loi.
b. Accélérer l’aménagement et l’équipement des ZAC
La législation relative à l’aménagement et l’équipement des ZAC est principalement régie par les articles L. 311-1 à L. 311-8 du code de l’urbanisme. À la suite des réformes du droit de l’environnement et notamment des ordonnances n° 2016-1058 et n° 2016-1060, certaines dispositions du code de l’urbanisme relatives au ZAC sont mal coordonnées avec celles du code de l’environnement et certaines procédures peuvent être redondantes.
Dans ces conditions, le II de l’article 5 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de douze mois pour accélérer l’aménagement et l’équipement des ZAC, pour simplifier et améliorer les procédures qui leur sont applicables et mieux articuler les dispositions relatives aux ZAC contenues dans les codes de l’environnement et de l’urbanisme en :
– adaptant la procédure actuelle prévue par le code de l’urbanisme, pour tenir compte notamment du caractère progressif et évolutif du projet d’aménagement (alinéa 4) ;
– adaptant le champ de la concertation prévue à l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet de ZAC, les habitants, les associations locales et les personnes concernées (alinéa 5) ;
– prévoyant les modalités de la participation du public correspondant aux différentes phases de l’aménagement de la ZAC (alinéa 6) ;
– améliorant les dispositifs de financement des équipements publics pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers (alinéa 7).
c. Créer une dérogation à la loi MOP pour les concessions d’aménagement
Les alinéas 8 et 9 excluent clairement du champ de la loi MOP les concessionnaires d’opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme. À noter que la collectivité pourra toujours choisir de ne pas passer par une concession d’aménagement mais de faire réaliser ses constructions en les confiant à un mandataire, pour lequel les dispositions de la loi MOP s’appliquent ([27]).
3. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté cinq amendements rédactionnels ainsi que deux amendements dont les dispositions contribueront à un aménagement du territoire soucieux d’une bonne intégration paysagère, urbaine et patrimoniale.
Le premier prévoit que les mesures que le Gouvernement établira par voie ordonnance pour accélérer l’aménagement des ZAD doivent être prises avec une ambition de qualité urbaine, architecturale et environnementale.
Le second, adopté à l’initiative de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis sur cet article, permet au pétitionnaire de mieux comprendre les objectifs spécifiques de l’évaluation environnementale à laquelle son projet est soumis. Sans revenir sur les champs de soumission des projets, plans et programmes à étude environnementale, il est demandé à l’autorité environnementale qui soumettrait un projet à évaluation environnementale après examen au cas par cas de préciser les objectifs spécifiques de cette dernière. Le bon déroulement des procédures d’évaluation environnementale est un vecteur essentiel de la capacité des opérateurs à produire plus de foncier constructible.
*
* *
M. le président Roland Lescure. Deux commissions se sont saisies pour avis sur l’article 5 : la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et celle des affaires culturelles et de l’éducation.
La commission examine l’amendement CE1105 du rapporteur.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement présenté comme rédactionnel ne l’est pas. Le projet de loi autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l’accélération de l’aménagement et de l’équipement des zones d’aménagement concerté (ZAC), pendant une durée de douze mois à compter de la publication de la loi. L’amendement prévoit de faire courir ce délai de douze mois non plus à compter de la publication de la loi, mais à compter de sa promulgation. Sachant que la promulgation de la loi intervient avant sa publication, l’amendement réduit le délai d’habilitation, et le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je maintiens l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE1106 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE79 de M. Martial Saddier, CE256 de M. Stéphane Peu, CE391 de M. Vincent Descoeur, CE1476 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2330 de M. François Pupponi, ainsi que les amendements CE872 de M. Éric Alauzet et CE2770 du rapporteur.
M. Martial Saddier. L’insertion des mots « et en recherchant le plus haut niveau de qualité urbaine, architecturale et environnementale » vise à garantir la qualité urbaine, architecturale et environnementale des zones d’aménagement concertées, en posant cette exigence comme principe régissant la création de tout projet d’aménagement.
M. Stéphane Peu. En dépit de certaines évolutions de ce projet de loi qui fait un mauvais sort aux architectes, comme aux maires, il est important de réaffirmer nos exigences en matière de qualité architecturale, urbaine et environnementale.
Mme Barbara Bessot Ballot. Mon amendement permettrait au pétitionnaire de la demande du permis d’aménager de déterminer l’équipe la plus adéquate pour mener à bien le projet, pour lequel il devra toujours certifier qu’il a fait appel aux compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental.
M. Éric Alauzet. Au vu des inquiétudes exprimées, il semble important d’affirmer l’exigence de qualité urbaine, architecturale et environnementale auquel devront se conformer les futures ordonnances.
M. Richard Lioger, rapporteur. Mes chers collègues, nous partageons la même vision et la même exigence en matière de qualité urbaine et architecturale, mais les amendements que vous soutenez semblent comporter une fragilité juridique. J’y suis donc défavorable. Je vous propose en conséquence d’adopter mon amendement CE2770, plus sûr juridiquement.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement se rallie à la position du rapporteur. Il est favorable à son amendement.
Les amendements CE1476 et CE872 sont retirés.
La commission rejette les amendements identiques CE79, CE256, CE391, et CE2330.
Puis elle adopte l’amendement CE2770.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE63 et CE64 de la commission du développement durable.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1107 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE2237 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Les bailleurs sociaux sont déjà associés à l’élaboration des programmes locaux de l’habitat (PLH). Il s’agirait de les associer également à celle des plans locaux d’urbanisme (PLU).
M. Richard Lioger, rapporteur. J’y suis défavorable. Il ne nous paraît pas nécessaire d’associer ces acteurs à l’élaboration des PLU.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme M. Pupponi l’a lui-même rappelé, les organismes HLM sont déjà associés à l’élaboration des PLH. Nous ne souhaitons pas alourdir encore les procédures d’élaboration des PLU. Point trop n’en faut.
M. François Pupponi. Voyez plutôt la longue liste des personnes et des organismes associés à la rédaction des PLU ! Ne pas demander leur avis aux bailleurs sociaux sur l’évolution d’une commune dont plus de la moitié des logements sont des logements sociaux me paraît un peu absurde. Or, pour l’heure, rien n’oblige à leur demander leur avis. On demande en revanche leur avis à des gens qui ne sont pas concernés…
M. Stéphane Peu. Je soutiens l’amendement de M. Pupponi. Très franchement, s’il est, au sein d’une commune, des acteurs de l’aménagement et de la construction, ce sont bien les bailleurs sociaux, et il serait bon de les associer à l’élaboration des PLU.
M. Martial Saddier. Pour avoir été longtemps maire d’une commune qui comptait une certaine proportion de logements locatifs sociaux, je pense qu’on demande d’abord à un bailleur social de s’occuper de ses locataires. Quand un bailleur social s’occupe correctement de ses locataires, de ses quartiers et a de bonnes relations avec le maire et le président d’intercommunalité, il y a déjà du travail de fait. L’aménagement du territoire, les projets d’aménagement, c’est autre chose. Je suis donc quelque peu en désaccord avec les signataires de l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CE257 de M. Stéphane Peu, CE320 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CE392 de M. Vincent Descoeur, CE440 de M. Thibault Bazin, CE559 de M. Arnaud Viala, CE1998 de
M. Bruno Fuchs et CE2331 de M. François Pupponi.
M. Stéphane Peu. Il s’agit de supprimer les alinéas 9 et 10 de cet article 5, qui prévoient encore une dérogation à la loi permettant à l’aménageur de réaliser des bâtiments publics – écoles, gymnases… – avec des fonds publics sans être soumis aux règles de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP ». C’est absolument aberrant et cela nous expose encore au risque d’infrastructures au rabais. Plus de permis de construire délivré par le maire, plus d’architecte, plus d’appel d’offres public… C’est open bar pour faire n’importe quoi ! Cette propension du nouveau monde à puiser son inspiration dans le pire de l’ancien monde est incroyable.
M. François Pupponi. Je profite de l’examen de mon amendement CE2331 pour poser une question au ministre et au rapporteur. Que se passe-t-il pour les équipements publics subventionnés ? Qui touche la subvention ?
M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons depuis quelque temps cette discussion sur la loi MOP. Évidemment, ne souscrivant pas au catastrophisme de leurs auteurs, nous sommes défavorables à ces amendements identiques.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Dans le cadre, très précis, de la concession d’aménagement, il est déjà possible, en vertu de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme de déroger à la loi MOP, mais les retours d’expérience nous apprennent que les aménageurs eux-mêmes s’interrogent : si jamais ils dérogent à la loi MOP, comme le code de l’urbanisme leur permet, leur assise juridique est‑elle suffisante ? L’objectif des dispositions que les auteurs de ces amendements veulent supprimer est de sécuriser cette possibilité, non d’en ouvrir une autre.
M. Stéphane Peu. Je crois me souvenir qu’il n’est pas possible de déroger à la loi MOP lorsqu’un aménageur réalise, dans le cadre d’une concession d’aménagement, un bâtiment public financé par l’argent public. Les alinéas que je vous propose de supprimer, chers collègues, visent à le permettre.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le sens de ces alinéas est vraiment, je le répète, de sécuriser ce qui est déjà possible, non d’ouvrir une nouvelle possibilité, mais nous allons regarder ce qu’il en est de la situation que vous évoquez.
M. François Pupponi. En vertu du règlement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la nature du maître d’œuvre fait partie des critères considérés pour l’attribution d’une subvention. Dans le type de situation que nous évoquons, n’y a-t-il pas un problème de ce point de vue ?
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite les amendements identiques CE446 de M. Vincent Descoeur, CE449 de M. Grégory Besson-Moreau, CE950 de M. Marc Le Fur et CE1493 de Mme Émilie Bonnivard.
M. Robin Reda. L’amendement CE446 est un amendement de repli. Instaurons un seuil : en deçà d’un coût de 50 millions d’euros hors taxes, la loi MOP s’appliquerait de plein droit aux équipements. Il s’agit de favoriser la meilleure conception de ceux-ci mais aussi l’accès des très petites entreprises (TPE) aux marchés publics, car le cadre harmonisé de la loi MOP offre une plus grande lisibilité aux entreprises qui voudraient prendre part aux aménagements des zones d’aménagement concerté (ZAC).
M. Richard Lioger, rapporteur. Le projet de loi permet une clarification bienvenue. En l’état, la juxtaposition des règles de la loi MOP, d’une part, et de l’article L. 304 du code de l’urbanisme, d’autre part, ne permet pas de déterminer le régime applicable aux concessions. Alors que les ZAC sont expressément exclues du champ de la loi MOP, il n’est pas certain que les concessionnaires soient les mandataires assujettis à la loi au sens de son article 3. Aujourd’hui, les acteurs du secteur ne savent pas avec certitude dans quel régime juridique ils s’inscrivent. Limiter la clarification apportée par le texte soumis à notre examen aux projets d’un montant supérieur ou égal à 50 millions d’euros hors taxes laisserait le maître d’ouvrage dans l’incertitude pour tous les projets d’un montant inférieur.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable à ces amendements. Il est au moins un cas où l’adoption de ces amendements identiques entraînerait un recul par rapport au droit en vigueur : celui des ZAC. Aujourd’hui, la loi MOP ne s’applique pas aux concessions d’aménagement au sein de ZAC. Ces amendements identiques entraîneraient son application.
Par ailleurs, l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, que j’ai sous les yeux, n’est effectivement pas clair. Il s’agit donc de sécuriser toutes celles et ceux qui, dans le cadre d’une concession d’aménagement, ont déjà le droit de déroger à la loi MOP en vertu du code de l’urbanisme, qu’ils puissent le faire dans un cadre juridique clarifié. Il ne s’agit pas de donner un nouveau droit.
Je m’oppose donc à ces amendements, qui réduisent un droit déjà existant, mais nous allons travailler d’ici à l’examen du texte en séance publique pour nous assurer de la qualité de cette sécurisation juridique.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Par ailleurs, lorsqu’on instaure un seuil, de nombreux intervenants, intelligents, trouvent les solutions qui leur permettent de rester en dessous ou au-dessus de celui-ci.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE65 de la commission du développement durable et CE1921 de M. Alain Perea.
Mme Sandra Marsaud, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE65 est issu d’un amendement proposé par M. Perea, qu’a sous‑amendé la commission du développement durable.
Il s’agit de dynamiser le dialogue lors des procédures d’évaluation environnementale et de renforcer la logique d’accompagnement des porteurs de projet par l’autorité environnementale. L’autorité qui soumettrait un projet, plan ou programme à évaluation environnementale après examen au cas par cas devrait préciser les objectifs spécifiques de cette évaluation. Cette mesure permettrait aux porteurs de projet de mieux anticiper leurs obligations légales et à l’administration de mieux respecter son obligation de respecter le principe de proportionnalité.
M. Alain Perea. À mon sens, sous-amendé par la commission du développement durable, l’amendement que j’ai présenté a été vidé de sa substance et a perdu tout intérêt. Les études demandées par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ne sont pas souvent proportionnées aux enjeux. Il s’agirait donc de donner au porteur de projet, qu’il soit public ou privé, les éléments lui permettant d’apprécier les implications, en termes de coûts, de délais et d’objectifs, de ce qui lui est demandé.
M. Richard Lioger, rapporteur. Nous sommes favorables à l’amendement CE65, qui n’alourdit pas les procédures et permettra au pétitionnaire de mieux comprendre les objectifs spécifiques de l’évaluation environnementale à laquelle son projet est soumis. Nous demandons en revanche le retrait de l’amendement CE1921, dont la rédaction est plus confuse, mais nous retravaillerons sur la question.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon sentiment est que l’amendement CE65 alourdit les procédures et va au-delà des obligations auxquelles la directive européenne soumet les autorités environnementales, puisque devraient être indiqués chaque fois les objectifs poursuivis. On indique déjà le sens de l’évaluation. Alors, n’alourdirait-on pas les procédures en imposant ainsi de décliner des objectifs au cas par cas ?
L’amendement défendu par M. Perea me semble pour sa part satisfait. Il ne fait que rappeler ce que la loi impose déjà.
Je demande donc le retrait des deux amendements.
M. Alain Perea. J’ai dû mal m’exprimer. La DREAL peut demander des études sans en fixer les objectifs, sans en dire la durée ou le coût. Par l’amendement CE1921, nous demandons simplement que la DREAL précise ces éléments. Par exemple, elle pourrait dire qu’une étude va durer un an et demi, parce qu’il faut étudier le cycle complet de reproduction de tel animal, et qu’elle coûtera 50 000 ou 60 000 euros. Il s’agit non pas d’alourdir la procédure mais d’obliger la DREAL à la précision. Ces éléments ne sont jamais donnés et les décisions des DREAL sont vécues, dans les territoires, comme le fait du prince.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Peut-être n’ai-je pas compris. Si l’objectif est que la DREAL indique plus précisément au porteur du projet ce qu’il doit faire, effectivement, cela pourra permettre d’aller plus vite. Je propose, monsieur le député, que nous y retravaillions d’ici à la séance.
M. Alain Perea. Dans ce cas, je retire mon amendement.
Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Vous avez bien résumé notre objectif, monsieur le secrétaire d’État. Il s’agit de faire en sorte de mieux accompagner les porteurs de projet – les DREAL ont une responsabilité à cet égard. Cependant, nous avons sous-amendé la proposition de M. Perea pour que cela prenne une forme appropriée compte tenu des missions et des compétences d’une administration, qui ne peut pas forcément chiffrer ni estimer les délais des études demandées. Je n’en ai pas moins constaté sur le terrain, en travaillant dans un bureau d’études, un accompagnement trop souvent insuffisant des porteurs.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage totalement les préoccupations que vous venez d’énoncer. Le rôle de l’État, aujourd’hui, n’est pas d’exiger, il est d’accompagner, de faciliter. Si cela permet une plus rapide réalisation des projets, il faut le faire, même si cela peut donner plus de travail à l’administration. Nous nous engageons très fermement à retravailler à ces questions.
Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Il ne m’est cependant pas possible, monsieur le secrétaire d’État, de retirer un amendement que je défends au nom de la commission du développement durable.
L’amendement CE1921 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE65.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 5 bis (nouveau)
(article L. 212‑2 du code de l’urbanisme)
Renouvellement du droit de préemption
applicable en zone d’aménagement différé (ZAD)
La commission a adopté un amendement, à l’initiative du rapporteur, précisant les modalités de renouvellement du droit de préemption applicable en zone d’aménagement différé (ZAD) à l’achèvement du délai de validité initial, fixé par le code de l’urbanisme à six ans à compter de la publication de l’acte de création de la zone.
S’agissant des ZAD créées par l’État, le renouvellement du droit de préemption s’opérera par décret en Conseil d’État, en cas d’avis défavorable d’une commune ou de l’EPCI concerné, ou par arrêté préfectoral en l’absence d’opposition de ces collectivités. S’agissant des ZAD créées à l’initiative d’un EPCI, le droit de préemption sera renouvelé par arrêté préfectoral en cas d’avis défavorable d’une des communes. À l’inverse, une délibération de l’organe délibérant de l’EPCI suffira dès lors qu’aucune des communes ne s’opposera au renouvellement.
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La commission examine l’amendement CE2290 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Il s’agit de la constructibilité sous plan d’exposition au bruit (PEB). Une loi précédente avait permis des dérogations, dans le cas d’opérations de rénovation urbaine, à la non-constructibilité sous PEB. Las, certaines communes de l’Est du Val-d’Oise, en particulier autour de Roissy, restent exclues.
Nous en arrivons donc à l’absurdité suivante : les communes dans un projet ANRU doivent détruire du logement social, et la loi leur interdit d’en reconstruire. Donc, à la place, on construit du logement intermédiaire, mais on nous dit aussi qu’il faut reconstruire le logement social. Et, dans les intercommunalités concernées, les communes sous PEB n’ont pas le droit de construire du logement. On ne peut donc pas respecter les règles. La solution est donc de détruire du logement social dans les communes où il y en a beaucoup, de le remplacer par du logement intermédiaire, et de construire dans les communes carencées de la même intercommunalité du logement social, mais les règles du PEB l’interdisent.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, très large. Susceptible d’entraîner un accroissement significatif de la population soumise aux nuisances sonores dans ce secteur, il ne définit pas de mesures de suivi des opérations de réhabilitation et ne prévoit pas de mesures permettant de limiter l’impact des nuisances sonores.
Les conditions prévues par le droit en vigueur semblent suffisantes.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que le rapporteur. Cet amendement, en réalité, vise à assouplir les possibilités de construction en zone C du plan d’exposition au bruit des aérodromes. Il permet l’augmentation de la population en zone C, sans limites ni encadrement particulier. Le gouvernement s’est toujours opposé à ce type de mesure.
M. François Pupponi. Je suis désolé de vous contredire, monsieur le ministre, mais la loi permet précisément de déroger à cette règle, avec l’autorisation du préfet. Les notes rédigées par vos collaborateurs ne correspondent pas à la réalité juridique. Aujourd’hui, c’est le préfet qui peut autoriser la construction sous PEB dans le cadre des contrats de développement territorial (CDT) du Grand Paris. C’est la loi qui le précise. Tout est donc parfaitement encadré, contrairement à ce que vous dites. On ne peut pas construire dans ces communes si le préfet refuse. Quel encadrement supplémentaire voulez‑vous donc ?
En revanche, au sein d’une même intercommunalité, une commune peut être concernée et pas l’autre. Il n’est donc pas possible de reconstituer le logement social en respectant la règle du « un pour un ». Élargissez donc les possibilités qu’ont les préfets de déroger, au sein d’une même intercommunalité. L’encadrement est complet : aux termes du droit en vigueur, le maire n’a déjà pas le droit de délivrer un permis de construire sans l’accord du préfet. Si un encadrement par le préfet est insuffisant, je n’y comprends plus rien !
M. Richard Lioger, rapporteur. Insuffisamment compétent en la matière, je voudrais retravailler sur ce sujet avec M. Pupponi.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne vous comprends pas tout à fait, monsieur Pupponi. L’article L. 112-10 du code de l’urbanisme dispose notamment que : « La rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, l’extension mesurée ou la reconstruction des constructions existantes peuvent être admises lorsqu’elles n’entraînent pas un accroissement de la capacité d’accueil d’habitants exposés aux nuisances. » Il est donc possible de faire de la destruction-reconstruction.
M. François Pupponi. Ce n’est pas cet article qu’il fallait lire. L’article L. 112-10, si vous regardez bien, renvoie à la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », qui dispose en son article 166 que : « Les contrats de développement territorial, prévus par la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, peuvent, pour répondre aux enjeux spécifiques de renouvellement urbain qu’ils identifient et dans un but de mixité sociale et d’amélioration de la qualité de vie des populations, prévoir des opérations de réhabilitation ou de réaménagement urbain en zone C des plans d’exposition au bruit. Par dérogation […], ces opérations peuvent entraîner une augmentation de la population soumise aux nuisances sonores, sans toutefois qu’il puisse s’agir d’une augmentation significative. » C’est le préfet qui encadre. L’article L. 112-10 a donc été modifié par un amendement adopté en 2016, qui élargit cette possibilité.
Si l’on applique le texte du Gouvernement, une commune peut détruire du logement social, mais pas en reconstruire, car on veut de la mixité, mais on veut une reconstruction du logement social « un pour un ». Donc il faut en reconstruire ailleurs… où c’est impossible ! On tourne en rond. C’est pour cela que nous avons modifié la loi en 2016 : pour que le préfet puisse dans certains cas autoriser d’augmenter la population sous plan d’exposition au bruit.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous allons retravailler cela, monsieur Pupponi. Vous avez beaucoup légiféré au cours des dernières années, ce qui nous amène d’ailleurs à revoir un certain nombre de choses. Pour ma part, j’ai l’habitude d’être précis, nous allons donc vérifier.
M. Richard Lioger, rapporteur. Nous vous proposons donc, cher collègue Pupponi, de retirer votre amendement, et nous y retravaillerons.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CE2766 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. En vertu de cet amendement, s’agissant des zones d’aménagement différé (ZAD) créées par l’État, le renouvellement du droit de préemption s’opérera par décret en Conseil d’État en cas d’avis défavorable d’une commune ou de l’EPCI concerné et par arrêté préfectoral en l’absence d’opposition de ces collectivités.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement y est favorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 ter (nouveau)
(article L. 300‑3 du code de l’urbanisme)
Précisions relatives au mandat d’aménagement
La commission a adopté un amendement, à l’initiative du rapporteur, précisant les modalités contractuelles relatives au mandat d’aménagement. Ce mandat permet à un maître d’ouvrage public de faire réaliser des études, des travaux ou des actions foncières ou immobilières par un mandataire désigné dans le cadre des textes régissant la passation de marchés publics. C’est une alternative à la concession d’aménagement définie à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme que la collectivité peut mobiliser. Les termes actuels de l’article L.300-3 du code de l’urbanisme peuvent laisser penser que seule l’une des trois missions décrites au I de l’article peut être confiée par le même contrat d’aménagement (réalisation d’études, réalisation de travaux et construction d’ouvrages ou bâtiments, achat et revente de biens fonciers ou immobiliers). Pourtant, le mandant de tels contrats peut souhaiter confier un rôle d’ensemblier à son mandataire.
L’amendement adopté par la commission a donc pour objet de permettre de confier une ou plusieurs des trois missions prévues par le I de l’article L. 300‑3, par un même contrat, selon les choix du mandant.
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La commission se saisit de l’amendement CE2765 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Les termes actuels de l’article L. 300-3 du code de l’urbanisme peuvent laisser penser que seule l’une des trois missions décrites au I de l’article – réalisation d’études, réalisation de travaux et construction d’ouvrages ou bâtiments, achat et revente de biens fonciers ou immobiliers – peut être confiée par le même contrat. Pourtant, le mandant de tels contrats peut souhaiter confier un rôle d’ensemblier à son mandataire, en lui confiant dans un même contrat, par exemple, un mandat d’études mais aussi de travaux ou d’acquisition.
Le présent amendement a pour objet de permettre de confier une ou plusieurs des trois missions prévues par le I de l’article L 300-3, par un même contrat, selon les choix du mandant.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 quater (nouveau)
(article L. 321-39 du code de l’urbanisme)
Comité consultatif de l’établissement public d’aménagement (EPA)
de Paris Saclay
La commission a adopté un amendement du rapporteur confortant la mission d’appui opérationnel du comité consultatif de l’établissement public d’aménagement (EPA) Paris-Saclay auprès de l’organe central que constitue le conseil d’administration Ce comité consultatif a été instauré dès la création de l’établissement en 2010. L’article L. 321-39 du code de l’urbanisme encadre aujourd’hui très strictement sa composition et définit les sujets dont le conseil d’administration peut le saisir.
L’amendement adopté redéfinit les sujets dont le comité consultatif peut être saisi afin de ne pas interférer avec les deux commissions en place à l’EPA Paris-Saclay (une commission chargée du développement économique et une commission chargée d’urbanisme et environnement). L’amendement permet également de laisser au décret le soin de prévoir la composition du comité consultatif, tout en s’assurant que des personnalités qualifiées dans les domaines de l’environnement, des activités agricoles, de l’urbanisme et de la culture, ainsi qu’un député et un sénateur, y siégeront.
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La commission se saisit de l’amendement CE2763 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de l’établissement public d’aménagement (EPA) de Paris Saclay.
Cet amendement a pour objet de conforter la mission d’appui opérationnel du comité consultatif auprès de l’organe central que constitue le conseil d’administration. Il redéfinit les sujets dont ce comité peut être saisi afin de ne pas interférer avec les deux commissions en place à l’EPA. Il permet également de laisser au décret le soin de prévoir la composition du comité consultatif.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE23 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Nous proposons modifier le code de l’urbanisme afin d’alléger les conditions exigées, en instaurant un taux majoré de la taxe d’aménagement dans les communes de montagne ou les communes à faible densité démographique, c’est-à-dire celles éligibles aux aides pour l’électrification rurale. Cette majoration de la taxe d’aménagement interviendrait sur le simple constat que les travaux ou les équipements sont nécessaires. Il ne serait donc plus fait référence, dans ce cas, au caractère substantiel des travaux.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement nous semble un cavalier législatif. Une telle mesure doit être discutée en loi de finances.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
M. Martial Saddier. Tout d’abord, cet amendement n’a pas été jugé irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution.
Et puis, chers collègues, quand on parle de zones de montagne, il s’agit de 25 % du territoire national ! M. le ministre connaît cette réalité aussi bien que moi, sinon mieux. Sur ce quart du territoire national, les coûts d’aménagement sont tels que la construction n’est aujourd’hui plus possible. En ce qui concerne le très haut débit, la téléphonie mobile et un certain nombre d’énergies propres, notamment le gaz naturel, ces territoires sont déjà abandonnées. S’il n’est pas aujourd’hui permis de majorer cette taxe, comme le propose M. Brun, cela signifie tout simplement l’absence totale de construction et l’abandon de ces territoires. C’est là un problème qui transcende les clivages politiques.
Très sincèrement, monsieur le ministre, qui connaissez bien le sujet, il faut que nous essayions de trouver une solution d’ici à la séance publique.
M. Fabrice Brun. Cet amendement n’est pas un cavalier. Les services de l’Assemblée, très rigoureux, ne l’ont pas jugé irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. Par ailleurs, une disposition identique a été examinée au Sénat dans le cadre d’une proposition de loi qui vise à relancer la construction en zone rurale, et ce sans être qualifiée de cavalier.
Je me permets donc d’insister, à l’instar de mon collègue Saddier, pour que nous puissions débattre de cette question, très importante pour les communes de montagne.
M. François Pupponi. Je soutiens cet amendement. Dans le cadre de ce projet de loi, nous essayons de créer de nouvelles procédures pour permettre aux collectivités locales de faire des zones d’aménagement, mais, dans les zones de montagne, en raison de surcoûts spécifiques, il ne leur sera pas possible d’en tirer parti sans recettes supplémentaires. Et M. Brun ne propose pas une dépense supplémentaire, il propose une recette, qui permette aux communes concernées de profiter de ces nouvelles procédures.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes prêts à examiner cette question.
M. Fabrice Brun. Si vous vous y engagez, monsieur le ministre, nous savons que vous tenez parole, et je retire cet amendement. Il faut vraiment, cependant, y travailler d’ici à la séance publique. C’est une question majeure pour les zones de montagne.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CE24 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Cet amendement vise pour l’essentiel à assurer les coordinations nécessaires à la bonne application des dispositions qui sont l’objet de l’amendement CE22, que nous examinerons plus tard, et rétablit la participation pour voirie et réseaux, toujours au profit de nos communes en zone de montagne ou à faible densité démographique
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Rappelons que le taux de la taxe d’aménagement peut éventuellement être majoré, ce qui permet de pallier l’abrogation de la participation pour voirie et réseaux.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 quinquies (nouveau)
(article L. 332‑11‑3 du code de l’urbanisme)
Convention de projet urbain partenarial (PUP)
La commission a adopté un amendement du rapporteur pour faciliter la mise en œuvre des projets urbains partenariaux (PUP). Ces projets consistent en une participation contractuelle des propriétaires fonciers, des aménageurs ou des constructeurs au financement des équipements publics rendus nécessaires pour satisfaire aux besoins générés par l’opération d’aménagement ou de construction.
La convention de PUP est conclue par le propriétaire, par l’aménageur ou par le constructeur avec la commune ou l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme (ou le préfet dans le périmètre d’une OIN). Or, la commune ou l’intercommunalité signataire de la convention de PUP n’est pas toujours maître d’ouvrage des équipements publics à réaliser. L’amendement adopté par la commission a donc pour objet de confirmer que dans ce cas, la convention de PUP peut prévoir un versement direct de la contribution financière à la personne publique assurant la maîtrise d’ouvrage des équipements publics.
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La commission se saisit ensuite de l’amendement CE2764 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. La convention de projet urbain partenarial (PUP) est conclue par le propriétaire, par l’aménageur ou par le constructeur avec la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d’urbanisme – ou le préfet dans le périmètre d’une opération d’intérêt national (OIN). Or la commune ou l’intercommunalité signataire de la convention de PUP n’est pas toujours maître d’ouvrage des équipements publics à réaliser.
Cet amendement a pour objet de confirmer que, dans ce cas, la convention peut prévoir un versement direct de la contribution financière à la personne publique assurant la maîtrise d’ouvrage des équipements publics.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. Stéphane Peu. J’y suis, pour ma part, plus que favorable. Au quotidien, quand une ville construit une école primaire et que c’est sur une opération d’aménagement d’un EPCI, faire passer le PUP de l’EPCI à la commune, c’est un casse-tête.
M. Martial Saddier. Je suis également très favorable à cet amendement. Depuis que je suis député, j’ai toujours voté tous les dispositifs urbains. Je le dis en référence aux amendements précédents. Les députés de montagne ont systématiquement accompagné et voté tous les dispositifs urbains, parce que nous considérons notamment que les densités urbaines nécessitent des outils spécifiques. Comprenez donc, chers collègues élus de zones urbaines, que la montagne a aussi besoin de dispositifs spécifiques.
La commission adopte l’amendement.
Article 5 sexies (nouveau)
(article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017)
Conditions et modalités de la substitution de la société de livraison
des ouvrages olympiques (SOLIDEO) au maître d’ouvrage défaillant
La commission a adopté un amendement du Gouvernement qui apporte des précisions sur les conditions et les modalités de la substitution de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) au maître d’ouvrage défaillant, prévue à l’article 53 de la loi n° 2017‑257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, en vue d’assurer l’effectivité de cette procédure et de garantir ainsi le respect des délais et des coûts de réalisation des ouvrages des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
L’amendement adopté définit la défaillance comme la méconnaissance du calendrier de livraison ou de réalisation des ouvrages, le dépassement des budgets prévisionnels ou tout autre élément conduisant à un retard ou à l’interruption de la conception, de la réalisation ou de la construction de tout ou partie des ouvrages ou aménagements nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques.
La convention conclue entre la société et les maîtres d’ouvrage et maîtres d’ouvrage délégués précisera les conditions de la défaillance propre à chaque maîtrise d’ouvrage.
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La commission examine ensuite l’amendement CE2658 du Gouvernement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques vise à préciser un dispositif prévu par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Il précise les conditions et modalités de substitution de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO), en charge de la réalisation des ouvrages, au maître d’ouvrage.
Aujourd’hui, la SOLIDEO traite avec près d’une trentaine de maîtres d’ouvrage différents, chacun étant en charge de la réalisation des ouvrages et la responsabilité finale incombant à la SOLIDEO. La loi du 28 février 2017 dispose que, lorsqu’un maître d’ouvrage est défaillant, c’est-à-dire lorsqu’il ne réalise pas dans un temps donné les ouvrages nécessaires aux jeux, la SOLIDEO a la possibilité de se substituer à ce maître d’ouvrage. Las ! Cette loi ne précise nullement ce que nous devons entendre par « maître d’ouvrage défaillant » ou « défaillance ».
Par cet amendement, le Gouvernement souhaite donc préciser les modalités de cette substitution de la SOLIDEO aux maîtres d’ouvrage, en indiquant par exemple que la défaillance peut être une méconnaissance du calendrier de réalisation, un dépassement de budget ou encore le non-respect du programme.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement.
M. Stéphane Peu. J’y suis, une nouvelle fois, très favorable également : député de la circonscription où les deux tiers des investissements de la SOLIDEO seront réalisés, je me devais de le dire !
M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, vous parliez tout à l’heure de cavalier législatif… Qu’en est-il de celui-ci ? Et puis l’introduction d’une telle disposition, ainsi, au milieu du projet de loi ELAN, si elle peut rassurer – nous sommes tous favorables aux jeux –, nous inquiète aussi. Qu’en sera-t-il du respect des délais et des coûts ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le député, il n’y a aucun lien avec un quelconque surcoût. En revanche, je comprends tout à fait que vous réagissiez à l’introduction de telles précisions quelques semaines après que nous avons longuement débattu de la loi relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
La commission adopte l’amendement.
Chapitre II
Favoriser la libération du foncier
Article 6 A (nouveau)
(article L. 101-2 du code de l’urbanisme)
Promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap
La commission a adopté un amendement qui inclut dans les objectifs de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales.
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La commission se saisit de l’amendement CE2073 de M. François Ruffin.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui nécessiterait de modifier également le code civil et qui crée une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE318 de Mme Laurence Trastour-Isnart, qui fait l’objet du sous-amendement CE2779 du rapporteur, CE431 de M. Thibault Bazin, CE1389 de M. Stéphane Peu et CE2022 de M. Bruno Fuchs.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable aux amendements, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement qui introduit la notion de « société inclusive » dans les objectifs que l’action des collectivités publiques.
M. Thibault Bazin. Les personnes handicapées sont très inquiètes de ce projet de loi ; la question est celle de la transposition dans le droit des termes de la Convention de New York relative aux droits des personnes handicapées.
Je ne suis pas certain que la notion de « société inclusive » soit claire pour tout le monde, car elle peut tout vouloir dire, elle fait rêver, mais je crains qu’elle ne soit pas concrètement opposable.
M. Stéphane Peu. Lorsque la France a signé la Convention de New York, elle s’est engagée à en transposer les termes dans son droit interne. Ces amendements n’ont donc d’autre objet que d’honorer la signature de notre pays et de garantir la promotion du principe de conception universelle afin d’être en mesure de proposer des logements adaptés au handicap.
Or les associations représentatives des intéressés expriment de grandes inquiétudes à l’égard de ce projet de loi.
M. Bruno Fuchs. Cet amendement rappelle un des grands principes universels. Il ne coûte rien, il ne ralentit rien, et il nous grandit collectivement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes parfaitement d’accord avec tout ce qui vient d’être dit. J’émettrai donc un avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement CE2779 du rapporteur qui comporte la notion de « société inclusive », plus large que celle d’accessibilité, car le handicap ne pose pas la seule question de la mobilité, mais celle de l’inclusion de façon générale.
La commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte les amendements sous-amendés.
Article 6
(articles L. 3211-6 et L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques)
Accélérer la libération du foncier public
La libération du foncier constitue un des leviers essentiels – ou un des verrous majeurs – pour répondre aux objectifs de construction, notamment de logements.
a. Les cessions du foncier public
Le principe en matière de cession des biens appartenant au domaine privé de l’État est celui de la mise en concurrence. Lorsque l’opération de cession projetée doit être effectuée avec mise en concurrence, l’État est libre de choisir entre la procédure d’adjudication publique ou la procédure de cession amiable ([28]) avec mise en concurrence. Cette dernière procédure est plus souple que l’adjudication dans la mesure où elle laisse à l’État la possibilité de négocier s’il le souhaite. Par dérogation, l’article R.3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques établit une liste stricte d’hypothèses dans lesquelles la cession amiable d’un immeuble relevant du domaine privé de l’État peut s’opérer sans appel à la concurrence.
b. La procédure de décote dite « Duflot »
Le dispositif de décote dite « Duflot » prévue à l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques permet à l’État de procéder à l’aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social. Les ventes avec décote ont concerné 69 opérations entre janvier 2013 et décembre 2016 et ont permis la mise en chantier d’environ 6 700 logements dont 4 600 logements sociaux ([29]).
Deux conditions doivent être réunies ([30]) :
– 75 % au minimum de la surface de plancher doivent être affectés au logement ;
– le programme doit comporter des logements locatifs sociaux (conventionnés à l’APL) et assimilés, et des logements en accession à la propriété. La décote ne portera que sur ces logements et sera répercutée exclusivement et totalement sur leur prix de revient ou de cession. Le montant de la décote se calcule en fonction des catégories de logements à réaliser, de la zone de localisation du terrain et des circonstances locales.
La décote est de droit lorsque la cession porte sur un terrain de l’État ou d’un établissement public qui, d’une part, figure sur la liste établie par le préfet de région, et qui, d’autre part, est cédé au profit d’une collectivité territoriale, d’un EPCI à fiscalité propre ou d’autres organismes chargés du logement social. Sinon, elle doit être autorisée par le préfet de département.
L’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit un délai de cinq ans pour réaliser le programme de logements. Il existe une possibilité de dérogation au délai de cinq ans pour les cessions de terrains s’inscrivant dans une opération d’aménagement de plus de cinq hectares. Pour ces opérations, après accord des ministres chargés du logement et du domaine, l’opération peut être réalisée par tranches échelonnées sur une durée totale supérieure à cinq ans.
2. Les dispositions du projet de loi
a. La cession de terrains en bloc par l’État
Les deux premiers alinéas permettent une cession à l’amiable d’immeubles bâtis et non bâtis du domaine privé de l’État, dans le cadre des PPA, au profit de la collectivité ou de l’établissement public cocontractant à l’initiative de l’opération, ou, le cas échéant, directement au profit de l’opérateur désigné dans le contrat.
b. L’élargissement de la procédure de décote
L’alinéa 5 prévoit que la procédure de décote s’applique à des terrains destinés à la réalisation de programmes comportant « majoritairement », et non plus « essentiellement », des logements. L’idée principale est de renforcer la mixité fonctionnelle tout en respectant l’objectif de construction de logements. L’article R.3211-14 du code général de la propriété des personnes publiques pourra ainsi être modifié pour baisser de 75 % à 50 % le seuil de surface de plancher consacrée au logement à partir duquel la procédure de décote est applicable.
Le Conseil d’État estime que cette disposition ne modifie pas l’appréciation sur la constitutionnalité de ce dispositif, au regard des conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel en cas de cession de propriétés d’une personne publique à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé à un prix inférieur à leur valeur ([31]). Les règles de calcul de la décote ne sont pas modifiées : celle-ci ne bénéficie toujours qu’à la partie du programme destinée à des logements sociaux.
L’alinéa 7 permet à toutes les opérations d’aménagement, et non plus seulement à celles qui portent sur un périmètre de plus de cinq hectares, de déroger au délai de cinq ans pour la réalisation des logements.
La dérogation reste subordonnée à l’appartenance du projet à une opération d’aménagement définie à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et à l’accord des ministres chargés du logement et du domaine. Afin d’empêcher les retards dans la construction de logements, la réalisation de la première tranche de l’opération devra être réalisée dans un délai maximum de cinq ans.
iii. Élargissement du dispositif de décote aux logements ayant fait l’objet d’un bail réel solidaire
Le bail réel solidaire (BRS) ([32]) est destiné à favoriser l’offre de logements abordables en faveur des personnes modestes. Il permet une diminution de leur coût en dissociant la propriété du foncier de celle du bâti : le foncier reste la propriété du bailleur, un organisme de foncier solidaire sans but lucratif. En cas d’accession à la propriété, le ménage modeste est propriétaire de son logement (sous forme de droits réels immobiliers) mais locataire du terrain (il verse une redevance au bailleur).
L’alinéa 9 assimile le bail réel solidaire aux logements locatifs mentionnés aux 3° et 5° de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation. Cela permet donc d’intégrer les logements faisant l’objet d’un contrat de bail réel solidaire à la liste des logements pouvant bénéficier de la décote. L’alinéa 6 plafonne le taux de décote à 50 % pour les logements en bail réel solidaire.
Pour le rapporteur, il est indispensable d’accélérer la libération de foncier public. Le projet de loi va dans ce sens en permettant, dans le cadre du PPA, la cession par l’État de terrains en bloc à un EPCI ou à l’opérateur désigné par le contrat. Il est essentiel que cette mesure trouve des applications directes très prochainement sur le terrain. Le rapporteur est également favorable à l’élargissement du dispositif de la décote tel que le propose le projet de loi. Cet élargissement permettra de renforcer la mixité fonctionnelle des projets bénéficiant de la décote Duflot tout en respectant l’objectif de construction de logements, notamment de logements sociaux. D’ailleurs, les règles de calcul de la décote ne sont pas modifiées : celle-ci ne bénéficie toujours qu’à la partie du programme destinée à des logements sociaux.
Le rapporteur est néanmoins conscient des difficultés que peut poser le dispositif de décote. Dans son référé en date du 26 octobre 2017, la Cour des comptes a souligné que dans certains territoires où le coût du foncier est particulièrement élevé, le montant de la décote accordé à certains projets avait eu pour effet de faire supporter à celle-ci l’essentiel de l’effort financier de l’opération. Si le rapporteur n’est pas favorable à un plafonnement du montant de la décote qui pourrait bloquer le montage de certains projets d’aménagement, il juge indispensable de renforcer le contrôle du bilan financier des opérations de décote. Il est nécessaire de mettre davantage en œuvre les clauses de « retour à meilleure fortune » ou de « complément de prix », qui sont d’ores et déjà prévues par la loi, afin de vérifier que la décote sert bien à garantir l’équilibre de l’opération, et non à accroître les fonds propres de l’acquéreur.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté deux amendements rédactionnels.
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La commission étudie l’amendement CE2004 de M. Bruno Fuchs.
M. Bruno Fuchs. Cet amendement concerne le cas de cession à l’amiable de son foncier par l’État ainsi que la simplification du dispositif dit de cession avec décote. Il s’agit d’imposer le respect des règles de conception universelle et d’accessibilité et d’en faire une des conditions du recours à ces dispositifs, ne serait-ce que parce que ces biens immobiliers appartiennent au domaine public. En d’autres termes, il ne saurait y avoir de cession à l’amiable avec décote si l’acquéreur ne prévoit pas dans ses projets les moyens de rendre l’espace urbain accessible. On pourrait même proposer un dispositif incitatif majorant la décote lorsque le programme prévoit la construction de logements accessibles.
M. Richard Lioger, rapporteur. J’entends votre préoccupation, mais il y a un mélange des genres. Il est indispensable d’accélérer la libération de foncier public, mais on ne peut lier cet impératif à des questions certes importantes, mais accessoires au regard de cet objectif. Je suis donc défavorable à l’amendement.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Cet amendement entremêle les dispositifs de cession du domaine foncier public et les exigences d’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées, qui relèvent du code de la construction et de l’habitation, dont les dispositions sont applicables à toutes les constructions.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1108 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CE432 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Il s’agit de lier à l’accessibilité les cessions de foncier public avec décote.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1109 du rapporteur.
Elle examine ensuite des amendements identiques CE259 de M. Stéphane Peu et CE2069 de M. François Ruffin.
M. Stéphane Peu. L’article 6 tend à réduire le coup de pouce donné à la production de logements sociaux dans les opérations de cession de foncier public. Nous proposons en conséquence, et compte tenu des besoins en matière de production de logements, sociaux ou non, de réserver le bénéfice de la décote aux programmes comportant « essentiellement » des logements.
Il s’agit de rester dans l’esprit de la loi telle qu’elle avait été conçue, qui consistait à pratiquer la décote et libérer du terrain public essentiellement pour la production de logements. Le but était avant tout de répondre à la crise du logement.
M. Loïc Prud’homme. Nous proposons que l’obligation de réserver 75 % de la surface pour construire des logements perdure et ne soit pas réduite à 50 %. Cela implique de ne pas remplacer le mot « essentiellement » par le mot « majoritairement ». Étant donné la forte demande de logements à prix abordable, il nous paraît contradictoire de privatiser du foncier public tout en réduisant les obligations de construction de logements.
De plus, comme l’explique la Fondation Abbé Pierre, la vocation de ce dispositif est de favoriser l’offre de logements abordables et de garantir, en contrepartie de l’avantage accordé, une proportion de logements sociaux.
Le foncier public est précieux pour atteindre cet objectif et ne devrait pas servir à faciliter l’installation d’activités commerciales, ce que cet alinéa risque de provoquer. La perspective que soit ramenée de 75 % à 50 % la surface affectée au logement aura comme conséquence probable de baisser la production de logements sociaux dans une période où les organismes sont déjà mis en difficulté, alors que la demande reste forte et la réponse proportionnellement faible.
M. Richard Lioger, rapporteur. L’idée principale de l’alinéa 5 que vous souhaitez supprimer est de renforcer la mixité fonctionnelle, c’est-à-dire de construire du logement, mais aussi de créer des effets de levier sur de grandes opérations concernant du commerce ou d’autres choses.
Les règles de calcul de la décote elle-même par rapport au logement social ne sont pas modifiées : la décote ne bénéficie toujours qu’à la partie de programme destinée à des logements sociaux. Par ailleurs, elle peut bénéficier à des opérations commerciales ou de logement libre, qui permettront de réaliser des opérations de mixité sociale.
Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour une raison supplémentaire.
Le mécanisme de décote comporte un élément déclencheur qui permet ensuite à la décote de s’appliquer. Cet élément déclencheur est qu’il doit y avoir 75 % de logements dans l’opération concernée. Ensuite, la décote ne s’applique qu’au logement avec un pourcentage, qui d’ailleurs ne concerne que les logements sociaux, mais varie en fonction des aides concernées : prêt locatif aidé très social (PLA-TS), prêt locatif intermédiaire (PLI) et prêt locatif à usage social (PLUS).
Si nous proposons de remplacer « essentiellement » par « majoritairement » afin de faciliter l’élément déclencheur, c’est pour avoir constaté que cette décote fonctionnait mal et qu’il n’y avait pas suffisamment de projets. Mais la décote demeure intrinsèquement liée aux logements sociaux, à l’intérieur de l’opération pouvant en bénéficier.
M. Stéphane Peu. La libération du foncier public est lente, car on lui impose une série de règles qui ne sont pas toutes corrélées à la réalité.
Ainsi, un terrain militaire est à cheval entre Saint-Denis et La Courneuve, juste entre le quartier des Francs-Moisins et la Cité des 4 000, qui sont deux quartiers emblématiques de la politique de la ville. Afin de respecter la mixité sociale, on ne fait pas majoritairement des logements sociaux sur ce terrain, mais du logement diversifié. Et l’expérience a montré que pour favoriser l’accession sociale à la propriété, le coût du foncier doit se situer entre 100 et 140 euros le mètre habitable, ce qui est très éloigné des valeurs constatées.
Si nous voulons favoriser la création de logements et la mixité sociale tout en demeurant en phase avec la réalité locale du marché, nous devons appliquer une décote.
M. Loïc Prud’homme. Monsieur le ministre, la question n’est pas celle de l’élément déclencheur : elle est que le foncier, qui est précieux et difficile à obtenir, ne sera plus réservé à 75 % au logement, mais à 50 % seulement, le reste concernant des opérations commerciales. C’est cette proportion que nous contestons, car elle revient à céder du foncier, qui constitue notre bien commun, à des opérations commerciales qui échappent aux règles de la construction de logements sociaux notamment.
M. François Pupponi. Tel qu’il est rédigé, cet amendement entraînerait une baisse de la construction de logements sociaux. En vendant 50 % du terrain pour autre chose que du logement, on augmenterait la charge foncière, et ces opérateurs auraient moins besoin de la décote.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) la décote doit bénéficier au logement intermédiaire ; hors QPV, elle doit bénéficier au logement social. L’exemple cité par notre collègue Stéphane Peu montre qu’il faut créer du logement intermédiaire dans les QPV en recourant à la décote, et qu’en dehors de ces quartiers la décote doit être utilisée pour favoriser le logement social. Recourir à la décote pour faire du logement social à Saint-Denis n’a aucun intérêt : elle doit être utilisée à autre chose.
C’est le principe de l’effet miroir : la règle devant s’appliquer hors QPV ne doit pas s’appliquer en QPV, et vice versa. Il faudra peut-être prévoir d’autres amendements en vue de la séance publique ; mais l’idée demeure d’implanter le type de logement qu’il faut là où il faut.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis assez d’accord avec ce qu’a dit M. Pupponi, mais le commerce n’est pas le diable : lorsqu’une zone a été aménagée, elle peut être revendue beaucoup plus cher, ce qui permettra de financer le logement intermédiaire que vous appelez de vos vœux.
C’est pourquoi je pense, contrairement à vous, que cette mesure ne fera pas augmenter le prix du foncier, mais le fera baisser pour les collectivités, car elles pourront bénéficier de cette vente.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les propos de M. Peu vont exactement dans le sens de ce que nous essayons de faire : faire en sorte que, dans le cadre d’une opération avec décote, il n’y ait plus nécessairement 70 % ou 75 % de logements sociaux, afin que ces opérations puissent se déclencher plus facilement.
À M. Pupponi, j’indique que des amendements portant sur le logement intermédiaire et la décote seront présentés, car la loi ne doit pas figer les situations en imposant des zones où les opérations ne porteraient que sur du logement social ou que sur du logement intermédiaire. Il me semble que c’est aux maîtres d’ouvrage et aux porteurs de projets qu’il revient de le définir.
M. François Pupponi. Monsieur le ministre, imaginez l’application d’un tel article dans une ville carencée ! Il faut obliger ce type de communes à faire du logement social, c’est ainsi que nous ferons de la mixité.
La commission rejette les amendements.
Puis elle en vient à l’amendement CE2070 de Mme Mathilde Panot.
M. Loïc Prud’homme. Par cet amendement, nous proposons qu’au moins 30 % des logements construits sur les terrains cédés par l’État soient des logements sociaux. En effet, la demande de logements à prix abordables est très forte, comme le montrent les quelque deux millions de personnes en attente d’un logement social. Ce besoin est d’autant plus important dans les zones tendues et dans les communes où les obligations de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », ne sont pas encore respectées. Il est donc nécessaire de s’assurer que la vente de ces terrains réponde à la demande sociale de logements à prix abordables. Fixer un pourcentage minimum de 30 % de logements sociaux nous semble le meilleur moyen d’y parvenir.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ce que la loi fixe un tel seuil. Il doit être déterminé, au cours d’une négociation avec l’État, par la collectivité territoriale en fonction des besoins et de la situation de son territoire.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE2239 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Si l’idée de la décote est bonne, son application peut produire des effets pervers dans certains territoires.
La Cour des comptes a ainsi relevé un cas où la décote était telle que le promoteur n’a quasiment pas eu à investir de fonds propres, tout en bénéficiant de tous les avantages du dispositif. Et, malgré cela, les coûts de sortie étaient supérieurs à la moyenne !
Il faut donc poser des limites afin que soient évités les effets d’aubaine, et que la décote permette de produire des logements dont les coûts de sortie, et donc les loyers, soient abordables.
M. Richard Lioger, rapporteur. Nous aborderons plus tard ces questions, mais je vous indique déjà qu’à ce mécanisme nous préférons une clause de retour à meilleure fortune ou de complément de prix, déjà prévue par la loi. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Si des limites devaient être fixées, elles devraient l’être en considération du prix du foncier que de celui de la construction, qui ne fait que flamber. C’est pourquoi je suis défavorable à des mécanismes tendant à plafonner les décotes en fonction des constructions neuves.
M. François Pupponi. Le prix de sortie, monsieur le ministre, c’est le coût du foncier plus le coût de la construction. Si le premier est quasiment nul, et qu’à la fin le prix de sortie est inchangé, c’est que le promoteur a pris sa marge sur la construction ; il ne fait pas bénéficier le projet de la décote. Il faut que, lorsqu’il y a décote, on la retrouve dans le prix de sortie ; que les promoteurs utilisent la décote pour améliorer leur marge n’est pas le but de l’opération.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie des amendements CE1566 et CE1565 de M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei. Dans son évaluation du dispositif de la décote sur le foncier public en faveur du logement social, publiée le 26 octobre dernier, la Cour des comptes a relevé que certaines opérations, notamment à Paris – au 4 rue de Lille et au 2 cité Charles‑Godon, par exemple –, ont abouti à des décotes supérieures à 3 000 euros par mètre carré de surface utile.
L’amendement CE1566 entend combler cette lacune en plafonnant la décote à 1 500 euros par mètre carré de surface utile.
L’application de ce plafond permettra, sans porter atteinte à l’objectif de faciliter la création de logements sociaux, de limiter les effets spéculatifs pervers qu’a pu entraîner l’application systématique de la décote, notamment dans les collectivités les mieux dotées sur les plans financier et foncier.
Quant à l’amendement CE1565, il vise à revenir sur l’application systématique de la décote, en la rendant facultative.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. S’agissant du premier amendement, notre préférence va, comme je l’ai dit, à la clause de retour à meilleure fortune, déjà prévue par la loi mais trop peu utilisée. S’agissant du second, je suis contre la suppression de la décote de droit, qui est un moyen utile de favoriser la libération du foncier public.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est aussi défavorable, car il faut conserver au dispositif sa simplicité. La décote a été conçue parce que l’on avait constaté un manque d’opérations comportant du logement, notamment social. S’il faut effectivement prévenir certaines situations comme celles qui ont été décrites, il ne faut toutefois pas tomber dans l’excès inverse. Je suis donc très défavorable à ce que la loi rajoute des conventionnements, des encadrements qui rendraient le dispositif de la décote inutilisable du jour au lendemain, comme cela a pu arriver dans le passé.
M. Jean-Paul Mattei. J’entends bien, monsieur le ministre, mais il faut combattre les effets d’aubaine, notamment dans la capitale. L’argent de la décote est celui de l’État, et non une manne céleste ! Nous devons donc être plus rigoureux dans l’application de la décote à certains endroits, singulièrement les plus prestigieux.
La commission rejette successivement les deux amendements.
Elle étudie ensuite l’amendement CE2072 de M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme. Actuellement, lorsqu’un bien vendu avec décote est revendu par le primo-acquéreur, le nouveau propriétaire n’est pas obligé de respecter les conditions de prix de vente et de montant de loyer initialement prévues. Or, l’objectif de la cession du foncier de l’État est de répondre à la demande de logements à prix abordables. Il est donc nécessaire de s’assurer que ces effets perdurent dans le temps. Ainsi, nous souhaitons que les propriétaires des biens construits sur un terrain cédé par l’État avec décote soient soumis aux mêmes obligations, qu’ils soient primo-acquéreurs ou non.
M. Richard Lioger, rapporteur. Seul le primo-acquéreur bénéficie de l’acquisition du bien à un prix décoté ; il ne nous semble pas judicieux de l’étendre au propriétaire suivant. Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.
M. Loïc Prud’homme. L’argumentation du rapporteur me paraît un peu courte : ne lui semble-t-il pas légitime que les logements doivent demeurer accessibles sur une certaine durée ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Si le second acquéreur est soumis aux mêmes règles que le premier, a fortiori si la décote est prolongée ad vitam æternam, elle perdra bientôt tout rapport avec la réalité environnante.
Si l’on veut véritablement maîtriser le prix du foncier, on ne le fait pas en contrôlant le prix de vente au gré des opérations successives : qui ira, vingt-cinq ans après, vérifier son évolution – sauf à créer une administration dédiée ?
Il est plus opératoire de passer par le contrôle du foncier. Beaucoup d’agglomérations et de municipalités ont d’ailleurs créé des organismes de foncier solidaire (OFS), qui permettent de conserver la valeur et le partage de valeur.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement 2071 de Mme Bénédicte Taurine.
M. Loïc Prud’homme. Cet amendement de repli vise à porter à vingt ans, au lieu de dix, les obligations de l’acquéreur suivant la première mise en vente du bien construit sur le terrain cédé par l’État. L’objectif de la cession du foncier de l’État est de répondre à la demande de logements à prix abordables ; c’est à cet effet que nous proposons cette extension.
M. Richard Lioger, rapporteur. Même avis défavorable que sur l’amendement précédent. J’ajoute que la disposition proposée risquerait de porter atteinte au droit de propriété.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement CE1313 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement prévoit explicitement que la convention avec l’acquéreur fixe les modalités permettant au représentant de l’État dans la région de contrôler les comptes financiers de l’opération, afin de vérifier que la décote a bien servi à garantir l’équilibre de l’opération, et non à accroître les fonds propres de l’acquéreur. Ce qui répond d’ailleurs à un certain nombre de questions qui se sont posées au sujet de cet article.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Le V de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques dispose déjà que l’acte d’aliénation prévoit l’éventuel paiement d’un complément de prix. Il est complété par l’article R. 3211-17-4 qui oblige l’acquéreur à rendre compte annuellement de l’état d’avancement du programme de construction.
Les modalités de contrôle sont donc déjà prévues par la partie réglementaire de ce code, et il n’y a pas lieu d’ajouter de nouvelles mesures à la partie législative.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 6 modifié.
La commission étudie l’amendement CE1932 de M. Jean-Luc Warsmann.
M. Thierry Benoit. Nous nous trouvons au cœur du triptyque emploi-logement-transport, évoqué au cours de la discussion générale.
Cet amendement vise à apporter une réponse rapide à la situation de tension immobilière que connaissent de nombreuses agglomérations, où il devient de plus en plus difficile de se loger, alors même que s’y concentre une grande partie des emplois disponibles.
Cette mesure est de nature à rééquilibrer le marché immobilier dans les agglomérations concernées ainsi qu’à favoriser une plus grande mixité sociale, en sollicitant, selon une formule équilibrée respectueuse des droits des personnes publiques, l’intervention d’acteurs économiques capables de réaliser de tels projets.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : instaurer des pourcentages de foncier à mettre à disposition est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE659 et CE671 de M. Lionel Causse.
M. Lionel Causse. Ces amendements visent à favoriser la réalisation de logements sociaux par les bailleurs en lançant une expérimentation portant sur la maîtrise du foncier ainsi que sur le prix de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) des logements sociaux.
Les bailleurs sociaux ont deux solutions pour mener à bien leurs opérations : acheter du foncier ou acheter des opérations en VEFA, et ce sont souvent les collectivités ou l’État qui les accompagnent. Il s’agit ici de faire participer les opérateurs privés dans le cadre des terrains cédés pour leur partie logement social ou lorsqu’ils construisent et revendent en VEFA. Le but est de faire baisser les prix de vente afin de permettre aux bailleurs sociaux de mieux gérer les coûts des opérations.
Les territoires concernés sont surtout ceux au sein desquels le choc de l’offre est compliqué. J’ai été maire d’une commune dans laquelle, du fait des plans locatifs urbains (PLU) et autres schémas de cohérence territoriale (SCOT) « grenellisés », il est difficile de rendre des terrains constructibles, ce qui oblige à le faire sur des terrains existants. De ce fait, chaque année les prix montent, ce qui rend les opérations de plus en plus compliquées.
Cette expérimentation pourrait donc être conduite dans des territoires à définir avec les services de l’État.
M. Richard Lioger, rapporteur. L’expérimentation que vous proposez pourrait se révéler contre-productive et engendrer des reports de ventes ou davantage de ventes au secteur libre avec un effet d’éviction des bailleurs sociaux...
Je suis davantage favorable à tout ce qui vise à inciter les propriétaires fonciers à céder leurs terrains aux bailleurs sociaux, comme la dispense de la plus-value qui est d’ailleurs proposée dans le projet de loi.
Pour ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons. La mesure proposée risque de porter atteinte au droit de propriété et à la liberté du commerce. Elle aurait surtout un effet contre-productif, soit de report des ventes, soit de développement des ventes en secteur libre conduisant à l’éviction des bailleurs sociaux.
M. François Pupponi. Ce type de mesures peut être très favorable au début, car elles permettent aux bailleurs d’acheter très vite des logements et aux promoteurs de bénéficier des 50 % de réservation pour leurs projets, ce qui leur permet de vendre les autres.
Mais elles peuvent aussi conduire à des variations de prix dans le secteur de la VEFA allant de 2 100 euros à plus de 3 000 euros pour le même bailleur ; alors que nous parlons d’argent public !
Car ce qui compte, in fine, c’est le prix de sortie du loyer : plus celui-ci est élevé, plus le volume d’aide personnalisée au logement (APL) versé est important. Nous sommes donc confrontés à une spirale inflationniste négative qui fait que, selon que le promoteur paie ou non au bon prix, c’est la collectivité qui paie.
Il faudrait se pencher sur ces situations, car il y a beaucoup d’abus.
M. Stéphane Peu. Je rappelle que la VEFA s’est généralisée lorsqu’au cours de la crise de 2008 le Gouvernement a fait appel au mouvement HLM afin d’aider les promoteurs à résorber leurs stocks. Depuis, c’est une « règle sans règle » : dans ma circonscription, pour un même immeuble, les VEFA se négocient entre 2 700 euros et 3 800 euros au mètre carré.
C’est un détournement de la procédure, un gâchis d’argent public, et, sauf à tuer la VEFA, on ne peut la laisser sans encadrement : à force d’abus les instances européennes nous rappelleront à l’ordre, car la VEFA est une tolérance. Je rappelle qu’elle se fait sans appel d’offres, mais de gré à gré.
M. Lionel Causse. Notre proposition ne constituera pas un frein à la construction de logements sociaux, car les PLU applicables à certains territoires que je vise sont soumis à 25 % au titre de la loi SRU.
Il s’agit de faire partager ces réalisations par les opérateurs privés, alors que le prix du foncier explose d’année en année, sans quoi la VEFA risque d’être réservée aux grands bailleurs sociaux. Seuls ceux qui disposeront de beaucoup de fonds propres auront les moyens de suivre ces augmentations.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 7
(article L. 3211-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques
et article L. 342-2 du code de la construction et de l’habitation)
Foncière publique solidaire (FPS)
La Foncière publique solidaire (FPS) est une société anonyme créée par l’article 50 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ([33]). Elle est constituée à parité stricte entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations. La FPS peut acquérir des portefeuilles de terrains auprès de l’État et de ses établissements publics par transfert (via un arrêté ministériel) ou par cession (devant notaire). S’agissant des transferts, les terrains acquis doivent être destinés majoritairement à la construction de logements sociaux.
La FPS bénéficie des mesures de soutien suivantes :
– une capacité à acquérir les biens du domaine privé de l’État de gré à gré, à un prix inférieur à leur valeur de marché dans le cadre de la décote dite « Duflot ».
– des droits d’urbanisme. Les collectivités territoriales peuvent lui déléguer leur droit de préemption urbain (DPU) ([34]). La FPS est également dotée d’un droit de priorité ([35]) sur tout projet de cession d’actifs immobiliers d’une superficie supérieure à 5 000 m2 appartenant à l’État et destinés majoritairement à la réalisation de logements sociaux. Ce droit est subordonné au non-exercice du droit de priorité de la collectivité territoriale.
– des avantages fiscaux. Les plus-values immobilières réalisées à l’occasion de la cession de biens à son profit ne sont pas imposables si ces derniers sont rétrocédés par la suite à des organismes réalisant des logements sociaux. Ses acquisitions sont exonérées de droits d’enregistrement et de taxe de publicité foncière. Les terrains constructibles qu’elle acquiert ne sont pas concernés par les majorations de la valeur locative.
La FPS peut être considérée comme gérant des services d’intérêt économique général (SIEG), donc soumise à des règles de droit européen spécifiques ([36]). Afin de se mettre en conformité avec le droit européen, les autorités françaises ont transmis à la Commission européenne, par une note du 5 avril 2017, des éléments d’information prévoyant que l’État fera procéder à « des contrôles réguliers, au minimum tous les trois ans, pendant la durée du mandat, permettant de s’assurer que la Société foncière solidaire ([37]) ne bénéficie pas d’une compensation excessive pour la prestation du service d’intérêt économique général qu’elle assure ».
2. Les dispositions du projet de loi
a. Clarifier le droit de priorité de la FPS
Le I modifie l’article L. 3211-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques afin de clarifier le droit de priorité de la FPS sur certaines cessions d’actifs. Les termes d’« actifs immobiliers », et de « superficie » étant jugés insuffisamment précis, ils sont remplacés par les termes « terrains bâtis ou non » et « périmètre » (alinéa 2). Par ailleurs, l’alinéa 3 précise que les terrains acquis ainsi doivent être destinés majoritairement à la réalisation de « programmes » de logements sociaux, afin d’indiquer clairement que doit être prise en compte la surface de plancher de logements sociaux, et non pas le nombre de logements sociaux.
b. Contrôler l’activité de service d’intérêt économique général de la FPS
Le II permet de respecter l’engagement pris vis-à-vis de la Commission européenne. Il ajoute aux missions de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) le contrôle de l’activité de la FPS. L’agence pourra ainsi s’assurer que la FPS ne bénéficie pas d’une compensation excessive pour la prestation du service d’intérêt économique général dont elle a la charge.
Le rapporteur se félicite de ce que cet article permet de clarifier le droit de priorité de la FPS sur certaines cessions d’actifs. Il est désormais nécessaire d’accélérer le processus de cession de terrains à la FPS. Chaque année, depuis 2013, les préfets de région sont tenus de mettre à jour une liste de terrains cessibles, appartenant à l’État et à certains de ses établissements publics, dans le but d’y construire des logements. Certains terrains désaffectés figurent malheureusement sur ces listes depuis leur création. S’il n’est pas possible de prévoir un transfert de droit de ces terrains à la FPS, l’État doit aujourd’hui adopter une gestion plus dynamique de son patrimoine au profit de la création de logements.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté un amendement à l’initiative du rapporteur afin de faciliter l’action de la FPS. L’amendement adopté permet à l’État et à ses établissements publics de transférer en pleine propriété des actifs immobiliers relevant de leur domaine privé à la FPS dès lors que ces actifs immobiliers sont destinés à la réalisation de programmes de logements dont une partie, et non plus la majorité, est constituée de logements sociaux.
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* *
La commission est saisie de l’amendement CE1557 de M. Jean-Luc Lagleize.
M. Jean-Luc Lagleize. La Foncière publique solidaire (FPS), visée par cet article, a pour objet principal de revendre les terrains et immeubles de l’État, pour leur conversion en logements à prix abordables.
Un certain nombre d’universités ayant des terrains à vendre souhaiteraient faire appel à la FPS ; l’objet de cet amendement est donc d’étendre son champ d’activité à ces établissements.
M. Richard Lioger, rapporteur. Ce domaine universitaire est effectivement aujourd’hui hors du champ d’activité de la Foncière publique solidaire. Nous aurons un débat portant sur la FPS et la libération de foncier ; à ce stade mon avis est donc défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’ajouterai que la disposition proposée relève plutôt du domaine réglementaire.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1356 et CE1357 de M. Jean-Christophe Lagarde et CE1310 du rapporteur.
M. Thierry Benoit. L’acquisition de foncier auprès de l’État par la Foncière publique solidaire implique la réalisation de programmes comportant au moins 50 % de logements sociaux.
En termes de mixité sociale, cet objectif n’est pas souhaitable. Cet amendement vise donc à revenir sur la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain qui a créé la FPS et fixé cette règle, en abaissant ce seuil à 40 %.
En outre et toujours dans un objectif de mixité sociale, les logements sociaux réalisés devront être répartis entre les différents types de financement.
Notre second amendement est un amendement de repli.
M. Richard Lioger, rapporteur. La Foncière publique solidaire peut acquérir des portefeuilles de terrains auprès de l’État et de ses établissements publics. S’agissant des transferts, les terrains acquis doivent être destinés majoritairement à la construction de logements sociaux, ce sur quoi nous sommes d’accord. Cet objectif n’est pas toujours atteignable à l’échelle d’un seul portefeuille même s’il est souhaitable de le poursuivre pour ce qui concerne l’activité globale de la Foncière ; nous venons d’avoir ce débat.
Cet amendement permet à l’État et ses établissements publics de transférer en pleine propriété des actifs immobiliers relevant de leur domaine privé à la FPS dès lors que ces actifs immobiliers sont destinés à la réalisation de programmes de logements dont une partie, et non plus la majorité, est constituée de logements sociaux. Ce qui signifie que nous ne fixons pas de seuil.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. À chaque fois qu’il y a un financement de l’État, que l’on prend des décotes, que l’on crée de nouveaux instruments, le but poursuivi est de produire plus de logements, sociaux dans leur majorité.
Cependant, force est de constater que, depuis sa création, la FPS ne fonctionne absolument pas. Cet échec est-il imputable au pourcentage de logements sociaux qui lui a été imparti ? J’avoue l’ignorer. Mais il me semble que les propositions faites par ces amendements mériteraient d’être testées, car elles vont dans le bon sens.
Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Thierry Benoit. J’y vois un encouragement à maintenir l’amendement CE1356 et à l’adopter.
M. François Pupponi. Je suis quelque peu interloqué. Nous parlons de terrains publics appartenant à l’État, et vous nous expliquez que l’État, particulièrement dans les villes où les logements sociaux sont insuffisants, n’est pas capable de construire du logement social.
L’État vend des terrains à la FPS, considérant qu’il est incapable de les vendre à un promoteur ou un bailleur social, qui elle-même rencontrera des difficultés à créer du logement social.
M. Thierry Benoit. Ce n’est pas du tout ce que j’ai compris des propos de M. le ministre ; je maintiens l’amendement, en espérant qu’il sera adopté.
M. Richard Lioger, rapporteur. Que M. Benoit me pardonne, mais je maintiens également mon amendement et donne un avis défavorable à ceux qu’il a défendus.
À l’occasion des auditions préparatoires à l’examen du texte, nous avons entendu Christophe Caresche et Thierry Repentin, qui nous ont expliqué pourquoi cela ne fonctionnait pas. Mais c’est un autre sujet : celui de la libération du foncier de l’État, dont j’ai déjà indiqué que nous parlerons. Or nous proposons un dispositif qui permettra peut-être de retrouver un équilibre économique.
M. Stéphane Peu. Je partage le diagnostic du ministre, mais ne pense absolument pas que la source de ses difficultés soit le logement social, étant donné que le principe même de la Foncière publique solidaire est de décorréler le foncier du bâti. Plus il y a de logements HLM, plus la FPS peut lancer d’opérations.
En revanche, je partage le point de vue de François Pupponi, particulièrement pour des territoires comme Paris : le fait de disposer d’une majorité de logements sociaux constitue une garantie pour la FPS et constitue un bon usage du foncier public.
La commission rejette successivement les amendements CE1356 et CE1357.
Elle adopte ensuite l’amendement CE1310.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
Article 8
(article L. 443-11 du code de la construction et de l’habitation, articles L. 210‑1, L. 211-1, L. 212-1, L. 240-1, L. 321-4 du code de l’urbanisme)
Diverses mesures relatives aux droits de préemption, de priorité
et aux zones d’aménagement différé (ZAD)
a. Le droit de préemption du préfet dans les communes carencées
L’article 55 de la loi dite « SRU » ([38]) oblige certaines communes à disposer d’un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel. Si leur taux de logements sociaux est inférieur à l’objectif fixé par la loi et en cas d’efforts insuffisants avérés, les communes peuvent faire l’objet d’un arrêté de carence pris par le préfet de département. Cet arrêté a notamment pour conséquence d’attribuer au préfet l’exercice du droit de préemption sur les aliénations de biens destinés au logement. Le préfet peut déléguer ce droit de préemption aux sociétés d’économie mixte et à divers établissements publics et organismes listés à l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme. Le préfet ne peut pas exercer ce droit de préemption lorsque les communes ne sont ni couvertes par un plan d’occupation des sols (devenu caduc), ni par un plan local d’urbanisme ([39]).
Selon l’article L. 212-1 du code de l’urbanisme, la possibilité pour les EPCI de créer des ZAD est subordonnée à la condition qu’ils soient à fiscalité propre et qu’ils détiennent les compétences mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, à savoir la double compétence en matière de plan local d’urbanisme et de droit de préemption urbain. Les établissements publics territoriaux dans le périmètre de la métropole du Grand Paris ([40]) ne peuvent aujourd’hui pas créer de ZAD car ils ne constituent pas des EPCI à fiscalité propre.
c. Les procédures de délaissement
Le droit de délaissement permet au propriétaire d’un bien immobilier soumis à des prescriptions d’urbanisme qui l’empêche d’en jouir pleinement d’inciter le bénéficiaire de la servitude, souvent une collectivité, à acquérir le bien. C’est notamment le cas lorsque le bien se trouve dans un emplacement dit « réservé » pour certains usages par le PLU ([41]) (voies et ouvrages publics, espaces verts à créer ou à modifier, installations d’intérêt général à créer ou à modifier...).
2. Les dispositions du projet de loi
Le premier alinéa rétablit la possibilité pour les établissements publics fonciers d’État d’acquérir des logements en vue de leur démolition dans le cadre d’opérations de renouvellement urbain. Cette possibilité avait été supprimée par la loi dite « Alur » en 2014 sans que cela ne semble avoir été l’intention du législateur. L’alinéa crée également cette possibilité pour les établissements publics fonciers et d’aménagement qui exercent les missions d’un établissement public foncier en outre-mer.
L’alinéa 2 du projet de loi limite, pour les sociétés d’économie mixte (SEM), la délégation du droit de préemption du préfet, dans une commune carencée, aux seules SEM de construction et de gestion de logements sociaux agréées ([42]).
L’alinéa 3 permet au représentant de l’État dans le département de continuer à exercer le droit de préemption dans les communes carencées, même si leur plan d’occupation des sols est devenu caduc.
Les alinéas 4 et 5 du projet de loi clarifient les modalités de création d’une zone d’aménagement différé (ZAD) située sur le territoire de plusieurs départements : en cas d’avis défavorable d’une des communes, la ZAD ne peut être créée que par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés. En l’état actuel du droit, ce cas de figure n’est pas prévu.
Les alinéas 6, 7 et 8 étendent aux établissements publics territoriaux du Grand Paris la possibilité de créer des ZAD, en dehors des périmètres fixés par le conseil de la métropole du Grand Paris pour la mise en œuvre des opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain ([43]).
L’alinéa 9 élargit la subdélégation de l’exercice du droit de priorité. Si les communes et EPCI peuvent aujourd’hui déléguer leurs droits de priorité à divers organismes, établissements publics ou sociétés d’économie mixte mentionnés à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, ces entités ne peuvent pas, à leur tour, déléguer ce droit de priorité pour l’acquisition de biens bénéficiant de la décote dite « Duflot » ([44]). L’alinéa 9 vise donc à permettre cette subdélégation et ainsi faciliter la production de logements, notamment sociaux.
Les alinéas 10 et 11 créent une obligation, et non plus seulement une possibilité ([45]), pour les établissements publics fonciers d’État, comme c’est déjà le cas pour les établissements publics fonciers locaux, de prendre en charge, à la demande des collectivités, le droit de délaissement exercé par le propriétaire d’un bien situé en emplacement réservé par le plan local d’urbanisme. Ces alinéas donnent également explicitement le droit à ces établissements d’intervenir dans les emplacements réservés.
Le rapporteur se félicite de la disposition qui permet au représentant de l’État dans le département de continuer à exercer le droit de préemption dans les communes carencées même si leur plan d’occupation des sols est devenu caduc. Le projet de loi permet, selon lui, d’atteindre un juste équilibre en matière de droit de préemption. Ce droit constitue en effet une procédure dérogatoire exorbitante du droit commun qu’il ne faut pas généraliser de manière à ne pas porter d’atteinte disproportionnée au droit de propriété.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté trois amendements rédactionnels ainsi que deux amendements facilitant la mise en œuvre du droit de préemption. Le premier autorise la délégation du droit de préemption urbain aux sociétés et organismes énumérés à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme même lorsque l’aliénation ne porte pas sur des logements. Cela permettra notamment aux communes de solliciter plus facilement des organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) pour préempter par délégation un terrain à bâtir ou un local ayant vocation à changer d’affectation pour être transformé en logement. Le second amendement, adopté à l’initiative du rapporteur, permet l’exercice du droit de préemption pour l’acquisition de terrains à des fins de relogement d’habitants ou de relocalisation d’entreprises, dès lors que la réalisation d’une opération d’aménagement le nécessite.
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La commission adopte l’amendement de coordination CE1430 du rapporteur.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE39 de M. Thibault Bazin et CE2768 du rapporteur.
M. Thibault Bazin. Dans les communes carencées en logement social au sens de l’article 55 de la loi SRU, et dont le plan d’occupation des sols serait devenu caduc car non mis en forme dans un plan local d’urbanisme (PLU), il paraîtrait aberrant qu’on ne supprime pas le droit de préemption urbain des préfets.
M. Richard Lioger, rapporteur. Les articles L. 314-1 et suivants du code de l’urbanisme disposent que les personnes à l’initiative d’une opération d’aménagement ont l’obligation de reloger les occupants d’immeuble si les travaux nécessitent leur éviction. L’amendement CE2768 prévoit de permettre un exercice du droit de préemption en vue de l’acquisition de terrains aux fins de relogement d’habitants ou de relocalisation d’entreprises, dès lors que la réalisation d’une opération d’aménagement le nécessite.
Je suis défavorable à l’amendement CE39 car ce droit de préemption doit pouvoir être exercé en vue de permettre à une commune carencée d’atteindre le taux de logements locatifs sociaux exigible.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement CE39 et favorable à l’amendement CE2768.
M. François Pupponi. Le droit de préemption du préfet dans les communes carencées est supprimé par le projet de loi. L’amendement dit que ce n’est pas normal.
M. le président Roland Lescure. L’amendement CE39 supprime l’alinéa 3.
La commission rejette l’amendement CE39.
Puis elle adopte l’amendement CE2768.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE2238 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Une commune pourra transférer son droit de préemption aux bailleurs sociaux mais, si je lis bien le texte, cela ne s’appliquerait que pour du logement, alors qu’il arrive qu’on demande aux bailleurs sociaux de préempter un terrain pour y construire du logement social ou un ensemble immobilier dans lequel se trouve du commerce. L’idée est de permettre la préemption dès lors que le but est de construire du logement social.
Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.
La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CE1113, CE1114 et CE1115 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE1960 de M. Alain Perea.
M. Alain Perea. Lorsqu’une commune veut préempter, elle doit préciser en détail l’objet du futur projet prévu sur la zone préemptée et est parfois même obligée de conduire des études préalables. L’objet de mon amendement est d’alléger cette charge incombant à la collectivité pour qu’elle porte simplement sur des orientations d’aménagement, ce qui permettrait d’aller beaucoup plus vite, en sachant que la jurisprudence accepte des changements d’orientation.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, car le droit de préemption est une procédure dérogatoire, exorbitante du droit commun, qu’il ne faut pas généraliser, et il existe déjà des outils, comme les zones à aménagement différé (ZAD), qui permettent d’exercer le droit de préemption pour constituer des réserves foncières.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 8 modifié.
Chapitre III
Favoriser la transformation de bureaux en logements
Article 9
(article L. 152-6 du code de l’urbanisme)
Dérogation à certaines règles d’urbanisme pour la transformation de bureaux en logement
L’article L. 152-6 du code de l’urbanisme prévoit que l’autorité chargée de délivrer le permis de construire peut déroger à certaines règles du plan local d’urbanisme (PLU) relatives au gabarit, à la densité, à la hauteur des constructions et aux exigences en termes de places de stationnement, ainsi qu’à certaines dispositions du code de la construction et de l’habitation, dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants et dans celles de plus de 15 000 habitants à forte croissance économique. Cette dérogation se fait au cas par cas, en tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation dans un objectif de mixité sociale.
DÉrogations possibles aux rÈgles d’urbanisme
Types d’opération |
Règles auxquelles il peut être dérogé |
Conditions et limites |
Construction destinée principalement à l’habitation |
Règles relatives au gabarit et à la densité |
Sous réserve que la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage ne soit pas dépassée et que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant |
Surélévation pour créer un logement ou agrandir un logement (construction achevée depuis plus de 2 ans) |
Règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement |
|
Règles de gabarit (si construction contiguë) |
Sous réserve que la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage ne soit pas dépassée et que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant |
|
Transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble (par reconstruction, rénovation ou réhabilitation) |
Règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement |
Dans la limite du gabarit existant |
Construction de logements à moins de 500 m d’une gare, d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre |
Tout ou partie aux obligations de création d’aires de stationnement |
Tenir compte de la qualité de la desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres au projet au regard des capacités de stationnement existantes à proximité |
Construction destinée principalement à l’habitation |
Règle de prospect (distance minimale par rapport aux limites séparatives) |
Sous réserve que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant |
Source : article L. 152-6 du code de l’urbanisme
L’autorité compétente en matière de délivrance d’autorisations du droit des sols peut donc déjà déroger aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement afin d’autoriser la transformation d’une construction en logements, dans la limite du gabarit du bâtiment existant. Elle ne peut néanmoins pas déroger aux servitudes de mixité sociale, c’est-à-dire aux règles selon lesquelles, dans certains secteurs délimités par le PLU ([46]), en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des logements sociaux.
2. Les dispositions du projet de loi
Les opérations de construction de bureaux sont souvent bien plus rentables que la construction de logements, même lorsque les bureaux restent vacants. Afin de renforcer l’attractivité des opérations de transformation de bureaux en logements, l’article 9 modifie l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme :
– en accordant aux opérations de transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble un « bonus de constructibilité » de 10 %,
c’est-à-dire des droits à construire supplémentaires par rapport aux bâtiments existants ;
– en permettant à ces opérations de déroger aux servitudes de mixité sociale prévues par les PLU. Cette dérogation n’est pas applicable si la commune fait l’objet d’un arrêté préfectoral de carence en logement social.
Ces dispositions s’appliqueront à toute transformation aboutissant à la création de logements, que le bâtiment initial soit un bureau, un commerce, un entrepôt ou une industrie.
Le rapporteur se félicite de cet article qui permettra, notamment dans les zones tendues, à la fois de créer une nouvelle offre de logements et de répondre à des besoins d’urgence.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté deux amendements pour faciliter les opérations de transformation de bureaux en logements. Le premier favorise l’atteinte de l’équilibre économique de ces opérations en portant le bonus de constructibilité de 10 à 30 %, par analogie avec d’autres bonus de constructibilité prévus par le code de l’urbanisme. Le second, déposé par le rapporteur, vise à permettre aux bailleurs qui transforment un immeuble existant en un immeuble principal d’habitation de donner congé aux locataires à chaque échéance triennale du bail.
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La commission est saisie de l’amendement CE2240 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous abordons la possibilité de transformer des bureaux en logement. Si les communes carencées pourront transformer des bureaux en logement sans obligation de construire des logements sociaux, cela ne fera qu’aggraver la carence de ces communes. En région parisienne, nous savons où sont les bureaux vacants : ce n’est pas dans les zones les plus défavorisées… Nous souhaitons supprimer cet article afin d’éviter que les communes où il y a le moins de logements sociaux bénéficient de la mesure sans pour autant construire des logements sociaux, mais nous présenterons des amendements de repli pour que l’obligation de l’article 55 de la loi SRU s’applique à ce genre d’opérations.
M. Richard Lioger, rapporteur. La dérogation qui existe dans le droit actuel permet uniquement la reconstruction à l’identique du gabarit existant. Cette seule dérogation ne permet pas de rendre viables les opérations de transformation de bureaux en logement. C’est pour faciliter ces opérations que le projet de loi prévoit d’écarter les servitudes de mixité sociale prévues par le PLU et d’accorder un bonus de constructibilité de 10 % par rapport à la construction existante. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Si cela peut rassurer M. Pupponi, les alinéas 3 et 4 sont très clairs : le premier mentionne l’objectif de mixité sociale et le second indique bien que l’abandon de la servitude SRU ne concerne que les villes non carencées, respectant la loi SRU.
M. Stéphane Peu. Les villes carencées sont une infime minorité des villes qui sont en dessous de 25 %. La servitude de mixité sociale devrait au moins s’appliquer à ces villes qui sont en dessous de 25 %. Beaucoup de villes en dessous de ce seuil invoquent le problème de trouver du foncier pour construire, mais elles ont toujours du foncier pour construire des bureaux et c’est seulement pour construire des logements qu’elles n’ont jamais de foncier.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous nous sommes posé la question et nous avons analysé les deux cas de figure. Dans beaucoup de villes qui se sont conformées aux objectifs SRU, il y a des bureaux qui pourraient être transformés en logements. Si nous prévoyions 25 %, aucune transformation de bureaux en logements ne serait possible à Paris puisque la ville est en dessous de ce pourcentage, alors même qu’énormément de bureaux ne sont pas transformés en logements parce que l’opération n’est pas équilibrée et que, parmi les facteurs du déséquilibre, se trouve la servitude.
M. Mickaël Nogal. Pour que l’opération de transformation de bureaux en logements soit attractive et ne reste pas un vœu pieux, il faut en effet supprimer un maximum de contraintes. C’est l’objet d’un amendement que je défendrai, identique à un amendement de M. Pupponi, sur l’augmentation du bonus de constructibilité.
M. François Pupponi. Il faut bien sûr libérer du foncier mais cet article offre aux propriétaires de bureaux vides des droits de construction plus importants pour les transformer en logements. C’est bien mais on peut tout de même leur demander un effort, qu’il y ait au moins une partie de logement social dans leurs constructions, et ce pas seulement dans les communes carencées.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’article 9 part du constat que nous avons des centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vacants, et si nous prévoyons un bonus de constructibilité, c’est justement pour pousser à l’occupation par la transformation en logement, car il vaut mieux avoir des locaux utilisés pour du logement que des locaux vacants.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, elle rejette également l’amendement CE2241 de M. François Pupponi.
Elle examine ensuite l’amendement CE260 de M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu. C’est souvent dans des villes constituées qu’on trouve des bureaux vacants – des villes qui invoquent souvent le manque de foncier pour satisfaire à leur obligation de construire des logements sociaux. Dans les villes à moins de 25 % et qui tirent argument de ce problème, il est très important d’insister sur la transformation de bureaux en logements. Dans une ville constituée, en principe on ne souffre pas d’un déficit de marché : celui-ci est plutôt tendu, au contraire.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CE2339 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Pour bien montrer que nous ne sommes pas contre la transformation de bureaux en logements, nous proposons de faciliter le recours aux dotations d’urbanisme. Le débat porte sur le type de logements à construire une fois que le droit à construire a été accordé.
M. Richard Lioger, rapporteur. Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire, votre amendement tend à élargir le dispositif dérogatoire aux règles du PLU à toutes les opérations relevant du régime de la déclaration préalable et non pas seulement à celles qui permettent la transformation de bureaux en logement. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons observé des cas de figure ubuesques où, quand vous additionnez deux travaux tous deux soumis à déclaration préalable et non à permis de construire, vous devez avoir un permis de construire... Le point que vous soulevez, monsieur Pupponi, est très juste, mais l’amendement demande à être retravaillé. Je vous suggère de le retirer à cette fin.
L’amendement est retiré.
La commission examine ensuite l’amendement CE352 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Cet amendement va à l’encontre de ceux de M. Pupponi. Dans les zones où l’on a besoin de créer de l’offre et où les conditions techniques rendent la transformation coûteuse, retirer la contrainte de la loi SRU faciliterait l’équilibre financier.
M. Richard Lioger, rapporteur. Vous cherchez à assurer l’équilibre financier des opérations de transformation de bureaux en logements en supprimant l’obligation de mixité sociale. Votre préoccupation est déjà prise en compte par le projet de loi. Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Nous maintiendrons le bon équilibre.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE686 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Cet amendement est dans le même esprit que le précédent.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CE2038 de M. Mickaël Nogal et CE2305 de M. François Pupponi.
M. Mickaël Nogal. Mon amendement vise à porter de 10 % à 30 % le bonus de constructibilité, afin de rendre l’opération plus attractive.
Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE1159 de M. Jean-Luc Lagleize et CE1938 de Mme Jacqueline Maquet tombent.
La commission examine l’amendement CE1834 de M. Stéphane Peu.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Vous cherchez à rétablir des dispositions qui, en réalité, ne sont pas supprimées par le projet de loi. Seules les opérations de transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant pourront déroger, dans certains cas, aux servitudes de mixité sociale du PLU.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE2246 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je propose que les dispositions de cet article ne s’appliquent pas aux communes carencées, sauf si elles demandent une dérogation pour construire du logement financé par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). On ne va quand même pas aider ces communes à construire autre chose que du logement très social.
M. Richard Lioger, rapporteur. Rien ne justifie, selon moi, que les communes carencées ne puissent pas déroger à certaines règles du PLU – gabarit, densité, aires de stationnement – si la nature du projet et son implantation le justifient. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. De facto, une commune carencée peut faire du PLAI. L’amendement est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE1309 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux bailleurs qui transforment un immeuble existant en un immeuble principal d’habitation, par exemple un immeuble de bureaux en un immeuble de logements, de donner congé aux locataires à chaque échéance triennale du bail. Cela facilitera la transformation des immeubles de bureaux en logements. L’amendement complète ainsi l’article L. 145-4 du code du commerce qui permet déjà au bailleur de donner congé à l’expiration d’une période triennale.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 9 modifié.
Article 9 bis (nouveau)
(article L. 617-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Occupation temporaire de locaux vacants
La commission a adopté un amendement qui réoriente l’expérimentation prévue à l’article 101 de la loi dite Molle ([47]). Cette loi a instauré un dispositif expérimental jusqu’au 31 décembre 2018 permettant à un propriétaire public ou privé de locaux vacants de signer une convention avec un intermédiaire pour organiser l’occupation de ses locaux par un résident temporaire. Le but est notamment d’éviter que des locaux inoccupés pendant de nombreuses années, en général des bureaux, ne se dégradent du fait de l’absence de toute activité.
L’amendement adopté par la commission réoriente cette expérimentation jusqu’au 31 décembre 2022 afin d’assurer la transformation provisoire de locaux vides à des fins d’activités, d’hébergement ou de logement tout en poursuivant des objectifs d’intérêt général, sociaux et non lucratifs. Il prévoit que des organismes ou associations agréés peuvent loger des résidents temporaires dans les locaux mis à disposition gratuitement par leurs propriétaires, dans le respect d’un objectif d’insertion et d’accompagnement social.
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La commission est saisie de l’amendement CE2199 de M. Mickaël Nogal.
M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à faire du dispositif de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi MOLLE », relatif à l’occupation temporaire, un dispositif réservé à l’hébergement d’urgence. Comme vous le savez, nous avons passé un hiver compliqué. Nous manquons de places d’hébergement d’urgence. À Toulouse, nous avons encore ouvert cet hiver un gymnase pour abriter des gens sans domicile. Ce n’est pas toujours évident, aujourd’hui, de mobiliser des locaux vacants. Quand on peut le faire, il est important que ce soit pour les plus démunis, ceux qui n’ont pas de toit.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement permettra d’assurer la transformation provisoire de locaux vides à des fins d’activité ou d’hébergement dans le respect d’objectifs d’insertion et d’accompagnement social. Avis favorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. Tout d’abord, une expérimentation est en cours et nous n’en avons pas encore les résultats. Ensuite, l’enjeu est celui de la transformation provisoire de locaux pour faire du logement et non de l’hébergement. À situation égale, entre hébergement et logement, le logement est toujours préférable, car il donne une adresse, quand un centre d’hébergement ou même l’hôtel – où sont hébergées 40 000 personnes actuellement – n’offre pas les mêmes chances de réinsertion.
Il faut, de toute façon, retravailler la proposition d’ici à la séance, sachant que le dispositif s’arrête à la fin de l’année et que nous devons l’évaluer. Je suis enclin, pour ma part, à prolonger l’expérimentation, avec une évaluation très serrée pour bien déterminer où sont les cas de mauvaise application que vous avez à juste titre soulignés.
M. Mickaël Nogal. Nous ne parlons pas du même sujet. Je suis le premier défenseur du plan « Logement d’abord » que le Président de la République est venu présenter à Toulouse en septembre. La logique consistant à sortir les gens de la rue et à les intégrer le plus rapidement possible dans le logement est évidemment primordiale, mais il faut raisonner de façon pragmatique : tout le monde ne peut pas accéder au logement aussi simplement.
Nous connaissons encore – on le voit à Paris – des situations de crise à gérer. Les préfets, quand ils doivent loger des personnes en urgence, appellent les bailleurs sociaux, les associations, et l’on mobilise parfois des logements du parc social pour de l’hébergement. Ce sont autant de logements qui ne sont pas attribués à des ménages qui pourraient y prétendre, et j’ai évoqué dans la discussion générale les deux millions de personnes qui attendent un logement social.
Quand le dispositif d’hébergement temporaire est utilisé pour du logement, cela ne va pas non plus dans le sens du plan « Logement d’abord ». L’occupation temporaire peut être le fait d’organismes publics ou privés sans vocation sociale et sans but d’hébergement d’urgence. Ma priorité, c’est de le réserver à l’hébergement d’urgence. Je suis prêt à récrire l’amendement pour retirer la notion de public et privé car, pour moi, l’essentiel est le rôle joué par cette occupation temporaire et le sort des locaux vacants. Les bailleurs sociaux, à Toulouse, ont cédé certains logements pour occupation temporaire à l’association France Horizon, qui s’occupe de réinsérer les gens et de les accompagner vers et dans le logement : c’est comme cela qu’il faut fonctionner.
M. Robin Reda. Je comprends la volonté de la majorité de teinter le projet de loi d’une touche sociale mais, même si l’idée est louable, il serait totalement contre-productif du fait du choc d’offre et d’investissement que le Gouvernement poursuit par ce texte pour transformer les immeubles de bureaux. Quel investisseur, au-delà des risques que nous avons déjà évoqués et des coûts induits par la transformation, prendrait le risque – on peut le regretter, pardonnez-moi pour cette approche très pragmatique – d’avoir un bâtiment occupé pendant une période transitoire avec, à la fin des fins, l’obligation certainement d’expulser l’association, même si ce n’est pas par la force, et donc de provoquer des situations encore plus dramatiques ?
M. François Pupponi. La question posée par M. Nogal est fondamentale, et il faudra bien coordonner l’article 9 et l’article 11 car les locaux de l’article 9 pourront être réquisitionnés dans le cadre de l’article 11 ; je ne vois rien, en effet, qui empêche le préfet de réquisitionner au titre de l’article 11 des bureaux transformés en logement.
M. Stéphane Peu. Je trouve la proposition plutôt intéressante et ne partage pas du tout les craintes de M. Reda. Quand une association occupe aujourd’hui des locaux pour six ou huit mois, les choses sont relativement bien encadrées ; j’en ai fait l’expérience. La seule question que je me pose concernant cet amendement, c’est son articulation avec les règles de mixité. Il ne faudrait pas que des locaux vacants de moindre attractivité, dans des territoires un peu stigmatisés, soient réquisitionnés pour de l’hébergement d’urgence quand ceux, forts de toutes les exonérations qui viennent d’être adoptées, se transformeraient en logements de standing dans les beaux quartiers. Sous réserve de respecter des règles de mixité sociale, je suis plutôt favorable à l’amendement.
Mme Célia de Lavergne. C’est un sujet qui tient à cœur au groupe La République en marche. L’expérimentation, monsieur le secrétaire d’État, date de 2009 et nous sommes en 2018 : pourrait-on, peut-être d’ici à la séance publique, avoir de premiers éléments de bilan ? Il est important pour nous d’inscrire dans cette loi des engagements que nous voulons prendre vis-à-vis de l’hébergement d’urgence et de l’utilisation temporaire de bureaux. J’entends que la rédaction pose question, sur l’objet, la mixité sociale… Je souhaite que nous le retravaillions avec vous.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il y a deux sujets différents. Certains d’entre vous ont parlé de ce que nous proposons à l’article 11, à savoir que des bureaux laissés vacants pendant un certain temps puissent être réquisitionnés pour une courte durée pour de l’hébergement d’urgence. C’est quelque chose que nous proposons, car quoi de plus insupportable que de voir, l’hiver, une personne sans abri dormir au pied d’un immeuble de bureaux vacants, alors qu’en même temps, au Gouvernement, nous luttons nuit et jour pour trouver des logements ou des centres pour les personnes sans abri ? Il faut donc à la fois savoir manier l’incitation, nos débats ont prouvé que nous en étions capables, et la fermeté quand c’est nécessaire.
L’autre sujet est celui du présent amendement, qui consiste à savoir si, lorsqu’un immeuble est vacant, la gestion de cette vacance pour y loger des personnes doit être du ressort des associations uniquement ou peut être le fait d’autres structures ?
Nous n’avons pas à ce jour de retours de l’expérimentation de 2009. Je ne peux pas dire que ce soit une situation satisfaisante, mais c’est un fait, et je ne suis pas sûr de pouvoir, d’ici quinze jours, fournir un retour d’expérience. Vous avez mille fois raisons de pointer le sujet mais il faut le traiter avec méthode : cela passe par le retour d’expérience, et cela prendra un peu plus de temps.
M. Mickaël Nogal. La loi de 2009 prévoyait une évaluation au bout de dix-huit mois ; nous sommes en 2018. Je suis d’accord pour revoir la rédaction de l’amendement sur les personnes publiques et privées. S’agissant de l’évaluation, je suis le premier à reprocher à mes collègues de toujours demander des rapports. Mettons ce dispositif en place en disant qui doit procéder à l’évaluation et en demandant à la structure désignée un rapport ; le problème des rapports, en général, c’est qu’il n’est dit nulle part qui doit faire le rapport, et il tombe par conséquent dans les oubliettes. Je n’aurais pas déposé cet amendement si la situation n’était pas aussi grave.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE2428 de M. François Pupponi.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ce que l’on prévoie une autorisation précaire pour les travaux qui changent, même temporairement, la destination d’un immeuble ; cela va plus loin qu’un simple changement d’usage.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Article 10
(articles L. 122-1 et L. 122-2 du code de la construction et de l’habitation)
Immeubles de moyenne hauteur
Seule la notion d’immeuble de grande hauteur a, aujourd’hui, une existence juridique. Constitue un immeuble de grande hauteur tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie :
– à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation ;
– à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles.
Les immeubles de grande hauteur sont répartis dans les dix classes suivantes :
– GHA : immeubles à usage d’habitation ;
– GHO : immeubles à usage d’hôtel ;
– GHR : immeubles à usage d’enseignement ;
– GHS : immeubles à usage de dépôt d’archives ;
– GHTC : immeubles à usage de tour de contrôle ;
– GHU : immeubles à usage sanitaire ;
– GHW 1 : immeubles à usage de bureaux répondant aux conditions fixées par le règlement de sécurité-incendie et dont la hauteur du plancher bas est supérieure à 28 mètres et inférieure ou égale à 50 mètres ;
– GHW 2 : immeubles à usage de bureaux dont la hauteur du plancher bas est supérieure à 50 mètres ;
– GHZ : immeubles à usage principal d’habitation dont la hauteur du plancher bas est supérieure à 28 mètres et inférieure ou égale à 50 mètres et comportant des locaux autres que ceux à usage d’habitation ne répondant pas aux conditions d’indépendance fixées par les arrêtés prévus aux articles R*.111-13 et R**.122-4 du code de la construction et de l’habitation ;
– ITGH : immeuble de très grande hauteur.
Les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code de la construction et de l’habitation prévoient que les travaux qui conduisent à la création, l’aménagement, la modification ou le changement de destination d’un immeuble de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d’État et ne peuvent être exécutés qu’après autorisation de l’autorité chargée de la police de la sécurité.
2. Les dispositions du projet de loi
Les quatre premiers alinéas créent une nouvelle catégorie, celle d’immeuble de moyenne hauteur, distincte de la catégorie d’immeuble de grande hauteur. Un décret en Conseil d’État viendra préciser sa définition ainsi que les règles de sécurité, moins strictes que pour les immeubles de grande hauteur, qui s’y appliqueront. D’après l’étude d’impact, le décret prévoira une réglementation unique pour une même tranche de hauteur de bâtiment (28 m‑50 m), quel que soit l’usage. Les classes GHW 1 et GHZ devraient ainsi être adaptées ou supprimées.
L’alinéa 5 prévoit, comme tel est déjà le cas pour les immeubles de grande hauteur, une autorisation de l’autorité chargée de la police de la sécurité avant l’engagement de travaux.
L’alinéa 6 prévoit, comme tel est déjà le cas pour les immeubles de grande hauteur, que le permis de construire tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l’objet d’un accord de l’autorité chargée de la police de la sécurité.
Ces mesures s’appliqueront aux futurs immeubles, mais aussi au parc existant sous réserve du niveau de sécurité et d’équipement du bâtiment. L’objectif est de faciliter la densification des centres urbains et de simplifier les futurs changements d’usages et la mixité d’usage au sein d’un même bâtiment.
La création de la catégorie d’immeuble de moyenne hauteur permettra une mixité d’usage et facilitera la réversibilité des usages, notamment pour permettre la transformation de bureaux en logements plus aisément. Le rapporteur tient à souligner que le fait que l’immeuble soit de moyenne hauteur ne changera rien aux règles d’accessibilité qui sont fixées par d’autres réglementations et pour tous les usages (habitations, établissements recevant du public, locaux recevant des travailleurs...).
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté un amendement rédactionnel ainsi qu’un amendement, à l’initiative du rapporteur, précisant que les travaux qui conduisent au changement de destination d’un immeuble de moyenne ou de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d’État. La commission a ainsi souhaité s’assurer que la réduction des coûts de construction et d’exploitation permise par la création de la catégorie d’immeuble de moyenne hauteur ne se fera pas au détriment des règles de sécurité.
*
* *
La commission examine l’amendement CE983 de M. Richard Lioger.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement prévoit que les travaux qui conduisent au changement de destination d’un immeuble de moyenne ou de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE1393 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. L’article 10 crée une catégorie d’immeuble de « moyenne hauteur » qui disposera de règles de sécurité incendie adaptées pour faciliter la mutation de bureaux en logements.
Or, il faut garder à l’esprit l’incendie survenu à Londres le 14 juin 2017 et qui a fait au total 70 victimes. Des économies avaient été recherchées lors de la rénovation du bâtiment, de sorte que des panneaux d’aluminium et de polyéthylène avaient été favorisés pour rénover la façade au lieu des panneaux de zinc, bien plus résistants au feu. Ce matériau a donc favorisé la propagation du feu lors de l’incendie.
Il convient donc de s’assurer que les immeubles de moyenne hauteur respectent les règles de sécurité essentielle à la conservation de la vie des personnes, et à la tâche des pompiers, en cas d’incendie.
Cet amendement vise à mettre en conformité les immeubles de moyenne hauteur avec l’arrêté du 19 juin 2015 modifiant l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation déjà soucieux des règles de sécurité incendie.
Bref, nous sommes d’accord pour alléger et simplifier la réglementation, mais pas lorsqu’il s’agit de normes de sécurité.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, pour deux raisons. Un texte de loi ne doit en principe pas renvoyer à un arrêté. En l’occurrence, celui-ci a été pris avant la création de cette nouvelle catégorie d’immeubles que sont les immeubles de moyenne hauteur. Il ne fixe donc pas de règle spécifique pour ce type d’immeubles.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.
Quand on cherche à transformer des bureaux en logements, on se heurte à cette difficulté que la réglementation relative aux normes de sécurité incendie est très différente selon la nature des immeubles, qui suivent deux typologies distinctes. C’est pourquoi nous créons, par l’article 10, une nouvelle catégorie d’immeubles de moyenne hauteur, compris entre 28 et 50 mètres, dont les normes relatives à la sécurité incendie seront prises par décret. Il ne s’agit en aucun cas d’abaisser le niveau des normes de sécurité incendie, mais seulement de permettre la transformation d’un immeuble de bureaux en immeuble de logements, sans avoir à modifier tout l’immeuble du fait d’un écart initial entre les normes.
En outre, vous proposez de modifier par la loi la réglementation de ces immeubles de moyenne hauteur, là où nous prévoyons de préciser par décret la définition de ces immeubles.
M. Thibault Bazin. Pourquoi attendre un décret ? Pourquoi ne pas le prévoir dans la loi, si votre intention est bien d’assurer un haut niveau des normes de sécurité ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour deux raisons. Il y a d’abord un travail technique important à effectuer, que nous avons amorcé avec les forces de sécurité, et notamment avec les pompiers. Nous suivrons naturellement ce qu’ils recommandent. Le drame absolu qu’a connu Londres avec l’incendie de la tour Grenfell concernait un immeuble de très grande hauteur, catégorie pour laquelle nous ne modifions pas la réglementation.
En revanche, il nous faut viser une harmonisation entre les immeubles de bureaux et ceux de moyennes hauteurs, compris entre 28 et 50 mètres, pour permettre le passage d’une catégorie à l’autre. Nous préparons l’avenir en ouvrant la possibilité de transformer des immeubles construits aujourd’hui et qui pourraient être vacants dans dix, quinze ou vingt ans.
L’amendement est retiré.
La commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE1116 du rapporteur.
Puis elle examine les amendements identiques CE433 de M. Thibault Bazin et CE2005 de M. Bruno Fuchs.
M. Thibault Bazin. Même le Conseil d’État considère cette nouvelle catégorie d’immeubles de moyenne hauteur avec réserve : « Le Conseil d’État estime par ailleurs que l’étude d’impact devrait être complétée pour présenter les différentes options possibles, expliciter les raisons qui ont conduit à choisir celle consistant à créer une nouvelle catégorie d’immeubles et préciser les impacts de cette option ».
Je voudrais mentionner la question de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Il faut bien s’assurer que des conditions particulières puissent être prévues pour des personnes à mobilité réduite (PMR).
M. Bruno Fuchs. Rappelons l’inquiétude du monde du handicap, qui a dû faire des concessions importantes dans ce projet de loi. Après avoir mis des années à obtenir des dispositions qui reconnaissent l’accessibilité de tous les lieux publics et prévoient également des mesures pour rendre accessibles les habitations privées, il mérite une reconnaissance. Cela passe par l’inscription dans la loi d’une obligation d’accessibilité pour ces immeubles d’un nouveau type.
M. Richard Lioger, rapporteur. Demande de retrait. Nous sommes d’accord sur le fond, mais les immeubles de moyenne hauteur devront bien respecter les dispositions du code de la construction et de l’habitation. Il nous semble donc inutile de le repréciser. Vos préoccupations trouveront de toute façon satisfaction.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Cette catégorie d’immeubles est créée pour harmoniser des normes de sécurité, et non des normes relatives à l’accessibilité des personnes handicapées, qui seront valables pour l’ensemble des aménagements.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l’article 10 modifié.
La commission examine l’amendement CE2437 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Il s’agit pour ainsi dire d’un amendement rédactionnel. Il me semble que l’action judiciaire relative aux infractions aux règles de changement d’usage des locaux à usage d’habitation appartient plutôt à la municipalité tout entière qu’au « maire ».
M. Richard Lioger, rapporteur. Vous voulez clarifier le fait que l’action judiciaire relative aux infractions aux règles de changement d’usage des locaux à usage d’habitation est bien initiée par la commune, et non par le maire en son nom propre. Il n’y a, selon moi, pas besoin d’opérer cette clarification.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Dans cet article, le mot « maire » fait référence à la mairie, et non à la personne du maire.
L’amendement est retiré.
Article 11
(articles L. 642-1, L. 642-3, L. 642-4, L. 642-5, L. 642-15, L. 642-23
du code de la construction et de l’habitation)
Procédure de réquisition pour l’hébergement d’urgence
La procédure de réquisition avec attributaire, prévue aux articles L. 642-1 à L. 642-17 du code de la construction et de l’habitation, a été introduite par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions ([48]). Elle permet au préfet, après avis du maire, de réquisitionner des locaux vacants depuis plus de douze mois pour les donner en jouissance à un attributaire, à charge pour lui de les donner à bail à des personnes justifiant de ressources modestes, inférieures à un plafond fixé par décret. La durée de la réquisition est de un à six ans et peut être portée à douze ans en fonction de l’amortissement des travaux de mise aux normes d’habitabilité. L’attributaire verse au titulaire du droit d’usage des locaux une indemnité déterminée en fonction du loyer au mètre carré de surface habitable, après déduction de l’amortissement des travaux et des frais de gestion.
2. Les dispositions du projet de loi
Le projet de loi adapte la procédure de réquisition afin de l’étendre à l’hébergement d’urgence. L’alinéa 4 prévoit que la réquisition donne la jouissance des locaux à un attributaire qui peut les utiliser pour assurer l’hébergement d’urgence des personnes sans abri.
Les alinéas 3 et 7 adaptent la durée de réquisition aux locaux utilisés pour l’hébergement d’urgence. Cette durée ne peut pas excéder deux ans mais peut, en cas de travaux, être portée à quatre ans.
L’alinéa 13 ajoute à la liste des attributaires des réquisitions les organismes conventionnés par l’État pour assurer des missions d’hébergement d’urgence. Comme l’indique l’alinéa 14, ces organismes doivent signer une convention régissant leurs rapports avec l’État.
L’alinéa 20 adapte le calcul de l’indemnité que l’attributaire verse mensuellement au titulaire du droit d’usage. Elle est équivalente au loyer déterminé en fonction du prix de base au mètre carré de surface, fixé par décret, déduction faite de l’amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par l’attributaire pour satisfaire aux normes minimales requises. À la différence de l’indemnité payée par le bénéficiaire de la procédure de réquisition existante, les frais de gestion ne sont pas déduits du calcul de cette indemnité. L’alinéa 23 modifie le calcul du loyer sur lequel se base celui de l’indemnité. Il prévoit que le loyer sera désormais déterminé en fonction du prix de base au mètre carré de surface et non plus du mètre carré de surface habitable.
Le rapporteur juge nécessaire d’accroître et de diversifier l’offre pour l’hébergement d’urgence et souscrit donc pleinement aux mesures prévues par cet article.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté trois amendements rédactionnels sur cet article.
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* *
La commission examine l’amendement CE791 de M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget. J’ai déposé cet amendement de suppression pour deux raisons. D’abord, la réquisition est déjà encadrée par le code de la construction et de l’habitation. Ensuite, il s’agit d’une atteinte forte au droit de propriété. Or je crois que nous n’avons pas intérêt à aller dans ce sens-là.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Par l’extension de la procédure de réquisition à l’hébergement d’urgence, l’article 11 tend à favoriser l’accès des personnes les plus fragiles à un logement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous l’aurez remarqué, cette loi n’impose quasiment pas de nouvelles contraintes. C’est vraiment l’esprit dans lequel nous l’avons bâtie.
Il convient néanmoins de responsabiliser tout le monde. En facilitant la transformation de bureaux en logements, nous ouvrons des possibilités, nous libérons. Nous essayons ainsi de créer un choc d’offre. En même temps, il faut aussi protéger. Ceux qui ont aujourd’hui tous les moyens de transformer des bureaux en logements ne doivent plus avoir d’excuse pour ne rien vouloir faire. La réquisition doit alors être possible.
Elle existe déjà dans le code, mais selon une temporalité qui permet la transformation de ces immeubles de bureaux en logements, et non en hébergement. Dans la réglementation actuelle, une réquisition qui suppose des travaux peut être portée jusqu’à six ans. Les travaux à faire pour un simple hébergement sont plus courts ; il est normal que la réquisition soit d’une durée plus courte en ce cas.
C’est pourquoi nous proposons une réquisition de deux ans pouvant aller jusqu’à quatre, et non une réquisition de un an pouvant aller jusqu’à six ans.
M. Thibault Bazin. Nous avons eu le même débat hier soir au sujet de l’article 9. Certes, on peut imaginer que cette problématique va diminuer d’elle-même. Mais le pari est risqué. Si les besoins en hébergement d’urgence augmentent, ou du moins qu’ils ne baissent pas, est-ce au secteur privé d’être spolié, ou du moins réquisitionné ? Ou bien est-ce à la puissance publique de mettre les moyens en assurant la production de logements d’urgence pour pouvoir répondre à cette nécessité ? J’ai peur que, en l’absence de choc d’offre, un problème se pose. Vous parlez de libéralisation et de protection. Mais pouvons‑nous aussi parler de résultat ?
M. Sébastien Jumel. Notre groupe est plutôt favorable, sur le plan juridique, aux réquisitions. J’ai cependant deux interrogations.
Comme maire, je mesure bien combien il était nécessaire de se doter d’un outil opérant pour réaliser les travaux une fois l’expropriation effectuée. D’où ma première question : de quels moyens financiers l’État va-t-il se doter pour qu’on n’en reste pas au stade des intentions formelles ?
Deuxième préoccupation : j’ai entendu dire que vous cherchiez à priver les maires de leurs prérogatives d’urbanisme sur le territoire de leur commune. Pour ma part, je suis attaché à la mairie comme instance de souveraineté à préserver à tout prix. Dans le cadre de cette réquisition, cadre auquel nous adhérons, les maires seront-ils sollicités pour donner un avis, non seulement sur l’opportunité de transformer les bureaux vacants, mais aussi sur l’opportunité des lieux, des moments et des modalités ? Le maire doit être respecté, y compris dans notre République une et indivisible.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons énormément travaillé durant tout l’hiver sur l’hébergement d’urgence. La nuit dernière, 135 000 personnes, environ, ont dormi dans un centre d’hébergement d’urgence. Nous avons investi en ce domaine des moyens financiers sans commune mesure par rapport à tout ce qui s’est fait depuis des décennies.
Cette année, au-delà de toutes les places exceptionnelles que nous avons ouvertes durant l’hiver, nous avons pérennisé 5 000 nouvelles places, portant le total des places disponibles à 135 000.
La bonne politique à suivre, c’est de transformer ces hébergements d’urgence en logements. Mais arrivera-t-on à diminuer ainsi le nombre de personnes concernées ? Je l’espère. Reste qu’un nombre considérable de nos concitoyens en ont encore besoin. Et cela va continuer. Notre objectif est de faire face à cette demande, tout en préparant le basculement de l’hébergement vers le logement. D’où la transformation des bureaux en logements.
Mais qui doit faire les travaux d’aménagement ? L’expérience montre que, lorsque vous transformez un site pour en faire de l’hébergement d’urgence, les travaux sont sans commune mesure avec ceux qui sont nécessaires pour transformer des bureaux ou un espace vacant pour en faire des logements.
Ainsi, au cours des trois vagues successives de grand froid cet hiver, il a été possible d’ouvrir des centres en quelques heures ou quelques jours, y compris dans des anciens bureaux inoccupés depuis quelques mois et en attente de travaux. Des associations financées par l’État sont outillées et armées pour le faire. Elles disposent aussi de l’expertise nécessaire.
La réquisition en vue de faire de l’hébergement ne posera donc pas aux communes de problème de financement comparable à celui qui existe en effet lorsqu’il s’agit de transformer des locaux en logement. Cela se fera-t-il sur avis du maire ? Non, ce sera sur avis du préfet, comme c’est d’ores et déjà le cas en période de grand froid. En pratique, il s’agit d’un travail en commun entre les préfets et les maires. Nous restons donc dans le droit commun sur ce sujet.
M. François Pupponi. Il manque cependant un aspect dans votre discours. Si l’on confie aux préfets la charge des réquisitions, nous poursuivrons la ghettoïsation, car ce sont toujours les mêmes quartiers qui sont concernés. Il convient certes de réquisitionner, mais non systématiquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Or, si aucune contrainte ne s’exerce sur les préfets, ils continueront, comme depuis cinquante ans, à mettre les plus fragiles dans les quartiers les plus défavorisés.
C’est le drame de ce pays ! Il faut en finir avec la politique d’apartheid évoquée par Manuel Valls. Il faut arrêter la ghettoïsation, en le prévoyant dans la loi.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons ce débat depuis des mois. Les chiffres sont là : le nombre de places exceptionnelles ouvertes pendant les périodes de grand froid était supérieur à la périphérie de Paris que dans la périphérie de
l’Île-de-France.
Nous avons ainsi ouvert des places à l’Hôtel-Dieu, dans des bâtiments administratifs transformés du 4e arrondissement de Paris, dans les anciens bureaux de l’administration de la Défense juste à côté de l’hôtel de Brienne… donc pas seulement dans les QPV.
Plutôt que d’écrire dans la loi qu’aucune réquisition ne se fera dans les QPV, donnons directement des instructions aux préfets.
M. Stéphane Peu. Je souscris complètement à la proposition de François Pupponi. Si vous étudiez une cartographie de l’Île-de-France, vous verrez que le Samu social de Paris porte mal son nom : il héberge en effet principalement dans le Val-d’Oise et à Saint-Denis les personnes en situation d’urgence, et non dans Paris intra muros. Dans les villes de ces départements, on cumule ainsi toutes les difficultés. Un préfet ne reloge pas dans l’Ouest parisien ! Finissons-en avec les belles déclarations et fixons les choses clairement dans la loi !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je parlais de places ouvertes exceptionnellement pendant les périodes de grand froid. Cela étant vous avez raison : d’une manière générale les places du dispositif d’hébergement sont beaucoup plus nombreuses en dehors de Paris. La question de la spatialisation est en effet fondamentale mais ne doit pas être inscrite dans la loi. Elle doit faire l’objet d’une politique du Gouvernement, qui donnera ses consignes aux préfets.
M. Stéphane Peu. Cela ne se fera pas !
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE2079 de Mme Bénédicte Taurine.
Mme Bénédicte Taurine. En France, il n’existe pas de recensement officiel des sans domicile fixe (SDF) récent. Seule une enquête de l’INSEE de 2012 établissait à 143 000 le nombre de personnes sans domicile en France, dont 28 800 adultes francophones dans l’agglomération parisienne.
Alors que le Gouvernement prétendait que seulement une cinquantaine d’hommes isolés dormaient à la rue contre leur gré en Île-de-France, on sait d’après le recensement effectué par la mairie de Paris qu’ils seraient au bas mot près de 3 000.
Selon la fondation Abbé Pierre, ce chiffre avancé par le Gouvernement correspond aux seules personnes qui ont appelé le 115, ont été entendues au téléphone mais sans se voir proposer de solution.
Pour pouvoir héberger ces personnes, il nous semble nécessaire d’utiliser le dispositif déjà existant et d’allonger la durée possible de réquisition des logements vacants.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.
La procédure de réquisition sans attributaire à laquelle se réfère votre amendement n’a pas été mise en œuvre. Il n’est donc pas opportun d’allonger la durée de la réquisition. Il est préférable de privilégier la procédure de réquisition avec attributaire qui est l’objet de l’article 11 du projet de loi.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le sujet de la réquisition est un sujet plus que complexe. La réquisition classique a montré son inefficacité : elle ne marche que très peu. C’est pourquoi nous proposons de l’étendre aux espaces vacants dont le propriétaire est connu.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CE1835 de M. Stéphane Peu et CE2321 de M. François Pupponi.
M. Stéphane Peu. Il faut accorder aux structures qui réquisitionnent des délais qui leur permettent d’investir dans les travaux à faire : de un an à six ans ou plus. Si les délais sont trop courts, leurs investissements ne seront pas amortis.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.
Les modalités applicables à la réquisition de locaux pour faire du logement doivent être adaptées à l’hébergement d’urgence pour que le dispositif fonctionne. Ainsi, la durée de réquisition prévue est plus courte, la réquisition en matière d’hébergement d’urgence ayant vocation à répondre à des besoins plus ponctuels.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2242 et CE2243 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Le premier amendement vise à interdire ce type de réquisitions dans les QPV. Le second, de repli, prévoit qu’à défaut, la réquisition soit conduite en accord avec le maire.
J’avais déposé un troisième amendement dont nous ne discuterons pas, car il n’a pas passé le cap de la recevabilité financière au titre de l’article 40. Il prévoyait en effet que, lorsque l’État réquisitionne des locaux dans les QPV, il doive verser aux communes concernées, parmi les plus pauvres, une compensation financière pour la charge supplémentaire que cela représente pour leurs services sociaux et pour leurs écoles.
Si l’État veut réquisitionner dans les QPV, qu’il en assume du moins la charge !
M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne suis pas favorable à exclure du champ d’application de cette procédure les locaux qui sont situés dans les quartiers prioritaires de la ville.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
M. Stéphane Peu. Cet amendement de bon sens renvoie à des réalités très concrètes : 1 400 chambres d’hôtel réquisitionnées à Saint-Denis et 8 classes de maternelle ! Tout cela à la charge de la commune ! Sauf à vouloir laisser les préfets poursuivre la ghettoïsation, je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à ces amendements de mixité sociale.
M. Sébastien Jumel. Les récentes consultations électorales ont montré que la France était éclatée, émiettée. Les problématiques de logement que connaît l’Île-de-France se retrouvent aussi ailleurs. Les mêmes tendances à la ghettoïsation sont ainsi présentes en Seine-Maritime. Je voudrais bien disposer, pour la séance publique, d’une cartographie des hébergements d’urgence. On y verra que Saint-Étienne-du-Rouvray, Dieppe et Cléon sont plus souvent retenus que Mont-Saint-Aignan, près de Rouen, ou Bois-Guillaume. Par les choix qu’ils opèrent, les préfets ne font qu’accentuer la ghettoïsation.
Ces amendements me semblent donc de bon sens, y compris pour solliciter l’avis du maire.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Au fond, pourquoi rend-on possible ces réquisitions ?
D’abord, nous plaçons les propriétaires devant une alternative : soit ils louent leurs bureaux ou les transforment en logements, soit nous réquisitionnons les locaux. Si nous ne suspendons pas au-dessus de leurs têtes cette épée de Damoclès, pour les bureaux vacants situés dans les QPV, ils resteront en effet vacants dans ces zones, comme c’est le cas aujourd’hui.
Ensuite, s’agissant de l’aspect financier, il ne peut être traité dans cette loi, mais devra l’être plutôt dans des textes financiers. Nous aurons donc l’occasion de l’examiner.
M. François Pupponi. Quand des bureaux peuvent être transformés en logements dans des QPV, il faut naturellement le faire. Que les réquisitions servent à transformer des bureaux en hébergements d’urgence dans les QPV, c’est un autre problème.
S’agissant de la partie financière, elle ne saurait en effet être traitée dans ce texte. Mais pouvez-vous prendre un engagement devant la représentation nationale la semaine où le Président de la République va s’exprimer sur les banlieues ? Pouvez-vous dire que l’État assumera financièrement s’il continue à ghettoïser ? Si rien n’est prévu en ce sens, tout continuera comme avant et les préfets réquisitionneront en priorité dans les communes dépourvues de moyens.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons eu ce débat avec le Président de la République. Les crédits affectés aux QPV ont été maintenus, ou même augmentés. Ne nous faites donc pas de mauvais procès.
J’ai passé des heures avec les propriétaires de ces bureaux vacants, pour lesquels des incitations, mais aussi des injonctions fortes, sont nécessaires. Nous devons manier la carotte et le bâton, dans les QPV comme ailleurs. Quant à la mixité sociale, c’est un sujet plus large sur lequel nous travaillons également.
M. Stéphane Peu. Nous sommes certes partisans d’une politique de la carotte et du bâton, mais nous parlons en fait de deux choses différentes.
La réquisition est en effet une arme utile à la disposition des maires. Mais, s’agissant de l’hébergement d’urgence, veut-on accroître encore, à travers lui, la spécialisation sociale des territoires ? Il en ira ainsi tant que l’action des préfets ne sera pas encadrée par la loi – comme l’a mis en évidence Jean-Louis Borloo dans son rapport.
La commission rejette, successivement, les amendements CE2242 et CE2243.
Elle examine ensuite les amendements identiques CE1836 de M. Stéphane Peu et CE2645 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Il y a une contradiction : on veut que les populations les plus éloignées du logement vivent dans des conditions décentes et on diminue dans le même temps le niveau des normes de constructibilité et d’accueil. Je propose donc la suppression des alinéas 5 à 8.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.
Vous avez bien compris qu’il s’agissait ainsi d’accélérer la reconversion. L’article du code de la construction et de l’habitation existant ne fait qu’indiquer un droit, pour l’attributaire, de réaliser des travaux, payés par lui, de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité. Le projet de loi ne fait qu’élargir les travaux que l’attributaire peut réaliser.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ne faisons pas dire à la loi ce qu’elle ne dit pas. Les alinéas 5 à 8 allongent de deux à quatre ans la durée de la réquisition, lorsque des travaux sont nécessaires. Ils assurent ainsi que ces travaux seront amortis. C’est tout l’inverse des intentions que vous prêtez à cet article ! Grâce à lui, davantage de travaux seront possibles.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CE2077 de M. François Ruffin.
Mme Bénédicte Taurine. L’article 11 a vocation à réviser les procédures pour réquisitionner les locaux vacants depuis plus de douze mois et les étendre à l’hébergement d’urgence des personnes sans abri avec adaptation des durées.
Cependant, limiter cette procédure de réquisition dans le cadre de l’hébergement d’urgence à deux ans maximum, voire quatre ans si des travaux sont nécessaires, nous semble insuffisant. En effet, une durée plus longue est indispensable pour permettre aux individus de se réinsérer. Le risque serait de renvoyer ces personnes à la rue sans solution au bout de deux ans. Pourquoi faire une différence entre les situations ? Nous demandons donc que la procédure soit identique pour toutes et tous.
M. Richard Lioger, rapporteur. Les modalités applicables à la réquisition de locaux pour faire du logement doivent être adaptées à l’hébergement d’urgence pour que le dispositif fonctionne. Ainsi, la durée de réquisition prévue est plus courte, la réquisition en matière d’hébergement d’urgence ayant vocation à répondre à des besoins plus ponctuels.
Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CE1119 et CE1431 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE2078 de Mme Mathilde Panot.
Mme Bénédicte Taurine. Selon l’article 30 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, « un ménage est considéré en situation de précarité énergétique lorsque son revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie. »
Or cinq millions de foyers sont concernés par la précarité énergétique. Celle-ci n’est pas uniquement liée à des éléments de revenus qui empêchent les individus d’améliorer la qualité environnementale de leur logement : elle dépend aussi de conditions de logement dégradées qui empêchent les individus de maîtriser leur consommation d’énergie et de vivre dans des conditions de logement dignes. Il manque encore et toujours un critère de performance énergétique clair et mesurable autorisant la location d’un logement.
M. Richard Lioger, rapporteur. Les personnes en situation de précarité énergétique sont des personnes justifiant de faibles ressources et souffrant de mauvaises conditions de logement. Elles peuvent donc déjà bénéficier de la procédure de réquisition. Demande de retrait.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE1120 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CE2429 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous n’avons pas voulu créer d’obligation légale pour les préfets. Il n’en reste pas moins que treize communes du Grand Paris concentrent 60 % de l’offre de places d’hébergement existante.
Mon amendement propose que, dans les communes dépourvues de QPV, où la loi dispose aujourd’hui qu’une place d’hébergement d’urgence doit être disponible pour 1 000 habitants, ce chiffre soit porté à trois pour mille. À défaut de contraindre les préfets, nous obligeons du moins d’autres communes à accueillir des personnes en hébergement d’urgence.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne suis pas favorable à créer une dérogation pour les communes disposant d’un quartier prioritaire de la politique de la ville en ce qui concerne le nombre de places d’hébergement d’urgence à créer.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis défavorable repose sur d’autres raisons.
Premièrement, dans la pratique, fixer des objectifs chiffrés dans la loi ne marche pas. On pourrait aussi bien proposer 5 pour 1000, cela reviendrait au même. Comme vous le savez, ces places d’hébergement d’urgence sont issues d’un dialogue entre les maires et les préfets, d’une part, et les associations d’autre part. Rappelons au passage que, par le truchement de ces dernières, ces places d’hébergement d’urgence sont en grande partie financées par l’État. Cela représente une dépense de deux milliards d’euros par an, ce poste particulier ayant connu cette année une augmentation de 10 %.
Deuxièmement, notre politique a non seulement pour objet de faire face aux besoins d’urgence, mais aussi de passer de l’hébergement au logement. Nos efforts portent d’abord sur le logement. C’est pourquoi nous finançons 40 000 intermédiations locatives, 10 000 pensions de famille et 40 000 prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI). C’est pourquoi nous sommes en train d’identifier 20 000 logements vacants pour pouvoir les donner à des personnes qui sont en situation de réfugiés.
Il faut en finir avec la politique de l’hébergement d’urgence qui se perpétue d’année en année.
M. Stéphane Peu. J’espère que nous reconnaîtrons tous les vertus de la loi SRU en faveur du logement social. Pourquoi ne pourrait-on pas adopter un mécanisme de répartition similaire en matière de logements d’urgence ? Croyez‑vous vraiment que, si treize villes de la région parisienne – dont celle où je suis élu – accueillent 60 % de l’hébergement d’urgence, cela soit le résultat d’un dialogue fructueux entre les préfets et les maires ? Il s’agit plutôt d’une politique du fait accompli !
En revanche, lorsqu’il est question, pour héberger les 2 000 réfugiés installés actuellement sur les berges du canal d’Aubervilliers, d’ouvrir un centre dans le bois de Boulogne, les discussions avec les maires des villes environnantes peuvent durer des années. Il y a vraiment deux poids deux mesures. Si la loi ne contraint pas à une répartition équitable, cela ne se fera pas tout seul. Soyons pragmatiques et partons de l’expérience !
M. Jean-Louis Bricout. Mes propos rejoindront ceux de notre collègue Stéphane Peu. Si le système ne marche pas, c’est précisément faute d’encadrement de ce dialogue entre les préfets et les maires. Si un ratio était fixé ou qu’un mécanisme similaire à celui de la loi SRU était prévu, le cadre du dialogue serait plus vertueux.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous traitons cette question chaque hiver, cette année ayant étant particulièrement rude, avec trois vagues de froid successives.
Vous voulez déléguer la responsabilité des places d’hébergement aux maires, en leur demandant d’en créer trois plutôt qu’une seule pour mille habitants. Mais vous savez bien que les choses ne se passent pas comme ça ! C’est l’État en effet qui finance l’ouverture de ces places d’hébergement d’urgence.
Vous soulevez une question légitime. Mais la réponse ne consiste pas à imposer partout par la loi que soient créées trois places d’hébergement d’urgence pour 1 000 habitants hors QPV, car cela ne changerait rien du tout. Pour répondre à cette préoccupation, il faut concentrer tous nos efforts sur la transformation des hébergements d’urgence en logements. Les 40 000 places d’hôtel qui ont été ouvertes durant le précédent quinquennat sont occupées par autant de familles qui ne bénéficient d’aucun accompagnement ni du soutien d’aucun travailleur social. Elles peuvent parfois passer plus de dix ans dans ces hôtels…
Si je partage votre préoccupation de mixité sociale, je ne crois donc pas qu’elle puisse trouver une réponse dans la loi.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
La commission examine l’amendement CE2496 de Mme Constance Le Grip.
M. Thibault Bazin. Il s’agit d’une demande de rapport sur la politique d’attribution des logements de fonction aux personnels de l’État dans les établissements publics locaux d’enseignement. Il est en effet parfois difficile pour les enseignants de se loger, notamment lorsqu’ils sont mutés dans un lieu qu’ils ne connaissent pas. Certaines régions, comme l’Île-de-France, mènent des politiques volontaristes et permettent aux enseignants nouvellement nommés, qui intègrent des lycées en pénurie de professeurs, d’accéder à des logements sociaux, en contrepartie d’un engagement d’au moins cinq ans dans l’établissement.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes assez réservés sur cette demande de rapport, d’autant que les chiffres sont assez facilement accessibles.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Chapitre IV
Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme
La commission examine l’amendement CE1592 de M. Fabien Lainé.
M. Fabien Lainé. Nos débats font apparaître une véritable inquiétude au sujet de notre architecture et du respect de nos paysages et de notre environnement urbain – et c’est un ancien maire et ancien professionnel de la construction qui vous parle.
Nous allons être amenés à beaucoup construire dans les prochaines années, et il est essentiel que cela se fasse selon des architectures de qualité et dans le respect des paysages urbains ou ruraux. Or, aujourd’hui, les services qui instruisent les demandes de permis de construire sont très démunis en la matière et se bornent le plus souvent à se référer aux documents d’urbanisme.
Cet amendement propose donc d’instaurer à destination de ces services une charte architecturale et paysagère.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il n’y a pas lieu d’être inquiet – et c’est un ancien adjoint à l’urbanisme d’une métropole qui vous le dit : les spécificités urbaines et paysagères locales sont en effet prises en compte dans le plan local d’urbanisme (PLU) sans qu’il soit besoin d’alourdir les procédures. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
M. Fabien Lainé. Les grandes agglomérations disposent en effet d’outils et de l’aide d’architectes conseils. Il leur est donc beaucoup plus facile d’appréhender la notion d’architecture. Ce n’est pas le cas dans le monde rural et les petits EPCI. Ils se fondent sur le code de l’urbanisme ou le code de l’environnement mais en aucun cas sur des critères architecturaux. Nous avons donc des motifs de nous inquiéter : je ne voudrais pas que, demain, la Bretagne ressemble à l’Auvergne, et inversement.
La commission rejette l’amendement.
Article 12
(article L. 174-6 du code de l’urbanisme)
Encadrement dans le temps de la remise en vigueur des plans d’occupation des sols en cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité
d’un plan local d’urbanisme (PLU)
Le plan d’occupation des sols (POS), institué en 1967 ([49]) constitue à la fois un document de planification locale de l’espace, pour tout ou partie du territoire d’une commune ou d’un ensemble de communes et un outil juridique réglementant l’usage des sols. Selon le dispositif voulu par la loi dite « SRU » ([50]), le POS était appelé à disparaître progressivement pour être remplacé par le plan local d’urbanisme (PLU). La loi Alur ([51]) a organisé la caducité des POS qui n’auront pas été mis en forme de PLU.
Règles de caducité des plans d’occupation des sols
Situation du POS |
Date de caducité |
POS non transformé en PLU |
31 décembre 2015 |
POS transformé en PLU communal |
Métropole : 27 mars 2017 Outre-mer : 27 septembre 2018 |
Élaboration d’un PLU intercommunal |
1er janvier 2020 |
Source : Article L. 174-1 du code de l’urbanisme
L’article L. 174-6 du code de l’urbanisme, issu de la loi du 13 octobre 2014 ([52]), prévoit de remettre en vigueur des plans d’occupation des sols (POS), sans limite dans le temps, lorsqu’un PLU a été annulé ou déclaré illégal.
2. Les dispositions du projet de loi
Le projet de loi modifie l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme qui, aujourd’hui, a pour effet de faire perdurer les POS alors même que ces documents d’urbanisme sont appelés à disparaître.
L’alinéa 2 de l’article 12 du projet de loi prévoit la remise en vigueur transitoire du POS, durant une période d’un an au cours de laquelle le POS ne pourra faire l’objet d’aucune procédure d’évolution.
À défaut d’un PLU ou d’une carte communale exécutoire dans ce délai d’un an, l’alinéa 3 indique que le POS sera caduc et qu’il sera fait application du règlement national d’urbanisme (RNU) ([53]) sur les territoires concernés. Le Gouvernement espère que cette perspective incitera les collectivités à se doter rapidement d’un PLU, ou d’une carte communale, purgé des vices qui avaient fondé son annulation.
Le rapporteur se félicite de l’équilibre trouvé par cet article. Le délai d’un an laisse le temps aux communes et EPCI compétents d’approuver un PLU ou une carte communale purgé des vices ayant fondé son annulation ou sa déclaration d’illégalité. L’allongement de ce délai ne serait pas de nature à suffisamment inciter les collectivités à réviser leur document d’urbanisme. À l’inverse, il est nécessaire de prévoir une période transitoire pendant laquelle le POS est remis en vigueur afin de ne pas pénaliser trop lourdement les communes qui verraient leur PLU annulé.
4. Les modifications apportées par la commission des affaires économiques
La commission a adopté deux amendements rédactionnels.
*
* *
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1121 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE1567 de M. Jean-Paul Mattei et CE1716 de M. Francis Vercamer, et l’amendement CE1719 de M. Francis Vercamer.
M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement, présenté devant la Délégation des collectivités territoriales et de l’environnement, vise à porter à deux ans au lieu de un le délai de survie des plans d’occupation des sols (POS) en cas d’illégalité ou d’annulation d’un plan local d’urbanisme, et donc de différer d’autant l’application du règlement national d’urbanisme (RNU).
La limitation dans le temps de la survie des POS apparaît logique, puisque ce type de document d’urbanisme est censé avoir disparu au plus tard le 26 mars 2017 ; cependant, l’application du RNU au bout d’un an constitue une sanction trop lourde pour les communes, en raison des importantes restrictions à la construction qui interdisent toute construction en dehors des parties actuellement urbanisées (PAU).
Il existe par ailleurs un risque d’insécurité juridique si les autorisations d’urbanisme accordées en vertu de POS devenus caduques à la suite de l’annulation d’un PLU tombent, remettant en cause les projets en cours.
C’est la raison pour laquelle nous proposons un délai de deux ans, afin de permettre aux communes de disposer d’un temps raisonnable.
M. Thierry Benoit. Nous défendons un amendement identique ainsi qu’un amendement de repli portant le délai à dix-huit mois.
M. Richard Lioger, rapporteur. Le délai d’un an me semble être davantage de nature à inciter les communes à réviser rapidement leurs PLU. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce débat sur lequel nous aurons l’occasion de revenir est plus que légitime, dans la mesure où cela fait dix-sept ans que l’on est censés arrêter les POS pour passer aux PLU. Je ne serai sans doute pas le dernier ministre à devoir décider si l’on accorde ou non des dérogations supplémentaires pour telle ou telle durée. Néanmoins, je crois qu’il faut que nous ayons, tous ensemble, l’honnêteté d’admettre qu’il faut arrêter de repousser sans cesse les échéances, même si la constitution des PLU s’avère un travail épuisant et difficile. Une année de délai supplémentaire me paraît donc suffisante, avant d’acter le passage définitif au PLU, sachant qu’il conviendra d’accompagner tous les élus locaux dans cette démarche.
M. Jean-Paul Mattei. Il s’agit moins d’obtenir des dérogations supplémentaires que de considérer très concrètement les cas où le PLU a été annulé. Un an est un délai très court, notamment lorsque des autorisations d’urbanisme sont annulées. Il y a là un risque réel.
M. Thibault Bazin. Je soutiens ces amendements car tous ceux qui ont un jour exercé des responsabilités locales savent qu’un délai d’un an est trop court. Je comprends les arguments du ministre, mais il faut être réalistes et concrets : si on demande aux élus locaux des choses impossibles, ils ne feront rien. Ces amendements procèdent donc du bon sens.
M. Sébastien Jumel. Je soutiens aussi ces amendements, parce que l’État a une part de responsabilité dans le retard pris par les maires. En ayant modifié, quelquefois de manière abrupte et sans concertation, le périmètre des intercommunalités, il a déstabilisé les maires soucieux d’établir des PLU corrects. Il y a de nombreux endroits où les communes ont abandonné le PLU en cours d’élaboration pour en reprendre un, plus conforme aux nouvelles intercommunalités.
Par ailleurs, un PLU a un coût et, pour les petites communes, les dépenses en matière d’ingénierie que cela nécessite ont également été un frein.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. La responsabilité de l’État est évidente. Cela dit, admettez que chaque projet de loi sur le logement ou l’aménagement du territoire suscite une nuée d’amendements qui tendent à alourdir le PLU avec de nouveaux éléments – c’était le cas de la charte proposée tout à l’heure – et à complexifier davantage la tâche des élus locaux.
La véritable question aujourd’hui est de savoir si on continue à prolonger les délais. Si c’est le choix qui est fait, je mets ma main à couper qu’à la prochaine occasion vous proposerez de nouveaux amendements de prorogation. Je pense pour ma part qu’il faut être ferme et arrêter les compteurs. Je le dis, en ayant néanmoins parfaitement conscience que vous avez raison.
Les amendements CE1716 et CE1719 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CE1567.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1122 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE2340 de M. François Pupponi.
M. François Pupponi. L’élaboration du plan métropolitain d’habitat et d’hébergement (PMHH) du Grand Paris a pris du retard. Il est donc proposé de prolonger un peu les délais.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis plutôt sensible à cet amendement. Je vous demanderai de le retirer pour le retravailler en vue de la séance.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis, sachant qu’il faut que nous soyons cohérents : on ne peut pas en même temps demander aux petites communes de finaliser leurs PLU dans un délai d’un an et accorder un délai supplémentaire à la métropole du Grand Paris.
M. Stéphane Peu. Il y a au moins une bonne raison d’adopter cet amendement, c’est qu’on attend toujours la fumée blanche ou la fumée noire du palais de l’Élysée sur la métropole du Grand Paris. Qu’en sera-t-il de la compétence habitat, et donc de l’élaboration de ce plan ? Ne serait-ce qu’à cause de cette incertitude, il me paraît prudent d’allonger les délais.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est la raison pour laquelle je vous propose que nous retravaillions cet amendement.
L’amendement CE2340 est retiré.
La commission adopte l’article 12 modifié.
Article 12 bis (nouveau)
(articles L. 101-2 et L. 151-7 du code de l’urbanisme)
Lutte contre l’étalement urbain
La commission a adopté un amendement qui inscrit de manière explicite la lutte contre l’étalement urbain dans les objectifs généraux du code de l’urbanisme et qui intègre, dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme, des actions en faveur de la densification urbaine.
*
* *
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1711 et CE1671 de M. Francis Vercamer.
M. Thierry Benoit. En matière de logement locatif social, le code de l’urbanisme permet au PLU d’imposer la réalisation d’une place de stationnement par logement construit. L’objectif de l’amendement CE1711 est de préciser qu’en ces circonstances, la location de l’aire de stationnement ne peut être distincte de la location du logement.
Quant à l’amendement CE1671, il entend préciser que « lorsque les règlements des plans locaux d’urbanisme comprennent des obligations en matière de réalisation d’aires de stationnement dans le cadre de la construction de logement, la location du logement locatif est subordonnée à la location concomitante de l’aire de stationnement ». En effet dans certains cas, le logement est loué avec un garage et les locataires n’utilisent donc pas l’aire de stationnement, ce qui entraîne une certaine anarchie dans les rues.
M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un « marronnier ». Nous sommes absolument défavorables à ce que les locataires du parc social se voient imposer la location d’un parking.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je comprends votre idée mais je suis, par principe, pour la responsabilisation des acteurs. L’article L. 411-1 du code de la construction et de l’habitation dispose que ce sont les bailleurs sociaux qui décident de la location des parkings. Et qui est mieux placés qu’eux ? Avis défavorable.
M. François Pupponi. Je ne suis pas non plus favorable à ce qu’on oblige les locataires à prendre une place de parking. Il est vrai néanmoins que, notamment dans le cadre de l’ANRU, on a construit des milliers de places de parking qui ne sont pas utilisées, tout simplement parce que les bailleurs les louent 40 euros. Il faut donc que ces bailleurs fassent un effort et proposent des tarifs plus incitatifs, car il est en effet absurde que ces emplacements restent vides et que l’espace urbain soit occupé.
M. Stéphane Peu. Je suis très défavorable à ces amendements. L’expérience a déjà été tentée par certains bailleurs, mais il me semble que le fait de lier le bail du parking à celui du logement a été déclaré illégal.
En outre, il faut en effet responsabiliser tout le monde, y compris les responsables des PLU qui produisent des documents imposant la construction d’une place de parking par logement, alors que le taux de motorisation dans leur commune est de 40 %. On ne peut pas vouloir corriger les distorsions entre les obligations du PLU et la réalité du parc automobile en se remboursant sur la location obligatoire de places de parking aux occupants de logements sociaux, qui, le plus souvent, n’ont pas de voiture. C’est absurde !
M. Jean-Luc Lagleize. Il existe en effet un grand nombre de places de parking qui restent vides, puisque les bailleurs ne sont pas obligés de les louer aux locataires, qui garent leurs voitures dans l’espace public et l’encombrent.
Par ailleurs, ces parkings restant vides et la nature ayant horreur du vide, ils finissent par être occupés par des gens qui n’ont rien à y faire ; dans certains quartiers, s’y développent même des ateliers de mécanique clandestins, qui génèrent de l’insécurité. Si bien que, lorsque les bailleurs se décident à les louer à des tarifs avantageux, plus personne n’en veut car ils sont devenus dangereux. Puisque les bailleurs sociaux ne peuvent plus louer ces parkings, ils n’ont qu’à les mettre gratuitement à la disposition de leurs locataires.
M. Thierry Benoit. Je vous invite à relire attentivement l’amendement CE1671 : il fait référence aux cas ou le PLU comprend des obligations en matière de réalisation d’aires de stationnement. Dans ce cas, il est logique que la place de stationnement soit louée avec le logement puisque ses occupants doivent garer leur voiture.
M. Sébastien Jumel. L’obligation de construire des places de stationnement s’applique à celui qui construit un logement, pas à celui qui l’occupe. D’autre part, le maire dispose de pouvoirs de police, c’est-à-dire qu’il peut réglementer l’occupation du domaine public. Enfin, au-delà de tout ce qui a été dit sur la réalité du nombre de véhicules possédés par les locataires du parc social, mon expérience de la rénovation urbaine m’a montré que, quand on transforme ces locataires en petits propriétaires en privatisant l’espace public, on aboutit à des conflits de voisinage qui ne sont pas de nature à favoriser les équilibres de vie dans les quartiers urbains sensibles.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ignore ce que cela révèle de mon identité politique, mais je me retrouve assez dans les propos de Stéphane Peu. (Sourires.) Je pense fondamentalement que la loi ne doit pas être déresponsabilisante et que c’est à l’ensemble des acteurs, que ce soit les élus locaux ou les bailleurs sociaux de prendre les décisions.
Par ailleurs, le vrai problème concerne moins le flux que le stock de parkings. La loi ALUR en effet a abaissé à 0,5 le nombre de places de parking par logement, ce qui rend vos amendements difficilement applicables, monsieur Benoit.
J’ajoute enfin que nous n’aspirons plus nécessairement à vivre dans une société du tout-voiture et que toute personne vivant en HLM n’est pas forcément propriétaire d’un véhicule.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle examine l’amendement CE2197 de M. Damien Adam.
M. Damien Adam. Cet amendement vise à créer un nouvel article dans le code de l’urbanisme afin d’alléger l’obligation de construction de places de stationnement lors de la construction de logements. En effet, lors de la construction de logements, le PLU fixe un nombre minimal de places de stationnement à réaliser par le constructeur. Or cette obligation augmente le coût global de la construction, notamment lorsqu’il s’agit d’un parking souterrain, alors qu’elle n’est pas toujours justifiée, eu égard au nombre de places de stationnement déjà disponibles autour des logements, à la présence de transports en commun à proximité, ainsi qu’au développement de nouvelles solutions de mobilité. Certains bailleurs rapportent qu’ils ont parfois jusqu’à deux places de parking inoccupées par logement, car les gens se garent dans la rue ou n’ont pas de voiture.
Notre amendement poursuit ainsi un double objectif : diminuer le coût de construction des logements et encourager les futurs occupants à choisir un autre mode de transport que le véhicule motorisé individuel.
M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, qui permet, selon certains critères, de déroger en tout ou partie aux obligations de création d’aires de stationnement applicables aux logements. Je demande donc le retrait de votre amendement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
L’amendement CE2197 est retiré.
La commission en vient à l’amendement CE13 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Dans sa rédaction actuelle l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ne fait pas référence à la notion de développement rural. Cet amendement vise donc à intégrer cette mention dans l’article, à côté de la référence au développement urbain. C’est essentiel si l’on veut reconnaître la spécificité des zones rurales en matière d’urbanisme.
M. Richard Lioger, rapporteur. La notion d’urbanisme s’applique aussi bien au monde rural qu’au monde urbain. Cette précision me semble donc inutile. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CE1674 de M. Jean-Marc Zulesi.
Mme Annaïg Le Meur. Cet amendement a pour objectif d’inscrire de manière explicite la lutte contre l’étalement urbain dans les objectifs généraux du code de l’urbanisme.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CE1411 de M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. La loi ALUR a renforcé les conditions d’urbanisation des zones 2AU classées comme telles depuis plus de neuf ans en soumettant leur ouverture à l’urbanisation à une procédure de révision. Le code de l’urbanisme précise ainsi que le plan local d’urbanisme est révisé quand une zone à urbaniser « n’a pas fait l’objet d’acquisitions significatives de la part de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur foncier ».
En réalité l’ouverture à l’urbanisation est subordonnée à l’existence d’une promesse de vente. Or lorsque l’on est en phase de négociation foncière en train de faire du remembrement, ces promesses peuvent se faire attendre. La notion d’acquisition foncière ne me semble donc pas pertinente, et il conviendrait plutôt de parler de maîtrise foncière significative au moyen de la conclusion de promesse de vente.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à limiter le recours à la procédure de révision pour l’ouverture à l’urbanisation des zones 2AU. Cette procédure est, selon moi, nécessaire pour s’assurer, après neuf ans, qu’il est toujours pertinent d’ouvrir la zone à urbanisation.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En bon ingénieur agronome, je suis tiraillé entre l’urbanisation, que je promeus, et la lutte contre l’occupation de nouvelles surfaces. Il faut trouver un juste milieu, et il me semble que cette durée de neuf ans est un bon équilibre pour les zones 2AU. Elle permet à la fois de densifier et de lutter contre l’étalement urbain. Avis défavorable.
M. Thibault Bazin. À la suite de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT), les élus eux-mêmes se sont obligés à réduire les surfaces à urbaniser ; je connais ainsi des communes qui ont réduit par quatre, voire par dix, la surface des zones AU. Ils se sont concentrés sur les zones incluses dans l’enveloppe urbaine qui n’avaient pas été urbanisées du fait du mitage foncier, puisqu’il s’agissait de terrains maraîchers.
Il faut certes poser des contraintes mais on doit également accompagner ces communes et leur donner la chance de se développer, a fortiori lorsque les zones AU sont rares et qu’elles nécessitent un long processus de maîtrise foncière.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le problème de votre amendement est qu’il conditionne le sursis sur ce délai à des promesses de vente. Or, vous savez très bien que, objectivement, une promesse de vente sur un projet d’aménagement n’est pas ce qu’il y a de plus difficile à obtenir.
M. Sébastien Jumel. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre un étalement urbain anarchique, mais cela ne signifie pas qu’il faut en faire un dogme car, dans les territoires ou les villes qui ont fait preuve de volontarisme pour densifier le logement, notamment en produisant du logement social, la seule manière de diversifier l’offre, c’est de construire des petits pavillons avec un bout de jardin – et il n’est pas complètement irréaliste de permettre à des gens qui n’ont jamais eu de jardin avec une balançoire pour leurs gamins de pouvoir se l’offrir. Il faut être pragmatiques et permettre aux communes qui ont fait le choix de construire des logements sociaux et à qui il reste peu d’espace à occuper de diversifier leur offre en leur affectant des coefficients d’occupation du foncier plus lâches, tout en préservant les terrains agricoles.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’examen, en discussion commune, de l’amendement CE1965 de M. Jimmy Pahun et de l’amendement CE366 de M. Hervé Pellois.
M. Jimmy Pahun. Cet amendement concerne la construction dans les hameaux et dans les villages. Il vise à ouvrir le débat sur les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitée (STECAL). Leur caractère exceptionnel conjugué aux applications jurisprudentielles de la loi Littoral contraint excessivement les élus locaux dans l’aménagement de leur territoire. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer le caractère exceptionnel de ces STECAL.
M. Hervé Pellois. Depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, le code de l’urbanisme fixe des objectifs de densification, de lutte contre l’étalement urbain et de préservation des espaces agricoles ; la loi ALUR a rendu exceptionnelle la délimitation de ces secteurs à urbaniser dans les zones agricoles, et la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) et la loi Macron ont déjà corrigé à la marge ses premiers effets.
Le rapport d’information d’Audrey Linkenheld et Éric Straumann a d’ailleurs relevé que « l’application [du caractère exceptionnel de la délimitation des STECAL] ne pose pas de problème dans la plupart des territoires, à l’exception de la Bretagne et de la Normandie ». Dans ces deux régions en effet, de nombreux hameaux sont situés en zones agricoles ou naturelles.
Ils considèrent donc qu’une interprétation uniforme de ce que doit être le caractère exceptionnel des STECAL est problématique et ne correspond pas à l’intention du législateur. Ils proposent en conséquence que ce caractère exceptionnel s’apprécie en fonction des circonstances locales et qu’aucune limite chiffrée unique ne soit imposée aux collectivités territoriales élaborant leur PLU.
Il est donc proposé d’apprécier ce caractère exceptionnel selon les caractéristiques du territoire, le type d’urbanisation du secteur, la distance entre les constructions et la desserte par les réseaux et les équipements collectifs.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement CE1965, au profit de l’amendement CE366, auquel nous sommes favorables.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne suis pas favorable à la suppression du caractère exceptionnel des STECAL, tout en étant convaincu qu’il y a là un vrai sujet d’aménagement du territoire. C’est toute la question des dents creuses – sur laquelle nous reviendrons – et des activités dont il faut favoriser le développement, y compris dans des zones qui aujourd’hui ne le permettent pas du fait notamment de la loi Littoral. Néanmoins, supprimer le caractère exceptionnel des STECAL est contraire, selon moi, aux orientations qu’a choisies le législateur en matière d’aménagement du territoire. Une approche trop globale ne tiendrait pas compte des spécificités de chaque territoire, sur un sujet où il faut faire dans la dentelle.
M. Hervé Pellois. Je tiens à préciser que mon amendement ne supprime pas le caractère exceptionnel des STECAL mais demande qu’il soit apprécié sur d’autres critères que des critères quantitatifs.
M. Gilles Lurton. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. Pahun qui me paraît devoir faciliter la tâche des élus locaux, notamment en Bretagne et en Normandie, où ces élus s’arrachent les cheveux pour arriver à procéder à des aménagements.
M. François Pupponi. Je comprends la logique de cet amendement, qui pose une vraie question, mais adopter un amendement sans avoir auparavant réalisé d’étude d’impact pour en connaître les conséquences sur tout le territoire national – parce que la France ne se résume pas à la Bretagne et à la Normandie – me paraît un peu risqué. Mieux vaudrait que, d’ici à la séance, la commission se saisisse de ce problème pour tenter de trouver une solution législative satisfaisante pour tout le monde.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je pense que M. Pupponi a raison et qu’il faut retravailler cet amendement pour la séance.
M. Hervé Pellois. Peut-être pourrait-on imaginer une expérimentation régionale.
Les amendements CE1965 et CE366 sont retirés.
La commission en vient à l’amendement CE2042 de M. Jean-Luc Lagleize.
M. Jean-Luc Lagleize. Beaucoup de maires ruraux nous alertent sur la paupérisation des centres-bourgs, liée à la multiplication de constructions en périphérie, sur des lots ayant été divisés. Pour lutter contre cet effet pervers de la loi ALUR, nous demandons le rétablissement de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, qui permet aux maires d’imposer des surfaces minimales pour construire.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. La préservation de l’urbanisation traditionnelle est une notion qui n’a pas de définition juridique précise, et la mise en place d’un système d’assainissement dépend des caractéristiques locales.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE129 de M. Martial Saddier.
Mme Émilie Bonnivard. L’article 157 de la loi ALUR, dont l’objectif est de favoriser la construction, supprime le coefficient d’occupation des sols (COS) et la dimension minimale du terrain.
Cette disposition répondait au souci de construire davantage dans les zones tendues et de mettre ainsi fin au plus vite à la crise du logement. Ce texte a, toutefois, été adopté sans référence aux dispositifs prévus pour la défense de l’environnement comme ceux qui sont contenus dans la loi Montagne ou la loi Littoral, et les services de l’urbanisme des communes ou groupements de communes situés dans ces secteurs se sont parfois vus confrontés, depuis la publication de la loi, à des demandes de permis qui ne correspondent en rien aux souhaits du législateur et qui ne répondent absolument pas à la finalité sociale de la loi. S’ils essaient de freiner le phénomène en mettant en avant, pour refuser, divers motifs de s’opposer, leur position sera fragile en cas de contentieux.
Cet amendement vise donc à ce qu’un rétablissement temporaire du coefficient d’occupation des sols puisse s’appliquer dans les communes touristiques et stations classées de tourisme qui le souhaitent et qui délibéreront en ce sens, jusqu’à la première révision ou modification du PLU suivant la publication de ce projet de loi.
M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, car il faut inciter les communes à passer au PLU et à le réviser.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE19 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à permettre au PLU ou à la carte communale de prévoir des secteurs ouverts à l’urbanisation, lorsque ceux-ci comportent déjà des équipements de desserte réalisés ou programmés, ou ont fait l’objet d’acquisition foncière significative de la part de la commune ou de l’EPCI compétents.
M. Richard Lioger, rapporteur. À travers cet amendement, vous redéfinissez en réalité le principe de continuité sur la base de l’existence d’équipements de desserte disponibles. Des dérogations au principe d’urbanisation en continuité sont d’ores et déjà possibles. Je suis défavorable à votre amendement.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il existe en effet déjà des dérogations. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour le retravailler après avoir évalué la pertinence des dérogations déjà existantes, que la loi Montagne avait d’ailleurs renforcées.
Mme Marie-Noëlle Battistel. La loi Montagne a en effet prévu un certain nombre de dispositifs mais nous en attendons toujours les décrets d’application ainsi que des cartographies explicatives sur la définition précise de la construction en discontinuité, que devaient également nous fournir les services. En effet, les directions départementales des territoires (DDT) n’ont pas toutes la même interprétation de ce qu’est la discontinuité, ce qui complique le traitement de certains permis de construire. Je me permets donc, monsieur le secrétaire d’État, de vous solliciter à nouveau au sujet des décrets d’application.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tous les décrets d’application de la loi Montagne ont été publiés, à l’exception de celui qui concerne les chalets d’alpage. Vous faites référence, madame Battistel, à la circulaire relative à l’urbanisme en montagne dont je ne peux que regretter qu’elle n’ait pas été encore publiée. Ce sera chose faite avant l’été. J’y veillerai personnellement.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Je rappellerai qu’il était convenu que nous puissions examiner avec vous les schémas pour voir s’ils répondaient à toutes les problématiques locales.
La commission rejette l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement CE20 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Le rapport de présentation du PLU expose les dispositions qui favorisent la densification des espaces bâtis ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Cet amendement impose que celles-ci prennent en compte les capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles.
Il nous paraît important de porter davantage attention au critère de la taille des parcelles qui pose un problème spécifique dans de nombreuses communes rurales. Un slogan publicitaire disait : « Et si le luxe, c’était l’espace ? ». Les communes rurales doivent faire avec ce luxe de pouvoir construire sur des parcelles de 2 000 ou 3 000 mètres carrés alors que dans les bourgs-centres ou des zones plus agglomérées, les parcelles ont moins de 500 mètres carrés.
M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement est d’ores et déjà satisfait par le quatrième alinéa de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CE16 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Cet amendement a pour ambition d’assouplir et d’harmoniser les règles relatives aux annexes afin que les habitants de tous les territoires soient à égalité, quel que soit le régime applicable aux communes – règlement national d’urbanisme, plan local d’urbanisme ou carte communale. Il vise à rendre possible la construction d’annexes, bâtiments accessoires non habitables, dans l’ensemble des territoires ruraux.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui favorise le mitage des zones naturelles et agricoles des PLU.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CE14 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à faciliter le développement des constructions et des installations utiles à l’exploitation agricole en allant au-delà de la notion stricte de bâtiment nécessaire à l’exploitation agricole. Il introduit pour cela la notion de construction et installation participant à l’équilibre économique de l’exploitation agricole, au sens de l’article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime.
M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui élargit trop largement les possibilités de construction en zone agricole.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine l’amendement CE18 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Par cet amendement, nous souhaitons créer un régime homogène pour les avis rendus par la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF) : il s’agirait de transformer les avis conformes en avis simples. Source de clarté et de simplicité, cette disposition aurait le mérite de donner son plein pouvoir d’arbitrage au représentant de l’État dans le département.
M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. L’avis conforme de la CDPENAF est un outil majeur pour préserver nos espaces agricoles et naturels.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon tropisme agricole me conduit à émettre moi aussi un avis défavorable.
M. Fabrice Brun. J’ai moi aussi un fort tropisme agricole, étant technicien agricole. Et je regrette que ce tropisme ne vous ait pas conduit à accepter l’amendement précédent qui facilitait la diversification des activités économiques pour les agriculteurs.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’amendement CE763 de Mme Émilie Guerel.
Elle examine l’amendement CE21 de M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun. Il s’agit d’un amendement de simplification normative et administrative. Il modifie l’article L. 153-31 du code de l’urbanisme : la réduction d’un espace boisé classé, d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière dans le but d’accueillir un équipement collectif relèvera désormais de la procédure de modification de droit commun du PLU.
M. Richard Lioger, rapporteur. La procédure de révision permet de s’assurer que la réduction des zones naturelles ou agricoles est justifiée et qu’il n’existe pas d’alternative. Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis prêt à rediscuter avec vous de cette modification, monsieur Brun, mais pour l’heure, j’émets un avis défavorable car elle ne paraît pas constituer une simplification et qu’elle enlève de son effectivité à la procédure de révision du PLU.
La commission rejette l’amendement.
Article 12 ter (nouveau)
(article L. 161-4 du code de l’urbanisme)
Carte communale et constructions nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles
La commission a adopté un amendement qui corrige une insertion malencontreuse opérée par l’article 12 de la loi n° 2010‑874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cette loi avait supprimé la possibilité d’autoriser les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. L’amendement adopté rétablit donc cette possibilité.
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La commission est saisie de l’amendement CE2769 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une insertion malencontreuse opérée par l’article 12 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010. Cet article a supprimé la possibilité d’autoriser les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. L’amendement rétablit donc cette possibilité.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cela participe du travail de dentellière que j’évoquais tout à l’heure. Cet amendement va dans le bon sens.
La commission adopte l’amendement.
Article 12 quater (nouveau)
(article L. 142-4 du code de l’urbanisme)
Suppression d’un doublon de procédures pour certaines constructions
ou installations sur les territoires
non couverts par un schéma de cohérence territoriale (SCoT)
L’article L. 142‑4 du code de l’urbanisme interdit, hors des parties urbanisées des communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et leur extension mesurée (visées au 3° de l’article L. 111‑4 du code de l’urbanisme) ainsi que les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, (visées au 4° de l’article L. 111-5 du code de l’urbanisme). Cette interdiction, issue de la loi dite « ALUR » ([54]), avait pour objectif de renforcer le principe d’urbanisation limitée sur les territoires non couverts par un Scot afin de limiter l’artificialisation des sols. Elle peut faire l’objet d’une dérogation soumise à l’accord du préfet après avis simple de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).
Ces mêmes projets sont également soumis à une procédure d’autorisation d’urbanisme nécessitant de recueillir l’avis de la CDPENAF, prévue à l’article L. 111‑5 du code de l’urbanisme. Les deux procédures n’étant pas articulées entre elles, ce doublon est source de complexité et pose des difficultés aux pétitionnaires comme aux services instructeurs. L’amendement adopté par la commission supprime donc la soumission de ces projets à l’accord du préfet après avis de la CDPENAF, dans la mesure où le contrôle de ces projets, en application des dispositions de l’article L. 111-5, suffit à prévenir toute artificialisation des sols infondée.
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La commission en vient à l’amendement CE2776 du rapporteur.
M. Richard Lioger, rapporteur. L’article L. 142-4 du code de l’urbanisme interdit, hors des parties urbanisées des communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et leur extension mesurée ainsi que les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal. Cette interdiction, issue de la loi ALUR, avait pour objectif de renforcer le principe d’urbanisation limitée sur les territoires non couverts par un SCOT. Elle peut faire l’objet d’une dérogation soumise à l’accord du préfet après avis simple de la CDPENAF. Ces mêmes projets sont également soumis à une procédure d’autorisation d’urbanisme nécessitant de recueillir l’avis de cette même commission.
Les deux procédures n’étant pas articulées entre elles, ce doublon est source de complexité et pose des difficultés aux pétitionnaires comme aux services instructeurs. Le présent amendement a donc pour objet de supprimer la soumission de ces projets à l’accord du préfet après avis de la CDPENAF.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Une même commission étant saisie deux fois pour le même projet, cette mesure de simplification va dans le bon sens. Avis favorable.
La commission adopte