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N° 971

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2018.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI

portant évolution du logement, de laménagement et du numérique (n° 846)

PAR M. Richard Lioger et Mme Christelle Dubos

Députés

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 Voir les numéros : 846, 881, 942 et 944.


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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

EXAMEN EN COMMISSION

I. discussion GÉNÉRALE

II. examen des articles

Titre IER CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER

Chapitre Ier Dynamiser les opérations daménagement pour produire plus de foncier constructible

Avant larticle 1er

Article 1er (articles L. 312-1, L. 312-2, L. 312-3, L. 312-4, L. 312-5, L. 312-6, L. 312-7, L. 312-8 [nouveaux] du code de lurbanisme) Projet partenarial daménagement et grande opération durbanisme

Après l’article 1er

Article 2 (articles L. 102-12, L. 102-13, L. 102-14 [nouveau] et L. 102-15 [nouveau] du code de lurbanisme) Modernisation du régime juridique des opérations dintérêt national

Article 3 (articles L. 132-7, 300-6-1, L. 321-18 à L. 321-20 [abrogés], L. 321-23, L. 321-29, L. 422-2, L. 4223-1 [nouveau] du code de lurbanisme et article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985) Procédure intégrée durbanisme et intervention des établissements publics daménagement en dehors de leur périmètre de compétences

Article 3 bis (nouveau) (article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016) Permis dinnover

Article 4 (article L. 123-2 du code de lenvironnement et article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales) Simplifier les procédures de participation du public

Après larticle 4

Article 5 (article L. 311-4 du code de lurbanisme, article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985) Simplifier les procédures simposant aux opérateurs daménagement

Article 5 bis (nouveau) (article L. 2122 du code de lurbanisme) Renouvellement du droit de préemption applicable en zone daménagement différé (ZAD)

Article 5 ter (nouveau) (article L. 3003 du code de lurbanisme) Précisions relatives au mandat daménagement

Article 5 quater (nouveau) (article L. 321-39 du code de lurbanisme) Comité consultatif de létablissement public daménagement (EPA) de Paris Saclay

Article 5 quinquies (nouveau) (article L. 332113 du code de lurbanisme) Convention de projet urbain partenarial (PUP)

Article 5 sexies (nouveau) (article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017) Conditions et modalités de la substitution de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) au maître douvrage défaillant

Chapitre II Favoriser la libération du foncier

Article 6 A (nouveau) (article L. 101-2 du code de lurbanisme) Promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap

Article 6 (articles L. 3211-6 et L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques) Accélérer la libération du foncier public

Après larticle 6

Article 7 (article L. 3211-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques et article L. 342-2 du code de la construction et de lhabitation) Foncière publique solidaire (FPS)

Article 8 (article L. 443-11 du code de la construction et de lhabitation, articles L. 2101, L. 211-1, L. 212-1, L. 240-1, L. 321-4 du code de lurbanisme) Diverses mesures relatives aux droits de préemption, de priorité et aux zones daménagement différé (ZAD)

Chapitre III Favoriser la transformation de bureaux en logements

Article 9 (article L. 152-6 du code de lurbanisme) Dérogation à certaines règles durbanisme pour la transformation de bureaux en logement

Article 9 bis (nouveau) (article L. 617-1 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Occupation temporaire de locaux vacants

Article 10 (articles L. 122-1 et L. 122-2 du code de la construction et de lhabitation) Immeubles de moyenne hauteur

Après larticle 10

Article 11 (articles L. 642-1, L. 642-3, L. 642-4, L. 642-5, L. 642-15, L. 642-23 du code de la construction et de lhabitation) Procédure de réquisition pour lhébergement durgence

Après larticle 11

Chapitre IV Simplifier et améliorer les procédures durbanisme

Avant larticle 12

Article 12 (article L. 174-6 du code de lurbanisme) Encadrement dans le temps de la remise en vigueur des plans doccupation des sols en cas dannulation ou de déclaration dillégalité dun plan local durbanisme (PLU)

Article 12 bis (nouveau) (articles L. 101-2 et L. 151-7 du code de lurbanisme) Lutte contre létalement urbain

Article 12 ter (nouveau) (article L. 161-4 du code de lurbanisme) Carte communale et constructions nécessaires à lexploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles

Article 12 quater (nouveau) (article L. 142-4 du code de lurbanisme) Suppression dun doublon de procédures pour certaines constructions ou installations sur les territoires non couverts par un schéma de cohérence territoriale (SCoT)

Article 12 quinquies (nouveau) (articles L. 121-3 et L.1 21-8 du code de lurbanisme) Rôle des documents durbanisme dans la mise en œuvre les dispositions de la loi Littoral

Article 12 sexies (nouveau) (article L. 121-10 du code de lurbanisme) Implantation des constructions nécessaires aux activités agricoles ou forestières en discontinuité durbanisation

Article 12 septies (nouveau) (article L. 121-12-1 [nouveau] du code de lurbanisme) Implantation des installations nécessaires à des équipements collectifs en discontinuité durbanisation dans les territoires insulaires et ultra-marins

Article 12 octies (nouveau) (article L. 121-12 du code de lurbanisme) Implantation des centrales solaires en discontinuité durbanisation

Article 13 Simplifier la hiérarchie des normes des documents durbanisme

Article 14 Clarifier les dispositions relatives aux schémas daménagement régional

Article 14 bis (nouveau) (article L. 581-14-1 du code de lenvironnement) Aménagements relatifs aux procédures de règlement local de publicité (RLP)

Article 14 ter (nouveau) (article L. 581143 du code de lenvironnement) Délai supplémentaire pour la caducité des règlements locaux  de publicité (RLP)

Article 14 quater (nouveau) (article 102 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté) Différé dapplication du volet foncier des plans locaux de lurbanisme valant PLH (PLUi-H)

Article 15 (articles L. 621-32, L. 632-2, L. 632-2-1 [nouveau] et L. 632-3 du code du patrimoine) Adapter lavis des Architectes des Bâtiments de France

Article 16 (article L. 423-1 du code de lurbanisme) Limitation des pièces demandées dans le cadre des autorisations durbanisme

Article 16 bis (nouveau) (article 15 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à lorganisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024) Précisions relatives au permis « à double état » en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Article 17 (articles L. 423-2 et 423-3 [nouveaux] et article L. 426-1 du code de lurbanisme) Rationalisation des données demandées aux collectivités et dématérialisation de linstruction des autorisations durbanisme

Article 17 bis (nouveau) (article L. 321-4-5 [nouveau] du code des relations entre le public et ladministration) Catégorisation des données MAJIC (mise à jour des informations cadastrales) comme données de référence

Article 17 ter (nouveau) Création dun guichet national de la publicité foncière

Chapitre V Simplifier lacte de construire

Article 18 A (nouveau) (article L. 4313 du code de lurbanisme et article 4 de la loi n° 772 du 3 janvier 1977) Possibilité pour les coopératives dutilisation de matériel agricole (CUMA) de ne pas recourir à un architecte pour les constructions de faible importance

Article 18 (article L. 111-7-1 du code de la construction et de lhabitation) Assouplir les normes daccessibilité

Après larticle 18

Article 19 Adapter le régime du contrat de construction de maison individuelle aux constructions préfabriquées

Article 19 bis (nouveau) (article L. 1111-1 du code de la construction et de lhabitation) Définition de la préfabrication

Article 19 ter (nouveau) (article L. 271-7 du code de la construction et l’habitation [nouveau]) Étude géotechnique annexée à la promesse de vente

Article 20 (article 33 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales et article L. 433-1 du code de la construction et de lhabitation) Préciser la compétence des commissions dappel doffres et prolonger le recours à la conception-réalisation pour les organismes de logement social

Article 20 bis (nouveau) (article L. 3011 du code de la construction et de lhabitation) Objectif damélioration énergétique de la politique daide au logement

Article 21 (article L. 241-9 du code de lénergie) Réforme du dispositif dindividualisation des frais de chauffage

Article 21 bis (nouveau) (article L. 442-3 du code de la construction et de lhabitation) Répartition des charges liées à une installation dautoconsommation collective entre locataires de logements sociaux

Article 22 (articles L. 261-10-1, L. 261-11, L. 261-15, L. 262-7 du code de la construction et de lhabitation) Améliorer le fonctionnement de la vente en létat futur dachèvement

Après larticle 22

Article 23 (articles L. 461-1, L. 461-2 [nouveau], L. 461-3 [nouveau], L. 4614 [nouveau], L. 4622, L. 48012, L. 480-17 [nouveau] du code de lurbanisme, articles L. 151-1, L. 151-2 [nouveau], L. 1513 [nouveau], L. 15210, L. 152-13 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Adapter le contrôle de la conformité des constructions, aménagements, installations et travaux et la constatation des infractions

Article 23 bis (nouveau) (article L. 5117 du code de la consommation, articles L. 241-8 et L. 271-1 du code de la construction et de lhabitation) Extension des pouvoirs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Chapitre VI Améliorer le traitement du contentieux de lurbanisme

Article 24 (articles L. 442-14, L. 600-1-2, L. 600-3, L. 600-5, L. 600-5-1, L. 600-5-2 [nouveau], L. 600-6, L. 600-7, L. 600-8, L. 600-12, L. 600-12-1 [nouveau], L. 60013 du code de lurbanisme) Améliorer le traitement du contentieux de lurbanisme

Après l’article 24

TITRE II évolutions du secteur du logement social

Chapitre Ier Restructuration du secteur

Article 25 (articles L. 423-1, L. 423-1-1, L. 423-1-2, L. 423-1-3, L. 423-2, L. 481-1-1 [nouveau] et L. 481-1-2 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)  Obligation de regroupement des bailleurs sociaux

Après larticle 25

Article 26 (article L. 411-2-1 du code de la construction et de lhabitation)  Élargissement des possibilités de fusion et dabsorption des bailleurs sociaux entre eux

Article 27 (articles L. 423-15, L. 423-16 et L. 481-8 du code de la construction et de lhabitation et articles L. 511-6 et L. 511-7 du code monétaire et financier)  Simplification des règles relatives aux prêts et aux avances entre bailleurs sociaux

Article 27 bis (nouveau) (article 881 L du code général des impôts)  Abaissement temporaire du taux de la contribution de sécurité immobilière pour les fusions entre bailleurs sociaux

Chapitre II Adaptation des conditions dactivité des organismes de logement social

Article 28 (articles L. 411-2, L. 421-1, L. 421-2, L. 421-3, L. 421-4, L. 421-6, L. 42112, L. 42117,  L. 42119 [abrogé], L. 42120 [abrogé], L. 42121, L. 42122, L. 42126, L. 4222, L. 4223,  L. 4242, L. 4331, L. 4451, L. 4452, L. 4453 et L. 4458 du code de la construction et de lhabitation, article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise douvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise dœuvre privée et article 51 de la loi n° 772 du 3 janvier 1977 sur larchitecture)  Élargissement des compétences des organismes HLM et simplification de leurs conditions dactivité

Article 28 bis (nouveau) (article L. 215-1 du code de la construction et de lhabitation) Compétences des sociétés anonymes coopératives dintérêt collectif pour laccession à la propriété (SACICAP)

Article 28 ter (nouveau) (article L. 215-1-1 du code de la construction et de lhabitation) Participation des SACICAP dans des sociétés de tiers-financement

Article 28 quater (nouveau) (article L. 215-4 du code de la construction et de lhabitation) Participation de lUnion déconomie sociale pour laccession à la propriété (UES-Procivis) à la gouvernance des SACICAP

Article 28 quinquies (nouveau) (article L. 215-7 du code de la construction et de lhabitation) Renforcement des prérogatives de lUnion déconomie sociale pour laccession à la propriété (UES-Procivis)

Article 28 sexies (nouveau) (article L. 422-3-2 du code de la construction et de lhabitation) Application de la procédure de révision coopérative aux sociétés anonymes coopératives dintérêt collectif dHLM

Article 28 septies (nouveau) (article 60 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics) Insertion de clauses de paiement différé dans les marchés des OPH

Article 29 (articles L. 31-10-3, L. 411-3, L. 411-4, L. 422-4, L. 443-7, L. 443-7-1 [abrogé], L. 443-8, L. 4439, L. 44310, L. 44311, L. 44312, L. 443121, L. 44313, L. 44314, L. 443141, L. 443142 [nouveau], L. 4431511 [nouveau], L. 443152, L. 4431521, L. 4431522, L. 4431523, L. 443153 et L. 443157 du code de la construction et de lhabitation et L. 2131 du code de lurbanisme)  Modification du cadre juridique de la vente de logements sociaux

Article 29 bis (nouveau) (article L. 443-15-5 du code de la construction et de lhabitation) Transformation de logements-foyers en logement étudiant

Chapitre III Dispositions diverses

Article 30 (articles L. 342-5, L. 342-9, L. 342-14 et L. 452-3 du code de la construction et de lhabitation)  Procédures de contrôle de lAgence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

Article 31 (articles L. 313-17, L. 313-17-1, L. 313-17-4, L. 313-18-1, L. 313-18-3, L. 313-33, L. 313-34 et L. 313-19-2 du code de la construction et de lhabitation, article L. 111-12 du code des juridictions financières, ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à leffort de construction et ordonnance n° 2017-52 du 19 janvier 2017 modifiant lobjet de lAssociation pour laccès aux garanties locatives et de lAssociation foncière logement) Ratification des ordonnances relatives à Action Logement

Article 32 (article 81 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté)  Report de la date de conclusion de la seconde génération de conventions dutilité sociale (CUS)

Article 33 (article 117 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté)  Prolongation du délai dhabilitation à légiférer par ordonnance pour la codification des aides au logement

Après larticle 33

TITRE III Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale

Chapitre Ier Favoriser la mobilité dans le parc social et le parc privé

Article 34 (articles 2, 25-12, 25-13, 25-14, 25-15, 25-16, 25-17 et 25-18 [nouveaux] de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)  Création du bail mobilité

Après larticle 34

Article 35 (articles L. 441-2 et L. 442-5-1-1 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Élargissement des missions des commissions dattribution des logements (CAL) aux questions de mobilité des locataires

Article 35 bis (nouveau) (article L. 442-12 du code de la construction et de lhabitation)  Inclusion des enfants faisant lobjet dun droit de visite dans le foyer des demandeurs de logement social

Article 36 (articles L. 441-2-8 et L. 441-2-9 du code de la construction et de lhabitation)  Généralisation du système de cotation de la demande de logement social

Après larticle 36

Article 37 (articles L. 441-1-5 et L. 441-1-6 du code de la construction et de lhabitation)  Simplification des procédures dattribution des logements sociaux situés en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)

Après larticle 37

Article 38 (article L. 441-1 du code de la construction et de lhabitation) Gestion en flux des droits de réservation sur les logements sociaux

Après larticle 38

Chapitre II Favoriser la mixité sociale

Avant l’article 39

Article 39 (articles L. 831-2 et L. 831-4 du code de la sécurité sociale et article L. 35115 du code de la construction et de lhabitation) Ouverture du droit à lallocation de logement sociale pour les sous-locations en faveur des jeunes

Après l’article 39

Article 40 (article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 82-1290 du 23 décembre 1986 et articles L. 714-1 [nouveau], L. 722-5 et L. 722-16 du code de la consommation) Coordination des procédures de surendettement et dexpulsion locative

Après l’article 40

Article 41 (article 24 de la loi  89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Précision des mentions obligatoires du commandement de payer transmis à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives

Article 42 (articles L. 353-15-2 et L. 442-6-5 du code de la construction et de l’habitation) Autorisation du protocole de cohésion sociale en cas d’absence de dette locative

Article 43 (articles L. 313-4, L. 313-9, L. 313-11, L. 313-11-2 [nouveau], L. 313-14-1, L. 314-7, L. 315-12, L. 315-15, L. 345-2-2 ; L. 345-2-4 du code de laction sociale et des familles, article L. 301-5-1 du code de la construction et de lhabitation) Renforcement du pilotage de la politique daccueil, dhébergement et de logement des personnes défavorisées

Article 43 bis (nouveau) (article L. 313-1-1 du code de laction sociale et des familles) Exonération de la procédure dappel à projet pour les maisons daccueil rural pour les personnes âgées (MARPA)

Article 44 (article L. 111-8 du code de la construction et de lhabitation) Suppression de lobligation dautorisation en cas de réalisation de travaux conduisant à la perte de la qualité détablissement recevant du public pour la totalité de limmeuble

Article 44 bis (nouveau) (articles 1414 et 1461 du code général des impôts) Exonération d’impôts locaux pour les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS)

Article 45 (articles L. 353-22, L. 442-8-5 [nouveaux], L. 472-1-2 et L. 481-2 du code de la construction et de lhabitation) Ouverture de la colocation dans le parc social pour les personnes en situation de handicap adultes

Après l’article 45

Article 46 (articles L. 302-5 et L. 443-15-7 du code de la construction et de lhabitation) Allongement de la durée de prise en compte des logements sociaux vendus dans le quota SRU

Après l’article 46

Chapitre III Améliorer les relations locataires bailleurs et favoriser la production de logements intermédiaires

Avant l’article 47

Article 47 (article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Suppression de lobligation du caractère manuscrit de lacte de cautionnement

Article 47 bis (nouveau) (article L. 623-1 du code de la consommation) Application de laction de groupe dans le domaine du logement

Article 48 (articles 3, 16, 17, 17-2, 24-2 et 25-9 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Mesures destinées à favoriser lagrément des observatoires locaux des loyers

Article 49 Caractère expérimental et optionnel du dispositif dencadrement des loyers

Après l’article 49

Article 50 (article L. 632-1 du code de la construction et de lhabitation et article 8-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Adaptation des règles de décence dans les hôtels meublés et en cas de colocation à baux multiples

Article 51 (articles L. 324-1-1 et L. 324-2-1 du code du tourisme)  Encadrement des locations meublées touristiques

Article 51 bis (nouveau) (article L. 134-3 du code de la construction et de lhabitation, L. 125-5 du code de lenvironnement et L. 1334-7 du code de la santé publique) Dérogations à lobligation de communiquer certains diagnostics techniques pour les locations saisonnières

Article 52 (article L. 302-1 du code de la construction et de lhabitation) Inscription dobjectifs de production de logements intermédiaires dans les programmes locaux de lhabitat

Article 53 (article L. 615-4-2 du code de la construction et de lhabitation, articles 8-3, 13-1, 13-2 et 13-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions dexercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et article 5 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)  Recentrage des missions du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI)

Après l’article 53

TITRE IV AMéLIORER LE CADRE DE VIE

Chapitre Ier Revitalisation des centres-villes

Article 54 (articles L. 303-2 [nouveau] et L. 304-1 [abrogé] du code de la construction et  de lhabitation et article L. 752-2 du code de commerce) Opérations de revitalisation de territoire

Article 54 bis (nouveau) (article L. 752-1 du code de commerce)  Seuil dautorisation commerciale pour les réouvertures de magasins

Article 54 ter (nouveau) Expérimentation autorisant létablissement public national daménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) à intervenir dans les opérations de revitalisation de territoire

Article 54 quater (nouveau) (article L. 425-4 du code de lurbanisme) Demande séquencée dautorisation commerciale et dautorisation durbanisme

Article 54 quinquies (nouveau) (article L. 214-2-1 [nouveau] du code de lurbanisme et article 19 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à lartisanat, au commerce et aux très petites entreprises) Pérennisation des contrats de revitalisation artisanale et commerciale

Chapitre II Rénovation énergétique

Article 55 (article L. 111-10-3 du code de la construction et de lhabitation) Rénovation énergétique des bâtiments

Article 55 bis (nouveau) (article L. 111-9 du code de la construction et de lhabitation) Caractéristiques énergétiques et environnementales des bâtiments neufs

Article 55 ter (nouveau) (article L. 111-10-5 du code de la construction et de lhabitation) Carnet numérique dinformation, de suivi et dentretien du logement

Article 55 quater (nouveau) (article L. 302-1 du code de la construction et de lhabitation) Programme local de lhabitat (PLH) et performance énergétique

Article 55 quinquies (nouveau) (article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013) Prolongation de lexpérimentation sur la tarification sociale de l’eau potable

Article 55 sexies (nouveau) Expérimentation dune stratégie territoriale de résorption de la précarité énergétique

Chapitre III Lutte contre lhabitat indigne et les marchands de sommeil

Avant l’article 56

Article 56 (article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts) Présomption de revenus tirés des délits en matière dhabitat indigne

Article 56 bis (nouveau) (article L. 111614 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Requalification en habitat collectif

Article 56 ter (nouveau) (article L. 30220 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation) Plans locaux de lutte contre lhabitat indigne dans les collectivités ultramarines

Article 56 quater (nouveau) (articles L. 634-1, L. 634-3, L. 635-1 et L. 635-3 du code de la construction et de lhabitation) Modification des régimes de déclaration ou dautorisation préalable de mise en location

Article 56 quinquies (nouveau) (article 225-19 du code pénal, article L. 1337-4 du code de la santé publique, articles L. 123-3 et L. 511-6 du code de la construction et de lhabitation) Allongement de la durée dinterdiction dacheter un bien immobilier en cas de condamnation pour des délits dhabitat indigne

Article 56 sexies (nouveau) Signalement de revenus présumés illicites à Tracfin

Article 57 (articles L. 123-3, L. 129-2, L. 511-2, L. 541-1 et L. 543-1 du code de la construction et de lhabitation, articles L. 1331-22 à L. 1331-25, article L. 1331-28,  L. 1331-29, L. 1331-29-1 [nouveau] et L. 13342 du code de la santé publique, article 2374 du code civil, articles 10-1 et 248 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) Généralisation des astreintes administratives en cas de non-respect de mesures de police de lutte contre lhabitat indigne

Article 57 bis (nouveau) (article 11-1 [nouveau] de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers dhabitat informel et à la lutte contre lhabitat indigne dans les départements et régions doutre-mer) Lutte contre lexpansion des bidonvilles à Mayotte et en Guyane

Article 58 Habilitation à prendre par ordonnances toute mesure visant à aménager les différentes polices administratives en matière de lutte contre lhabitat indigne

Article 58 bis (nouveau) (article L. 635-4 du code de la construction et de l’habitation) Gratuité du traitement des demandes d’autorisation préalable à la mise en location

Chapitre IV Améliorer le droit des copropriétés

Article 59 (articles L. 441-1, L. 615-6, L. 741-1 du code de la construction et de lhabitation et article L. 522-1 du code de lexpropriation pour cause dutilité publique) Copropriétés dégradées

Après l’article 59

Article 60 Habilitation à procéder par ordonnances à ladoption de la partie législative dun code relatif à la copropriété des immeubles bâtis et des mesures damélioration de la gestion des immeubles et de la prévention de contentieux en matière de copropriété

Chapitre V Numérisation du secteur du logement

Article 61 Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure visant à la création dun bail numérique

Chapitre VI Simplifier le déploiement des réseaux de communication électronique à très haute capacité

Avant l’article 62

Article 62 (article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques) Simplification du déploiement des réseaux de télécommunications mobiles

Article 62 bis (nouveau) (article L. 2122-1-3-1 [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques) Dérogation à la procédure de mise en concurrence et de publicité en matière dutilisation du domaine public par des réseaux de communications électroniques

Article 62 ter (nouveau) (article L. 4245 du code de lurbanisme) Dérogation à la procédure de retrait dune décision administrative de nonopposition en matière de déploiement dantennes de radiotéléphonie

Article 63 (article L.48 du code des postes et des communications électroniques) Simplification des procédures dautorisation de servitude pour accélérer les déploiements de réseaux de communications électroniques fixes

Article 63 bis (nouveau) (article L. 33-6 du code des postes et des communications électroniques) Accès aux parties communes des copropriétés pour le déploiement  de la fibre optique

Article 63 ter (nouveau) (article L. 332-8 du code de l’urbanisme) Prise en charge de l’extension du réseau électrique nécessaire au déploiement des réseaux de communications électroniques

Article 63 quater (nouveau) (article L. 242 de la loi n° 65557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) Délai de mise à lordre du jour de lassemblée générale des copropriétaires de lexamen dune proposition de convention pour le déploiement de la fibre optique

Article 64 (article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) Sanctions relatives au non-respect dengagements de déploiements de réseaux de communications électroniques

Article 64 bis (nouveau) (articles 33 et 35 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics) Facilitation des marchés publics de conception-réalisation passés pour le déploiement de réseaux de communications électroniques

Chapitre VII Diffusion par voie hertzienne de données horaires du temps légal français

Article 65 (article L. 43 du code des postes et des communications électroniques) Compétence de lAgence nationale des fréquences en matière de diffusion du temps légal français

Chapitre VIII Dispositions spécifiques à la Corse (Division et intitulé nouveaux)

Article 66 (nouveau) (articles L. 4425-28 du code général des collectivités territoriales)  Extension du programme exceptionnel dinvestissement pour la Corse

Liste des personnes auditionnées

 


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   INTRODUCTION

Madame, Monsieur,

Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) est le fruit d’une longue concertation entamée dès l’été 2017. Après une consultation citoyenne numérique en juillet et août 2017, la préparation de ce projet de loi a fait l’objet d’une étape innovante : entre décembre 2017 et février 2018, une conférence de consensus réunissant députés, sénateurs, Gouvernement, élus locaux et acteurs économiques et associatifs du secteur du logement et de l’urbanisme a permis à toutes les parties prenantes d’échanger sur l’avant-projet de loi rendu public par le Gouvernement.

Depuis le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce travail d’écoute et de concertation s’est poursuivi. Durant trois semaines, en avril et mai 2018, vos deux co-rapporteurs, M. Richard Lioger pour les titres Ier et IV et Mme Christelle Dubos, pour les titres II et III, ont procédé à 53 auditions au cours desquelles ils ont entendu tous les principaux acteurs du logement, de l’urbanisme, du commerce et du numérique.

Au cours de ces auditions, de nombreux constats ont fait l’objet d’un consensus. Il en est ainsi de la nécessité de lever les blocages qui entravent la construction de logements ou de faciliter la mobilité des locataires au sein du parc social et du parc privé. Ce texte n’est pas une énième loi logement : c’est un projet de loi équilibré, qui aspire à être utile à l’ensemble de nos territoires et à l’ensemble de nos compatriotes sans les opposer, qu’ils soient locataires ou propriétaires, habitants des quartiers prioritaires ou des territoires ruraux.

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Concernant la construction de logements, le projet de loi est guidé par une devise : construire plus, mieux et moins cher. Pour cela le texte instaure un partenariat intense entre les collectivités territoriales et l’État, qui permettra de gérer main dans la main les grandes opérations d’urbanisme. Il apporte des simplifications et donne de nouveaux outils pour mieux mobiliser le foncier public, faciliter la transformation de bureaux en logements et lutter contre les recours abusifs qui bloquent un trop grand nombre de projets.

Pour accompagner le plan « Action cœur de villes » lancé par le Gouvernement, qui vise 222 villes moyennes dont le centre-ville est en difficulté, le projet de loi prévoit un outil contractuel souple, les opérations de revitalisation de territoire (ORT), permettant certaines adaptations des règles régissant l’urbanisme commercial.

Concernant le logement, le projet de loi prend en compte la vie quotidienne de tous les Français et apporte une réponse aux besoins de chacun. Il permet un meilleur accès au logement pour ceux qui ont peu de moyens et se retrouvent face à un parc social saturé. Pour eux, il revoit les règles d’attribution des logements, y apporte de la transparence et prévoit une expérimentation afin de mettre en œuvre une politique des loyers qui prenne mieux en compte la capacité financière des ménages entrant dans le parc social. Pour les classes moyennes, le projet de loi dynamise la production de logements intermédiaires et permet d’expérimenter vraiment l’encadrement des loyers dans les agglomérations où l’écart entre les loyers du parc social et ceux du parc privé est le plus élevé.

Par ailleurs, le projet de loi répond à l’évolution des modes de vie. Pour ceux qui sont mobiles, étudiants ou professionnels, il crée un bail mobilité qui permettra le développement d’une nouvelle offre de logements tout en apportant davantage de souplesse aux locataires comme aux propriétaires. Le projet de loi encourage les nouvelles formes d’habitat partagé, comme la colocation intergénérationnelle entre jeunes et seniors ou les colocations entre personnes handicapées dans le parc social.

En accord avec les principales fédérations de bailleurs sociaux, le projet de loi accompagne la réforme structurelle du secteur HLM initiée par la loi de finances pour 2018. Le texte encourage ainsi les organismes HLM à se regrouper en leur laissant la liberté du mode de regroupement le plus approprié à la réalité de chaque territoire et de chaque organisme. Il donne de nouvelles compétences aux bailleurs sociaux pour participer à la revitalisation des centres-villes et mieux accompagner leurs locataires. Enfin, il facilite la cession de logements sociaux afin de créer un cercle vertueux permettant à la fois de développer l’accession sociale à la propriété et de financer de nouvelles constructions.

En outre, pour les personnes les plus fragiles, le projet de loi traduit dans la législation la politique du « Logement d’abord » et affiche clairement l’ambition de lutter contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil.

Enfin, le volet numérique du projet de loi comporte des mesures de simplification qui, conformément à l’accord trouvé entre le Gouvernement et les opérateurs téléphoniques, permettront d’accélérer le déploiement d’antennes-relais et de réseaux de fibre optique sur l’ensemble du territoire.

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L’examen de ce projet de loi en commission des affaires économiques a donné lieu à la discussion de 2 437 amendements, ce qui constitue un record pour la commission. Ce nombre d’amendements témoigne du caractère transversal de ce projet de loi et de l’importance accordée par les élus et nos concitoyens aux sujets du logement et du cadre de vie.

Au cours des 40 heures de débats, la commission a adopté 401 amendements provenant de presque tous les groupes politiques.

Le texte de la commission, discuté en séance publique, est donc considérablement enrichi et précisé sur de nombreux points.

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LES PRINCIPAUX AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Titre Ier – Construire plus, mieux et moins cher

Titre II – Évolutions du secteur du logement social

Titre III – Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale

Titre IV – Améliorer le cadre de vie

 

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

I.   discussion GÉNÉRALE

La commission a examiné le projet de loi portant évolution du logement, de laménagement et du numérique (ELAN) (n° 846), sur le rapport de
M. Richard Lioger (titres Ier et IV) et de Mme Christelle Dubos (titres II et III).

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, monsieur le secrétaire d’État, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue pour l’examen de ce projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit ELAN, qui va nous occuper au cours des jours et des nuits à venir.

Après nous être consacrés à l’avenir de l’agriculture française, nous allons nous atteler cette semaine à un aspect important de la vie quotidienne de nos concitoyens : le logement, premier poste de dépense des ménages en France.

Pendant la campagne présidentielle, le projet porté par le Président de la République et la majorité s’était fixé pour premier objectif de lutter contre « l’assignation à résidence ». Au sens figuré, l’assignation à résidence s’apparente à une barrière à l’accès à notre modèle social qui inclut la formation professionnelle, l’éducation ou notre système de santé. Comme son nom l’indique, l’assignation à résidence, c’est aussi l’impossibilité de s’émanciper sur les lieux même où l’on construit sa vie.

Moderniser notre politique du logement et de l’aménagement du territoire pour recréer de la mobilité, tel est l’objectif de ce projet de loi ELAN. Ce texte était annoncé depuis plusieurs mois et notre commission a déjà beaucoup travaillé pour préparer son examen.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous avions entendu tous les deux dès le 18 octobre 2017. La commission a ensuite procédé à l’audition d’un certain nombre d’acteurs éminents, notamment M. Jacques Chanut et M. Jean-Baptiste Dolci, respectivement président et vice-président d’Action Logement, le 7 février 2018. Puis elle a organisé deux tables rondes, la première sur la revitalisation des centres-villes et ses enjeux en matière de logement et d’urbanisme commercial, la seconde sur le plan national « Logement d’abord » et l’accès au logement des personnes sans abri ou défavorisées.

Je mentionnerais aussi les travaux que nous avons consacrés à l’examen de la proposition de loi de M. Hubert Wulfranc, ici présent, visant à lutter contre les marchands de sommeil, un sujet important qui fait l’objet de plusieurs dispositions de ce projet de loi. Pour la partie du projet de loi portant sur le numérique, nous avons eu de nombreuses auditions des opérateurs. Plusieurs d’entre vous ont également participé aux nombreux débats de la conférence de consensus, et je n’aurais garde d’oublier la cinquantaine d’auditions tenues par nos deux rapporteurs : M. Richard Lioger, chargé des titres Ier et IV sur l’urbanisme, et Mme Christelle Dubos, responsable des titres II et III sur le logement.

Ce projet de loi suscite manifestement un très fort intérêt. Trois autres commissions ont ainsi décidé de se saisir pour avis. Je salue, à cette occasion, la présence parmi nous de M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois, et de Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je rappelle d’ailleurs que cette dernière commission bénéficie d’une délégation au fond sur les articles 21 et 55.

Je note également que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est saisie pour avis et a désigné M. Jean-Paul Mattei comme rapporteur.

Mesdames et messieurs les députés, votre intérêt pour ce texte s’est aussi manifesté à l’occasion du dépôt des amendements. C’est le moins que l’on puisse dire : le très récent record du nombre d’amendements en commission des affaires économiques, enregistré lors de l’examen du projet de loi sur l’agriculture, vient d’être littéralement pulvérisé puisque près de 2 440 amendements sont à examiner sur le présent projet de loi. Tous les groupes sont logés à la même enseigne. J’ai ici le tableau des amendements déposés par groupe ou par député : vous avez tous contribué à cette créativité qui dépasse, de loin, le passé et l’histoire : sur des sujets similaires, le projet de loi ALUR n’avait suscité que – si l’on peut dire – 1 060 amendements. Nous en avons plus du double cette fois-ci.

Je me garderais d’examiner, ici et maintenant, les causes de cette inflation d’amendements. Nul doute que nous aurons l’occasion d’en discuter au cours des semaines à venir, à l’occasion d’un autre projet de loi. En revanche, il m’appartient, en tant que président de la commission, de veiller à l’efficacité du travail parlementaire. En application de l’article 41 de notre Règlement, je me dois d’organiser les travaux de la commission afin que nous puissions étudier au mieux cette masse d’amendements.

Comme c’est l’usage, l’examen du projet de loi commence par une discussion générale. Nous entendrons donc M. Jacques Mézard pendant quinze minutes environ, puis les deux rapporteurs au fond, durant huit minutes chacun, et les trois rapporteurs pour avis pendant quatre minutes chacun. Les orateurs des groupes auront chacun la parole pour quatre minutes et tout député pourra ensuite intervenir avec des questions d’une durée d’une minute.

Nous passerons ensuite à l’examen des articles et des amendements. Dans ce cadre, je vous propose de reconduire les règles que notre commission avait suivies lors de ses réunions sur le projet de loi agriculture.

Premièrement, les séances de vendredi 18 mai, qui figuraient comme éventuelles dans la convocation, ont été ouvertes. Je n’exclus pas de siéger samedi, voire dimanche si cela se révèle nécessaire. Les ministres m’ont fait connaître leur disponibilité pour ces dates et je les en remercie.

Deuxièmement, je commencerai nos réunions à l’heure précise : tant pis pour les amendements qui ne pourraient être défendus.

Troisièmement, je serai très strict sur les durées d’intervention : une minute maximum pour présenter un amendement ou pour le discuter, puis je couperai la parole. Dix secondes, ce n’est pas grand-chose, mais quand on les multiplie par 2440, elles se transforment en sept heures de débat supplémentaires… Je ne laisserai donc pas les dix secondes qu’on me demande parfois avec insistance.

Quatrièmement, pour les amendements identiques, un seul orateur par groupe ayant déposé l’un de ces amendements identiques interviendra ; les autres auteurs d’amendements identiques ne pourront prendre la parole que s’ils ont des arguments supplémentaires à faire valoir par rapport aux précédents orateurs.

Cinquièmement, dans la discussion suivant l’intervention de l’auteur, après l’avis du rapporteur et, s’il le juge nécessaire, du Gouvernement, je n’autoriserai qu’un orateur pour et un orateur contre. Bien entendu, cette règle sera mise en œuvre en veillant à respecter l’équilibre entre les groupes et, sur les questions de fond, j’accorderai plus de souplesse pour laisser place au débat.

Vous conviendrez avec moi que ces diverses règles nous ont permis d’examiner le texte sur l’agriculture dans des délais convenables et en préservant la qualité des débats. Je souhaite qu’il en soit de même sur le projet de loi ELAN.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mesdames et messieurs les députés, l’élan que vous avez manifesté pour déposer des amendements me permet de dire, en bon parlementaire que je suis que je resterai, que le Parlement a toute son utilité. Et le ministre que je suis ne peut que saluer le travail parlementaire.

Avec le secrétaire d’État, Julien Denormandie, j’ai déjà eu l’occasion de venir devant votre commission pour vous présenter la stratégie du Gouvernement en matière de logement, dans laquelle s’inscrit ce projet de loi. Nous avons aussi eu l’occasion d’échanger sur ce sujet durant l’examen du projet de loi de finances et à l’occasion de débats dans l’hémicycle, dont certains étaient à votre initiative.

Certains d’entre vous ont participé à la conférence de consensus qui s’est tenue cet hiver au Sénat, à l’initiative du président Larcher et avec mon accord et celui du secrétaire d’État. Pour bon nombre d’entre vous, si ce n’est pour nous sous, bon nombre des dispositions du projet de loi ELAN, si elles ne vous sont pas toujours familières, ne vous sont pas inconnues.

Voici des décennies que nos politiques en matière de logement et d’habitat ne sont plus totalement en phase avec les évolutions de la société française. Il ne s’agit pas pour nous de contester et de remettre en cause le travail qui a pu être fait par les gouvernements successifs : à chaque moment, les gouvernements ont, de manière opportune, voulu faire évoluer la politique en matière de logement. Notre société, dans ce domaine comme dans de nombreux autres, évolue très vite et il est normal de chercher à s’y adapter.

Le quotidien de nos concitoyens a profondément changé et les politiques publiques liées au logement n’ont pas toujours évolué au même rythme : nous sommes plus souvent en réaction qu’en anticipation. Nous voulons tenir compte de ces évolutions de la manière la plus positive possible. Nos concitoyens changent souvent d’emploi, donc de logement : quand on est à la recherche d’un emploi, on a besoin d’être mobile. Le modèle familial s’est profondément modifié au cours des dernières décennies et le nombre de familles monoparentales s’est accru de manière accélérée. Les outils numériques ont changé nos comportements et nos habitudes de vie, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de l’habitat. Nous avons désormais besoin de logements davantage connectés, plus écologiques, plus modulables, mieux adaptés à la diversité des parcours. Cela nécessite donc de revoir un certain nombre de nos politiques.

Nous connaissons tous le diagnostic. Nous sommes très largement d’accord sur la nature de certains problèmes même si, en raison de sensibilités différentes, nous pouvons diverger sur la manière d’y répondre. La plupart de ces problèmes ne sont pas nouveaux. La demande de logements est en constante augmentation dans les métropoles et dans les centres-villes des grandes agglomérations. Nous constatons aussi qu’une pénurie de logements freine la mobilité professionnelle, les parcours résidentiels et le développement d’un grand nombre de territoires.

Dans le même temps, nous constatons que l’offre de logements est inadaptée aux besoins des Français dans de nombre de villes moyennes et que de nombreux logements sont vacants, voire dégradés, dans certains territoires ruraux. Le plan que nous avons lancé en faveur des villes moyennes s’intègre totalement dans notre stratégie logement. L’ambition de ce projet de loi est de remédier aux problèmes constatés, à travers un axe fondamental qui guide et inspire ce quinquennat : libérer et protéger.

Le projet de loi que nous vous présentons, Julien Denormandie et moi-même, s’adresse à tous les acteurs du logement et à tous nos concitoyens, qu’ils vivent à la ville ou à la campagne, et particulièrement aux plus modestes, pour lesquels le logement est un sujet de préoccupation quotidien. Avec ce texte, il s’agit de faciliter l’activité dans la construction et la rénovation du parc bâti, de redonner des moyens aux acteurs et d’accompagner les évolutions sociétales. Nous avons aussi la volonté de lutter contre les fractures territoriales, d’adapter des solutions de logement pour les plus démunis et de fluidifier les parcours résidentiels des plus fragiles.

Ce projet de loi est le fruit d’une large concertation engagée il y a plus d’un an, avant l’élection présidentielle. Une importante consultation en ligne a rassemblé plusieurs milliers de contributions. Une vaste concertation a ensuite eu lieu avec les élus locaux, les collectivités locales, les parlementaires et les spécialistes du secteur de l’habitat jusqu’à la conférence de consensus. Je dois remercier les députés pour le travail qu’ils ont accompli dans le cadre de cette conférence ; c’était une innovation, proposée par le Sénat et que j’ai pour ma part jugée très fructueuse et positive. Je ne doute pas, monsieur le président, que vous saurez organiser le même genre de travail partenarial avec le Sénat, à la faveur d’un autre texte. Cette conférence a été un bon moyen de travailler ensemble et de développer une bonne concertation.

Nous allons poursuivre cette concertation à l’occasion de l’examen des quelque 2 400 amendements que vous avez eu la sagesse de préparer. Et même si je ne leur donnerai peut-être pas toujours un avis favorable, je suis de ceux qui considèrent que le droit d’amendement est une bonne chose.

M. Thibault Bazin. Il faudra le dire à vos collègues…

M. le président Roland Lescure. Chacun son rôle !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Exactement ! Mes positions en la manière sont connues.

Certainement perfectible, ce projet de loi se veut d’ores et déjà un texte équilibré, articulé autour de quatre titres correspondant aux quatre piliers qui fondent notre politique du logement.

Le titre Ier s’intitule : « Construire plus, mieux et moins cher ». L’objectif est donc de libérer les initiatives dans les territoires, en laissant le maximum de marge de manœuvre à ceux qui sont sur le terrain. D’une manière générale, nous avons voulu simplifier. Pour avoir suivi beaucoup de débats parlementaires en matière de logement pendant neuf ans au Sénat, je ne peux qu’approuver un tel état d’esprit. Dans ce pays, nous avons une grande capacité à complexifier et à multiplier les normes. La responsabilité n’est pas seulement celle des gouvernements et des parlementaires, elle est collective et les lobbies, voire les corporatismes, y ont leur part.

Nous voulons donc laisser des marges de manœuvre à ceux qui sont sur le terrain, en situation, avec la volonté de promouvoir des opérations d’urbanisme et de revitalisation ambitieuses sur tous les territoires. Aux élus et aux collectivités locales, nous proposons de nouveaux outils de contractualisation pour qu’ils puissent élaborer des projets de territoire équilibrés, des projets urbains mixtes combinant des logements, des commerces et des activités. Les intercommunalités et les communes concernées pourront signer le projet partenarial d’aménagement (PPA) avec l’État, afin de réaliser des opérations d’aménagement complexes ou d’une certaine ampleur. En complément, elles pourront aussi créer une grande opération d’urbanisme (GOU) qui leur permettra de déroger à certaines règles de droit commun de l’urbanisme. Notre souci est l’efficacité.

Dans le cadre de ces opérations, la libération du foncier est facilitée : l’État pourra céder du foncier de son domaine privé aux signataires d’un projet partenarial d’aménagement. Depuis des années, nous constatons qu’il faut un temps considérable – parfois jusqu’à treize ou quatorze ans – pour libérer du foncier de l’État.

Ce titre Ier comporte également des mesures de simplification des normes de construction avec, par exemple, le développement de logements évolutifs pour un meilleur équilibre en termes de coût de construction et d’adaptation aux besoins de la société. La simplification vaudra également pour les documents d’urbanisme : les autorisations feront l’objet d’une procédure de dématérialisation et le nombre de pièces à fournir pour les permis de construire sera limité.

S’agissant des recours, un sujet que j’avais assez longuement abordé devant vous au mois d’octobre dernier, des mesures législatives et réglementaires concertées sont prévues pour accélérer les délais de jugement et sanctionner les recours abusifs. Pour chaque niveau de procédure, notre objectif est de passer en moyenne de vingt-quatre à dix mois, en particulier pour les logements collectifs. C’est un enjeu important : on dit que plus de 30 000 logements sont bloqués dans le pays en raison de recours. Il ne s’agit pas de mettre en échec le droit de recours, mais de mettre en place des dispositions permettant d’accélérer les procédures et de sanctionner davantage ceux qui font des recours dans le seul but de nuire ou d’obtenir des transactions financières.

Pour utiliser au mieux les espaces déjà construits, nous proposons des mesures favorisant la transformation de bureaux vacants en logements avec bonus de constructibilité, la création de la catégorie des immeubles de moyenne hauteur, et un élargissement de la procédure de réquisition des locaux vacants depuis plus d’un an à des fins d’hébergement lorsqu’ils appartiennent à des personnes morales.

Le titre II tend à favoriser l’évolution du secteur du logement social. Nouvel acte de la réforme de ce secteur, le projet de loi vise à renforcer la capacité de production et de rénovation de logements sociaux et à rendre plus efficace la gestion de ce secteur administré. Il prévoit notamment la restructuration, étalée sur trois ans, des organismes de logement social. Si un organisme de logement locatif social n’a pas une taille suffisante, il devra rejoindre un groupe, sauf s’il est situé dans les territoires où le parc et les bailleurs sont peu nombreux : je tiens à préserver la proximité et à éviter que certains territoires soient privés de tout organisme de logement social. Nous devons atteindre le bon équilibre entre la proximité et la mutualisation. Le lien avec le territoire reste garanti, ce qui a toujours été pour moi une réelle priorité.

Nous voulons simplifier le cadre juridique applicable aux bailleurs sociaux par des mesures visant à rendre leur maîtrise d’ouvrage plus efficace et compétitive. Les dérogations aux concours d’architecture et à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique (MOP), prévues pour les bailleurs sociaux, ne déclenchent pas que des réactions positives, mais c’est un choix politique assumé.

La simplification de l’accession à la propriété pour les locataires d’HLM permettra de stabiliser les classes moyennes dans certains quartiers pour plus de mixité sociale, tout en donnant plus de moyens aux bailleurs pour construire de nouveaux logements ou rénover le parc existant.

Le titre III s’intitule : « Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale ». En matière de logement, les attentes des ménages sont fortes, diverses, variables dans le temps. En ce qui concerne le parc social, nous proposons de renforcer la transparence des attributions grâce à la généralisation de la cotation dans les grandes agglomérations, et de renforcer la mobilité des locataires en réexaminant leur situation tous les six ans. Ce dernier point suscite beaucoup de débats mais cela répond à un réel besoin, notamment pour ce qui touche à la mobilité.

Dans le parc privé, le bail mobilité permettra de mobiliser les logements qui ne seraient pas loués sans ce nouvel outil. Les baux adaptés et à durée définie répondront aux besoins de personnes en mobilité, notamment des étudiants ou des salariés en mission professionnelle qui ont besoin d’un logement meublé pour une durée de quelques mois.

Nous avons aussi prévu de développer l’offre de logements intermédiaires. En zone tendue, les programmes locaux de l’habitat (PLH) devront fixer un objectif de production de logements de ce type. D’autres mesures visent à favoriser la mixité intergénérationnelle ou la colocation dans le parc social pour les personnes handicapées, et à améliorer les procédures en coordonnant mieux, par exemple, celles relatives à l’expulsion et au surendettement. Comme nous avons tous pu le constater sur le terrain, il n’est pas très logique que des procédures d’expulsion et des procédures de surendettement vivent leur vie en parallèle sans jamais se rejoindre.

La préoccupation exprimée dans l’intitulé du titre IV : « Améliorer le cadre de vie », est au cœur du projet de territoire. Les mesures de ce projet de loi visent à accélérer la rénovation des centres des villes moyennes, à travers un contrat intégrateur unique : l’opération de revitalisation des territoires (ORT). C’est un des objectifs du plan « Action cœur de ville », lancé il y a quelques semaines après plusieurs mois de réflexion et qui concerne 222 villes dont la liste est maintenant connue.

Pour améliorer le cadre de vie, il faut aussi renforcer la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil. Je sais que nombre d’entre vous veulent accentuer cette lutte et nous en avons débattu lors de l’examen d’une proposition de loi du groupe communiste sur le sujet. Nous proposons d’instaurer une présomption de revenus qui permettra des poursuites fiscales. Nous proposons aussi d’élargir et de systématiser les astreintes administratives. Nous voulons vraiment lutter contre ce fléau.

Des mesures portent sur la modernisation et la simplification du droit des copropriétés. Il s’agit de les rendre plus réactives tout en apportant des solutions à celles qui sont dégradées. Dans certains territoires, nombre de copropriétés présentent des signes de dégradation très forts, à l’origine de problèmes sociaux considérables. C’est là une préoccupation que vous êtes nombreux à signaler, et à juste titre. Nous voulons agir de la manière la plus efficace possible car, si l’État et les collectivités ne bougent pas, nous serons confrontés à des situations sociales catastrophiques. Je ne vais pas citer des exemples que nous connaissons tous, et qui démontrent qu’il y a urgence à agir dans ce domaine.

Le projet de loi propose de clarifier les règles concernant les locations touristiques et de sanctionner plus fermement les abus. Il faut éviter que des logements, qui pourraient être occupés de manière durable, ne disparaissent du marché comme c’est le cas dans les zones tendues et particulièrement à Paris.

Enfin, ce dernier titre prévoit des mesures de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire afin de conjuguer l’ambition environnementale et la faisabilité technique et économique.

Mesdames et messieurs les députés, voilà un tableau synthétique des quatre actions fondamentales visées dans ce projet de loi. Ce texte s’inscrit dans l’objectif de cohésion des territoires, en complémentarité avec des actions menées à travers d’autres dispositions législatives. Il est au cœur de la mission qui nous a été confiée, à Julien Denormandie et moi-même, par le Président de la République.

Nous sommes partis du constat que de nouvelles disparités se dessinent : le fossé grandit entre les territoires qui concentrent nombre d’atouts liés au dynamisme économique et démographique et les autres. Mais même dans les territoires qui présentent ces caractéristiques de dynamisme économique et géographique, on trouve des quartiers en grande difficulté. Dans les territoires marqués par le retrait économique et la vacance de logements et de commerces, se développe un sentiment d’abandon ou d’assignation à résidence.

Les différentes mesures que je viens de vous présenter montrent notre volonté de simplifier et de donner davantage de souplesse afin d’apporter des réponses concrètes aux besoins de nos concitoyens en matière de logement. C’était notre état d’esprit lorsque nous avons mené cet important travail de concertation. Si nous pouvons avoir des désaccords sur les mesures à adopter, je sais que nous sommes sous déterminés à améliorer l’accès au logement et à lutter contre ces fractures, car nous partageons un attachement fort aux valeurs et aux principes républicains.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je voulais vous dire pour vous présenter ce texte de la manière la plus synthétique possible. Des sensibilités diverses s’exprimeront naturellement au cours de la discussion de ces mesures : c’est cela le débat démocratique auquel, le secrétaire d’État et moi-même, nous sommes très attachés.

M. Richard Lioger, rapporteur sur les titres Ier et IV. Tout au long de l’élaboration de ce projet de loi, nous avons appliqué une méthode que
M. le ministre vient de rappeler : la concertation, l’écoute et le dialogue.

Ce projet de loi a été le fruit d’une longue maturation et de nombreux échanges qui ont commencé dès avant votre installation à l’Hôtel de Castries, messieurs les ministres, par une longue série d’entretiens avec tous les acteurs du monde de l’urbanisme, du logement et du numérique. Nous avons essayé de n’oublier personne, nous avons même auditionné plusieurs fois certains acteurs. Nous avons voulu mettre sur la table tous les sujets qui préoccupent les Français sur cette question centrale du logement.

La concertation est notre marque de fabrique : je pense à votre travail, messieurs les ministres, à celui de notre collègue Stéphanie Do, à la conférence de consensus et à la soixantaine d’auditions menées depuis quelques semaines avec Christelle Dubos et Mickaël Nogal. Je voudrais saluer le dévouement de tous, l’efficacité avec laquelle ces auditions ont été menées et la participation de nombre d’entre vous.

Cette concertation a été jalonnée d’accords essentiels : ainsi ceux que vous avez annoncés avec les opérateurs téléphoniques sur la couverture numérique que nous allons renforcer dans ce projet de loi. Tout cela, encore et toujours, pour venir en aide aux plus fragiles, à ceux qui sont les plus isolés. Tel est bien l’esprit de ce projet de loi : rester fidèle à notre devise républicaine qui nous rappelle que l’égalité doit être un objectif commun de tous les jours pour faire vivre notre pacte national.

Avant même l’adoption de cette loi, vous avez décidé que l’État viendrait en aide à 222 communes dont les centres bourgs sont en difficulté. Un certain nombre de mesures aideront les collectivités locales à travailler sur ce sujet. En septembre dernier, les bailleurs sociaux avaient manifesté leur incompréhension. Cet épisode est aujourd’hui largement dépassé grâce aux propositions de réorganisation et de financement qui étaient indispensables et qui sont maintenant saluées par tous. Au cours des dernières auditions, nous avons même vu les organismes d’HLM s’enthousiasmer de la possibilité d’élargir leurs compétences, notamment en matière de rénovation urbaine.

Ma collègue Christelle Dubos ne m’en voudra pas, j’en suis sûr, de déborder un peu sur les mesures du titre II, afin de montrer l’interdépendance et la complémentarité de tous les titres de ce projet. Les mesures se répondent d’un article à l’autre, d’un titre à l’autre, et tout cela dans un seul et même but : la nécessité de construire plus, mieux et moins cher. Tels sont les trois piliers du développement économique et social de ce texte de loi dont le spectre large permet une intervention à tous les niveaux dans les domaines de l’urbanisme et du logement.

Ce texte instaure d’abord un partenariat intense entre les collectivités et l’État, qui permettra de gérer main dans la main de grandes opérations de développement immobilier. La libération du foncier sera, je l’espère, aussi fluide qu’efficace – en tout cas, c’est notre objectif. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’a pas toujours été le cas, comme peuvent en témoigner ceux d’entre nous qui sont des élus locaux. Ce partenariat entre les collectivités et l’État est au cœur de ce projet de loi. Les collectivités ont été pleinement associées à l’élaboration de la loi. Elles seront pleinement associées à la restructuration du monde HLM et elles disposeront de nombreux nouveaux outils en matière d’urbanisme.

Nous avons aussi associé les partenaires privilégiés que sont les professionnels de la construction et de la promotion immobilière et commerciale. Nous attendons d’eux qu’ils participent, avec les collectivités et leurs outils, les sociétés d’économie mixte (SEM), à la revitalisation des centres bourgs. Grâce à l’effet de levier que l’on connaît, il s’agit de ramener des logements et des commerces au centre de ces villes qui perdent chaque jour un peu de leur population. C’est un enjeu fondamental pour l’équilibre de nos territoires et je sais que nous y sommes tous ici très attentifs.

Ce texte affiche par ailleurs clairement l’ambition de lutter contre l’habitat indigne et contre les marchands de sommeil. J’en suis heureux car je me suis engagé fortement dans cette lutte. Nous avons décidé de renforcer les pouvoirs de police et les sanctions pour la mener à bien.

Toujours pour soutenir les plus fragiles, nous avons aussi voulu prévoir des mesures pour la réhabilitation des copropriétés très dégradées et la codification des règles relatives à la copropriété.

Le volet numérique comporte diverses mesures : les bases d’un futur bail de location numérique ; la simplification des délais administratifs nécessaires au déploiement d’antennes-relais et de réseaux de fibre optique ; l’harmonisation des sanctions applicables aux opérateurs qui prennent des engagements contraignants en matière de déploiement de réseaux mobiles ou fixes ; un article enfin organise la responsabilité de la définition du temps légal en France.

Après ce bref rappel de contenu des articles, j’en viens à quelques observations de fond qui ont motivé le dépôt de plusieurs amendements.

En ce qui concerne les opérations de revitalisation de territoires (ORT) prévues à l’article 54, je proposerai de mieux encadrer le pouvoir qu’ont les préfets de suspendre les autorisations d’exploitation commerciale. Il leur appartiendra de prendre ces décisions au cas par cas plutôt que de mettre en place des moratoires généraux qui constitueraient une atteinte disproportionnée à la libre concurrence.

Dans un souci de souplesse, je propose également que les ORT puissent se mettre en œuvre de façon dérogatoire aux documents d’urbanisme. Les autorités politiques à la manœuvre dans les ORT et dans la définition des documents d’urbanisme étant sensiblement les mêmes, il convenait de prévoir que, le cas échéant, la signature d’une convention d’ORT entraîne la mise en compatibilité accélérée des documents d’urbanisme.

D’autres amendements visent à simplifier et à faciliter certaines procédures d’urbanisme commercial, toujours dans la perspective de redynamiser nos centres-villes.

Sur les sujets numériques enfin, comme beaucoup de collègues issus de tous les bancs, je proposerai de donner davantage d’ambition à la simplification administrative qui permet d’accélérer les redéploiements. Il s’agit de résorber les poches de mauvaise couverture, notamment dans les zones littorales et dans les zones de montagne, de limiter certains contentieux administratifs aux délais inutiles, d’expliciter certaines dispositions sur le sujet certes technique mais essentiel qu’est la prise en charge financière des extensions de réseau électrique pour déployer une nouvelle antenne relais. J’ai évidemment à cœur de préserver les acquis de la « loi Abeille » qui avait fixé des normes élevées de protection de nos concitoyens à l’exposition aux ondes électromagnétiques. L’équilibre trouvé par le Gouvernement semble être le bon.

Pour conclure, je voudrais nous souhaiter de faire un bon travail dans un esprit constructif et au service du développement du logement pour tous et du dynamisme économique et de l’attractivité de notre pays.

Mme Christelle Dubos, rapporteure sur les titres II et III. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, j’ai eu la responsabilité d’examiner les titres II et III de ce projet de loi ELAN. Ces deux titres traitent des questions du logement et de la mixité sociale sur nos territoires. Sur ces deux aspects, ce texte modifiera la vie quotidienne de millions de Français.

Si nos concitoyens aspirent tous à pouvoir se loger dans de bonnes conditions, force est de constater que l’accès au logement est de plus en plus difficile. En début d’année, la Fondation Abbé Pierre ne recensait pas moins de 4 millions de mal logés et de 12 millions de fragilisés. Les classes moyennes ne sont pas épargnées dans les zones tendues où le nombre de logements intermédiaires fait défaut.

Le législateur est régulièrement saisi de ces questions. Au cours des dernières années, des lois ont apporté des avancées certaines : la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) de 2000, outil en faveur de la mixité sociale, fonctionne bien au regard des quelque 300 communes carencées ; la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de 2014, qui a instauré la garantie Visale et des mesures de sécurisation des locataires ; la loi égalité et citoyenneté.

Ce projet de loi ELAN s’inscrit dans une stratégie plus large de réformes structurelles de notre politique de l’habitat. Ce n’est pas une énième loi logement : c’est un projet de loi équilibré qui aspire à être utile à l’ensemble de nos compatriotes sans les opposer, qu’ils soient locataires ou propriétaires, mobiles ou sédentaires.

Le texte part des situations de vie de tous les Français et il apporte une réponse aux besoins de chacun. Il permet un meilleur accès au logement, à ceux qui ont peu de moyens et se retrouvent face à un parc social saturé. Pour eux, il développe la construction, revoit les règles d’attribution des logements et y apporte de la transparence. Il n’oublie pas ceux de la classe moyenne qui n’entrent pas dans les critères du parc social mais qui, parfois, n’ont pas les moyens d’accéder au parc privé en zone tendue. Pour eux, il dynamise la production de logements privés abordables et permet d’expérimenter vraiment l’encadrement des loyers.

Il répond à différents modes de vie parce que la société change. Pour ceux qui sont mobiles, étudiants ou professionnels, il crée un bail mobilité avec la dispense d’un dépôt de garantie parfois lourd. Pour ceux qui, au contraire, souhaitent accéder à la propriété, il libère les ventes dans le parc social, engageant un cercle vertueux qui permet aussi de financer la construction. Pour ceux qui sont installés dans le parc social et dont la vie a changé, soit parce que les enfants sont partis ou, au contraire, parce que la famille s’agrandit, il permet de proposer des solutions de relogement.

Ce texte enfin favorise la mixité sociale et la solidarité. Il encourage la colocation intergénérationnelle entre jeunes et seniors, qui a des vertus positives pour chacun. Il sécurise l’intermédiation locative pour les propriétaires qui souhaitent mettre leurs biens à la disposition de familles en situation précaire. Il permet la colocation et l’entraide dans le parc social pour les personnes handicapées. Il développe davantage la mise à disposition de locaux vacants pour l’hébergement d’urgence en faveur des sans-abri, permettant ainsi le développement du plan « Logement d’abord ».

Tout au long de la cinquantaine d’auditions réalisées en tant que rapporteur, j’ai été guidée par la volonté que tous les Français se retrouvent dans ce texte. À ce stade, je crois que c’est le cas. Quasiment toutes les personnes auditionnées ont salué la concertation qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi. Sans grande surprise, les dispositions actant la réforme structurelle du logement social, élaborée en lien avec les organismes de ce secteur, sont peu remises en cause. De nombreuses propositions, souvent attendues, reçoivent un accueil très favorable : la gestion en flux des logements sociaux ; la simplification des procédures d’attribution ; l’obligation de programmer une offre de logements intermédiaires dans certaines communes situées en zones tendues ; la suppression du caractère manuscrit de l’acte de cautionnement.

Les pratiques abusives constatées dans le domaine des meublés de tourisme, qui s’effectuent souvent via des plateformes numériques, pénalisent l’offre de logements en zone tendue. Pour y faire face, le texte fixe à cent vingt jours maximum la durée de location d’une résidence principale dans certaines communes. Il renforce les sanctions vis-à-vis du loueur et de l’intermédiaire lorsque des manquements sont constatés. Ces mesures ont été largement saluées.

Certaines modifications peuvent néanmoins être apportées à la marge. En ce qui concerne la réforme du logement social tout d’abord, la définition du seuil de regroupement des organismes de logements sociaux pourrait, par exemple, intégrer une meilleure prise en compte du modèle particulier des sociétés d’économie mixte. La représentativité des collectivités et des locataires dans la gouvernance des nouvelles sociétés de coordination pourrait être confortée. Il me semble également essentiel de maintenir la possibilité de vente par le biais de la location-accession, dispositif parfois indispensable aux foyers les plus modestes.

Plusieurs acteurs souhaiteraient être rassurés sur les contours du nouveau bail mobilité. Pour répondre à leur souhait, il convient de proposer des garde-fous complémentaires ne remettant pas en cause le fonctionnement de ce dispositif qui répond à un réel besoin. Je suggère d’instaurer une obligation d’information sur le montant de loyer appliqué au précédent locataire, et une obligation de communication des quittances de loyer sur demande. Les diagnostics techniques du logement, notamment ceux qui sont en lien avec la sécurité, doivent pouvoir être communiqués. Enfin, je propose d’encadrer les possibilités d’avenant afin qu’elles restent strictement contenues dans la limite maximale des dix mois prévus pour ce contrat, et de supprimer toute possibilité de reconduction tacite du bail.

En matière de solidarité en faveur des plus fragiles, le texte propose d’ouvrir le parc social à la colocation pour les personnes handicapées, afin de développer l’entraide et de lutter contre l’isolement. Cette mesure, qui va dans le bon sens, gagnerait à être élargie à toutes les personnes en perte d’autonomie liée à l’âge, ce qui serait un formidable moyen de prévention.

Pour terminer, je souhaite réagir aux velléités de certains collègues d’aller plus vite et plus loin sur quelques sujets comme l’encadrement des loyers. Nous devons tous garder à l’esprit la difficile mise en œuvre de cet encadrement à Paris et à Lille. Pour éviter un tel scénario, le texte propose un dispositif robuste sur le plan juridique. Il permettra d’expérimenter réellement cet encadrement des loyers et de disposer de retours d’expérience solides qui soutiendront potentiellement son extension.

À travers ce texte, nous avons la possibilité de changer les choses pour bon nombre de nos concitoyens. J’espère que nous nous en saisirons.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Monsieur le Président, messieurs les ministres, chers collègues, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis des articles 4, 5 et 54 du projet de loi, et elle a bénéficié d’une délégation au fond pour les articles 21 et 55.

Je commencerai par présenter brièvement les objectifs poursuivis par les articles 21 et 55 ainsi que les amendements qui ont été adoptées.

L’article 21 concerne le dispositif d’individualisation des frais de chauffage, profondément remaniée par la loi du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Les concertations menées à l’occasion de la préparation des textes réglementaires avaient mis en lumière certaines difficultés. L’article 21 vise à recentrer le dispositif sur les immeubles collectifs d’habitation et les immeubles mixtes pourvus d’une installation centrale de chauffage, et à assouplir le régime des dérogations pour coût excessif, afin d’éviter que le coût des dispositifs ne soit supérieur aux gains liés aux économies réalisées. Il étend l’obligation de mettre en place le dispositif d’individualisation au réseau de froid. La commission, partageant ces objectifs, n’a adopté que deux amendements rédactionnels à cet article 21.

L’article 55 fait évoluer l’obligation de réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire. Introduite dans le code de la construction et de l’habitation par la loi Grenelle 2, cette obligation avait ensuite été renforcée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’article 55 du présent projet de loi assouplit le dispositif et fixe des objectifs intermédiaires plus réalistes, tout en conservant le principe d’une réduction de 60 % de la consommation d’énergie des bâtiments à l’horizon 2050.

Outre des amendements rédactionnels, la commission a adopté une série d’amendements de fond. Ils tendent, respectivement, à préciser que c’est sur l’énergie finale que s’appliquent les objectifs de réduction de la consommation d’énergie ; à permettre que la chaleur fatale revendue par les bâtiments soit déduite de la consommation prise en compte pour la définition des objectifs de réduction ; à prévoir que le respect des obligations prévues par l’article fasse l’objet d’un véritable contrôle ; et enfin, à préciser que le décret d’application de l’article doit être pris dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, et que la plateforme informatique permettant de recueillir les données et d’assurer le suivi doit être en place au 1er janvier 2020.

Parmi les articles dont la commission s’est saisie pour avis, l’article 5 a fait l’objet de deux amendements rédactionnels et d’un amendement imposant que l’autorité environnementale qui soumettrait un projet, un plan ou un programme à évaluation environnementale après examen au cas par cas précise les objectifs spécifiques de cette évaluation.

Sur l’article 54, qui institue le dispositif des opérations de revitalisation de territoire (ORT), la commission a adopté des amendements qui font évoluer la définition des objectifs des ORT afin qu’ils concernent également les espaces publics, la réhabilitation des friches urbaines, les parcs des locaux artisanaux ainsi que la valorisation du patrimoine.

Ces propositions étendent l’objectif de promotion du développement durable, limité dans le projet de loi aux secteurs du commerce et de l’artisanat. Avant signature, le projet devra faire l’objet d’un débat devant l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné et une concertation publique pourra être engagée. Nous avons également précisé que la dispense d’autorisation d’exploitation commerciale pour les commerces qui s’implantent en centre-ville ne pourra être accordée que si la convention le prévoit.

Nous avons en outre souhaité ouvrir à l’EPCI et aux communes signataires d’une convention d’ORT la possibilité de demander au préfet de suspendre par arrêté les demandes d’autorisation relatives à la création de commerces de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés. Enfin, la commission a adopté un article additionnel qui prolonge jusqu’en 2021 l’expérimentation sur la mise en œuvre d’une tarification sociale de l’eau par certaines collectivités territoriales.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République. Mes chers collègues, la commission des lois s’est réunie ce matin ; je vous fais donc part de travaux tout frais.

Le parcours de ce projet de loi a commencé en septembre par l’affirmation des priorités du Gouvernement en la matière et s’est construit dans un esprit de large concertation – je pense en particulier à la conférence de consensus. Je le dis d’autant plus librement que j’étais parmi ceux qui étaient circonspects à l’égard de cette démarche au départ : au fur et à mesure de son déroulement, elle a vraiment prouvé sa valeur et sa capacité à agréger les acteurs, à leur permettre de se parler, d’échanger, de faire part de leur vérité face à une réalité particulièrement complexe.

Sans doute l’une des qualités principales de ce texte est-elle d’embrasser cette réalité complexe dans son ensemble ; et peut-être que le défaut de ceux qui l’ont précédé est de l’avoir justement traitée par parties. Cette réalité est urbaine, sociale, économique, territoriale. Même si le texte peut paraître extrêmement large et constituer une somme législative tout à fait conséquente, c’est justement en cela qu’il répond à une nécessité.

La commission des lois est aussi la commission de l’administration générale de la République. À ce titre, elle a considéré devoir se saisir d’un certain nombre d’articles : l’article 4 en ce qui concerne l’outre-mer ; les articles 23 et 24 portant sur les recours abusifs et les procédures administratives – chacun a évidemment en tête les éléments de viscosité qui font que le secteur de l’habitat et du logement connaît parfois de grosses difficultés –, l’article 54, qui porte sur l’aménagement du territoire, mais aussi sur les collectivités locales ; les articles 56, 57 et 58 enfin, qui traitent principalement des marchands de sommeil.

Nos travaux se sont principalement concentrés sur l’article 54 et sur la problématique des marchands de sommeil. Sans vouloir empiéter sur le travail de Richard Lioger, je voudrais souligner que les collectivités locales ne sont pas absentes de ce projet. Le titre Ier remet les collectivités locales au cœur des grandes opérations d’urbanisme. Mais évidemment, c’est au titre de la revitalisation des centres-villes – donc les opérations de revitalisation du territoire (ORT) – que leur place sera la plus affirmée, et nous y veillerons. Nos travaux en la matière se sont surtout attachés à l’environnement commercial de ces ORT et nous aurons l’occasion d’y revenir en temps et en heure.

Les marchands de sommeil sont évidemment une plaie dont il nous faut nous débarrasser aujourd’hui, et nous souhaitons aller plus loin que le texte. Mais somme toute, compte tenu de la dimension de ce texte, il est assez naturel que le débat parlementaire ne soit pas simplement utile, mais nécessaire. C’est ce que traduisent les 2 500 amendements que nous allons être amenés à examiner. La commission des lois a été d’une grande sobriété en la matière, puisque nous avons examiné une trentaine d’amendements et adopté une vingtaine d’entre eux.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de léducation. Messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir cet après-midi, en tant que rapporteur pour avis, de porter la voix de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi relatif à l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, qui entend répondre aux aspirations profondes de nos concitoyens en créant un choc de l’offre et en permettant de construire plus vite, mieux et moins cher.

En cette année européenne du patrimoine culturel, j’aimerais rappeler, à titre liminaire, que l’acte de construire ne se résume pas à un acte technique répondant à de strictes contraintes économiques. C’est aussi un acte éminemment culturel qui participe au rayonnement international de notre pays et à la qualité du cadre de vie de ses habitants.

C’est pour cette raison que la commission des affaires culturelles s’est saisie pour avis sur sept articles ou parties d’articles, avec deux axes fondamentaux sur lesquels je vous appelle à la vigilance.

Le premier, ce sont les conditions de préservation de notre patrimoine bâti, qui représente notre bien commun, la trace d’une histoire collective, mais aussi un formidable levier d’attractivité et de développement économique pour les territoires.

C’est pour cette raison qu’il ne faut pas négliger le potentiel de nos monuments historiques dans le processus de revitalisation des territoires que le projet de loi prévoit de contractualiser à l’article 54.

C’est pour cette raison également qu’il convient de ne pas s’écarter des équilibres dessinés à l’article 15 s’agissant des avis des architectes des Bâtiments de France (ABF) en secteur protégé. Un avis simple et non plus conforme serait désormais exigé pour l’installation des antennes de téléphonie mobile et pour les autorisations de démolir portant sur des bâtiments insalubres ou frappés d’un arrêté de péril. Si ces deux concessions répondent aux attentes des Français en matière de couverture extensive des territoires et de valorisation d’espaces publics de qualité, il est pour autant primordial de ne pas chercher à élargir le champ de l’avis simple de l’ABF.

Malgré les critiques parfois légitimes qu’il peut susciter, l’ABF demeure le pilier de nos politiques de préservation du patrimoine, en remplissant une précieuse mission de conseil et d’accompagnement, notamment pour les maires des petites communes afin de garantir la qualité des constructions et leur insertion harmonieuse dans l’espace urbain.

L’enjeu aujourd’hui consiste donc davantage à renouer le dialogue entre les élus locaux et les ABF, en ménageant une voie de concertation en amont de la délivrance des avis conformes de ces derniers. C’est le sens des quatre amendements que je présenterai sur ce sujet, qui ne doivent pas être pris séparément, mais qui s’inscrivent dans une continuité logique pour engager une coconstruction et une coresponsabilité, pour que jamais les avis ne soient vécus comme des sanctions.

Le deuxième enjeu fondamental, c’est de ne pas reproduire les erreurs du passé en négligeant la dimension architecturale de l’acte de construire.

Le Président de la République a eu l’occasion de manifester un attachement fort pour l’excellence architecturale de notre pays pendant la campagne présidentielle. La France, c’est le patrimoine, mais un patrimoine qui ne se résume pas à une contemplation nostalgique du passé. La création d’aujourd’hui est le patrimoine de demain. Ne l’oublions jamais : les lois de 1977 sur l’architecture et de 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique ont été élaborées en réaction aux errements de la reconstruction d’après-guerre, avec la construction rapide et massive des grands ensembles dont nous continuons de payer le coût social et économique.

Nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas conscience de ces enjeux au moment de l’examen du projet de loi ELAN.

L’acte de construire s’inscrit dans le temps court – quelques années tout au plus – avec des enjeux de rentabilité économique qui peuvent entrer en contradiction avec la qualité du bâti et la qualité de vie de ses occupants : on a pu observer ces dernières années, en parallèle d’une amélioration de la qualité technique des logements, une dégradation nette de leur qualité spatiale et d’usage.

C’est pourquoi il est important de prendre également en compte le temps long, en pensant au coût global, en intégrant le coût de la construction, mais aussi les coûts d’entretien et de maintenance et de valeur d’usage des logements. Aussi, si on veut rompre avec la « France moche » tant décriée et concilier toutes ces échelles de temps, nous devons poser un nouveau cadre qui donne à l’architecte la possibilité de jouer son rôle de concepteur, mais aussi de gestionnaire des projets.

C’est pour cette raison que, tout en souscrivant aux principaux objectifs du projet de loi, je proposerai, au nom de la commission des affaires culturelles, plusieurs amendements visant à élaborer par voie de concertation un nouveau modèle d’intervention de l’architecte qui soit garant de la qualité globale des logements.

M. le président Roland Lescure. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Mickaël Nogal. Depuis plusieurs décennies, la société française connaît de profondes mutations : accroissement de la mobilité professionnelle, transitions numérique et écologique, recomposition des familles, hausse des prix des loyers… Les Français ont besoin de logements en phase avec leurs modes de vie : plus connectés, plus écologiques, plus modulables et mieux adaptés à la diversité de leurs parcours.

Mais ils ont aussi besoin de logements moins chers. Premier poste de dépense des ménages, le logement représente aujourd’hui en moyenne 26 % du budget des Français, et bien plus dans les zones les plus tendues ou pour les plus fragiles de nos concitoyens.

Cette loi vise donc à donner à tous les Français un accès à des logements moins coûteux, de qualité, et à résorber la fracture sociale et territoriale que connaît le pays depuis de nombreuses années. Nous avons trop longtemps opposé les locataires aux propriétaires, les zones urbaines aux zones rurales ; aujourd’hui, nous proposons des solutions à chacun, d’où qu’il vienne et où qu’il soit.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prend toute sa place dans une stratégie logement plus globale, comprenant un ensemble de mesures législatives, réglementaires et de plans d’action. Rappelons par exemple la prolongation des dispositifs Prêt à taux zéro (PTZ) et Pinel dans le projet de loi de finances pour 2018, pour favoriser la construction de logements dans les zones tendues et l’accession à la propriété. Citons également le plan « Action cœur de ville », qui prévoit de réhabiliter les logements et revitaliser nos centres-villes.

Je pense aussi au plan très haut débit, avec l’objectif de connecter tous les Français sans exception d’ici 2022. Ces mesures s’inscrivent pleinement dans notre volonté de renforcer la cohésion de nos territoires.

Cette stratégie logement c’est, au total, près de dix mois de consultation. Une conférence de consensus réunissant tous les acteurs du secteur et les parlementaires s’est tenue au Sénat entre décembre et février. À cette occasion, un avant-projet de loi avait été rendu public, et je veux saluer la transparence et la démarche du Gouvernement.

Entre la consultation menée par le Gouvernement cet été et celle réalisée par La République en Marche, ce sont au total près de 2 600 contributions des professionnels et 20 000 réponses citoyennes qui ont nourri cette stratégie logement dont ELAN est la traduction législative. Parallèlement, notre commission a mené de nombreuses auditions sur le sujet, complétées par celles des corapporteurs, nos collègues Christelle Dubos et Richard Lioger.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui comporte des mesures fortes pour l’ensemble des Français. Alors que près de 2 millions de Français sont en attente d’un logement social, souvent pendant plusieurs années, jusqu’à huit ans en Île-de-France, le texte prévoit de réorganiser le secteur des HLM – dont il serait intéressant de revoir le nom – pour construire et rénover davantage de logements. Pour les plus démunis, nous proposerons un dispositif visant à permettre l’occupation temporaire de bâtiments vacants au profit d’associations ou d’organismes qui font de l’hébergement d’urgence et de l’accompagnement social, ainsi qu’un mécanisme de transformation de bureaux en logements via un bonus de constructibilité de 30 %, pour rendre cette opération plus attractive. La lutte contre les marchands de sommeil sera par ailleurs renforcée par la création d’une présomption de revenu, comme c’est le cas pour les trafiquants de drogue ou de contrefaçons.

Nous défendrons également la création d’un carnet numérique du logement, qui rassemblera toutes les informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement. Prévu dans la loi de transition énergétique en 2015, ce carnet n’a jamais vu le jour. Nous l’avons retravaillé pour en faire aujourd’hui une réalité.

Autre mesure phare de ce projet de loi, le bail mobilité. Engagement de campagne d’Emmanuel Macron, ce nouveau bail meublé d’un à dix mois s’adressera à des personnes en mobilité professionnelle. Nous le défendrons et proposerons d’aller plus loin en permettant un renouvellement dans ce délai maximum de dix mois, toujours pour s’adapter aux besoins des Français.

Vous le voyez, le texte que nous examinons aujourd’hui comporte des mesures à destination de tous les publics, qui n’opposent pas les uns aux autres et qui permettront de répondre aux besoins de chacun.

M. Thibault Bazin. Ayant été pendant dix ans développeur de projets immobiliers pour un promoteur national, en province, je connais bien la problématique de la construction. Par souci déontologique, je précise devant mes collègues avoir démissionné et quitté toutes mes fonctions.

Cela étant précisé, Messieurs les ministres, votre premier budget a profondément mis à mal la dynamique du logement en France. En effet, la loi de finances pour 2018 a quasiment supprimé l’APL accession, restreint le dispositif Pinel aux zones tendues, programmé la fin du PTZ d’ici 2020 dans les zones détendues et fragilisé la capacité d’autofinancement des offices HLM, principaux donneurs d’ordres dans les territoires déjà délaissés des investisseurs privés.

Pour désamorcer la gronde légitime face à la brutalité de ces mesures, vous nous avez conviés à la conférence de consensus sur le logement, une bonne initiative. Les attentes étaient fortes, et à la lecture de ce projet de loi, la déception est grande. On ne sent aucun élan pour un aménagement équilibré de notre territoire. Certes, il y a des mesures pour les territoires bien portants. Mais rien, ou si peu, pour 95 % du territoire français.

Il y a beaucoup d’oubliés dans votre projet de loi. Certes, on trouve des dispositifs intéressants pour faciliter des opérations publiques dans quelques territoires, mais aucun moyen financier ou fiscal afin de soutenir les investissements privés tant attendus.

Votre projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux, ni dans son périmètre géographique, ni dans son périmètre financier. Certes, il y a des annonces de simplification, d’allégement de normes, mais certaines posent question : ainsi la limitation de l’obligation de logements accessibles à 10 % seulement des immeubles collectifs, ou comme le concept d’immeuble de moyenne hauteur, faisant craindre une diminution de la sécurité incendie pour ceux qui y habiteront. Il faudra nous rassurer sur les ordonnances, messieurs les ministres.

Certes, il y a la volonté d’une réforme du logement social ; mais elle peut détourner encore davantage les opérateurs de leur mission première de loger ceux en difficulté. Pire, elle risque d’éloigner les acteurs du territoire, avec des seuils déconnectés des réalités locales.

Certes, il y a la volonté d’accompagner la mobilité. Mais ce projet de loi ne porte aucune ambition pour les millions de Français qui habitent déjà un logement et qui souhaiteraient le rénover, le rendre accessible ou l’adapter au vieillissement.

Messieurs les ministres, les premiers effets de vos mesures fiscales se font déjà sentir. Nous nous dirigeons vers un véritable trou d’air de la production de logements à l’horizon 2020. Les indicateurs sont au rouge pour 2018 : baisse des mises en chantier de logements, baisse des transactions dans le parc existant, baisse des crédits immobiliers. Vous voulez construire plus, mais les mesures que vous proposez nous emmènent sur le chemin inverse.

Vous faites le pari de tout miser sur les zones tendues où le foncier est cher et peu mobilisable. Et si votre stratégie n’était pas la bonne ? Et si les fonds publics pouvaient être mieux utilisés ?

Aux propriétaires des métropoles, vous proposez l’encadrement des loyers dont on connaît déjà les effets néfastes et contre-productifs, réduisant le fameux choc d’offre que vous souhaitez.

Aux maires, vous souhaitez enlever la signature des permis de construire sur les grandes opérations d’aménagement et la compétence en matière de lutte contre l’habitat insalubre.

Et si l’évolution annoncée n’était que recul ?

Des propriétaires méprisés, des maires mis hors-jeu, des territoires oubliés. Quel avenir proposez-vous aux villes moyennes non retenues dans le plan cœur de ville ? Quel avenir proposez-vous aux habitants des territoires de la France périphérique ?

Ces millions de Français ont aussi le droit d’accéder à la propriété. Ces millions de Français ont aussi droit de rénover leur logement, de sortir de la précarité énergétique, et donc de la précarité sociale. Quels moyens budgétaires et fiscaux prévoyez-vous pour joindre la parole aux actes ?

Messieurs les ministres, vous avez perdu la bataille budgétaire de 2017. Mais est-ce que l’aménagement du territoire va être indéfiniment le parent pauvre des politiques publiques de votre gouvernement ?

Il faudrait revenir aux attentes des Français. Ils regrettent la concentration de logements, la surdensité au détriment de la qualité de vie. Que veulent les Français ? Devenir propriétaires de leur logement, si possible spacieux, avec des espaces extérieurs pour une vie de qualité en famille ; rénover leur logement pour qu’il soit moins énergivore, pour l’adapter au vieillissement.

Alors qu’allez-vous mettre en œuvre, messieurs les ministres, pour le permettre à chaque Français sur l’ensemble du territoire ? Quels sont les engagements de l’État pour les territoires moins bien portants ? Quels moyens allez-vous déployer ? Nous attendons des actes.

Les députés du groupe Les Républicains espèrent que l’examen de ce texte, tant en commission qu’en séance publique, le fera évoluer favorablement.

M. Jean-Luc Lagleize. Chers collègues, c’est avec beaucoup d’intérêt que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés accueille ce projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Cet intérêt est d’autant plus fort que ce projet de loi a été construit de manière collective depuis l’été 2017 au travers de nombreuses consultations impliquant à la fois nos concitoyens, les élus locaux et les professionnels du secteur, lors de la conférence de consensus sur le logement.

Jusqu’à présent, la politique du logement a consisté pour l’essentiel à subventionner la demande par des aides au logement qui ont nourri la hausse des loyers et ont été captées par les propriétaires.

Malgré les 42 milliards d’euros de dépenses publiques annuelles alloués à l’actuelle politique du logement, notre pays compte encore quatre millions de mal-logés et plus d’un million de demandeurs attendant l’attribution d’un logement social.

En outre, les ménages français consacrent en moyenne 27 % de leur budget au logement, qui est ainsi devenu leur premier poste de dépenses.

Or il nous paraît essentiel que chacun de nos compatriotes puisse disposer d’un logement décent, de qualité, et adapté à ses besoins. C’est une règle fondamentale de notre vie en société, car tout ou presque se construit à partir du logement : l’épanouissement, la recherche d’emploi, l’intégration sociale et le développement familial.

Notre pays souffre également de déséquilibres territoriaux importants entre centres urbains et zones rurales, d’une crise de l’aménagement du territoire, d’un phénomène de dévitalisation des centres-villes et centres bourgs, et fait face à l’urgence écologique qui affecte le secteur de la construction et de l’aménagement.

Le projet de loi ELAN répond de façon globalement satisfaisante à ces problématiques, notamment grâce aux mesures de libération du foncier, à la réforme du secteur du logement social, à l’amélioration de la transparence dans l’attribution des logements sociaux, à la création du bail mobilité, ou encore à la simplification des normes de construction.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés considère en effet que la politique du logement doit être construite autour des besoins des Français, en lien avec les territoires. Nous devons redonner aux collectivités toute la place qui leur revient dans les différents dispositifs d’aménagement, notamment pour leur fine connaissance des territoires et de leurs besoins.

Malgré les avancées majeures que porte le texte dont nous allons débattre, il nous semble essentiel d’insister davantage sur la justice sociale pour favoriser l’accessibilité de tous et soutenir une économie du logement plus forte et innovante, connectée aux territoires.

Il est aujourd’hui fondamental de mieux adapter les mesures que nous votons à la réalité du terrain et d’encourager un accompagnement personnalisé des communes par les services déconcentrés de l’État, dans le but de faciliter la diversité sociale dans tous les quartiers et d’accompagner l’ensemble des maires, quelle que soit la taille de leur commune, vers la réalisation d’objectifs ambitieux, réalistes et consentis.

Au-delà de la création de nouveaux dispositifs législatifs et réglementaires, il est nécessaire de mobiliser pleinement les outils déjà existants et d’améliorer l’accompagnement des services de l’État, pour mieux les faire connaître des maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui connaissent bien leurs territoires et qui sont en mesure de décider des régulations idoines là où elles sont nécessaires.

Le projet de loi que vous portez ouvre également d’autres chapitres importants concernant des sujets aussi divers que la lutte contre les marchands de sommeil, la facilitation de la transformation de bureaux en logements, la mise en cohérence normative et la lutte contre les recours abusifs.

Nous en partageons complètement les objectifs et proposerons certains éléments qui nous semblent aller dans le sens de l’amélioration des dispositifs envisagés. Notre fil conducteur sera l’amélioration de la justice sociale et la promotion d’une économie du logement plus forte et innovante, cohérente avec la réalité des territoires et les difficultés qui les traversent.

Nous espérons donc que les débats autour de ce projet loi permettront d’aborder l’ensemble de ces éléments de manière constructive et viendront ainsi enrichir ce texte au profit d’une politique nationale du logement renouvelée et tournée vers l’avenir.

M. Thierry Benoit. Messieurs les ministres, après vous avoir entendu présenter le projet de loi ELAN et attentivement lu son contenu, je ressens de votre part une volonté d’essayer de répondre à des questions sur le logement qui restent posées depuis de nombreuses années.

Avec mes collègues du groupe UDI, Agir et Indépendants, nous avons toutefois identifié quelques fragilités, pour ne pas dire des lacunes.

Un élément me semble faire défaut à travers l’ensemble de ces articles : le continuum, la liaison entre la question du logement et du territoire, ce triptyque de l’emploi, du logement et du transport. Et cela vaut pour la métropole, mais aussi pour les territoires ultramarins.

La question des moyens se pose également. Ce n’est pas faire injure aux messieurs-dames de Bercy que de leur dire qu’ils arbitrent, aujourd’hui encore, en faveur du court terme et du construire plus, alors que nous nous inscrivons dans la perspective du moyen et du long terme. Il faut bien le leur faire comprendre, car ils ont la tête un peu dure…

Je parlais du lien au territoire, mais la question de l’échelon administratif se pose également. Il est vrai que depuis que le « président normal » a bouleversé la carte des régions, on ne sait plus trop quel est le bon échelon. Mais je considère que les régions restent un niveau intéressant pour les aspects programmatiques, tandis que les intercommunalités le sont pour les aspects opérationnels et interventionnels.

La question fiscale a été relevée par certains députés. Nous regrettons que le Gouvernement ait abordé les fameuses questions fiscales dans le projet de loi de finances pour 2018, et notamment qu’il ait fragilisé le PTZ et compliqué l’accession à la propriété en modifiant l’APL accession. Ce faisant, on a vraiment ébranlé la politique du logement ; et quelques mois plus tard, on y revient avec ce projet de loi ELAN… D’autant que lorsque vous portez le regard sur les zones tendues, vous mettez en place des dispositifs fiscaux très attractifs qui encouragent encore plus à s’y installer : comme le disait l’excellent ancien député du Maine-et-Loire Michel Piron, c’est remettre du bois dans la chaudière !

Pour les bailleurs sociaux, vous prévoyez une réorganisation, ce qui me semble intéressant. Mais j’ai une petite expérience de la vie publique locale grâce au cumul des mandats, et notamment du département d’Ille-et-Vilaine, comme plusieurs autres députés et comme le ministre Mézard : j’y vois des bailleurs sociaux d’envergure régionale et nationale qui font très bien leur travail, mais aussi des opérateurs locaux, et c’est une richesse pour les territoires. Dans la refonte de cette organisation, il faut que le Gouvernement soit attentif à cet aspect majeur.

Un bon point de ce projet de loi, ce sont les logements adaptables. Je pense que vous allez dans la bonne direction.

Sur le numérique enfin, ce ne sont pas les deux ou trois articles prévus dans le projet qui permettront d’atteindre l’objectif de 2020 ou 2022.

Surtout, soyons des acteurs de la simplification : ce texte doit vraiment être à cet égard un acte fondateur. Et pensons aussi à porter le regard sur l’accès au logement pour les jeunes.

M. François Pupponi. Aux yeux du groupe Nouvelle Gauche, ce projet de loi, à bien des égards, est un véritable travail d’orfèvre. Bercy et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages en ont rêvé, vous l’avez fait ! Tout a été construit, depuis la loi de finances, pour mettre à mal un secteur entier de l’activité économique : le logement.

Commençons par les aspects fiscaux. Tous les acteurs du secteur nous disent qu’en septembre, la production commencera à ralentir de manière forte, et la baisse des constructions s’affirmera en 2019. Vous êtes donc en train de réussir ce que nous avons dénoncé : 2017 était une année excellente en matière de production de logements, 2018 verra cette production commencer à baisser, et cette baisse s’aggravera en 2019. Et vous continuez avec le projet ELAN.

Premier problème : vous parlez de la vente aux Français. Vous avez raison, tout le monde est favorable à ce que les Français deviennent propriétaires. Mais dans ce texte, il est prévu que les logements soient vendus à des sociétés privées. S’ils n’avaient été vendus qu’aux locataires, ou entre bailleurs, cela ne posait pas de difficultés. Mais vous permettez de vendre à des sociétés privées, en fixant le niveau des ventes à 40 000 par an. Des sociétés privées vont acheter, et comme vous n’avez prévu aucun garde-fou, vous préparez les marchands de sommeil et l’habitat indigne de demain. Car ces sociétés privées vont revendre à des particuliers, elles vont faire du business. Elles ne seront pas là pour gérer du logement, mais pour réaliser de bonnes opérations financières. C’est un premier danger.

Vient ensuite le problème de la réorganisation du monde du logement social. Nous pourrions tous être d’accord, il faut restructurer et réorganiser, allons‑y ! Mais est-ce le moment, alors que l’on demande aux bailleurs sociaux de s’impliquer dans le programme de rénovation urbaine ? Croyez-vous qu’un bailleur conscient qu’il va disparaître dans six mois ou un an va s’impliquer dans ces projets ? On connaît à peu près ceux qui vont être mangés : ce sont les offices publics. Ces offices publics, qui permettent la proximité, n’entreront pas dans la rénovation et cesseront d’entretenir leur patrimoine. Ils ne se lanceront pas dans le grand programme de rénovation urbaine, et cela mettra à mal un grand projet.

Si je peux me permettre, messieurs les ministres, le drame pour vous est que ce texte arrive la semaine où le Président de la République va parler de la banlieue et du plan Borloo. Le plan Borloo dit sur ce sujet tout le contraire de ce que vous faites. C’est le hasard du calendrier, mais il faudra bien le gérer…

J’ai une question à vous poser. Jusqu’à présent, Bercy a toujours appliqué une règle scandaleuse : quand des bailleurs se vendent entre eux du patrimoine, c’est sur le dos des collectivités locales, puisque l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) repart pour quinze ou vingt-cinq ans. Ce qui fait perdre aux collectivités locales concernées des recettes fiscales, car ces immeubles produisent de la recette fiscale.

Monsieur le ministre, prenez-vous l’engagement que les cessions entre bailleurs dans le cadre de la réorganisation ne se feront pas sous forme d’exonération de la TFPB, et que les collectivités locales ne seront pas affectées budgétairement ? Ce sont les quartiers les plus défavorisés qui sont touchés, et c’est encore en contradiction complète avec le plan Borloo.

Sur la mixité sociale aussi, il y a un vrai problème. Vous voulez accélérer la création de places de résidence pour l’hébergement d’urgence ; on peut le comprendre. Pouvez-vous prendre l’engagement que ces résidences ne seront pas mises en place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Sinon, vous allez aggraver la ghettoïsation et la politique d’apartheid que ce pays a mis en œuvre depuis des années – c’est Manuel Valls qui l’a dit. Créer des résidences sociales d’hébergement d’urgence dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, c’est officialiser la non-mixité. Pouvez‑vous vous engager à ne pas laisser installer ces résidences dans ces quartiers ?

Mme Sabine Rubin. Nous abordons aujourd’hui un problème majeur dans la vie des Français. Commençons par rappeler que le logement n’est pas un bien marchand comme un autre. Se loger est un droit fondamental : il est bafoué pour les dizaines de milliers de sans-domiciles fixes et mis en péril pour les près de 4 millions de mal-logés et les plus de 12 millions de personnes en situation de fragilité vis-à-vis du logement. La priorité doit donc être de garantir un logement décent à ces personnes.

Ensuite, de nombreux Français ont des difficultés à se loger, notamment dans les métropoles, du fait d’un manque de logements à un prix abordable.

À cette grave crise, quelles ont été vos premières réponses ? La baisse des APL ; la demande du président Macron aux propriétaires de baisser leur loyer de cinq euros, restée sans effets ; la purge du mouvement HLM qui va perdre 1,7 milliard d’euros de revenus ; la promesse non tenue du Président qu’il n’y ait « plus d’ici la fin de l’année des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois » ; les déclarations choquantes de membres de la majorité sur les SDF à Paris.

Seule initiative positive après cette liste très inquiétante : le lancement du plan « logement d’abord » qui nous semble aller dans le bon sens et dont nous attendons les résultats.

Venons-en au projet de loi ELAN.

Premièrement, vous souhaitez provoquer un choc de l’offre en réduisant les normes, en accélérant les procédures, en prévoyant de nouvelles dérogations. Cela se traduit, par exemple, par un recul très important concernant l’accès pour les personnes à mobilité réduite, qui alerte fortement les associations et constitue un non-sens alors que la population française vieillit. On retrouve la même logique libérale que dans les ordonnances modifiant le code du travail : les rigidités réglementaires empêcheraient la construction de logements, il faut donc déréguler pour augmenter l’offre et faire baisser les prix. Nous ne partageons absolument pas cette idéologie et prônons une politique ambitieuse de rénovation énergétique et de construction de qualité.

Rappelons que la France est le pays d’Europe où l’on construit le plus : c’est donc que l’entrave réglementaire ne doit pas être un problème majeur. De plus, la production de logements ne pourra représenter qu’une très faible part de l’ensemble des logements, et aura donc un faible effet sur les prix.

Nous pensons qu’il faut construire des logements répondant à la demande sociale, et prendre des mesures sur le logement existant sans laisser la main invisible du marché décider de l’avenir du logement en France. C’est pourquoi nous proposons de construire un million de logements sociaux en cinq ans, et d’encadrer les loyers à la baisse.

Au contraire, vous avez imposé un plan d’austérité sans précédent au mouvement HLM, qui ampute ses capacités de construction et de rénovation du parc social. Vous imposez maintenant des fusions entre organismes ; nous ne pensons pas que ce soit le cœur du problème, d’autant plus que les coûts de gestion des grands organismes sont souvent les plus élevés. Après avoir affaibli les organismes HLM et déséquilibré leur modèle économique, vous voulez les renflouer en vendant les bijoux de famille : 20 000, voire 40 000 HLM par an. Il est absurde de vendre ce patrimoine alors que près de 2 millions de ménages sont en attente d’un logement social. Vous suivez l’exemple de la politique de Margaret Thatcher, dont on a vu les conséquences désastreuses. À terme, vous voulez marchandiser le logement social alors qu’il est plus que jamais nécessaire de le préserver et le développer au service de l’intérêt général.

Enfin, vous proposez la création d’un « bail mobilité » non reconductible d’une durée d’un à dix mois pour les étudiants, les personnes en formation et les stagiaires. Disons-le clairement, le bail mobilité est un bail précarité. Cela revient à créer un sous-bail pour les précaires. Il ne faut pas réduire les droits de locataires, mais au contraire mettre en place une garantie universelle des loyers par l’État et encadrer les exigences des propriétaires comme nous le proposons dans « l’Avenir en commun ».

Au cours de ce débat, les députés de la France Insoumise opposeront à la logique libérale qui vous anime et à la marchandisation du logement social que vous préparez une vision humaniste qui considère le logement social comme un modèle et le logement comme un droit fondamental.

M. Stéphane Peu. Bien évidemment, tout le monde ici peut souscrire aux deux grands objectifs du projet de loi : construire plus et mieux protéger. Je pense que la crise du logement dans notre pays est d’abord une crise du logement abordable, si l’on regarde qui est victime du mal logement, et combien pèse le logement dans le budget des ménages. Elle est donc liée au manque de logements conventionnés et de logements HLM.

Le problème est que sur ces objectifs louables et un diagnostic sur lequel nous pouvons être d’accord, vous posez, comme trop souvent, un postulat idéologique. Vous considérez que la réponse doit être libérale, et souvent éloignée des traditions de ce pays. Lors de la conférence de consensus, je vous avais suggéré, messieurs les ministres, de faire du benchmarking, des comparaisons internationales pour regarder partout où des crises du logement sévissent, notamment dans les grandes métropoles européennes, quelles étaient les difficultés auxquelles nos voisins sont confrontés, et les recettes mises en œuvre. Vous savez sûrement que l’atout de la France pour faire face à la crise du logement, c’est justement l’histoire d’une économie mixte dans le secteur du logement : un secteur public et un secteur privé, une économie de court terme et une économie de long terme. C’est cette mixité de la réponse à la crise du logement qui fait la force de notre pays ; c’est sur cette mixité qu’il faut s’appuyer pour répondre aux défis du logement. Et plutôt que d’affaiblir les HLM, il fallait les conforter pour que la branche de long terme, publique ou d’économie sociale et solidaire, soit renforcée par rapport à un secteur privé terriblement consommateur d’argent public. Dans notre pays, le secteur privé vit depuis plusieurs années sous perfusion d’aides publiques, beaucoup plus que le logement conventionné, au point d’en être totalement drogué.

Malheureusement, le fait d’être prisonnier de ce postulat idéologique vous éloigne des réponses pragmatiques qui s’appuieraient sur l’histoire de notre pays et iraient a contrario des crises que connaissent d’autres pays voisins, offrant à notre pays des réponses beaucoup plus efficaces.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine joueront le jeu parlementaire, déposeront des amendements : nous pensons que nous allons apporter notre pierre à l’édifice pour empêcher les mauvaises dispositions et essayer d’améliorer celles qui peuvent l’être. Mais j’appelle votre attention sur une chose : dans l’exposé des motifs, le logement est qualifié de diverses manières : bien marchand, bien de consommation, bien d’usage. Mais jamais on ne le voit qualifié comme un droit, alors que c’est un droit à caractère constitutionnel. Il y a là un péché originel qui permet de mieux comprendre la philosophie de ce projet de loi : loin de construire plus et protéger mieux, il va faire chuter la production de logements dans notre pays et fragiliser les plus modestes.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Les interventions des uns et des autres ont été sans surprise pour ce qui est de leur contenu, mais nous respectons bien entendu les diverses sensibilités qui se sont exprimées.

Je remercie M. Nogal de ses propos sur ce projet de loi, ainsi que M. Lagleize. Je reviendrai sur les explications de M. Benoît, que j’ai senties constructives.

Monsieur Bazin, j’ai bien écouté vos observations. Vous êtes déçu, vous considérez qu’il y a beaucoup d’oubliés, et que nous aurions tout consacré aux zones tendues, nous reprochant même de n’avoir retenu que 222 villes moyennes…

M. Thibault Bazin. Sur un total de 600 !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je ne veux pas vous renvoyer au passé, ce n’est pas mon habitude. Mais dans cette opération, nous avons réussi à mobiliser des fonds, avec des choix qui ont été considérés pertinents par un certain nombre de vos collègues sur le terrain, y compris de votre sensibilité politique, ce dont je me réjouis. Rien n’avait été fait à ce niveau depuis le septennat du président Giscard d’Estaing. Nous apporterons un plus à beaucoup de collectivités, et de manière tout à fait sereine.

J’entends vos critiques et l’expression de votre déception ; nous n’avons rien prévu sur la rénovation, dites-vous, mais avec ce qui a été annoncé sur la rénovation énergétique avec le ministre de la transition écologique et solidaire, ou les interventions fortifiées de l’Agence nationale de l’habitat, je crois que nous avons apporté des solutions à un certain nombre de problèmes.

Vous dites que la construction va flancher ; mais pour l’instant, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) continuent à progresser. C’est une réalité constatée par un certain nombre de collectivités, et elles n’ont pas envie que l’on apporte beaucoup de modifications sur ce plan – mais c’est un autre débat.

En tout cas, nous tiendrons compte de vos observations et j’essaierai, avec le secrétaire d’État, d’y répondre au cours de la discussion.

Monsieur Benoit, je salue votre esprit d’ouverture. Vous avez souligné quelques fragilités sur les liaisons entre logement, territoire et transport. Mais tout cela s’inscrit dans une vision d’ensemble, qui renvoie à d’autres textes, notamment au projet de loi sur les mobilités, et le Parlement pourra faire valoir utilement ses propositions en amont. En tout état de cause, cette vision d’ensemble ne se résume pas au projet de loi ELAN.

Vous avez rappelé les conséquences de la réforme territoriale – vous savez ce que j’en pense…

M. Thierry Benoit. Tout à fait ! Cinq sur cinq, monsieur le ministre !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il ne s’agit pas de créer un nouveau big bang. C’est vrai, les régions sont en train de prendre en considération leur rôle d’aménagement du territoire, élaborant des schémas prescriptifs, d’autres moins – trop souvent d’ailleurs. Vous avez parfaitement raison d’insister sur le rôle des intercommunalités dans ce domaine.

Vous avez parlé de simplification. C’est bien là notre volonté, même si j’entends que cela puisse déplaire à certaines sensibilités. Pendant de longues années, les textes n’ont cessé d’instaurer des règles supplémentaires, qui certes pouvaient constituer des améliorations et apporter des garanties, mais qui complexifiaient la loi. Si la question normative ne posait pas problème, nous ne serions pas assaillis de revendications pour opérer cette simplification.

Madame Rubin, je vous remercie d’avoir commencé par saluer la politique du logement menée par le Gouvernement ; nous y sommes attachés et ferons le maximum pour la développer. À vous entendre, nous aurions opéré une purge du mouvement HLM. Je vous rappelle que nous sommes parvenus il y a quelques semaines à signer une convention avec le président Dumont ; il est donc permis de croire que la purge a été considérée comme ingurgitable… Cette convention constitue un progrès partenarial ; nous y tenions, car nous n’avons jamais cessé le dialogue avec le monde HLM, et le remettre en cause n’a jamais été dans nos intentions.

Cela étant, une restructuration doit être entreprise. Sans aller jusqu’à reprendre les constatations de la Cour des comptes, on peut considérer qu’il était opportun de procéder à des évolutions, en laissant le temps nécessaire au monde HLM pour les conduire : cette restructuration en trois ans démarre d’ailleurs très rapidement et je ne doute pas qu’elle se passera bien.

Vous avez exprimé votre opposition au bail mobilité ; j’entends l’argumentation, mais, là encore, je persiste à penser que nous devons nous munir d’instruments nouveaux pour faciliter la vie quotidienne de nos concitoyens.

Si M. Pupponi était encore là, je lui dirais qu’il a la mémoire courte. Je m’efforce de garder des propos mesurés sur ce qui a pu se passer ces cinq dernières années, y compris à l’ANRU. À chacun ses responsabilités…

Monsieur Peu, vous jugez nos objectifs louables, ce qui est déjà beaucoup ! Mais selon vous, nous n’apporterions qu’une réponse libérale…

M. Stéphane Peu. Dogmatique !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. … et nous serions prisonniers d’un postulat idéologique. Je me garderai de vous renvoyer le compliment : ce serait trop facile, et qui plus est pas tout à fait justifié…

Nous essaierons de tenir compte d’un certain nombre de vos propositions. Il est des sujets sur lesquels nous avons la même approche et où beaucoup de travail reste à faire, notamment l’habitat indigne et les marchands de sommeil.

Vous nous rappelez que le logement est un droit ; je n’en ai jamais douté. Tout ce que nous faisons, avec une approche certes différente de la vôtre, c’est de permettre à nos concitoyens de l’exercer le mieux possible.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Bazin, je note que vous avez utilisé dans votre critique du projet de loi le terme « certes » à cinq reprises, ce qui revient à souligner en creux les éléments très positifs de ce texte : cela me comble d’enthousiasme pour la suite des débats !

Certains d’entre vous ont soulevé les questions budgétaires ; je me dois d’y répondre avec grande précision.

Il est trop facile de dire que le Gouvernement a réduit significativement les aides à l’achat et d’expliquer ainsi les difficultés dans le domaine de la construction. Rappelons que toutes les aides étaient appelées à s’arrêter au 31 décembre 2017. Et cela ne résulte pas des débats budgétaires : c’est ce que disait la loi. Comme toujours en pareil cas, les professionnels de l’immobilier ont interrompu le lancement de leurs opérations en amont des débats budgétaires, en attendant de savoir si ces aides seraient reconduites.

De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque la réduction des aides PTZ et Pinel, qui concernent respectivement 140 000 logements et 60 000 logements environ ? Seul le dispositif Pinel en zones B2 et C, qui concerne 6 000 logements, n’a pas été maintenu par la loi de finances pour 2018. Tous les autres ont été reconduits, et qui plus est sur une durée de quatre ans pour l’immense majorité. En véhiculant, comme certains s’y plaisent, le message selon lequel nous aurions réduit massivement ces aides, on crée la confusion chez les opérateurs alors que nous leur apportons précisément la visibilité dont ils ont besoin. De la même manière, le PTZ en zones B2 et C a été reconduit pour deux ans, ce qui ne veut pas forcément dire qu’il s’arrêtera, comme certains l’ont affirmé, en 2020.

Plus de 5 milliards d’euros ont été mobilisés sur cinq ans pour le plan « Action cœur de ville », dont 1,5 milliard d’euros d’Action Logement. Et l’ANRU sera dotée de 1 milliard d’euros, les premiers crédits ayant été budgétés dans la dernière loi de finances.

S’agissant de la réforme financière du logement social, je rappellerai que lors de nos débats sur la baisse des APL, l’opposition, de droite comme de gauche – notamment en la personne de M. Pupponi –, a défendu des amendements visant à introduire des taux d’effort de 10, 15, voire de 20 %. Leur adoption aurait eu pour conséquence de faire diminuer directement le bénéfice des APL, au détriment soit des locataires, soit des bailleurs sociaux. La réforme ambitieuse que nous avons mise en place permet précisément, grâce à la réduction des loyers dans le parc social, que les allocataires ne soient pas perdants.

M. Peu a raison de souligner l’effet inflationniste des aides. Mais c’est précisément parce que les prix sont si élevés, à plus forte raison dans une période de taux bas, que nous soutenons l’accession ou la construction par ce dispositif d’aides, au point d’en être devenus, nous en avons conscience, totalement dépendants.

Il est strictement faux de dire que les 40 000 logements sociaux annuels seront vendus à des personnes morales de droit privé. Rappelons quelle est la réglementation en la matière : lorsqu’un bailleur social souhaite vendre un logement, il doit le proposer d’abord à l’occupant, puis aux personnes physiques répondant aux critères d’éligibilité au logement social, ensuite à la commune, et en dernier ressort à une personne morale, publique ou privée, quelle qu’elle soit. La seule modification apportée par ce texte consiste à autoriser la vente en bloc de PLS de plus de quinze ans, avec obligation de laisser dans les lieux les occupants, durant tout le temps qu’ils le souhaitent.

Enfin, Mme Rubin a affirmé que nous ne ferions rien dans le domaine de la rénovation énergétique. Je ne crois pas me tromper en affirmant que le plan de rénovation énergétique des bâtiments, que nous avons annoncé avec Nicolas Hulot il y a quelques jours et qui prévoit la rénovation de 100 000 passoires thermiques par an, est plus ambitieux que ce qu’avait promis le candidat de La France insoumise dans son programme aux présidentielles…

M. le président Roland Lescure. Sept orateurs sont inscrits dans la discussion générale.

M. Julien Dive. Je voudrais interroger M. le ministre sur la revitalisation des centres-villes. Le plan « Action cœur de ville » est un beau projet et je me félicite que Saint-Quentin ait été retenue. Est-il néanmoins possible d’accompagner ce type de programme en donnant plus de moyens législatifs aux élus locaux dans le cadre des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) ? Il arrive, et ce fut le cas à Saint-Quentin, que les décisions des CDAC aillent à l’encontre de la volonté des élus locaux. En renforçant le rôle décisionnel du préfet, on touche au spectre des CDAC, mais j’aimerais que l’on puisse aussi renforcer celui du maire en lui octroyant un droit de veto ; cela ne relève pas de la loi, mais du domaine réglementaire. Enfin, êtes-vous toujours opposé, monsieur le ministre, au moratoire sur l’extension des zones commerciales ?

M. Serge Letchimy. Même si nous ne le partageons pas, nous comprenons bien votre objectif : en vendant le patrimoine HLM et en en privatisant une grande partie, vous essayez de restituer d’une main ce que vous avez pris de l’autre. Ma question est simple : comment allez-vous gérer les copropriétés ? La pression sera telle lors de la mise en vente que les occupants finiront par refuser l’offre, laissant les personnes privées acheter le bien. Avec ce texte, qui ne prévoit rien pour les copropriétés ainsi constituées, vous vous préparez à une multiplication des copropriétés dégradées.

Par ailleurs, vous avez affirmé que rien n’avait été oublié dans ce texte : je constate pourtant que rigoureusement rien n’est prévu concernant l’outre‑mer.

M. Daniel Fasquelle. Je copréside le groupe d’études sur l’autisme avec Carole Grandjean. La Cour des comptes vient de rendre un rapport : seulement deux adultes autistes sur dix ont accès au monde du travail. Une vie indépendante et autonome implique aussi l’accès au logement. Votre texte contient certes des dispositions sur l’accès au logement des personnes handicapées, mais il n’y a pas que le handicap physique. C’est le sens des amendements que nous avons déposés et sur lesquels j’appelle votre attention.

Ancien maire du Touquet – ville qui attire des résidents secondaires prestigieux –, j’ai déposé avec Thibault Bazin des amendements portant sur les meublés de tourisme, préparés avec des acteurs de terrain. En responsabilisant les acteurs, votre texte va dans la bonne direction, mais il est possible d’aller plus loin encore.

Je ferai également des propositions concernant les recours abusifs.

M. Jean-Claude Bouchet. Beaucoup de gouvernements ont décidé en leur temps de faire de la politique du logement leur priorité. Mais au-delà des intentions, le constat a toujours été celui de l’échec. La grande erreur est de croire que la politique du logement dans les grandes villes peut s’adapter aux villes de province. Pouvez-vous assurer la différenciation territoriale ? Ce projet de loi garantira-t-il une valeur ajoutée pour les villes de la ruralité ?

Dans quels délais pensez-vous que ce texte puisse répondre à la pénurie de logements que connaît notre pays ? Avez-vous réalisé des études d’impact ?

Enfin, les pénalités financières appliquées aux villes carencées en logements sociaux sont à l’évidence inopérantes. Ne peut-on travailler avec plus d’efficacité au niveau des intercommunalités ?

M. Éric Pauget. Construire plus, mieux et moins cher : nous partageons vos objectifs. Mais la réalité, c’est que la réduction du champ d’application du PTZ, la limitation de l’APL accession et surtout le relèvement, au 1er janvier 2018, du taux de TVA sur les opérations immobilières dans le secteur du logement social mettent l’ensemble des bailleurs sociaux en très grande difficulté de trésorerie et vont précisément à l’inverse de ces objectifs.

Par ailleurs, ce texte, et c’est une de ses faiblesses, ne prend pas en compte les spécificités des territoires, les maires et les communes. Si les maires partagent l’objectif de produire des logements, ils n’oublient pas qu’il y a, derrière, des services publics à gérer et à administrer. Je proposerai des amendements pour revaloriser la place du maire.

M. Robin Reda. Le lien entre logement et territoires est étroit, nous dit-on, mais alors que nous abordons l’examen de ce texte, nous ne connaissons toujours pas la vision du Gouvernement sur la décentralisation – ou plutôt comprend-on que les communes sont priées de s’estomper…

L’Île-de-France représente 20 % des mises en chantier. Or ce qu’on appelle communément le Grand Paris est plongé, pour ce qui tient à l’organisation des territoires, en particulier dans le périmètre métropolitain, dans un flou artistique qui va sérieusement geler les constructions et la gestion des aménagements urbains dans les années qui viennent. Il est urgent que le Gouvernement donne sa position sur ce que doit être le Grand Paris et sur la réorganisation des compétences aménagement et logement. Faute de quoi, la situation va devenir ingérable et mettra à mal les ambitions que vous défendez.

M. Fabrice Brun. Je voudrais revenir sur la dégradation de la construction des logements individuels en milieu rural. Tous types de logements confondus, les vingt-cinq départements où l’on construit le moins n’ont fourni que 15 000 logements en un an, dont 9 700 logements individuels seulement.

Il convient de mettre en place une nouvelle grande politique publique en faveur de la ruralité, en réintroduisant dans les principes fondamentaux de l’urbanisme la notion de développement rural. Sans pour autant opposer la ville à la campagne, il faut assouplir certaines dispositions du code de l’urbanisme, complexifiées de manière surprenante ces dernières années, afin de les adapter à la situation des communes de montagne ou à faible densité démographique. Ce sera le sens des amendements que je défendrai – des amendements semblables avaient été défendus par le sénateur Jacques Genest sous la précédente législature et avaient fait l’objet d’un examen bienveillant à la Haute assemblée. Je doute qu’ils déplaisent à M. le ministre !

Mme Célia Delavergne. J’entends les interrogations de nos collègues, mais je tiens à souligner le caractère équilibré de ce texte, qui réconcilie les locataires et les propriétaires, les zones urbaines et les zones rurales, et à rappeler la part importante qu’il fait aux territoires. Je voudrais aussi insister sur la méthode, puisqu’il est issu d’une conférence de consensus, à laquelle des parlementaires de tous bords ont participé, et qui a su associer les différents territoires. Aboutissement d’un travail collectif, ce texte ne doit pas être une excuse pour ressortir les vieux débats, mais l’occasion de parler logement, dans l’esprit d’équilibre qui a marqué sa conception.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. M. Dive a demandé que, dans le cadre des opérations de revitalisation du territoire – ORT –, nous donnions plus de pouvoir aux maires au sein des CDAC. Il me paraît important qu’en matière d’urbanisme commercial, tout soit fait en concertation avec les collectivités, en particulier avec les maires.

La situation des territoires étant très diverse, nous avons estimé qu’un moratoire généralisé sur l’extension des zones commerciales poserait problème dans un certain nombre d’endroits. Précisément, nous avons voulu faciliter la vie des élus locaux en donnant aux préfets la possibilité de bloquer un certain nombre d’aménagements commerciaux dans le cadre des ORT.

Par principe, je ne suis pas opposé au renforcement du rôle des maires. D’ailleurs, nous avons tenu à maintenir leur pouvoir de signer les permis de construire. Leur ôter ce pouvoir serait faire un pas vers la suppression des communes. J’ai toujours tenu bon sur ce point, et je continuerai.

M. Julien Dive. Vous n’êtes pas le seul !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Oui, mais cela n’a pas toujours été le cas, et dans tous les groupes ; mon expérience sous deux quinquennats me permet de le dire !

Monsieur Fasquelle, j’ai entendu vos observations sur la question du handicap. Je vous remercie d’avoir relevé un certain nombre d’avancées concernant les meublés de tourisme. Enfin, faisant suite au rapport sur les recours abusifs de Christine Maugüé, conseillère d’État, nous avons progressé, beaucoup plus loin que ce qui a été fait jusqu’ici.

Monsieur Bouchet a évoqué la différenciation territoriale et abordé la question de la loi SRU. Dans le débat, nous pourrons nous poser la question de certaines adaptations, mais nous n’entendons pas détricoter l’architecture générale de la loi SRU.

Monsieur Pauget, nous n’avons pas pour objectif de limiter le pouvoir du maire. Au contraire, nous souhaitons, dans l’intérêt des collectivités locales, accélérer les procédures dans le cadre des grandes opérations partenariales d’aménagement, y compris des opérations d’intérêt national (OIN).

Monsieur Reda, je ne peux vous dire aujourd’hui quelle sera la position du Président de la République et du Gouvernement sur le Grand Paris. Il est certain que la situation actuelle, résultat de l’accumulation d’un certain nombre de textes sur lesquels je ne reviendrai pas, n’est pas simple. J’ai reçu tout le monde et les représentants de chaque strate m’ont tous tenu le même discours, que je résumerai ainsi : « La situation actuelle est trop compliquée et il convient de supprimer telle ou telle strate, mais pas la nôtre, qui fonctionne très bien… » (Sourires.) Il nous faudra faire le maximum pour simplifier les choses ; peut-on maintenir une situation aussi complexe, avec des périmètres et des responsabilités enchevêtrées, et des sujets abordés à différentes échelles ?

Au-delà de la situation institutionnelle, nous avons besoin d’une vision d’ensemble et de faire en sorte que les grands projets puissent se réaliser. Le travail de réflexion se poursuit, le préfet d’Île-de-France a beaucoup travaillé sur le sujet à la demande du Président de la République. Cela fera l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale, mais sachez que nous avons pris le dossier à bras-le-corps.

Monsieur Brun, les logements vacants sont effectivement nombreux en milieu rural. Pour être l’élu d’un département très rural, je sais qu’avec des constructions neuves, on arrive même parfois à créer des logements vacants ! Cela ne signifie pas qu’il faille interdire la construction ni marginaliser encore davantage ces territoires. Il faut construire avec discernement, afin que les territoires ruraux conservent leur population et développent leur activité. Ce qui n’est pas toujours rendu facile par la mise en application des SCOT… Il nous reste beaucoup de travail de simplification à faire, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain ; je ne doute pas que vous y prêterez votre concours.

Enfin, monsieur Letchimy, je laisserai au secrétaire d’État le soin de vous répondre sur l’outre-mer et les copropriétés : mais le système des ventes en bloc devrait répondre pour partie à votre préoccupation.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Letchimy, vous demandez si l’accession sociale peut conduire à des copropriétés dégradées. Il faut commencer par rapporter le nombre de 40 000 logements mis en accession sociale par an au parc de logements sociaux, qui en compte 4,5 millions environ : le nombre de logements concernés est donc très limité.

Ces logements sont destinés précisément à ceux qui souhaitent accéder à la propriété. Il ne faut pas occulter le fait que beaucoup de nos concitoyens, y compris dans le parc social, souhaitent devenir propriétaires ; il est de notre responsabilité de pouvoir leur donner accès à ce parcours résidentiel.

Nous donnons la possibilité aux bailleurs de vendre les logements, nous ne l’imposons pas : il ne faut surtout pas en faire une obligation. Nous considérons que cette mesure est intéressante, car la vente d’un logement permet, dans certains territoires, de dégager des fonds pour en construire deux ou trois nouveaux.

Le texte prévoit des dispositions garantissant la transparence et l’information des acquéreurs potentiels. Par ailleurs, les bailleurs sociaux, dont le métier n’est pas d’accompagner l’accession sociale et de gérer la copropriété pourront, s’ils le souhaitent, confier cette mission à une filiale de portage. Cette disposition est l’aboutissement d’un travail que nous avons mené avec Action Logement. L’idée est de permettre la vente en bloc d’un immeuble, les bailleurs sociaux continuant de l’utiliser tandis que la filiale de portage gère la copropriété, le temps que tous les logements aient trouvé un nouveau propriétaire.

Les copropriétés dégradées sont une réalité, aussi bien dans les logements sociaux que dans les logements privés. Au-delà de la prévention, il faut lutter sans relâche contre les copropriétés déjà dégradées ou en train de décliner. Si nous favorisons par la loi l’émergence des opérations de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national – ORCOD-IN –, cela relève surtout d’une gestion de projets. Nous avons demandé aux préfets et aux équipes locales de faire la liste des copropriétés dégradées et nous nommons actuellement, avec l’ANAH, un chef de projet pour chaque copropriété, qui accompagnera son renouvellement. Il s’agit de prendre le problème à la racine et d’apporter des solutions réellement efficaces.

Tout comme vous, je constate que le projet de loi ne comporte pas assez d’éléments sur l’outre-mer. Nous avons beaucoup travaillé avec nos collègues du ministère des outre-mer ainsi qu’avec les parlementaires pendant la conférence de consensus. Nous n’avons pas encore atteint le niveau d’ambition qui doit être le nôtre vis-à-vis de l’outre-mer. Je ne doute pas que les débats permettront d’enrichir le texte à cet égard, notamment à l’article 14, relatif aux schémas d’aménagement régional (SAR). Enfin, les dispositions de la loi ESOC permettent d’adapter le code de la construction aux spécificités ultramarines, notamment avec le permis de faire.

Enfin, monsieur Pauget, vous avez évoqué l’augmentation du taux de TVA sur les opérations immobilières dans le secteur du logement social. Celle-ci résulte des discussions que nous avons eues avec les bailleurs sociaux, qui nous l’ont eux-mêmes proposé, lors du projet de loi de finances. Adossée à la réduction des loyers, qui représentera 800 millions d’euros les deux premières années puis 1,5 milliard d’euros, l’augmentation du taux de TVA permettra de diffuser l’effort entre les bailleurs et les sous-traitants.

Nous reviendrons sur le sujet des bailleurs sociaux, et sur les efforts que nous avons consentis pour améliorer l’aide à la construction, avec des mesures qui n’ont jamais été prises jusque-là – livret A, prêt de haut de bilan, prêt à taux fixe, loi MOP – et qui montrent que nous ne les avons aucunement ponctionnés. Aider à la construction et à la rénovation plutôt qu’à la subvention à la sortie, telle est la logique qui sous-tend toute l’action que nous menons sans relâche vis-à-vis des bailleurs sociaux depuis des mois. Tout ce travail, qui ne relève pas de la législation, mais de l’accompagnement, avec notamment la Caisse des dépôts, n’a d’autres buts que d’améliorer sans cesse le paquet financier proposé aux bailleurs sociaux ; on ne le dit jamais, mais un des scandales de ces dernières années est que les bailleurs sociaux aient eu à se financer à des taux très élevés, alors que leurs collègues européens profitaient de financements à taux bas.

Encore une fois, nous avons décidé de revenir sur ce qui se faisait depuis quarante ans – un système d’aides massives à la construction –, en agissant à la fois au niveau des aides aux personnes et des aides à la construction. C’est plus compliqué et cela prend plus de temps, mais c’est plus juste.

 

 


—  1  —

II.   examen des articles

Titre IER
CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER

Chapitre Ier
Dynamiser les opérations daménagement pour produire plus de foncier constructible

Avant l’article 1er

La commission examine lamendement CE2781 de M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de léducation.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de léducation. Le projet de loi propose de nombreuses mesures souhaitées et souhaitables, au service de l’ambition forte affichée au titre Ier. Le risque cependant est de favoriser le « construire plus et moins cher », au détriment du « construire mieux ».

L’amendement propose de renvoyer aux principes contenus à l’article 1er de la loi sur l’architecture de 1977 afin de les faire figurer dans les principes généraux du code de l’urbanisme, et de préciser les objectifs de qualité, d’innovation technique et architecturale, de maîtrise des coûts et de pérennité des ouvrages.

En faisant symboliquement entrer la loi sur l’architecture de 1977 dans le code de l’urbanisme, cet amendement ferait valoir la volonté du législateur de réconcilier deux mondes. Il vise aussi à lutter contre l’impression, parfois erronée, que donne le projet de loi à certains défenseurs de la qualité architecturale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement n’est pas normatif. Par ailleurs, nous ne sommes pas favorables à une mention de la loi de 1977 sur l’architecture dans un chapitre préliminaire du code de l’urbanisme, celui-ci ayant une vocation beaucoup plus large.

Pour notre part, nous proposerons de préciser un certain nombre de textes pour garantir la qualité architecturale, quand bien même il est difficile de donner une définition de celle-ci. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, dans la mesure où cet amendement n’est effectivement pas normatif et qu’il est de surcroît redondant, l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme visant déjà la qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de villes. Mais je comprends qu’il faille rassurer sur la volonté du législateur de préserver la qualité architecturale : c’est un objectif que nous partageons.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Cet amendement ayant été adopté après un débat en commission des affaires culturelles, je le maintiens.

M. Stéphane Peu. Le groupe GDR soutiendra cet amendement. On stigmatise souvent les barres et des tours HLM, mais ces logements correspondent en fait à une très brève séquence historique : ces logements ont été construits entre le début des années 1960 et le milieu des années 1970, caractérisées par une production intensive, à l’aide notamment de la technique dite du chemin de grue. La loi de 1977 a justement marqué une rupture et la fin de cet urbanisme des barres et des tours. Sachant que d’autres aspects du projet de loi peuvent faire craindre un retour à un urbanisme simplifié, avec des architectes relégués au second plan, il est important de se référer à ce texte.

M. Serge Letchimy. Nous sommes dans une époque très « constructiviste » en matière de logement et il y a eu peu de réflexions, d’études et de recherches en matière d’urbanisme ces vingt dernières années. Il me semble bon de mettre en avant dans la loi, au-delà des gains en termes de coût ou de quantité, la nécessaire qualité de l’œuvre.

Mme Danielle Brulebois. La loi de 1977 sur l’architecture a créé les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement. Financés par la taxe d’aménagement dans chaque département, les CAUE ont conservé un rôle de conseil sur la qualité architecturale.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1723 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à définir plus précisément le logement dans la loi, en reprenant la définition formulée par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Un logement est défini par trois conditions cumulatives : il s’agit d’un espace physique, d’un espace social et d’un espace sécurisé par le droit. L’idée, en arrière-fond, est que le logement est un droit, non une marchandise.

M. Richard Lioger, rapporteur. La définition est peu précise juridiquement, à l’image des termes « se détendre, dormir, manger, recevoir » et « espace sécurisé par le droit » utilisés dans l’amendement.

Par ailleurs, le code de la construction et de l’habitation prévoit des critères précis, permettant de définir les conditions que tout logement doit respecter.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Je récuse votre premier argument, les juristes du Haut Comité ayant estimé que cette définition était parfaitement fondée en droit. Définir un droit, ce n’est pas la même chose que définir un bien.

M. Mickaël Nogal. J’ai rencontré le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, qui a évoqué cette volonté d’inscrire le droit au logement en amont du texte. Je pense que cet amendement ne tient pas juridiquement ; j’irais même jusqu’à penser qu’il pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel. Pour autant, je ne souhaite pas que le rejet de cet amendement par le groupe La République en Marche soit interprété comme un manque de considération à l’endroit des personnes défavorisées et, plus généralement, de ceux qui ont droit à un logement.

M. Stéphane Peu. Ceux qui connaissent la nature des jugements sur la question de l’habitat insalubre savent que l’absence de définition du logement dans le droit français laisse des marges d’interprétation, qui jouent souvent au détriment des mal-logés.

La commission rejette lamendement.

Article 1er
(articles L. 312-1, L. 312-2, L. 312-3, L. 312-4, L. 312-5, L. 312-6, L. 312-7, L. 312-8 [nouveaux] du code de lurbanisme)
Projet partenarial daménagement et grande opération durbanisme

1.   L’état du droit

L’urbanisme est un des domaines majeurs de compétences qui ont été décentralisées en 1983. Depuis lors, communes et groupements de communes disposent de la compétence de principe en matière de documents d’urbanisme, d’aménagement urbain ainsi que de permis de construire, d’autorisations et d’actes relatifs à l’occupation ou à l’utilisation du sol.

La notion d’opération d’intérêt national (OIN) est née de la nécessité de conserver un régime d’exception à ce transfert de compétences afin de préserver des champs de prérogatives de l’État pour la réalisation d’opérations d’urbanisme d’envergure. La fixation dun périmètre dOIN permet en effet à lÉtat dy introduire un régime juridique spécifique et d’y exercer certaines compétences d’urbanisme à la place des collectivités territoriales.

2.   Les dispositions du projet de loi

En l’état actuel du droit, les grandes opérations urbaines sont conduites, soit à l’initiative des collectivités territoriales, et notamment des métropoles, soit par l’État dans le cadre d’OIN via l’intervention d’établissements publics d’aménagement. Pour dépasser lalternative entre lintervention seule dune collectivité et la création dune OIN, le projet de loi crée deux nouveaux outils : le projet partenarial d’aménagement et la grande opération d’urbanisme.

a.   Le projet partenarial d’aménagement

Les treize premiers alinéas créent le projet partenarial d’aménagement (PPA), nouvel outil contractuel permettant de réunir et de faire s’engager les partenaires opérationnels et financiers autour d’une même opération d’urbanisme. Ce contrat établit les engagements réciproques de lÉtat et des intercommunalités, y compris des établissements publics territoriaux, de la Ville de Paris et de la métropole de Lyon (alinéas 6 à 10). Les communes concernées sont associées à son élaboration et peuvent en être signataires (alinéa 11). Ce contrat peut aussi être signé, à leur demande, par d’autres collectivités territoriales, comme la région et le département, ainsi que par des établissements publics intéressés (alinéa 12). Sur proposition des collectivités et établissements publics signataires, il peut également être signé par toute société publique locale (SPL) et par tout acteur privé susceptibles de prendre part aux opérations stipulées, à condition qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts (alinéa 13).

Le projet de loi prévoit plusieurs effets juridiques liés au PPA. L’article 3 autorise, sous certaines conditions, les établissements publics d’aménagement de l’État à intervenir hors de leur périmètre, pour des opérations contractualisées dans le cadre d’un PPA. L’article 6 du projet de loi prévoit, quant à lui, une procédure permettant à l’État de céder en bloc et à l’amiable des terrains bâtis ou non bâtis de son domaine privé, pour la réalisation d’opérations d’aménagement prévues par le PPA.

b.   La grande opération d’urbanisme

Les quinze derniers alinéas de l’article 1er créent et définissent la grande opération d’urbanisme (GOU).

i.   La procédure de création d’une GOU (alinéas 16 à 20).

La GOU doit être prévue dans le PPA (alinéa 16). Le PPA n’emporte pas automatiquement la création d’une GOU, mais, à l’inverse, la mise en place d’une GOU nécessite la signature préalable d’un contrat de PPA. La GOU est une opération d’aménagement dont la réalisation requiert un engagement conjoint de lÉtat et des intercommunalités « en raison de ses caractéristiques et dimensions » (alinéa 16). La qualification de GOU est décidée par délibération de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’intercommunalité signataire du PPA (alinéa 17). Elle requiert soit l’accord du préfet de département et celui de l’ensemble des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre d’une GOU, soit un arrêté du préfet de département en cas d’avis défavorable d’une des communes (alinéa 18).

ii.   Les modalités de fonctionnement d’une GOU (alinéas 20 à 29)

La GOU emporte des transferts de compétences aux intercommunalités en matière d’autorisation d’urbanisme, de maîtrise d’ouvrage et de gestion des infrastructures.

– Lalinéa 21 prévoit le transfert de la compétence pour délivrer les autorisations durbanisme du maire au président de l’établissement public ou de la collectivité à l’initiative de la GOU.

Le pouvoir du maire pour délivrer les autorisations d’urbanisme

Avec les lois de décentralisation, les maires ont reçu compétence pour délivrer les permis de construire dans les communes dotées de plans d’occupation des sols, de plan local d’urbanisme ou de cartes communales approuvées. L’État reste, par exception, compétent pour se prononcer sur certains projets mentionnés à l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme (par exemple des travaux à l’intérieur d’une OIN). Les articles L. et R. 422-3 du code de l’urbanisme prévoient la possibilité pour une commune de déléguer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la compétence étant alors exercée par le président de l’EPCI. La délégation de compétence doit être confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l’élection d’un nouveau président de l’EPCI. Si la commune n’est pas couverte par un document d’urbanisme, les permis sont instruits et délivrés par le maire au nom de l’État, sauf dans les cas énumérés à l’article R. 422-2 du même code (retour de la compétence au préfet).

Le Conseil d’État ([1]) estime que cette disposition ne méconnaît pas le principe de libre administration des communes dans la mesure où elle répond à l’objectif d’intérêt général d’assurer l’aménagement cohérent d’une zone précisément délimitée et où, en cas d’avis défavorable d’une des communes comprises dans ce périmètre, la qualification de GOU est décidée par le préfet, ce qui confère à l’État le soin d’apprécier l’existence de cette nécessité. L’alinéa 30 de l’article 3 du projet de loi crée l’article L. 422-3-1 du code général des collectivités territoriales qui attribue cette nouvelle compétence aux présidents d’EPCI.

– Lalinéa 23 prévoit que la création et la réalisation des opérations daménagement sont réputées dintérêt communautaire ou métropolitain à l’intérieur du périmètre d’une GOU. Ces compétences sont donc directement transférées aux différents groupements de collectivités sans qu’il n’y ait besoin de vote spécifique de leurs organes délibérants.

L’intérêt communautaire ou métropolitain

L’exercice de certaines compétences par les groupements de collectivités est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt communautaire ou métropolitain. Cet intérêt s’analyse comme la ligne de partage, au sein d’une compétence, entre les domaines d’action transférés à la communauté et ceux qui demeurent au niveau des communes. Cet intérêt est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la communauté urbaine, de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la métropole.

– Les alinéas 27 et 28 permettent à une commune de confier la réalisation déquipements publics relevant de sa compétence à l’EPCI ou à la collectivité à l’initiative d’une GOU. Cet établissement ou cette collectivité peut également construire et gérer cet équipement en lieu et place de la commune dès lors que celle-ci y renonce, après accord du représentant de l’État dans le département. Comme l’indique le Conseil d’État ([2]), « lÉtat est alors garant de lutilisation de ce pouvoir de substitution doffice qui semble jusquici navoir pas de précédent entre collectivités territoriales ».

Les alinéas restants créent un régime dérogatoire à certaines règles durbanisme dans le périmètre des GOU :

– Lalinéa 22 étend aux projets soumis à permis de construire dans le périmètre d’une GOU lexpérimentation dite du « permis de faire » prévue pour les OIN par la loi du 7 juillet 2016 ([3]) relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Cette expérimentation donne la possibilité à l’État et aux collectivités territoriales, jusqu’en juillet 2023, d’autoriser les maîtres d’ouvrage à déroger aux règles applicables à leurs projets dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles.

– Les alinéas 24 et 25 donnent la possibilité de créer une zone daménagement différé (ZAD) par délibération de l’EPCI ou de la collectivité à l’origine de la GOU. Cette possibilité est assortie d’une dérogation à la durée de six ans renouvelable prévue par l’article L. 212-2 du code de l’urbanisme pendant laquelle le droit de préemption dans une ZAD peut être exercé puisque cette durée est portée, dans les GOU, à une période de dix ans renouvelable une fois.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur est convaincu que le PPA, nouveau mode de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, permettra la réalisation d’opérations dont l’ampleur est significative pour le développement des collectivités locales concernées, qu’il s’agisse de production de logements, de construction d’équipements publics ou d’accueil d’activités et de commerces. Cet outil étant contractuel, le rapporteur estime qu’il faut en rester aux dispositions générales du projet de loi et que les caractéristiques précises des opérations pouvant figurer dans un PPA doivent rester à l’appréciation des signataires du contrat.

Le rapporteur considère la GOU comme étant un outil opérationnel essentiel pour offrir aux intercommunalités les leviers nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement d’envergure. Néanmoins, le rapporteur insiste sur l’importance des dispositions du projet de loi, qui permettent d’associer pleinement les communes à ces dispositifs.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté seize amendements rédactionnels ainsi que plusieurs amendements permettant de clarifier le rôle des différents acteurs parties prenantes au PPA ou à la GOU et de préciser l’articulation entre ces deux outils.

Le PPA ayant pour objectif de réunir et de faire s’engager tous les partenaires opérationnels et financiers autour d’un contrat, la commission a adopté deux amendements précisant la liste des signataires potentiels de ce contrat en y ajoutant explicitement les établissements publics locaux et les personnes publiques.

La commission a adopté des dispositions précisant les modalités de mise en œuvre des GOU. Elle a estimé nécessaire d’expliciter ce qui est sous‑entendu par le projet de loi, à savoir que la GOU requiert un engagement conjoint de l’État et d’une collectivité ou d’un EPCI pilote. Elle a également jugé utile de distinguer les dispositions relatives à la GOU qui doivent figurer dans le PPA et celles qui doivent figurer dans l’acte de qualification de GOU. Elle a ainsi adopté, à l’initiative du rapporteur, des dispositions qui prévoient que le contrat de PPA fixe les caractéristiques et les dimensions de la GOU. L’acte de qualification de GOU en fixe, quant à lui, la durée et le plan de financement. Ce plan de financement peut être modifié par délibération de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’EPCI pilote, après consultation des communes concernées. La commission a également souhaité encadrer davantage le pouvoir d’arbitrage attribué au préfet qui est compétent pour créer la GOU en lieu et place de l’intercommunalité, en cas de désaccord d’une commune. Un amendement du rapporteur a ainsi été adopté pour préciser les critères auxquels le préfet doit se soumettre pour exercer ces prérogatives.

Enfin, la commission a tenu à supprimer tout risque de confusion entre le rôle de maître d’ouvrage et la fonction de maîtrise d’œuvre. Dans le cadre d’une GOU, une commune peut confier la réalisation d’équipements publics relevant de sa compétence à l’EPCI compétent qui assure alors la maîtrise d’ouvrage de ces équipements. Contrairement à ce que prévoyait le projet de loi initial, la commission a souhaité que l’EPCI ne soit pas forcément l’acteur qui réalise les études ou les missions nécessaires à l’exécution des travaux.

*

*    *

La commission examine les amendements identiques CE334 de M. Thibault Bazin, CE787 de M. Éric Pauget, CE2470 de M. Denis Sommer, ainsi que lamendement CE1877 de M. Jean-Luc Lagleize, pouvant être soumis à discussion commune.

M. Thibault Bazin. Pour mettre en œuvre durablement des opérations d’aménagement ambitieuses, au service de projets de territoires et des habitants, il ne faut pas écarter les communes de l’accès à un outil contractuel, potentiellement dérogatoire au droit commun de l’urbanisme, et plus performant en matière de politiques publiques.

Mon amendement CE334 vise donc à réintégrer les communes comme bénéficiaires. D’autre part, il vise à rectifier, dans le texte, le champ d’application de ce nouvel outil d’aménagement dérogatoire au droit commun de l’urbanisme, au regard de sa définition telle que précisée dans l’exposé des motifs, soit « la réalisation d’opérations d’aménagement complexes ou d’une certaine ampleur » qui « vise à définir un projet de territoire comprenant des objectifs de production de logements ».

M. Éric Pauget. Mon amendement CE787 vise à réintégrer la commune comme acteur de premier rang des contrats de projet partenarial d’aménagement (PPA), dans le même esprit que l’amendement de M. Bazin. Mes amendements CE788 et CE790, que nous examinerons plus loin, répondent au même objectif.

Mme Danielle Brulebois. L’amendement CD2470, identique, est défendu.

M. Jean-Luc Lagleize. Mon amendement CE1877, tout comme les amendements CE2595 et CE2596 que nous examinerons un peu plus loin, vise à s’assurer que les projets partenariaux d’aménagement (PPA) comprennent bien des logements et à préciser en ce sens le terme « aménagement », et à faire en sorte que la commune soit signataire de tous les PPA.

M. le président Roland Lescure. Restons-en pour l’instant aux amendements identiques CE334, CE787 et CE2470 et à l’amendement CE1877.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Le projet partenarial d’aménagement est un nouveau mode de contractualisation entre l’État et les collectivités, dont il n’est pas pertinent de réduire le champ dans la loi. Ce contrat permettra la réalisation d’opérations dont l’ampleur est significative pour le développement des collectivités locales concernées : production de logements, construction d’équipements publics, accueil d’activités et de commerces. Le caractère complexe de l’opération et son ampleur doivent rester à l’appréciation des signataires du contrat.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quelle est la philosophie de ces projets partenariaux d’aménagement ? Il s’agit de passer en mode projet sur le terrain et de ne pas créer une énième procédure. Le PPA sera un cadre de discussion pour que tous les acteurs puissent débattre localement, s’entendre et porter un nouveau projet. Notre objectif : donner plus de liberté aux acteurs locaux dans la définition de ce qu’est leur projet d’aménagement, son périmètre, et les instruments de sa mise en œuvre. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements concernant la définition du PPA.

M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur Denormandie, vous parlez de « tout projet d’aménagement » mais j’ose espérer que ce projet de loi, intitulé ELAN, parle également de logement, comme le L de cet acronyme l’indique. Je ne vois pas l’intérêt d’insérer dans cette loi des projets complexes ne comprenant pas de logements. C’était l’objectif de mon amendement : réintroduire du logement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mais le A de ELAN désigne l’aménagement… Notre approche consiste à laisser les acteurs locaux le choix de définir le périmètre de leur projet d’aménagement, sans le figer dans la loi.

La commission rejette les amendements identiques CE334, CE787 et CE2470, puis elle rejette lamendement CE1877.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CE988 et CE989 de M. Richard Lioger, rapporteur.

Elle en vient à lexamen des amendements identiques CE788 de M. Éric Pauget, CE887 de M. Thibault Bazin, CE1882 de Mme Emmanuelle Ménard, CE2595 de M. Jean-Luc Lagleize et CE2597 de M. Denis Sommer.

M. Thibault Bazin. L’article 1er traduit la place que vous voulez laisser aux communes dans les PPA. C’est un des sujets importants du projet de loi : développer des projets sans l’aval des communes risque rapidement de poser des problèmes en termes de cohérence des politiques publiques sur les territoires. Il serait contre-productif – et inédit en droit de l’aménagement – d’écarter les communes de l’accès à cet outil contractuel.

Si l’on veut que ce dispositif soit une réussite – et je crois que vous le souhaitez sincèrement – il doit être coconstruit entre les communes, les groupements et l’État. Si tout le monde ne tire pas dans le même sens, jamais on ne pourra mettre durablement en œuvre des opérations d’aménagement ambitieuses. L’amendement CE887 vise à réintégrer les communes comme bénéficiaires de premier rang d’un contrat de projet partenarial d’aménagement, au même titre que leurs groupements.

Mme Emmanuelle Ménard. Il convient que les contrats de PPA puissent être conclus entre l’État et une commune. Les communes ne doivent pas seulement être considérées comme des « partenaires institutionnels et financiers de second rang » mais comme des acteurs privilégiés et compétents. Associer les communes dans les PPA, c’est avoir l’assurance que la production des logements sera intégrée de manière cohérente dans l’urbanisme de la ville. C’est l’objet de mon amendement CE1882.

Contrainte de retourner en séance, je ne pourrai pas défendre mes amendements suivants, mais je le ferai lors de la discussion dans l’hémicycle.

M. Jean-Luc Lagleize. Notre amendement CE2595, dans le même esprit, tend à réintroduire la commune dans le dispositif.

Mme Danielle Brulebois. La commune doit être réintroduite dans les PPA, en raison des compétences structurantes dont elle dispose en matière d’aménagement. C’est l’objet de l’amendement CE2597.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements car les intercommunalités gagnent à être à l’origine des PPA. Par ailleurs, le projet de loi comporte déjà des dispositions qui permettent l’étroite association des communes que vous appelez de vos vœux. L’article 1er indique que les communes concernées sont associées. Son alinéa 13 permet aux communes de proposer qu’une société publique locale ou qu’un acteur privé implanté sur le territoire prenne part à la réalisation des opérations favorisées par le contrat.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Les communes ne sont aucunement écartées puisqu’elles sont associées, ce qui est tout à fait logique.

M. Robin Reda. Je trouve parfaitement incohérent d’écarter les communes comme signataire de ces projets partenariaux tout en réduisant les possibilités de recours au motif qu’ils mettent en péril ces grandes opérations. La commune est le lieu de la démocratie de proximité et de la concertation. Que se passera-t-il si, demain, devant des habitants en réunion publique ou devant son conseil municipal, un maire explique qu’il n’est pas partie prenante à un projet et appelle à s’y opposer ? Cas de figure tout à fait fictif, je vous l’accorde, mais qui montre a contrario que la commune doit être une partie prenante de premier plan, car c’est l’échelon où les grands projets seront les plus discutés, débattus et parfois critiqués. Les intercommunalités ne jouissent pas de la même légitimité auprès des habitants pour mener ce travail de concertation de proximité propre à éviter les risques de recours gracieux, voire contentieux.

M. Mickaël Nogal. Arrêtons de faire comme si les communes n’étaient pas partie prenante des intercommunalités ! Le sujet va être largement évoqué dans ce projet de loi. Les communes ne sont pas laissées de côté : elles sont associées, au second rang, ce qui est logique puisque l’État contractualisera avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le groupe La République en Marche votera contre ces amendements.

M. Stéphane Peu. Le terme « associé » ne veut juridiquement rien dire. La seule association juridiquement valide, c’est la signature du contrat. Ici, la commune peut – ou non – être associée. Le monde des agglomérations n’est pas celui des bisounours, vous le savez bien… La majorité d’une ville n’est pas toujours celle de l’agglomération. Je regrette cette régression alors que les lois de décentralisation avaient constitué une réelle avancée en la matière et justement permis d’en finir avec les barres et les tours caractéristiques d’une période où justement on n’associait pas les communes – et encore moins les habitants – à l’élaboration des projets urbains. Et la seule façon d’asseoir juridiquement l’association des communes, c’est de les rendre signataires du PPA.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quel est notre état d’esprit ? Nous souhaitons faire en sorte que les projets puissent émerger. Deux situations se présenteront : si le projet se limite au périmètre de la commune, l’expérience montre que le PPA ne sera pas forcément utile, les maires disposant déjà des outils. Mais si de grands projets d’aménagement impliquent plusieurs communes, et donc une intercommunalité, le PPA peut être utile. Faut-il alors que toutes les communes soient signataires ? Le projet de loi prévoit que les communes peuvent être signataires de second rang du PPA, mais il n’y a pas besoin qu’elles soient toutes signataires : nous savons qu’il est parfois difficile de mettre tout le monde d’accord sur certains projets d’aménagement. L’EPCI doit avoir le dernier mot. C’est lui qui signe avec l’État.

Pour autant, il ne faut pas vous méprendre, nous ne mettons pas de côté les communes, bien au contraire ! Quand le projet est à l’échelle de la commune, elle le pilote toute seule, sans PPA. Quand il est à l’échelle d’une intercommunalité et que certaines communes ne sont pas désireuses d’avancer dans le même sens que l’intercommunalité – et donc que la majorité des communes –, le PPA doit quand même pouvoir être mis en œuvre.

M. Jean-Luc Lagleize. Tel qu’il est rédigé, l’article permet à un EPCI d’imposer un PPA à une commune. Je vous rappelle que certaines communes, comme Bordeaux ou Toulouse, ont mis en œuvre un PPA sur le seul territoire de leur commune. Je vous rappelle également qu’il y a quelques années, la métropole bordelaise et la commune de Bordeaux n’avaient pas la même gouvernance politique…

Nous souhaitons éviter qu’un EPCI n’impose à un maire un projet d’aménagement, afin que ces projets se développent de manière consensuelle.

M. Éric Pauget. Sur le terrain, ce type de projet ne réussit que si les maires concernés sont associés. La meilleure manière de faire aboutir un projet d’aménagement intercommunal consiste à impliquer tous les maires, quels que soient les clivages politiques. 99 % des intercommunalités ne connaissent d’ailleurs pas de tensions politiques, puisque les maires se sont mis d’accord en amont. Ne pas faire signer les maires, c’est ne pas leur faire confiance et c’est le meilleur moyen de faire échouer le projet !

M. Serge Letchimy. Je peux comprendre votre raisonnement : une majorité doit se dégager pour faire aboutir un PPA et un maire ne doit pas pouvoir bloquer le projet. Mais la rédaction de l’article 1er va beaucoup plus loin et donne l’impression que les compétences communales d’urbanisme – droit des permis, modification des règlements des projets locaux d’urbanisme (PLU) – sont déportées vers les EPCI.

C’est votre état d’esprit et vous êtes majoritaires. Certes, mais la commune – entité démocratique – doit garder sa place au sein des EPCI pour mettre en œuvre les PPA, d’autant plus que les EPCI ont récemment évolué sur le plan de la gouvernance.

M. Stéphane Peu. Sur ces sujets, mon approche est plus pragmatique qu’idéologique. Par ailleurs, je siège depuis de nombreuses années dans une agglomération composée de neuf communes, dans laquelle de nombreux projets d’aménagement intercommunaux ont été menés, qui n’impliquent d’ailleurs jamais toutes les communes, mais seulement trois ou quatre au mieux. Dans mon exemple, nous ne demandons pas que les neuf communes signent le PPA, mais seulement les deux, trois ou quatre concernées, car la commune est le seul échelon où s’exprime la souveraineté populaire directe. Sinon, ou bien le projet sera mené contre une ville et sa population, ou bien il ne se fera pas. Le pragmatisme voudrait donc que la commune soit signataire de premier rang…

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quand un projet est porté par une intercommunalité, qu’il concerne un certain nombre de communes et que toutes y sont favorables, le PPA ou la grande opération d’urbanisme (GOU) ne sert à rien.

Comment inciter tout le monde à se mettre autour de la table pour discuter ? C’est la question fondamentale. Et comment donner la capacité à un EPCI de devenir un élément décisionnaire là où jusqu’à présent, le pouvoir décisionnaire ne peut être accordé qu’au préfet par le truchement des opérations d’intérêt national (OIN). Nous faisons le pari que, dans certains cas – quand des projets intéressant l’agglomération n’emportent pas l’assentiment de tous –, ce nouveau cadre permettra à l’EPCI d’engager les discussions, d’établir un projet, puis, si tout le monde ne s’accorde pas, d’utiliser la GOU pour lui permettre de mener à bien le projet.

Mais n’allons pas faire de cette disposition une généralité : elle ne vise qu’à répondre à des cas très particuliers, lorsqu’un projet d’intérêt intercommunal n’emporte pas l’adhésion de tous, afin de disposer d’un outil permettant de réunir tout le monde et, si une majorité en est d’accord, à l’intercommunalité de mener à bien le projet. M. Mézard et moi-même l’avons toujours dit et répété : d’une manière générale, le permis de construire reste bien de la seule compétence du maire.

La commission rejette ces amendements.

Elle passe ensuite à lexamen de lamendement CE1289 de M. Richard Lioger, rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes favorables cet amendement, sous réserve de revoir sa rédaction pour la séance afin d’en faire un article indépendant non codifié, sous la forme d’une disposition transitoire.

M. le président Roland Lescure. Plutôt que de le rectifier maintenant, je suggère au rapporteur de le retirer afin de le retravailler d’ici à la séance.

Lamendement est retiré.

La commission en vient ensuite à lexamen, en discussion commune, de lamendement CE888 de M. Thibault Bazin et des amendements identiques CE790 de M. Éric Pauget, CE2596 de M. Jean-Luc Lagleize et CE2598 de
M. Denis Sommer.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE888 vise à rédiger ainsi l’alinéa 11 de l’article 1er : « Art. L. 3122. – Lorsqu’elles ne sont pas cocontractantes du contrat de projet partenarial d’aménagement au sens de l’article L. 312‑1, les communes concernées sont associées à l’élaboration du contrat et en sont signataires, si elles le souhaitent. ».

Nos concitoyens peuvent parfois avoir l’impression que les politiques menées le sont sans leur avis. Or, lorsqu’on est élu maire, on porte un projet pour sa ville. Certes, on se retrouve parfois dans des intercommunalités, mais celles-ci ont beaucoup grandi, jusqu’à atteindre la taille XXL – on le voit dans votre département comme dans le mien, monsieur le ministre. Nous devons être en mesure d’asseoir la légitimité des projets, afin qu’ils ne soient pas vécus comme imposés par les intercommunalités ou l’État. Donner aux communes la possibilité de rester des partenaires de premier plan ne pourra que faciliter l’acceptation des projets par les populations.

M. Éric Pauget. J’ai déjà défendu mon amendement CE790. En quoi cela pose-t-il un problème d’intégrer le maire et de lui faire confiance ? J’y vois plutôt une chance supplémentaire de faire aboutir du projet.

Quelle est la réalité des territoires ? La proximité du maire est un élément déterminant. C’est à lui que la population fait confiance, plus qu’à l’intercommunalité ou aux autres strates administratives. Ne pas associer les maires revient à affaiblir votre projet de loi – dont je partage globalement la philosophie – et à ne pas se donner les moyens d’aboutir.

Mme Danielle Brulebois. Notre amendement CE2598 vise à associer les communes à l’élaboration du contrat.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ces amendements postulent que les communes ne peuvent être cocontractantes du contrat de projet partenarial d’aménagement, ce qui n’est pas le cas. J’y suis donc défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis également défavorable, mais je tiens à éviter les malentendus. Nous sommes intimement convaincus que les communes et les maires sont au cœur de l’acte de construction et d’aménagement. L’alinéa 11 de l’article 1er ne dit d’ailleurs pas autre chose puisqu’il dispose que « les communes concernées sont associées à l’élaboration du PPA et elles peuvent en être signataires ». Votre amendement est donc satisfait, monsieur Bazin. Nous pouvons préciser « , si elles le souhaitent, » si cela vous semble plus clair.

Par définition, lors de l’élaboration d’un PPA, l’EPCI a l’obligation d’associer les communes. J’entends la remarque de M. Peu sur la valeur juridique du terme « associées ». Nous pouvons y réfléchir pour la séance publique afin d’être plus précis. Mais c’est avant tout une approche « projet » que nous promouvons.

Vous soulevez une deuxième interrogation : que se passe-t-il quand certaines communes concernées n’adhèrent pas à un projet d’intérêt intercommunal ? Dans ce cas, nous souhaitons qu’en dernier ressort, l’EPCI vote. C’est le principe de la GOU, qui évitera de passer par le truchement des opérations d’intérêt national (OIN) et autres – on en compte désormais près d’une vingtaine – et laissera le sujet au niveau de l’intercommunalité.

M. Stéphane Peu. D’une certaine manière, M. le secrétaire d’État vient d’éclairer l’intention du Gouvernement : en ne permettant pas aux communes concernées d’être signataires, on offre la possibilité à la majorité d’un EPCI
– potentiellement extra-communale – d’imposer un projet d’aménagement à une commune. C’est à mes yeux une faute et une régression au regard des responsabilités acquises par les communes au fil des ans. Mais c’est également une régression démocratique car on risque de faire de l’aménagement contre les habitants.

M. Robin Reda. Encore un mot sur le Grand Paris : la commune de Paris me semble être la seule en France – avec Lyon peut-être – qui peut être cocontractante et signataire d’un PPA.

Mais elle est également membre d’un EPCI – la métropole du Grand Paris – qui compte cent trente et une communes. Si je comprends bien votre rédaction, Paris disposera de tous les leviers : si elle est cocontractante d’un PPA, les cent trente autres communes de la métropole ne pourront pas s’opposer à ce projet ; en revanche, du fait de son poids quasiment majoritaire dans l’EPCI, elle pourrait s’opposer à n’importe quel projet partenarial soutenu par toutes les autres communes de la métropole… Si la gouvernance des EPCI – d’ailleurs soutenue par la loi – ne permet pas une gestion en bonne intelligence des projets partenariaux, les objectifs que vous vous fixez ne pourront être atteints.

M. Hubert Wulfranc. Au-delà de l’aspect démocratique, de telles opérations intercommunales d’aménagement ont forcément des incidences en termes d’équipements publics et, qu’on le veuille ou non, influeront nécessairement sur toute la vie des communes concernées. Certes, le projet de loi comporte des éléments de réponse, mais ceux d’entre nous qui ont été maire l’ont tous vécu : ces opérations importantes d’aménagement entraînent des charges directes et induites que l’on retrouvera en compétence communale directe. Certes, on est en « mode projet », mais les incidences concrètes en termes de gestion locale n’en seront pas moins irrémédiables !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Qu’est-ce qu’un PPA ? C’est un projet. Les acteurs du projet se retrouvent autour d’une table et le définissent. Mais l’acte de construction n’est pas du ressort du PPA. Demain, si un PPA concerne une commune qui ne l’aurait pas adopté, l’acte de construction, autrement dit le permis de construire, reste au niveau de la commune. Que se passe-t-il ensuite si le projet est considéré comme d’intérêt intercommunal ? L’acte de construction revient à l’intercommunalité dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme (GOU). Le processus est clairement défini et nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre des articles suivants. Mais le PPA n’est rien d’autre que la définition d’un projet.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je perçois mal la différence de fond entre la rédaction soutenue par M. Bazin et le texte du projet de loi… Nous pouvons sans doute trouver une formulation de compromis pour la séance publique.

Ajoutons que, dans certains cas – je parle d’expérience, pour avoir été président d’agglomération durant de longues années –, certaines communes ne voudront pas signer de PPA, mais elles ne s’y opposeront pas pour autant, et n’intenteront aucun recours. Nous le savons tous…

M. Stéphane Peu. Quand c’est chez elles, c’est différent.

M. Thibault Bazin. Nous sommes ici au cœur du débat : quelle vision de l’aménagement veut-on défendre et à qui revient le pouvoir de veto, ou de bénédiction, si j’ose dire, sur un projet ?

Un projet d’aménagement peut générer des nuisances et des besoins en nouveaux équipements. Souhaite-t-on que les communes qui le souhaitent soient cosignataires ? Auquel cas, si le projet ne leur convient pas, il n’y a pas de projet. C’est clairement notre philosophie, mais j’ai bien compris que ce n’était pas la vôtre, monsieur le ministre, puisqu’en cas de désaccord, vous souhaitez qu’un vote de l’EPCI permette de trancher. Pour notre part, nous souhaitons que ceux qui ont la légitimité pour définir le projet sur leur ban communal, autrement dit les maires et leurs conseils municipaux, puissent garder le dernier mot. Ce point de désaccord fera sans aucun doute l’objet de nouveaux débats en séance.

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous avez parfaitement bien résumé les choses : nous souhaitons que les projets se développent ; vous tenez absolument à mettre des barrières…

M. Thierry Benoit. Si on commence dans la caricature dès le début du texte, cela promet !

M. Stéphane Peu. Peut-on nous épargner ce genre d’arguments ? Je ne connais pas l’histoire de tout un chacun ici, mais, pour ce qui me concerne, j’ai été élu à l’urbanisme et au logement pendant vingt ans, et je sais que, sans villes volontaires, il n’y a aucun projet qui tienne. Et si un projet leur est imposé par une structure qui n’a pas leur légitimité, soyez sûrs qu’on lui mettra tous les bâtons dans les roues possibles. Pour faire, il faut que les villes soient signataires.

M. Richard Lioger, rapporteur. Mais elles peuvent l’être…

La commission rejette successivement lamendement CE888, puis les amendements identiques CE790, CE2596 et CE2598.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE249 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement tourne autour du même sujet, mais il a le mérite d’être plus clair, puisqu’il propose que les communes soient obligatoirement signataires du PPA.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’y suis défavorable car la GOU ne peut être créée sans arrêté du préfet de département.

La commission rejette lamendement.

Elle se saisit ensuite de lamendement CE990 de M. Richard Lioger, rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement que vous dites rédactionnel est en lien avec les amendements CE991 et CE992 qui vont suivre ; et même s’il n’introduit pas de modification majeure sur le fond, il rend la disposition beaucoup moins lisible quant aux différentes catégories de signataires. Nous demandons le retrait de cet amendement ; faute de quoi, nous y serons défavorables.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je le maintiens.

La commission adopte lamendement.

Puis, contre lavis du Gouvernement, elle adopte lamendement CE991 de M. Richard Lioger, rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CE987 de M. Richard Lioger, rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les sociétés d’économie mixte (SEM) peuvent être signataires d’un projet partenarial d’aménagement.

M. Stéphane Peu. Pourquoi exclure les sociétés publiques locales (SPL) ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous avez raison. De même, les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) pourraient être incluses. Je propose de rectifier l’amendement en remplaçant les mots « toute société d’économie mixte » par « tout établissement public local ».

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement tel quil vient dêtre rectifié.

Elle passe ensuite à lexamen de lamendement CE2236 de M. François Pupponi.

M. Serge Letchimy. Si les EPL peuvent signer des PPA, pourquoi les communes ne le pourraient-elles pas ? Par définition, un établissement public local est un outil intercommunal ou communal. Autrement dit, l’outil peut signer, mais pas son patron ! Si, dans le cadre d’un PPA, vous prenez l’initiative de grands projets – que vous appelez GOU –, vous avez la possibilité de transférer les droits du sol directement à l’intercommunalité. Tout cela me semble un peu paradoxal. C’est pourquoi nous proposons que les opérateurs HLM soient également signataires des PPA.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le paradoxe, c’est que je suis favorable à votre amendement !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est favorable. Mais je vous ferai remarquer que les EPL ne sont pas mieux traités que les maires puisque ces derniers ont également la possibilité de signer les PPA…

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE992 de M. Richard Lioger, rapporteur.

Elle en vient ensuite à lexamen en discussion commune de lamendement CE1299 de M. Richard Lioger, rapporteur, et des amendements identiques CE889 de M. Thibault Bazin et CE2599 de M. Denis Sommer.

M. Richard Lioger, rapporteur. Après l’alinéa 13 de l’article 1er, mon amendement CE1299 vise à insérer l’alinéa suivant : « lorsqu’un contrat de projet partenarial d’aménagement prévoit une opération d’aménagement susceptible d’être qualifiée de grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, il en précise les dimensions et les caractéristiques. »

M. Thibault Bazin. Notre amendement CE889 est similaire, à ceci près qu’il parle d’opération « susceptible de relever de la qualification de grandes opérations d’urbanisme ». Mais surtout, nous souhaitons que soient précisés le périmètre, la durée, le calendrier et le plan de financement de ces opérations, afin que le PPA soit mieux défini.

Mme Danielle Brulebois. Notre amendement CE2599 vise également à mentionner le périmètre, la durée, le calendrier et le plan de financement de ces opérations.

M. Richard Lioger, rapporteur. Attaché à mon amendement CE1299, je ne peux qu’être défavorable aux amendements CE889 et CE2599.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les trois amendements répondent exactement au même objectif : il s’agit que la grande opération d’urbanisme (GOU) soit précisée dans le cadre d’un PPA.

La différence vient du degré de développement, plus détaillé dans les amendements CE889 et CE2599. Ce projet de loi visant à édicter les grands principes, à charge pour les parties prenantes consultées puis signataires de définir elles-mêmes les caractéristiques des opérations, le Gouvernement préférera l’amendement CE1299 aux amendements CE889 et CE2599, même si nous en partageons totalement l’esprit.

M. Stéphane Peu. Je soutiens quant à moi la proposition de M. Bazin. Certes, je comprends l’esprit des projets partenariaux mais le fait que l’installation d’une ZAC communautaire – procédure qui a ses vertus, car elle « permet de faire », comme on dit – soit soumise à la condition préalable d’un plan de financement et d’un calendrier prévisionnels a tout de même permis d’éviter quelques catastrophes financières aux collectivités et, du même coup, aux contribuables. Il ne me semble donc pas inutile de définir a priori le financement et le calendrier de ces projets.

La commission adopte lamendement CE1299.

En conséquence, les amendements CE889 et CE2599 tombent.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2773 du rapporteur et CE250 de M. Stéphane Peu.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement vise à préciser qu’une GOU requiert l’engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité ou d’un EPCI pilote en substituant les mots « et d’une collectivité ou d’un » aux mots « et de la collectivité ou l’ » à l’alinéa 16 de l’article.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE250 vise à préciser que cet engagement conjoint implique également les communes concernées.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable au premier amendement, défavorable au second.

La commission adopte lamendement CE2773.

En conséquence, lamendement CE250 tombe.

La commission passe à lamendement CE2774 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Là encore, cet amendement vise, en remplaçant une référence, à expliciter le fait qu’une GOU requiert l’engagement conjoint de l’État et d’une collectivité ou d’un EPCI pilote.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CE335 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Nous en arrivons au transfert à la présidence de l’EPCI de la compétence de délivrance des permis de construire, d’aménager et de démolir dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme. Le projet de loi prévoit que ne soit recueilli que l’avis des communes incluses dans le périmètre d’une opération avant la délibération portant création d’une GOU, et que l’État puisse passer outre l’éventuel avis défavorable de l’une de ces communes, voire user d’un pouvoir de substitution d’office permettant à une intercommunalité de prendre la main sur les équipements publics relevant d’une compétence communale. Convenez qu’il ne s’agit pas d’un sujet mineur !

Selon nous, un tel pouvoir de tutelle de l’État ou d’un EPCI sur les communes est inacceptable à plusieurs titres : il porte atteinte au pouvoir de libre administration des collectivités locales et entraîne des transferts automatiques de compétences entre communes et intercommunalités. Nous proposons donc par cet amendement d’adapter le régime des GOU conformément au principe de libre administration, de rétablir les communes dans leur rôle d’acteur principal des grandes opérations d’urbanisme en soumettant ces opérations à leur accord préalable – et non à leur simple avis – et, ce faisant, de faire en sorte que les conditions d’un transfert de compétences soient débattues.

M. Richard Lioger, rapporteur. Au risque de me faire reprendre comme tout à l’heure, je répondrai que votre amendement tend à bloquer les grandes opérations d’urbanisme qui ne recueilleraient pas l’accord de l’ensemble des communes concernées. Je suis d’avis qu’il faut s’en tenir à la simple consultation des communes comme le prévoit le projet de loi. La disposition proposée, que le ministre a rappelée, ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités, dans la mesure où elle répond à l’objectif d’intérêt général d’assurer l’aménagement cohérent d’une zone précisément délimitée où, en cas d’avis défavorable de l’une des communes se trouvant dans ce périmètre, la qualification de GOU est décidée par le préfet, ce qui laisse à l’État le soin d’apprécier l’existence de cette nécessité. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Stéphane Peu. En toute franchise, il s’agit là d’une mesure très grave qui provoquera un retour aux années 1950 et 1960 – nos territoires portent encore de nombreux stigmates de la façon de faire de cette époque. La cité des 4 000 à La Courneuve, par exemple, fut une opération d’urbanisme d’État dont la ville doit aujourd’hui encore se débrouiller ; je pourrais citer des dizaines d’autres opérations d’urbanisme autoritaire d’État de même nature en Seine-Saint-Denis, dont souffrent encore des villes et des habitants. Rétablir cette méthode s’apparente à une régression totale. Je ne comprends pas que l’on ne puisse pas tirer les enseignements de l’histoire et de ce qui, sur nos territoires, a été fait de pire en matière d’urbanisme pour éviter de le reproduire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je connais moi aussi ce territoire, ayant vécu les vingt premières années de ma vie à Saint-Denis : j’ai connu, à la Porte de Paris, les bidonvilles où vivaient des Portugais qui, à l’époque, arrivaient en nombre en France. Les opérations d’urbanisme que vous évoquez répondaient alors à une urgence : il fallait loger ces populations. Vous feignez d’ignorer que l’urbanisme et l’architecture ont considérablement évolué depuis. Il serait inimaginable aujourd’hui d’envisager de grandes opérations d’urbanisme telles que celles auxquelles appelait Le Corbusier – par exemple raser le Grand Paris… (Rires.)

M. Robin Reda. Nous voilà enfin sur la bonne voie !

M. Richard Lioger, rapporteur. … le Grand Palais, pardon pour le lapsus, et le remplacer par des tours. L’époque a changé.

M. Mickaël Nogal. La qualité d’une opération ne dépend pas de l’échelon auquel elle est décidée. Certaines ZAC ou OIN fonctionnent très bien, d’autres pas, et il en ira de même pour les GOU. Je ne suis donc pas d’accord avec l’argument de M. Peu.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les opérations d’État, ou OIN, prévues par le droit existant, fleurissent un peu partout : je l’ai dit, il en existe une vingtaine environ. Le principe qui inspire la GOU consiste précisément à montrer que ces opérations ne font pas sens : lorsqu’un projet est bloqué, il est nettement préférable d’en discuter au niveau de l’intercommunalité qu’à celui de l’État dans le cadre de l’OIN. En clair, plutôt que de favoriser les OIN à tout va comme ce fut le cas ces dernières années, nous proposons que les décisions soient prises au plus près du niveau territorial où le projet est susceptible d’être débloqué, c’est-à-dire au niveau de l’intercommunalité, plutôt qu’à celui de l’État.

M. Stéphane Peu. À ceci près que la décision peut être prise contre l’avis des communes concernées ! Je ne connais aucun exemple d’opération d’aménagement ayant recueilli l’assentiment des communes qui se soit traduit par un fiasco comparable à ceux liés aux grandes opérations d’urbanisme d’État conduites en Seine-Saint-Denis. Je me souviens de l’époque où l’on commençait à aménager la Plaine-Saint-Denis, après la construction du Stade de France : Jack Ralite, alors maire d’Aubervilliers, appelait à inventer un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales sous la forme d’un tandem, mais, ajoutait-il, où les deux coureurs ne seraient pas l’un devant l’autre mais côte à côte…

M. Éric Pauget. Cela s’appelle un pédalo !

M. Stéphane Peu. Je trouvais l’image très belle, comme souvent avec Jack Ralite. C’est à cela qu’il faut tendre, plutôt que de revenir aux années soixante.

La commission rejette lamendement.

M. le président Roland Lescure. En une heure, chers collègues, nous avons examiné 51 amendements. Nous sommes un peu au-dessus de la vitesse limite en ville, mais nettement au-dessous la vitesse autorisée à la campagne… À ce rythme, nous siégerons jusqu’à la nuit de samedi à dimanche – et encore n’avons-nous pas encore abordé les sujets les plus coriaces. Je vous encourage donc à accélérer les débats.

La commission est saisie de lamendement CE2447 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision juridique. Il est possible que le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (GOU) s’étende sur plusieurs départements. L’accord des préfets des départements concernés est donc nécessaire pour qualifier une opération d’aménagement de GOU.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE993 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CE251 de M. Stéphane Peu et CE919 de M. Thibault Bazin.

M. Stéphane Peu. Le projet de loi prévoit que la qualification de grande opération d’urbanisme pourra être décidée par le représentant de l’État, quand bien même les communes émettraient un avis défavorable. Telle n’est pas notre conception de la démocratie locale. Parce que nous tenons à ce que le fait communal et le maire soient respectés, nous proposons, par l’amendement CE251, de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 18.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées auparavant.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE994 du rapporteur.

Puis elle se penche sur lamendement CE995 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’encadrer le pouvoir d’arbitrage attribué au préfet dans le cadre de la procédure de grande opération d’urbanisme. L’article 1er prévoit en effet qu’en cas de désaccord d’une commune, celui-ci est compétent pour créer la GOU en lieu et place de l’intercommunalité. Cependant, le texte ne définit pas les critères qui doivent être remplis pour que le préfet puisse exercer cette prérogative. Il apparaît dès lors utile de préciser que ce dernier doit justifier sa décision par des considérations liées à la mise en œuvre du contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA).

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2771 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’apporter une précision juridique. Le périmètre de la GOU étant susceptible de s’étendre sur plusieurs départements, un arrêté conjoint des préfets des départements concernés est nécessaire pour qualifier de GOU une opération d’aménagement en cas de désaccord d’une commune.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE996 du rapporteur.

Puis elle est saisie de lamendement CE1300 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à mieux distinguer les dispositions relatives à la GOU qui doivent figurer dans le projet partenarial d’aménagement et celles qui doivent figurer dans l’acte de qualification de grande opération d’urbanisme. Ce dernier fixe, outre la durée de l’opération, le plan de financement de celle-ci.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Cet amendement tend à lier plan de financement et délimitation d’un périmètre de grande opération d’urbanisme. Or, le plan de financement concerne l’aménagement à un niveau opérationnel. Il est donc sans lien avec l’instauration d’un périmètre juridique qui facilite le déroulement des aménagements et qui doit donc être limité dans le temps en raison du régime d’exception qu’il instaure.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement répond à un certain nombre de préoccupations qui ont été exprimées par l’opposition tout à l’heure. J’espère donc, mes chers collègues, que vous voterez pour !

M. Stéphane Peu. Lorsqu’on élabore un projet partenarial, il est prudent, me semble‑t-il, d’avoir une idée de son calendrier et de son financement. Ce sont des opérations dans lesquelles on brasse beaucoup d’argent, et les dérapages peuvent être préjudiciables. Une certaine visibilité ne saurait donc nuire.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1301 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de permettre une modification du plan de financement d’une grande opération d’urbanisme par un acte pris selon les mêmes modalités que pour l’acte de qualification de la GOU.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE997, CE1291, CE1294 et CE1295 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2329 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je propose de supprimer la fin de la seconde phrase de l’alinéa 26 de l’article 1er, afin d’éviter toute confusion entre le rôle de maître d’ouvrage et la fonction de maîtrise d’œuvre.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE998 du rapporteur.

Lamendement CE999 du rapporteur est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1000 et CE1001 du rapporteur.

Elle adopte ensuite larticle 1er modifié.

Après l’article 1er

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE122 de Mme Laëtitia Romeiro Dias et les amendements identiques CE2767 du rapporteur et CE1672 de M. Michel Delpon.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. La loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi « LCAP », s’était fixé pour objectif d’améliorer la qualité urbaine, en particulier celle des lotissements, par la promotion de la pluridisciplinarité des compétences. Ainsi, le pétitionnaire d’un permis d’aménager a l’obligation de recourir aux « compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental ». Toutefois, cette pluridisciplinarité est contredite par l’obligation de recourir à un architecte si la superficie du projet excède 2 500 mètres carrés. S’instaure ainsi, sur le permis d’aménager, un monopole de fait contraire à l’objectif recherché. Or, dans tous les cas, ce sont les particularités du site et du projet qui doivent guider la constitution de l’équipe et non une règle monopolistique.

L’amendement CE122 a donc pour objet de donner plus de souplesse au périmètre de la pluridisciplinarité et de ne pas laisser s’organiser un monopole.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Votre préoccupation sera prise en compte par l’adoption de l’amendement CE2767, qui permet l’intervention d’autres acteurs que les architectes, en l’espèce les paysagistes concepteurs.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également. La loi « LCAP » est très claire. Si elle dispose que, pour un projet dont la superficie excède 2 500 mètres carrés, il faut faire appel à un architecte, elle n’impose pas un monopole de fait de ces derniers, dont l’intervention est obligatoire mais pas exclusive. Autrement dit, tout autre corps de métiers peut également intervenir au-delà de la limite de 2 500 mètres carrés.

M. le président Roland Lescure. Maintenez-vous votre amendement, madame Romeiro Dias ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Avant de me prononcer, je souhaiterais savoir si l’amendement CE2767 du rapporteur tend à permettre l’intervention d’une autre profession ou à assouplir véritablement le dispositif.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement va dans le sens que vous souhaitez puisqu’il s’agit notamment de permettre de faire appel à un architecte-paysagiste.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Je maintiens l’amendement CE122.

La commission rejette lamendement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Comme je l’indiquais à l’instant, l’amendement CE2767 vise à modifier l’article L. 441-4 du code de l’urbanisme afin de permettre aux paysagistes concepteurs de participer, au même titre que les architectes, à l’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental (PAPE) nécessaire à l’obtention d’un permis d’aménager concernant les projets de lotissements définis aux articles L. 421-2 et R. 421-19 du code de l’urbanisme. Le choix ainsi laissé aux porteurs de projet de lotissement est conforme à la réalité du terrain et leur permettra de recourir à la compétence la plus adaptée selon les caractéristiques du lotissement en projet.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

M. Stéphane Peu. Je suis plutôt défavorable à ces amendements. Lorsqu’on élabore un projet d’aménagement, il est absolument nécessaire, surtout au-delà d’une certaine superficie, de faire appel à un architecte et à un paysagiste, et non à l’un ou à l’autre, car il s’agit de deux métiers différents. Je ne comprends pas que l’amendement prévoie que l’un puisse se substituer à l’autre.

M. François Pupponi. Ce qui est gênant, c’est que, manifestement, selon son exposé sommaire, l’amendement permettrait à un paysagiste de réaliser un projet architectural. Or, il n’en a pas forcément les compétences.

M. Richard Lioger, rapporteur. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, il est précisé qu’il s’agit de « permettre aux paysagistes concepteurs de participer, au même titre que les architectes, à l’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental ». Mais ils y participeraient à la demande des concepteurs du projet, en fonction de la nature de celui-ci, notamment s’il comprend un volet paysager beaucoup plus important que le volet architectural. En résumé, nous proposons de laisser aux collectivités et aux aménageurs la possibilité de faire appel, en fonction de la nature du projet, soit à un architecte, soit à un paysagiste.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tel que je le comprends, l’amendement offre la possibilité de faire appel à un paysagiste lorsqu’il s’agit d’une opération de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. En revanche, si le projet est purement architectural, il convient de faire appel à un architecte.

M. François Pupponi. J’en suis d’accord, mais ce n’est pas ce qui est mentionné dans l’exposé sommaire de l’amendement, qui permet de recourir à un paysagiste pour un projet architectural.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur Pupponi. Il est bien précisé, dans la dernière phrase de l’exposé sommaire, que « le choix ainsi laissé aux porteurs de projet de lotissement est conforme à la réalité du terrain et leur permettra de recourir à la compétence la plus adaptée selon les caractéristiques du lotissement en projet ». Je m’étonne que vous, qui réclamez souvent qu’on laisse au concepteur, qui est au plus près du terrain, la possibilité de choisir, contestiez cet amendement !

M. Stéphane Peu. Ce n’est pas tant l’exposé sommaire de l’amendement que sa rédaction qui pose problème. En effet, il faudrait remplacer le mot : « ou » par le mot : « et ». Le paysagiste peut intervenir en tant que co-concepteur dans un projet d’aménagement, mais il ne peut pas se voir confier l’entière conception d’un tel projet.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le mot « ou » renvoie uniquement à l’hypothèse où le projet porte sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Lorsque le projet est de nature architecturale, on fait appel à un architecte ; lorsqu’il est de nature paysagère, on peut faire appel à un paysagiste.

M. le président Roland Lescure. C’est également ainsi que je comprends l’amendement.

M. François Pupponi. Mais ce n’est pas ce que propose le rapporteur !

M. le président Roland Lescure. Je suggère que l’on élabore une rédaction plus précise en vue de la séance publique. Retirez-vous l’amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Si vous voulez, oui…

Les amendements CE2767 et CE1672 sont retirés.

La commission examine lamendement CE743 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Il s’agit de permettre, sans modifier la définition du lotissement, le dépôt d’un seul permis d’aménager « multisites » sur des parcelles, bâties ou non bâties, qui ne seraient pas adjacentes les unes aux autres, dès lors que les orientations d’aménagement et de programmation prévoient la restructuration de ces quartiers ou centres bourgs dans le cadre d’une opération d’aménagement d’ensemble prévoyant une unité architecturale et paysagère. Cette mesure est de nature à relancer l’urbanisme opérationnel et à accélérer la construction de logements en évitant le cumul d’autorisations.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à une généralisation du permis d’aménager « multisites », dont la plus-value n’est pas clairement démontrée et qui pourrait aller à l’encontre des objectifs de politiques publiques telles que celle qui vise à lutter contre l’étalement urbain. Néanmoins, comme vous le suggérez dans l’exposé sommaire, cet outil pourrait être particulièrement utile dans le cadre des opérations de revitalisation des centres bourgs. Nous pourrions donc travailler ensemble dans ce cadre-là en vue de la séance publique mais, à ce stade, je vous suggère de retirer l’amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Mme Anne-France Brunet. Cet amendement correspond à une attente très forte des aménageurs concernant les lotissements.

M. Richard Lioger, rapporteur. Lorsqu’ils concernent des lotissements, les projets « multisites » risquent véritablement de favoriser le mitage et l’étalement urbain. En revanche, je le répète, il nous est apparu que, dans le cadre des opérations de revitalisation des centres bourgs, ce type de projets devrait être généralisé de manière à favoriser une certaine unité entre différents sites dont certains peuvent ne pas faire partie de l’opération initiale.

Lamendement est retiré.

Article 2
(articles L. 102-12, L. 102-13, L. 102-14 [nouveau] et L. 102-15 [nouveau] du code de lurbanisme)
Modernisation du régime juridique des opérations dintérêt national

1.   L’état du droit

En l’état actuel du droit, la notion d’opération d’intérêt national (OIN) n’a pas de définition précise. Il existe aujourd’hui dix-huit OIN dites « daménagement » qui portent sur des interventions pour développer ou reconfigurer des quartiers urbains. La liste des opérations d’intérêt national est arrêtée par décret en Conseil d’État ([4]). La qualification d’OIN a pour conséquence de retirer aux communes ou EPCI compétents certaines compétences au profit de lÉtat, notamment en matière de délivrance d’autorisations d’urbanisme ou de création de zones d’aménagement concerté (ZAC) ([5]). La mise en place d’une OIN est en revanche sans effet sur la compétence des communes ou EPCI en matière d’élaboration des documents d’urbanisme.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   La définition d’une OIN

Les cinq premiers alinéas établissent les critères auxquels une opération doit satisfaire pour être qualifiée dOIN (elle doit répondre « à des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale ») et instaurent, sur le projet d’OIN, un avis des communes concernées et de lEPCI compétent en matière d’opérations d’aménagement.

b.   La clarification du régime juridique des OIN

Pour plus de clarté, les alinéas 6 à 14 rassemblent en un seul article du code de l’urbanisme, le nouvel article L. 102-13, les dispositions existantes du code de l’urbanisme relatives au régime juridique des OIN.

Lalinéa 7 reprend les dispositions de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme qui prévoit que les constructions et installations nécessaires à la réalisation de l’OIN peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune.

Lalinéa 8 précise que le droit de préemption ([6]) urbain (DPU) régi par l’article L. 211-1 du code de l’urbanisme, le droit de préemption dans les zones à aménagement différé (ZAD) ainsi que le droit de priorité ne peuvent être exercés dans le périmètre d’une OIN. Cela est d’ores et déjà établi par le g de l’article L. 213-1 et par le troisième alinéa de l’article L. 240-2 du code de l’urbanisme.

Lalinéa 9 prévoit que le préfet de département est compétent pour la création des zones daménagement concerté (ZAC) situées en tout ou partie à l’intérieur du périmètre de l’OIN. Cela est d’ores et déjà prévu au troisième alinéa de l’article L. 311-1 du code de l’urbanisme.

Lalinéa 10 renvoie à l’article L. 322-3-2 du code de l’urbanisme qui prévoit que si une association foncière urbaine ([7]) est située à l’intérieur du périmètre d’une OIN, l’autorité administrative recueille l’avis, et non l’accord, du conseil municipal sur l’opération qui sera mise en œuvre par l’association.

Lalinéa 11 prévoit que, dans le périmètre d’une OIN, lautorité administrative de lÉtat est compétente pour délivrer les autorisations durbanisme. Le préfet doit au préalable recueillir l’avis du maire ou du président de l’EPCI compétent. Ces dispositions sont d’ores et déjà prévues au c de l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme.

Les alinéas 12 et 13 reprennent les dispositions de l’article L. 102-13 du code de l’urbanisme qui prévoient que l’autorité compétente peut opposer un sursis à statuer à une demande d’autorisation d’urbanisme lorsque l’autorisation serait susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d’une opération d’aménagement dans le périmètre d’une OIN.

Lalinéa 14 reprend les dispositions du II de l’article 88 de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ([8]). Dans les limites des OIN, à titre expérimental et pour une durée de sept ans à compter de juillet 2016, l’État et les collectivités territoriales peuvent autoriser les maîtres douvrage à déroger aux règles applicables à leurs projets dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles.

c.   Le renforcement du régime des OIN

Afin de conférer plus de souplesse au régime des OIN, les alinéas 15, 16 et 17 prévoient la possibilité de définir, par arrêté ministériel, des secteurs dans lesquels la compétence pour délivrer les autorisations durbanisme sexerce, pour une durée déterminée, dans les conditions de droit commun. L’État n’est alors pas l’autorité administrative compétente

Par parallélisme avec la GOU, les alinéas 18 et 19 prévoient que le décret en Conseil d’État conférant la qualité d’OIN peut délimiter une ZAD sur tout ou partie du périmètre de l’OIN. Comme dans les GOU, le droit de préemption peut y être exercé pendant une période de dix ans, renouvelable une fois par décret. Les OIN voient ainsi leur régime renforcé et quasiment aligné sur celui des GOU, la différence étant néanmoins qu’une OIN n’est pas contractuelle mais créée par l’État.

3.   L’avis du rapporteur

L’équilibre trouvé par cet article permet de renforcer le régime juridique des OIN tout en lui donnant plus de souplesse. Cela correspond à l’esprit de l’ensemble du projet de loi : se donner les moyens et les outils pour construire davantage sans pour autant rigidifier et complexifier les procédures d’urbanisme.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté neuf amendements rédactionnels ainsi qu’un amendement clarifiant le régime juridique s’appliquant aux OIN. La commission a jugé pertinent d’ajouter au nouvel article L. 102-13 du code de l’urbanisme, qui regroupe désormais l’ensemble des dispositions relatives aux OIN, la disposition prévue à l’article L. 322-13 du même code, qui prévoit que le représentant de l’État peut, au sein des OIN, délimiter des périmètres de projet dans lesquels les propriétaires fonciers sont incités à se regrouper en association foncière urbaine de projet.

*

*     *

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1003 et CE1005 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1004 du rapporteur, CE252 et CE253 de M. Stéphane Peu.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement CE1004 est rédactionnel.

M. Stéphane Peu. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, l’artificialisation des sols a détruit en métropole, au cours de la dernière décennie, près de 67 000 hectares par an en moyenne. Or, depuis plusieurs années, on a l’ambition d’urbaniser sans consommer de manière inconsidérée des terres agricoles ou naturelles : il s’agit plutôt de « faire de la ville sur la ville ». Nous proposons donc, par l’amendement CE252, de soumettre l’autorisation des opérations réalisées en dehors des parties urbanisées des communes à l’avis conforme et motivé de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Quant à l’amendement CE253, il vise à substituer, à l’alinéa 7, les mots : « naturels et agricoles » aux mots : « autres qu’urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole ».

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. S’agissant de l’amendement CE252, le code de l’urbanisme prévoit un avis simple de la CDPENAF pour la quasi-totalité des projets ayant pour conséquence une réduction des surfaces naturelles et agricoles. Il n’est donc pas justifié que, dans le cadre d’une Opération d’intérêt national (OIN), cet avis soit conforme.

En ce qui concerne le CE253, mieux vaut en rester à la rédaction, plus englobante, qui figure à l’article L. 111-5 du code de l’urbanisme : un espace non urbanisé peut être un secteur forestier ou une friche agricole en milieu urbain.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Prévoir un avis conforme de la commission donnerait à celle-ci une autorité décisionnaire en lui permettant de bloquer un projet. Nous ne sommes pas favorables à cette solution.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur l’amendement CE1004, j’émets un avis favorable tout en souhaitant, monsieur le rapporteur, que nous en rediscutions d’ici à la séance publique, car je crains que la rédaction proposée ne nuise à la fluidité de la procédure de consultation de la commission. Je souhaite que nous nous assurions que l’amendement n’a qu’une portée rédactionnelle.

M. Martial Saddier. Contrairement à ce qui a été dit, au cours des deux dernières législatures, la loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Duflot », ont contribué à réduire très fortement la consommation des espaces agricoles et naturels. Je partage donc l’avis du Gouvernement. Nous sommes parvenus à un équilibre en la matière ; mieux vaut en rester à un avis simple de la commission.

M. Stéphane Peu. L’objet de l’amendement CE253 est précisément d’étendre le champ de l’article 2, qui ne fait référence qu’aux espaces sur lesquels est exercée une activité agricole, à tous les espaces naturels. En effet, lorsque j’évoque la croissance de l’artificialisation des sols, je ne pense pas uniquement aux espaces agricoles. Cette artificialisation, lorsqu’elle porte sur d’autres surfaces, peut avoir des conséquences sur la gestion de l’eau, par exemple. Je rappelle ainsi que certaines des inondations qui sont intervenues dans un passé récent furent largement dues à une artificialisation des sols qui, sans forcément concerner des espaces agricoles, a nui à l’écoulement des eaux.

Par ailleurs, nous tenons à ce que la commission rende un avis conforme. On peut y voir un pouvoir de blocage mais, dans le cadre d’un projet d’aménagement, on doit négocier en tenant compte des contraintes des uns et des autres. Or, il n’est pas mauvais que, parmi ces contraintes figure celle de limiter le plus possible l’artificialisation des sols.

La commission adopte lamendement CE1004.

En conséquence, les amendements CE252 et CE253 tombent.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1089 et CE1091 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE985 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Pour plus de clarté, les alinéas 6 à 14 de l’article 2 rassemblent en un seul article, le nouvel article L. 102-13 du code de l’urbanisme, les dispositions existantes du code de l’urbanisme relatives au régime juridique des OIN. Il semble cependant pertinent d’y ajouter la disposition prévue à l’article L. 322-13 du code de l’urbanisme qui prévoit que le représentant de l’État peut délimiter des périmètres de projet au sein desquels les propriétaires fonciers sont incités à se regrouper en association foncière urbaine de projet et les associations foncières urbaines de projet à mener leurs opérations de façon concertée.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE1092 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement rédactionnel CE1093 du rapporteur.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suggère à M. le rapporteur de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. En effet, il tend à remplacer la notion d’opération d’aménagement par celle d’opération. Or, ce faisant, il crée une confusion, car la loi pourrait ainsi laisser entendre qu’il s’agit de l’opération intérêt national (OIN) elle-même, alors qu’une OIN peut comporter plusieurs opérations d’aménagement. Nous pourrons y retravailler d’ici à la séance publique mais, en l’état, l’amendement créerait une incertitude juridique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement rédactionnel CE1296 du rapporteur.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement vise à insérer, à l’alinéa 15, les mots « du projet » après le mot : « aménagement ». Or, ici, ce terme ne fait pas référence à un projet particulier ; il est employé au sens de l’opération d’aménagement mentionnée à l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme. Il est donc préférable de maintenir le terme générique d’aménagement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement rédactionnel CE1095 du rapporteur.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement est satisfait. Qui plus est, sa première phrase est difficilement compréhensible et mériterait d’être réécrite. Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, de le retirer et d’y retravailler d’ici à la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement lamendement rédactionnel CE1097 et les amendements de coordination CE1297 et CE1317 du rapporteur.

Elle adopte ensuite larticle 2 modifié.

Article 3
(articles L. 132-7, 300-6-1, L. 321-18 à L. 321-20 [abrogés], L. 321-23, L. 321-29, L. 422-2, L. 4223-1 [nouveau] du code de lurbanisme et article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985)
Procédure intégrée durbanisme et intervention des établissements publics daménagement en dehors de leur périmètre de compétences

1.   L’état du droit

a.   Les établissements publics d’aménagement

Les opérations d’aménagement s’inscrivant au sein d’un périmètre d’OIN sont conduites par des établissements publics d’aménagement (EPA) ([9]) ou par des établissements publics fonciers et d’aménagement (EPFA). On compte aujourd’hui douze EPA créés par décret en Conseil dÉtat et trois EPFA (Grand Paris Aménagement, les établissements publics de l’État en Guyane et à Mayotte).

Il existe un principe de spécialité géographique. Les EPA et EPFA ont pour mission principale de conduire toute action de nature à favoriser l’aménagement, le renouvellement urbain et le développement économique de leur territoire. Néanmoins, l’article L. 321-23 du code de l’urbanisme prévoit que les EPA peuvent agir en dehors du périmètre de compétences, défini dans leurs statuts : ils peuvent procéder à des acquisitions foncières et immobilières et à des opérations d’aménagement, à condition que ces actions soient complémentaires et utiles à la stratégie mise en œuvre dans leur périmètre de compétences. L’article L. 321-29 du code de l’urbanisme indique également que Grand Paris aménagement peut réaliser, en dehors de la région
Île-de-France, des missions de conseil et d’expertise entrant dans le cadre de ses compétences.

b.   La procédure intégrée

La procédure intégrée, définie à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, a pour objet principal de faciliter la « mise en compatibilité » des documents durbanisme, afin de simplifier et de raccourcir les délais nécessaires au déploiement de certains projets d’aménagement ou de construction. Cette procédure permet de ne réaliser qu’une seule enquête publique et une seule étude d’impact. Elle peut aujourd’hui être mise en œuvre dans deux cas de figure :

– pour la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’une construction comportant principalement des logements et présentant un caractère d’intérêt général dans une unité urbaine. L’opération doit concourir, à l’échelle de la commune, à la mixité sociale dans l’habitat ;

– pour la réalisation d’un projet immobilier de création ou dextension de locaux dactivités économiques présentant un caractère d’intérêt général en raison de son intérêt majeur pour l’activité économique locale ou nationale.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   L’élargissement du périmètre d’intervention des établissements publics d’aménagement

Le projet de loi modifie les articles L. 321-23 et L. 321-29 du code de l’urbanisme pour élargir la possibilité quont les EPA et Grand Paris Aménagement à intervenir hors de leur périmètre. Ces dispositions visent à remédier à l’inégale couverture du territoire national par ces établissements en leur permettant, dans le cadre d’une OIN ou d’une GOU :

– de réaliser et de faire réaliser des opérations d’aménagement et les acquisitions foncières et immobilières nécessaires, uniquement s’ils sont titulaires d’une concession d’aménagement (alinéas 16 et 24) ;

– de créer des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national ou des sociétés d’économie mixte d’aménagement à opération et acquérir ou céder des participations dans ces sociétés (alinéas 17 et 25).

Ces interventions sont subordonnées à une autorisation délivrée conjointement par les ministres chargés de l’urbanisme et du budget après avis des collectivités concernées et de leurs groupements (alinéas 18 et 26). Elles constituent donc une dérogation ponctuelle et encadrée au principe de spécialité géographique.

Les EPA et Grand Paris Aménagement pourront également conduire les études préalables à la formation des projets partenariaux d’aménagement et réaliser des missions de conseil et d’expertise entrant dans le cadre de leurs compétences (alinéas 19 et 27).

b.   L’extension du recours à la procédure intégrée

Les alinéas 2 à 9 simplifient l’écriture de l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme et prévoient le recours possible à la procédure intégrée pour la réalisation dune GOU présentant un intérêt général. Cette procédure peut également toujours être mise en œuvre :

– pour des opérations d’aménagement ou de construction comportant principalement des logements et présentant un caractère d’intérêt général dans une unité urbaine. Il n’est néanmoins plus nécessaire pour ces opérations de « concourir, à l’échelle de la commune, à la mixité sociale dans l’habitat » ([10]) pour bénéficier de la procédure intégrée ;

– pour la réalisation d’un projet immobilier de création ou d’extension de locaux d’activités économiques présentant un caractère d’intérêt général en raison de son intérêt majeur pour l’activité économique locale ou nationale. Est cependant supprimée la définition de « l’intérêt économique majeur d’un projet » qui devait, jusqu’alors s’apprécier « compte tenu du caractère stratégique de lactivité concernée, de la valeur ajoutée [que le projet] produit, de la création ou de la préservation demplois quil permet ou du développement du territoire quil rend possible » ([11]).

c.   Autres dispositions

Le premier alinéa permet aux opérateurs des GOU et OIN d’être associés à l’élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme.

Lalinéa 11 supprime du code de l’urbanisme les articles relatifs au projet stratégique et opérationnel qui ne constitue qu’un document interne de pilotage de l’activité des EPA.

Comme le prévoit l’alinéa 15 de l’article 2 du projet de loi, lalinéa 29 précise que l’État n’est pas toujours compétent pour se prononcer sur les opérations réalisées à l’intérieur des périmètres des OIN.

Comme le prévoit l’alinéa 21 de l’article 1er du projet de loi, les alinéas 30 et 31 créent un nouvel article du code de l’urbanisme prévoyant que dans les GOU, le président de la collectivité territoriale ou de l’établissement public signataire du PPA à l’initiative de la GOU est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme.

Les alinéas 32 et 33 indiquent que la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée n’est pas applicable aux ouvrages d’infrastructure situés dans le périmètre d’une OIN ou d’une GOU ([12]).

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur est particulièrement sensible au renforcement du rôle des EPA, en l’occurrence à l’élargissement de la possibilité qu’ils ont d’intervenir en dehors de leur périmètre, dans le respect, bien sûr, des règles de la commande publique.

Le rapporteur considère que l’extension de la dérogation à la loi MOP, qui existe déjà dans les ZAC, aux ouvrages situés dans le périmètre des GOU et OIN permettra d’avoir une maîtrise d’ouvrage unique sur le périmètre de ces opérations. Cela facilitera leur réalisation sans pour autant compromettre l’ambition de l’ensemble du projet de loi, qui est de promouvoir un aménagement du territoire soucieux d’une bonne intégration paysagère, urbaine et patrimoniale.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté dix-sept amendements rédactionnels ou de coordination juridique ainsi que deux amendements de fond du rapporteur. Le premier vise à permettre aux établissements publics fonciers locaux de créer des filiales au même titre que les établissements publics fonciers de l’État ([13]) ou les établissements publics d’aménagement ([14]) afin de leur permettre de réaliser plus efficacement leurs missions. Le second prévoit que la révision des documents d’urbanisme pouvant gêner le bon déroulement des opérations de revitalisation de territoire (ORT) peut se faire selon la procédure intégrée dans un délai de deux ans.

*

*     *

La commission adopte lamendement rédactionnel CE1099 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CE984 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la définition de l’« intérêt économique majeur d’un projet », présente au deuxième alinéa de l’actuel I bis de l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, que le projet de loi tend à supprimer. Cette définition est en effet nécessaire pour établir les projets immobiliers de création ou d’extension de locaux d’activités économiques qui peuvent bénéficier de la procédure intégrée.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’amendement vise à préciser la définition de l’intérêt économique majeur d’un projet, s’agissant des projets immobiliers d’entreprise qui peuvent donner lieu à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme via une procédure intégrée. La définition que vous proposez est issue d’une circulaire toute récente. Or, nous manquons de recul sur la mise en œuvre de la procédure intégrée en matière d’immobilier d’entreprise. En outre, les acteurs de terrain n’ont pas exprimé le besoin d’une clarification. Nous vous proposons donc de retirer l’amendement. De manière générale, gardons à l’esprit qu’il est toujours plus facile, pour adapter les textes à la réalité, de modifier une circulaire plutôt que la loi.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2706 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement CE1664 à l’article 54, qui prévoit la révision, dans un délai de deux ans, des documents d’urbanisme pouvant gêner le bon déroulement des opérations de revitalisation de territoire (ORT) selon la procédure intégrée réformée par le présent article.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1473 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement vise à encadrer les frais de fonctionnement des opérateurs mentionnés à l’article L. 132-7 du code de l’urbanisme et à éviter ainsi des coûts de revient trop éloignés du budget prévisionnel.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Je partage votre préoccupation qui est d’éviter, dans le cadre des opérations d’aménagement, des coûts de revient trop éloignés du budget prévisionnel. Néanmoins, je ne comprends pas pourquoi votre amendement ne porte que sur les opérations d’aménagement pouvant bénéficier des procédures intégrées d’urbanisme. En outre, je crains que votre amendement ne soit fragile juridiquement et source de contentieux, notamment en raison de l’emploi des termes « dans une logique de respect des prix du marché ».

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement de coordination CE1331 du rapporteur.

Puis elle est saisie de lamendement CE1101 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de référence.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cette erreur sera de facto corrigée au moment de l’adoption du projet de loi. Nous vous proposons donc de retirer l’amendement, qui est satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1479 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Barbara Bessot Ballot. Il s’agit d’expliciter la soumission des établissements publics d’aménagement (EPA) aux règles de la commande publique lorsqu’ils interviennent en dehors des opérations d’intérêt national.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Je partage votre préoccupation : les EPA doivent être soumis aux règles de la commande publique lorsqu’ils interviennent en dehors des opérations d’intérêt national. Toutefois, cette préoccupation est déjà prise en compte par le projet de loi, qui prévoit que les EPA ne pourront intervenir en dehors de leur champ de compétence pour réaliser des opérations d’aménagement et acquisitions foncières que lorsqu’ils seront titulaires d’une concession d’aménagement.

Par ailleurs, vous proposez que les EPA puissent seulement « réaliser » et non plus « faire réaliser » les opérations d’aménagement et acquisitions foncières. Or, je ne suis pas favorable à une telle réduction de leur champ d’intervention.

Enfin, vous proposez de conditionner les études et missions d’expertise à une contractualisation préalable entre l’État et les collectivités concernées par un projet partenarial d’aménagement (PPA). Ce n’est pas nécessaire, puisque l’objet du projet de loi est uniquement de permettre aux EPA de fournir une expertise et des analyses en vue de l’élaboration de PPA, et non pas de conduire des études pré-opérationnelles.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1102 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de référence.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1103, CE1332, CE1333, CE1345, CE1346, CE1104 et CE1316 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement rédactionnel CE1353 du rapporteur.

M. Stéphane Peu. Je ne comprends pas que cet amendement soit qualifié de « rédactionnel ». Remplacer le terme « l’établissement » par « Grand Paris Aménagement », c’est modifier la nature même de la disposition : on prend une mesure ad hoc pour une seule société – et qu’elle soit publique n’y change rien.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je maintiens qu’il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.

M. Stéphane Peu. On ne vote jamais une loi pour une seule personne : la loi est pour tout le monde. En l’espèce, il s’agit d’une personne morale, mais il est curieux qu’une loi consacre spécifiquement un article à une personne morale, même s’il s’agit de Grand Paris Aménagement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’une catégorie à part entière, et il convient de l’identifier clairement dans cet alinéa.

M. le président Roland Lescure. Je constate que l’alinéa 26 se trouve dans une section de l’article 3 consacrée au Grand Paris Aménagement.

M. Stéphane Peu. J’entends ces arguments, mais je les conteste formellement. Grand Paris Aménagement n’est pas une aire géographique mais une société. Une multitude de personnes morales peuvent intervenir sur l’aire du Grand Paris, et il n’y a pas lieu de citer spécifiquement l’une d’entre elles.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’alinéa 26 est indissociable de l’alinéa 23, par lequel commence le II du présent article, et qui dispose que « dans le cadre d’une opération d’intérêt national au sens de l’article L. 102-12 ou d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3, Grand Paris Aménagement peut, en dehors du territoire de la région d’Ile-de-France » procéder aux opérations décrites ensuite dans les alinéas 24, 25 et 26. L’« établissement » cité dans l’alinéa 26 ne peut donc désigner que Grand Paris Aménagement, et remplacer l’un par l’autre n’est donc véritablement qu’une modification rédactionnelle.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite successivement lamendement rédactionnel CE1354 et lamendement de précision CE1385 du rapporteur.

Puis elle en vient à lamendement rédactionnel CE1352 du rapporteur.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous demandons le retrait de l’amendement. À défaut, nous y serons défavorables. S’il s’agit bien d’un amendement rédactionnel, il ne nous paraît pas opportun de le voter.

En complétant l’article L. 321-29 du code de l’urbanisme, l’alinéa 27 du projet de loi permet à Grand Paris Aménagement de conduire des expertises préalables à la signature d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) hors de son périmètre statutaire. Aujourd’hui, ce périmètre correspond bien au « territoire de la région d’Île-de-France », mais si vous remplacez par ces mots la désignation générale retenue par le projet de loi – l’alinéa 27 évoque le « périmètre de compétence défini dans ses statuts » –, cela vous obligera à modifier l’article L. 321-29 en cas de changement du périmètre de Grand Paris Aménagement. Ce serait source d’une instabilité et d’une incertitude juridique qui ne sont pas souhaitables. Pour les éviter nous estimons qu’il faut maintenir la rédaction initiale.

Lamendement est retiré.

La commission adopte successivement lamendement rédactionnel CE1351 et lamendement de coordination CE1347 du rapporteur.

Elle examine lamendement CE1325 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. L’alinéa 11 de l’article 3 du projet de loi supprime du code de l’urbanisme les articles relatifs au projet stratégique et opérationnel qui ne constitue qu’un document interne de pilotage de l’activité des établissements publics d’aménagement. Cet amendement supprime, par cohérence, la référence au projet stratégique et opérationnel figurant à l’article L. 321-36-3 du code de l’urbanisme pour les établissements publics de l’État en Guyane et à Mayotte.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1312 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux établissements publics fonciers locaux de créer des filiales.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE351 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 30 et 31.

Nous poursuivons le combat en faveur des maires. L’alinéa 31 de l’article 3 attribue la compétence pour délivrer le permis de construire d’aménager ou de démolir au président de la collectivité territoriale ou de l’établissement public, dérogeant ainsi aux dispositions de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme. L’amendement propose de maintenir les dispositions qui prévoient que le maire est l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable, pour les raisons déjà exposées.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, dans la continuité de notre débat de cet après-midi.

M. Stéphane Peu. Je soutiens cet amendement. Franchement, ce que le projet propose est encore plus grave que ce dont nous avons précédemment débattu. Nous discutions de l’association formelle des communes aux projets partenariaux d’aménagement, mais là, nous parlons des permis de construire. Autrement dit, nous revenons sur l’un des éléments majeurs des lois de décentralisation de Gaston Defferre en 1982. Pourtant, grâce à ce texte, nous avions mis fin à toute une série d’erreurs qui résultaient de l’urbanisme autoritaire. Quel que soit le périmètre de l’opération d’aménagement, conserver la délivrance des permis au maire apporte la garantie de décisions prises au plus près du terrain et du contrôle citoyen.

M. Robin Reda. J’ajoute, monsieur le ministre, que vous défendez une position fortement contradictoire avec celle que vous avez soutenue dans notre discussion précédente puisque vous étiez favorable à ce que les maires continuent d’attribuer les permis de construire et d’examiner les demandes d’autorisation au titre du droit des sols.

Sous prétexte que l’acronyme a changé et que nous ne sommes plus dans le PPA, vous traitez les communes en parents pauvres et vous leur retirez le pouvoir d’attribuer les permis de construire. Tout cela va dans le sens d’un effacement de la commune. Que vous le reconnaissiez ou non, monsieur le ministre, cet effacement est prégnant dans ce projet de loi !

M. Martial Saddier. Nous vivons un moment important. Il se passe quelque chose de remarquable dans ce débat.

Jusqu’à présent, nous avons toujours soutenu la possibilité pour les maires de déléguer certaines de leurs compétences à l’intercommunalité. Mais il s’agissait bien d’une solution facultative. Nous sortons de cette logique avec ce texte. C’est évidemment possible, mais il faut que le Gouvernement assume ce choix, et nous ne voudrions pas qu’il passe inaperçu, car il s’agit d’une véritable révolution concernant l’une des compétences les importantes et les plus symboliques du maire : la délivrance du permis de construire. C’est une rupture par rapport à une pratique constante depuis une trentaine d’années dans notre pays : on passe du facultatif à l’obligatoire.

Je constate que le maire est systématiquement dépossédé de ses compétences. J’aurais souhaité que l’on soit davantage dans l’incitation et moins dans l’obligatoire.

M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur le ministre, le groupe MODEM n’avait pas demandé la suppression des alinéas 30 et 31 car nous étions persuadés que, dans l’article 1er, vous associeriez les communes aux contrats de grande opération d’urbanisme (GOU). Cela aurait constitué un accord tacite des mairies pour transférer la compétence de délivrance des permis de construire à l’EPCI, ce qui aurait pu sembler normal dans le cadre d’un projet multicommunal. En revanche, dans la mesure où, lors de l’examen de l’article 1er, vous n’avez même pas voulu associer la commune à ces grands projets, nous voterons l’amendement CE351.

M. Thibault Bazin. Merci beaucoup !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je crois que nous avons fait le maximum pour garantir, dans l’immense majorité des cas, que le maire conserve la signature des permis de construire. Il s’agit d’une volonté politique et nous y tenons. Je réaffirme cette position, en rappelant que toutes les associations d’élus ne partagent pas ce point de vue.

Dans le cadre d’un équilibre général, il convient de souligner que le droit existant comporte d’autres cas pour lesquels les permis ne sont pas signés par les maires.

J’entends vos propos et je respecte la position de principe qui est la vôtre, mais la disposition prévue est cohérente avec la philosophie générale des projets concernés.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE1387 du rapporteur.

Puis elle est saisie de lamendement CE2783 de la commission des affaires culturelles et de léducation.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de léducation. Cet amendement vise à compenser les multiples exclusions à l’application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP », introduites par les articles 3, 5 et 28 du projet de loi, par un renforcement des prescriptions de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qui, de fait, régiront désormais les relations entre certains maîtres d’ouvrage publics, auxquels la loi MOP ne s’appliquera plus, et les maîtres d’œuvre.

Un décret en Conseil d’État précisera le contenu du contrat qui liera le maître d’ouvrage au maître d’œuvre, notamment les responsabilités, qui ne sont pas très claires, de chacun des prestataires ainsi que le périmètre de leur mission.

Ce décret pourrait également préciser des modalités simplifiées de concours, permettant de réduire la contrainte administrative liée à la sélection des candidatures ainsi que le niveau d’aboutissement des projets exigé lors des premières phases, afin d’encourager le recours à ce mode particulièrement pertinent de sélection de la maîtrise d’œuvre, y compris dans les cas où ce recours ne serait plus obligatoire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Le projet de loi permet d’exonérer les bailleurs sociaux de l’application du titre II de la loi MOP pour apporter de la souplesse, ce n’est pas pour rigidifier les règles applicables aux relations entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage dans le secteur social comme privé.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Cet amendement ne vise en aucun cas à revenir par un chemin détourné au système du concours, mais, bien au contraire, à fournir un cadre juridique qui corresponde aux pratiques actuelles des bailleurs sociaux, car nous avons tous compris la rigidité et l’obsolescence de la loi MOP, qui constitue le seul cadre existant. Aucune obligation ne s’imposera aux bailleurs : nous nous contentons d’ouvrir une possibilité et d’encadrer ceux qui choisissent d’utiliser ce dispositif dans certains cas précis.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Comme vous l’indiquez, monsieur le rapporteur pour avis, cette possibilité existe déjà aujourd’hui. En revanche, le décret en Conseil d’État prévu par votre amendement fera des architectes une profession réglementée.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. C’est déjà le cas. Ils ont un ordre …

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Certes, mais je veux dire que cela reviendrait à réglementer la profession dans son exercice quotidien.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE254 de M. Stéphane Peu, CE430 de M. Thibault Bazin et CE558 de M. Arnaud Viala.

M. Stéphane Peu. Il vise à supprimer les alinéas 32 et 33 de l’article.

Dans une première étape, vous avez retiré aux maires la compétence en matière de permis de construire, nous en sommes à la seconde étape : vous voulez vous affranchir de la loi MOP. Par une technocratisation à outrance de l’aménagement et de la construction, vous allez refaire les monstruosités que nous pensions avoir définitivement chassées de notre histoire.

M. Thibault Bazin. S’agissant d’opérations d’envergure avec de véritables enjeux financiers, nous devons être exemplaires. Lorsqu’un aménageur projette de construire un éco-quartier, il vend l’idée qu’il est capable de tout faire, mais son métier ne consiste pas à construire une école, une crèche ou des logements. Avec une première société qui déléguera ensuite à de multiples entreprises, on risque de cumuler les frais de bureau d’études, d’assurance, et de voir le coût global enfler sans obtenir la qualité promise.

Dans une vision d’aménagement, les charges foncières sont réparties et on parvient à les identifier.

Déroger à la loi MOP dans ce cadre ne me semble pas constituer une avancée. Il faut conserver la main, en particulier sur les équipements publics.

M. Julien Dive. L’amendement CE558, comme les précédents, vise à supprimer les alinéas 32 et 33. Il faut appliquer un principe d’équité, et tenir compte de la taille et de la nature des projets, ainsi que de la réalité des territoires.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis très défavorable à ces amendements.

L’extension aux ouvrages situés dans le périmètre des GOU et des OIN de la dérogation à la loi MOP est tout à fait compatible avec l’ambition de l’ensemble du projet de loi, qui est de promouvoir un aménagement du territoire soucieux d’une bonne intégration paysagère, urbaine et patrimoniale.

Les architectes choisis dans le cadre des conceptions-réalisations, telles qu’il en existe partout, produisent des projets architecturaux de qualité. Il faut cesser de dire que seule la loi MOP permet d’obtenir de bons résultats. Les architectes font très bien ce travail dans le cadre des ventes en état futur d’achèvement (VEFA) et dans le privé ; ils pourront continuer à le faire, surtout lorsque l’on connaît leurs très bonnes relations avec les bailleurs sociaux.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Mes observations sont identiques à celle du rapporteur. Considérer que la loi MOP permet d’obtenir le nec plus ultra de l’architecture ne correspond pas à la réalité !

M. François Pupponi. Je ne dis pas que la loi MOP soit la panacée, mais il faut se souvenir des raisons qui ont motivé son adoption. Elle a été votée pour réagir aux abus qui se sont produits dans le passé. Si on en est arrivé à construire les ghettos que nous connaissons, c’est parce qu’à un moment donné, on a laissé la main à certains organismes – en particulier les bailleurs, pour la plupart des filiales de la Caisses des dépôts et consignations (CDC).

Nous étions parvenus à mettre un peu d’ordre, et à faire qu’un seul porteur de projet ne soit plus l’aménageur unique – on sait trop ce que cela a donné –, mais le projet de loi revient à cette solution : cela donne un peu le sentiment de revenir à un passé dont nous connaissons les dérives et dont nous ne voulons plus. La loi MOP a aussi ses avantages.

On sait à peu près à quoi on aboutit en demandant à un aménageur, en particulier à un bailleur, de s’occuper de tout. Il fait des comptes et s’il peut tirer sur les budgets – en particulier ceux des équipements publics –, il ne se gênera pas. Vous allez évidemment vouloir nous rassurer : « Ne vous inquiétez pas, on fera ce qu’il faut… » Mais nous connaissons le système.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, vous évoquiez la conception-réalisation d’immeubles, mais nous ne sommes pas au même niveau : nous parlons d’aménagement avec la réalisation d’infrastructures et d’équipements publics. L’aménageur n’a pas les compétences ni les expertises pour réaliser un certain nombre d’ouvrages. En lui confiant l’ensemble du trousseau, nous perdons la main en tant qu’élus et nous perdons un peu la maîtrise des deniers publics. Je pense que nous empruntons un mauvais chemin.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur le terrain, aujourd’hui, la dérogation à la loi MOP existe déjà pour les infrastructures des ZAC…

M. François Pupponi. C’est bien le problème ! On voit la catastrophe qui en résulte !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le texte ne fait qu’étendre cette disposition aux GOU et aux OIN.

M. Martial Saddier. Je formule une double inquiétude.

Nous constatons l’éloignement de la décision et donc du contrôle de l’opération, qui ne sera plus communal. Nous savons que le contrôle d’une opération intercommunale, selon la taille de l’intercommunalité, n’est pas du tout le même que celui opéré par le maire sur sa commune avec son adjoint à l’urbanisme, son adjoint aux travaux…

Si l’on ajoute l’ensemble des pouvoirs donnés aux bailleurs, je ne peux qu’être relativement inquiet que la situation puisse déboucher sur des résultats que nous avons tous regrettés par le passé. À une certaine époque, la République a été obligée de consacrer plusieurs milliards à corriger ses erreurs…

La commission rejette les amendements.

Lamendement CE439 de M. Thibault Bazin est retiré.

La commission adopte larticle 3 modifié.

Article 3 bis (nouveau)
(article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016)
Permis dinnover

La commission a adopté un amendement du Gouvernement, sous‑amendé par le rapporteur, pour clarifier et compléter le régime juridique de l’expérimentation prévue au II de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du
7 juillet 2016, dite « permis d’innover ».

Le champ d’application de cette expérimentation est élargi et précisé. En plus de ceux situés dans le périmètre d’une OIN, pourront bénéficier de l’expérimentation les projets réalisés au sein des GOU et au sein des opérations de revitalisation de territoire. En outre, en sus des constructions soumises à permis de construire, l’application de l’expérimentation est étendue aux projets soumis à déclaration préalable, à permis d’aménager ou à permis de démolir.

L’examen de l’étude des dérogations aux règles, qui est réalisée par le maître d’ouvrage, est désormais sanctionné par la production d’un avis et non plus par un visa aux contours incertains. Cet examen pourra être effectué par un établissement public d’aménagement (EPA), par un établissement public foncier et d’aménagement (EPFA) ou par la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO).

L’amendement adopté précise également l’articulation du « permis d’innover » avec les autorisations d’urbanisme. L’autorisation d’urbanisme est expressément désignée comme l’autorisation unique, valant à la fois autorisation d’occuper le sol et approbation des dérogations aux règles.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE2652 du Gouvernement, qui fait lobjet des sous-amendements CE2803 et CE2809 du rapporteur.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’amendement vise à améliorer les conditions d’application de l’expérimentation dite « du permis d’innover » et d’élargir son champ d’application aux GOU et aux opérations de revitalisation de territoires – les ORT dont nous parlerons à l’article 54.

Ce permis d’innover existe aujourd’hui pour les OIN. Il est à l’urbanisme ce que le « permis de faire » est à la construction de logements : il fait prévaloir l’objectif final, et il laisse largement les moyens pour l’atteindre entre les mains des maîtres d’ouvrage et des aménageurs dont c’est le métier.

Cet amendement tend donc à permettre, demain, dans le cadre des GOU et des ORT, de disposer de ce permis d’innover qui n’existe aujourd’hui que pour les OIN.

M. Richard Lioger, rapporteur. Mon sous-amendement CE2803 vise à préciser que l’expérimentation dure sept ans à compter de la promulgation de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, et non à compter de la promulgation de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016.

Le sous-amendement CE2809 corrige une erreur de référence en remplaçant dans l’amendement la mention de l’article L. 302-2 du code la construction par celle de l’article L. 303-2, créé par le projet de loi.

Je serai favorable à l’amendement du Gouvernement ainsi sous-amendé.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable aux sous-amendements.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. La commission des affaires culturelles a évoqué un potentiel effet miroir entre le projet de loi et la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP », car ce dernier texte définit les permis d’innover. Le fait de les étendre aux GOU et aux ORT nous faisait craindre que surviennent des difficultés d’interprétation, en particulier en matière de responsabilité juridique. Cette nouvelle rédaction permet-elle de résoudre ce problème ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur ce point tout à fait pertinent, monsieur le rapporteur, il faudra que nous puissions vous rassurer totalement en amont du passage du texte dans l’hémicycle.

M. Martial Saddier. Si j’ai bien compris cet amendement, le préfet fera ce qu’il voudra ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il faut repartir du sens même du texte sur la GOU et du pouvoir donné par le préfet à l’EPCI. Ce que nous proposons existe déjà : ce sont les OIN. Tout ce dont nous discutons au niveau de l’intercommunalité existe au niveau de l’État avec ces opérations d’intérêt national. Il en existe une vingtaine en France.

Nous sommes profondément attachés au droit commun existant. Nous l’avions dit dès notre première intervention devant votre commission, sur la stratégie logement : les autorisations de construction doivent rester entre les mains du maire. Une possibilité existe néanmoins, lorsque tout est figé et qu’un projet est d’intérêt national ou intercommunal. Aujourd’hui, les OIN permettent, sur décision du préfet, de transférer toutes les autorisations de construction à l’État. Nous proposons de sortir de cette approche d’État et d’adopter une vision plus territoriale qui se situe entre le droit commun et une arme massive qui n’a de sens que dans quelques cas rares et très particuliers. Nous voulons faire confiance à l’échelon intercommunal.

Le préfet n’a pas tous les droits. Lorsqu’une intercommunalité propose la mise en place d’une GOU, si au moins une commune concernée s’oppose, le préfet rend un avis et décide si le droit à construire est transféré au président de l’intercommunalité. Nous sommes très loin des règles en vigueur pour les OIN, qui permettent au préfet d’exercer directement tous les droits.

M. François Pupponi. Nous avions compris, monsieur le secrétaire d’État, et il s’agit bien d’un changement complet de philosophie.

Aujourd’hui, il y a une vingtaine d’OIN, connues, répertoriées, cadrées ; demain, il y aura des dizaines et des dizaines de GOU. La plupart des intercommunalités vont en demander. Nous donnons des pouvoirs exorbitants aux présidents des EPCI, et les maires seront complètement dépossédés. On sait parfaitement que, dans certains cas, les présidents d’intercommunalités se passeront de l’accord du maire. C’est une autre philosophie, on change de monde. Il faut seulement le reconnaître et le dire.

M. Martial Saddier. C’est effectivement un changement profond. Par définition, une intercommunalité pourra décréter qu’il existe un intérêt intercommunal sur tout. Les préfets n’auront plus qu’à suivre la majorité. Si une intercommunalité demande un transfert, c’est qu’une majorité a été obtenue. Les préfets prendront fait et cause en sa faveur. C’est un dessaisissement très clair et une atteinte au fait communal.

La commission adopte successivement les sous-amendements CE2803 et CE2809.

Elle adopte ensuite lamendement CE2652 sous-amendé.

Article 4
(article L. 123-2 du code de lenvironnement et article L. 2122-22
du code général des collectivités territoriales)
Simplifier les procédures de participation du public

1.   L’état du droit

Les zones d’aménagement concerté (ZAC) sont des procédures opérationnelles permettant aux collectivités publiques de réaliser des opérations daménagement de lespace. Ce sont des zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ([15]).

Les projets de création de ZAC peuvent être soumis à évaluation environnementale. L’évaluation environnementale ([16]) est notamment constituée d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé « étude d’impact ». Certaines ZAC, par leurs caractéristiques propres, sont soumises de manière systématique à évaluation environnementale et dautres doivent faire lobjet dun examen au cas par cas afin de déterminer, au regard de leurs possibles conséquences sur l’environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée. Cette décision est prise par l’autorité environnementale.

projets de création de zac et Évaluation environnementale

Article R. 122-2 du code de l’environnement

 

Terrain dassiette dune surface inférieure à 5 hectares

Terrain dassiette dune surface comprise entre
5 et 10 hectares

Terrain dassiette dune surface supérieure ou égale à 10 hectares

Surface de plancher strictement inférieure à 10 000 m2

Pas d’étude d’impact

Examen au cas par cas

Évaluation environnementale obligatoire

Surface de plancher comprise entre 10 000 et 40 000 m2

Cas par cas

Cas par cas

Obligatoire

Surface de plancher supérieure ou égale à 40 000 m2

Obligatoire

Obligatoire

Obligatoire

Létude dimpact fait partie des documents mis à la disposition du public avant la décision de l’autorité compétente pour autoriser le projet. L’article L. 123-2 du code de l’environnement prévoit que, par exception, pour les projets de « création » de ZAC, la mise à disposition du public seffectue par voie électronique et non pas via une enquête publique. Cet article ne fait référence qu’au projet de « création » de ZAC. Or, une ZAC se décompose en deux étapes : la création et la réalisation. Au stade de la réalisation de la ZAC, il est possible qu’une modification du contenu de l’étude d’impact soit nécessaire ([17]). L’hypothèse que seule la création serait exemptée d’enquête publique conduit à soumettre la ZAC à deux régimes différents de mise à la disposition du public de l’étude d’impact : l’un par mise à disposition par voie électronique pour la création, l’autre par enquête publique pour la réalisation.

Si la ZAC est à l’initiative d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), une délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI est nécessaire pour mettre en place la participation du public ([18]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 4 du projet de loi supprime la mention de l’étape de « création » d’une ZAC des exceptions au principe d’enquête publique prévues à l’article L. 123-2 du code de l’environnement. L’objectif est de clarifier le dispositif afin qu’il couvre aussi bien les procédures de création que celles de réalisation de ZAC.

Le II de l’article 4 insère un alinéa à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, afin d’ajouter aux compétences que le maire peut exercer seul par délégation du conseil municipal l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie électronique. L’objectif poursuivi est d’alléger le processus d’évaluation environnementale.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite de ce que cet article permettra d’accélérer la réalisation de certains projets grâce à l’ajout, à la liste des compétences que le maire peut exercer seul par délégation du conseil municipal, de l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie électronique.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission n’a pas adopté d’amendement sur cet article.

*

*     *

M. le président Roland Lescure. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de cet article.

La commission examine lamendement CE2068 de M. Loïc Prudhomme.

M. Loïc Prudhomme. Notre amendement vise à supprimer l’article 4. Nous considérons que l’enquête publique et la concertation restent la meilleure façon de faire accepter les projets. Nous nous opposons donc au nivellement par le bas que constitue la modification de l’article L. 132-2 du code de l’environnement.

Pourquoi renoncer à l’enquête publique au moment de la réalisation des zones d’aménagement concerté (ZAC), si ce n’est pour s’arranger avec la démocratie ? Nous considérons que la démocratie environnementale passe par de vrais débats publics. La prétendue simplification du droit environnemental engagée depuis le début de la législature par le Gouvernement, et que poursuit ce projet de loi, va à l’encontre d’une réelle prise en compte des enjeux écologiques liés à la construction et à l’urbanisme.

Par ailleurs, les consultations électroniques posent des problèmes en termes de fracture numérique et d’égalités d’accès.

Enfin, le fait de ne plus vouloir attendre une délibération du conseil municipal pour l’ouverture et l’organisation de la participation du public, mais de les confier au maire par la signature d’un simple arrêté constitue une énième entorse à la démocratie locale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Vous êtes défavorable à l’application d’une procédure de participation du public dérogatoire au droit commun pour les ZAC, sans mise à disposition du public d’un dossier au format papier en préfecture et dans la mairie concernée, mais l’article 4 du projet de loi que vous souhaitez supprimer ne crée pas cette procédure dérogatoire. Elle existe déjà à L. 123-2 du code de l’environnement. Le projet de loi ne fait que clarifier les modalités de la mise à disposition par voie électronique de l’étude d’impact pour les projets de ZAC.

Par ailleurs, l’article 4 que vous souhaitez supprimer permet d’accélérer la réalisation des projets en ajoutant aux compétences que le maire peut exercer seul par délégation du conseil municipal l’ouverture et l’organisation de la participation du public par voie électronique

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis également défavorable. Cet article ne comprend que des dispositions de clarification.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1264 de M. Bruno Millienne.

M. Bruno Millienne. Il tend à allonger de quinze jours à un mois la période d’information du public préalable à l’ouverture de sa participation électronique pour les plans, programmes et projets. Quinze jours, c’est un trop court pour que l’ensemble des parties prenantes constituent leur dossier. Je retarde le processus, certes, mais franchement un mois pour la consultation du public, ce n’est pas énorme.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Le délai de quinze jours semble suffisant pour informer le public.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Bruno Millienne. Je trouve un peu dommage que l’on muselle ainsi l’avis des citoyens. Ils jugeront !

M. Thierry Benoit. Ce n’est pas museler : c’est simplifier et réduire les délais. Dans la discussion générale, nous avons parlé de simplification ; les parlementaires doivent en être les acteurs au quotidien. Je soutiens totalement l’objectif de réduction des délais de l’article 4.

Cet amendement devrait être retiré parce qu’il est signé par un député qui appartient à un groupe pragmatique !

M. le président Roland Lescure. Je propose que nous laissions M. Millienne choisir pour lui-même !

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 4 sans modification.

Après l’article 4

La commission est saisie de lamendement CE2304 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement introduit une simplification, car lorsque deux concertations sont organisées sur le même projet, on doit pouvoir se dispenser de la seconde.

M. Thierry Benoit. Excellent !

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme permet une concertation facultative en amont pour les projets de travaux ou d’aménagement soumis à permis de construire ou à permis d’aménager. Votre amendement exempte de participation amont au titre du code de l’environnement tout projet qui entrerait dans le champ de la participation facultative au titre du code de l’urbanisme. En conséquence, si le maître d’ouvrage ne réalise pas cette concertation facultative, des projets, pourtant soumis à évaluation environnementale, ne feront l’objet d’aucune participation amont.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.

M. François Pupponi. S’il y a une consultation obligatoire, il est inutile de conserver la consultation facultative. Vous rendez les choses plus complexes.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Si je comprends bien, il peut y avoir un trou dans la raquette : dans certains cas, l’adoption de l’amendement pourrait aboutir à ce qu’aucune concertation n’ait lieu. Monsieur le député, nous allons vérifier ce qu’il en est. Bien évidemment, si ce cas ne peut pas se produire, nous vous soutiendrons et, avec M. le ministre, nous applaudirons même des quatre mains.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Pupponi, acceptez-vous de retirer votre amendement afin qu’il soit évalué d’ici à la séance publique ?

Lamendement est retiré.

Article 5
(article L. 311-4 du code de lurbanisme, article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985)
Simplifier les procédures simposant aux opérateurs daménagement

1.   L’état du droit

a.   Les ZAC à maîtrise foncière partielle

La collectivité publique à l’initiative de la ZAC dispose de plusieurs possibilités pour promouvoir l’aménagement et l’équipement de la zone. Elle peut opter pour la réalisation directe, par le biais de la régie, ou bien pour une réalisation concédée, par le biais d’une concession d’aménagement. Si lintégralité des terrains situés dans la zone nest pas acquise par laménageur, on parle alors de ZAC à maîtrise foncière partielle. Cette latitude légale permet le maintien des propriétaires en place lors de la création de la zone.

Les aménageurs dune ZAC peuvent participer au coût des équipements publics construits sur la ZAC qui répondent au besoin des futurs habitants et des futurs usagers ([19]). La répercussion du coût d’équipement de la zone sur le constructeur est organisée selon différentes modalités :

– lorsqu’un constructeur acquiert le terrain auprès de l’aménageur, le constructeur participe directement au coût d’équipement de la ZAC via le prix de vente du terrain ;

– dans les autres cas, une convention conclue entre la commune ou l’EPCI et le constructeur précise les conditions dans lesquelles celui-ci participe au coût d’équipement de la zone. La convention constitue une pièce obligatoire du dossier de permis de construire ou d’aménager ([20]).

b.   La maîtrise d’ouvrage de bâtiments publics dans le cadre d’une concession d’aménagement

i.   La loi « MOP »

La loi du 12 juillet 1985 ([21]), dite « loi MOP », fixe le cadre relatif à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée. Elle repose sur le principe de la séparation juridique et fonctionnelle entre le maître douvrage public qui définit et commande, le maître dœuvre qui conçoit et dirige, et lentreprise qui exécute.

Séparation juridique et fonctionnelle imposée par la loi « Mop »

https://www.elnet.fr/documentation/hulkStatic/EL/CD04/ETD/Z4031/sharp_/ANX/z4031_ill00332_num_z.png

 

 

 

 

Les contrats de conception-réalisation constituent une exception à ce principe en ce qu’ils associent un concepteur et un entrepreneur dès le stade des études. Le maître de l’ouvrage peut ainsi confier à un groupement de personnes de droit privé (ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructures, à une personne de droit privé) à la fois l’établissement des études et l’exécution des travaux.

Contrats de conception-réalisation

https://www.elnet.fr/documentation/hulkStatic/EL/CD04/ETD/Z4031/sharp_/ANX/z4031_ill00333_num_z.png

 

 

On distingue donc deux grandes catégories de maîtres douvrage :

– ceux soumis au cadre défini par la loi MOP, pour lesquels le concours de maîtrise d’œuvre ([22]) est la procédure de principe lorsque le marché est soumis à une procédure formalisée. Le recours à une opération de conception-réalisation doit être strictement justifié : il n’est autorisé ([23]) que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ;

– ceux qui ne sont pas assujettis à la loi MOP et qui peuvent, de ce fait, opter pour la procédure formalisée de leur choix, dans le cadre défini par la réglementation. Le recours à la conception-réalisation n’est soumis à aucune restriction particulière.

 

 

 

Sont assujettis à la loi MOP :

– l’État et ses établissements publics ;

– les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d’aménagement de ville nouvelle, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes ;

– les organismes privés de sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations ;

– les organismes privés d’HLM, ainsi que les SEM, pour les logements à usage locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés ;

– les mandataires des maîtres de l’ouvrage susvisés.

Ne sont pas assujettis à la loi MOP :

– les ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure destinés à une activité industrielle dont la conception est déterminée par le processus d’exploitation ;

– les ouvrages d’infrastructure réalisés dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté ou d’un lotissement ;

– les ouvrages de bâtiment acquis par les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte par un contrat de vente d’immeuble à construire prévu par les articles 1601-1, 1601-2 et 1601-3 du code civil.

ii.   Les concessions d’aménagement

Parallèlement, l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme prévoit un régime spécifique aux concessions d’aménagement. Par cet article, les opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme peuvent être concédées à toute personne y ayant vocation, et le concessionnaire assure alors « la maîtrise douvrage des travaux et équipements concourant à lopération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution » ([24]).

En l’état, la juxtaposition des règles de la loi du 12 juillet 1985 d’une part, et de l’article L. 300-5 du code de l’urbanisme d’autre part, ne permet pas de déterminer le régime applicable aux concessionnaires. Alors que les ZAC sont expressément exclues du champ de la loi du 12 juillet 1985, il n’est pas certain que les concessionnaires soient des mandataires assujettis à la loi MOP au sens de son article 3 ([25]). Aujourdhui, les acteurs du secteur ne savent pas avec certitude dans quel régime juridique ils sinscrivent.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Améliorer le dispositif de participation financière des constructeurs dans les ZAC à maîtrise foncière partielle

Aujourd’hui, dans le cas d’une ZAC à maîtrise foncière partielle, la loi n’exclut pas que la collectivité impose le versement de tout ou partie des participations du constructeur directement à l’aménageur ([26]). Néanmoins, tel n’est pas nécessairement le cas, ce qui allonge les délais et complexifie la procédure. Pour donner une plus grande sécurité juridique à cette pratique, les deux premiers alinéas prévoient expressément la possibilité dun versement direct à laménageur ou à la personne publique à linitiative de la ZAC, dans les cas où la convention entre la commune ou lEPCI et le constructeur le prévoit.

Lalinéa 7 renvoie à une ordonnance le soin daméliorer les dispositifs de financement des équipements publics. Cette ordonnance pourrait prévoir la possibilité de moduler la participation financière des constructeurs en fonction des caractéristiques particulières de l’opération (réalisation de logements, densification, constructions structurantes pour l’opération d’aménagement…), disposition qui était contenue dans l’avant-projet de loi.

b.   Accélérer l’aménagement et l’équipement des ZAC

La législation relative à l’aménagement et l’équipement des ZAC est principalement régie par les articles L. 311-1 à L. 311-8 du code de l’urbanisme. À la suite des réformes du droit de l’environnement et notamment des ordonnances n° 2016-1058 et n° 2016-1060, certaines dispositions du code de lurbanisme relatives au ZAC sont mal coordonnées avec celles du code de lenvironnement et certaines procédures peuvent être redondantes.

Dans ces conditions, le II de l’article 5 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de douze mois pour accélérer l’aménagement et l’équipement des ZAC, pour simplifier et améliorer les procédures qui leur sont applicables et mieux articuler les dispositions relatives aux ZAC contenues dans les codes de l’environnement et de l’urbanisme en :

– adaptant la procédure actuelle prévue par le code de l’urbanisme, pour tenir compte notamment du caractère progressif et évolutif du projet d’aménagement (alinéa 4) ;

– adaptant le champ de la concertation prévue à l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet de ZAC, les habitants, les associations locales et les personnes concernées (alinéa 5) ;

– prévoyant les modalités de la participation du public correspondant aux différentes phases de l’aménagement de la ZAC (alinéa 6) ;

– améliorant les dispositifs de financement des équipements publics pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers (alinéa 7).

c.   Créer une dérogation à la loi MOP pour les concessions d’aménagement

Les alinéas 8 et 9 excluent clairement du champ de la loi MOP les concessionnaires d’opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme. À noter que la collectivité pourra toujours choisir de ne pas passer par une concession d’aménagement mais de faire réaliser ses constructions en les confiant à un mandataire, pour lequel les dispositions de la loi MOP s’appliquent ([27]).

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cinq amendements rédactionnels ainsi que deux amendements dont les dispositions contribueront à un aménagement du territoire soucieux d’une bonne intégration paysagère, urbaine et patrimoniale.

Le premier prévoit que les mesures que le Gouvernement établira par voie ordonnance pour accélérer l’aménagement des ZAD doivent être prises avec une ambition de qualité urbaine, architecturale et environnementale.

Le second, adopté à l’initiative de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis sur cet article, permet au pétitionnaire de mieux comprendre les objectifs spécifiques de l’évaluation environnementale à laquelle son projet est soumis. Sans revenir sur les champs de soumission des projets, plans et programmes à étude environnementale, il est demandé à l’autorité environnementale qui soumettrait un projet à évaluation environnementale après examen au cas par cas de préciser les objectifs spécifiques de cette dernière. Le bon déroulement des procédures d’évaluation environnementale est un vecteur essentiel de la capacité des opérateurs à produire plus de foncier constructible.

*

*     *

M. le président Roland Lescure. Deux commissions se sont saisies pour avis sur l’article 5 : la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et celle des affaires culturelles et de l’éducation.

La commission examine lamendement CE1105 du rapporteur.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement présenté comme rédactionnel ne l’est pas. Le projet de loi autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l’accélération de l’aménagement et de l’équipement des zones d’aménagement concerté (ZAC), pendant une durée de douze mois à compter de la publication de la loi. L’amendement prévoit de faire courir ce délai de douze mois non plus à compter de la publication de la loi, mais à compter de sa promulgation. Sachant que la promulgation de la loi intervient avant sa publication, l’amendement réduit le délai d’habilitation, et le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je maintiens l’amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE1106 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE79 de M. Martial Saddier, CE256 de M. Stéphane Peu, CE391 de M. Vincent Descoeur, CE1476 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2330 de M. François Pupponi, ainsi que les amendements CE872 de M. Éric Alauzet et CE2770 du rapporteur.

M. Martial Saddier. L’insertion des mots « et en recherchant le plus haut niveau de qualité urbaine, architecturale et environnementale » vise à garantir la qualité urbaine, architecturale et environnementale des zones d’aménagement concertées, en posant cette exigence comme principe régissant la création de tout projet d’aménagement.

M. Stéphane Peu. En dépit de certaines évolutions de ce projet de loi qui fait un mauvais sort aux architectes, comme aux maires, il est important de réaffirmer nos exigences en matière de qualité architecturale, urbaine et environnementale.

Mme Barbara Bessot Ballot. Mon amendement permettrait au pétitionnaire de la demande du permis d’aménager de déterminer l’équipe la plus adéquate pour mener à bien le projet, pour lequel il devra toujours certifier qu’il a fait appel aux compétences nécessaires en matière d’architecture, d’urbanisme et de paysage pour établir le projet architectural, paysager et environnemental.

M. Éric Alauzet. Au vu des inquiétudes exprimées, il semble important d’affirmer l’exigence de qualité urbaine, architecturale et environnementale auquel devront se conformer les futures ordonnances.

M. Richard Lioger, rapporteur. Mes chers collègues, nous partageons la même vision et la même exigence en matière de qualité urbaine et architecturale, mais les amendements que vous soutenez semblent comporter une fragilité juridique. J’y suis donc défavorable. Je vous propose en conséquence d’adopter mon amendement CE2770, plus sûr juridiquement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement se rallie à la position du rapporteur. Il est favorable à son amendement.

Les amendements CE1476 et CE872 sont retirés.

La commission rejette les amendements identiques CE79, CE256, CE391, et CE2330.

Puis elle adopte lamendement CE2770.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE63 et CE64 de la commission du développement durable.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE1107 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CE2237 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Les bailleurs sociaux sont déjà associés à l’élaboration des programmes locaux de l’habitat (PLH). Il s’agirait de les associer également à celle des plans locaux d’urbanisme (PLU).

M. Richard Lioger, rapporteur. J’y suis défavorable. Il ne nous paraît pas nécessaire d’associer ces acteurs à l’élaboration des PLU.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme M. Pupponi l’a lui-même rappelé, les organismes HLM sont déjà associés à l’élaboration des PLH. Nous ne souhaitons pas alourdir encore les procédures d’élaboration des PLU. Point trop n’en faut.

M. François Pupponi. Voyez plutôt la longue liste des personnes et des organismes associés à la rédaction des PLU ! Ne pas demander leur avis aux bailleurs sociaux sur l’évolution d’une commune dont plus de la moitié des logements sont des logements sociaux me paraît un peu absurde. Or, pour l’heure, rien n’oblige à leur demander leur avis. On demande en revanche leur avis à des gens qui ne sont pas concernés…

M. Stéphane Peu. Je soutiens l’amendement de M. Pupponi. Très franchement, s’il est, au sein d’une commune, des acteurs de l’aménagement et de la construction, ce sont bien les bailleurs sociaux, et il serait bon de les associer à l’élaboration des PLU.

M. Martial Saddier. Pour avoir été longtemps maire d’une commune qui comptait une certaine proportion de logements locatifs sociaux, je pense qu’on demande d’abord à un bailleur social de s’occuper de ses locataires. Quand un bailleur social s’occupe correctement de ses locataires, de ses quartiers et a de bonnes relations avec le maire et le président d’intercommunalité, il y a déjà du travail de fait. L’aménagement du territoire, les projets d’aménagement, c’est autre chose. Je suis donc quelque peu en désaccord avec les signataires de l’amendement.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE257 de M. Stéphane Peu, CE320 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CE392 de M. Vincent Descoeur, CE440 de M. Thibault Bazin, CE559 de M. Arnaud Viala, CE1998 de
M. Bruno Fuchs et CE2331 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Il s’agit de supprimer les alinéas 9 et 10 de cet article 5, qui prévoient encore une dérogation à la loi permettant à l’aménageur de réaliser des bâtiments publics – écoles, gymnases… – avec des fonds publics sans être soumis aux règles de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite « loi MOP ». C’est absolument aberrant et cela nous expose encore au risque d’infrastructures au rabais. Plus de permis de construire délivré par le maire, plus d’architecte, plus d’appel d’offres public… C’est open bar pour faire n’importe quoi ! Cette propension du nouveau monde à puiser son inspiration dans le pire de l’ancien monde est incroyable.

M. François Pupponi. Je profite de l’examen de mon amendement CE2331 pour poser une question au ministre et au rapporteur. Que se passe-t-il pour les équipements publics subventionnés ? Qui touche la subvention ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons depuis quelque temps cette discussion sur la loi MOP. Évidemment, ne souscrivant pas au catastrophisme de leurs auteurs, nous sommes défavorables à ces amendements identiques.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Dans le cadre, très précis, de la concession d’aménagement, il est déjà possible, en vertu de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme de déroger à la loi MOP, mais les retours d’expérience nous apprennent que les aménageurs eux-mêmes s’interrogent : si jamais ils dérogent à la loi MOP, comme le code de l’urbanisme leur permet, leur assise juridique est‑elle suffisante ? L’objectif des dispositions que les auteurs de ces amendements veulent supprimer est de sécuriser cette possibilité, non d’en ouvrir une autre.

M. Stéphane Peu. Je crois me souvenir qu’il n’est pas possible de déroger à la loi MOP lorsqu’un aménageur réalise, dans le cadre d’une concession d’aménagement, un bâtiment public financé par l’argent public. Les alinéas que je vous propose de supprimer, chers collègues, visent à le permettre.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le sens de ces alinéas est vraiment, je le répète, de sécuriser ce qui est déjà possible, non d’ouvrir une nouvelle possibilité, mais nous allons regarder ce qu’il en est de la situation que vous évoquez.

M. François Pupponi. En vertu du règlement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la nature du maître d’œuvre fait partie des critères considérés pour l’attribution d’une subvention. Dans le type de situation que nous évoquons, n’y a-t-il pas un problème de ce point de vue ?

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE446 de M. Vincent Descoeur, CE449 de M. Grégory Besson-Moreau, CE950 de M. Marc Le Fur et CE1493 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Robin Reda. L’amendement CE446 est un amendement de repli. Instaurons un seuil : en deçà d’un coût de 50 millions d’euros hors taxes, la loi MOP s’appliquerait de plein droit aux équipements. Il s’agit de favoriser la meilleure conception de ceux-ci mais aussi l’accès des très petites entreprises (TPE) aux marchés publics, car le cadre harmonisé de la loi MOP offre une plus grande lisibilité aux entreprises qui voudraient prendre part aux aménagements des zones d’aménagement concerté (ZAC).

M. Richard Lioger, rapporteur. Le projet de loi permet une clarification bienvenue. En l’état, la juxtaposition des règles de la loi MOP, d’une part, et de l’article L. 304 du code de l’urbanisme, d’autre part, ne permet pas de déterminer le régime applicable aux concessions. Alors que les ZAC sont expressément exclues du champ de la loi MOP, il n’est pas certain que les concessionnaires soient les mandataires assujettis à la loi au sens de son article 3. Aujourd’hui, les acteurs du secteur ne savent pas avec certitude dans quel régime juridique ils s’inscrivent. Limiter la clarification apportée par le texte soumis à notre examen aux projets d’un montant supérieur ou égal à 50 millions d’euros hors taxes laisserait le maître d’ouvrage dans l’incertitude pour tous les projets d’un montant inférieur.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable à ces amendements. Il est au moins un cas où l’adoption de ces amendements identiques entraînerait un recul par rapport au droit en vigueur : celui des ZAC. Aujourd’hui, la loi MOP ne s’applique pas aux concessions d’aménagement au sein de ZAC. Ces amendements identiques entraîneraient son application.

Par ailleurs, l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, que j’ai sous les yeux, n’est effectivement pas clair. Il s’agit donc de sécuriser toutes celles et ceux qui, dans le cadre d’une concession d’aménagement, ont déjà le droit de déroger à la loi MOP en vertu du code de l’urbanisme, qu’ils puissent le faire dans un cadre juridique clarifié. Il ne s’agit pas de donner un nouveau droit.

Je m’oppose donc à ces amendements, qui réduisent un droit déjà existant, mais nous allons travailler d’ici à l’examen du texte en séance publique pour nous assurer de la qualité de cette sécurisation juridique.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Par ailleurs, lorsqu’on instaure un seuil, de nombreux intervenants, intelligents, trouvent les solutions qui leur permettent de rester en dessous ou au-dessus de celui-ci.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE65 de la commission du développement durable et CE1921 de M. Alain Perea.

Mme Sandra Marsaud, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE65 est issu d’un amendement proposé par M. Perea, qu’a sous‑amendé la commission du développement durable.

Il s’agit de dynamiser le dialogue lors des procédures d’évaluation environnementale et de renforcer la logique d’accompagnement des porteurs de projet par l’autorité environnementale. L’autorité qui soumettrait un projet, plan ou programme à évaluation environnementale après examen au cas par cas devrait préciser les objectifs spécifiques de cette évaluation. Cette mesure permettrait aux porteurs de projet de mieux anticiper leurs obligations légales et à l’administration de mieux respecter son obligation de respecter le principe de proportionnalité.

M. Alain Perea. À mon sens, sous-amendé par la commission du développement durable, l’amendement que j’ai présenté a été vidé de sa substance et a perdu tout intérêt. Les études demandées par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ne sont pas souvent proportionnées aux enjeux. Il s’agirait donc de donner au porteur de projet, qu’il soit public ou privé, les éléments lui permettant d’apprécier les implications, en termes de coûts, de délais et d’objectifs, de ce qui lui est demandé.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous sommes favorables à l’amendement CE65, qui n’alourdit pas les procédures et permettra au pétitionnaire de mieux comprendre les objectifs spécifiques de l’évaluation environnementale à laquelle son projet est soumis. Nous demandons en revanche le retrait de l’amendement CE1921, dont la rédaction est plus confuse, mais nous retravaillerons sur la question.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon sentiment est que l’amendement CE65 alourdit les procédures et va au-delà des obligations auxquelles la directive européenne soumet les autorités environnementales, puisque devraient être indiqués chaque fois les objectifs poursuivis. On indique déjà le sens de l’évaluation. Alors, n’alourdirait-on pas les procédures en imposant ainsi de décliner des objectifs au cas par cas ?

L’amendement défendu par M. Perea me semble pour sa part satisfait. Il ne fait que rappeler ce que la loi impose déjà.

Je demande donc le retrait des deux amendements.

M. Alain Perea. J’ai dû mal m’exprimer. La DREAL peut demander des études sans en fixer les objectifs, sans en dire la durée ou le coût. Par l’amendement CE1921, nous demandons simplement que la DREAL précise ces éléments. Par exemple, elle pourrait dire qu’une étude va durer un an et demi, parce qu’il faut étudier le cycle complet de reproduction de tel animal, et qu’elle coûtera 50 000 ou 60 000 euros. Il s’agit non pas d’alourdir la procédure mais d’obliger la DREAL à la précision. Ces éléments ne sont jamais donnés et les décisions des DREAL sont vécues, dans les territoires, comme le fait du prince.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Peut-être n’ai-je pas compris. Si l’objectif est que la DREAL indique plus précisément au porteur du projet ce qu’il doit faire, effectivement, cela pourra permettre d’aller plus vite. Je propose, monsieur le député, que nous y retravaillions d’ici à la séance.

M. Alain Perea. Dans ce cas, je retire mon amendement.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Vous avez bien résumé notre objectif, monsieur le secrétaire d’État. Il s’agit de faire en sorte de mieux accompagner les porteurs de projet – les DREAL ont une responsabilité à cet égard. Cependant, nous avons sous-amendé la proposition de M. Perea pour que cela prenne une forme appropriée compte tenu des missions et des compétences d’une administration, qui ne peut pas forcément chiffrer ni estimer les délais des études demandées. Je n’en ai pas moins constaté sur le terrain, en travaillant dans un bureau d’études, un accompagnement trop souvent insuffisant des porteurs.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage totalement les préoccupations que vous venez d’énoncer. Le rôle de l’État, aujourd’hui, n’est pas d’exiger, il est d’accompagner, de faciliter. Si cela permet une plus rapide réalisation des projets, il faut le faire, même si cela peut donner plus de travail à l’administration. Nous nous engageons très fermement à retravailler à ces questions.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Il ne m’est cependant pas possible, monsieur le secrétaire d’État, de retirer un amendement que je défends au nom de la commission du développement durable.

Lamendement CE1921 est retiré.

La commission adopte lamendement CE65.

Puis elle adopte larticle 5 modifié.

Article 5 bis (nouveau)
(article L. 2122 du code de lurbanisme)
Renouvellement du droit de préemption
applicable en zone daménagement différé (ZAD)

La commission a adopté un amendement, à l’initiative du rapporteur, précisant les modalités de renouvellement du droit de préemption applicable en zone d’aménagement différé (ZAD) à l’achèvement du délai de validité initial, fixé par le code de l’urbanisme à six ans à compter de la publication de l’acte de création de la zone.

S’agissant des ZAD créées par l’État, le renouvellement du droit de préemption s’opérera par décret en Conseil d’État, en cas d’avis défavorable d’une commune ou de l’EPCI concerné, ou par arrêté préfectoral en l’absence d’opposition de ces collectivités. S’agissant des ZAD créées à l’initiative d’un EPCI, le droit de préemption sera renouvelé par arrêté préfectoral en cas d’avis défavorable d’une des communes. À l’inverse, une délibération de l’organe délibérant de l’EPCI suffira dès lors qu’aucune des communes ne s’opposera au renouvellement.

*

*     *

La commission examine lamendement CE2290 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit de la constructibilité sous plan d’exposition au bruit (PEB). Une loi précédente avait permis des dérogations, dans le cas d’opérations de rénovation urbaine, à la non-constructibilité sous PEB. Las, certaines communes de l’Est du Val-d’Oise, en particulier autour de Roissy, restent exclues.

Nous en arrivons donc à l’absurdité suivante : les communes dans un projet ANRU doivent détruire du logement social, et la loi leur interdit d’en reconstruire. Donc, à la place, on construit du logement intermédiaire, mais on nous dit aussi qu’il faut reconstruire le logement social. Et, dans les intercommunalités concernées, les communes sous PEB n’ont pas le droit de construire du logement. On ne peut donc pas respecter les règles. La solution est donc de détruire du logement social dans les communes où il y en a beaucoup, de le remplacer par du logement intermédiaire, et de construire dans les communes carencées de la même intercommunalité du logement social, mais les règles du PEB l’interdisent.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, très large. Susceptible d’entraîner un accroissement significatif de la population soumise aux nuisances sonores dans ce secteur, il ne définit pas de mesures de suivi des opérations de réhabilitation et ne prévoit pas de mesures permettant de limiter l’impact des nuisances sonores.

Les conditions prévues par le droit en vigueur semblent suffisantes.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que le rapporteur. Cet amendement, en réalité, vise à assouplir les possibilités de construction en zone C du plan d’exposition au bruit des aérodromes. Il permet l’augmentation de la population en zone C, sans limites ni encadrement particulier. Le gouvernement s’est toujours opposé à ce type de mesure.

M. François Pupponi. Je suis désolé de vous contredire, monsieur le ministre, mais la loi permet précisément de déroger à cette règle, avec l’autorisation du préfet. Les notes rédigées par vos collaborateurs ne correspondent pas à la réalité juridique. Aujourd’hui, c’est le préfet qui peut autoriser la construction sous PEB dans le cadre des contrats de développement territorial (CDT) du Grand Paris. C’est la loi qui le précise. Tout est donc parfaitement encadré, contrairement à ce que vous dites. On ne peut pas construire dans ces communes si le préfet refuse. Quel encadrement supplémentaire voulez‑vous donc ?

En revanche, au sein d’une même intercommunalité, une commune peut être concernée et pas l’autre. Il n’est donc pas possible de reconstituer le logement social en respectant la règle du « un pour un ». Élargissez donc les possibilités qu’ont les préfets de déroger, au sein d’une même intercommunalité. L’encadrement est complet : aux termes du droit en vigueur, le maire n’a déjà pas le droit de délivrer un permis de construire sans l’accord du préfet. Si un encadrement par le préfet est insuffisant, je n’y comprends plus rien !

M. Richard Lioger, rapporteur. Insuffisamment compétent en la matière, je voudrais retravailler sur ce sujet avec M. Pupponi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne vous comprends pas tout à fait, monsieur Pupponi. L’article L. 112-10 du code de l’urbanisme dispose notamment que : « La rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, l’extension mesurée ou la reconstruction des constructions existantes peuvent être admises lorsqu’elles n’entraînent pas un accroissement de la capacité d’accueil d’habitants exposés aux nuisances. » Il est donc possible de faire de la destruction-reconstruction.

M. François Pupponi. Ce n’est pas cet article qu’il fallait lire. L’article L. 112-10, si vous regardez bien, renvoie à la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », qui dispose en son article 166 que : « Les contrats de développement territorial, prévus par la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, peuvent, pour répondre aux enjeux spécifiques de renouvellement urbain qu’ils identifient et dans un but de mixité sociale et d’amélioration de la qualité de vie des populations, prévoir des opérations de réhabilitation ou de réaménagement urbain en zone C des plans d’exposition au bruit. Par dérogation […], ces opérations peuvent entraîner une augmentation de la population soumise aux nuisances sonores, sans toutefois qu’il puisse s’agir d’une augmentation significative. » C’est le préfet qui encadre. L’article L. 112-10 a donc été modifié par un amendement adopté en 2016, qui élargit cette possibilité.

Si l’on applique le texte du Gouvernement, une commune peut détruire du logement social, mais pas en reconstruire, car on veut de la mixité, mais on veut une reconstruction du logement social « un pour un ». Donc il faut en reconstruire ailleurs… où c’est impossible ! On tourne en rond. C’est pour cela que nous avons modifié la loi en 2016 : pour que le préfet puisse dans certains cas autoriser d’augmenter la population sous plan d’exposition au bruit.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous allons retravailler cela, monsieur Pupponi. Vous avez beaucoup légiféré au cours des dernières années, ce qui nous amène d’ailleurs à revoir un certain nombre de choses. Pour ma part, j’ai l’habitude d’être précis, nous allons donc vérifier.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous vous proposons donc, cher collègue Pupponi, de retirer votre amendement, et nous y retravaillerons.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2766 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. En vertu de cet amendement, s’agissant des zones d’aménagement différé (ZAD) créées par l’État, le renouvellement du droit de préemption s’opérera par décret en Conseil d’État en cas d’avis défavorable d’une commune ou de l’EPCI concerné et par arrêté préfectoral en l’absence d’opposition de ces collectivités.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement y est favorable.

La commission adopte lamendement.

Article 5 ter (nouveau)
(article L. 3003 du code de lurbanisme)
Précisions relatives au mandat daménagement

La commission a adopté un amendement, à l’initiative du rapporteur, précisant les modalités contractuelles relatives au mandat d’aménagement. Ce mandat permet à un maître d’ouvrage public de faire réaliser des études, des travaux ou des actions foncières ou immobilières par un mandataire désigné dans le cadre des textes régissant la passation de marchés publics. C’est une alternative à la concession d’aménagement définie à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme que la collectivité peut mobiliser. Les termes actuels de l’article L.300-3 du code de l’urbanisme peuvent laisser penser que seule l’une des trois missions décrites au I de l’article peut être confiée par le même contrat d’aménagement (réalisation d’études, réalisation de travaux et construction d’ouvrages ou bâtiments, achat et revente de biens fonciers ou immobiliers). Pourtant, le mandant de tels contrats peut souhaiter confier un rôle d’ensemblier à son mandataire.

L’amendement adopté par la commission a donc pour objet de permettre de confier une ou plusieurs des trois missions prévues par le I de l’article L. 3003, par un même contrat, selon les choix du mandant.

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*     *

La commission se saisit de lamendement CE2765 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les termes actuels de l’article L. 300-3 du code de l’urbanisme peuvent laisser penser que seule l’une des trois missions décrites au I de l’article – réalisation d’études, réalisation de travaux et construction d’ouvrages ou bâtiments, achat et revente de biens fonciers ou immobiliers – peut être confiée par le même contrat. Pourtant, le mandant de tels contrats peut souhaiter confier un rôle d’ensemblier à son mandataire, en lui confiant dans un même contrat, par exemple, un mandat d’études mais aussi de travaux ou d’acquisition.

Le présent amendement a pour objet de permettre de confier une ou plusieurs des trois missions prévues par le I de l’article L 300-3, par un même contrat, selon les choix du mandant.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Article 5 quater (nouveau)
(article L. 321-39 du code de lurbanisme)
Comité consultatif de létablissement public daménagement (EPA)
de Paris Saclay

La commission a adopté un amendement du rapporteur confortant la mission d’appui opérationnel du comité consultatif de l’établissement public d’aménagement (EPA) Paris-Saclay auprès de l’organe central que constitue le conseil d’administration Ce comité consultatif a été instauré dès la création de l’établissement en 2010. L’article L. 321-39 du code de l’urbanisme encadre aujourd’hui très strictement sa composition et définit les sujets dont le conseil d’administration peut le saisir.

L’amendement adopté redéfinit les sujets dont le comité consultatif peut être saisi afin de ne pas interférer avec les deux commissions en place à l’EPA Paris-Saclay (une commission chargée du développement économique et une commission chargée d’urbanisme et environnement). L’amendement permet également de laisser au décret le soin de prévoir la composition du comité consultatif, tout en s’assurant que des personnalités qualifiées dans les domaines de l’environnement, des activités agricoles, de l’urbanisme et de la culture, ainsi qu’un député et un sénateur, y siégeront.

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La commission se saisit de lamendement CE2763 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit de l’établissement public d’aménagement (EPA) de Paris Saclay.

Cet amendement a pour objet de conforter la mission d’appui opérationnel du comité consultatif auprès de l’organe central que constitue le conseil d’administration. Il redéfinit les sujets dont ce comité peut être saisi afin de ne pas interférer avec les deux commissions en place à l’EPA. Il permet également de laisser au décret le soin de prévoir la composition du comité consultatif.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE23 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Nous proposons modifier le code de l’urbanisme afin d’alléger les conditions exigées, en instaurant un taux majoré de la taxe d’aménagement dans les communes de montagne ou les communes à faible densité démographique, c’est-à-dire celles éligibles aux aides pour l’électrification rurale. Cette majoration de la taxe d’aménagement interviendrait sur le simple constat que les travaux ou les équipements sont nécessaires. Il ne serait donc plus fait référence, dans ce cas, au caractère substantiel des travaux.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement nous semble un cavalier législatif. Une telle mesure doit être discutée en loi de finances.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.

M. Martial Saddier. Tout d’abord, cet amendement n’a pas été jugé irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution.

Et puis, chers collègues, quand on parle de zones de montagne, il s’agit de 25 % du territoire national ! M. le ministre connaît cette réalité aussi bien que moi, sinon mieux. Sur ce quart du territoire national, les coûts d’aménagement sont tels que la construction n’est aujourd’hui plus possible. En ce qui concerne le très haut débit, la téléphonie mobile et un certain nombre d’énergies propres, notamment le gaz naturel, ces territoires sont déjà abandonnées. S’il n’est pas aujourd’hui permis de majorer cette taxe, comme le propose M. Brun, cela signifie tout simplement l’absence totale de construction et l’abandon de ces territoires. C’est là un problème qui transcende les clivages politiques.

Très sincèrement, monsieur le ministre, qui connaissez bien le sujet, il faut que nous essayions de trouver une solution d’ici à la séance publique.

M. Fabrice Brun. Cet amendement n’est pas un cavalier. Les services de l’Assemblée, très rigoureux, ne l’ont pas jugé irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. Par ailleurs, une disposition identique a été examinée au Sénat dans le cadre d’une proposition de loi qui vise à relancer la construction en zone rurale, et ce sans être qualifiée de cavalier.

Je me permets donc d’insister, à l’instar de mon collègue Saddier, pour que nous puissions débattre de cette question, très importante pour les communes de montagne.

M. François Pupponi. Je soutiens cet amendement. Dans le cadre de ce projet de loi, nous essayons de créer de nouvelles procédures pour permettre aux collectivités locales de faire des zones d’aménagement, mais, dans les zones de montagne, en raison de surcoûts spécifiques, il ne leur sera pas possible d’en tirer parti sans recettes supplémentaires. Et M. Brun ne propose pas une dépense supplémentaire, il propose une recette, qui permette aux communes concernées de profiter de ces nouvelles procédures.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes prêts à examiner cette question.

M. Fabrice Brun. Si vous vous y engagez, monsieur le ministre, nous savons que vous tenez parole, et je retire cet amendement. Il faut vraiment, cependant, y travailler d’ici à la séance publique. C’est une question majeure pour les zones de montagne.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE24 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise pour l’essentiel à assurer les coordinations nécessaires à la bonne application des dispositions qui sont l’objet de l’amendement CE22, que nous examinerons plus tard, et rétablit la participation pour voirie et réseaux, toujours au profit de nos communes en zone de montagne ou à faible densité démographique

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Rappelons que le taux de la taxe d’aménagement peut éventuellement être majoré, ce qui permet de pallier l’abrogation de la participation pour voirie et réseaux.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Article 5 quinquies (nouveau)
(article L. 332113 du code de lurbanisme)
Convention de projet urbain partenarial (PUP)

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour faciliter la mise en œuvre des projets urbains partenariaux (PUP). Ces projets consistent en une participation contractuelle des propriétaires fonciers, des aménageurs ou des constructeurs au financement des équipements publics rendus nécessaires pour satisfaire aux besoins générés par l’opération d’aménagement ou de construction.

La convention de PUP est conclue par le propriétaire, par l’aménageur ou par le constructeur avec la commune ou l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme (ou le préfet dans le périmètre d’une OIN). Or, la commune ou l’intercommunalité signataire de la convention de PUP n’est pas toujours maître d’ouvrage des équipements publics à réaliser. L’amendement adopté par la commission a donc pour objet de confirmer que dans ce cas, la convention de PUP peut prévoir un versement direct de la contribution financière à la personne publique assurant la maîtrise d’ouvrage des équipements publics.

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La commission se saisit ensuite de lamendement CE2764 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. La convention de projet urbain partenarial (PUP) est conclue par le propriétaire, par l’aménageur ou par le constructeur avec la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d’urbanisme – ou le préfet dans le périmètre d’une opération d’intérêt national (OIN). Or la commune ou l’intercommunalité signataire de la convention de PUP n’est pas toujours maître d’ouvrage des équipements publics à réaliser.

Cet amendement a pour objet de confirmer que, dans ce cas, la convention peut prévoir un versement direct de la contribution financière à la personne publique assurant la maîtrise d’ouvrage des équipements publics.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. Stéphane Peu. J’y suis, pour ma part, plus que favorable. Au quotidien, quand une ville construit une école primaire et que c’est sur une opération d’aménagement d’un EPCI, faire passer le PUP de l’EPCI à la commune, c’est un casse-tête.

M. Martial Saddier. Je suis également très favorable à cet amendement. Depuis que je suis député, j’ai toujours voté tous les dispositifs urbains. Je le dis en référence aux amendements précédents. Les députés de montagne ont systématiquement accompagné et voté tous les dispositifs urbains, parce que nous considérons notamment que les densités urbaines nécessitent des outils spécifiques. Comprenez donc, chers collègues élus de zones urbaines, que la montagne a aussi besoin de dispositifs spécifiques.

La commission adopte lamendement.

Article 5 sexies (nouveau)
(article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017)
Conditions et modalités de la substitution de la société de livraison
des ouvrages olympiques (SOLIDEO) au maître douvrage défaillant

La commission a adopté un amendement du Gouvernement qui apporte des précisions sur les conditions et les modalités de la substitution de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) au maître d’ouvrage défaillant, prévue à l’article 53 de la loi n° 2017257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, en vue d’assurer l’effectivité de cette procédure et de garantir ainsi le respect des délais et des coûts de réalisation des ouvrages des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

L’amendement adopté définit la défaillance comme la méconnaissance du calendrier de livraison ou de réalisation des ouvrages, le dépassement des budgets prévisionnels ou tout autre élément conduisant à un retard ou à l’interruption de la conception, de la réalisation ou de la construction de tout ou partie des ouvrages ou aménagements nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques.

La convention conclue entre la société et les maîtres d’ouvrage et maîtres d’ouvrage délégués précisera les conditions de la défaillance propre à chaque maîtrise d’ouvrage.

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*     *

La commission examine ensuite lamendement CE2658 du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques vise à préciser un dispositif prévu par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Il précise les conditions et modalités de substitution de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO), en charge de la réalisation des ouvrages, au maître d’ouvrage.

Aujourd’hui, la SOLIDEO traite avec près d’une trentaine de maîtres d’ouvrage différents, chacun étant en charge de la réalisation des ouvrages et la responsabilité finale incombant à la SOLIDEO. La loi du 28 février 2017 dispose que, lorsqu’un maître d’ouvrage est défaillant, c’est-à-dire lorsqu’il ne réalise pas dans un temps donné les ouvrages nécessaires aux jeux, la SOLIDEO a la possibilité de se substituer à ce maître d’ouvrage. Las ! Cette loi ne précise nullement ce que nous devons entendre par « maître d’ouvrage défaillant » ou « défaillance ».

Par cet amendement, le Gouvernement souhaite donc préciser les modalités de cette substitution de la SOLIDEO aux maîtres d’ouvrage, en indiquant par exemple que la défaillance peut être une méconnaissance du calendrier de réalisation, un dépassement de budget ou encore le non-respect du programme.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement.

M. Stéphane Peu. J’y suis, une nouvelle fois, très favorable également : député de la circonscription où les deux tiers des investissements de la SOLIDEO seront réalisés, je me devais de le dire !

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, vous parliez tout à l’heure de cavalier législatif… Qu’en est-il de celui-ci ? Et puis l’introduction d’une telle disposition, ainsi, au milieu du projet de loi ELAN, si elle peut rassurer – nous sommes tous favorables aux jeux –, nous inquiète aussi. Qu’en sera-t-il du respect des délais et des coûts ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le député, il n’y a aucun lien avec un quelconque surcoût. En revanche, je comprends tout à fait que vous réagissiez à l’introduction de telles précisions quelques semaines après que nous avons longuement débattu de la loi relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

La commission adopte lamendement.

Chapitre II
Favoriser la libération du foncier

Article 6 A (nouveau)
(article L. 101-2 du code de lurbanisme)
Promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap

La commission a adopté un amendement qui inclut dans les objectifs de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales.

*

*     *

La commission se saisit de lamendement CE2073 de M. François Ruffin.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui nécessiterait de modifier également le code civil et qui crée une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE318 de Mme Laurence Trastour-Isnart, qui fait lobjet du sous-amendement CE2779 du rapporteur, CE431 de M. Thibault Bazin, CE1389 de M. Stéphane Peu et CE2022 de M. Bruno Fuchs.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable aux amendements, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement qui introduit la notion de « société inclusive » dans les objectifs que l’action des collectivités publiques.

M. Thibault Bazin. Les personnes handicapées sont très inquiètes de ce projet de loi ; la question est celle de la transposition dans le droit des termes de la Convention de New York relative aux droits des personnes handicapées.

Je ne suis pas certain que la notion de « société inclusive » soit claire pour tout le monde, car elle peut tout vouloir dire, elle fait rêver, mais je crains qu’elle ne soit pas concrètement opposable.

M. Stéphane Peu. Lorsque la France a signé la Convention de New York, elle s’est engagée à en transposer les termes dans son droit interne. Ces amendements n’ont donc d’autre objet que d’honorer la signature de notre pays et de garantir la promotion du principe de conception universelle afin d’être en mesure de proposer des logements adaptés au handicap.

Or les associations représentatives des intéressés expriment de grandes inquiétudes à l’égard de ce projet de loi.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement rappelle un des grands principes universels. Il ne coûte rien, il ne ralentit rien, et il nous grandit collectivement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes parfaitement d’accord avec tout ce qui vient d’être dit. J’émettrai donc un avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement CE2779 du rapporteur qui comporte la notion de « société inclusive », plus large que celle d’accessibilité, car le handicap ne pose pas la seule question de la mobilité, mais celle de l’inclusion de façon générale.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte les amendements sous-amendés.

Article 6
(articles L. 3211-6 et L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques)
Accélérer la libération du foncier public

1.   L’état du droit

La libération du foncier constitue un des leviers essentiels – ou un des verrous majeurs – pour répondre aux objectifs de construction, notamment de logements.

a.   Les cessions du foncier public

Le principe en matière de cession des biens appartenant au domaine privé de l’État est celui de la mise en concurrence. Lorsque l’opération de cession projetée doit être effectuée avec mise en concurrence, lÉtat est libre de choisir entre la procédure dadjudication publique ou la procédure de cession amiable ([28]) avec mise en concurrence. Cette dernière procédure est plus souple que l’adjudication dans la mesure où elle laisse à l’État la possibilité de négocier s’il le souhaite. Par dérogation, l’article R.3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques établit une liste stricte d’hypothèses dans lesquelles la cession amiable d’un immeuble relevant du domaine privé de l’État peut s’opérer sans appel à la concurrence.

b.   La procédure de décote dite « Duflot »

Le dispositif de décote dite « Duflot » prévue à l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques permet à lÉtat de procéder à laliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social. Les ventes avec décote ont concerné 69 opérations entre janvier 2013 et décembre 2016 et ont permis la mise en chantier d’environ 6 700 logements dont 4 600 logements sociaux ([29]).

Deux conditions doivent être réunies ([30]) :

 75 % au minimum de la surface de plancher doivent être affectés au logement ;

– le programme doit comporter des logements locatifs sociaux (conventionnés à lAPL) et assimilés, et des logements en accession à la propriété. La décote ne portera que sur ces logements et sera répercutée exclusivement et totalement sur leur prix de revient ou de cession. Le montant de la décote se calcule en fonction des catégories de logements à réaliser, de la zone de localisation du terrain et des circonstances locales.

La décote est de droit lorsque la cession porte sur un terrain de l’État ou d’un établissement public qui, d’une part, figure sur la liste établie par le préfet de région, et qui, d’autre part, est cédé au profit d’une collectivité territoriale, d’un EPCI à fiscalité propre ou d’autres organismes chargés du logement social. Sinon, elle doit être autorisée par le préfet de département.

L’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit un délai de cinq ans pour réaliser le programme de logements. Il existe une possibilité de dérogation au délai de cinq ans pour les cessions de terrains sinscrivant dans une opération daménagement de plus de cinq hectares. Pour ces opérations, après accord des ministres chargés du logement et du domaine, l’opération peut être réalisée par tranches échelonnées sur une durée totale supérieure à cinq ans.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   La cession de terrains en bloc par l’État

Les deux premiers alinéas permettent une cession à lamiable dimmeubles bâtis et non bâtis du domaine privé de lÉtat, dans le cadre des PPA, au profit de la collectivité ou de l’établissement public cocontractant à l’initiative de l’opération, ou, le cas échéant, directement au profit de l’opérateur désigné dans le contrat.

b.   L’élargissement de la procédure de décote

i.   Abaissement du seuil de surface de plancher consacrée au logement à partir duquel la procédure de décote est applicable

Lalinéa 5 prévoit que la procédure de décote s’applique à des terrains destinés à la réalisation de programmes comportant « majoritairement », et non plus « essentiellement », des logements. L’idée principale est de renforcer la mixité fonctionnelle tout en respectant l’objectif de construction de logements. L’article R.3211-14 du code général de la propriété des personnes publiques pourra ainsi être modifié pour baisser de 75 % à 50 % le seuil de surface de plancher consacrée au logement à partir duquel la procédure de décote est applicable.

Le Conseil d’État estime que cette disposition ne modifie pas lappréciation sur la constitutionnalité de ce dispositif, au regard des conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel en cas de cession de propriétés d’une personne publique à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé à un prix inférieur à leur valeur ([31]). Les règles de calcul de la décote ne sont pas modifiées : celle-ci ne bénéficie toujours qu’à la partie du programme destinée à des logements sociaux.

ii.   Possibilité de déroger au délai de réalisation des logements de cinq ans pour toutes les cessions avec décote

Lalinéa 7 permet à toutes les opérations daménagement, et non plus seulement à celles qui portent sur un périmètre de plus de cinq hectares, de déroger au délai de cinq ans pour la réalisation des logements.

La dérogation reste subordonnée à l’appartenance du projet à une opération d’aménagement définie à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et à laccord des ministres chargés du logement et du domaine. Afin d’empêcher les retards dans la construction de logements, la réalisation de la première tranche de lopération devra être réalisée dans un délai maximum de cinq ans.

iii.   Élargissement du dispositif de décote aux logements ayant fait l’objet d’un bail réel solidaire

Le bail réel solidaire (BRS) ([32]) est destiné à favoriser loffre de logements abordables en faveur des personnes modestes. Il permet une diminution de leur coût en dissociant la propriété du foncier de celle du bâti : le foncier reste la propriété du bailleur, un organisme de foncier solidaire sans but lucratif. En cas d’accession à la propriété, le ménage modeste est propriétaire de son logement (sous forme de droits réels immobiliers) mais locataire du terrain (il verse une redevance au bailleur).

Lalinéa 9 assimile le bail réel solidaire aux logements locatifs mentionnés aux 3° et 5° de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation. Cela permet donc d’intégrer les logements faisant lobjet dun contrat de bail réel solidaire à la liste des logements pouvant bénéficier de la décote. L’alinéa 6 plafonne le taux de décote à 50 % pour les logements en bail réel solidaire.

3.   L’avis du rapporteur

Pour le rapporteur, il est indispensable d’accélérer la libération de foncier public. Le projet de loi va dans ce sens en permettant, dans le cadre du PPA, la cession par l’État de terrains en bloc à un EPCI ou à l’opérateur désigné par le contrat. Il est essentiel que cette mesure trouve des applications directes très prochainement sur le terrain. Le rapporteur est également favorable à l’élargissement du dispositif de la décote tel que le propose le projet de loi. Cet élargissement permettra de renforcer la mixité fonctionnelle des projets bénéficiant de la décote Duflot tout en respectant l’objectif de construction de logements, notamment de logements sociaux. D’ailleurs, les règles de calcul de la décote ne sont pas modifiées : celle-ci ne bénéficie toujours qu’à la partie du programme destinée à des logements sociaux.

Le rapporteur est néanmoins conscient des difficultés que peut poser le dispositif de décote. Dans son référé en date du 26 octobre 2017, la Cour des comptes a souligné que dans certains territoires où le coût du foncier est particulièrement élevé, le montant de la décote accordé à certains projets avait eu pour effet de faire supporter à celle-ci l’essentiel de l’effort financier de l’opération. Si le rapporteur n’est pas favorable à un plafonnement du montant de la décote qui pourrait bloquer le montage de certains projets d’aménagement, il juge indispensable de renforcer le contrôle du bilan financier des opérations de décote. Il est nécessaire de mettre davantage en œuvre les clauses de « retour à meilleure fortune » ou de « complément de prix », qui sont d’ores et déjà prévues par la loi, afin de vérifier que la décote sert bien à garantir l’équilibre de l’opération, et non à accroître les fonds propres de l’acquéreur.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements rédactionnels.

*

*     *

La commission étudie lamendement CE2004 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement concerne le cas de cession à l’amiable de son foncier par l’État ainsi que la simplification du dispositif dit de cession avec décote. Il s’agit d’imposer le respect des règles de conception universelle et d’accessibilité et d’en faire une des conditions du recours à ces dispositifs, ne serait-ce que parce que ces biens immobiliers appartiennent au domaine public. En d’autres termes, il ne saurait y avoir de cession à l’amiable avec décote si l’acquéreur ne prévoit pas dans ses projets les moyens de rendre l’espace urbain accessible. On pourrait même proposer un dispositif incitatif majorant la décote lorsque le programme prévoit la construction de logements accessibles.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’entends votre préoccupation, mais il y a un mélange des genres. Il est indispensable d’accélérer la libération de foncier public, mais on ne peut lier cet impératif à des questions certes importantes, mais accessoires au regard de cet objectif. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Cet amendement entremêle les dispositifs de cession du domaine foncier public et les exigences d’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées, qui relèvent du code de la construction et de l’habitation, dont les dispositions sont applicables à toutes les constructions.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel CE1108 du rapporteur.

Puis elle est saisie de lamendement CE432 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de lier à l’accessibilité les cessions de foncier public avec décote.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE1109 du rapporteur.

Elle examine ensuite des amendements identiques CE259 de M. Stéphane Peu et CE2069 de M. François Ruffin.

M. Stéphane Peu. L’article 6 tend à réduire le coup de pouce donné à la production de logements sociaux dans les opérations de cession de foncier public. Nous proposons en conséquence, et compte tenu des besoins en matière de production de logements, sociaux ou non, de réserver le bénéfice de la décote aux programmes comportant « essentiellement » des logements.

Il s’agit de rester dans l’esprit de la loi telle qu’elle avait été conçue, qui consistait à pratiquer la décote et libérer du terrain public essentiellement pour la production de logements. Le but était avant tout de répondre à la crise du logement.

M. Loïc Prudhomme. Nous proposons que l’obligation de réserver 75 % de la surface pour construire des logements perdure et ne soit pas réduite à 50 %. Cela implique de ne pas remplacer le mot « essentiellement » par le mot « majoritairement ». Étant donné la forte demande de logements à prix abordable, il nous paraît contradictoire de privatiser du foncier public tout en réduisant les obligations de construction de logements.

De plus, comme l’explique la Fondation Abbé Pierre, la vocation de ce dispositif est de favoriser l’offre de logements abordables et de garantir, en contrepartie de l’avantage accordé, une proportion de logements sociaux.

Le foncier public est précieux pour atteindre cet objectif et ne devrait pas servir à faciliter l’installation d’activités commerciales, ce que cet alinéa risque de provoquer. La perspective que soit ramenée de 75 % à 50 % la surface affectée au logement aura comme conséquence probable de baisser la production de logements sociaux dans une période où les organismes sont déjà mis en difficulté, alors que la demande reste forte et la réponse proportionnellement faible.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’idée principale de l’alinéa 5 que vous souhaitez supprimer est de renforcer la mixité fonctionnelle, c’est-à-dire de construire du logement, mais aussi de créer des effets de levier sur de grandes opérations concernant du commerce ou d’autres choses.

Les règles de calcul de la décote elle-même par rapport au logement social ne sont pas modifiées : la décote ne bénéficie toujours qu’à la partie de programme destinée à des logements sociaux. Par ailleurs, elle peut bénéficier à des opérations commerciales ou de logement libre, qui permettront de réaliser des opérations de mixité sociale.

Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour une raison supplémentaire.

Le mécanisme de décote comporte un élément déclencheur qui permet ensuite à la décote de s’appliquer. Cet élément déclencheur est qu’il doit y avoir 75 % de logements dans l’opération concernée. Ensuite, la décote ne s’applique qu’au logement avec un pourcentage, qui d’ailleurs ne concerne que les logements sociaux, mais varie en fonction des aides concernées : prêt locatif aidé très social (PLA-TS), prêt locatif intermédiaire (PLI) et prêt locatif à usage social (PLUS).

Si nous proposons de remplacer « essentiellement » par « majoritairement » afin de faciliter l’élément déclencheur, c’est pour avoir constaté que cette décote fonctionnait mal et qu’il n’y avait pas suffisamment de projets. Mais la décote demeure intrinsèquement liée aux logements sociaux, à l’intérieur de l’opération pouvant en bénéficier.

M. Stéphane Peu. La libération du foncier public est lente, car on lui impose une série de règles qui ne sont pas toutes corrélées à la réalité.

Ainsi, un terrain militaire est à cheval entre Saint-Denis et La Courneuve, juste entre le quartier des Francs-Moisins et la Cité des 4 000, qui sont deux quartiers emblématiques de la politique de la ville. Afin de respecter la mixité sociale, on ne fait pas majoritairement des logements sociaux sur ce terrain, mais du logement diversifié. Et l’expérience a montré que pour favoriser l’accession sociale à la propriété, le coût du foncier doit se situer entre 100 et 140 euros le mètre habitable, ce qui est très éloigné des valeurs constatées.

Si nous voulons favoriser la création de logements et la mixité sociale tout en demeurant en phase avec la réalité locale du marché, nous devons appliquer une décote.

M. Loïc Prudhomme. Monsieur le ministre, la question n’est pas celle de l’élément déclencheur : elle est que le foncier, qui est précieux et difficile à obtenir, ne sera plus réservé à 75 % au logement, mais à 50 % seulement, le reste concernant des opérations commerciales. C’est cette proportion que nous contestons, car elle revient à céder du foncier, qui constitue notre bien commun, à des opérations commerciales qui échappent aux règles de la construction de logements sociaux notamment.

M. François Pupponi. Tel qu’il est rédigé, cet amendement entraînerait une baisse de la construction de logements sociaux. En vendant 50 % du terrain pour autre chose que du logement, on augmenterait la charge foncière, et ces opérateurs auraient moins besoin de la décote.

Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) la décote doit bénéficier au logement intermédiaire ; hors QPV, elle doit bénéficier au logement social. L’exemple cité par notre collègue Stéphane Peu montre qu’il faut créer du logement intermédiaire dans les QPV en recourant à la décote, et qu’en dehors de ces quartiers la décote doit être utilisée pour favoriser le logement social. Recourir à la décote pour faire du logement social à Saint-Denis n’a aucun intérêt : elle doit être utilisée à autre chose.

C’est le principe de l’effet miroir : la règle devant s’appliquer hors QPV ne doit pas s’appliquer en QPV, et vice versa. Il faudra peut-être prévoir d’autres amendements en vue de la séance publique ; mais l’idée demeure d’implanter le type de logement qu’il faut là où il faut.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis assez d’accord avec ce qu’a dit M. Pupponi, mais le commerce n’est pas le diable : lorsqu’une zone a été aménagée, elle peut être revendue beaucoup plus cher, ce qui permettra de financer le logement intermédiaire que vous appelez de vos vœux.

C’est pourquoi je pense, contrairement à vous, que cette mesure ne fera pas augmenter le prix du foncier, mais le fera baisser pour les collectivités, car elles pourront bénéficier de cette vente.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les propos de M. Peu vont exactement dans le sens de ce que nous essayons de faire : faire en sorte que, dans le cadre d’une opération avec décote, il n’y ait plus nécessairement 70 % ou 75 % de logements sociaux, afin que ces opérations puissent se déclencher plus facilement.

À M. Pupponi, j’indique que des amendements portant sur le logement intermédiaire et la décote seront présentés, car la loi ne doit pas figer les situations en imposant des zones où les opérations ne porteraient que sur du logement social ou que sur du logement intermédiaire. Il me semble que c’est aux maîtres d’ouvrage et aux porteurs de projets qu’il revient de le définir.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, imaginez l’application d’un tel article dans une ville carencée ! Il faut obliger ce type de communes à faire du logement social, c’est ainsi que nous ferons de la mixité.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à lamendement CE2070 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prudhomme. Par cet amendement, nous proposons qu’au moins 30 % des logements construits sur les terrains cédés par l’État soient des logements sociaux. En effet, la demande de logements à prix abordables est très forte, comme le montrent les quelque deux millions de personnes en attente d’un logement social. Ce besoin est d’autant plus important dans les zones tendues et dans les communes où les obligations de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », ne sont pas encore respectées. Il est donc nécessaire de s’assurer que la vente de ces terrains réponde à la demande sociale de logements à prix abordables. Fixer un pourcentage minimum de 30 % de logements sociaux nous semble le meilleur moyen d’y parvenir.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ce que la loi fixe un tel seuil. Il doit être déterminé, au cours d’une négociation avec l’État, par la collectivité territoriale en fonction des besoins et de la situation de son territoire.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE2239 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Si l’idée de la décote est bonne, son application peut produire des effets pervers dans certains territoires.

La Cour des comptes a ainsi relevé un cas où la décote était telle que le promoteur n’a quasiment pas eu à investir de fonds propres, tout en bénéficiant de tous les avantages du dispositif. Et, malgré cela, les coûts de sortie étaient supérieurs à la moyenne !

Il faut donc poser des limites afin que soient évités les effets d’aubaine, et que la décote permette de produire des logements dont les coûts de sortie, et donc les loyers, soient abordables.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous aborderons plus tard ces questions, mais je vous indique déjà qu’à ce mécanisme nous préférons une clause de retour à meilleure fortune ou de complément de prix, déjà prévue par la loi. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Si des limites devaient être fixées, elles devraient l’être en considération du prix du foncier que de celui de la construction, qui ne fait que flamber. C’est pourquoi je suis défavorable à des mécanismes tendant à plafonner les décotes en fonction des constructions neuves.

M. François Pupponi. Le prix de sortie, monsieur le ministre, c’est le coût du foncier plus le coût de la construction. Si le premier est quasiment nul, et qu’à la fin le prix de sortie est inchangé, c’est que le promoteur a pris sa marge sur la construction ; il ne fait pas bénéficier le projet de la décote. Il faut que, lorsqu’il y a décote, on la retrouve dans le prix de sortie ; que les promoteurs utilisent la décote pour améliorer leur marge n’est pas le but de l’opération.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie des amendements CE1566 et CE1565 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Dans son évaluation du dispositif de la décote sur le foncier public en faveur du logement social, publiée le 26 octobre dernier, la Cour des comptes a relevé que certaines opérations, notamment à Paris – au 4 rue de Lille et au 2 cité Charles‑Godon, par exemple –, ont abouti à des décotes supérieures à 3 000 euros par mètre carré de surface utile.

L’amendement CE1566 entend combler cette lacune en plafonnant la décote à 1 500 euros par mètre carré de surface utile.

L’application de ce plafond permettra, sans porter atteinte à l’objectif de faciliter la création de logements sociaux, de limiter les effets spéculatifs pervers qu’a pu entraîner l’application systématique de la décote, notamment dans les collectivités les mieux dotées sur les plans financier et foncier.

Quant à l’amendement CE1565, il vise à revenir sur l’application systématique de la décote, en la rendant facultative.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. S’agissant du premier amendement, notre préférence va, comme je l’ai dit, à la clause de retour à meilleure fortune, déjà prévue par la loi mais trop peu utilisée. S’agissant du second, je suis contre la suppression de la décote de droit, qui est un moyen utile de favoriser la libération du foncier public.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est aussi défavorable, car il faut conserver au dispositif sa simplicité. La décote a été conçue parce que l’on avait constaté un manque d’opérations comportant du logement, notamment social. S’il faut effectivement prévenir certaines situations comme celles qui ont été décrites, il ne faut toutefois pas tomber dans l’excès inverse. Je suis donc très défavorable à ce que la loi rajoute des conventionnements, des encadrements qui rendraient le dispositif de la décote inutilisable du jour au lendemain, comme cela a pu arriver dans le passé.

M. Jean-Paul Mattei. J’entends bien, monsieur le ministre, mais il faut combattre les effets d’aubaine, notamment dans la capitale. L’argent de la décote est celui de l’État, et non une manne céleste ! Nous devons donc être plus rigoureux dans l’application de la décote à certains endroits, singulièrement les plus prestigieux.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle étudie ensuite lamendement CE2072 de M. Loïc Prudhomme.

M. Loïc Prudhomme. Actuellement, lorsqu’un bien vendu avec décote est revendu par le primo-acquéreur, le nouveau propriétaire n’est pas obligé de respecter les conditions de prix de vente et de montant de loyer initialement prévues. Or, l’objectif de la cession du foncier de l’État est de répondre à la demande de logements à prix abordables. Il est donc nécessaire de s’assurer que ces effets perdurent dans le temps. Ainsi, nous souhaitons que les propriétaires des biens construits sur un terrain cédé par l’État avec décote soient soumis aux mêmes obligations, qu’ils soient primo-acquéreurs ou non.

M. Richard Lioger, rapporteur. Seul le primo-acquéreur bénéficie de l’acquisition du bien à un prix décoté ; il ne nous semble pas judicieux de l’étendre au propriétaire suivant. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

M. Loïc Prudhomme. L’argumentation du rapporteur me paraît un peu courte : ne lui semble-t-il pas légitime que les logements doivent demeurer accessibles sur une certaine durée ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Si le second acquéreur est soumis aux mêmes règles que le premier, a fortiori si la décote est prolongée ad vitam æternam, elle perdra bientôt tout rapport avec la réalité environnante.

Si l’on veut véritablement maîtriser le prix du foncier, on ne le fait pas en contrôlant le prix de vente au gré des opérations successives : qui ira, vingt-cinq ans après, vérifier son évolution – sauf à créer une administration dédiée ?

Il est plus opératoire de passer par le contrôle du foncier. Beaucoup d’agglomérations et de municipalités ont d’ailleurs créé des organismes de foncier solidaire (OFS), qui permettent de conserver la valeur et le partage de valeur.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement 2071 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Loïc Prudhomme. Cet amendement de repli vise à porter à vingt ans, au lieu de dix, les obligations de l’acquéreur suivant la première mise en vente du bien construit sur le terrain cédé par l’État. L’objectif de la cession du foncier de l’État est de répondre à la demande de logements à prix abordables ; c’est à cet effet que nous proposons cette extension.

M. Richard Lioger, rapporteur. Même avis défavorable que sur l’amendement précédent. J’ajoute que la disposition proposée risquerait de porter atteinte au droit de propriété.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement CE1313 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement prévoit explicitement que la convention avec l’acquéreur fixe les modalités permettant au représentant de l’État dans la région de contrôler les comptes financiers de l’opération, afin de vérifier que la décote a bien servi à garantir l’équilibre de l’opération, et non à accroître les fonds propres de l’acquéreur. Ce qui répond d’ailleurs à un certain nombre de questions qui se sont posées au sujet de cet article.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.

Le V de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques dispose déjà que l’acte d’aliénation prévoit l’éventuel paiement d’un complément de prix. Il est complété par l’article R. 3211-17-4 qui oblige l’acquéreur à rendre compte annuellement de l’état d’avancement du programme de construction.

Les modalités de contrôle sont donc déjà prévues par la partie réglementaire de ce code, et il n’y a pas lieu d’ajouter de nouvelles mesures à la partie législative.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 6 modifié.

Après l’article 6

La commission étudie lamendement CE1932 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Thierry Benoit. Nous nous trouvons au cœur du triptyque emploi-logement-transport, évoqué au cours de la discussion générale.

Cet amendement vise à apporter une réponse rapide à la situation de tension immobilière que connaissent de nombreuses agglomérations, où il devient de plus en plus difficile de se loger, alors même que s’y concentre une grande partie des emplois disponibles.

Cette mesure est de nature à rééquilibrer le marché immobilier dans les agglomérations concernées ainsi qu’à favoriser une plus grande mixité sociale, en sollicitant, selon une formule équilibrée respectueuse des droits des personnes publiques, l’intervention d’acteurs économiques capables de réaliser de tels projets.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : instaurer des pourcentages de foncier à mettre à disposition est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE659 et CE671 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Ces amendements visent à favoriser la réalisation de logements sociaux par les bailleurs en lançant une expérimentation portant sur la maîtrise du foncier ainsi que sur le prix de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) des logements sociaux.

Les bailleurs sociaux ont deux solutions pour mener à bien leurs opérations : acheter du foncier ou acheter des opérations en VEFA, et ce sont souvent les collectivités ou l’État qui les accompagnent. Il s’agit ici de faire participer les opérateurs privés dans le cadre des terrains cédés pour leur partie logement social ou lorsqu’ils construisent et revendent en VEFA. Le but est de faire baisser les prix de vente afin de permettre aux bailleurs sociaux de mieux gérer les coûts des opérations.

Les territoires concernés sont surtout ceux au sein desquels le choc de l’offre est compliqué. J’ai été maire d’une commune dans laquelle, du fait des plans locatifs urbains (PLU) et autres schémas de cohérence territoriale (SCOT) « grenellisés », il est difficile de rendre des terrains constructibles, ce qui oblige à le faire sur des terrains existants. De ce fait, chaque année les prix montent, ce qui rend les opérations de plus en plus compliquées.

Cette expérimentation pourrait donc être conduite dans des territoires à définir avec les services de l’État.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’expérimentation que vous proposez pourrait se révéler contre-productive et engendrer des reports de ventes ou davantage de ventes au secteur libre avec un effet d’éviction des bailleurs sociaux...

Je suis davantage favorable à tout ce qui vise à inciter les propriétaires fonciers à céder leurs terrains aux bailleurs sociaux, comme la dispense de la plus-value qui est d’ailleurs proposée dans le projet de loi.

Pour ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons. La mesure proposée risque de porter atteinte au droit de propriété et à la liberté du commerce. Elle aurait surtout un effet contre-productif, soit de report des ventes, soit de développement des ventes en secteur libre conduisant à l’éviction des bailleurs sociaux.

M. François Pupponi. Ce type de mesures peut être très favorable au début, car elles permettent aux bailleurs d’acheter très vite des logements et aux promoteurs de bénéficier des 50 % de réservation pour leurs projets, ce qui leur permet de vendre les autres.

Mais elles peuvent aussi conduire à des variations de prix dans le secteur de la VEFA allant de 2 100 euros à plus de 3 000 euros pour le même bailleur ; alors que nous parlons d’argent public !

Car ce qui compte, in fine, c’est le prix de sortie du loyer : plus celui-ci est élevé, plus le volume d’aide personnalisée au logement (APL) versé est important. Nous sommes donc confrontés à une spirale inflationniste négative qui fait que, selon que le promoteur paie ou non au bon prix, c’est la collectivité qui paie.

Il faudrait se pencher sur ces situations, car il y a beaucoup d’abus.

M. Stéphane Peu. Je rappelle que la VEFA s’est généralisée lorsqu’au cours de la crise de 2008 le Gouvernement a fait appel au mouvement HLM afin d’aider les promoteurs à résorber leurs stocks. Depuis, c’est une « règle sans règle » : dans ma circonscription, pour un même immeuble, les VEFA se négocient entre 2 700 euros et 3 800 euros au mètre carré.

C’est un détournement de la procédure, un gâchis d’argent public, et, sauf à tuer la VEFA, on ne peut la laisser sans encadrement : à force d’abus les instances européennes nous rappelleront à l’ordre, car la VEFA est une tolérance. Je rappelle qu’elle se fait sans appel d’offres, mais de gré à gré.

M. Lionel Causse. Notre proposition ne constituera pas un frein à la construction de logements sociaux, car les PLU applicables à certains territoires que je vise sont soumis à 25 % au titre de la loi SRU.

Il s’agit de faire partager ces réalisations par les opérateurs privés, alors que le prix du foncier explose d’année en année, sans quoi la VEFA risque d’être réservée aux grands bailleurs sociaux. Seuls ceux qui disposeront de beaucoup de fonds propres auront les moyens de suivre ces augmentations.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 7
(article L. 3211-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques
et article L. 342-2 du code de la construction et de lhabitation)
Foncière publique solidaire (FPS)

1.   L’état du droit

La Foncière publique solidaire (FPS) est une société anonyme créée par l’article 50 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ([33]). Elle est constituée à parité stricte entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations. La FPS peut acquérir des portefeuilles de terrains auprès de l’État et de ses établissements publics par transfert (via un arrêté ministériel) ou par cession (devant notaire). S’agissant des transferts, les terrains acquis doivent être destinés majoritairement à la construction de logements sociaux.

La FPS bénéficie des mesures de soutien suivantes :

– une capacité à acquérir les biens du domaine privé de lÉtat de gré à gré, à un prix inférieur à leur valeur de marché dans le cadre de la décote dite « Duflot ».

 des droits durbanisme. Les collectivités territoriales peuvent lui déléguer leur droit de préemption urbain (DPU) ([34]). La FPS est également dotée d’un droit de priorité ([35]) sur tout projet de cession d’actifs immobiliers d’une superficie supérieure à 5 000 m2 appartenant à l’État et destinés majoritairement à la réalisation de logements sociaux. Ce droit est subordonné au non-exercice du droit de priorité de la collectivité territoriale.

 des avantages fiscaux. Les plus-values immobilières réalisées à l’occasion de la cession de biens à son profit ne sont pas imposables si ces derniers sont rétrocédés par la suite à des organismes réalisant des logements sociaux. Ses acquisitions sont exonérées de droits d’enregistrement et de taxe de publicité foncière. Les terrains constructibles qu’elle acquiert ne sont pas concernés par les majorations de la valeur locative.

La FPS peut être considérée comme gérant des services dintérêt économique général (SIEG), donc soumise à des règles de droit européen spécifiques ([36]). Afin de se mettre en conformité avec le droit européen, les autorités françaises ont transmis à la Commission européenne, par une note du 5 avril 2017, des éléments d’information prévoyant que l’État fera procéder à « des contrôles réguliers, au minimum tous les trois ans, pendant la durée du mandat, permettant de sassurer que la Société foncière solidaire ([37]) ne bénéficie pas dune compensation excessive pour la prestation du service dintérêt économique général quelle assure ».

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Clarifier le droit de priorité de la FPS

Le I modifie l’article L. 3211-7-1 du code général de la propriété des personnes publiques afin de clarifier le droit de priorité de la FPS sur certaines cessions dactifs. Les termes d’« actifs immobiliers », et de « superficie » étant jugés insuffisamment précis, ils sont remplacés par les termes « terrains bâtis ou non » et « périmètre » (alinéa 2). Par ailleurs, lalinéa 3 précise que les terrains acquis ainsi doivent être destinés majoritairement à la réalisation de « programmes » de logements sociaux, afin d’indiquer clairement que doit être prise en compte la surface de plancher de logements sociaux, et non pas le nombre de logements sociaux.

b.   Contrôler l’activité de service d’intérêt économique général de la FPS

Le II permet de respecter l’engagement pris vis-à-vis de la Commission européenne. Il ajoute aux missions de lAgence nationale de contrôle du logement social (Ancols) le contrôle de lactivité de la FPS. L’agence pourra ainsi s’assurer que la FPS ne bénéficie pas d’une compensation excessive pour la prestation du service d’intérêt économique général dont elle a la charge.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite de ce que cet article permet de clarifier le droit de priorité de la FPS sur certaines cessions d’actifs. Il est désormais nécessaire d’accélérer le processus de cession de terrains à la FPS. Chaque année, depuis 2013, les préfets de région sont tenus de mettre à jour une liste de terrains cessibles, appartenant à l’État et à certains de ses établissements publics, dans le but d’y construire des logements. Certains terrains désaffectés figurent malheureusement sur ces listes depuis leur création. S’il n’est pas possible de prévoir un transfert de droit de ces terrains à la FPS, l’État doit aujourd’hui adopter une gestion plus dynamique de son patrimoine au profit de la création de logements.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté un amendement à l’initiative du rapporteur afin de faciliter l’action de la FPS. L’amendement adopté permet à l’État et à ses établissements publics de transférer en pleine propriété des actifs immobiliers relevant de leur domaine privé à la FPS dès lors que ces actifs immobiliers sont destinés à la réalisation de programmes de logements dont une partie, et non plus la majorité, est constituée de logements sociaux.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE1557 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. La Foncière publique solidaire (FPS), visée par cet article, a pour objet principal de revendre les terrains et immeubles de l’État, pour leur conversion en logements à prix abordables.

Un certain nombre d’universités ayant des terrains à vendre souhaiteraient faire appel à la FPS ; l’objet de cet amendement est donc d’étendre son champ d’activité à ces établissements.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ce domaine universitaire est effectivement aujourd’hui hors du champ d’activité de la Foncière publique solidaire. Nous aurons un débat portant sur la FPS et la libération de foncier ; à ce stade mon avis est donc défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’ajouterai que la disposition proposée relève plutôt du domaine réglementaire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1356 et CE1357 de M. Jean-Christophe Lagarde et CE1310 du rapporteur.

M. Thierry Benoit. L’acquisition de foncier auprès de l’État par la Foncière publique solidaire implique la réalisation de programmes comportant au moins 50 % de logements sociaux.

En termes de mixité sociale, cet objectif n’est pas souhaitable. Cet amendement vise donc à revenir sur la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain qui a créé la FPS et fixé cette règle, en abaissant ce seuil à 40 %.

En outre et toujours dans un objectif de mixité sociale, les logements sociaux réalisés devront être répartis entre les différents types de financement.

Notre second amendement est un amendement de repli.

M. Richard Lioger, rapporteur. La Foncière publique solidaire peut acquérir des portefeuilles de terrains auprès de l’État et de ses établissements publics. S’agissant des transferts, les terrains acquis doivent être destinés majoritairement à la construction de logements sociaux, ce sur quoi nous sommes d’accord. Cet objectif n’est pas toujours atteignable à l’échelle d’un seul portefeuille même s’il est souhaitable de le poursuivre pour ce qui concerne l’activité globale de la Foncière ; nous venons d’avoir ce débat.

Cet amendement permet à l’État et ses établissements publics de transférer en pleine propriété des actifs immobiliers relevant de leur domaine privé à la FPS dès lors que ces actifs immobiliers sont destinés à la réalisation de programmes de logements dont une partie, et non plus la majorité, est constituée de logements sociaux. Ce qui signifie que nous ne fixons pas de seuil.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. À chaque fois qu’il y a un financement de l’État, que l’on prend des décotes, que l’on crée de nouveaux instruments, le but poursuivi est de produire plus de logements, sociaux dans leur majorité.

Cependant, force est de constater que, depuis sa création, la FPS ne fonctionne absolument pas. Cet échec est-il imputable au pourcentage de logements sociaux qui lui a été imparti ? J’avoue l’ignorer. Mais il me semble que les propositions faites par ces amendements mériteraient d’être testées, car elles vont dans le bon sens.

Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Thierry Benoit. J’y vois un encouragement à maintenir l’amendement CE1356 et à l’adopter.

M. François Pupponi. Je suis quelque peu interloqué. Nous parlons de terrains publics appartenant à l’État, et vous nous expliquez que l’État, particulièrement dans les villes où les logements sociaux sont insuffisants, n’est pas capable de construire du logement social.

L’État vend des terrains à la FPS, considérant qu’il est incapable de les vendre à un promoteur ou un bailleur social, qui elle-même rencontrera des difficultés à créer du logement social.

M. Thierry Benoit. Ce n’est pas du tout ce que j’ai compris des propos de M. le ministre ; je maintiens l’amendement, en espérant qu’il sera adopté.

M. Richard Lioger, rapporteur. Que M. Benoit me pardonne, mais je maintiens également mon amendement et donne un avis défavorable à ceux qu’il a défendus.

À l’occasion des auditions préparatoires à l’examen du texte, nous avons entendu Christophe Caresche et Thierry Repentin, qui nous ont expliqué pourquoi cela ne fonctionnait pas. Mais c’est un autre sujet : celui de la libération du foncier de l’État, dont j’ai déjà indiqué que nous parlerons. Or nous proposons un dispositif qui permettra peut-être de retrouver un équilibre économique.

M. Stéphane Peu. Je partage le diagnostic du ministre, mais ne pense absolument pas que la source de ses difficultés soit le logement social, étant donné que le principe même de la Foncière publique solidaire est de décorréler le foncier du bâti. Plus il y a de logements HLM, plus la FPS peut lancer d’opérations.

En revanche, je partage le point de vue de François Pupponi, particulièrement pour des territoires comme Paris : le fait de disposer d’une majorité de logements sociaux constitue une garantie pour la FPS et constitue un bon usage du foncier public.

La commission rejette successivement les amendements CE1356 et CE1357.

Elle adopte ensuite lamendement CE1310.

Puis elle adopte larticle 7 modifié.

Article 8
(article L. 443-11 du code de la construction et de lhabitation, articles L. 2101, L. 211-1, L. 212-1, L. 240-1, L. 321-4 du code de lurbanisme)
Diverses mesures relatives aux droits de préemption, de priorité
et aux zones daménagement différé (ZAD)

1.   L’état du droit

a.   Le droit de préemption du préfet dans les communes carencées

L’article 55 de la loi dite « SRU » ([38]) oblige certaines communes à disposer d’un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel. Si leur taux de logements sociaux est inférieur à l’objectif fixé par la loi et en cas d’efforts insuffisants avérés, les communes peuvent faire l’objet d’un arrêté de carence pris par le préfet de département. Cet arrêté a notamment pour conséquence d’attribuer au préfet l’exercice du droit de préemption sur les aliénations de biens destinés au logement. Le préfet peut déléguer ce droit de préemption aux sociétés d’économie mixte et à divers établissements publics et organismes listés à l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme. Le préfet ne peut pas exercer ce droit de préemption lorsque les communes ne sont ni couvertes par un plan d’occupation des sols (devenu caduc), ni par un plan local d’urbanisme ([39]).

b.   La création de ZAD

Selon l’article L. 212-1 du code de l’urbanisme, la possibilité pour les EPCI de créer des ZAD est subordonnée à la condition qu’ils soient à fiscalité propre et qu’ils détiennent les compétences mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, à savoir la double compétence en matière de plan local d’urbanisme et de droit de préemption urbain. Les établissements publics territoriaux dans le périmètre de la métropole du Grand Paris ([40]) ne peuvent aujourd’hui pas créer de ZAD car ils ne constituent pas des EPCI à fiscalité propre.

c.   Les procédures de délaissement

Le droit de délaissement permet au propriétaire d’un bien immobilier soumis à des prescriptions d’urbanisme qui l’empêche d’en jouir pleinement d’inciter le bénéficiaire de la servitude, souvent une collectivité, à acquérir le bien. C’est notamment le cas lorsque le bien se trouve dans un emplacement dit « réservé » pour certains usages par le PLU ([41]) (voies et ouvrages publics, espaces verts à créer ou à modifier, installations d’intérêt général à créer ou à modifier...).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le premier alinéa rétablit la possibilité pour les établissements publics fonciers d’État d’acquérir des logements en vue de leur démolition dans le cadre dopérations de renouvellement urbain. Cette possibilité avait été supprimée par la loi dite « Alur » en 2014 sans que cela ne semble avoir été l’intention du législateur. L’alinéa crée également cette possibilité pour les établissements publics fonciers et d’aménagement qui exercent les missions d’un établissement public foncier en outre-mer.

Lalinéa 2 du projet de loi limite, pour les sociétés d’économie mixte (SEM), la délégation du droit de préemption du préfet, dans une commune carencée, aux seules SEM de construction et de gestion de logements sociaux agréées ([42]).

Lalinéa 3 permet au représentant de l’État dans le département de continuer à exercer le droit de préemption dans les communes carencées, même si leur plan d’occupation des sols est devenu caduc.

Les alinéas 4 et 5 du projet de loi clarifient les modalités de création dune zone daménagement différé (ZAD) située sur le territoire de plusieurs départements : en cas d’avis défavorable d’une des communes, la ZAD ne peut être créée que par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés. En l’état actuel du droit, ce cas de figure n’est pas prévu.

Les alinéas 6, 7 et 8 étendent aux établissements publics territoriaux du Grand Paris la possibilité de créer des ZAD, en dehors des périmètres fixés par le conseil de la métropole du Grand Paris pour la mise en œuvre des opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain ([43]).

Lalinéa 9 élargit la subdélégation de lexercice du droit de priorité. Si les communes et EPCI peuvent aujourd’hui déléguer leurs droits de priorité à divers organismes, établissements publics ou sociétés d’économie mixte mentionnés à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, ces entités ne peuvent pas, à leur tour, déléguer ce droit de priorité pour l’acquisition de biens bénéficiant de la décote dite « Duflot » ([44]). Lalinéa 9 vise donc à permettre cette subdélégation et ainsi faciliter la production de logements, notamment sociaux.

Les alinéas 10 et 11 créent une obligation, et non plus seulement une possibilité ([45]), pour les établissements publics fonciers d’État, comme c’est déjà le cas pour les établissements publics fonciers locaux, de prendre en charge, à la demande des collectivités, le droit de délaissement exercé par le propriétaire d’un bien situé en emplacement réservé par le plan local d’urbanisme. Ces alinéas donnent également explicitement le droit à ces établissements d’intervenir dans les emplacements réservés.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite de la disposition qui permet au représentant de l’État dans le département de continuer à exercer le droit de préemption dans les communes carencées même si leur plan d’occupation des sols est devenu caduc. Le projet de loi permet, selon lui, d’atteindre un juste équilibre en matière de droit de préemption. Ce droit constitue en effet une procédure dérogatoire exorbitante du droit commun qu’il ne faut pas généraliser de manière à ne pas porter d’atteinte disproportionnée au droit de propriété.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trois amendements rédactionnels ainsi que deux amendements facilitant la mise en œuvre du droit de préemption. Le premier autorise la délégation du droit de préemption urbain aux sociétés et organismes énumérés à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme même lorsque l’aliénation ne porte pas sur des logements. Cela permettra notamment aux communes de solliciter plus facilement des organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) pour préempter par délégation un terrain à bâtir ou un local ayant vocation à changer d’affectation pour être transformé en logement. Le second amendement, adopté à l’initiative du rapporteur, permet l’exercice du droit de préemption pour l’acquisition de terrains à des fins de relogement d’habitants ou de relocalisation d’entreprises, dès lors que la réalisation d’une opération d’aménagement le nécessite.

*

*     *

La commission adopte lamendement de coordination CE1430 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE39 de M. Thibault Bazin et CE2768 du rapporteur.

M. Thibault Bazin. Dans les communes carencées en logement social au sens de l’article 55 de la loi SRU, et dont le plan d’occupation des sols serait devenu caduc car non mis en forme dans un plan local d’urbanisme (PLU), il paraîtrait aberrant qu’on ne supprime pas le droit de préemption urbain des préfets.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les articles L. 314-1 et suivants du code de l’urbanisme disposent que les personnes à l’initiative d’une opération d’aménagement ont l’obligation de reloger les occupants d’immeuble si les travaux nécessitent leur éviction. L’amendement CE2768 prévoit de permettre un exercice du droit de préemption en vue de l’acquisition de terrains aux fins de relogement d’habitants ou de relocalisation d’entreprises, dès lors que la réalisation d’une opération d’aménagement le nécessite.

Je suis défavorable à l’amendement CE39 car ce droit de préemption doit pouvoir être exercé en vue de permettre à une commune carencée d’atteindre le taux de logements locatifs sociaux exigible.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement CE39 et favorable à l’amendement CE2768.

M. François Pupponi. Le droit de préemption du préfet dans les communes carencées est supprimé par le projet de loi. L’amendement dit que ce n’est pas normal.

M. le président Roland Lescure. L’amendement CE39 supprime l’alinéa 3.

La commission rejette lamendement CE39.

Puis elle adopte lamendement CE2768.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2238 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Une commune pourra transférer son droit de préemption aux bailleurs sociaux mais, si je lis bien le texte, cela ne s’appliquerait que pour du logement, alors qu’il arrive qu’on demande aux bailleurs sociaux de préempter un terrain pour y construire du logement social ou un ensemble immobilier dans lequel se trouve du commerce. L’idée est de permettre la préemption dès lors que le but est de construire du logement social.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CE1113, CE1114 et CE1115 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CE1960 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Lorsqu’une commune veut préempter, elle doit préciser en détail l’objet du futur projet prévu sur la zone préemptée et est parfois même obligée de conduire des études préalables. L’objet de mon amendement est d’alléger cette charge incombant à la collectivité pour qu’elle porte simplement sur des orientations d’aménagement, ce qui permettrait d’aller beaucoup plus vite, en sachant que la jurisprudence accepte des changements d’orientation.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, car le droit de préemption est une procédure dérogatoire, exorbitante du droit commun, qu’il ne faut pas généraliser, et il existe déjà des outils, comme les zones à aménagement différé (ZAD), qui permettent d’exercer le droit de préemption pour constituer des réserves foncières.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 8 modifié.

Chapitre III
Favoriser la transformation de bureaux en logements

Article 9
(article L. 152-6 du code de lurbanisme)
Dérogation à certaines règles durbanisme pour la transformation de bureaux en logement

1.   L’état du droit

L’article L. 152-6 du code de l’urbanisme prévoit que lautorité chargée de délivrer le permis de construire peut déroger à certaines règles du plan local durbanisme (PLU) relatives au gabarit, à la densité, à la hauteur des constructions et aux exigences en termes de places de stationnement, ainsi qu’à certaines dispositions du code de la construction et de l’habitation, dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants et dans celles de plus de 15 000 habitants à forte croissance économique. Cette dérogation se fait au cas par cas, en tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation dans un objectif de mixité sociale.

DÉrogations possibles aux rÈgles d’urbanisme

Types d’opération

Règles auxquelles il peut être dérogé

Conditions et limites

Construction destinée principalement à l’habitation

Règles relatives au gabarit et à la densité

Sous réserve que la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage ne soit pas dépassée et que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant

Surélévation pour créer un logement ou agrandir un logement (construction achevée depuis plus de 2 ans)

Règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement

 

Règles de gabarit (si construction contiguë)

Sous réserve que la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage ne soit pas dépassée et que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant

Transformation à usage principal dhabitation dun immeuble (par reconstruction, rénovation ou réhabilitation)

Règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création daires de stationnement

Dans la limite du gabarit existant

Construction de logements à moins de 500 m d’une gare, d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre

Tout ou partie aux obligations de création d’aires de stationnement

Tenir compte de la qualité de la desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres au projet au regard des capacités de stationnement existantes à proximité

Construction destinée principalement à l’habitation

Règle de prospect (distance minimale par rapport aux limites séparatives)

Sous réserve que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant

Source : article L. 152-6 du code de l’urbanisme

L’autorité compétente en matière de délivrance d’autorisations du droit des sols peut donc déjà déroger aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement afin d’autoriser la transformation d’une construction en logements, dans la limite du gabarit du bâtiment existant. Elle ne peut néanmoins pas déroger aux servitudes de mixité sociale, c’est-à-dire aux règles selon lesquelles, dans certains secteurs délimités par le PLU ([46]), en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des logements sociaux.

2.   Les dispositions du projet de loi

Les opérations de construction de bureaux sont souvent bien plus rentables que la construction de logements, même lorsque les bureaux restent vacants. Afin de renforcer l’attractivité des opérations de transformation de bureaux en logements, l’article 9 modifie l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme :

– en accordant aux opérations de transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble un « bonus de constructibilité » de 10 %,
c’est-à-dire des droits à construire supplémentaires par rapport aux bâtiments existants ;

– en permettant à ces opérations de déroger aux servitudes de mixité sociale prévues par les PLU. Cette dérogation n’est pas applicable si la commune fait l’objet d’un arrêté préfectoral de carence en logement social.

Ces dispositions s’appliqueront à toute transformation aboutissant à la création de logements, que le bâtiment initial soit un bureau, un commerce, un entrepôt ou une industrie.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite de cet article qui permettra, notamment dans les zones tendues, à la fois de créer une nouvelle offre de logements et de répondre à des besoins d’urgence.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements pour faciliter les opérations de transformation de bureaux en logements. Le premier favorise l’atteinte de l’équilibre économique de ces opérations en portant le bonus de constructibilité de 10 à 30 %, par analogie avec d’autres bonus de constructibilité prévus par le code de l’urbanisme. Le second, déposé par le rapporteur, vise à permettre aux bailleurs qui transforment un immeuble existant en un immeuble principal d’habitation de donner congé aux locataires à chaque échéance triennale du bail.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE2240 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous abordons la possibilité de transformer des bureaux en logement. Si les communes carencées pourront transformer des bureaux en logement sans obligation de construire des logements sociaux, cela ne fera qu’aggraver la carence de ces communes. En région parisienne, nous savons où sont les bureaux vacants : ce n’est pas dans les zones les plus défavorisées… Nous souhaitons supprimer cet article afin d’éviter que les communes où il y a le moins de logements sociaux bénéficient de la mesure sans pour autant construire des logements sociaux, mais nous présenterons des amendements de repli pour que l’obligation de l’article 55 de la loi SRU s’applique à ce genre d’opérations.

M. Richard Lioger, rapporteur. La dérogation qui existe dans le droit actuel permet uniquement la reconstruction à l’identique du gabarit existant. Cette seule dérogation ne permet pas de rendre viables les opérations de transformation de bureaux en logement. C’est pour faciliter ces opérations que le projet de loi prévoit d’écarter les servitudes de mixité sociale prévues par le PLU et d’accorder un bonus de constructibilité de 10 % par rapport à la construction existante. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Si cela peut rassurer M. Pupponi, les alinéas 3 et 4 sont très clairs : le premier mentionne l’objectif de mixité sociale et le second indique bien que l’abandon de la servitude SRU ne concerne que les villes non carencées, respectant la loi SRU.

M. Stéphane Peu. Les villes carencées sont une infime minorité des villes qui sont en dessous de 25 %. La servitude de mixité sociale devrait au moins s’appliquer à ces villes qui sont en dessous de 25 %. Beaucoup de villes en dessous de ce seuil invoquent le problème de trouver du foncier pour construire, mais elles ont toujours du foncier pour construire des bureaux et c’est seulement pour construire des logements qu’elles n’ont jamais de foncier.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous nous sommes posé la question et nous avons analysé les deux cas de figure. Dans beaucoup de villes qui se sont conformées aux objectifs SRU, il y a des bureaux qui pourraient être transformés en logements. Si nous prévoyions 25 %, aucune transformation de bureaux en logements ne serait possible à Paris puisque la ville est en dessous de ce pourcentage, alors même qu’énormément de bureaux ne sont pas transformés en logements parce que l’opération n’est pas équilibrée et que, parmi les facteurs du déséquilibre, se trouve la servitude.

M. Mickaël Nogal. Pour que l’opération de transformation de bureaux en logements soit attractive et ne reste pas un vœu pieux, il faut en effet supprimer un maximum de contraintes. C’est l’objet d’un amendement que je défendrai, identique à un amendement de M. Pupponi, sur l’augmentation du bonus de constructibilité.

M. François Pupponi. Il faut bien sûr libérer du foncier mais cet article offre aux propriétaires de bureaux vides des droits de construction plus importants pour les transformer en logements. C’est bien mais on peut tout de même leur demander un effort, qu’il y ait au moins une partie de logement social dans leurs constructions, et ce pas seulement dans les communes carencées.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’article 9 part du constat que nous avons des centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vacants, et si nous prévoyons un bonus de constructibilité, c’est justement pour pousser à l’occupation par la transformation en logement, car il vaut mieux avoir des locaux utilisés pour du logement que des locaux vacants.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, elle rejette également lamendement CE2241 de M. François Pupponi.

Elle examine ensuite lamendement CE260 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. C’est souvent dans des villes constituées qu’on trouve des bureaux vacants – des villes qui invoquent souvent le manque de foncier pour satisfaire à leur obligation de construire des logements sociaux. Dans les villes à moins de 25 % et qui tirent argument de ce problème, il est très important d’insister sur la transformation de bureaux en logements. Dans une ville constituée, en principe on ne souffre pas d’un déficit de marché : celui-ci est plutôt tendu, au contraire.

Suivant lavis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE2339 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Pour bien montrer que nous ne sommes pas contre la transformation de bureaux en logements, nous proposons de faciliter le recours aux dotations d’urbanisme. Le débat porte sur le type de logements à construire une fois que le droit à construire a été accordé.

M. Richard Lioger, rapporteur. Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire, votre amendement tend à élargir le dispositif dérogatoire aux règles du PLU à toutes les opérations relevant du régime de la déclaration préalable et non pas seulement à celles qui permettent la transformation de bureaux en logement. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons observé des cas de figure ubuesques où, quand vous additionnez deux travaux tous deux soumis à déclaration préalable et non à permis de construire, vous devez avoir un permis de construire... Le point que vous soulevez, monsieur Pupponi, est très juste, mais l’amendement demande à être retravaillé. Je vous suggère de le retirer à cette fin.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite lamendement CE352 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement va à l’encontre de ceux de M. Pupponi. Dans les zones où l’on a besoin de créer de l’offre et où les conditions techniques rendent la transformation coûteuse, retirer la contrainte de la loi SRU faciliterait l’équilibre financier.

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous cherchez à assurer l’équilibre financier des opérations de transformation de bureaux en logements en supprimant l’obligation de mixité sociale. Votre préoccupation est déjà prise en compte par le projet de loi. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Nous maintiendrons le bon équilibre.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite lamendement CE686 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est dans le même esprit que le précédent.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE2038 de M. Mickaël Nogal et CE2305 de M. François Pupponi.

M. Mickaël Nogal. Mon amendement vise à porter de 10 % à 30 % le bonus de constructibilité, afin de rendre l’opération plus attractive.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE1159 de M. Jean-Luc Lagleize et CE1938 de Mme Jacqueline Maquet tombent.

La commission examine lamendement CE1834 de M. Stéphane Peu.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Vous cherchez à rétablir des dispositions qui, en réalité, ne sont pas supprimées par le projet de loi. Seules les opérations de transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant pourront déroger, dans certains cas, aux servitudes de mixité sociale du PLU.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE2246 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je propose que les dispositions de cet article ne s’appliquent pas aux communes carencées, sauf si elles demandent une dérogation pour construire du logement financé par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). On ne va quand même pas aider ces communes à construire autre chose que du logement très social.

M. Richard Lioger, rapporteur. Rien ne justifie, selon moi, que les communes carencées ne puissent pas déroger à certaines règles du PLU – gabarit, densité, aires de stationnement – si la nature du projet et son implantation le justifient. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. De facto, une commune carencée peut faire du PLAI. L’amendement est satisfait.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1309 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux bailleurs qui transforment un immeuble existant en un immeuble principal d’habitation, par exemple un immeuble de bureaux en un immeuble de logements, de donner congé aux locataires à chaque échéance triennale du bail. Cela facilitera la transformation des immeubles de bureaux en logements. L’amendement complète ainsi l’article L. 145-4 du code du commerce qui permet déjà au bailleur de donner congé à l’expiration d’une période triennale.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 9 modifié.

Article 9 bis (nouveau)
(article L. 617-1 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Occupation temporaire de locaux vacants

La commission a adopté un amendement qui réoriente l’expérimentation prévue à l’article 101 de la loi dite Molle ([47]). Cette loi a instauré un dispositif expérimental jusqu’au 31 décembre 2018 permettant à un propriétaire public ou privé de locaux vacants de signer une convention avec un intermédiaire pour organiser l’occupation de ses locaux par un résident temporaire. Le but est notamment d’éviter que des locaux inoccupés pendant de nombreuses années, en général des bureaux, ne se dégradent du fait de l’absence de toute activité.

L’amendement adopté par la commission réoriente cette expérimentation jusqu’au 31 décembre 2022 afin d’assurer la transformation provisoire de locaux vides à des fins d’activités, d’hébergement ou de logement tout en poursuivant des objectifs d’intérêt général, sociaux et non lucratifs. Il prévoit que des organismes ou associations agréés peuvent loger des résidents temporaires dans les locaux mis à disposition gratuitement par leurs propriétaires, dans le respect d’un objectif d’insertion et d’accompagnement social.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE2199 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à faire du dispositif de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi MOLLE », relatif à l’occupation temporaire, un dispositif réservé à l’hébergement d’urgence. Comme vous le savez, nous avons passé un hiver compliqué. Nous manquons de places d’hébergement d’urgence. À Toulouse, nous avons encore ouvert cet hiver un gymnase pour abriter des gens sans domicile. Ce n’est pas toujours évident, aujourd’hui, de mobiliser des locaux vacants. Quand on peut le faire, il est important que ce soit pour les plus démunis, ceux qui n’ont pas de toit.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement permettra d’assurer la transformation provisoire de locaux vides à des fins d’activité ou d’hébergement dans le respect d’objectifs d’insertion et d’accompagnement social. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. Tout d’abord, une expérimentation est en cours et nous n’en avons pas encore les résultats. Ensuite, l’enjeu est celui de la transformation provisoire de locaux pour faire du logement et non de l’hébergement. À situation égale, entre hébergement et logement, le logement est toujours préférable, car il donne une adresse, quand un centre d’hébergement ou même l’hôtel – où sont hébergées 40 000 personnes actuellement – n’offre pas les mêmes chances de réinsertion.

Il faut, de toute façon, retravailler la proposition d’ici à la séance, sachant que le dispositif s’arrête à la fin de l’année et que nous devons l’évaluer. Je suis enclin, pour ma part, à prolonger l’expérimentation, avec une évaluation très serrée pour bien déterminer où sont les cas de mauvaise application que vous avez à juste titre soulignés.

M. Mickaël Nogal. Nous ne parlons pas du même sujet. Je suis le premier défenseur du plan « Logement d’abord » que le Président de la République est venu présenter à Toulouse en septembre. La logique consistant à sortir les gens de la rue et à les intégrer le plus rapidement possible dans le logement est évidemment primordiale, mais il faut raisonner de façon pragmatique : tout le monde ne peut pas accéder au logement aussi simplement.

Nous connaissons encore – on le voit à Paris – des situations de crise à gérer. Les préfets, quand ils doivent loger des personnes en urgence, appellent les bailleurs sociaux, les associations, et l’on mobilise parfois des logements du parc social pour de l’hébergement. Ce sont autant de logements qui ne sont pas attribués à des ménages qui pourraient y prétendre, et j’ai évoqué dans la discussion générale les deux millions de personnes qui attendent un logement social.

Quand le dispositif d’hébergement temporaire est utilisé pour du logement, cela ne va pas non plus dans le sens du plan « Logement d’abord ». L’occupation temporaire peut être le fait d’organismes publics ou privés sans vocation sociale et sans but d’hébergement d’urgence. Ma priorité, c’est de le réserver à l’hébergement d’urgence. Je suis prêt à récrire l’amendement pour retirer la notion de public et privé car, pour moi, l’essentiel est le rôle joué par cette occupation temporaire et le sort des locaux vacants. Les bailleurs sociaux, à Toulouse, ont cédé certains logements pour occupation temporaire à l’association France Horizon, qui s’occupe de réinsérer les gens et de les accompagner vers et dans le logement : c’est comme cela qu’il faut fonctionner.

M. Robin Reda. Je comprends la volonté de la majorité de teinter le projet de loi d’une touche sociale mais, même si l’idée est louable, il serait totalement contre-productif du fait du choc d’offre et d’investissement que le Gouvernement poursuit par ce texte pour transformer les immeubles de bureaux. Quel investisseur, au-delà des risques que nous avons déjà évoqués et des coûts induits par la transformation, prendrait le risque – on peut le regretter, pardonnez-moi pour cette approche très pragmatique – d’avoir un bâtiment occupé pendant une période transitoire avec, à la fin des fins, l’obligation certainement d’expulser l’association, même si ce n’est pas par la force, et donc de provoquer des situations encore plus dramatiques ?

M. François Pupponi. La question posée par M. Nogal est fondamentale, et il faudra bien coordonner l’article 9 et l’article 11 car les locaux de l’article 9 pourront être réquisitionnés dans le cadre de l’article 11 ; je ne vois rien, en effet, qui empêche le préfet de réquisitionner au titre de l’article 11 des bureaux transformés en logement.

M. Stéphane Peu. Je trouve la proposition plutôt intéressante et ne partage pas du tout les craintes de M. Reda. Quand une association occupe aujourd’hui des locaux pour six ou huit mois, les choses sont relativement bien encadrées ; j’en ai fait l’expérience. La seule question que je me pose concernant cet amendement, c’est son articulation avec les règles de mixité. Il ne faudrait pas que des locaux vacants de moindre attractivité, dans des territoires un peu stigmatisés, soient réquisitionnés pour de l’hébergement d’urgence quand ceux, forts de toutes les exonérations qui viennent d’être adoptées, se transformeraient en logements de standing dans les beaux quartiers. Sous réserve de respecter des règles de mixité sociale, je suis plutôt favorable à l’amendement.

Mme Célia de Lavergne. C’est un sujet qui tient à cœur au groupe La République en marche. L’expérimentation, monsieur le secrétaire d’État, date de 2009 et nous sommes en 2018 : pourrait-on, peut-être d’ici à la séance publique, avoir de premiers éléments de bilan ? Il est important pour nous d’inscrire dans cette loi des engagements que nous voulons prendre vis-à-vis de l’hébergement d’urgence et de l’utilisation temporaire de bureaux. J’entends que la rédaction pose question, sur l’objet, la mixité sociale… Je souhaite que nous le retravaillions avec vous.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il y a deux sujets différents. Certains d’entre vous ont parlé de ce que nous proposons à l’article 11, à savoir que des bureaux laissés vacants pendant un certain temps puissent être réquisitionnés pour une courte durée pour de l’hébergement d’urgence. C’est quelque chose que nous proposons, car quoi de plus insupportable que de voir, l’hiver, une personne sans abri dormir au pied d’un immeuble de bureaux vacants, alors qu’en même temps, au Gouvernement, nous luttons nuit et jour pour trouver des logements ou des centres pour les personnes sans abri ? Il faut donc à la fois savoir manier l’incitation, nos débats ont prouvé que nous en étions capables, et la fermeté quand c’est nécessaire.

L’autre sujet est celui du présent amendement, qui consiste à savoir si, lorsqu’un immeuble est vacant, la gestion de cette vacance pour y loger des personnes doit être du ressort des associations uniquement ou peut être le fait d’autres structures ?

Nous n’avons pas à ce jour de retours de l’expérimentation de 2009. Je ne peux pas dire que ce soit une situation satisfaisante, mais c’est un fait, et je ne suis pas sûr de pouvoir, d’ici quinze jours, fournir un retour d’expérience. Vous avez mille fois raisons de pointer le sujet mais il faut le traiter avec méthode : cela passe par le retour d’expérience, et cela prendra un peu plus de temps.

M. Mickaël Nogal. La loi de 2009 prévoyait une évaluation au bout de dix-huit mois ; nous sommes en 2018. Je suis d’accord pour revoir la rédaction de l’amendement sur les personnes publiques et privées. S’agissant de l’évaluation, je suis le premier à reprocher à mes collègues de toujours demander des rapports. Mettons ce dispositif en place en disant qui doit procéder à l’évaluation et en demandant à la structure désignée un rapport ; le problème des rapports, en général, c’est qu’il n’est dit nulle part qui doit faire le rapport, et il tombe par conséquent dans les oubliettes. Je n’aurais pas déposé cet amendement si la situation n’était pas aussi grave.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE2428 de M. François Pupponi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ce que l’on prévoie une autorisation précaire pour les travaux qui changent, même temporairement, la destination d’un immeuble ; cela va plus loin qu’un simple changement d’usage.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Article 10
(articles L. 122-1 et L. 122-2 du code de la construction et de lhabitation)
Immeubles de moyenne hauteur

1.   L’état du droit

Seule la notion d’immeuble de grande hauteur a, aujourd’hui, une existence juridique. Constitue un immeuble de grande hauteur tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie :

– à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation ;

– à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles.

Les immeubles de grande hauteur sont répartis dans les dix classes suivantes :

– GHA : immeubles à usage d’habitation ;

– GHO : immeubles à usage d’hôtel ;

– GHR : immeubles à usage d’enseignement ;

– GHS : immeubles à usage de dépôt d’archives ;

– GHTC : immeubles à usage de tour de contrôle ;

– GHU : immeubles à usage sanitaire ;

– GHW 1 : immeubles à usage de bureaux répondant aux conditions fixées par le règlement de sécurité-incendie et dont la hauteur du plancher bas est supérieure à 28 mètres et inférieure ou égale à 50 mètres ;

– GHW 2 : immeubles à usage de bureaux dont la hauteur du plancher bas est supérieure à 50 mètres ;

 GHZ : immeubles à usage principal d’habitation dont la hauteur du plancher bas est supérieure à 28 mètres et inférieure ou égale à 50 mètres et comportant des locaux autres que ceux à usage d’habitation ne répondant pas aux conditions d’indépendance fixées par les arrêtés prévus aux articles R*.111-13 et R**.122-4 du code de la construction et de l’habitation ;

– ITGH : immeuble de très grande hauteur.

Les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code de la construction et de l’habitation prévoient que les travaux qui conduisent à la création, l’aménagement, la modification ou le changement de destination d’un immeuble de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d’État et ne peuvent être exécutés qu’après autorisation de l’autorité chargée de la police de la sécurité.

2.   Les dispositions du projet de loi

Les quatre premiers alinéas créent une nouvelle catégorie, celle dimmeuble de moyenne hauteur, distincte de la catégorie d’immeuble de grande hauteur. Un décret en Conseil d’État viendra préciser sa définition ainsi que les règles de sécurité, moins strictes que pour les immeubles de grande hauteur, qui s’y appliqueront. D’après l’étude d’impact, le décret prévoira une réglementation unique pour une même tranche de hauteur de bâtiment (28 m‑50 m), quel que soit l’usage. Les classes GHW 1 et GHZ devraient ainsi être adaptées ou supprimées.

Lalinéa 5 prévoit, comme tel est déjà le cas pour les immeubles de grande hauteur, une autorisation de lautorité chargée de la police de la sécurité avant l’engagement de travaux.

Lalinéa 6 prévoit, comme tel est déjà le cas pour les immeubles de grande hauteur, que le permis de construire tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l’objet d’un accord de l’autorité chargée de la police de la sécurité.

Ces mesures s’appliqueront aux futurs immeubles, mais aussi au parc existant sous réserve du niveau de sécurité et d’équipement du bâtiment. L’objectif est de faciliter la densification des centres urbains et de simplifier les futurs changements d’usages et la mixité d’usage au sein d’un même bâtiment.

3.   L’avis du rapporteur

La création de la catégorie d’immeuble de moyenne hauteur permettra une mixité d’usage et facilitera la réversibilité des usages, notamment pour permettre la transformation de bureaux en logements plus aisément. Le rapporteur tient à souligner que le fait que l’immeuble soit de moyenne hauteur ne changera rien aux règles d’accessibilité qui sont fixées par d’autres réglementations et pour tous les usages (habitations, établissements recevant du public, locaux recevant des travailleurs...).

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté un amendement rédactionnel ainsi qu’un amendement, à l’initiative du rapporteur, précisant que les travaux qui conduisent au changement de destination d’un immeuble de moyenne ou de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d’État. La commission a ainsi souhaité s’assurer que la réduction des coûts de construction et d’exploitation permise par la création de la catégorie d’immeuble de moyenne hauteur ne se fera pas au détriment des règles de sécurité.

*

*     *

La commission examine lamendement CE983 de M. Richard Lioger.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement prévoit que les travaux qui conduisent au changement de destination d’un immeuble de moyenne ou de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d’État.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1393 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’article 10 crée une catégorie d’immeuble de « moyenne hauteur » qui disposera de règles de sécurité incendie adaptées pour faciliter la mutation de bureaux en logements.

Or, il faut garder à l’esprit l’incendie survenu à Londres le 14 juin 2017 et qui a fait au total 70 victimes. Des économies avaient été recherchées lors de la rénovation du bâtiment, de sorte que des panneaux d’aluminium et de polyéthylène avaient été favorisés pour rénover la façade au lieu des panneaux de zinc, bien plus résistants au feu. Ce matériau a donc favorisé la propagation du feu lors de l’incendie.

Il convient donc de s’assurer que les immeubles de moyenne hauteur respectent les règles de sécurité essentielle à la conservation de la vie des personnes, et à la tâche des pompiers, en cas d’incendie.

Cet amendement vise à mettre en conformité les immeubles de moyenne hauteur avec l’arrêté du 19 juin 2015 modifiant l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation déjà soucieux des règles de sécurité incendie.

Bref, nous sommes d’accord pour alléger et simplifier la réglementation, mais pas lorsqu’il s’agit de normes de sécurité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, pour deux raisons. Un texte de loi ne doit en principe pas renvoyer à un arrêté. En l’occurrence, celui-ci a été pris avant la création de cette nouvelle catégorie d’immeubles que sont les immeubles de moyenne hauteur. Il ne fixe donc pas de règle spécifique pour ce type d’immeubles.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.

Quand on cherche à transformer des bureaux en logements, on se heurte à cette difficulté que la réglementation relative aux normes de sécurité incendie est très différente selon la nature des immeubles, qui suivent deux typologies distinctes. C’est pourquoi nous créons, par l’article 10, une nouvelle catégorie d’immeubles de moyenne hauteur, compris entre 28 et 50 mètres, dont les normes relatives à la sécurité incendie seront prises par décret. Il ne s’agit en aucun cas d’abaisser le niveau des normes de sécurité incendie, mais seulement de permettre la transformation d’un immeuble de bureaux en immeuble de logements, sans avoir à modifier tout l’immeuble du fait d’un écart initial entre les normes.

En outre, vous proposez de modifier par la loi la réglementation de ces immeubles de moyenne hauteur, là où nous prévoyons de préciser par décret la définition de ces immeubles.

M. Thibault Bazin. Pourquoi attendre un décret ? Pourquoi ne pas le prévoir dans la loi, si votre intention est bien d’assurer un haut niveau des normes de sécurité ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour deux raisons. Il y a d’abord un travail technique important à effectuer, que nous avons amorcé avec les forces de sécurité, et notamment avec les pompiers. Nous suivrons naturellement ce qu’ils recommandent. Le drame absolu qu’a connu Londres avec l’incendie de la tour Grenfell concernait un immeuble de très grande hauteur, catégorie pour laquelle nous ne modifions pas la réglementation.

En revanche, il nous faut viser une harmonisation entre les immeubles de bureaux et ceux de moyennes hauteurs, compris entre 28 et 50 mètres, pour permettre le passage d’une catégorie à l’autre. Nous préparons l’avenir en ouvrant la possibilité de transformer des immeubles construits aujourd’hui et qui pourraient être vacants dans dix, quinze ou vingt ans.

Lamendement est retiré.

La commission adopte ensuite lamendement rédactionnel CE1116 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CE433 de M. Thibault Bazin et CE2005 de M. Bruno Fuchs.

M. Thibault Bazin. Même le Conseil d’État considère cette nouvelle catégorie d’immeubles de moyenne hauteur avec réserve : « Le Conseil d’État estime par ailleurs que l’étude d’impact devrait être complétée pour présenter les différentes options possibles, expliciter les raisons qui ont conduit à choisir celle consistant à créer une nouvelle catégorie d’immeubles et préciser les impacts de cette option ».

Je voudrais mentionner la question de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Il faut bien s’assurer que des conditions particulières puissent être prévues pour des personnes à mobilité réduite (PMR).

M. Bruno Fuchs. Rappelons l’inquiétude du monde du handicap, qui a dû faire des concessions importantes dans ce projet de loi. Après avoir mis des années à obtenir des dispositions qui reconnaissent l’accessibilité de tous les lieux publics et prévoient également des mesures pour rendre accessibles les habitations privées, il mérite une reconnaissance. Cela passe par l’inscription dans la loi d’une obligation d’accessibilité pour ces immeubles d’un nouveau type.

M. Richard Lioger, rapporteur. Demande de retrait. Nous sommes d’accord sur le fond, mais les immeubles de moyenne hauteur devront bien respecter les dispositions du code de la construction et de l’habitation. Il nous semble donc inutile de le repréciser. Vos préoccupations trouveront de toute façon satisfaction.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Cette catégorie d’immeubles est créée pour harmoniser des normes de sécurité, et non des normes relatives à l’accessibilité des personnes handicapées, qui seront valables pour l’ensemble des aménagements.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte larticle 10 modifié.

Après l’article 10

La commission examine lamendement CE2437 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit pour ainsi dire d’un amendement rédactionnel. Il me semble que l’action judiciaire relative aux infractions aux règles de changement d’usage des locaux à usage d’habitation appartient plutôt à la municipalité tout entière qu’au « maire ».

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous voulez clarifier le fait que l’action judiciaire relative aux infractions aux règles de changement d’usage des locaux à usage d’habitation est bien initiée par la commune, et non par le maire en son nom propre. Il n’y a, selon moi, pas besoin d’opérer cette clarification.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Dans cet article, le mot « maire » fait référence à la mairie, et non à la personne du maire.

Lamendement est retiré.

Article 11
(articles L. 642-1, L. 642-3, L. 642-4, L. 642-5, L. 642-15, L. 642-23
du code de la construction et de lhabitation)
Procédure de réquisition pour lhébergement durgence

1.   L’état du droit

La procédure de réquisition avec attributaire, prévue aux articles L. 642-1 à L. 642-17 du code de la construction et de l’habitation, a été introduite par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions ([48]). Elle permet au préfet, après avis du maire, de réquisitionner des locaux vacants depuis plus de douze mois pour les donner en jouissance à un attributaire, à charge pour lui de les donner à bail à des personnes justifiant de ressources modestes, inférieures à un plafond fixé par décret. La durée de la réquisition est de un à six ans et peut être portée à douze ans en fonction de l’amortissement des travaux de mise aux normes d’habitabilité. L’attributaire verse au titulaire du droit d’usage des locaux une indemnité déterminée en fonction du loyer au mètre carré de surface habitable, après déduction de l’amortissement des travaux et des frais de gestion.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi adapte la procédure de réquisition afin de l’étendre à l’hébergement d’urgence. Lalinéa 4 prévoit que la réquisition donne la jouissance des locaux à un attributaire qui peut les utiliser pour assurer lhébergement durgence des personnes sans abri.

Les alinéas 3 et 7 adaptent la durée de réquisition aux locaux utilisés pour l’hébergement d’urgence. Cette durée ne peut pas excéder deux ans mais peut, en cas de travaux, être portée à quatre ans.

Lalinéa 13 ajoute à la liste des attributaires des réquisitions les organismes conventionnés par lÉtat pour assurer des missions dhébergement durgence. Comme l’indique l’alinéa 14, ces organismes doivent signer une convention régissant leurs rapports avec l’État.

Lalinéa 20 adapte le calcul de lindemnité que lattributaire verse mensuellement au titulaire du droit dusage. Elle est équivalente au loyer déterminé en fonction du prix de base au mètre carré de surface, fixé par décret, déduction faite de l’amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par l’attributaire pour satisfaire aux normes minimales requises. À la différence de l’indemnité payée par le bénéficiaire de la procédure de réquisition existante, les frais de gestion ne sont pas déduits du calcul de cette indemnité. Lalinéa 23 modifie le calcul du loyer sur lequel se base celui de l’indemnité. Il prévoit que le loyer sera désormais déterminé en fonction du prix de base au mètre carré de surface et non plus du mètre carré de surface habitable.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur juge nécessaire d’accroître et de diversifier l’offre pour l’hébergement d’urgence et souscrit donc pleinement aux mesures prévues par cet article.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trois amendements rédactionnels sur cet article.

*

*     *

La commission examine lamendement CE791 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. J’ai déposé cet amendement de suppression pour deux raisons. D’abord, la réquisition est déjà encadrée par le code de la construction et de l’habitation. Ensuite, il s’agit d’une atteinte forte au droit de propriété. Or je crois que nous n’avons pas intérêt à aller dans ce sens-là.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Par l’extension de la procédure de réquisition à l’hébergement d’urgence, l’article 11 tend à favoriser l’accès des personnes les plus fragiles à un logement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous l’aurez remarqué, cette loi n’impose quasiment pas de nouvelles contraintes. C’est vraiment l’esprit dans lequel nous l’avons bâtie.

Il convient néanmoins de responsabiliser tout le monde. En facilitant la transformation de bureaux en logements, nous ouvrons des possibilités, nous libérons. Nous essayons ainsi de créer un choc d’offre. En même temps, il faut aussi protéger. Ceux qui ont aujourd’hui tous les moyens de transformer des bureaux en logements ne doivent plus avoir d’excuse pour ne rien vouloir faire. La réquisition doit alors être possible.

Elle existe déjà dans le code, mais selon une temporalité qui permet la transformation de ces immeubles de bureaux en logements, et non en hébergement. Dans la réglementation actuelle, une réquisition qui suppose des travaux peut être portée jusqu’à six ans. Les travaux à faire pour un simple hébergement sont plus courts ; il est normal que la réquisition soit d’une durée plus courte en ce cas.

C’est pourquoi nous proposons une réquisition de deux ans pouvant aller jusqu’à quatre, et non une réquisition de un an pouvant aller jusqu’à six ans.

M. Thibault Bazin. Nous avons eu le même débat hier soir au sujet de l’article 9. Certes, on peut imaginer que cette problématique va diminuer d’elle-même. Mais le pari est risqué. Si les besoins en hébergement d’urgence augmentent, ou du moins qu’ils ne baissent pas, est-ce au secteur privé d’être spolié, ou du moins réquisitionné ? Ou bien est-ce à la puissance publique de mettre les moyens en assurant la production de logements d’urgence pour pouvoir répondre à cette nécessité ? J’ai peur que, en l’absence de choc d’offre, un problème se pose. Vous parlez de libéralisation et de protection. Mais pouvons‑nous aussi parler de résultat ?

M. Sébastien Jumel. Notre groupe est plutôt favorable, sur le plan juridique, aux réquisitions. J’ai cependant deux interrogations.

Comme maire, je mesure bien combien il était nécessaire de se doter d’un outil opérant pour réaliser les travaux une fois l’expropriation effectuée. D’où ma première question : de quels moyens financiers l’État va-t-il se doter pour qu’on n’en reste pas au stade des intentions formelles ?

Deuxième préoccupation : j’ai entendu dire que vous cherchiez à priver les maires de leurs prérogatives d’urbanisme sur le territoire de leur commune. Pour ma part, je suis attaché à la mairie comme instance de souveraineté à préserver à tout prix. Dans le cadre de cette réquisition, cadre auquel nous adhérons, les maires seront-ils sollicités pour donner un avis, non seulement sur l’opportunité de transformer les bureaux vacants, mais aussi sur l’opportunité des lieux, des moments et des modalités ? Le maire doit être respecté, y compris dans notre République une et indivisible.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons énormément travaillé durant tout l’hiver sur l’hébergement d’urgence. La nuit dernière, 135 000 personnes, environ, ont dormi dans un centre d’hébergement d’urgence. Nous avons investi en ce domaine des moyens financiers sans commune mesure par rapport à tout ce qui s’est fait depuis des décennies.

Cette année, au-delà de toutes les places exceptionnelles que nous avons ouvertes durant l’hiver, nous avons pérennisé 5 000 nouvelles places, portant le total des places disponibles à 135 000.

La bonne politique à suivre, c’est de transformer ces hébergements d’urgence en logements. Mais arrivera-t-on à diminuer ainsi le nombre de personnes concernées ? Je l’espère. Reste qu’un nombre considérable de nos concitoyens en ont encore besoin. Et cela va continuer. Notre objectif est de faire face à cette demande, tout en préparant le basculement de l’hébergement vers le logement. D’où la transformation des bureaux en logements.

Mais qui doit faire les travaux d’aménagement ? L’expérience montre que, lorsque vous transformez un site pour en faire de l’hébergement d’urgence, les travaux sont sans commune mesure avec ceux qui sont nécessaires pour transformer des bureaux ou un espace vacant pour en faire des logements.

Ainsi, au cours des trois vagues successives de grand froid cet hiver, il a été possible d’ouvrir des centres en quelques heures ou quelques jours, y compris dans des anciens bureaux inoccupés depuis quelques mois et en attente de travaux. Des associations financées par l’État sont outillées et armées pour le faire. Elles disposent aussi de l’expertise nécessaire.

La réquisition en vue de faire de l’hébergement ne posera donc pas aux communes de problème de financement comparable à celui qui existe en effet lorsqu’il s’agit de transformer des locaux en logement. Cela se fera-t-il sur avis du maire ? Non, ce sera sur avis du préfet, comme c’est d’ores et déjà le cas en période de grand froid. En pratique, il s’agit d’un travail en commun entre les préfets et les maires. Nous restons donc dans le droit commun sur ce sujet.

M. François Pupponi. Il manque cependant un aspect dans votre discours. Si l’on confie aux préfets la charge des réquisitions, nous poursuivrons la ghettoïsation, car ce sont toujours les mêmes quartiers qui sont concernés. Il convient certes de réquisitionner, mais non systématiquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Or, si aucune contrainte ne s’exerce sur les préfets, ils continueront, comme depuis cinquante ans, à mettre les plus fragiles dans les quartiers les plus défavorisés.

C’est le drame de ce pays ! Il faut en finir avec la politique d’apartheid évoquée par Manuel Valls. Il faut arrêter la ghettoïsation, en le prévoyant dans la loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons ce débat depuis des mois. Les chiffres sont là : le nombre de places exceptionnelles ouvertes pendant les périodes de grand froid était supérieur à la périphérie de Paris que dans la périphérie de
l’Île-de-France.

Nous avons ainsi ouvert des places à l’Hôtel-Dieu, dans des bâtiments administratifs transformés du 4e arrondissement de Paris, dans les anciens bureaux de l’administration de la Défense juste à côté de l’hôtel de Brienne… donc pas seulement dans les QPV.

Plutôt que d’écrire dans la loi qu’aucune réquisition ne se fera dans les QPV, donnons directement des instructions aux préfets.

M. Stéphane Peu. Je souscris complètement à la proposition de François Pupponi. Si vous étudiez une cartographie de l’Île-de-France, vous verrez que le Samu social de Paris porte mal son nom : il héberge en effet principalement dans le Val-d’Oise et à Saint-Denis les personnes en situation d’urgence, et non dans Paris intra muros. Dans les villes de ces départements, on cumule ainsi toutes les difficultés. Un préfet ne reloge pas dans l’Ouest parisien ! Finissons-en avec les belles déclarations et fixons les choses clairement dans la loi !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je parlais de places ouvertes exceptionnellement pendant les périodes de grand froid. Cela étant vous avez raison : d’une manière générale les places du dispositif d’hébergement sont beaucoup plus nombreuses en dehors de Paris. La question de la spatialisation est en effet fondamentale mais ne doit pas être inscrite dans la loi. Elle doit faire l’objet d’une politique du Gouvernement, qui donnera ses consignes aux préfets.

M. Stéphane Peu. Cela ne se fera pas !

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE2079 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. En France, il n’existe pas de recensement officiel des sans domicile fixe (SDF) récent. Seule une enquête de l’INSEE de 2012 établissait à 143 000 le nombre de personnes sans domicile en France, dont 28 800 adultes francophones dans l’agglomération parisienne.

Alors que le Gouvernement prétendait que seulement une cinquantaine d’hommes isolés dormaient à la rue contre leur gré en Île-de-France, on sait d’après le recensement effectué par la mairie de Paris qu’ils seraient au bas mot près de 3 000.

Selon la fondation Abbé Pierre, ce chiffre avancé par le Gouvernement correspond aux seules personnes qui ont appelé le 115, ont été entendues au téléphone mais sans se voir proposer de solution.

Pour pouvoir héberger ces personnes, il nous semble nécessaire d’utiliser le dispositif déjà existant et d’allonger la durée possible de réquisition des logements vacants.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

La procédure de réquisition sans attributaire à laquelle se réfère votre amendement n’a pas été mise en œuvre. Il n’est donc pas opportun d’allonger la durée de la réquisition. Il est préférable de privilégier la procédure de réquisition avec attributaire qui est l’objet de l’article 11 du projet de loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le sujet de la réquisition est un sujet plus que complexe. La réquisition classique a montré son inefficacité : elle ne marche que très peu. C’est pourquoi nous proposons de l’étendre aux espaces vacants dont le propriétaire est connu.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1835 de M. Stéphane Peu et CE2321 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Il faut accorder aux structures qui réquisitionnent des délais qui leur permettent d’investir dans les travaux à faire : de un an à six ans ou plus. Si les délais sont trop courts, leurs investissements ne seront pas amortis.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

Les modalités applicables à la réquisition de locaux pour faire du logement doivent être adaptées à l’hébergement d’urgence pour que le dispositif fonctionne. Ainsi, la durée de réquisition prévue est plus courte, la réquisition en matière d’hébergement d’urgence ayant vocation à répondre à des besoins plus ponctuels.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2242 et CE2243 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le premier amendement vise à interdire ce type de réquisitions dans les QPV. Le second, de repli, prévoit qu’à défaut, la réquisition soit conduite en accord avec le maire.

J’avais déposé un troisième amendement dont nous ne discuterons pas, car il n’a pas passé le cap de la recevabilité financière au titre de l’article 40. Il prévoyait en effet que, lorsque l’État réquisitionne des locaux dans les QPV, il doive verser aux communes concernées, parmi les plus pauvres, une compensation financière pour la charge supplémentaire que cela représente pour leurs services sociaux et pour leurs écoles.

Si l’État veut réquisitionner dans les QPV, qu’il en assume du moins la charge !

M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne suis pas favorable à exclure du champ d’application de cette procédure les locaux qui sont situés dans les quartiers prioritaires de la ville.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Cet amendement de bon sens renvoie à des réalités très concrètes : 1 400 chambres d’hôtel réquisitionnées à Saint-Denis et 8 classes de maternelle ! Tout cela à la charge de la commune ! Sauf à vouloir laisser les préfets poursuivre la ghettoïsation, je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à ces amendements de mixité sociale.

M. Sébastien Jumel. Les récentes consultations électorales ont montré que la France était éclatée, émiettée. Les problématiques de logement que connaît l’Île-de-France se retrouvent aussi ailleurs. Les mêmes tendances à la ghettoïsation sont ainsi présentes en Seine-Maritime. Je voudrais bien disposer, pour la séance publique, d’une cartographie des hébergements d’urgence. On y verra que Saint-Étienne-du-Rouvray, Dieppe et Cléon sont plus souvent retenus que Mont-Saint-Aignan, près de Rouen, ou Bois-Guillaume. Par les choix qu’ils opèrent, les préfets ne font qu’accentuer la ghettoïsation.

Ces amendements me semblent donc de bon sens, y compris pour solliciter l’avis du maire.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Au fond, pourquoi rend-on possible ces réquisitions ?

D’abord, nous plaçons les propriétaires devant une alternative : soit ils louent leurs bureaux ou les transforment en logements, soit nous réquisitionnons les locaux. Si nous ne suspendons pas au-dessus de leurs têtes cette épée de Damoclès, pour les bureaux vacants situés dans les QPV, ils resteront en effet vacants dans ces zones, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ensuite, s’agissant de l’aspect financier, il ne peut être traité dans cette loi, mais devra l’être plutôt dans des textes financiers. Nous aurons donc l’occasion de l’examiner.

M. François Pupponi. Quand des bureaux peuvent être transformés en logements dans des QPV, il faut naturellement le faire. Que les réquisitions servent à transformer des bureaux en hébergements d’urgence dans les QPV, c’est un autre problème.

S’agissant de la partie financière, elle ne saurait en effet être traitée dans ce texte. Mais pouvez-vous prendre un engagement devant la représentation nationale la semaine où le Président de la République va s’exprimer sur les banlieues ? Pouvez-vous dire que l’État assumera financièrement s’il continue à ghettoïser ? Si rien n’est prévu en ce sens, tout continuera comme avant et les préfets réquisitionneront en priorité dans les communes dépourvues de moyens.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons eu ce débat avec le Président de la République. Les crédits affectés aux QPV ont été maintenus, ou même augmentés. Ne nous faites donc pas de mauvais procès.

J’ai passé des heures avec les propriétaires de ces bureaux vacants, pour lesquels des incitations, mais aussi des injonctions fortes, sont nécessaires. Nous devons manier la carotte et le bâton, dans les QPV comme ailleurs. Quant à la mixité sociale, c’est un sujet plus large sur lequel nous travaillons également.

M. Stéphane Peu. Nous sommes certes partisans d’une politique de la carotte et du bâton, mais nous parlons en fait de deux choses différentes.

La réquisition est en effet une arme utile à la disposition des maires. Mais, s’agissant de l’hébergement d’urgence, veut-on accroître encore, à travers lui, la spécialisation sociale des territoires ? Il en ira ainsi tant que l’action des préfets ne sera pas encadrée par la loi – comme l’a mis en évidence Jean-Louis Borloo dans son rapport.

La commission rejette, successivement, les amendements CE2242 et CE2243.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1836 de M. Stéphane Peu et CE2645 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il y a une contradiction : on veut que les populations les plus éloignées du logement vivent dans des conditions décentes et on diminue dans le même temps le niveau des normes de constructibilité et d’accueil. Je propose donc la suppression des alinéas 5 à 8.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

Vous avez bien compris qu’il s’agissait ainsi d’accélérer la reconversion. L’article du code de la construction et de l’habitation existant ne fait qu’indiquer un droit, pour l’attributaire, de réaliser des travaux, payés par lui, de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité. Le projet de loi ne fait qu’élargir les travaux que l’attributaire peut réaliser.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ne faisons pas dire à la loi ce qu’elle ne dit pas. Les alinéas 5 à 8 allongent de deux à quatre ans la durée de la réquisition, lorsque des travaux sont nécessaires. Ils assurent ainsi que ces travaux seront amortis. C’est tout l’inverse des intentions que vous prêtez à cet article ! Grâce à lui, davantage de travaux seront possibles.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE2077 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. L’article 11 a vocation à réviser les procédures pour réquisitionner les locaux vacants depuis plus de douze mois et les étendre à l’hébergement d’urgence des personnes sans abri avec adaptation des durées.

Cependant, limiter cette procédure de réquisition dans le cadre de l’hébergement d’urgence à deux ans maximum, voire quatre ans si des travaux sont nécessaires, nous semble insuffisant. En effet, une durée plus longue est indispensable pour permettre aux individus de se réinsérer. Le risque serait de renvoyer ces personnes à la rue sans solution au bout de deux ans. Pourquoi faire une différence entre les situations ? Nous demandons donc que la procédure soit identique pour toutes et tous.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les modalités applicables à la réquisition de locaux pour faire du logement doivent être adaptées à l’hébergement d’urgence pour que le dispositif fonctionne. Ainsi, la durée de réquisition prévue est plus courte, la réquisition en matière d’hébergement d’urgence ayant vocation à répondre à des besoins plus ponctuels.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CE1119 et CE1431 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CE2078 de Mme Mathilde Panot.

Mme Bénédicte Taurine. Selon l’article 30 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, « un ménage est considéré en situation de précarité énergétique lorsque son revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie. »

Or cinq millions de foyers sont concernés par la précarité énergétique. Celle-ci n’est pas uniquement liée à des éléments de revenus qui empêchent les individus d’améliorer la qualité environnementale de leur logement : elle dépend aussi de conditions de logement dégradées qui empêchent les individus de maîtriser leur consommation d’énergie et de vivre dans des conditions de logement dignes. Il manque encore et toujours un critère de performance énergétique clair et mesurable autorisant la location d’un logement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les personnes en situation de précarité énergétique sont des personnes justifiant de faibles ressources et souffrant de mauvaises conditions de logement. Elles peuvent donc déjà bénéficier de la procédure de réquisition. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel CE1120 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement CE2429 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous n’avons pas voulu créer d’obligation légale pour les préfets. Il n’en reste pas moins que treize communes du Grand Paris concentrent 60 % de l’offre de places d’hébergement existante.

Mon amendement propose que, dans les communes dépourvues de QPV, où la loi dispose aujourd’hui qu’une place d’hébergement d’urgence doit être disponible pour 1 000 habitants, ce chiffre soit porté à trois pour mille. À défaut de contraindre les préfets, nous obligeons du moins d’autres communes à accueillir des personnes en hébergement d’urgence.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne suis pas favorable à créer une dérogation pour les communes disposant d’un quartier prioritaire de la politique de la ville en ce qui concerne le nombre de places d’hébergement d’urgence à créer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis défavorable repose sur d’autres raisons.

Premièrement, dans la pratique, fixer des objectifs chiffrés dans la loi ne marche pas. On pourrait aussi bien proposer 5 pour 1000, cela reviendrait au même. Comme vous le savez, ces places d’hébergement d’urgence sont issues d’un dialogue entre les maires et les préfets, d’une part, et les associations d’autre part. Rappelons au passage que, par le truchement de ces dernières, ces places d’hébergement d’urgence sont en grande partie financées par l’État. Cela représente une dépense de deux milliards d’euros par an, ce poste particulier ayant connu cette année une augmentation de 10 %.

Deuxièmement, notre politique a non seulement pour objet de faire face aux besoins d’urgence, mais aussi de passer de l’hébergement au logement. Nos efforts portent d’abord sur le logement. C’est pourquoi nous finançons 40 000 intermédiations locatives, 10 000 pensions de famille et 40 000 prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI). C’est pourquoi nous sommes en train d’identifier 20 000 logements vacants pour pouvoir les donner à des personnes qui sont en situation de réfugiés.

Il faut en finir avec la politique de l’hébergement d’urgence qui se perpétue d’année en année.

M. Stéphane Peu. J’espère que nous reconnaîtrons tous les vertus de la loi SRU en faveur du logement social. Pourquoi ne pourrait-on pas adopter un mécanisme de répartition similaire en matière de logements d’urgence ? Croyez‑vous vraiment que, si treize villes de la région parisienne – dont celle où je suis élu – accueillent 60 % de l’hébergement d’urgence, cela soit le résultat d’un dialogue fructueux entre les préfets et les maires ? Il s’agit plutôt d’une politique du fait accompli !

En revanche, lorsqu’il est question, pour héberger les 2 000 réfugiés installés actuellement sur les berges du canal d’Aubervilliers, d’ouvrir un centre dans le bois de Boulogne, les discussions avec les maires des villes environnantes peuvent durer des années. Il y a vraiment deux poids deux mesures. Si la loi ne contraint pas à une répartition équitable, cela ne se fera pas tout seul. Soyons pragmatiques et partons de l’expérience !

M. Jean-Louis Bricout. Mes propos rejoindront ceux de notre collègue Stéphane Peu. Si le système ne marche pas, c’est précisément faute d’encadrement de ce dialogue entre les préfets et les maires. Si un ratio était fixé ou qu’un mécanisme similaire à celui de la loi SRU était prévu, le cadre du dialogue serait plus vertueux.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous traitons cette question chaque hiver, cette année ayant étant particulièrement rude, avec trois vagues de froid successives.

Vous voulez déléguer la responsabilité des places d’hébergement aux maires, en leur demandant d’en créer trois plutôt qu’une seule pour mille habitants. Mais vous savez bien que les choses ne se passent pas comme ça ! C’est l’État en effet qui finance l’ouverture de ces places d’hébergement d’urgence.

Vous soulevez une question légitime. Mais la réponse ne consiste pas à imposer partout par la loi que soient créées trois places d’hébergement d’urgence pour 1 000 habitants hors QPV, car cela ne changerait rien du tout. Pour répondre à cette préoccupation, il faut concentrer tous nos efforts sur la transformation des hébergements d’urgence en logements. Les 40 000 places d’hôtel qui ont été ouvertes durant le précédent quinquennat sont occupées par autant de familles qui ne bénéficient d’aucun accompagnement ni du soutien d’aucun travailleur social. Elles peuvent parfois passer plus de dix ans dans ces hôtels…

Si je partage votre préoccupation de mixité sociale, je ne crois donc pas qu’elle puisse trouver une réponse dans la loi.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 11 modifié.

Après l’article 11

La commission examine lamendement CE2496 de Mme Constance Le Grip.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’une demande de rapport sur la politique d’attribution des logements de fonction aux personnels de l’État dans les établissements publics locaux d’enseignement. Il est en effet parfois difficile pour les enseignants de se loger, notamment lorsqu’ils sont mutés dans un lieu qu’ils ne connaissent pas. Certaines régions, comme l’Île-de-France, mènent des politiques volontaristes et permettent aux enseignants nouvellement nommés, qui intègrent des lycées en pénurie de professeurs, d’accéder à des logements sociaux, en contrepartie d’un engagement d’au moins cinq ans dans l’établissement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes assez réservés sur cette demande de rapport, d’autant que les chiffres sont assez facilement accessibles.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Chapitre IV
Simplifier et améliorer les procédures durbanisme

Avant l’article 12

La commission examine lamendement CE1592 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Nos débats font apparaître une véritable inquiétude au sujet de notre architecture et du respect de nos paysages et de notre environnement urbain – et c’est un ancien maire et ancien professionnel de la construction qui vous parle.

Nous allons être amenés à beaucoup construire dans les prochaines années, et il est essentiel que cela se fasse selon des architectures de qualité et dans le respect des paysages urbains ou ruraux. Or, aujourd’hui, les services qui instruisent les demandes de permis de construire sont très démunis en la matière et se bornent le plus souvent à se référer aux documents d’urbanisme.

Cet amendement propose donc d’instaurer à destination de ces services une charte architecturale et paysagère.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il n’y a pas lieu d’être inquiet – et c’est un ancien adjoint à l’urbanisme d’une métropole qui vous le dit : les spécificités urbaines et paysagères locales sont en effet prises en compte dans le plan local d’urbanisme (PLU) sans qu’il soit besoin d’alourdir les procédures. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Fabien Lainé. Les grandes agglomérations disposent en effet d’outils et de l’aide d’architectes conseils. Il leur est donc beaucoup plus facile d’appréhender la notion d’architecture. Ce n’est pas le cas dans le monde rural et les petits EPCI. Ils se fondent sur le code de l’urbanisme ou le code de l’environnement mais en aucun cas sur des critères architecturaux. Nous avons donc des motifs de nous inquiéter : je ne voudrais pas que, demain, la Bretagne ressemble à l’Auvergne, et inversement.

La commission rejette lamendement.

Article 12
(article L. 174-6 du code de lurbanisme)
Encadrement dans le temps de la remise en vigueur des plans doccupation des sols en cas dannulation ou de déclaration dillégalité
dun plan local durbanisme (PLU)

1.   L’état du droit

Le plan d’occupation des sols (POS), institué en 1967 ([49]) constitue à la fois un document de planification locale de l’espace, pour tout ou partie du territoire d’une commune ou d’un ensemble de communes et un outil juridique réglementant l’usage des sols. Selon le dispositif voulu par la loi dite « SRU » ([50]), le POS était appelé à disparaître progressivement pour être remplacé par le plan local d’urbanisme (PLU). La loi Alur ([51]) a organisé la caducité des POS qui n’auront pas été mis en forme de PLU.

Règles de caducité des plans d’occupation des sols

Situation du POS

Date de caducité

POS non transformé en PLU

31 décembre 2015

POS transformé en PLU communal

Métropole : 27 mars 2017

Outre-mer : 27 septembre 2018

Élaboration d’un PLU intercommunal

1er janvier 2020

Source : Article L. 174-1 du code de l’urbanisme

L’article L. 174-6 du code de l’urbanisme, issu de la loi du 13 octobre 2014 ([52]), prévoit de remettre en vigueur des plans d’occupation des sols (POS), sans limite dans le temps, lorsqu’un PLU a été annulé ou déclaré illégal.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi modifie l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme qui, aujourd’hui, a pour effet de faire perdurer les POS alors même que ces documents d’urbanisme sont appelés à disparaître.

Lalinéa 2 de l’article 12 du projet de loi prévoit la remise en vigueur transitoire du POS, durant une période dun an au cours de laquelle le POS ne pourra faire l’objet d’aucune procédure d’évolution.

À défaut d’un PLU ou d’une carte communale exécutoire dans ce délai d’un an, lalinéa 3 indique que le POS sera caduc et qu’il sera fait application du règlement national durbanisme (RNU) ([53]) sur les territoires concernés. Le Gouvernement espère que cette perspective incitera les collectivités à se doter rapidement d’un PLU, ou d’une carte communale, purgé des vices qui avaient fondé son annulation.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite de l’équilibre trouvé par cet article. Le délai d’un an laisse le temps aux communes et EPCI compétents d’approuver un PLU ou une carte communale purgé des vices ayant fondé son annulation ou sa déclaration d’illégalité. L’allongement de ce délai ne serait pas de nature à suffisamment inciter les collectivités à réviser leur document d’urbanisme. À l’inverse, il est nécessaire de prévoir une période transitoire pendant laquelle le POS est remis en vigueur afin de ne pas pénaliser trop lourdement les communes qui verraient leur PLU annulé.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements rédactionnels.

*

*     *

La commission adopte lamendement rédactionnel CE1121 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE1567 de M. Jean-Paul Mattei et CE1716 de M. Francis Vercamer, et lamendement CE1719 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement, présenté devant la Délégation des collectivités territoriales et de l’environnement, vise à porter à deux ans au lieu de un le délai de survie des plans d’occupation des sols (POS) en cas d’illégalité ou d’annulation d’un plan local d’urbanisme, et donc de différer d’autant l’application du règlement national d’urbanisme (RNU).

La limitation dans le temps de la survie des POS apparaît logique, puisque ce type de document d’urbanisme est censé avoir disparu au plus tard le 26 mars 2017 ; cependant, l’application du RNU au bout d’un an constitue une sanction trop lourde pour les communes, en raison des importantes restrictions à la construction qui interdisent toute construction en dehors des parties actuellement urbanisées (PAU).

Il existe par ailleurs un risque d’insécurité juridique si les autorisations d’urbanisme accordées en vertu de POS devenus caduques à la suite de l’annulation d’un PLU tombent, remettant en cause les projets en cours.

C’est la raison pour laquelle nous proposons un délai de deux ans, afin de permettre aux communes de disposer d’un temps raisonnable.

M. Thierry Benoit. Nous défendons un amendement identique ainsi qu’un amendement de repli portant le délai à dix-huit mois.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le délai d’un an me semble être davantage de nature à inciter les communes à réviser rapidement leurs PLU. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce débat sur lequel nous aurons l’occasion de revenir est plus que légitime, dans la mesure où cela fait dix-sept ans que l’on est censés arrêter les POS pour passer aux PLU. Je ne serai sans doute pas le dernier ministre à devoir décider si l’on accorde ou non des dérogations supplémentaires pour telle ou telle durée. Néanmoins, je crois qu’il faut que nous ayons, tous ensemble, l’honnêteté d’admettre qu’il faut arrêter de repousser sans cesse les échéances, même si la constitution des PLU s’avère un travail épuisant et difficile. Une année de délai supplémentaire me paraît donc suffisante, avant d’acter le passage définitif au PLU, sachant qu’il conviendra d’accompagner tous les élus locaux dans cette démarche.

M. Jean-Paul Mattei. Il s’agit moins d’obtenir des dérogations supplémentaires que de considérer très concrètement les cas où le PLU a été annulé. Un an est un délai très court, notamment lorsque des autorisations d’urbanisme sont annulées. Il y a là un risque réel.

M. Thibault Bazin. Je soutiens ces amendements car tous ceux qui ont un jour exercé des responsabilités locales savent qu’un délai d’un an est trop court. Je comprends les arguments du ministre, mais il faut être réalistes et concrets : si on demande aux élus locaux des choses impossibles, ils ne feront rien. Ces amendements procèdent donc du bon sens.

M. Sébastien Jumel. Je soutiens aussi ces amendements, parce que l’État a une part de responsabilité dans le retard pris par les maires. En ayant modifié, quelquefois de manière abrupte et sans concertation, le périmètre des intercommunalités, il a déstabilisé les maires soucieux d’établir des PLU corrects. Il y a de nombreux endroits où les communes ont abandonné le PLU en cours d’élaboration pour en reprendre un, plus conforme aux nouvelles intercommunalités.

Par ailleurs, un PLU a un coût et, pour les petites communes, les dépenses en matière d’ingénierie que cela nécessite ont également été un frein.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La responsabilité de l’État est évidente. Cela dit, admettez que chaque projet de loi sur le logement ou l’aménagement du territoire suscite une nuée d’amendements qui tendent à alourdir le PLU avec de nouveaux éléments – c’était le cas de la charte proposée tout à l’heure – et à complexifier davantage la tâche des élus locaux.

La véritable question aujourd’hui est de savoir si on continue à prolonger les délais. Si c’est le choix qui est fait, je mets ma main à couper qu’à la prochaine occasion vous proposerez de nouveaux amendements de prorogation. Je pense pour ma part qu’il faut être ferme et arrêter les compteurs. Je le dis, en ayant néanmoins parfaitement conscience que vous avez raison.

Les amendements CE1716 et CE1719 sont retirés.

La commission rejette lamendement CE1567.

Puis elle adopte lamendement rédactionnel CE1122 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2340 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’élaboration du plan métropolitain d’habitat et d’hébergement (PMHH) du Grand Paris a pris du retard. Il est donc proposé de prolonger un peu les délais.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis plutôt sensible à cet amendement. Je vous demanderai de le retirer pour le retravailler en vue de la séance.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis, sachant qu’il faut que nous soyons cohérents : on ne peut pas en même temps demander aux petites communes de finaliser leurs PLU dans un délai d’un an et accorder un délai supplémentaire à la métropole du Grand Paris.

M. Stéphane Peu. Il y a au moins une bonne raison d’adopter cet amendement, c’est qu’on attend toujours la fumée blanche ou la fumée noire du palais de l’Élysée sur la métropole du Grand Paris. Qu’en sera-t-il de la compétence habitat, et donc de l’élaboration de ce plan ? Ne serait-ce qu’à cause de cette incertitude, il me paraît prudent d’allonger les délais.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est la raison pour laquelle je vous propose que nous retravaillions cet amendement.

Lamendement CE2340 est retiré.

La commission adopte larticle 12 modifié.

Article 12 bis (nouveau)
(articles L. 101-2 et L. 151-7 du code de lurbanisme)
Lutte contre létalement urbain

La commission a adopté un amendement qui inscrit de manière explicite la lutte contre l’étalement urbain dans les objectifs généraux du code de l’urbanisme et qui intègre, dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme, des actions en faveur de la densification urbaine.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1711 et CE1671 de M. Francis Vercamer.

M. Thierry Benoit. En matière de logement locatif social, le code de l’urbanisme permet au PLU d’imposer la réalisation d’une place de stationnement par logement construit. L’objectif de l’amendement CE1711 est de préciser qu’en ces circonstances, la location de l’aire de stationnement ne peut être distincte de la location du logement.

Quant à l’amendement CE1671, il entend préciser que « lorsque les règlements des plans locaux d’urbanisme comprennent des obligations en matière de réalisation d’aires de stationnement dans le cadre de la construction de logement, la location du logement locatif est subordonnée à la location concomitante de l’aire de stationnement ». En effet dans certains cas, le logement est loué avec un garage et les locataires n’utilisent donc pas l’aire de stationnement, ce qui entraîne une certaine anarchie dans les rues.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un « marronnier ». Nous sommes absolument défavorables à ce que les locataires du parc social se voient imposer la location d’un parking.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je comprends votre idée mais je suis, par principe, pour la responsabilisation des acteurs. L’article L. 411-1 du code de la construction et de l’habitation dispose que ce sont les bailleurs sociaux qui décident de la location des parkings. Et qui est mieux placés qu’eux ? Avis défavorable.

M. François Pupponi. Je ne suis pas non plus favorable à ce qu’on oblige les locataires à prendre une place de parking. Il est vrai néanmoins que, notamment dans le cadre de l’ANRU, on a construit des milliers de places de parking qui ne sont pas utilisées, tout simplement parce que les bailleurs les louent 40 euros. Il faut donc que ces bailleurs fassent un effort et proposent des tarifs plus incitatifs, car il est en effet absurde que ces emplacements restent vides et que l’espace urbain soit occupé.

M. Stéphane Peu. Je suis très défavorable à ces amendements. L’expérience a déjà été tentée par certains bailleurs, mais il me semble que le fait de lier le bail du parking à celui du logement a été déclaré illégal.

En outre, il faut en effet responsabiliser tout le monde, y compris les responsables des PLU qui produisent des documents imposant la construction d’une place de parking par logement, alors que le taux de motorisation dans leur commune est de 40 %. On ne peut pas vouloir corriger les distorsions entre les obligations du PLU et la réalité du parc automobile en se remboursant sur la location obligatoire de places de parking aux occupants de logements sociaux, qui, le plus souvent, n’ont pas de voiture. C’est absurde !

M. Jean-Luc Lagleize. Il existe en effet un grand nombre de places de parking qui restent vides, puisque les bailleurs ne sont pas obligés de les louer aux locataires, qui garent leurs voitures dans l’espace public et l’encombrent.

Par ailleurs, ces parkings restant vides et la nature ayant horreur du vide, ils finissent par être occupés par des gens qui n’ont rien à y faire ; dans certains quartiers, s’y développent même des ateliers de mécanique clandestins, qui génèrent de l’insécurité. Si bien que, lorsque les bailleurs se décident à les louer à des tarifs avantageux, plus personne n’en veut car ils sont devenus dangereux. Puisque les bailleurs sociaux ne peuvent plus louer ces parkings, ils n’ont qu’à les mettre gratuitement à la disposition de leurs locataires.

M. Thierry Benoit. Je vous invite à relire attentivement l’amendement CE1671 : il fait référence aux cas ou le PLU comprend des obligations en matière de réalisation d’aires de stationnement. Dans ce cas, il est logique que la place de stationnement soit louée avec le logement puisque ses occupants doivent garer leur voiture.

M. Sébastien Jumel. L’obligation de construire des places de stationnement s’applique à celui qui construit un logement, pas à celui qui l’occupe. D’autre part, le maire dispose de pouvoirs de police, c’est-à-dire qu’il peut réglementer l’occupation du domaine public. Enfin, au-delà de tout ce qui a été dit sur la réalité du nombre de véhicules possédés par les locataires du parc social, mon expérience de la rénovation urbaine m’a montré que, quand on transforme ces locataires en petits propriétaires en privatisant l’espace public, on aboutit à des conflits de voisinage qui ne sont pas de nature à favoriser les équilibres de vie dans les quartiers urbains sensibles.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ignore ce que cela révèle de mon identité politique, mais je me retrouve assez dans les propos de Stéphane Peu. (Sourires.) Je pense fondamentalement que la loi ne doit pas être déresponsabilisante et que c’est à l’ensemble des acteurs, que ce soit les élus locaux ou les bailleurs sociaux de prendre les décisions.

Par ailleurs, le vrai problème concerne moins le flux que le stock de parkings. La loi ALUR en effet a abaissé à 0,5 le nombre de places de parking par logement, ce qui rend vos amendements difficilement applicables, monsieur Benoit.

J’ajoute enfin que nous n’aspirons plus nécessairement à vivre dans une société du tout-voiture et que toute personne vivant en HLM n’est pas forcément propriétaire d’un véhicule.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine lamendement CE2197 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. Cet amendement vise à créer un nouvel article dans le code de l’urbanisme afin d’alléger l’obligation de construction de places de stationnement lors de la construction de logements. En effet, lors de la construction de logements, le PLU fixe un nombre minimal de places de stationnement à réaliser par le constructeur. Or cette obligation augmente le coût global de la construction, notamment lorsqu’il s’agit d’un parking souterrain, alors qu’elle n’est pas toujours justifiée, eu égard au nombre de places de stationnement déjà disponibles autour des logements, à la présence de transports en commun à proximité, ainsi qu’au développement de nouvelles solutions de mobilité. Certains bailleurs rapportent qu’ils ont parfois jusqu’à deux places de parking inoccupées par logement, car les gens se garent dans la rue ou n’ont pas de voiture.

Notre amendement poursuit ainsi un double objectif : diminuer le coût de construction des logements et encourager les futurs occupants à choisir un autre mode de transport que le véhicule motorisé individuel.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme, qui permet, selon certains critères, de déroger en tout ou partie aux obligations de création d’aires de stationnement applicables aux logements. Je demande donc le retrait de votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement CE2197 est retiré.

La commission en vient à lamendement CE13 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Dans sa rédaction actuelle l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ne fait pas référence à la notion de développement rural. Cet amendement vise donc à intégrer cette mention dans l’article, à côté de la référence au développement urbain. C’est essentiel si l’on veut reconnaître la spécificité des zones rurales en matière d’urbanisme.

M. Richard Lioger, rapporteur. La notion d’urbanisme s’applique aussi bien au monde rural qu’au monde urbain. Cette précision me semble donc inutile. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE1674 de M. Jean-Marc Zulesi.

Mme Annaïg Le Meur. Cet amendement a pour objectif d’inscrire de manière explicite la lutte contre l’étalement urbain dans les objectifs généraux du code de l’urbanisme.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE1411 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La loi ALUR a renforcé les conditions d’urbanisation des zones 2AU classées comme telles depuis plus de neuf ans en soumettant leur ouverture à l’urbanisation à une procédure de révision. Le code de l’urbanisme précise ainsi que le plan local d’urbanisme est révisé quand une zone à urbaniser « n’a pas fait l’objet d’acquisitions significatives de la part de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur foncier ».

En réalité l’ouverture à l’urbanisation est subordonnée à l’existence d’une promesse de vente. Or lorsque l’on est en phase de négociation foncière en train de faire du remembrement, ces promesses peuvent se faire attendre. La notion d’acquisition foncière ne me semble donc pas pertinente, et il conviendrait plutôt de parler de maîtrise foncière significative au moyen de la conclusion de promesse de vente.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à limiter le recours à la procédure de révision pour l’ouverture à l’urbanisation des zones 2AU. Cette procédure est, selon moi, nécessaire pour s’assurer, après neuf ans, qu’il est toujours pertinent d’ouvrir la zone à urbanisation.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. En bon ingénieur agronome, je suis tiraillé entre l’urbanisation, que je promeus, et la lutte contre l’occupation de nouvelles surfaces. Il faut trouver un juste milieu, et il me semble que cette durée de neuf ans est un bon équilibre pour les zones 2AU. Elle permet à la fois de densifier et de lutter contre l’étalement urbain. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. À la suite de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT), les élus eux-mêmes se sont obligés à réduire les surfaces à urbaniser ; je connais ainsi des communes qui ont réduit par quatre, voire par dix, la surface des zones AU. Ils se sont concentrés sur les zones incluses dans l’enveloppe urbaine qui n’avaient pas été urbanisées du fait du mitage foncier, puisqu’il s’agissait de terrains maraîchers.

Il faut certes poser des contraintes mais on doit également accompagner ces communes et leur donner la chance de se développer, a fortiori lorsque les zones AU sont rares et qu’elles nécessitent un long processus de maîtrise foncière.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le problème de votre amendement est qu’il conditionne le sursis sur ce délai à des promesses de vente. Or, vous savez très bien que, objectivement, une promesse de vente sur un projet d’aménagement n’est pas ce qu’il y a de plus difficile à obtenir.

M. Sébastien Jumel. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre un étalement urbain anarchique, mais cela ne signifie pas qu’il faut en faire un dogme car, dans les territoires ou les villes qui ont fait preuve de volontarisme pour densifier le logement, notamment en produisant du logement social, la seule manière de diversifier l’offre, c’est de construire des petits pavillons avec un bout de jardin – et il n’est pas complètement irréaliste de permettre à des gens qui n’ont jamais eu de jardin avec une balançoire pour leurs gamins de pouvoir se l’offrir. Il faut être pragmatiques et permettre aux communes qui ont fait le choix de construire des logements sociaux et à qui il reste peu d’espace à occuper de diversifier leur offre en leur affectant des coefficients d’occupation du foncier plus lâches, tout en préservant les terrains agricoles.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lexamen, en discussion commune, de lamendement CE1965 de M. Jimmy Pahun et de lamendement CE366 de M. Hervé Pellois.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement concerne la construction dans les hameaux et dans les villages. Il vise à ouvrir le débat sur les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitée (STECAL). Leur caractère exceptionnel conjugué aux applications jurisprudentielles de la loi Littoral contraint excessivement les élus locaux dans l’aménagement de leur territoire. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer le caractère exceptionnel de ces STECAL.

M. Hervé Pellois. Depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, le code de l’urbanisme fixe des objectifs de densification, de lutte contre l’étalement urbain et de préservation des espaces agricoles ; la loi ALUR a rendu exceptionnelle la délimitation de ces secteurs à urbaniser dans les zones agricoles, et la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) et la loi Macron ont déjà corrigé à la marge ses premiers effets.

Le rapport d’information d’Audrey Linkenheld et Éric Straumann a d’ailleurs relevé que « l’application [du caractère exceptionnel de la délimitation des STECAL] ne pose pas de problème dans la plupart des territoires, à l’exception de la Bretagne et de la Normandie ». Dans ces deux régions en effet, de nombreux hameaux sont situés en zones agricoles ou naturelles.

Ils considèrent donc qu’une interprétation uniforme de ce que doit être le caractère exceptionnel des STECAL est problématique et ne correspond pas à l’intention du législateur. Ils proposent en conséquence que ce caractère exceptionnel s’apprécie en fonction des circonstances locales et qu’aucune limite chiffrée unique ne soit imposée aux collectivités territoriales élaborant leur PLU.

Il est donc proposé d’apprécier ce caractère exceptionnel selon les caractéristiques du territoire, le type d’urbanisation du secteur, la distance entre les constructions et la desserte par les réseaux et les équipements collectifs.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement CE1965, au profit de l’amendement CE366, auquel nous sommes favorables.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne suis pas favorable à la suppression du caractère exceptionnel des STECAL, tout en étant convaincu qu’il y a là un vrai sujet d’aménagement du territoire. C’est toute la question des dents creuses – sur laquelle nous reviendrons – et des activités dont il faut favoriser le développement, y compris dans des zones qui aujourd’hui ne le permettent pas du fait notamment de la loi Littoral. Néanmoins, supprimer le caractère exceptionnel des STECAL est contraire, selon moi, aux orientations qu’a choisies le législateur en matière d’aménagement du territoire. Une approche trop globale ne tiendrait pas compte des spécificités de chaque territoire, sur un sujet où il faut faire dans la dentelle.

M. Hervé Pellois. Je tiens à préciser que mon amendement ne supprime pas le caractère exceptionnel des STECAL mais demande qu’il soit apprécié sur d’autres critères que des critères quantitatifs.

M. Gilles Lurton. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. Pahun qui me paraît devoir faciliter la tâche des élus locaux, notamment en Bretagne et en Normandie, où ces élus s’arrachent les cheveux pour arriver à procéder à des aménagements.

M. François Pupponi. Je comprends la logique de cet amendement, qui pose une vraie question, mais adopter un amendement sans avoir auparavant réalisé d’étude d’impact pour en connaître les conséquences sur tout le territoire national – parce que la France ne se résume pas à la Bretagne et à la Normandie – me paraît un peu risqué. Mieux vaudrait que, d’ici à la séance, la commission se saisisse de ce problème pour tenter de trouver une solution législative satisfaisante pour tout le monde.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je pense que M. Pupponi a raison et qu’il faut retravailler cet amendement pour la séance.

M. Hervé Pellois. Peut-être pourrait-on imaginer une expérimentation régionale.

Les amendements CE1965 et CE366 sont retirés.

La commission en vient à lamendement CE2042 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Beaucoup de maires ruraux nous alertent sur la paupérisation des centres-bourgs, liée à la multiplication de constructions en périphérie, sur des lots ayant été divisés. Pour lutter contre cet effet pervers de la loi ALUR, nous demandons le rétablissement de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, qui permet aux maires d’imposer des surfaces minimales pour construire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. La préservation de l’urbanisation traditionnelle est une notion qui n’a pas de définition juridique précise, et la mise en place d’un système d’assainissement dépend des caractéristiques locales.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE129 de M. Martial Saddier.

Mme Émilie Bonnivard. L’article 157 de la loi ALUR, dont l’objectif est de favoriser la construction, supprime le coefficient d’occupation des sols (COS) et la dimension minimale du terrain.

Cette disposition répondait au souci de construire davantage dans les zones tendues et de mettre ainsi fin au plus vite à la crise du logement. Ce texte a, toutefois, été adopté sans référence aux dispositifs prévus pour la défense de l’environnement comme ceux qui sont contenus dans la loi Montagne ou la loi Littoral, et les services de l’urbanisme des communes ou groupements de communes situés dans ces secteurs se sont parfois vus confrontés, depuis la publication de la loi, à des demandes de permis qui ne correspondent en rien aux souhaits du législateur et qui ne répondent absolument pas à la finalité sociale de la loi. S’ils essaient de freiner le phénomène en mettant en avant, pour refuser, divers motifs de s’opposer, leur position sera fragile en cas de contentieux.

Cet amendement vise donc à ce qu’un rétablissement temporaire du coefficient d’occupation des sols puisse s’appliquer dans les communes touristiques et stations classées de tourisme qui le souhaitent et qui délibéreront en ce sens, jusqu’à la première révision ou modification du PLU suivant la publication de ce projet de loi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, car il faut inciter les communes à passer au PLU et à le réviser.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE19 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à permettre au PLU ou à la carte communale de prévoir des secteurs ouverts à l’urbanisation, lorsque ceux-ci comportent déjà des équipements de desserte réalisés ou programmés, ou ont fait l’objet d’acquisition foncière significative de la part de la commune ou de l’EPCI compétents.

M. Richard Lioger, rapporteur. À travers cet amendement, vous redéfinissez en réalité le principe de continuité sur la base de l’existence d’équipements de desserte disponibles. Des dérogations au principe d’urbanisation en continuité sont d’ores et déjà possibles. Je suis défavorable à votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il existe en effet déjà des dérogations. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour le retravailler après avoir évalué la pertinence des dérogations déjà existantes, que la loi Montagne avait d’ailleurs renforcées.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La loi Montagne a en effet prévu un certain nombre de dispositifs mais nous en attendons toujours les décrets d’application ainsi que des cartographies explicatives sur la définition précise de la construction en discontinuité, que devaient également nous fournir les services. En effet, les directions départementales des territoires (DDT) n’ont pas toutes la même interprétation de ce qu’est la discontinuité, ce qui complique le traitement de certains permis de construire. Je me permets donc, monsieur le secrétaire d’État, de vous solliciter à nouveau au sujet des décrets d’application.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tous les décrets d’application de la loi Montagne ont été publiés, à l’exception de celui qui concerne les chalets d’alpage. Vous faites référence, madame Battistel, à la circulaire relative à l’urbanisme en montagne dont je ne peux que regretter qu’elle n’ait pas été encore publiée. Ce sera chose faite avant l’été. J’y veillerai personnellement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je rappellerai qu’il était convenu que nous puissions examiner avec vous les schémas pour voir s’ils répondaient à toutes les problématiques locales.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE20 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Le rapport de présentation du PLU expose les dispositions qui favorisent la densification des espaces bâtis ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Cet amendement impose que celles-ci prennent en compte les capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles.

Il nous paraît important de porter davantage attention au critère de la taille des parcelles qui pose un problème spécifique dans de nombreuses communes rurales. Un slogan publicitaire disait : « Et si le luxe, c’était l’espace ? ». Les communes rurales doivent faire avec ce luxe de pouvoir construire sur des parcelles de 2 000 ou 3 000 mètres carrés alors que dans les bourgs-centres ou des zones plus agglomérées, les parcelles ont moins de 500 mètres carrés.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement est d’ores et déjà satisfait par le quatrième alinéa de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE16 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement a pour ambition d’assouplir et d’harmoniser les règles relatives aux annexes afin que les habitants de tous les territoires soient à égalité, quel que soit le régime applicable aux communes – règlement national d’urbanisme, plan local d’urbanisme ou carte communale. Il vise à rendre possible la construction d’annexes, bâtiments accessoires non habitables, dans l’ensemble des territoires ruraux.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui favorise le mitage des zones naturelles et agricoles des PLU.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE14 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à faciliter le développement des constructions et des installations utiles à l’exploitation agricole en allant au-delà de la notion stricte de bâtiment nécessaire à l’exploitation agricole. Il introduit pour cela la notion de construction et installation participant à l’équilibre économique de l’exploitation agricole, au sens de l’article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui élargit trop largement les possibilités de construction en zone agricole.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE18 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Par cet amendement, nous souhaitons créer un régime homogène pour les avis rendus par la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF) : il s’agirait de transformer les avis conformes en avis simples. Source de clarté et de simplicité, cette disposition aurait le mérite de donner son plein pouvoir d’arbitrage au représentant de l’État dans le département.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. L’avis conforme de la CDPENAF est un outil majeur pour préserver nos espaces agricoles et naturels.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon tropisme agricole me conduit à émettre moi aussi un avis défavorable.

M. Fabrice Brun. J’ai moi aussi un fort tropisme agricole, étant technicien agricole. Et je regrette que ce tropisme ne vous ait pas conduit à accepter l’amendement précédent qui facilitait la diversification des activités économiques pour les agriculteurs.

La commission rejette lamendement.

Elle rejette lamendement CE763 de Mme Émilie Guerel.

Elle examine lamendement CE21 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il s’agit d’un amendement de simplification normative et administrative. Il modifie l’article L. 153-31 du code de l’urbanisme : la réduction d’un espace boisé classé, d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière dans le but d’accueillir un équipement collectif relèvera désormais de la procédure de modification de droit commun du PLU.

M. Richard Lioger, rapporteur. La procédure de révision permet de s’assurer que la réduction des zones naturelles ou agricoles est justifiée et qu’il n’existe pas d’alternative. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis prêt à rediscuter avec vous de cette modification, monsieur Brun, mais pour l’heure, j’émets un avis défavorable car elle ne paraît pas constituer une simplification et qu’elle enlève de son effectivité à la procédure de révision du PLU.

La commission rejette lamendement.

Article 12 ter (nouveau)
(article L. 161-4 du code de lurbanisme)
Carte communale et constructions nécessaires à lexploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles

La commission a adopté un amendement qui corrige une insertion malencontreuse opérée par l’article 12 de la loi n° 2010874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cette loi avait supprimé la possibilité d’autoriser les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. L’amendement adopté rétablit donc cette possibilité.

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La commission est saisie de lamendement CE2769 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une insertion malencontreuse opérée par l’article 12 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010. Cet article a supprimé la possibilité d’autoriser les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. L’amendement rétablit donc cette possibilité.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cela participe du travail de dentellière que j’évoquais tout à l’heure. Cet amendement va dans le bon sens.

La commission adopte lamendement.

Article 12 quater (nouveau)
(article L. 142-4 du code de lurbanisme)
Suppression dun doublon de procédures pour certaines constructions
ou installations sur les territoires
non couverts par un schéma de cohérence territoriale (SCoT)

L’article L. 1424 du code de l’urbanisme interdit, hors des parties urbanisées des communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et leur extension mesurée (visées au 3° de l’article L. 1114 du code de l’urbanisme) ainsi que les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, (visées au 4° de l’article L. 111-5 du code de l’urbanisme). Cette interdiction, issue de la loi dite « ALUR » ([54]), avait pour objectif de renforcer le principe d’urbanisation limitée sur les territoires non couverts par un Scot afin de limiter l’artificialisation des sols. Elle peut faire l’objet d’une dérogation soumise à l’accord du préfet après avis simple de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Ces mêmes projets sont également soumis à une procédure d’autorisation d’urbanisme nécessitant de recueillir l’avis de la CDPENAF, prévue à l’article L. 1115 du code de l’urbanisme. Les deux procédures n’étant pas articulées entre elles, ce doublon est source de complexité et pose des difficultés aux pétitionnaires comme aux services instructeurs. L’amendement adopté par la commission supprime donc la soumission de ces projets à l’accord du préfet après avis de la CDPENAF, dans la mesure où le contrôle de ces projets, en application des dispositions de l’article L. 111-5, suffit à prévenir toute artificialisation des sols infondée.

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La commission en vient à lamendement CE2776 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’article L. 142-4 du code de l’urbanisme interdit, hors des parties urbanisées des communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et leur extension mesurée ainsi que les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal. Cette interdiction, issue de la loi ALUR, avait pour objectif de renforcer le principe d’urbanisation limitée sur les territoires non couverts par un SCOT. Elle peut faire l’objet d’une dérogation soumise à l’accord du préfet après avis simple de la CDPENAF. Ces mêmes projets sont également soumis à une procédure d’autorisation d’urbanisme nécessitant de recueillir l’avis de cette même commission.

Les deux procédures n’étant pas articulées entre elles, ce doublon est source de complexité et pose des difficultés aux pétitionnaires comme aux services instructeurs. Le présent amendement a donc pour objet de supprimer la soumission de ces projets à l’accord du préfet après avis de la CDPENAF.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Une même commission étant saisie deux fois pour le même projet, cette mesure de simplification va dans le bon sens. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Article 12 quinquies (nouveau)
(articles L. 121-3 et L.1 21-8 du code de lurbanisme)
Rôle des documents durbanisme
dans la mise en œuvre les dispositions de la loi Littoral

L’amendement adopté par la commission renforce la portée des documents d’urbanisme dans la mise en œuvre de la loi Littoral. Il prévoit que le schéma de cohérence territoriale (Scot) peut, en tenant compte des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire, préciser les modalités d’application de la loi Littoral.

L’amendement adopté répond également aux demandes relatives à la possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires entre le village et l’urbanisation diffuse, c’est-à-dire à la problématique du comblement des « dents creuses » dans des territoires marqués par une urbanisation dispersée. Le Scot pourra déterminer les critères d’identification des villages, des agglomérations et des « autres secteurs déjà urbanisés » et en définir la localisation. Dans les « secteurs déjà urbanisés », des constructions et installations pourront être autorisées lorsqu’elles n’auront pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti.

Dans l’attente de l’actualisation des documents d’urbanisme, l’amendement propose des dispositions transitoires permettant d’apprécier, au cas par cas, l’opportunité de constructions et installations qui n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. De telles constructions et installations seront autorisées avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

L’amendement supprime également la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », qui ne présente pas de réalité concrète sur le terrain et dont le sens juridique est imprécis.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE362 de M. Hervé Pellois, CE2051 de M. Yannick Kerlogot et CE2235 de M. Mickaël Nogal.

M. Hervé Pellois. Je vais retirer les amendements CE362 et CE2051 au profit de l’amendement de groupe CE2235.

Le patrimoine littoral est une richesse nationale et il appartient aux élus locaux de le préserver, dans le cadre de leurs responsabilités d’aménagement partagé et durable du territoire.

Cet amendement poursuit deux objectifs : renforcer la portée des SCOT dans la mise en œuvre de la loi Littoral ; supprimer la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » qui ne correspond pas à des réalités concrètes.

Le SCOT, document intercommunal qui se déploie à l’échelle d’un bassin de vie, est pertinent pour permettre la prise en compte des spécificités locales et préciser les différentes formes urbaines.

Cet amendement répond à la possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires entre le village et l’urbanisation diffuse, autrement dit au fameux comblement des dents creuses. Les secteurs concernés devront avoir une certaine densité, être dotés d’un caractère structuré et les modifications ne devront pas conduire à étendre leur surface actuelle.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable à cet amendement qui se situe dans la continuité du débat que nous avons eu avec M. Lagleize et vous-même, monsieur Pellois. Il permet d’avancer en réglant de manière pragmatique un problème spécifique à certains territoires.

M. Gilles Lurton. Je suis moi aussi favorable à l’amendement CE2235 qui résout un problème difficile. Beaucoup de maires seront soulagés s’il est adopté.

Il pose toutefois problème car la décision est soumise à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État et je crains que ça ne lui enlève beaucoup d’opérabilité.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement introduit une dérogation sans l’entourer de garanties suffisantes. Il n’est pas précisé qu’il ne doit pas être porté atteinte à l’environnement. Il n’est pas non plus fait mention de zonages pour exclure les zones proches du rivage. Enfin, la finalité des constructions n’est pas circonscrite.

Je me demande si cet amendement ne risque pas d’avoir pour conséquence d’autoriser la construction de locaux commerciaux dans la bande des cent mètres alors que le problème des dents creuses concerne d’abord et avant tout des particuliers dont les permis de construire sont cassés par le juge.

Par ailleurs, si l’instauration de dispositions transitoires est une bonne chose, il nous paraît préférable de permettre de les laisser en vigueur jusqu’à la mise en œuvre des nouveaux SCOT plutôt que de fixer une date butoir au 1er janvier 2020.

Pour ces raisons, je vous invite à voter en faveur de mon amendement CE1963 qui est plus raisonnable.

M. François Pupponi. Si je comprends bien, cet amendement rend possible de déroger à la loi Littoral.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ces dispositions dérogatoires permettent de répondre à deux problèmes.

D’une part, elles permettent de prendre en compte les spécificités des SCOT sans pour autant remettre en cause des obligations aussi importantes que la bande des cent mètres.

D’autre part, elles visent à supprimer la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », qui est source de nombreux problèmes.

M. Gilles Lurton. Je rejoins l’argumentation développée par notre collègue Jimmy Pahun. Les amendements qui suivent font montre de davantage de prudence, notamment pour ce qui concerne la bande des cent mètres.

M. Jimmy Pahun. Comme mon amendement CE1963 risque de tomber du fait de l’adoption de l’amendement CE2235, j’aimerais le défendre, monsieur le président.

Comme l’amendement CE2235, il s’inspire de la rédaction retenue par la proposition de loi de Mme Pascale Got relative à l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique, votée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale sous la précédente législature. Il se distingue de la proposition de mes collègues car il apporte des garanties supplémentaires en ce qui concerne la protection de l’environnement et des paysages littoraux.

D’une part, il prévoit que la finalité des constructions est limitée aux logements et aux services publics : les commerces sont exclus.

D’autre part, il précise que les constructions ne peuvent être autorisées près du rivage et qu’elles ne sauraient porter atteinte à l’environnement. Les paysages remarquables ne seront donc pas altérés.

Ce sont autant de garde-fous qui rendent possible l’introduction d’une nouvelle dérogation. Faire autrement reviendrait à affaiblir la portée de la loi Littoral, ce à quoi je me refuse.

M. Martial Saddier. Peu de gens ont à l’esprit que la loi Littoral s’applique aussi en zone de montagne et j’aimerais que les incidences de l’amendement CE2235 soient également étudiées pour les joyaux que constituent les six grands lacs alpins. Il y a certainement eu des blocages excessifs mais avant d’ouvrir la boîte de Pandore, faisons preuve de prudence, mes chers collègues.

M. Sébastien Jumel. Nous aurons des débats sur la capacité des maires à continuer de préserver sites et monuments grâce aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en faisant appel aux compétences des architectes des Bâtiments de France.

Pour ce qui est de la loi Littoral, je souhaite que nous prenions garde aux accélérations et aux renoncements auxquels peuvent aboutir certaines nouvelles dispositions. Des maires ont fait des choix volontaristes pour sauvegarder l’identité de leur territoire en préservant l’environnement sur les zones littorales et la qualité patrimoniale de leur ville. Ne décidons pas de dérogations sans avoir au préalable mené d’études d’impact. Ce serait dangereux.

M. Hervé Pellois. Notre amendement ne conduit nullement à étendre les périmètres de constructibilité. Il permet, de manière très encadrée, d’agir à l’intérieur de zones déjà construites dans le but de structurer tel ou tel quartier, en dehors de toute logique linéaire. Je ne vois pas pourquoi nous ne ferions pas évoluer des dispositions qui posent problème aujourd’hui.

M. François Pupponi. Que l’on puisse discuter des anomalies et des incohérences que comportent la loi Montagne et la loi Littoral me paraît tout à fait normal. Toutefois, il s’agit de sujets explosifs et il ne me semble pas bon de décider de dérogations au détour d’amendements, sans aucune étude d’impact. Je préfère insister sur ce point car le jour où il y aura un problème, vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été avertis. Vous prenez une responsabilité pour l’avenir qui me paraît lourde de conséquences. C’est dans le cadre d’un groupe de travail que nous pourrions faire évoluer cette législation intelligemment.

M. Sébastien Jumel. J’aimerais ajouter un argument. Dans la France de l’après-Xynthia, n’oublions pas qu’il existe sur le littoral français un grand nombre de zones de submersion marine qui empêchent toute construction nouvelle.

J’aimerais d’ailleurs bien savoir ce que pense M. Hulot de cet amendement.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous avez déclaré que cet amendement permettait de régler enfin le problème des hameaux. Mais cela ne concerne que les zones du littoral et les lacs alpins. Qu’en est-il du reste de la France ? Dans tous les pays de bocage se posent des problèmes de hameaux qui ne sont pas pris en compte par ces dispositions.

M. Gilles Lurton. Cela fait cinq ans que nous travaillons sur ces amendements. Chaque fois qu’il a été possible de les déposer lors du précédent quinquennat, ils ont été déposés. Cela a été le cas notamment pour la proposition de loi de Mme Got, bon texte qui a été bloqué par la fin de la législature.

Les amendements qui suivent nous donnent le moyen de résoudre les problèmes des dents creuses et des hameaux sans prendre les mêmes risques qu’avec l’amendement CE2235 pour la bande des cent mètres.

M. Thierry Benoit. Je suis favorable à la création d’un groupe de travail sur cette thématique. Nous pourrions nous appuyer sur le ministère de l’écologie qui joue un rôle important en ce domaine.

M. Jimmy Pahun. Nous disposons déjà d’un groupe d’études Littoral. Nous sommes prêts !

M. Hervé Pellois. Que nos collègues n’aient pas la naïveté de croire que nous n’avons pas pris soin de recueillir des avis auprès du ministère de la transition écologique et solidaire et auprès du ministère de la cohésion des territoires. Le Gouvernement n’y aurait pas été favorable sinon.

Il m’est difficile d’entendre dire que nous n’avons pas suffisamment étudié la question. Avec plusieurs collègues, nous avons eu l’occasion de déposer de semblables amendements sur d’autres projets ou propositions de loi. Nous avons maintes fois discuté de ce sujet avec François Pupponi.

La loi ELAN nous donne l’occasion de régler le problème spécifique des dents creuses, partiellement certes mais efficacement. Profitons-en.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce n’est en effet pas un sujet que nous découvrons soudainement. Ces dispositions ont été étudiées depuis longtemps.

L’amendement ne remet aucunement en cause la loi Littoral. Les constructions sur la bande des cent mètres resteront interdites. Il permet simplement de décliner la mise en œuvre de cette loi à travers le SCOT, qui servira à définir les zones de densification potentielle en réponse au problème des dents creuses.

M. Thierry Benoit. Mes collègues Jimmy Pahun, Hervé Pellois, Gilles Lurton ont étudié de manière consciencieuse ce sujet qui fait l’objet d’un travail approfondi depuis longtemps. Je retire l’idée d’un groupe de travail puisqu’il existe déjà un groupe d’études. Mais j’aimerais faire une autre suggestion. Monsieur le président, ne pourrait-on pas mettre à profit la suspension que vous avez évoquée tout à l’heure pour permettre à nos différents collègues de s’accorder sur un amendement en particulier ?

M. François Pupponi. Monsieur le secrétaire d’État, relisons l’amendement. « Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées lorsqu’elles n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ». Cela signifie que des constructions nouvelles pourront être autorisées dans la bande des cent mètres quand celle-ci est déjà bâtie. Faites attention. Cet amendement nécessite une expertise. Je suggère que nous y retravaillions d’ici à la séance. Libre à chacun ensuite de prendre ses responsabilités.

M. le président Roland Lescure. Nous aurons tout le temps de revenir sur cette question d’ici à la séance. Passons au vote sur l’amendement.

Les amendements CE362 et CE2051 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE2235.

En conséquence, les amendements CE1963 de M. Jimmy Pahun et CE2582 de M. Gilles Lurton tombent.

M. le président Roland Lescure. Notre rythme reste assez modéré puisque nous avons examiné ce matin trente à trente-cinq amendements par heure. Il y a deux manières d’accélérer les débats : d’une part, en limitant les prises de parole ; d’autre part, en réduisant la durée des prises de parole, point sur lequel je serai intraitable désormais.

La commission est saisie de lamendement CE1964 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement renforce le régime protecteur de la loi Littoral en adaptant les documents d’urbanisme des communes littorales aux spécificités de celles-ci. Cet enrichissement du contenu des SCOT et des PLU permet d’apporter une sécurité aux élus.

Il offre un cadre cohérent en visant les documents de planification et d’urbanisme.

Le SCOT établit les modalités d’application des dispositions du régime d’urbanisation propre au littoral, propose une définition de termes tels que « agglomération » ou « hameau » et évalue leur pertinence pour un territoire donné.

Le PLU, à travers le rapport de présentation et le projet d’aménagement et de développement durable, précise les dispositions du SCOT relatives au littoral – délimitation de la bande des cent mètres, zone proche du rivage, etc.

Le respect de la loi Littoral est ainsi mieux assuré tout en donnant aux élus et aux particuliers plus de lisibilité sur l’application concrète de la loi. Vous avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, toute l’importance que vous accordiez au fait de laisser aux élus locaux leurs prérogatives.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous partageons votre préoccupation mais il nous semble que l’amendement CE2235 qui vient d’être adopté y répond. En outre, il a conduit à la suppression de la notion de « hameaux nouveaux » mentionnée dans votre amendement qui ne correspond pas à la réalité du terrain et dont le sens juridique nous semble imprécis. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons. J’aimerais être très clair sur le sens de l’amendement CE2235. Il vise à prendre le SCOT comme document d’urbanisme de référence. Il n’implique en aucun cas que l’on touche à la bande des cent mètres. Je le dis avec fermeté. Nous procéderons à toutes les vérifications nécessaires avant la séance.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1983 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Lorsque la loi Littoral a été votée, les SCOT n’existaient pas et l’intercommunalité était balbutiante. Mon amendement propose de remettre ces schémas et l’intercommunalité au cœur de la mise en œuvre de cette loi.

Aujourd’hui, la loi Littoral s’applique de manière uniforme à la totalité du périmètre communal, parfois dans des parties se situant à vingt-cinq kilomètres à l’intérieur des terres qui ne sont pas concernées par les enjeux littoraux. Dans le même temps, des communes se situant à deux ou trois kilomètres seulement du littoral ne sont pas soumises aux dispositions de cette loi parce que leur territoire ne jouxte pas le bord de mer.

Par cet amendement, qui ne revient nullement sur les obligations de cette loi, notamment en matière de dents creuses et de bande des cent mètres, nous proposons que l’application de la loi Littoral, au lieu de suivre de manière bête et méchante les contours des communes, s’ajuste aux spécificités prises en compte dans les SCOT.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à votre amendement. Réduire le champ d’application territorial de la loi Littoral aux seules « parties littorales » des communes littorales ne prendrait pas en compte le fait que la pression s’exerce de plus en plus vers les espaces rétro-littoraux.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2455 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je remercie M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur pour leur prise en compte des espaces proches du rivage, question particulièrement sensible.

L’objet de cet amendement est de procéder à la création de schémas de cohérence territoriale littoraux. Il s’agit de compléter le dispositif permettant actuellement aux SCOT de disposer d’un volet maritime ou d’avoir une déclinaison spécifique dans les zones de montagne ou dans les parcs naturels.

M. Richard Lioger, rapporteur. Comme vous l’indiquez, le SCOT peut d’ores et déjà comporter un volet maritime. Nous venons d’adopter l’amendement CE2235 qui conforte le rôle du SCOT dans l’application de la loi Littoral. Vos préoccupations me semblent donc déjà prises en compte.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. En effet, il existe déjà une possibilité d’élaborer des schémas de mise en valeur de la mer au sein des SCOT dont le poids est renforcé par l’amendement CE2235.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1984 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Je regrette que mon amendement précédent n’ait pas été adopté. Je crains que celui-ci ne connaisse le même sort. Il vise à conforter le rôle structurant des SCOT dans la mise en œuvre de la loi Littoral en tenant compte de la jurisprudence et des directives territoriales d’aménagement (DTA). Bref, il s’agit de donner aux élus un vrai pouvoir de gestion de leur territoire comme le prévoyait la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) qui donnait aux SCOT un rôle spécifique dans la gestion de bande rétro‑littorale de dix kilomètres.

M. Richard Lioger, rapporteur. Même avis que précédemment.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1962 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Nous proposons de revenir sur une jurisprudence très récente du Conseil d’État dont l’interprétation emporte des conséquences majeures pour les élus et les administrés.

D’abord, elle fragilise la position des élus dans l’accomplissement de leurs missions. Le PLU perd son caractère protecteur car tout permis de construire conforme au PLU peut être annulé par le juge. Certaines maires croulent sous les contentieux. Rappelons que vous avez insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité de ne pas déresponsabiliser les acteurs locaux.

Ensuite, elle est facteur d’incertitude pour les administrés. Certaines déboursent les économies d’une vie dans l’achat d’un terrain qui peut être déclaré inconstructible après décision d’un juge.

Cet amendement vise à rétablir la hiérarchie des normes, telle qu’elle a été définie par le législateur. Il garantit le caractère protecteur du PLU. La loi Littoral continue de s’appliquer en l’absence de documents d’urbanisme ou si le PLU ne comporte pas certains éléments relatifs à l’urbanisation du littoral.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : cette opposabilité directe est, selon moi, la condition même de l’effectivité des dispositions contenues dans la loi Littoral.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Lorsque Emmanuel Macron était ministre de l’économie, il avait consacré au sein de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, un volet dédié aux actions en démolition, notamment en zone protégée et dans les zones littorales.

Il faut à la fois limiter l’incertitude juridique et être très clair sur les règles qui s’imposent. L’opposabilité directe doit être maintenue. La loi Littoral doit prévaloir face à un PLU ou un SCOT qui ne respecteraient pas certaines de ses dispositions.

La commission rejette lamendement.

Article 12 sexies (nouveau)
(article L. 121-10 du code de lurbanisme)
Implantation des constructions nécessaires aux activités agricoles
ou forestières en discontinuité durbanisation

La commission a adopté un amendement qui crée une exception au principe d’extension de l’urbanisation en continuité des zones urbanisées en zone littorale. L’amendement permet, en dehors des espaces proches du rivage, l’installation de constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières dans les zones littorales. L’accord de l’autorité administrative compétente de l’État est requis, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la CDPENAF. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter une atteinte à l’environnement et aux paysages. Le changement de destination de ces constructions et installations est interdit.

Article 12 septies (nouveau)
(article L. 121-12-1 [nouveau] du code de lurbanisme)
Implantation des installations nécessaires à des équipements collectifs en discontinuité durbanisation dans les territoires insulaires et ultra-marins

La commission a adopté un amendement qui crée une exception au principe d’extension de l’urbanisation en continuité dans les territoires ultra‑marins et dans les territoires insulaires de métropole. Il autorise les constructions ou installations nécessaires à des équipements collectifs lorsque leur localisation est justifiée par des nécessités techniques impératives. Ces contraintes techniques peuvent résulter de distances d’éloignement à respecter (gestion des déchets) ou de la nécessité d’implanter un équipement à un endroit précis (station de potabilisation nécessaire à proximité de la nappe phréatique, par exemple). Cette dérogation s’applique en dehors des espaces proches du rivage et est soumise à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter une atteinte significative à l’environnement ou aux paysages.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE365 de M. Hervé Pellois et CE2485 de M. Mickaël Nogal, les amendements CE2580 de M. Gilles Lurton, CE2230 de M. Mickaël Nogal, CE361 de M. Hervé Pellois, CE2057 de M. Yannick Kerlogot, CE364 de M. Hervé Pellois, CE2201 de M. Yannick Kerlogot et CE2233 de M. Mickaël Nogal.

M. Hervé Pellois. Je vais retirer l’amendement CE365 et défendre l’amendement CE2485. La forte instabilité juridique liée à l’interprétation restrictive de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme a conduit à une loi parfois trop restrictive, que ce soit pour les activités agricoles, les activités d’intérêt général ou les énergies renouvelables. Cet amendement vise donc à permettre à certaines activités d’intérêt général comme les écoles de voile de déroger au principe de continuité de l’urbanisation selon certaines conditions précises. La dérogation est soumise à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS). Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. En outre, le changement de destination de ces constructions et installations est interdit.

M. Gilles Lurton. L’amendement CE2580 a pour objet de résoudre le problème des dents creuses de manière beaucoup plus prudente que l’amendement CE2235. Il prévoit d’insérer après l’article L. 121-12 du code de l’urbanisme un article L. 121-12-1 ainsi rédigé : « L’extension de l’urbanisation est possible en dehors de la bande littorale des cent mètres mentionnée à l’article L. 121-16, et des espaces proches du rivage, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logements ou d’implantation de services publics, même si les constructions ou installations ne sont pas en continuité avec l’urbanisation existante. »

M. Hervé Pellois. Le Président de la République, devant le dernier congrès des maires, a appelé à davantage de discernement dans la conciliation des enjeux afin que les territoires littoraux préservent leur cadre environnemental et retrouvent une nécessaire vitalité permise par des activités économiques proportionnées, notamment les activités primaires traditionnelles que sont l’agriculture ou la conchyliculture.

Les amendements CE2230, CE361, CE2057 proposent de n’autoriser que les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, conchylicoles ou forestières dans les zones littorales. Le projet est soumis à l’accord du préfet, après avis de deux commissions : la CDNPS et de la CDPENAF. Afin d’éviter les détournements ultérieurs, les changements de destination sont explicitement prohibés.

Quant aux amendements CE364, CE2201 et CE2233, ils introduisent dans les territoires ultramarins où s’applique la loi Littoral et dans les territoires insulaires de métropole, une dérogation au principe d’extension de l’urbanisation au profit d’équipements d’intérêt collectif dont l’implantation est imposée par des nécessités techniques impératives, avec l’accord du préfet après avis de la CDNPS. En effet, des contraintes d’ordre technique peuvent justifier que des équipements répondant à la satisfaction d’intérêt collectif soient implantés en discontinuité de l’urbanisation existant. Pensons aux installations de gestion des déchets qui nécessitent des distances d’éloignement à respecter par rapport aux habitations ou à la nécessité d’implanter un équipement à un endroit précis, une station de potabilisation d’eau à côté d’une nappe phréatique par exemple.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous sommes favorables à l’amendement CE2485 dont l’adoption ferait tomber tous les autres amendements. L’avis de l’autorité administrative compétente de l’État pour les dérogations nous paraît apporter une garantie suffisante.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est une question complexe, qui s’inscrit dans la continuité des débats que nous avons eus précédemment. Je m’en remets à la sagesse de la commission pour les amendements CE364, CE2201 et CE2233, mais souhaite le retrait des autres amendements, à défaut de quoi je donnerai un avis défavorable. Nous faisons de la dentelle : toutes ces propositions sont très proches les unes des autres, mais elles ont quand même leurs spécificités.

M. Jimmy Pahun. Il y a dans mon département une demande de préservation des chantiers ostréicoles existants : ils peuvent être transformés en habitations lorsqu’ils ne trouvent pas de repreneurs au bout de cinq ou six ans. C’est notamment important pour l’entretien du littoral. Le Morbihan a un parc naturel régional, dans la circonscription de M. Pellois, où il existe des projets d’installation de fermes photovoltaïques. Néanmoins, je me demande si une disposition relative à l’énergie doit figurer dans une loi sur le logement.

M. François Pupponi. Je pense qu’on va un peu au-delà des limites. Nous avons eu ce débat à chaque fois que nous avons examiné ce type de texte, notamment la loi ALUR. Si l’on adopte ces dispositions relatives à l’énergie, il sera possible de déroger à la loi Littoral pour la construction de centrales thermiques, de champs photovoltaïques et de champs d’éoliennes. À l’heure actuelle, un littoral comportant des sites remarquables ne peut pas servir pour de telles installations, qui ne correspondent pas à ce que l’on peut faire de mieux sur le plan architectural ou urbanistique. La loi protège l’environnement et les espaces exceptionnels. Nous ne pouvons pas adopter de tels amendements.

M. Gilles Lurton. Si j’avais pu sous-amender l’amendement CE2485, j’aurais proposé de supprimer la mention suivante : « lorsque leur localisation est justifiée par des nécessités techniques impératives », car cela me paraît extrêmement restrictif. Je préfère l’amendement CE361, car il permet, contrairement au précédent, le développement d’installations conchylicoles, qui ont absolument besoin de se trouver à proximité du littoral.

M. Hervé Pellois. Je suis d’avis de retirer l’amendement CE2485 qui est peut-être trop général en comparaison. Je voudrais souligner qu’il n’y avait pas de champs photovoltaïques quand la loi Littoral a été adoptée. Dans des secteurs où l’on essaie de protéger l’environnement, je ne vois pas en quoi l’installation de champs photovoltaïques à la place d’anciennes décharges ou d’anciens terrains militaires empêcherait d’atteindre l’objectif. Par ailleurs, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites devra rendre un avis. En ce qui concerne les activités agricoles et ostréicoles, je pourrais multiplier les exemples de situations extrêmement difficiles dans des espaces côtiers ou insulaires. Des exploitations ont dû quitter Belle-Île-en-Mer, par exemple, parce qu’elles n’arrivaient pas à se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions législatives relatives à l’environnement. Or la disparition de ces métiers traditionnels sur nos rivages est un vrai problème.

M. Mickaël Nogal. Nous allons retirer l’amendement CE2485, mais nous maintenons en revanche les deux autres – les CE2230 et CE2233.

Les amendements CE2485, CE361, CE2057, CE364 et CE2201 sont retirés.

La commission rejette lamendement CE2580.

Puis elle adopte successivement les amendements CE2230 et CE2233.

Article 12 octies (nouveau)
(article L. 121-12 du code de lurbanisme)
Implantation des centrales solaires en discontinuité durbanisation

L’amendement adopté par la commission élargit aux centrales solaires les dispositions de l’article L. 121-12 applicables à l’éolien, afin de permettre leur implantation en discontinuité d’urbanisation, notamment sur des espaces artificialisés par l’homme, tels que d’anciennes décharges réhabilitées, d’anciennes carrières ou des sites militaires désaffectés.

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La commission examine ensuite les amendements identiques CE363 de M. Hervé Pellois et CE2478 de M. Mickaël Nogal.

M. Hervé Pellois. Les objectifs de production d’énergie renouvelable fixés à moyen et long termes par la loi de transition énergétique pour une croissance verte du 17 août 2015 sont ambitieux. L’atteinte de ces objectifs implique une mobilisation des ressources disponibles sur l’ensemble du territoire nationale, urbaine, rurale, de montagne ou littoral. L’article L.121-8 du code de l’urbanisme impose que les extensions d’urbanisation doivent se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.

Le présent amendement propose d’élargir les dispositions de l’article L. 121-12 applicables à l’éolien aux centrales solaires, afin de permettre leur implantation en discontinuité d’urbanisation, notamment sur des espaces artificialisés par l’homme, tels que d’anciennes décharges réhabilitées, d’anciennes carrières ou des sites militaires désaffectés.

M. Mickaël Nogal. Le CE2478 également.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis favorable, car la dérogation au code de l’urbanisme que vous proposez pour les centrales solaires est strictement encadrée.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de ces amendements, sinon j’émets un avis défavorable.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE2202 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. C’est un autre amendement relatif aux « dents creuses » qui mériterait d’être « remouliné » avec ceux que nous avons précédemment adoptés afin de trouver un bon compromis. Le littoral est extrêmement protégé par la loi, que nous ne devons modifier que d’une main tremblante.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement, mais d’accord avec ce qui vient d’être dit : un important travail devra être réalisé sur tous ces amendements avant le passage en séance.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis défavorable. Néanmoins, nous devrons effectivement poursuivre la discussion avant la séance publique. C’est une nécessité.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2204 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Je vous propose de préciser que la dérogation à la loi « Littoral » qui concerne les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau s’applique aux activités nautiques. Cet amendement qui modifie l’article L. 121-17 du code de l’urbanisme s’inscrit dans la continuité d’autres dispositions que nous avons adoptées – les amendements CE2230 et CE233 portaient ainsi sur les articles L. 121-10 et L. 121-12 du même code. Nous nous trouvons dans des situations kafkaïennes qu’il faut régler. J’entends bien l’argument relatif à la préservation du littoral : la Bretagne, dont ma circonscription fait partie, est bien préservée. Mais il y a un problème quand on ne peut plus faire de développement économique parce que l’on ne peut plus créer de zones conchylicoles et ostréicoles ou que l’on ne peut plus améliorer les bases nautiques, lesquelles participent à l’éducation des enfants à l’environnement. Il ne faut pas opposer le développement économique et les autres préoccupations.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’entends bien ce que vous venez de dire, et je m’engage à poursuivre le travail sur ces sujets extrêmement compliqués et techniques avant la séance publique. Le code de l’urbanisme prévoit déjà une dérogation pour les constructions ou installations nécessaires aux services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau : il me semble que votre amendement est déjà satisfait. Par conséquent, j’émets un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Jimmy Pahun. En tant qu’habitué des écoles de voile, j’aimerais que l’on commence par les remettre en état. Comme le dit le Président de la République, on doit faire avec ce que l’on a. Cela implique d’entretenir le matériel.

M. Éric Bothorel. Je suis partiellement en désaccord avec le rapporteur : en la matière, le droit est presque systématiquement interprété de manière défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lamendement CE1985 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Mon amendement est dans la même veine que celui
d’Éric Bothorel. Les collectivités soumises à la loi Littoral font l’objet d’injonctions paradoxales. Cette loi vise à protéger le territoire – et nous sommes tous d’accord pour que ce soit le cas – mais on n’en tient pas compte quand on impose aux mêmes communes d’autres contraintes, notamment en matière de logements sociaux et d’équipements publics. Notre amendement permettra de déroger à la loi Littoral, de manière très encadrée et avec un vrai suivi, notamment pour assurer le repli stratégique face à l’érosion du trait de côte.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable. Une telle dérogation au principe d’extension de l’urbanisation en continuité ne me paraît pas pertinente. Les logements ou équipements peuvent être implantés au sein d’espaces urbanisés existants ou dans leur continuité.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Jimmy Pahun. Nous vivons une période de transition écologique très importante. Permettez-moi de vous rappeler l’affaire de l’immeuble Le Signal. On ne va pas se remettre à construire en bord de mer des immeubles qui n’existeront peut-être plus dans cinquante ans. Prenons garde à ce que nous faisons.

M. Alain Perea. J’aimerais que l’on sorte un jour des cartes pour expliquer aux communes dont nous parlons où elles peuvent construire des logements sociaux… Il faut donner des solutions aux maires, aux directions départementales des territoires et aux préfets : les solutions n’existent pas aujourd’hui, mais on continue à faire comme si les maires ne voulaient pas construire les logements requis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE17 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’Ardèche est reliée à la Corse par la Castagniccia, la châtaigneraie – et vous savez que le tempérament cévenol est tout aussi explosif (Sourires). Au vu des débats précédents, je retire l’amendement CE17.

Lamendement CE17 est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1587 de M. Xavier Roseren et les amendements identiques CE452 de
M. Dino Cinieri, CE876 de Mme Annie Genevard, et CE2209 de Mme MarieNoëlle Battistel.

M. Xavier Roseren. L’amendement CE1587 vise à apporter une solution dans les zones de montagne touchées par la raréfaction des logements servant de résidences principales du fait de la multiplication des résidences secondaires. Celles-ci représentent plus de 70 % du bâti dans la plupart des stations. Les programmes de logements pourront prévoir, au titre de la mixité sociale, un pourcentage de logements réservés à l’habitation principale, et les autorisations d’urbanisme pourront être refusées pour des résidences secondaires dès lors que l’équilibre avec les résidences principales n’est pas assuré. C’est une problématique majeure dans les territoires de montagne. En Haute-Savoie, la multiplication des résidences secondaires entraîne des difficultés pour trouver des logements à des prix raisonnables quand on est un résident permanent.

M. Fabrice Brun. L’amendement CE452, déposé à l’initiative de Dino Cinieri, permettra aux collectivités de montagne dotées d’un plan local d’urbanisme (PLU) de limiter la progression des résidences secondaires si elles le souhaitent.

M. Daniel Fasquelle. Je défends l’amendement CE876, en précisant que les zones de montagne ne sont pas les seules concernées : d’autres territoires touristiques, notamment littoraux, sont également touchés. On a de vraies difficultés pour maintenir la population permanente, qui est parfois chassée par l’arrivée de personnes extérieures dont le pouvoir d’achat est important et qui achètent des résidences principales pour les transformer en résidences secondaires. Je demande au Gouvernement de prêter attention à cette problématique.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Mon amendement CE2209 fait suite à de longs débats qui ont eu lieu à l’occasion de l’examen de la loi Montagne, y compris en commission mixte paritaire – cela doit raviver quelques souvenirs chez notre collègue Martial Saddier. Nous n’avions finalement pas trouvé de solution adaptée à la situation que connaissent certains secteurs, notamment de montagne, mais aussi littoraux, comme l’a souligné Daniel Fasquelle. Nous vous proposons de donner une solution aux communes dans le cadre des PLU. On rencontre des situations très difficiles dans les zones de montagne, où les résidences secondaires sont très peu utilisées, voire pas du tout, ce qui conduit au phénomène des « lits froids ».

M. Richard Lioger, rapporteur. C’est un sujet difficile. L’usage des logements peut changer : une résidence secondaire peut ainsi devenir une résidence principale. Je comprends bien l’idée générale, mais ce que vous proposez serait très difficile à appliquer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis du même avis. Je sais bien qu’il est facile dans certaines zones, notamment dans les stations de montagne, de savoir si l’on a affaire à une résidence secondaire ou principale, mais on peut aussi très facilement procéder à un changement d’usage du bien. Cet angle ne peut donc pas être le bon. Il y a en revanche d’autres sujets que nous essayons de traiter, comme celui des « lits froids », qui est très important. Je ne crois pas à la possibilité d’imposer la mixité entre les résidences principales et secondaires. Cela peut fonctionner sur le papier mais pas dans les faits.

M. Jimmy Pahun. J’ai une question qui est peut-être celle d’un Béotien. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ne peut-elle pas permettre de répondre en partie à ces difficultés ?

M. Martial Saddier. Le constat est partagé par tous les acteurs de la montagne. J’ai cosigné l’amendement CE452 que nous sommes un certain nombre à défendre depuis des années. Certaines de nos vallées et de nos stations font partie des territoires les plus attractifs au monde : on trouvera toujours sur cette planète 5 % de gens prêts à payer n’importe quel prix pour y acheter n’importe quel bien. Cela se traduit par la fermeture du secteur de l’hôtellerie et sa transformation en résidences secondaires, ce qui pose des problèmes pour les populations permanentes – mais aussi pour les saisonniers. Et si vous contactez un bailleur social pour travailler dans ces territoires, cela fait rigoler tout le monde… Voilà la réalité que les maires, les députés et les présidents d’intercommunalités vivent au quotidien. Chez nous, la suppression du coefficient d’occupation des sols (COS) a été une vraie catastrophe. Nous avons déposé des amendements sur ce sujet, mais ils ont été systématiquement retoqués. Le seul moyen possible, et ce sont tous les élus concernés qui le disent depuis dix ans, est de cadenasser le territoire grâce aux documents d’urbanisme. On doit faire en sorte qu’ils n’autorisent plus de telles fuites. Sinon, les populations permanentes seront littéralement chassées de certaines vallées.

M. Xavier Roseren. Il y a une vraie problématique. Je suis prêt à retirer mon amendement si le Gouvernement s’engage à discuter de cette question : nous devons travailler sur la différenciation entre les résidences permanentes et les résidences secondaires. Nos stations se vident de leurs résidents permanents et deviennent des sortes de Disneyland. Il faut que les gens puissent continuer à vivre à la montagne.

M. Daniel Fasquelle. J’invite le Gouvernement à regarder ce que l’on fait dans d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Autriche. Au Tyrol, où l’on rencontre la même problématique, des solutions ont été trouvées. Il y a d’ailleurs eu un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne sur ce sujet en 1999 – l’arrêt Konle. Il y a peut-être des solutions que l’on pourrait transposer en France. Nous avons créé des programmes d’accession sociale à la propriété dont certains bénéficiaires font la culbute au moment de prendre leur retraite : ils revendent leur bien à des résidents secondaires et vont habiter un peu plus loin. Je l’ai vécu dans ma propre commune. On perd ainsi peu à peu de la vitalité, alors que nous avons besoin d’un minimum de population permanente pour faire vivre les communes en dehors des pics de fréquentation touristique. C’est un vrai sujet pour lequel on doit absolument trouver des solutions. Il est faux de dire qu’il n’y en a pas : elles existent dans d’autres pays.

M. Vincent Rolland. Tout a déjà été dit, ou presque, mais je voudrais quand même souligner que l’on passe rarement d’une résidence secondaire à une résidence principale, comme le rapporteur l’a dit tout à l’heure. Il y a en effet de très importantes pressions immobilières dans les secteurs dont nous parlons : des gens extrêmement riches peuvent se payer des biens à des prix complètement fous. On peut imposer des pénalités financières lorsque le propriétaire d’une résidence principale revend son bien à un acheteur qui en fait une résidence secondaire, mais la commune empoche souvent la pénalité sans que cela règle complètement le problème. Il faut absolument cadenasser certaines zones en faisant en sorte qu’il y ait des résidences principales à titre définitif. Beaucoup de personnes fuient ces territoires, où l’on ne trouve presque plus aucun habitant permanent, ce qui pose des problèmes de fréquentation des écoles et impose des déplacements très importants entre le domicile et le travail, qui ont notamment un impact négatif sur l’environnement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je voudrais proposer au ministre de travailler ensemble, entre la réunion de la commission et la séance publique, à un amendement qui permettrait de résoudre toutes ces difficultés que l’on rencontre dans les territoires de montagne et littoraux.

M. Éric Pauget. Le secteur de la montagne n’est pas le seul concerné. Dans le département des Alpes-Maritimes, entre Monaco et Saint-Tropez, des zones entières dépendent complètement des saisons : il y a du monde l’été, mais tout est mort l’hiver. C’est aussi un vrai problème.

Par ailleurs, permettez-moi de revenir un instant sur la loi Littoral : elle est très contraignante, c’est vrai, mais elle protège. Il ne faudrait pas toucher, pour faire du quantitatif, à des dispositions qui ont permis de préserver depuis une vingtaine ou une trentaine d’années le littoral de la Côte-d’Azur, en empêchant de faire tout ce que l’on a connu précédemment.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis d’accord pour considérer qu’il s’agit d’amendements d’appel et pour essayer de travailler ensemble avant la séance publique. En attendant, je répète mon avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. En ce qui concerne la loi Littoral, dont nous avons déjà parlé, je veux être très clair afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Toutes les modifications adoptées – et tous les avis que j’ai donnés – visent à respecter la protection qu’elle apporte : il y a une cohérence dans notre vigilance.

Je suis tout à fait prêt à travailler sur cette question, Madame Battistel, même si je crois que nous l’avons déjà beaucoup fait. On est confronté à une difficulté réelle, face à laquelle il est très difficile de trouver une martingale. En tout cas, il serait très compliqué de figer un plan d’urbanisme sur la base d’éléments qui ne sont pas entre les mains des collectivités, mais de personnes qui peuvent individuellement apporter les modifications qu’elles souhaitent. Les zones concernées peuvent évoluer dans le temps sans que les signataires des PLU ne soient vraiment les acteurs qui prennent les décisions. Ce sont les propriétaires qui décident de transformer une résidence principale en résidence secondaire, ou inversement, et non les élus locaux. Il faut donc étudier toutes les pistes sans se limiter à la distinction entre les résidences principales et les résidences secondaires, qui me paraît très compliquée à suivre en droit et sur le plan pratique. Je serai très heureux de travailler avec vous, je l’ai dit, pour essayer de trouver une solution d’ici à la séance publique ou au retour du texte à l’Assemblée dans le cadre de la navette.

Lamendement CE1587 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques CE452, CE876 et CE2209.

Puis elle examine lamendement CE22 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Par cet amendement, nous vous proposons de rétablir la participation pour voirie et réseaux (PVR), qui est abrogée depuis le 1er janvier 2015, dans les seules communes de montagne ou de faible densité démographique et de recourir à des conventions de projets urbains partenariales dans les zones désignées comme constructibles par les cartes communales. Nous rejoignons ainsi le débat d’hier soir, au cours duquel le ministre et le rapporteur se sont montrés ouverts à un assouplissement des conditions de majoration du taux de la taxe d’aménagement pour les communes de montagne. Il faut leur donner les moyens d’assurer leur développement. Toutes les petites communes et tous les petits établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) n’en ont malheureusement plus la possibilité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous sommes plutôt favorables à une majoration du taux de la taxe d’aménagement dans certains secteurs, comme vous venez de le dire, afin de pallier la suppression des participations pour voirie et réseaux. J’émets donc un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position.

M. Martial Saddier. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai peu ou mal dormi, mais il me semblait qu’il y avait un refus hier soir sur la question de la majoration de la taxe d’aménagement.

Il y a une double peine dans les zones de montagne. Quand on se fait prendre la majorité des terrains pour construire des résidences secondaires et que l’on ne peut pas faire payer très sévèrement leur viabilisation, ce sont les quelques résidents permanents restants qui paient pour les résidences secondaires. Il en va de même quand des stations d’épuration sont dimensionnées pour 100 000 habitants présents quatre mois par an et qu’elles sont financées par les résidents permanents. Cela vaut pour tout, y compris les routes. Il y a des gens qui ne passent qu’une semaine chez nous et qui nous demandent si nous habitons là toute l’année… Nous devons accueillir les touristes mais aussi défendre ceux qui vivent toute l’année dans les zones de montagne ou littorales.

La commission rejette lamendement.

Article 13
Simplifier la hiérarchie des normes des documents durbanisme

1.   L’état du droit

Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) se trouve au centre de la pyramide des documents d’urbanisme. Il s’agit d’un document de planification stratégique, créé par la loi SRU ([55]). En l’instituant, le législateur a souhaité confier aux collectivités locales une responsabilité de mise en cohérence des différentes politiques sectorielles d’aménagement du territoire sur de larges bassins de vie. La loi Alur ([56]) a conforté le SCoT comme document « intégrateur » pour les PLU ou PLUi (plans locaux d’urbanisme intercommunaux) puisqu’il suffit qu’un document local d’urbanisme soit compatible avec le SCoT pour être reconnu compatible avec les autres normes supérieures auxquelles celui-ci doit se référer.

Hiérarchie des normes en matière d’urbanisme

Source : Étude d’impact

La notion de compatibilité exige que les dispositions d’un document ne fassent pas obstacle à l’application des dispositions du document de rang supérieur. La notion de prise en compte implique qu’une disposition d’un document qui serait contraire à un document supérieur doit être motivée.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 13 habilite le Gouvernement, dans un délai de dix-huit mois, à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi, pour limiter et simplifier les obligations de compatibilité et de prise en compte faites aux documents d’urbanisme. L’existence de plusieurs liens d’opposabilité complexifie la traduction dans les documents d’urbanisme des objectifs et orientations fixés par les documents de rang supérieur. L’article habilite le Gouvernement à prendre toute mesure de nature législative :

– permettant de réduire le nombre de documents opposables aux SCoT, aux PLU et aux documents durbanisme en tenant lieu. Cela reviendra à identifier les documents de rang supérieur pour lesquels un lien d’opposabilité s’avère pertinent et ceux pour lesquels la garantie d’une intégration des objectifs et orientations peut prendre d’autres formes (alinéa 2) ;

– précisant cette opposabilité. Cela reviendra notamment à créer un lien dopposabilité unique, la compatibilité, et à supprimer le lien de prise en compte (alinéa 3). Cela pourra également permettre, d’après l’étude d’impact, d’unifier les règles relatives aux délais de mise en compatibilité ;

– prévoyant les mesures de coordination rendues nécessaires pour l’adaptation du SCoT et du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (alinéas 4 et 5).

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trois amendements rédactionnels. Le Gouvernement s’est engagé à préciser, en vue de la séance, le contenu de cette habilitation à légiférer par ordonnance.

*

*     *

La commission examine lamendement CE1599 de M. André Chassaigne.

M. Stéphane Peu. Nous demandons la suppression de l’article 13, car la réduction du nombre de documents opposables risque de conduire à des constructions affranchies de toute contrainte réglementaire ou locale, y compris sur le plan environnemental. Nous ne pensons pas que la réponse à la crise du logement passe par du low cost.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable. L’article 13 est nécessaire. Il faut simplifier la hiérarchie des normes applicables aux documents d’urbanisme. Je pense que le Gouvernement pourra vous rassurer sur le fait que cette simplification n’engendrera pas des constructions affranchies de toute contrainte réglementaire.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tout le monde appelle de ses vœux une simplification de la hiérarchie des normes, grâce à une réduction du nombre de documents opposables en matière d’urbanisme. L’idée n’est pas de faire de la construction low cost, mais de simplifier la vie de tous les porteurs de projets et de tous les élus locaux. Cet esprit de simplification inspire d’ailleurs un grand nombre des amendements dont nous débattons depuis des heures. Si nous poussons dans ce sens, c’est parce que nous pensons que la simplification n’est pas synonyme de dégradation, mais au contraire d’efficacité et d’amélioration de la gestion.

M. Serge Letchimy. Je comprends, Monsieur le ministre. Je pourrais, à la limite, vous faire confiance, si tout ce que nous avons entendu jusqu’à présent ne montrait pas que l’objectif est d’accélérer le processus de construction, de débloquer des situations et d’aller très vite pour atteindre un objectif financier – de rentabilité – et quantitatif. Vous déclarez qu’il faut simplifier, mais on ne peut pas dire que l’opposabilité des documents d’urbanisme et la hiérarchie des normes en matière de planification ou de réglementation des usages du sol ne sont pas rationnelles aujourd’hui. J’éprouve donc beaucoup de doutes et je crois qu’il faut rester extrêmement prudent. Vous allez devoir nous rassurer sur les risques de dérégulation et de non prise en compte des normes.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1153 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Nous vous proposons de ramener de 18 à 12 mois le délai dans lequel l’article 13 autorise le Gouvernement à adopter des mesures de simplification par voie d’ordonnance. Ce gain de temps permettra aux acteurs concernés de mieux anticiper les changements qui auront lieu et de s’y préparer plus tôt. Dans un souci de cohérence, des amendements similaires ont été déposés aux articles 58 et 61, afin d’accélérer l’application du projet de loi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Sur ce sujet très important et très technique, il me semble qu’il faut conserver le délai de 18 mois. Par conséquent, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cela me fait très mal de le dire, car je pousse depuis des heures pour aller le plus vite possible, mais nous aurons du mal à y arriver en 12 mois. Même si j’ai un peu l’impression d’être à front renversé, je pense que le délai actuellement prévu permettrait davantage de sérénité. L’expérience montre que l’on fixe trop souvent des délais qui ne sont tout simplement pas tenables.

M. Vincent Rolland. Pourquoi ne pas couper la poire en deux en prévoyant un délai de 15 mois ? (Sourires).

M. Stéphane Peu. Il y a un moyen de ne prévoir ni 12 ni 18 mois : c’est de renoncer aux ordonnances et d’écrire directement les dispositions souhaitées dans la loi. Ce serait une meilleure façon de procéder.

La commission rejette lamendement.

Puis, après avis favorable du secrétaire dÉtat, elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1123, CE1124 et CE1433 du rapporteur.

La commission étudie ensuite, en discussion commune, les amendements CE2083 de Mme Bénédicte Taurine et CE1531 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Bénédicte Taurine. L’article 13 propose de modifier par ordonnance le code de l’urbanisme. En adéquation avec les positions défendues par l’association France Nature Environnement, nous demandons que les documents relatifs à l’environnement ne fassent pas partie du périmètre de l’habilitation. Tel est l’objet de l’amendement CE2083.

M. Jean-Luc Lagleize. Afin d’améliorer l’articulation et la lisibilité des documents d’urbanisme, l’amendement CE1531 vise à fusionner les programmes locaux de l’habitat (PLH), les plans de déplacements urbains (PDU) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) afin qu’il n’y ait plus qu’un seul document opposable aux schémas de cohérence territoriale (SCOT).

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ces deux amendements. En ce qui concerne le premier, la notion de « documents relatifs à l’environnement » à laquelle il est fait référence n’est pas définie juridiquement. S’agissant de l’amendement CE1531, le plan local de l’habitat, le plan local d’urbanisme et le plan de déplacements urbains ne sont pas opposables au SCOT mais doivent au contraire être compatibles avec lui.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle adopte ensuite larticle 13 modifié.

Article 14
Clarifier les dispositions relatives aux schémas daménagement régional

1.   L’état du droit

La loi du 2 août 1984 ([57]) a transféré aux régions d’outre-mer des compétences particulières, notamment dans le domaine de l’aménagement. Elle demande notamment aux conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion d’adopter un schéma d’aménagement régional (SAR) qui fixe les orientations fondamentales en matière d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement et qui comprend un chapitre particulier, le schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), permettant l’application de la loi littoral. Prévus aux articles L. 4433-7 et suivants du code général des collectivités territoriales, les SCOT, POS et PLU doivent être compatibles avec ses prescriptions.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 13 habilite le Gouvernement, dans un délai de douze mois, à prendre toute mesure législative :

– améliorant lintelligibilité des documents actuels ;

– supprimant les dispositions obsolètes et prenant en compte les trois types de collectivités concernées, toutes régies par l’article 73 de la Constitution : les collectivités territoriale unique de Guyane (CTG) et de Martinique (CTM), les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe et Réunion) et le département de Mayotte ;

– modifiant le contenu du SAR et clarifiant la hiérarchie des normes dans laquelle s’insère le SAR ;

– simplifiant certaines modalités procédurales relatives à son élaboration et son évolution. D’après l’étude d’impact, l’obligation de faire approuver par décret en Conseil d’État les procédures ne remettant pas en cause l’économie générale du SAR pourrait être supprimée.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trois amendements rédactionnels. Le Gouvernement s’est engagé à ce qu’une concertation approfondie avec les collectivités et associations compétentes ait lieu dans le cadre de l’élaboration de ces ordonnances.

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*     *

Après avis favorable du secrétaire dÉtat, la commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1125, CE1126 et CE1127 du rapporteur.

Elle examine ensuite lamendement CE1971 de M. Max Mathiasin.

M. Jean-Luc Lagleize. Il est défendu.

M. Richard Lioger, rapporteur. La concertation avec les élus locaux que vous demandez aura lieu. Il est inutile que cela figure dans la loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Serge Letchimy. La réponse est valable : il ne faut pas polluer la loi. En ce qui concerne l’outre-mer, je rappelle qu’il existe des schémas d’aménagement régionaux (SAR) qui sont très particuliers – ils valent notamment schémas de mise en valeur de la mer (SMVM). Compte tenu des différenciations entre les départements d’outre-mer, il faudra une concertation très poussée, et il serait bon que le Gouvernement s’engage sur ce point.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je vous confirme qu’il y a un engagement et qu’il est total. Par ailleurs, je redis ce que j’ai indiqué hier soir : je suis persuadé que l’on peut travailler davantage sur la loi avec vous, et vos collègues, en vue de développer davantage le volet ultramarin.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 14 modifié.

Article 14 bis (nouveau)
(article L. 581-14-1 du code de lenvironnement)
Aménagements relatifs aux procédures de règlement local de publicité (RLP)

L’amendement adopté par la commission rend applicables aux procédures de règlement local de publicité (RLP) les aménagements prévus par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté pour les plans locaux d’urbanisme (PLU). Il s’agit notamment d’ouvrir la possibilité de déroger au principe posé par le code de l’environnement selon lequel lorsqu’un EPCI est compétent en matière de PLU, le RLP doit être élaboré sur l’ensemble de son territoire. L’amendement vise ainsi à sécuriser juridiquement la situation des EPCI créés à la suite de la fusion de plusieurs EPCI préexistants dont l’un avait engagé une procédure d’élaboration d’un RLP.

Les aménagements rendus applicables aux procédures de RLP sont les suivants :

– les EPCI à fiscalité propre comptant au moins 100 communes, dits « de grande taille », peuvent obtenir du préfet l’autorisation de procéder à l’élaboration de RLP infra-communautaires ;

– un EPCI à fiscalité propre peut achever les procédures de RLP initiées avant le transfert de la compétence en matière de RLP ou avant la création de l’EPCI, y compris dans le cas d’une fusion ;

– lors de la création de l’EPCI à fiscalité propre, y compris dans le cas d’une fusion, ou lors du transfert de la compétence en matière de RLP, les dispositions des RLP exécutoires restent applicables ;

– à titre transitoire, les communautés de communes ou d’agglomération issues d’une fusion entre un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre compétents en matière de RLP et un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre n’exerçant pas cette compétence peuvent prescrire la révision d’un RLP existant sans être obligées d’engager l’élaboration d’un RLP couvrant l’ensemble de leur périmètre.

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*     *

La commission est saisie de lamendement CE1590 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Je vais défendre en même temps l’amendement CE1594 si vous en êtes d’accord. Ces deux amendements, relatifs aux règlements locaux de publicité, visent à rectifier un oubli de la loi « égalité et citoyenneté ». Le code de l’environnement prévoit que lorsqu’un EPCI est compétent en matière d’urbanisme, le règlement local de publicité doit être élaboré sur l’ensemble de son territoire. Afin de remédier aux problèmes auxquels l’application de la loi va conduire à court terme, je vous propose des aménagements dans le temps pour certaines situations, très précisément définies : les fusions d’EPCI, les transferts de compétences ou le cas très particulier des EPCI de plus de 100 communes. Certains EPCI qui ont commencé à travailler sur la rédaction d’un règlement local de publicité intercommunal (RLPI) vont devoir repartir à zéro dans des délais très contraints, et avec des conséquences financières très lourdes. Pour ces différents cas, la loi « égalité et citoyenneté » a prévu des aménagements concernant les PLU, mais elle n’a pas inclus les RLPI. Nous devons rectifier cet oubli qui a fait l’objet d’un certain nombre de remontées depuis le terrain. L’amendement CE1594 couvre l’ensemble des situations que j’ai citées, tandis que le CE1590 se limite aux seules fusions d’EPCI.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis plutôt favorable à l’amendement CE1594, qui permet de créer un parallélisme bienvenu avec les règles prévues pour les PLU. Je suggère le retrait de l’autre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’émettrai aussi un avis favorable à l’amendement CE1594.

Lamendement CE1590 est retiré.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte ensuite lamendement CE1594 de M. Benoit Potterie.

Article 14 ter (nouveau)
(article L. 581143 du code de lenvironnement)
Délai supplémentaire pour la caducité des règlements locaux
de publicité (RLP)

L’amendement adopté par la commission accorde un délai supplémentaire de deux ans pour la caducité des règlements locaux de publicité (RLP) antérieurs à la loi Grenelle II dès lors qu’est prescrit un règlement local de publicité intercommunal (RLP[i]). La loi « ENE » de juillet 2010 ([58]) a refondu la procédure d’élaboration du RLP(i) afin de l’adosser à la procédure d’élaboration du PLU(i). Aussi, des mesures transitoires ont été définies afin de transformer les RLP de première génération (antérieurs à la loi ENE), en RLP deuxième génération. La loi a accordé un délai de dix ans pour ce faire. Néanmoins, l’évolution des périmètres des EPCI au 1er janvier 2017 a affecté la capacité des EPCI à se saisir de cette compétence. La disposition adoptée par la commission prévoit désormais un délai de douze ans pour opérer cette transformation.

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*     *

La commission aborde ensuite lamendement CE1596 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite ENE ou « Grenelle II », a fait évoluer la forme et le contenu des règlements locaux de publicité. Les documents actuels seront caducs en juillet 2020, ce qui est beaucoup trop proche de nous pour les EPCI qui sont récemment devenus compétents en matière d’urbanisme – certains ne le sont que depuis 2017, à la suite de la loi ALUR. Il faut en effet beaucoup de temps, et d’argent, pour établir un règlement local de publicité. Si nous n’agissons pas, le risque est que certains documents deviennent caducs avant que les EPCI aient pu en élaborer de nouveaux. C’est pourquoi mon amendement prolonge de deux ans le délai pour les EPCI qui se sont engagés dans la rédaction d’un nouveau RLPI. Cela leur donnera un peu plus de temps tout en garantissant que tout le monde joue le jeu.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis favorable, même si je n’aurais peut-être proposé qu’un an, pour ma part.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE1967 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Cet amendement technique vise à faciliter la stabilisation des SCOT et des PLU intercommunaux, qui doivent être mis en compatibilité avec les documents d’un niveau supérieur. Les dispositions que nous vous proposons sont issues d’une proposition de loi transpartisane qui a été adoptée au Sénat. Elles visent à inverser les calendriers prévus pour la mise en compatibilité. Jusqu’à présent, les délais dépendent de la date d’adoption du dernier document supérieur. Un SCOT ou un PLU qui vient d’être adopté peut ainsi avoir à être mis en compatibilité avec un autre document, ce qui conduit à une situation d’instabilité et d’insécurité sur le plan juridique et à une forme d’épuisement des élus. Grâce à notre amendement, les délais courront en fonction du calendrier propre aux SCOT et aux PLU – on prendra respectivement en compte leur prochaine révision ou la prochaine évaluation triennale de leur compatibilité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je vous propose de retirer votre amendement. C’est en effet un des objectifs de l’ordonnance prévue à l’article 13 : les mesures qui seront élaborées par le Gouvernement dans ce cadre permettront de satisfaire votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je pense aussi que l’amendement pourrait être retiré, car il me paraît satisfait. Cela fait partie des éléments prévus à l’article 13.

Lamendement CE1967 est retiré.

La commission examine les amendements CE1200 et CE1198 de M. Pierre Morel-À-LHuissier.

Mme Laure de La Raudière. Le problème qui se pose est lié à la hiérarchie des normes d’urbanisme.

Quand des territoires, des communes, des communautés de communes mettent en place des stratégies d’occupation des sols, les élus se mettent d’accord au travers d’un SCOT sur une orientation d’urbanisation et d’occupation des sols. Mais les SCOT ne deviennent prescriptifs que lorsque les communes révisent leur PLU ou leur carte communale – un document très souple, qui ne fait pas l’objet de révisions régulières, triennales ou même obligatoires, le délai moyen de ces révisions étant de l’ordre de quinze ans !

Cela crée des tensions sur le terrain. Il est donc proposé par l’amendement CE1198 que le SCOT devienne prescriptible dans deux domaines, les droits à construire – pour respecter, votre souci d’étalement des sols – et les installations classées.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable.

L’article 13 du projet de loi prévoit déjà une ordonnance pour simplifier la hiérarchie des normes.

Par ailleurs, il ne semble pas opportun de prévoir que les règles de PLU relatives à l’affectation des sols deviennent inopposables lorsqu’elles sont contraires à un SCOT publié depuis six mois. En effet, sauf cas très particuliers, les dispositions du SCOT sont stratégiques et générales, et ne peuvent donc pas être directement opposables à des autorisations du droit des sols.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la députée, le problème que vous posez est réel : nous y sommes en effet confrontés sur le terrain. Mais je pense qu’il faut le traiter dans le cadre de l’article 13 qui prévoit précisément de revoir la hiérarchie des normes.

L’amendement CE1198, comme d’ailleurs l’amendement CE1200, risqueraient de provoquer des situations très délicates. Prenez le cas d’une construction qui est conforme à un PLU : le PLU deviendrait caduc par rapport au SCOT qui s’imposerait.

Nous vérifierons, dans le cadre de l’habilitation prévue à l’article 13, qu’il n’y a pas de trou dans la raquette. Je comprends votre préoccupation mais je redoute des effets de bord juridiques.

Mme Laure de La Raudière. Il me semble qu’il faudrait, pour ce faire, préciser l’habilitation.

Monsieur le rapporteur, il s’agit non pas de retirer au PLU sa valeur juridique mais d’éviter qu’une commune ne se mette systématiquement en contradiction avec le SCOT, ce qui n’est pas dans l’esprit de la loi. C’est particulièrement vrai avec les cartes communales – dont on parle moins que des PLU. Je souhaiterais que ce problème soit réglé en séance.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je propose qu’on précise l’article 13, pour montrer que celui-ci devra traiter de ce sujet dans le cadre de l’habilitation. Ainsi, il n’y aura plus aucun doute.

Mme Laure de La Raudière. Je maintiens l’amendement CE1198, qui relève du bon sens.

La commission rejette lamendement CE1198.

Mme Laure de La Raudière. La situation visée dans l’amendement CE1200 est encore plus contradictoire. Quand les élus se mettent d’accord pour élaborer un Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) sur un territoire sur lequel existe déjà un SCOT, ils votent une délibération prévoyant que le PLUi sera mis en conformité avec le SCOT. Or pendant la période d’examen du PLUi, qui peut durer trois ou quatre ans, le SCOT n’est pas prescriptif. On s’éloigne ainsi de l’objectif de PLUi qui, pourtant, a été voté par l’ensemble de ces élus.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement CE1200, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tout cela pourra être remis à plat par le biais de l’article 13, si nécessaire en le modifiant pour montrer que l’on va traiter le sujet.

Je vous propose donc de modifier l’article 13 en ce sens, en amont de la séance.

Mme Laure de La Raudière. Je retire l’amendement.

Lamendement CE1200 est retiré.

La commission est alors saisie de lamendement CE1303 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. La procédure du sursis à statuer permet aux collectivités locales de bloquer de nouveaux projets qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme en cours d’élaboration. La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017 a précisé que le sursis à statuer ne pouvait être mis en œuvre qu’après le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (PADD).

Or ce débat intervient relativement tôt dans la procédure d’élaboration du PLU, alors même qu’il est souvent difficile de savoir si un projet immobilier compromettrait réellement la mise en œuvre du nouveau PLU. Cela peut avoir pour effet de bloquer abusivement des projets immobiliers pendant la phase de révision. Cet amendement vise à remédier à ces situations en reportant le fait générateur de la possibilité de surseoir à statuer jusqu’à la date à laquelle le PLU est arrêté.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le pouvoir de sursis à statuer donné aux collectivités est important – je vous renvoie à tous les débats que nous avons eus depuis hier sur le rôle des élus locaux, et en particulier du maire – et il est déjà très encadré non seulement dans la durée, mais aussi par l’analyse des surcoûts éventuels.

Le texte est déjà équilibré. Je vous propose donc de retirer votre amendement. Sinon, mon avis sera défavorable.

M. Stéphane Peu. Une fois encore, je suis d’accord avec le ministre : il ne faut pas toucher au sursis à statuer. C’est précisément parce le délai entre le PADD et le PLU peut être assez long que le sursis à statuer est utile. Il est levé lorsque la collectivité a démocratiquement fait le choix des options d’urbanisation. Ainsi, le temps nécessaire à l’élaboration du PLU ne peut pas être un temps d’opportunité pour permettre, par exemple, à des opérateurs de réaliser des projets qui s’avéreraient ensuite contraires au PLU. Il faut conserver un processus démocratique dans les démarches d’aménagement et de construction dans les villes.

M. Robin Reda. Je remercie M. le secrétaire d’État pour la considération dont il fait preuve à l’égard des élus locaux. Le plan local d’urbanisme, qu’il soit communal ou intercommunal, est un moment démocratique très fort, très intense qui peut effectivement faire craindre à la profession des suspensions de permis de construire parmi ceux qui pourraient être accordés. Mais généralement, c’est pour mieux prévoir, planifier et favoriser des constructions raisonnées, concertées et donc acceptées à l’avenir. Je considère moi aussi que le sursis à statuer est à maintenir en l’état.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je le rappelle, le sursis à statuer a déjà été modifié dans la loi égalité citoyenneté. Il est bon de ne pas revenir sans cesse sur les dispositions prises. C’est ainsi que l’on donne de la visibilité à tous les acteurs concernés.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je retire mon amendement.

Lamendement CE1303 est retiré.

Article 14 quater (nouveau)
(article 102 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté)
Différé dapplication du volet foncier des plans locaux de lurbanisme
valant PLH (PLUi-H)

Depuis la loi n° 201786 du 27 janvier 2017 dite loi « Égalité citoyenneté », les orientations du plan local de l’habitat (PLH) doivent prévoir une stratégie foncière. Le diagnostic du PLH doit désormais comporter une analyse des marchés fonciers, de l’offre foncière et de son utilisation, de la mutabilité des terrains et de leur capacité à accueillir des logements, et prévoir la création d’un observatoire du foncier. Ces dispositions, également applicables aux plans locaux de l’urbanisme valant PLH (PLUi-H), sont entrées en vigueur dès publication de la loi « Égalité citoyenneté ».

L’insertion d’une telle stratégie appelle un délai de mise en œuvre pour les collectivités qui ont opté pour un document de planification et de programmation unique, le PLUi-H. En effet, la procédure d’élaboration des PLUi-H est bien plus longue et complexe que la procédure valant pour les PLH, rendant difficile, en cours d’élaboration ou de révision, la réalisation d’un diagnostic foncier reposant sur un recensement précis des gisements fonciers.

Aussi, au regard du principe constitutionnel de sécurité juridique, l’amendement adopté par la commission, à l’initiative du Gouvernement, diffère l’application de ces dispositions, pour les PLUi-H en cours d’élaboration ou de révision au moment de l’entrée en vigueur de la loi « Égalité citoyenneté ». Par ailleurs, l’amendement prévoit que les EPCI concernés devront adapter leur PLUi‑H pour intégrer un volet foncier conforme aux attendus de la loi, dans un délai de deux ou trois ans, selon que cette mise en compatibilité implique ou non une révision du document.

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*     *

La commission examine lamendement CE2654 du Gouvernement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. On s’est rendu compte sur le terrain qu’un certain nombre de dispositions du II de l’article 102 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, qui visent à doter les programmes locaux de l’habitat (PLH) et les plans locaux d’urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l’habitat (PLUi-H) d’une véritable stratégie foncière, étaient difficiles à mettre en œuvre.

Ces difficultés provenaient notamment des intercommunalités qui adoptaient un PLUi mais qui n’avaient pas eu le temps d’élaborer une stratégie foncière quand il ne s’agissait pas, en fait, d’un PLUi, mais d’un PLUi-H. On a relevé plusieurs cas où les collectivités n’avaient pas eu suffisamment de temps pour établir leur stratégie foncière.

Au regard de l’importance de définir une stratégie foncière de bonne qualité, et de ne pas retarder la mise en place d’un PLU, nous proposons de décaler la date limite nécessaire pour adopter ces stratégies foncières dans le cadre d’un PLUi-H, afin de s’adapter à la réalité du terrain et à toutes les remontées que nous avons pu avoir.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Article 15
(articles L. 621-32, L. 632-2, L. 632-2-1 [nouveau] et L. 632-3 du code du patrimoine)
Adapter lavis des Architectes des Bâtiments de France

1.   L’état du droit

La délivrance d’autorisations d’urbanisme, d’autorisations environnementales et d’autorisations au titre des sites classés nécessite, dans divers cas, la consultation des architectes des Bâtiments de France (ABF). Les ABF sont des fonctionnaires du corps des architectes urbanistes de l’État. Ils ont une mission de service public qui consiste en la conservation et l’entretien des espaces protégés.

Les ABF émettent un avis de nature différente selon le type d’espace protégé et selon le type d’autorisation d’urbanisme :

 dans le cas dun avis simple, l’autorité qui délivre l’autorisation peut passer outre l’avis de l’ABF ;

– dans le cas dun avis conforme, l’autorité qui délivre l’autorisation doit obligatoirement suivre l’avis de l’ABF ;

– dans le cas dun avis consultatif, hors secteur protégé, l’autorité qui délivre l’autorisation peut demander un avis à l’ABF au titre de son expertise.

Avis des ABF selon le type d’espace protégé et de projet

Type despace protégé / de projet

Type davis de lABF

Site patrimonial remarquable i.e. les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public

Avis conforme

[article L. 632-1 du code du patrimoine et article R*425-2 du code de l’urbanisme]

Abords des monuments historiques

Avis conforme

[article L. 621-32 du code du patrimoine et article R*425-1 du code de l’urbanisme]

Projet situé dans un site inscrit en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement (construction)

Avis simple

[article R*425-30 du code de l’urbanisme]

Bâtiment situé dans un site inscrit en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement (démolition)

Avis conforme

[article R*425-18 du code de l’urbanisme]

Projet situé dans un site classé ou en instance de classement (déclaration préalable)

Avis simple

[article R*425-17 du code de l’urbanisme]

Projet situé dans un site classé ou en instance de classement (permis de construire ou de démolir)

Autorisation du ministre de l’environnement après consultation possible de l’ABF

[article R*425-17 du code de l’urbanisme]

Hors espace protégé

Avis consultatif possible

La loi du 7 juillet 2016, relative à la liberté de création, de l’architecture et du patrimoine, dite « loi LCAP » a uniformisé le régime juridique des avis rendus par lABF dans les sites patrimoniaux remarquables et les périmètres de protection des monuments historiques.

Sont soumis à autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords d’un monument historique ainsi que les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles bâtis, l’état des immeubles non bâtis et les éléments d’architecture et de décoration, dans les sites patrimoniaux remarquables. Au-delà de deux mois ([59]), en cas de silence de larchitecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné.

En cas de désaccord avec lABF, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision au préfet de région, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Au-delà de deux mois ([60]), en cas de silence, le préfet est réputé avoir rejeté ce projet de décision, c’est-à-dire accepté l’avis de l’ABF.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   La modification de la portée de l’avis de l’ABF

Lalinéa 4 prévoit des dérogations à la règle selon laquelle, dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou aux abords d’un monument historique, les autorisations d’urbanisme, les autorisations environnementales et les autorisations au titre des sites classés sont soumises à un avis conforme de l’ABF. Les alinéas 8 à 12 prévoient la soumission à un avis simple de lABF les autorisations portant sur :

 les antennes relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d’accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques ;

– les opérations relatives aux terrains sur lesquels sont utilisés aux fins d’habitation des locaux ou installations impropres à cet objet pour des raisons d’hygiène, de sécurité ou de salubrité et communément appelés « bidonvilles » ;

– les mesures prescrites pour les immeubles à usage dhabitation déclarés insalubres à titre irrémédiable ;

– les mesures prescrites pour des immeubles à usage dhabitation menaçant ruine ayant fait l’objet d’un arrêté de péril et assorti d’une ordonnance de démolition ou d’interdiction définitive d’habiter ;

b.   La simplification des modalités de recours contre un avis de l’ABF

Lalinéa 6 prévoit qu’en cas de recours contre un avis de l’ABF devant le préfet de région formé par l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme, le silence préfectoral vaut approbation de ce projet de décision, et non plus rejet.

Ces nouvelles dispositions ne seront pas applicables aux immeubles ou parties d’immeubles protégés au titre des monuments historiques (alinéa 14) pour lesquels le régime juridique des avis rendus par l’ABF n’est donc pas modifié. Ces nouvelles dispositions n’entreront en vigueur que pour les demandes déposées à compter du lendemain de la publication de la loi (alinéa 15).

3.   L’avis du rapporteur

Le contrôle des ABF sur les autorisations d’urbanisme a permis et permet encore de protéger le patrimoine. Dans la pratique, la plupart des travaux font l’objet d’un examen collégial associant l’ABF. Cette concertation permet souvent d’aboutir à un avis favorable ou à un avis favorable assorti d’observations sur les travaux proposés.

Néanmoins, dans certains cas, les projets peuvent être bloqués ou rendus excessivement difficiles par les exigences de l’ABF... Les avis de ce dernier peuvent entrer en contradiction avec d’autres objectifs, pourtant importants, comme le déploiement des réseaux mobiles à très haut débit ou la lutte contre l’habitat indigne.

L’article du projet de loi est parvenu à un équilibre. L’article ne supprime en rien l’avis de l’ABF mais laisse aux maires, dans certains cas bien délimités et quand ils le jugeront nécessaire, la possibilité de ne pas suivre cet avis. Le rapporteur n’est néanmoins pas favorable à étendre outre mesure la suppression de l’avis conforme de l’ABF, que ce soit, par exemple, dans le cadre de la délivrance des autorisations d’urbanisme pour les interventions sur les vitrines commerciales ou pour les installations utilisant l’énergie solaire. L’avis conforme de l’ABF sur ce type d’opérations est de nature à garantir une bonne protection des espaces protégés au titre de leur intérêt patrimonial.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements rédactionnels ainsi qu’un amendement de précision à l’initiative du rapporteur pour inclure, dans l’autorisation soumise à l’avis simple de l’ABF, les antennes permettant la diffusion du très haut débit par voie hertzienne (THD radio). La THD radio qui est une des technologies permettant l’accès au THD dans les zones difficiles d’accès pour les réseaux filaires (zones très peu denses, zones de montagne).

Afin de permettre au porteur de projet de mieux comprendre la décision de l’ABF, la commission a souhaité que cette décision soit complétée par un volet économique en cas d’avis de péril ou de mise en danger de la vie d’autrui.

Pour mieux prendre en compte les différents enjeux dans les situations de blocage, la commission a adopté un amendement de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis sur cet article, prévoyant la possibilité pour un porteur de projet de recourir à une médiation dans le cadre du recours qu’il exerce contre la décision de l’autorité compétente.

La commission, en cohérence avec les objectifs plus généraux du projet de loi de simplification des procédures, d’accélération des projets, et de co‑construction des décisions, a adopté un amendement visant à accélérer la mise en œuvre des périmètres délimités des abords. Les périmètres délimités des abords de monuments historiques sont destinés à recentrer l’intervention de l’ABF sur les espaces à forts enjeux patrimoniaux. L’amendement adopté, à l’initiative de la commission des affaires culturelles, donne aux collectivités territoriales concernées la possibilité d’être à l’initiative de la délimitation de ces périmètres. Dans ce cas, la proposition de la collectivité est soumise à l’avis de l’ABF.

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*     *

La commission examine lamendement de suppression CE1601 de M. André Chassaigne.

M. Stéphane Peu. En effet, nous sommes absolument opposés à ce que l’avis des architectes des Bâtiments de France (ABF) soit rendu consultatif, dans les deux cas de figure visés par l’article. Je précise que je suis l’élu d’une ville où se trouvent la basilique des rois de France et un certain nombre de monuments classés, avec un centre-ville qui fait l’objet d’une procédure de résorption de l’habitat insalubre. Je suis donc concerné au premier chef par cet amendement.

Même si j’ai pu m’agacer parfois, comme élu local, de certaines lenteurs ou de certaines rigidités, je considère, au terme de plusieurs années d’expérience, que dans la mesure où chacun respecte la fonction de l’autre, l’ABF reste le garant du patrimoine.

Je crains que ce projet de loi ne fasse se retourner bien des gens dans leur tombe. Dans le cas précis, c’est André Malraux qui va se retourner dans la sienne !

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Se passer de l’avis conforme de l’ABF dans ces deux cas très limités permettra de gagner beaucoup de temps. Je pense qu’il convient de rester sur cette position. Mais j’imagine que les débats sur les ABF vont être longs…

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il faut être clair sur ce que l’on essaie de faire.

Nous avons tous des expériences différentes. Pour ma part, je me souviens être allé en Isère il y a quelques mois, pour inaugurer avec Mme Battistel un pylône de téléphonie mobile dans un village. On nous a expliqué qu’il avait fallu dix ans au maire pour pouvoir le construire parce que l’ABF avait fait tester toutes les montagnes environnantes pour savoir de laquelle ce pylône serait le moins visible ! Il se trouve qu’à l’issue de l’inauguration, nous avons discuté avec deux jeunes gens qui nous ont expliqué qu’aucune personne de moins dix-huit ans n’était restée dans le village...

Dès lors que l’on peut détruire un pylône de téléphonie aussi vite, voire plus vite, qu’on ne l’a construit, il paraît aberrant que, dans certains cas, on soit obligé d’attendre dix ans pour en installer un, ce qui revient à dévitaliser un village en faisant fuir sa jeunesse. Sans parler des personnes d’un certain âge qui peuvent rencontrer des problèmes de santé et que les services de santé n’arrivent pas à contacter.

De même, s’agissant de l’habitat indigne, devoir attendre l’avis conforme de l’ABF n’a pas permis parfois de traiter aussi rapidement qu’on l’aurait souhaité le problème.

Cela étant, je vous rejoins, monsieur Peu, l’important, ce sont les relations humaines. Tout se passe bien quand les gens apprennent à se connaître et à travailler ensemble. Et heureusement, ce n’est pas défini par la loi : c’est d’abord une question de comportement.

Quoi qu’il en soit, je suis convaincu qu’il faut passer à un avis simple au moins dans ces deux cas de figure en raison des enjeux pour la population, et des retours de terrain que nous avons eus. Tout cela nous incite à permettre cette dérogation – encore une fois très limitée.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de léducation. Comme vous pouvez l’imaginer, nous avons longuement débattu de ce point en commission des affaires culturelles. Et comme M. Peu, je suis un fervent défenseur de l’avis conforme de l’ABF. Toutefois, il faut prendre en considération les enjeux mis en avant par M. le secrétaire d’État, et surtout, se dire que cela ne concerne que des cas extrêmement particuliers.

Cela me donne l’occasion de corriger l’image véhiculée par certaines associations ultras, à la pointe de la défense du patrimoine. Celles-ci ont laissé penser en effet qu’on pourrait voir des antennes téléphoniques sur toutes les églises de France ! Il ne s’agit évidemment pas de cela : les antennes ne seraient pas posées sur les bâtiments eux-mêmes, mais sur ceux se trouvant aux abords, et dans des situations très particulières – soit, en fin de compte, une trentaine ou une quarantaine de situations de blocage avéré.

S’agissant de l’insalubrité, j’ai observé que le sujet était particulièrement prégnant dans les territoires d’outre-mer, où les centres anciens connaissent ces situations, et des blocages du fait d’une protection du patrimoine, peut-être moins assurée que sur l’Hexagone, mais posant néanmoins des problèmes.

Globalement, je suis d’accord avec M. le secrétaire d’État : on peut déroger à la règle actuelle dans ces deux cas sans prendre de risques trop importants.

Mme Laure de La Raudière. Concernant les antennes mobiles, je voudrais moi aussi abonder dans le sens de M. le secrétaire d’État : elles ne mesurent qu’une vingtaine de mètres de hauteur, en effet. On pourrait néanmoins, d’ici à la séance, voir avec l’ABF, s’il serait possible de les camoufler – blanches à la montagne ou vertes à proximité des forêts, par exemple. Il existe aujourd’hui des méthodes de camouflage assez pertinentes.

Par ailleurs, je ferai remarquer à mes collègues que nous parlons ici d’antennes de 20 mètres de haut, qui sont beaucoup moins perturbantes que ne le sont des éoliennes de 150 ou 170 mètres de haut, pales comprises, que la loi permet d’installer à un kilomètre d’un monument classé historique – ce qui est bien triste.

Mme Anne-Laurence Petel. L’application de la disposition prévue à l’article 15 sera vraiment très restrictive : l’habitat en péril et les antennes relais de téléphonie mobile. Il ne faut pas croire que cela va entraîner une grande augmentation du nombre d’antennes. Certains PLU imposent d’ailleurs, déjà, des règles de hauteur qui concernent les antennes de téléphonie mobile.

Cette mesure contribuera à réduire le temps et le délai d’instruction pour l’installation d’antennes de téléphonie mobile et permettra une meilleure couverture du territoire. On évitera ainsi les situations que l’on peut rencontrer en zone rurale – comme celle que décrivait tout à l’heure M. le secrétaire d’État – mais aussi dans des zones très urbanisées. Par exemple, dans le vieux Nice, tout un quartier est privé de 4G, et certaines rues n’ont tout simplement pas de « service voix ». Je rappelle que la téléphonie mobile sert aussi à véhiculer les appels d’urgence. C’est donc un enjeu de sécurité.

Mme Emmanuelle Ménard. On est parfois confronté à des ABF qui refusent la destruction de certains immeubles, et qui exigent leur restauration. Cette restauration entraînant des coûts extrêmement importants, les communes qui ne peuvent pas se le permettre sont condamnées à conserver cet habitat indigne. Je suis donc tout à fait favorable à cette disposition de l’article 15, ce qui me conduira à retirer mon amendement CE1954 qui va venir un peu plus tard en discussion.

En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous sur les antennes de téléphonie mobile. Certes, celles-ci sont indispensables à l’attractivité de nos villages. Mais ne pourrait-on pas associer les ABF à la discussion autour de leur installation ? Ils pourraient préconiser des moyens de camouflage, ou indiquer des emplacements moins préjudiciables à nos paysages et à notre patrimoine.

M. Mickaël Nogal. Quel est l’objectif de ces débats ? La revitalisation des territoires. Or, comme le disait le secrétaire d’État, celle-ci ne peut pas se faire sans un bon réseau téléphonique, ni sans un habitat rénové. Il est donc important de simplifier la procédure, ce qui ne veut pas dire qu’un avis simple ne sera pas pris en compte. On n’oppose pas les uns aux autres : on facilite la vie de nos concitoyens, en particulier ceux qui sont les plus éloignés et qui habitent en zone rurale.

M. Stéphane Peu. André Malraux ne pourra pas se retourner dans sa tombe, puisqu’il a été incinéré ! Mais j’espère que sa mémoire pèsera sur nos consciences…

Je suis d’accord pour admettre que l’on peut distinguer les deux cas de figure. Du reste, si les opérateurs de téléphonie pouvaient déjà éviter d’avoir chacun leur antenne, on en économiserait pas mal. Mais c’est un autre sujet…

En revanche, je ne connais personne qui va séjourner en Italie et qui ne s’extasie devant les paysages et l’entretien du patrimoine dans les villes et les villages. Comment un pays comme la France, avec son histoire et patrimoine, peut faire fi de l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France sur la rénovation de l’habitat insalubre qui, par définition, se rencontre souvent dans des centres-villes anciens ? Ce n’est jamais avec l’ABF qu’on perd du temps. On en perd sur d’autres sujets beaucoup plus compliqués, d’acquisition foncière, de relogement, etc. Préservons-nous des « monstruosités » auxquelles on a abouti, dans le cadre de la résorption de l’habitat insalubre, lorsqu’on s’est affranchi de l’avis des architectes des Bâtiments de France ! Ne renonçons pas à l’avis conforme des ABF sous prétexte de gagner du temps.

Enfin, il existe déjà la procédure des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), qui a été utilisée à Dieppe, aux Puces de Saint-Ouen, etc. Elle permet de concilier et l’avis des ABF, et la résorption de l’habitat insalubre.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Ce que l’on va construire après n’est pas concerné ici. Aujourd’hui, les arrêtés d’insalubrité sont encadrés par la loi ; le cheminement reste le même. Si destruction il doit y avoir, parce que l’on estime que le bâtiment tombe sous le coup de cet article, ce qui sera reconstruit à la place restera soumis à l’avis conforme de l’ABF.

M. Stéphane Peu. Mais il y a aussi la rénovation !

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Tout aménagement ultérieur sera soumis à cet avis. Il s’agit simplement d’accélérer la procédure qui permettra de libérer le terrain : cela n’entrave pas la procédure qui suivra.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’invite M. Peu à se rendre à Lecce, une ville italienne absolument magnifique, dont les toits sont tapissés d’antennes hertziennes.

Par ailleurs, au cours de l’audition sur le volet numérique du projet de loi ELAN, les opérateurs nous ont tous expliqué que les antennes 5G seraient beaucoup plus petites et directionnelles. Grâce à l’évolution de la technique le paysage sera, je l’espère, moins altéré qu’avec les actuelles antennes 4G.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je tiens à insister sur le fait qu’il n’est pas question ici de remettre en cause le principe des ABF, l’attachement à notre patrimoine et la valorisation du patrimoine culturel, pour redynamiser nombre de nos territoires. L’idée est simplement d’éviter la dévitalisation des centres-bourgs qui manquent d’antennes de téléphonie mobile, et de régler la situation de celles et ceux qui logent dans des bâtiments qui sont sous le sceau d’un arrêté d’insalubrité et donc, d’une destruction ou d’une rénovation impérieuse. Ne peut-on pas accélérer la procédure avec un avis simple et non un avis conforme dans ces cas-là ?

Il s’agit non pas de remettre en cause l’intérêt, l’objectif, la qualité ou l’ambition, mais de prendre en considération une « rapidité d’exécution » face à deux besoins importants pour la population française.

La commission rejette lamendement CE1601.

La commission examine lamendement CE2784 de M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de léducation.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Cet amendement est le premier d’une série de quatre que je défends au nom de la commission des affaires culturelles afin d’améliorer les conditions d’intervention des architectes des bâtiments de France (ABF) en secteur protégé, et de répondre aux critiques – pas toutes illégitimes – qui leur sont parfois faites.

L’amendement vise à faire mieux accepter les enjeux patrimoniaux liés aux abords de monuments historiques en demandant au représentant de l’État de les porter plus en amont à la connaissance des élus, notamment lors de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des schémas de cohérence territoriale (SCOT). La prise en compte de ces enjeux dans les documents d’urbanisme permettra d’améliorer la prévisibilité des avis des ABF, mais aussi leur stabilité. En effet, il est souvent reproché aux ABF de rendre des avis inconstants : la mesure proposée permettra de s’assurer que leurs avis sont conformes à un référentiel, lequel ne constituera pas un document opposable mais sera intégré aux documents d’urbanisme et pourra être librement consulté par les pétitionnaires en amont de leurs demandes pour en faciliter l’instruction.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le sujet que nous abordons est très délicat. La proposition de la commission des affaires culturelles nous semble relever davantage d’une circulaire que de la loi ; je propose donc le retrait de l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis ; le mieux est parfois l’ennemi du bien. Cet amendement vise à compléter les éléments que l’État est tenu de transmettre aux collectivités dans le cadre de la procédure du porter à connaissance. Ces compléments portent sur les abords des monuments historiques qui feraient l’objet d’une charte transmise aux collectivités lorsqu’elles entament une procédure de révision du PLU ou du SCOT. Ayant réalisé de nombreux PLU et SCOT pendant ma carrière d’élu local, je suis convaincu que plus les documents s’empilent, plus les obstacles s’accumulent.

Cela étant, le droit actuel permet déjà de transmettre des éléments informatifs sur la protection patrimoniale sans imposer à l’État l’élaboration d’une charte spécifique. Comme l’a proposé le rapporteur, je suggère que la procédure du porter à connaissance soit précisée par une circulaire ; cela me semble plus sage que de recourir à la loi.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. J’entends ces arguments mais cet amendement s’inscrit dans une logique visant à instaurer le dialogue et la coconstruction entre les élus et les ABF. Le document en question me semble donc pertinent, surtout au regard d’un amendement que je défendrai dans un instant afin de permettre la pré-instruction des demandes d’avis par les élus qui, pour ce faire, devront asseoir leur avis sur une doctrine.

Je maintiens donc l’amendement, mais je suis prêt à discuter pour trouver le compromis qui permettra d’instaurer le dialogue en partant du principe qu’il faut, pour conduire un dialogue, être au moins deux.

M. Stéphane Peu. J’ignore si cette proposition relève d’une circulaire ou de la loi mais je sais ceci : la suppression de l’avis conforme, prévue dans le projet de loi sans aucun cadre permettant de la compenser pour maintenir le dialogue et le rôle des ABF en matière de préservation du patrimoine, déséquilibre complètement le texte. Mieux vaut faire l’inverse : conserver l’avis conforme et, si nécessaire, renvoyer à une circulaire. En supprimant l’avis conforme moyennant le renvoi à une hypothétique circulaire, on affaiblira considérablement le rôle des ABF qui, dans un pays patrimonial comme la France, reste important.

M. Jean-Luc Lagleize. L’intervention des ABF est souvent perçue comme un facteur de ralentissement des projets qu’au contraire, M. Denormandie souhaitait ce matin accélérer. D’autre part, les préconisations des ABF ne sont pas toujours constantes, ce qui peut entraver l’avancement des projets. Nous soutiendrons donc cet amendement et en défendrons plus loin un autre dans le même sens, afin d’impliquer les ABF très en amont des projets, de sorte qu’ils donnent leur avis et ne se dédisent pas en aval. Il n’y a aucune raison que le fait de leur demander leur avis en amont ralentisse l’avancement des projets.

M. Alain Perea. Les ABF sont une centaine et, a priori, il n’est pas prévu d’augmenter ce nombre. Les outils permettant la concertation – dont je conviens avec M. Gérard qu’elle est nécessaire – ne doivent pas pour autant conduire à imposer des travaux supplémentaires aux ABF. En effet, avant d’être portés à la connaissance des collectivités, les éléments en question devront être produits et défendus par les ABF. Il existe sans doute de nombreuses autres méthodes permettant d’alléger leur travail et de recentrer leurs missions, plutôt que de leur confier des tâches supplémentaires dont tout porte à croire qu’ils ne pourront pas s’acquitter.

Quant au fait qu’ils se dédisent parfois, les avis continueront en effet de varier d’un architecte à l’autre tant qu’une autorité ne sera pas chargée d’évaluer les données qu’ils produisent. Il nous reste une semaine pour travailler sereinement afin de formuler une proposition équilibrée.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Ces documents existent déjà dans la majorité des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP) qui ont besoin d’un référentiel sur lequel appuyer leurs décisions et leur travail quotidien. D’autre part, les conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) – que l’on oublie parfois – ont pour la plupart produit des référentiels qui sont à la disposition des élus et des services d’urbanisme. Il n’est donc pas question d’alourdir la charge de travail mais d’améliorer la circulation de l’information en amont, de sorte que chaque pétitionnaire ait accès aux documents.

M. Mickaël Nogal. Je propose le retrait de cet amendement pour que nous nous employions à trouver un consensus. N’opposons pas les uns aux autres en faisant croire que nous voudrions passer outre l’avis des ABF et leur professionnalisme, qu’il faut reconnaître. Reconnaissons aussi qu’il existe de nombreuses contraintes et que la mesure proposée ne va pas dans le sens de la simplification. Je prône quant à moi la simplification et l’amélioration des relations sur le terrain, car elles ont parfois tendance à se tendre entre élus locaux et ABF, comme l’ont montré les auditions conduites par le rapporteur. Dans ces conditions, si l’amendement n’est pas retiré, le groupe La République en Marche s’y opposera.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE2785 de M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à accélérer la mise en œuvre d’une disposition de la loi de 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP), qui substitue au périmètre de cinq cents mètres tracé autour des monuments inscrits ou classés un périmètre « intelligent » qui tient davantage compte de la réalité du territoire. En effet, les équipes des ABF sont à ce point réduites que l’entrée en vigueur de cette mesure autour des 44 000 monuments protégés prendra du temps.

Nous proposons de tirer parti de la connaissance qu’ont les élus de leurs territoires en leur donnant la possibilité de proposer un périmètre intelligent à l’ABF, de façon non seulement à ce qu’un dialogue se noue sur le terrain mais aussi à valider rapidement les périmètres en question, qui permettront de facto d’échapper dans bon nombre de cas à la règle très rigide des cinq cents mètres.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Elle examine, en discussion commune, lamendement CE1782 de M. Stéphane Peu, les amendements identiques CE792 de M. Éric Pauget, CE878 de Mme Annie Genevard et CE2558 de Mme Marie-Noëlle Battistel, lamendement CE955 de Mme Annaïg Le Meur et lamendement CE2264 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1782 vise à supprimer le nouvel article du code du patrimoine créé par l’article 15 du projet de loi, car il réduit considérablement le rôle des ABF.

Pour ancrer le débat dans les faits, je rappelle que les ABF rendent 400 000 avis chaque année pour cent recours seulement : c’est un nombre infime bien loin de susciter je ne sais quel incessant conflit.

En outre, s’agissant des antennes-relais et du patrimoine historique dans les périmètres de résorption de l’insalubrité, les ABF jouent un rôle indispensable ; sans eux, de nombreux monuments remarquables auraient été démolis dans les centres anciens et notre patrimoine en aurait souffert.

M. Éric Pauget. L’amendement CE792 concerne la suppression du caractère conforme de l’avis de l’ABF. Cette suppression présente un danger : la conformité joue en effet le rôle de garde-fou. Or, si je partage la volonté de simplification des procédures, il ne faut pas que ce soit au détriment de la qualité et de la préservation du patrimoine.

Ensuite, les maires seront mis en difficulté. L’architecte des bâtiments de France continuera d’être saisi, fournira un avis simple au maire qui se retrouvera entre, d’une part, ses administrés, de l’autre, l’opérateur numérique dont il subira la pression.

Aussi, s’exonérer de l’avis conforme me paraît une erreur et, comme nous le disions ce matin à propos de la loi littoral, à trop simplifier, on prend trop de risques pour l’avenir.

M. Daniel Fasquelle. Il faut rester très prudent en ce qui concerne l’avis des ABF. Je partage tout à fait ce qui a été dit : sans doute faut-il recentrer ou alléger leur tâche – ils manquent parfois de disponibilité, ainsi dans la commune dont j’ai été le maire pendant dix ans et qui abrite un résident secondaire fameux – on rencontre l’ABF une fois par mois, ce qui est tout à fait insuffisant pour traiter l’ensemble des très nombreux dossiers en souffrance.

On pourrait imaginer, et je déposerai peut-être un amendement en ce sens dans la perspective de l’examen du texte en séance, la possibilité de faire appel de la décision de l’ABF devant un collège de trois ABF du département ou du département voisin. Il s’agirait par-là de ne pas rester bloqué par l’avis conforme de l’ABF dont la remise en cause me paraît des plus dangereuses, ainsi que nous le soulignons dans l’exposé sommaire de l’amendement CE878.

M. François Pupponi. Vouloir se passer de l’avis de l’ABF sur les antennes relais… je suis impressionné. Je n’ai jamais pensé qu’une antenne relais était une œuvre architecturale ; il en faut, certes, car il faut supprimer les zones blanches, tout le monde ayant le droit à la téléphonie mais qu’on ne demande pas l’avis d’un ABF sur leur installation à proximité d’un monument historique me laisse sans voix – le jour où vous aurez une antenne sur Notre-Dame, vous serez contents ! De plus, ces antennes posent un vrai problème de santé publique : les rapports parlementaires montrent qu’implantées à proximité d’une école, elles mettent les enfants en danger – tous les spécialistes l’affirment. D’où l’amendement CE2558.

Mme Annaïg Le Meur. L’amendement CE955 vise à ce qu’un immeuble situé en co-visibilité d’un monument historique soit également soumis à l’avis simple des ABF, dans les cas où il ne s’inscrit pas dans les traditions architecturales locales. Ainsi, il sera laissé un pouvoir d’appréciation plus important au maire pour suivre ou non les avis des architectes des bâtiments de France tout en protégeant les immeubles ayant un fort intérêt patrimonial.

M. Richard Lioger, rapporteur. M. Peu a évoqué une centaine de recours par an contre les avis des ABF. Je vous indique pour ma part qu’une centaine de personnes, à Metz, a renoncé à des projets et qu’une centaine de personnes a renoncé à intenter des recours. Nous avons eu cette discussion en conférence de consensus : le fait qu’il y ait très peu de recours est, précisément peut-être, très inquiétant.

Ensuite, monsieur Pupponi, supprimer le caractère conforme de l’avis de l’ABF ne revient pas à supprimer cet avis. Vous nous avez parlé sans cesse de la responsabilité des maires, notamment lorsqu’il s’agit de signer les permis de construire. Eh bien, nous nous situons dans le même cadre. Si la plupart des maires bâtisseurs, comme on dit, disposent de services de conseil, ici, l’ABF leur donne un conseil qu’ils sont libres de suivre ou non.

Je suis défavorable aux amendements en discussion commune.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suis également défavorable à ces amendements.

Au cours de ma longue carrière d’élu local, j’ai été pendant dix ans maire adjoint chargé de l’urbanisme et du logement avant de présider une agglomération. Je ne fais pas ici le procès des ABF : nous avons besoin de leurs avis qu’il n’est pas question de supprimer – nous entendons seulement supprimer, dans certains cas, l’avis conforme.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’entends régulièrement que par là nous touchons au pouvoir des maires. Je fais assez confiance aux élus locaux : ils ne suivront pas toujours l’avis simple de l’ABF et, en cas de désaccord, un dialogue sera entamé pour trouver une solution.

Il n’est pas étonnant qu’il n’y ait pas beaucoup de recours contre les avis conformes – encore les modalités du recours ont-elles évolué depuis l’époque où il fallait saisir un inspecteur général en le suppliant qu’il veuille bien descendre sur le terrain pour examiner la situation locale ; ensuite, le recours intenté auprès du préfet a très peu été utilisé pour les raisons qu’on connaît. Les statistiques ne reflètent pas les difficultés sur le terrain.

Je ne reviens pas, pour ne pas passer pour caricatural, sur les avis différents des ABF qui se succèdent. Cela ne signifie pas, j’y insiste, qu’ils ne font pas du bon travail, qu’on n’a pas besoin d’eux – je ne l’ai jamais affirmé. Nous essayons d’avoir une position mesurée. Nous pouvons tenir compte de l’expérience, du fonctionnement de nos collectivités pour en tirer des conclusions.

J’ajoute, toujours en ce qui concerne les recours contre les avis, que nous avons souhaité rétablir l’état du droit avant la loi de 2016 : le silence du préfet vaudra acceptation des recours et non plus refus. Il s’agit de faciliter la procédure et de gagner du temps. L’un des intervenants l’a rappelé : il n’y a pas en France un nombre considérable d’ABF et je ne pense pas qu’ils se multiplient dans les années qui viennent quels que soient les gouvernements qui se succèdent. Plus on leur donne de travail et plus les délais s’allongent, aussi est-il sage de rechercher une solution mesurée. Faisons confiance à la concertation.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Nous sommes en effet en train de rétablir le droit d’avant la promulgation de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP), ce qui va plutôt le sens de l’histoire. Il ne faut donc pas trop s’alarmer des recours, dont la procédure reste malgré tout très simple. Certes leur faible nombre a sans doute des raisons mais on ne peut pas l’expliquer par la supposée complexité de ladite procédure : un simple courrier adressé au préfet de région…

Pour ce qui est de la possibilité d’une médiation, je vais dans un instant, au nom de la commission des affaires culturelles, défendre un amendement allant dans ce sens.

L’amendement de Mme Le Meur pose de vraies questions : comment définir la notion d’architecture traditionnelle au sein d’un périmètre sauvegardé ? Un bâtiment d’un grand architecte contemporain parfaitement intégré dans son environnement appartient-il à la tradition du patrimoine local ? Imaginez un bâtiment de Le Corbusier au milieu du Marais : un avis simple de l’ABF vous paraît-il suffisant dans ce cas ? La vision dynamique du patrimoine que donne l’ABF est précisément une valeur ajoutée, le patrimoine n’ayant pas vocation à être mis sous cloche à partir d’un instant t de l’histoire.

M. Martial Saddier. À titre personnel, je soutiens le rapporteur, donc – je le dis moins fort – le ministre. J’assume ma position parce que deux ABF qui se succèdent dans un département peuvent avoir sur le même dossier des positions complètement inverses. Personne ne l’a évoqué mais, quelquefois, des avis conformes sont donnés sans aucune justification : « C’est ainsi, je suis l’ABF, je décide. ».

Quant à la procédure, chers collègues, que vous estimez simple, au cours de ma longue carrière d’élu local, monsieur le ministre, j’ai été maire d’une ville totalement classée. Or, le recours contre un avis de l’ABF ne consiste pas seulement à envoyer une lettre au préfet de région : vous êtes convoqués devant une commission régionale dont le rapporteur est le représentant de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et il est rare que ce dernier contredise l’avis de l’ABF ; en outre, la composition de la commission vous laisse assez peu de chance de l’emporter et on envoie la copie au préfet de région qui est bien embêté. Voilà la réalité de la procédure et il ne faut donc pas s’étonner qu’il n’y ait pas davantage de recours.

M. Thierry Benoit. L’avis de l’architecte des bâtiments de France, qu’il soit conforme ou simple, sera le même. La position du ministre et du rapporteur est quant à elle fidèle aux propositions du candidat Macron : lever les freins, faire sauter les verrous. Or c’est ici le maire qui, après avis simple de l’ABF, prendra ses responsabilités et décidera de l’installation ou non d’antennes relais à tel endroit. Les maires sont des gens sérieux, compétents et honnêtes. Il ne sert par conséquent à rien que l’avis de l’ABF soit conforme. Nous faisons, nous, confiance aux maires – ce n’est pas le « nouveau monde » mais ce qu’a souhaité le Président de la République – or c’est ce que je veux : faire confiance aux élus locaux. Donc, que l’avis de l’ABF soit un avis simple, c’est parfait.

M. Jean-Louis Bricout. Je n’ai pas tout à fait le même avis que M. Benoit.

M. Thierry Benoit. Quels sont vos arguments ?

M. Jean-Louis Bricout. Si l’objectif est bien de lever des freins, je crains que nous ne créions des conflits. Certes l’avis sera toujours donné par l’ABF et il sera ou non suivi par le maire.

M. Thierry Benoit. En effet !

M. Jean-Louis Bricout. Or, on sait que, dans certaines communes, ce n’est pas un cadeau que nous allons faire au maire : quand il s’agit, parfois, ne serait-ce que de couper un arbre – ce qui peut avoir une incidence sur le patrimoine –, il y a des conflits au sein du conseil municipal, des conflits avec la population.

M. Thierry Benoit. Mais le maire disposera de l’avis de l’ABF !

M. Jean-Louis Bricout. Il en va de même avec l’éolien. Je suis donc très réservé.

M. Stéphane Peu. Je suis étonné, monsieur Benoit : un maire ne fait pas ce qu’il veut en matière d’urbanisme.

M. Thierry Benoit. Bien sûr ! Il est tenu de respecter la loi.

M. Stéphane Peu. Pour l’installation d’une antenne relais, qui ne nécessite pas un permis mais une autorisation de travaux, un maire doit se plier au droit de l’urbanisme local et s’il ne veut pas de cette antenne relais, il ne peut pas la refuser au seul prétexte qu’elle ne respecterait pas le patrimoine : en cas de recours, il perdra. Tout n’est pas soumis au bon vouloir du maire. Il ne s’agit donc pas ici de renforcer la confiance dans les élus locaux mais bien de céder aux lobbies de la téléphonie mobile.

M. Thierry Benoit. Mais non !

M. Stéphane Peu. Bien sûr que si : jamais un maire ne pourra, en toute responsabilité, décider qu’ici on implante une antenne, là non… Il y a des règles à respecter.

M. Mickaël Nogal. Nous faisons la loi pour nos concitoyens. Pourquoi déployons-nous des antennes ? (Rumeurs.) J’en reviens à des considérations basiques car j’ai l’impression que nous nous lançons dans des débats qui n’ont pas lieu d’être.

M. Stéphane Peu. Vous verrez quand il y aura une antenne sur Notre Dame de Paris.

M. Mickaël Nogal. Des règles s’appliquent aux maires.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. Mickaël Nogal. Et comme le rappelait Thierry Benoit, les règles continueront de s’appliquer, que l’avis de l’ABF soit simple ou conforme.

M. Stéphane Peu. Il n’y a pas le choix !

M. Mickaël Nogal. Soit on décide de faire confiance aux maires, de les responsabiliser, soit non ; mais on ne peut pas tenir deux discours différents. Or le discours que nous entendons depuis tout à l’heure est très ambivalent.

M. Stéphane Peu. Ce que vous dites ne correspond pas à la réalité.

M. Daniel Fasquelle. Nous sommes tous d’accord sur le fait que le maire ne peut pas décider en opportunité mais qu’il décide en droit. Et en décidant en droit, il peut s’appuyer sur les règles d’urbanisme local – PLU, zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), ou du moins les nouveaux outils qui la remplace… – et sur les dispositions du code de l’urbanisme qui lui permettent de s’opposer à un projet en raison, par exemple, de son impact sur son environnement immédiat. Aussi, si le maire veut trouver un point d’appui légal pour s’opposer à l’implantation d’une antenne, il en a parfaitement la possibilité sans qu’on lui reproche de prendre une décision en opportunité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je réitère mon avis défavorable à tous les amendements en discussion commune. Nous aurons de toute façon l’occasion de reprendre ce débat à l’occasion de l’examen du texte en séance.

La commission rejette successivement lamendement CE1782, puis les amendements identiques CE792, CE878 et CE2558, enfin lamendement CE2264 après que lamendement CE955 a été retiré.

Puis elle en vient, en discussion commune, aux amendements CE1918 et CE1919 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Je partage au mot près ce qu’a déclaré le ministre sur les ABF et l’objet de ces deux amendements était d’élargir le périmètre des avis simples. Compte tenu des discussions que nous avons eues, les députés de la majorité et moi-même, il me paraît plus correct de retirer les deux amendements afin que nous puissions les retravailler ensemble sereinement et trouver des propositions équilibrées dans la perspective de l’examen du texte en séance.

Les amendements sont successivement retirés.

Les amendements CE1132 et CE1131, du rapporteur, sont successivement retirés.

La commission ensuite lamendement CE2786 du rapporteur pour avis.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Le présent amendement s’inscrit dans la continuité de celui qui, à mon grand regret, n’a pas été adopté tout à l’heure, qui permettait d’adresser un référentiel à l’autorité administrative chargée d’instruire les dossiers et avait pour objet que ladite autorité pré-instruise les demandes d’avis. L’idée était d’introduire davantage de collégialité afin que l’avis conforme ne soit pas un obstacle mais plutôt le résultat d’une discussion très en amont des projets.

Sur les 400 000 avis déjà mentionnés, pas loin des deux tiers ont peu ou pas d’impact sur la qualité des centres urbains ou des périmètres protégés. Il s’agit, concernant les décisions qui vont porter sur les couleurs des volets, les liners de piscines, les huisseries…, de permettre à l’autorité administrative de prévalider une décision de l’ABF.

M. Richard Lioger, rapporteur. Une telle disposition nous semble ici encore relever de la circulaire. Je vous invite donc à retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Dans la mesure où il s’agit de donner une nouvelle capacité aux élus, ce qui semblait tout de même répondre à la tonalité globale de la discussion, je ne suis pas sûr qu’une circulaire suffise. Elle donnera une impulsion aux ABF, c’est certain, encore faut-il, une fois encore, que, dans un dialogue, on ait au moins deux parties prenantes et que les maires soient informés et saisis de leur nouvelle capacité.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1395 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. En un an, on compte seulement une trentaine de recours contre les avis des ABF. Les maires disposent en effet de peu de temps et c’est pourquoi le présent amendement prévoit de porter de sept jours à au moins quinze jours leur possibilité d’exercer un recours.

Il s’agit d’un amendement d’appel.

M. Richard Lioger, rapporteur. La disposition que vous proposez étant d’ordre réglementaire, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis, étant entendu que je considère bien qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

M. Thibault Bazin. Je veux bien le retirer, monsieur le ministre, pour peu que j’aie bien compris : j’ai lancé l’appel et vous l’avez reçu… (Sourires.)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Quand je dis oui, c’est oui ; quand je dis non, c’est non. Ici, sans a priori, je suis prêt à discuter même s’il est contradictoire de vouloir accélérer les procédures tout en allongeant le délai dont il est ici question de sept à quinze jours.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1897 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Je propose pour ma part de porter le délai à un mois. C’est également un amendement d’appel puisque j’ai bien compris qu’une telle disposition est plutôt d’ordre réglementaire. Je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1409 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le demandeur ne dispose de la faculté de former un recours qu’à l’encontre de la décision de réalisation des travaux et non de l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France.

Pour assurer plus d’efficience à cette mesure et permettre la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction pourtant souhaitées par les élus locaux, il convient d’ouvrir aux porteurs de projet la possibilité d’intenter un recours administratif auprès du préfet de région à l’encontre de la décision défavorable de l’ABF.

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous créez un recours pendant la phase d’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme, ce qui allonge les délais de délivrance des autorisations d’urbanisme. De plus, vous laissez entendre que le préfet pourrait accorder l’autorisation d’urbanisme à la place du maire, ce qui, de votre part, est un peu étonnant. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2787 du rapporteur pour avis.

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Le présent amendement, quatrième et dernier de la commission des affaires culturelles, vise à introduire, pour simplifier les processus de discussion et la lisibilité des recours, un médiateur qui pourrait être saisi par tout pétitionnaire afin d’arbitrer une décision non conforme. Cette procédure ne se substituerait pas au recours contre l’avis de l’ABF mais ouvrirait la possibilité d’un dialogue au sein de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA). Je n’étais pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur Saddier, au sujet des formalités de recours puisque, désormais, le recours s’exerce devant la CRPA au sein de laquelle siègent plusieurs élus régionaux.

M. Martial Saddier. Vous y êtes-vous déjà rendu ?

M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis. Oui. Les services de la DRAC y sont représentés par exemple.

L’objet de l’amendement est de désigner, parmi les élus de la CRPA, un médiateur qui pourrait être saisi par tout pétitionnaire, de façon à obtenir un éclairage de la CRPA qui ne soit pas uniquement celui des services de l’État et de la DRAC.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Daniel Fasquelle. Je soutiens cet amendement. S’il y a très peu de recours, c’est parce que les maires craignent aussi de se fâcher avec leur ABF, disons-le. L’institution d’un médiateur me paraît donc bonne et reprend un peu l’idée que j’ai émise tout à l’heure.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE2487 de M. Damien Adam.

M. Damien Adam. Les avis des architectes des bâtiments de France sont rendus par un architecte unique. Pris par différents architectes successifs, les avis sont souvent hétérogènes dans le temps, empêchant les acteurs de la construction d’avoir une visibilité sur le long terme, ce qui représente un frein à la construction.

Le présent amendement vise donc à apporter davantage de cohérence sur le long terme aux avis rendus par l’ABF en introduisant une forme de collégialité dans leur élaboration. Autrement dit, les avis ne seraient plus délivrés par un architecte isolé mais collectivement et ainsi bien moins perçus comme des décisions subjectives ; les modalités concrètes de ce travail collégial pourraient être laissées à l’ABF.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne sais pas si nous trouverons ce soir la martingale sur le sujet. Nous tournons un peu autour du pot. Votre amendement me semble en tout cas trop alourdir les procédures. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il faudrait multiplier le nombre d’ABF par trois… Je rappelle que 400 000 avis sont donnés chaque année. La procédure me paraissant un peu lourde, je donne un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte lamendement de précision CE1133, du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE1781 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Comme l’article 15 prévoit de supprimer l’avis conforme des ABF concernant l’implantation des antennes relais, le présent amendement vise à le rétablir. Nous ne parlons ici que des périmètres concernés par l’ABF – toutes les antennes relais ne sont donc pas visées. Des monstruosités ont été réalisées et si l’on pouvait épargner nos villes situées dans un secteur protégé et éviter qu’elles soient défigurées par des antennes relais, ce serait une bonne chose. Si je vois bien, par ailleurs, les contraintes que nous nous imposons en ayant recours au simple avis de l’ABF, je ne vois pas du tout, en revanche, quelles contraintes nous imposerions aux opérateurs de téléphonie mobile pour les conduire à n’implanter qu’une seule antenne là où on en compte quatre ou à faire quelques efforts financiers pour rendre ces antennes compatibles avec le patrimoine.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes arguments que précédemment.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Je rappelle à M. Peu qu’en ce qui concerne la mutualisation, nous avons beaucoup travaillé et, je pense, avec succès, pour faire en sorte que les opérateurs se regroupent sur une même antenne.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1298 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le présent amendement de précision vise à inclure, dans l’autorisation soumise à l’avis – simple – de l’architecte des bâtiments de France, les antennes permettant la diffusion du très haut débit par voie hertzienne (THD radio), ainsi qu’on nous l’a demandé lors des auditions de la commission.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE894 de M. Emmanuel Maquet et CE1554 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Thibault Bazin. Le projet de loi prévoit de diminuer la portée de l’avis de l’ABF pour les opérations de traitement d’un péril imminent, péril ordinaire ou procédure d’insalubrité dans les secteurs protégés au titre du patrimoine. Or, dans ces situations, les travaux engagés peuvent ne pas porter uniquement sur la situation ayant déclenché la procédure. D’autres travaux, pour cohérence technique ou selon le désir du propriétaire, peuvent être envisagés. Il n’y a donc pas de raison de ne pas soumettre ces travaux corrélatifs à l’accord de l’ABF.

Le code de la construction et de l’habitation prévoit que le maire peut, en cas de péril imminent et en l’absence de réalisation des travaux par le propriétaire de l’immeuble, procéder d’office à leur exécution. La puissance publique est donc déjà en mesure de remédier aux situations visées par les alinéas 10 à 12.

Pour toutes ces raisons, l’amendement CE894 vise à maintenir l’accord préalable de l’ABF pour les travaux relevant de l’habitat indigne.

M. Jean-Luc Lagleize. Après vous avoir entendu, je pense que l’on pourrait accepter un avis simple de l’ABF dans la mesure où cet architecte a été inclus dans une réunion préalable.

Je retire donc l’amendement CE1554.

Lamendement CE1554 est retiré.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis d’accord avec M. Lagleize. Le projet de loi prévoit cette disposition en vue d’accélérer les interventions. Il est question aussi de faire primer les enjeux de sécurité et de salubrité. Je suis donc défavorable à l’amendement CE894.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable à l’amendement CE894 pour les mêmes raisons que le rapporteur.

M. Daniel Fasquelle. J’appelle votre attention sur le fait que l’on est en train d’ouvrir une faille. En réalité, au prétexte qu’un bâtiment est en péril ou en mauvais état, on peut faire des interventions qui risquent de défigurer un bâtiment exceptionnel. Une intervention malheureuse faite dans l’urgence risque d’abîmer pour toujours ce patrimoine en état de fragilité que des propriétaires qui seraient par exemple en indivision n’ont pas les moyens de restaurer. Je ne suis absolument pas d’accord avec le rapporteur et je soutiens l’amendement de M. Maquet que j’ai cosigné.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Maquet, vous arrivez au moment où l’on parle de vous.

M. Emmanuel Maquet. J’étais en commission du développement durable. J’arrive effectivement au bon moment.

J’ai géré pendant seize ans, en tant que maire, un secteur sauvegardé du littoral et j’ai été confronté à des opérations de péril simple ou imminent. L’aide de l’ABF était particulièrement importante pour faire prendre conscience au propriétaire qu’il devait rénover son bâtiment dans les règles de l’art. Je suis attaché à cet amendement, car il est utile que l’ABF puisse être présent et émettre un avis sur la restauration de ces bâtiments.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il est dommage que M. Maquet n’ait pas pu assister au débat que nous venons d’avoir. Son expérience n’est pas tout à fait celle de beaucoup d’entre nous. Je répète qu’il ne s’agit pas de supprimer l’avis conforme de l’ABF mais bien que l’ABF puisse donner un avis qui pourra être suivi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il y aura toujours un avis de l’ABF.

M. Emmanuel Maquet. Par définition, l’avis simple n’est pas l’avis conforme. Il est extrêmement important de ne pas renvoyer au maire la pression que l’ABF n’exercerait plus.

La commission rejette lamendement CE894.

Elle en vient à lamendement CE1780 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement concerne la résorption d’habitat insalubre dans des périmètres sauvegardés.

Des procédures existent déjà pour que les maires n’aient pas besoin de l’avis simple de l’ABF en cas de péril imminent d’un édifice, s’il faut l’évacuer en urgence ou en cas de chute sur le domaine public. Par contre, un avis conforme de l’ABF est indispensable pour les procédures de résorption d’un habitat dégradé ou insalubre. Que vont devenir ces centres-villes, qui sont souvent anciens, si on se passe de la préoccupation patrimoniale pour résorber l’insalubrité ? On sait bien que la pression économique fait qu’il est souvent plus rentable de raser l’existant et de construire du neuf que de réhabiliter le patrimoine.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons tous les mêmes expériences, mais nous n’en tirons pas tous les mêmes conséquences. En cas de péril imminent, on peut mettre en sécurité le bâtiment, mais pas engager sa rénovation ni sa confortation. Parfois, on préfère laisser le bâtiment s’écrouler. Avec l’avis de l’ABF, il est tout à fait possible d’intervenir le plus rapidement possible pour l’ensemble de ces bâtiments.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même observation et même expérience. Défavorable.

M. Martial Saddier. Si les bâtiments tombent en ruine alors qu’ils présentent un enjeu patrimonial, c’est aussi parfois par manque d’argent privé ou public. Ce constat découle de quinze, vingt, trente ans d’évolution de notre société.

Mes chers collègues, vous pourrez prévoir tous les avis conformes de la terre sur un bâtiment qui tombe en ruine faute d’avoir trouvé, depuis trente ans, l’argent pour le réhabiliter, cela ne vous aidera pas à trouver l’argent.

M. Richard Lioger, rapporteur. Exactement.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE283 de Mme Pascale Boyer.

Mme Pascale Boyer. L’article 15 propose de lever les verrous en ce qui concerne les opérations de traitement de l’habitat indigne et les projets d’installation d’antennes relais de radiotéléphonie mobile. Le présent amendement prévoit de lever également les freins en ce qui concerne les projets d’installations utilisant l’énergie solaire. Cette ouverture s’inscrit dans le cadre du développement des énergies renouvelables, notamment dans les zones urbaines.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Nous avons eu une longue discussion à ce sujet. Il ne faut pas ouvrir davantage la levée de l’avis conforme.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Il faut maintenir un système équilibré. Ce que vous proposez irait trop loin.

Mme Pascale Boyer. Dans ma ville, certains immeubles ont une hauteur qui permettrait l’installation de panneaux photovoltaïques qui ne seraient pas visibles du sol. L’avis conforme de l’ABF est presque inutile et il freine le développement de cette énergie dans les villes qui bénéficient d’un ensoleillement exceptionnel.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement que nous avons adopté tout à l’heure qui prévoit l’accélération de ces périmètres intelligents aux abords des monuments historiques doit en partie satisfaire ce type de cas particulier, puisqu’il permet de partir de la réalité du terrain et de la covisibilité effective et non plus du périmètre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La covisibilité ne s’évalue pas simplement à partir du sol. Dans certains cas, cela pose d’autres problèmes.

Mme Pascale Boyer. Je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1329 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Cet amendement vise à donner davantage de souplesse aux commerces en ce qui concerne leurs interventions sur leurs vitrines et devantures commerciales. Il a pour effet de favoriser le commerce et de contribuer à la revitalisation des centres-villes. Ce sujet me semble aller dans le sens des priorités du Gouvernement. Il est également urgent parce que près de la moitié des centres-villes français présentent un taux de vacance supérieur à 10 % – il dépasse même les 15 % dans certaines villes.

Les causes de ce phénomène sont multiples. Je pense que celle du poids des normes et des contraintes est particulièrement importante. Certains avis des ABF renforcent encore ces contraintes. Ils freinent les initiatives et contribuent au départ des commerces en périphérie, voire à leur disparition au profit des plateformes en ligne. C’est pourquoi je vous présente cet amendement qui vise à donner un peu de liberté aux commerçants afin de redonner un peu de vie et d’animation aux centres-villes.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il faut en rester aux dérogations que nous avons proposées. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Si l’on accepte cet amendement, autant supprimer l’avis conforme partout.

M. Benoit Potterie. Je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE134 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. C’est un amendement d’appel. Alors que j’étudiais ce texte, un établissement, situé dans ma circonscription, s’est écroulé dans la cour d’un lycée. L’architecte des bâtiments de France a donné un avis négatif à sa démolition, au motif – je lirai sa lettre en séance publique – que le bâtiment en question est situé dans un bassin de vie où il y a suffisamment de richesse pour que l’on trouve une solution en ce qui concerne les cheminées qui tombent dans la cour du lycée.

Cet amendement prévoit qu’en cas d’avis de péril ou de mise en danger de la vie d’autrui, l’architecte des bâtiments de France soit dans l’obligation de justifier un peu plus sa décision.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’ai écouté avec intérêt le cas que vous venez de relater et que je connais bien par d’autres aspects. Je suis plutôt favorable à votre amendement, c’est-à-dire à ce que l’avis de l’ABF soit obligatoirement justifié.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’écouterai avec intérêt la lecture de ce courrier. Vous proposez que l’avis de l’ABF comporte un volet économique. À partir d’un cas particulier, qui n’est pas un cas unique, on risque d’aboutir à des conséquences qui me paraissent extrêmement négatives. Quant à la définition de l’avis de péril ou de mise en danger de la vie d’autrui, elle pourra faire l’objet de contestations, de recours. Je ne peux donner un avis favorable à votre amendement tel qu’il est rédigé, tout en comprenant votre motivation.

La commission adopte lamendement.

Puis elle étudie lamendement CE1112 de Mme Séverine Gipson.

Mme Séverine Gipson. Il convient d’indiquer que l’architecte des bâtiments de France dispose d’un délai de deux mois pour donner son avis, ce qui rend cet avis moins consultatif dans le cadre de la délivrance des autorisations d’urbanisme pour des opérations et mesures citées dans l’article. En effet, le rôle de l’architecte des bâtiments de France est majeur et nous ne pouvons risquer de voir se dégrader la qualité de nos villes et de nos villages.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le délai de deux mois est déjà prévu à l’article R. 423-67 du code de l’urbanisme. Cet amendement est donc satisfait. Aussi, je demande son retrait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement pour les mêmes raisons que le rapporteur.

Mme Séverine Gipson. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE266 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement propose une évolution du rôle des ABF dans un esprit constructif, en transformant l’effet de leur avis négatif en préconisations afin de modifier le projet en conséquence. Dans la pratique, un travail collaboratif entre le pétitionnaire, son maître d’œuvre, l’autorité qui délivre l’autorisation d’urbanisme et l’ABF permettrait d’esquisser des solutions, non seulement soutenables financièrement, possibles techniquement, mais aussi acceptables d’un point de vue architectural et urbain.

Se retrouver autour d’une table de manière constructive peut permettre de gagner du temps et de construire plus.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’expression « droit de veto » n’existe pas vraiment en ce qui concerne l’ABF. Par ailleurs, les avis défavorables de l’ABF sont toujours motivés et souvent assortis de prescriptions, sauf dans certains cas où il faut les obliger à expliciter leur avis.

Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. En réalité, dans nos collectivités les préconisations sont très souvent discutées en cours de procédure, ce qui est une bonne chose.

M. Thibault Bazin. Je retire l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2648 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Je retire l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique afin de proposer que l’ABF rende un avis simple en contrepartie de la tenue d’une consultation amont.

Lamendement est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel CE1135 du rapporteur.

Puis elle est saisie successivement des amendements CE1435 et CE1136 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je les retire.

Les amendements sont successivement retirés.

La commission étudie lamendement CE1533 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement vise à associer l’ABF à l’élaboration et la modification des plans locaux d’urbanisme (PLU), de manière que les avis simples suivants soient cohérents.

M. Richard Lioger, rapporteur. Dans la mesure où l’État est associé, il peut déléguer toutes les personnes qu’il souhaite. Les ABF peuvent d’ores et déjà être associés au PLU. D’ailleurs, la plupart du temps, ils refusent d’aider à élaborer ce plan parce qu’ils ne veulent pas être coincés par des prescriptions ou des éléments qu’ils pourraient donner lors de l’élaboration du PLU. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande également le retrait de cet amendement parce que la loi prévoit que l’État est systématiquement consulté. L’ABF est un agent de l’État.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 15 modifié.

Article 16
(article L. 423-1 du code de lurbanisme)
Limitation des pièces demandées dans le cadre des autorisations durbanisme

1.   L’état du droit

Le permis de construire, d’aménager, de démolir et la déclaration préalable donnent les moyens à l’administration de vérifier qu’un projet de construction, de démolition ou de travaux respecte bien les règles en vigueur. L’autorité compétente ([61]) pour délivrer ces autorisations est le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d’un plan local d’urbanisme, ([62]) et le préfet ou le maire au nom de l’État dans les autres communes.

L’article R. 431-4 du code de l’urbanisme prévoit d’ores et déjà qu’aucune autre information ou pièce que celles énumérées aux articles R. 431-5 et suivants du code de l’urbanisme ne peut être exigée par l’autorité compétente lors de l’examen d’une demande de permis de construire. Or, d’après l’étude d’impact, cette disposition n’est pas respectée en pratique : « les retours dexpérience des professionnels de la construction durant la consultation lancée en 2017 dans le cadre de la stratégie Logement du ministère révèlent que cette demande de pièces complémentaires additionnelles à létat du droit saccompagne parfois dexigences spécifiques supplémentaires à celles des documents durbanisme » ([63]).

2.   Les dispositions du projet de loi

Les trois premiers alinéas limitent le contenu du dossier de demande de permis de construire, d’aménager ou de démolir ou de déclaration préalable que doit fournir un pétitionnaire aux seules pièces nécessaires à la vérification du respect des législations et réglementations ([64]) applicables au projet pour lequel une autorisation d’urbanisme est sollicitée.

Il s’agit donc d’élargir la disposition existant pour les permis de construire à l’article R.431-4 du code de l’urbanisme aux demandes de permis d’aménager ou de démolir et aux déclarations préalables et de lui donner une valeur légale.

Dans l’objectif de réduire les délais d’instruction, lalinéa 4 supprime la possibilité que le maire avait de demander, pour les projets de construction de logements collectifs, que soit joint un plan intérieur au dossier de demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite de cet article qui précise le contenu des dossiers de demande d’autorisation d’urbanisme. Cela répond à la fois à un souci de sécurisation juridique et de stabilité dans le temps des règles applicables à l’instruction des autorisations d’urbanisme. Le rapporteur sera particulièrement attentif au décret prévu pour donner son plein effet à cette mesure législative.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission n’a pas adopté d’amendement sur cet article.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE414 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. L’article 16 prévoit d’inscrire dans la loi qu’aucune autre pièce que celles prévues dans la réglementation et le droit de l’Union européenne ne peut être demandée. Nous considérons que l’on entre là dans un niveau de détail excessif et nous proposons donc la suppression des alinéas 2 et 3 de cet article. Alors que les élus et le pouvoir exécutif veulent simplifier la vie des Français, nous devons être au quotidien les acteurs de la simplification.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis assez d’accord avec vos propos. Toutefois, j’émets un avis défavorable dans la mesure où l’article R. 431-4 du code de l’urbanisme limite les pièces qui peuvent être exigées. Il appartient aux autorités de réglementer la réception des pièces et de la limiter.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même position, pour les mêmes raisons.

M. Thierry Benoit. Simplificateur jusqu’au bout, je retire cet amendement (Sourires.).

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE898 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Cet amendement vise à simplifier la vie de nos administrés. Il arrive que les services instructeurs demandent au compte-gouttes et parfois de façon inattendue des documents supplémentaires, délayant rendez-vous après rendez-vous l’échéance de la complétude du dossier.

Le présent amendement prévoit qu’une liste complète et précise est rendue publique par l’administration.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement est satisfait parce qu’un décret viendra supprimer l’ensemble des pièces étrangères à ces règles. Comme il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire, nous ne souhaitons pas qu’elle soit inscrite dans la loi. Mais nous sommes bien, avec ce décret, dans l’esprit que vous proposez et je pense que le ministre va vous le confirmer.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Tout à fait. Nous considérons que votre amendement est satisfait. J’ajoute que le processus de dématérialisation de l’instruction des permis permettra d’avancer dans le domaine de la cristallisation car, ne cachons pas la réalité, il arrive que l’on demande des pièces complémentaires pour faire durer la procédure. Nous avons tous vécu cette situation.

M. Emmanuel Maquet. Je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission étudie lamendement CE1558 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Afin de faciliter le travail des services instructeurs et de comprendre le projet plus facilement, nous souhaitons ajouter un document d’insertion paysagère pour les demandes de permis de construire.

M. Richard Lioger, rapporteur. À mon sens, votre amendement est déjà satisfait. À chaque fois que j’ai pu examiner un permis de construire, l’insertion paysagère était demandée. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement est satisfait.

M. Jean-Luc Lagleize. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE899 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Il vise à engager l’administration à ne pas demander de documents supplémentaires en instaurant la remise d’un certificat de complétude du dossier, assurance ferme et définitive pour le demandeur que son dossier sera instruit.

Comme cet amendement s’appuyait sur le précédent, qui est satisfait, je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission étudie lamendement CE1935 de M. Sébastien Cazenove.

M. Sébastien Cazenove. Chaque année, environ 500 000 permis de construire sont autorisés. En réalité beaucoup plus de dossiers sont déposés.

Les dossiers sont refusés en raison de petites erreurs sur les plans, de problèmes de hauteur, de prospect, etc. C’est pourquoi je propose qu’après la complétude du dossier ou avant la transmission éventuelle aux personnes publiques associées, une procédure de dialogue soit instaurée à l’initiative du service instructeur pour apporter les corrections nécessaires à l’autorisation du dossier. Cela présente un double avantage : pour le pétitionnaire qui n’aurait pas besoin de redéposer un dossier pour le même résultat et donc gagnera du temps, et pour l’administration qui n’aurait pas à traiter deux fois le même dossier ce qui fera, là aussi, gagner du temps.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il me semble qu’une procédure de dialogue a déjà eu lieu, en pratique. Ajouter une autre phase de dialogue obligatoire pourrait, dans certains cas, conduire à un allongement des délais. Tout à l’heure il a été beaucoup question de la cristallisation. Nous espérons que le permis numérique permettra d’accélérer les choses. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable car cette disposition ajouterait une phase de dialogue obligatoire avec très souvent un effet contre-productif, c’est-à-dire un allongement des délais. De plus, cette disposition est d’ordre réglementaire.

J’ajoute que votre amendement repose sur des réalités de terrain. Diverses mesures ont déjà été identifiées et nous envisageons de procéder, dans les prochains mois, à la modification de dispositions réglementaires du code de l’urbanisme pour éviter des pratiques dites abusives.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Sébastien Cazenove. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE1358 de M. JeanChristophe Lagarde et CE1568 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Christophe Lagarde. La possibilité pour les maires de demander, dans le cadre de la construction de logements collectifs, à consulter les plans intérieurs a été supprimée pendant le mandat de Nicolas Sarkozy puis rétablie lors du précédent quinquennat. La suppression de cette mesure était essentiellement liée au fait que cela alourdissait inutilement la tâche des services de l’État à qui il revient d’instruire les dossiers des petites collectivités. Or, ce n’est pas dans les petites collectivités que des problèmes se posent mais dans les zones tendues puisque le fait que les maires ne puissent plus consulter les plans permet aux marchands de sommeil de faire n’importe quoi, par exemple de construire des logements très en deçà de ce que propose le logement social. Ce qui est paradoxal, c’est que les commissions handicap ou les commissions des pompiers auraient le droit d’accéder à ces plans car à défaut ils ne pourraient pas juger de l’accessibilité d’un bâtiment, tandis que le maire ne le pourrait pas, ce qui veut dire qu’on le prive du rapport de force qu’il a avec le promoteur pour faire construire dans les zones tendues des logements décents plutôt que des logements peu adaptés que les collectivités devront supporter financièrement.

M. Jean-Paul Mattei. Nous proposons une mesure facultative puisque c’est seulement à la demande du maire que les intéressés devront fournir ces plans.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements qui ne vont pas dans le sens de la simplification des procédures et de l’accélération du traitement des demandes d’autorisation.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je comprends le souci des auteurs des amendements, mais j’émets un avis défavorable à ces amendements qui ne vont en effet pas dans le sens de la simplification des procédures.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le maire qui s’en moque laissera filer et ne demandera pas les plans intérieurs tandis que celui qui ne s’en moque pas demandera les plans intérieurs et s’il ne les obtient pas, refusera le permis de construire. Résultat : l’accélération des procédures conduira à un conflit, à un contentieux qui, au final, les allongera. Je pense que ce n’est pas de bonne politique.

M. Jean-Paul Mattei. Je maintiens mon amendement car j’estime que cette mesure ne compliquera pas outre mesure le dossier. En général, les plans sont faits. C’est une pièce tout à fait accessoire.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous reviendrons sur cette question en séance publique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je retire mon amendement, mais je le présenterai à nouveau en séance publique : il faut entendre la réalité.

M. Jean-Paul Mattei. Je le retire également.

Les amendements identiques sont retirés.

La commission adopte larticle 16 sans modification.

Article 16 bis (nouveau)
(article 15 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à lorganisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024)
Précisions relatives au permis « à double état »
en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

La commission a adopté un amendement du Gouvernement qui complète le dispositif du permis « à double état » régi par l’article 15 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

L’amendement ouvre la possibilité de déroger aux règles d’urbanisme en vigueur afin d’autoriser l’état provisoire du projet. Cette faculté de dérogation permettra de ne pas appliquer des règles inadaptées à l’utilisation provisoire des constructions ou des aménagements. Les dérogations ne seront toutefois légales que si l’état définitif du projet respecte l’ensemble des dispositions d’urbanisme. En outre, ces dérogations ne pourront pas concerner les règles relatives à la préservation de la sécurité ou de la salubrité publiques.

L’amendement adopté cherche également à assurer l’effectivité de la réalisation des travaux nécessaires à la constitution de l’état définitif du projet. Le bénéficiaire du permis disposera d’un délai maximal de deux ans à compter de la clôture des jeux pour y pourvoir, de sorte que la date de livraison des ouvrages en version « héritage » sera garantie à une échéance prévue par le législateur. En cas d’inobservation de cette échéance, le bénéficiaire sera tenu de démolir les constructions ou de supprimer les aménagements et de remettre les lieux en état dans un délai d’un an. La méconnaissance de ce dernier délai sera punie des peines applicables aux infractions au code de l’urbanisme.

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*     *

La commission examine lamendement CE1924 de M. Francis Vercamer.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je comprends la volonté de limiter les dérives qui peuvent survenir lors de la division de locaux d’habitation, mais je ne pense pas que cela passe par l’allongement du délai d’instruction qui pénaliserait l’ensemble des projets. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE900 et CE901 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. L’amendement CE900 vise à interdire progressivement l’installation de portes et fenêtres en PVC pour des raisons esthétiques et de santé publique.

Le PVC s’est imposé depuis de nombreuses années dans notre pays comme un acteur majeur du second œuvre dans le domaine du bâtiment, avec des parts de marché de l’ordre de 60 % pour les portes et fenêtres.

L’innocuité du PVC n’est toujours pas garantie. Les perturbateurs endocriniens peuvent être inhalés et s’accumuler dans l’organisme. En cas d’incendie, leur combustion émet des fumées corrosives qui compliquent la tâche des sapeurs-pompiers.

Par ailleurs le coût environnemental des menuiseries extérieures en PVC est important. Enfin, l’impact esthétique de ce matériau est considérable notamment dans les centres historiques où les propriétaires adoptent souvent pour stratégie de mettre l’administration devant le fait accompli.

Mon amendement de repli CE901 vise à interdire l’installation de portes et fenêtres en PVC dans les sites mentionnés à l’article L. 631-1 du code du patrimoine.

M. Richard Lioger, rapporteur. Outre que vous vous attaquez complètement à une filière industrielle, les portes et fenêtres en PVC sont soumises au règlement européen des produits de construction. Leur impact sur la santé est donc contrôlé. Il n’y a pas aujourd’hui d’études ou d’éléments spécifiques qui puissent conduire à les interdire. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons.

J’ajoute que faire des différences en matière de santé selon le périmètre semblerait assez original.

M. Daniel Fasquelle. Je soutiens cet amendement. Certaines communes ont beaucoup de difficultés à faire respecter l’obligation de poser des fenêtres et des portes en bois, notamment dans certains cœurs historiques remarquables.

En outre, il faut soutenir les filières bois françaises qui sont concurrencées par des portes et fenêtres fabriquées à partir d’hydrocarbures importés en France. On parle beaucoup de bilan carbone, de respect de l’environnement. Si l’on veut respecter l’environnement et soutenir les artisans locaux – ils sont nombreux dans ma circonscription – il faut se détacher petit à petit des hydrocarbures pour retrouver nos essences locales.

M. Richard Lioger, rapporteur. En tant que lorrain, je ne peux être que favorable à la défense de la filière bois. La préfabrication, qui fait l’objet de l’article 19, devrait contribuer à dynamiser cette filière.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je confirme l’intérêt que nous avons tous pour la filière bois, et nous faisons beaucoup pour la développer. J’ai souvent entendu, lors des débats concernant les avis des ABF, que nombre d’élus locaux hurlaient parce qu’on refusait les portes et fenêtres en PVC sans qu’ils comprennent bien pourquoi.

Je suis favorable au développement de la filière bois mais pas à cette interdiction brutale que vous proposez.

M. Emmanuel Maquet. Je rappelle que la filière de recyclage n’existe pas pour le PVC, ce qui pose un vrai problème. De plus, l’interdiction du PVC dans les centres historiques n’est pas motivée par un problème de santé publique mais uniquement par des considérations esthétiques.

M. Stéphane Peu. Je soutiens moi aussi cet amendement.

Comme vient de le dire M. Maquet, on ne sait pas recycler le PVC. Il ne s’agit pas d’interdire brutalement l’installation de portes et fenêtres en PVC, mais il me paraît tout à fait judicieux d’inscrire dans la loi une mesure qui permet d’opérer une transition, en commençant par interdire le PVC dans les périmètres préservés.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Vous proposez de mettre fin à l’installation de portes et fenêtres en PVC au plus tard le 1er janvier 2022. Or, je ne suis pas sûr, compte tenu des éléments dont je dispose, que la filière bois française serait à même de répondre à la demande à cette date.

Nous devons travailler ensemble pour accélérer le développement de la filière bois, mais le remède que vous proposez risquerait de conduire à une posologie extérieure à nos frontières.

M. Daniel Fasquelle. Contrairement à ce que l’on croit, les matériaux en PVC peuvent aussi vieillir et prendre un aspect tout à fait vilain, alors qu’il existe aujourd’hui des peintures qui, appliquée sur des portes et fenêtres en bois, conservent pendant longtemps un aspect tout à fait convenable. Il faut donc sortir de cette idée selon laquelle le PVC est la solution qui permet de ne plus entretenir ses portes et fenêtres pendant de très nombreuses années.

Quant à la capacité de la filière bois, je peux vous assurer que nos artisans sont tout à fait capables de réagir très rapidement au cas où la demande serait plus forte.

M. Martial Saddier. Nous n’utilisons pas suffisamment dans ce pays l’expérimentation qui est pourtant autorisée et permise. Pourquoi ne pas lancer un appel à projet dans une ou deux villes à proximité de départements forestiers ? Cela permettrait d’amorcer la pompe.

M. Jean-Louis Bricout. Il me semblait que la filière PVC était en chute, et que les menuiseries étaient plutôt en aluminium ou mixtes en bois et aluminium. Il existe donc déjà des solutions de substitution.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE2307 de M. François Pupponi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. La création d’une nouvelle instance est de nature à alourdir les procédures d’urbanisme.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle étudie lamendement CE2659 du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement a pour objet de modifier l’article 15 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et paralympiques de 2024 afin de compléter le dispositif du permis de construire ou d’aménager « à double état », qui permettra d’autoriser par un même acte juridique une construction ou un aménagement à l’état provisoire correspondant aux Jeux et à l’état définitif correspondant à l’héritage. Par exemple les bâtiments composant le village olympique et paralympique, après avoir accueilli des athlètes, deviendront des bureaux, des logements ou encore des commerces. Le permis autorisera alors les travaux nécessaires à ces transformations.

L’amendement apporte deux compléments à ce dispositif. Le premier consiste à permettre de déroger aux règles d’urbanisme qui n’apparaissent pas adaptées à l’état provisoire du projet. À titre d’illustration, les prescriptions en matière de nombre de places de stationnement applicables normalement aux hébergements pourront être écartées parce que les athlètes ne disposeront pas en général de véhicule personnel. En revanche, ces prescriptions devront être respectées par l’état définitif du projet. Je précise que les règles relatives à la préservation de la sécurité ou les règles concernant la salubrité publique ne pourront faire l’objet d’aucune dérogation. Le second complément consiste à introduire des garanties de réalisation des travaux nécessaires à l’état définitif. Ces travaux devront être exécutés dans les deux années suivant la clôture des jeux. À défaut, le bénéficiaire devra démolir les constructions ou supprimer les aménagements dans l’année qui suit la date d’expiration des deux ans, faute de quoi il serait répréhensible d’un délit pénal.

Bien évidemment, le Gouvernement attache une grande importance à l’héritage des jeux. Cet amendement y concourt pleinement.

Je sais qu’il n’est jamais agréable de venir compléter un texte qui a été voté au mois de mars 2018. Je n’ose pas dire que nécessité fait loi !

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement qui permettra d’assurer l’effectivité de la réalisation des travaux.

M. le président Roland Lescure. Je vais donner la parole à M. Peu, député de Seine-Saint-Denis.

M. Stéphane Peu. Et du site du village olympique !

L’idée d’un permis à double détente, si je puis dire, est née d’un dialogue fructueux entre le Gouvernement et les collectivités locales. On prend toujours beaucoup d’engagement avant, mais l’héritage s’avère plus compliqué ensuite. Ce permis « à double état » permettra d’avoir un objet pour les jeux est un objet modifié pour l’héritage, ce qui est une bonne chose.

La commission adopte lamendement.

Article 17
(articles L. 423-2 et 423-3 [nouveaux] et article L. 426-1 du code de lurbanisme)
Rationalisation des données demandées aux collectivités et dématérialisation de linstruction des autorisations durbanisme

1.   L’état du droit

a.   La transmission de données par les collectivités

Les collectivités fournissent à l’administration des données sur les opérations de construction à usage d’habitation et à usage non résidentiel soumises à la procédure d’instruction du permis de construire. Le « Système d’information et de traitement automatisé des données élémentaires sur les logements et les locaux » (Sitadel) est la base de données qui recense les principales caractéristiques des opérations de construction neuve en nombre et surfaces autorisées ou commencées, selon le type de construction, le mode d’utilisation, le maître d’ouvrage et le type d’ouvrage. Géré par le service de la donnée et des études statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire, ce fichier a uniquement une vocation statistique.

b.   La dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme

À compter du 8 novembre 2018, les collectivités devront être en mesure de recevoir toute demande d’autorisation d’urbanisme par voie électronique, ainsi que le prévoit le décret n° 2016-149 ([65]), pris en application de l’article L. 112-10 du code des relations entre le public et l’administration.

2.   Les dispositions du projet de loi

Les trois premiers alinéas élargissent le champ des documents et données dont la transmission est demandée aux collectivités aux pièces des dossiers des demandes de permis et des déclarations préalables et donnent une base légale à la transmission de ces données à dautres fins que des fins purement statistiques. Ces données seront mises à la disposition de l’administration à des fins de contrôle, de traitement des taxes d’urbanisme, de suivi des changements relatifs aux propriétés bâties dans le cadre de l’assiette de la fiscalité directe locale, de mise en œuvre et de suivi des politiques publiques basées sur la construction neuve et de statistiques. Un décret viendra préciser les modalités de transmission de ces informations.

Les alinéas 4 et 5 prévoient que les communes dont le nombre total d’habitants est supérieur à un seuil devront disposer d’une téléprocédure spécifique leur permettant, non plus seulement de recevoir mais également dinstruire sous forme dématérialisée les demandes dautorisation durbanisme à compter du 1er janvier 2022. Un décret viendra fixer le seuil permettant d’identifier les communes concernées par la mesure. D’après l’étude d’impact ([66]), ce seuil pourrait être fixé à 3 500 habitants. Un arrêté pris par le ministre chargé de l’urbanisme définira les modalités de la dématérialisation de l’instruction.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur est favorable à tout ce qui est de nature à promouvoir la dématérialisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme. Il estime, comme le prévoit l’article 17, qu’il est préférable d’établir par voie réglementaire le seuil minimum fixant l’obligation de mise en place de la téléprocédure. À titre personnel, il considère que ce seuil pourrait être fixé à 3 500 habitants, en cohérence avec la réglementation relative à l’open data ([67]).

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements rédactionnels sur cet article. Le Gouvernement s’est engagé à aligner, par décret, l’échéance de la saisine par voie électronique appliquée aux demandes d’autorisation fixée au 8 novembre 2018 avec celle de la dématérialisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme portée par le projet de loi.

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*     *

La commission examine successivement les amendements CE1146 et CE1437 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je les retire.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à lamendement CE1569 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à sensibiliser le Gouvernement à la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme en ne laissant subsister dans le code de l’urbanisme que l’obligation d’un traitement dématérialisé de l’ensemble de la procédure des autorisations d’urbanisme à compter du 1er janvier 2022.

En effet, les articles L. 112-8 et L. 112-9 du code des relations entre le public et l’administration permettent à toute personne d’adresser à l’administration par voie électronique une demande, une déclaration, un document ou une information ou lui répondre par la même voie. Jusqu’à présent l’application de ces dispositions bénéficiait d’une exception à titre transitoire en ce qui concerne les demandes d’autorisation d’urbanisme par voie électronique qui arrivera à échéance le 7 novembre 2018. Il s’agit d’éviter un risque juridique.

En outre, ces nouvelles charges n’ont pas été budgétées pour 2018 par la quasi-totalité des collectivités locales.

Le présent amendement vise donc à harmoniser les délais par l’obligation d’un traitement dématérialisé de l’ensemble de la procédure des autorisations d’urbanisme à compter du 1er janvier 2022.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous pensons qu’il faut tout faire pour dématérialiser le plus tôt possible. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous considérons que votre demande est satisfaite.

Votre amendement vise à aligner l’échéance de la saisine par voie électronique appliquée aux demandes d’autorisation fixée au 8 novembre 2018 avec celle de la dématérialisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme prévue par le présent projet de loi. Or, les exceptions à la saisine par voie électronique sont définies par un décret du 4 novembre 2016 entré en vigueur le 7 novembre 2016. Pour conserver une bonne visibilité du corpus juridique de la saisine par voie électronique, il appartient au Gouvernement d’aligner, comme vous le demandez, ces deux échéances en modifiant ce décret. Je vous demande de retirer votre amendement car il sera satisfait par le projet du Gouvernement de modifier le décret précité dans le sens que vous proposez.

M. Jean-Paul Mattei. Compte tenu de ces explications, je retire bien évidemment l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1438 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE902 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. L’article 17 prévoit de dématérialiser l’instruction des demandes de permis de construire pour les collectivités dont le nombre total d’habitants est supérieur à un seuil défini par décret. L’étude d’impact évoque le seuil de 3 500 habitants qui correspondrait à la réglementation relative à l’open data. Or, en la matière, un tel seuil n’apparaît pas pertinent puisqu’il ne prend pas en compte les résidents secondaires qui participent eux aussi à la production de documents d’urbanisme.

Le présent amendement vise donc à baser le seuil de dématérialisation de l’instruction des demandes de permis de construire sur les rôles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, plutôt que sur la simple démographie des communes.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le nombre d’habitants ne paraît pas davantage pertinent que le nombre de personnes assujetties à la taxe foncière pour évaluer la dynamique urbaine des communes et donc pour définir le seuil de mise en place des téléprocédures. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons.

M. Daniel Fasquelle. L’écart entre la population permanente et la population totale en période touristique est une réalité pour un grand nombre de communes et de territoires. Le Touquet-Paris-Plage compte 4 500 habitants à l’année, mais 10 000 résidences secondaires, soit 15 000 habitants au regard de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Si la consommation d’eau et la collecte de déchets de notre commune correspondent davantage à celles d’une ville de 25 000 habitants, cette réalité n’est jamais prise en compte, seule la population permanente faisant foi. C’est là un vrai problème, et j’estime que vous ne pouvez pas balayer d’un revers de main l’amendement de M. Maquet, qui propose une solution intéressante : après tout, les occupants des résidences secondaires sont de vrais contribuables, au même titre que les résidents permanents.

M. Martial Saddier. Le fait pour la France d’être la première destination touristique au monde est une vraie richesse pour notre pays, que nous devons à notre patrimoine et à notre culture, mais aussi aux lits touristiques.

Pour ce qui est de la montagne, une ville comme Chamonix compte 9 000 habitants permanents et, grâce à ses 70 000 lits touristiques, 100 000 habitants en moyenne durant six mois de l’année. Cet exemple montre que nous devons faire en sorte de prendre en compte, au moins partiellement, les lits touristiques dans la détermination du seuil fixé à l’article 17.

M. Emmanuel Maquet. Les services d’urbanisme des petites communes par le nombre d’habitants souffrent beaucoup, car leur personnel ne correspond pas à la quantité de résidences à gérer, d’autant que les villes touristiques comportent souvent des quartiers classés, nécessitant de fréquentes interventions en urbanisme. Je m’étonne de la réponse de M. le rapporteur, qui nous dit que la prise en compte du nombre d’habitants ne paraît pas plus pertinente que celle du nombre de personnes assujetties à la taxe foncière pour évaluer la dynamique urbaine des communes et définir le seuil de mise en place de la dématérialisation des demandes de permis de construire.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il s’agit là d’un sujet dont nous débattons régulièrement, et qui n’a sans doute pas vocation à être réglé à l’occasion de cet amendement portant sur la dématérialisation des demandes de permis de construire, mais plutôt dans le cadre d’une loi comportant des dispositions fiscales d’ordre plus général.

La commission rejette lamendement.

Lamendement CE2644 est retiré.

La commission adopte lamendement rédactionnel CE1147 du rapporteur.

Elle examine lamendement CE443 de M. Vincent Descoeur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : il semble utile de prévoir un délai de quatre ans, et non de deux ans, pour la dématérialisation complète de la procédure d’instruction prévue par le projet.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CE1570 de M. Jean-Paul Mattei, CE1544 de M. Jean-Luc Lagleize, CE1898 de Mme Frédérique Lardet, CE1394 de M. Thibault Bazin et CE1166 de M. Vincent Rolland.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement CE1570 vise à préciser quelles seront les communes qui feront l’objet de l’obligation de disposer d’une téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme à compter du
1er janvier 2022.

L’étude d’impact indique que ce seuil pourrait être fixé à 3 500 habitants, dans un souci de cohérence avec les obligations de la réglementation relative à l’open data. On compte en France 2 948 communes de plus de 3 500 habitants, qui regroupent 42 millions d’habitants, soit 67 % de la population totale. Du point de vue de la volumétrie, elles représentent 51 % de l’ensemble des actes pris annuellement.

M. Vincent Rolland. Dans mon amendement CE1166, j’ai simplement relevé le seuil à 5 000 habitants, pour tenir compte du fait que les petites communes n’ont pas forcément les moyens financiers et humains de procéder à la dématérialisation.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable aux propositions consistant à fixer un seuil, celui-ci ayant vocation à être déterminé par voie réglementaire, à l’issue d’une concertation avec les collectivités.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je rappelle que la définition de ce seuil au moyen d’un décret simple est le gage d’une plus grande souplesse, car elle permettra de le faire évoluer sans intervention législative.

M. François Pupponi. Je me demande comment ces amendements ont pu être jugés recevables au regard de l’article 40, car ils constituent une dépense pour les collectivités locales. J’ai même envie de jouer les provocateurs, monsieur le ministre, en vous demandant si ces dépenses sont déduites de celles que les préfets veulent que nous diminuions : il semble pour le moins étrange que l’État nous demande de baisser les dépenses, tout en nous obligeant à les augmenter !

M. Thibault Bazin. C’est peut-être l’intégralité du projet de loi qui aurait dû être recalé au regard de l’article 40, mais pour ce qui est de nos amendements, ils viennent plutôt diminuer la charge publique…

Vous qui êtes élu d’une grande ville, monsieur le rapporteur, peut-être n’êtes-vous pas conscient du fait que les petites communes n’en peuvent plus de toutes les normes qu’on leur impose. En l’occurrence, si certaines auront les moyens d’entreprendre la réforme consistant à mettre en place une téléprocédure pour assurer le traitement des demandes d’autorisation d’urbanisme, un grand nombre d’entre elles, qui ne disposent pas du très haut débit aujourd’hui et n’en disposeront sans doute pas à l’échéance de 2022, ne seront pas en mesure de le faire. Pour ce qui est de la concertation avec les élus locaux, elle a eu lieu : les associations d’élus locaux ont pu exprimer publiquement leur position, et il y a aujourd’hui une attente forte des collectivités afin d’être rassurées sur ce point. Pour ma part, je comprends que l’on souhaite faire évoluer le seuil, mais j’aimerais être certain que le seuil retenu ne sera pas trop élevé, afin d’éviter que les petites communes se retrouvent dans une situation difficile. Or, le meilleur moyen de rassurer toutes les personnes ayant des raisons d’être inquiètes est d’inscrire le seuil dans la loi.

M. Jean-Paul Mattei. Effectivement, le fait d’inscrire le seuil dans la loi permettrait une meilleure visibilité. Quant à la réflexion de M. Pupponi, je ne vois pas ce que l’article 40 vient faire dans la discussion au sujet de ces amendements, qui ne prévoient pas d’aggravation des charges publiques, mais visent au contraire à les limiter.

M. le président Roland Lescure. En tout état de cause, ces amendements ont été jugés recevables au titre de l’article 40.

La commission rejette lamendement CE1570.

Lamendement CE1544 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE1898, CE1394 et CE1166.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE1148 du rapporteur.

Puis elle adopte larticle 17 modifié.

Article 17 bis (nouveau)
(article L. 321-4-5 [nouveau] du code des relations entre le public et ladministration)
Catégorisation des données MAJIC (mise à jour des informations cadastrales) comme données de référence

L’amendement adopté par la commission définit les informations contenues dans la base de données MAJIC (mise à jour des informations cadastrales) relatives aux caractéristiques des parcelles et à leur bâti en les catégorisant comme données de référence. Les données de référence sont les informations publiques figurant dans les documents des administrations qui peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour laquelle elles ont été produites.

L’ouverture des données devra anonymiser les informations permettant d’identifier une personne physique, dans le respect des dispositions du règlement européen sur la protection des données personnelles.

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La commission examine lamendement CE1498 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Monsieur le ministre, vous voulez construire plus, vite et bien, et nous le voulons également. C’est pourquoi nous présentons l’amendement CE1498, qui vise à ouvrir une partie des données de la base de données MAJIC (mise à jour des informations cadastrales) détenues par la direction générale des impôts, relatives aux caractéristiques des parcelles et à leur bâti, en les définissant comme données de référence dans le code des relations entre le public et l’administration. En effet, vous le savez, de nombreuses jeunes entreprises pourraient s’emparer de ces données pour accélérer les processus de construction. Notre amendement va dans le sens de la simplification, sans surcharge pour les collectivités locales.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Article 17 ter (nouveau)
Création dun guichet national de la publicité foncière

La commission a adopté un amendement créant un guichet unique centralisé et national de la publicité foncière. Toute demande de renseignement concernant la situation juridique d’un bien immobilier ou toute demande de copie de documents relatifs à un immeuble pourra être réalisée auprès de ce guichet.

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La commission est saisie de lamendement CE1714 de Mme Alice Thourot.

Mme Alice Thourot. L’amendement CE1714 vise à créer un guichet unique, centralisé et national de la publicité foncière, auquel chacun pourra adresser une demande de renseignement concernant la situation juridique d’un bien immobilier ou la copie de documents relatifs à un immeuble, en précisant le périmètre de sa demande.

La procédure de demande de renseignements concernant la situation juridique d’un bien immobilier ou la copie de document relatif à un immeuble, qui se fait pour le moment par courrier postal, sera dématérialisée, et il sera possible d’effectuer un paiement en ligne.

L’absence de guichet unique de la publicité foncière, et la complexité et la multiplicité de demandes qu’elle entraîne, conduisent régulièrement des notaires à oublier des biens dans une succession, ce qui peut avoir des conséquences très importantes. À l’heure actuelle, le demandeur doit interroger tous les services de publicité foncière – il y en a plusieurs par département – pour obtenir les informations recherchées, et régler chaque service séparément et par courrier.

Le dispositif proposé permettra d’effectuer une demande en ligne et de procéder au règlement par le même moyen, ce qui constituera une simplification bienvenue.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable à cet amendement, mais son adoption nécessitera de prendre un décret afin de préciser ses modalités de mise en œuvre.

La commission adopte lamendement.

Chapitre V
Simplifier lacte de construire

Article 18 A (nouveau)
(article L. 4313 du code de lurbanisme et article 4 de la loi n° 772 du 3 janvier 1977)
Possibilité pour les coopératives dutilisation de matériel agricole (CUMA) de ne pas recourir à un architecte pour les constructions de faible importance

La commission a adopté un amendement permettant aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) de ne pas recourir à un architecte si elles souhaitent édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d’État. Cette possibilité n’est, pour l’instant, ouverte qu’aux personnes physiques et aux exploitations agricoles.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2332 de M. François Pupponi, CE1627 de M. Jean-Luc Lagleize et CE1784 de M. Stéphane Peu.

M. Jean-Luc Lagleize. L’amendement CE1627 vise à imposer la présence de l’architecte tout au long de la réalisation de travaux, qu’il s’agisse de constructions neuves, de rénovations ou encore de réhabilitations de logements collectifs.

M. Stéphane Peu. La pratique, actuellement assez répandue, qui consiste à recourir à un architecte uniquement pour déposer le permis de construire, a des conséquences souvent préjudiciables, notamment pour les maires, lorsqu’ils découvrent qu’un bâtiment est bien différent de celui qui faisait l’objet du projet leur ayant été soumis et auquel ils avaient donné leur accord. L’amendement CE1784 vise à mettre fin à cette pratique.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable à ces amendements qui me paraissent aller à l’encontre du droit de la concurrence.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable à ces amendements : cette obligation n’existe pas aujourd’hui dans le code de la construction – personne n’a jugé nécessaire de l’y faire figurer jusqu’à présent – et il ne me paraît pas opportun de la créer.

M. François Pupponi. Dans les faits, chacun sait que lorsqu’un architecte porte un projet, il doit le suivre du début à la fin, ce qui paraît logique, puisqu’il a conçu les plans de la construction et doit assumer la responsabilité finale du projet.

M. Stéphane Peu. L’argument invoqué par M. le ministre m’étonne : si personne n’a jugé utile jusqu’à présent d’inscrire la mesure proposée dans le code de la construction, c’est qu’elle n’est devenue nécessaire qu’en raison de l’évolution des pratiques. Depuis un certain temps, sous la pression des entreprises du bâtiment, mais aussi et surtout des promoteurs immobiliers, qui ont internalisé le suivi des chantiers en le confiant à leurs propres bureaux d’études, les architectes se sont peu à peu vus déposséder du suivi complet des projets. Or, quand un architecte constitue un permis de construire, il engage sa responsabilité – en étant pour cela couvert par une assurance spécifique – pour dix ans, voire trente ans pour certaines constructions. Je ne comprends donc pas l’argument de
M. le rapporteur relatif au droit de la concurrence, car lorsqu’un architecte est dépossédé du suivi d’un projet, il n’est pas en mesure d’en garantir le parfait achèvement, mais engage tout de même sa responsabilité : c’est la double peine !

M. Richard Lioger, rapporteur. La rédaction de l’argumentaire que j’ai précédemment exposé n’était peut-être pas tout à fait satisfaisante. En fait, je voulais dire qu’il existe d’une part des architectes de conception, d’autre part des architectes de réalisation. Le suivi d’un projet n’est pas forcément confié à un architecte : il peut être effectué par un maître d’œuvre, du moment que celui-ci possède les compétences nécessaires. Nous considérons qu’il convient de favoriser cette division des tâches qui répond à la demande des gros promoteurs, mais aussi de certains particuliers qui ne font appel à un architecte que pour concevoir les plans de leur future maison, car ils n’ont pas les moyens de payer un architecte pour suivre le chantier du début à la fin.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de lamendement CE1579 de M. Fabien Lainé.

M. Fabien Lainé. Les services chargés d’instruire les dossiers de demande de permis de construire sont souvent démunis au moment de juger de la qualité architecturale d’un projet et de son intégration dans le tissu urbain et paysager, ces critères d’appréciation étant situés en dehors du champ des règles d’urbanisme qui leur sont familières. Afin de les accompagner, cet amendement a pour objet de rendre obligatoire l’intervention d’un architecte conseil, qui serait chargé de rendre un avis consultatif pour les constructions de plus de 50 mètres carrés d’emprise au sol, ceci afin d’éviter l’uniformisation des nouvelles constructions. Actuellement, de grandes sociétés de construction utilisent, sans se poser de questions, les mêmes plans de construction pour des projets situés à Lille et au Pays basque – dans le meilleur des cas, ils se contentent de modifier la pente de toiture ! De telles pratiques doivent être évitées grâce au recours à un architecte conseil.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais je suis défavorable à ce que la consultation d’un architecte conseil constitue une obligation inscrite dans la loi : à mon sens, il convient de laisser les maires et les services instructeurs instruire les dossiers comme ils l’entendent.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je partage tout à fait l’argumentation du rapporteur et émets donc un avis défavorable.

M. Fabien Lainé. Quand on compare un lotissement dont la construction a été suivie par un architecte conseil et un autre n’ayant pas bénéficié du même suivi, on constate qu’ils présentent une saisissante différence d’aspect : si le premier se trouve parfaitement inséré dans le paysage environnemental et bâti, le second n’est souvent constitué que d’une juxtaposition de boîtes toutes semblables, effectuée sans aucun souci de leur insertion. Certes, il est bon de simplifier les choses, mais je suis convaincu que l’on se trompe en laissant tout faire : nos paysages urbains et ruraux en paieront tôt ou tard le prix.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE15 de M. Fabrice Brun.

M. Martial Saddier. L’amendement CE15 vise à permettre aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) de bénéficier de la dispense de recours à un architecte pour les constructions à usages agricoles inférieurs à 800 mètres carrés.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Si je suis sensible à votre préoccupation de faciliter les constructions des CUMA, force est de reconnaître que, dans les territoires de montagne, le fait de manquer d’une vision architecturale lors de la construction de certains bâtiments pose souvent problème. Si j’ai exprimé, au sujet des amendements précédents, une position traduisant le souhait de ne pas imposer trop de règles en matière de construction, le souci d’un certain équilibre me conduit en revanche à émettre un avis défavorable à cet amendement qui pourrait avoir des conséquences préjudiciables en matière d’urbanisme.

M. Thibault Bazin. Les exploitations agricoles classiques bénéficient déjà d’une exemption de recours à un architecte et, avec cet amendement, il est simplement proposé d’étendre la possibilité d’exemption aux CUMA. À l’heure des états généraux de l’alimentation, je ne comprends pas que le Gouvernement puisse, d’un côté, inciter les agriculteurs à se mutualiser et à se structurer, de l’autre, ne pas permettre aux CUMA de disposer des mêmes moyens que ceux des autres exploitations agricoles. J’invite donc nos collègues à se rallier à l’avis favorable du rapporteur.

M. Martial Saddier. Effectivement, en l’état actuel des choses, c’est juste parce que le porteur de projet est une CUMA qu’il ne peut bénéficier de l’exemption accordée aux autres exploitations agricoles, et notre amendement n’a d’autre objet que de mettre fin à cette anomalie.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous en reparlerons en séance publique.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1948 de Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Il semble indispensable de réglementer la profession d’urbaniste. La recomposition territoriale, la transition écologique, sociale et économique et les changements de modes de vie ont un impact évident sur l’urbanisme, l’aménagement, l’habitat et les mobilités : citoyens et maîtres d’ouvrage doivent pouvoir s’appuyer sur des professionnels identifiés, qualifiés et innovants dans leurs savoirs et leurs pratiques. L’amendement CE1948 vise à réglementer cette profession qui œuvre à l’amélioration du cadre de vie.

M. Richard Lioger, rapporteur. La création d’un tel titre ne fait pas consensus parmi les professionnels de l’urbanisme. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement CE1948 est retiré.

Article 18
(article L. 111-7-1 du code de la construction et de lhabitation)
Assouplir les normes daccessibilité

1.   L’état du droit

La réglementation de l’accessibilité du cadre bâti a été introduite par la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite « loi Handicap », a repris ce principe de manière plus ambitieuse.

L’article L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation prévoit désormais une obligation de mise aux normes à la charge des propriétaires publics et privés des bâtiments dhabitation et de locaux ouverts au public, qui ne s’impose toutefois pas aux propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage. Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap.

Des décrets en Conseil d’État fixent les modalités relatives à l’accessibilité que doivent respecter les bâtiments nouveaux (article L. 111-7-1), les bâtiments existants en cas de travaux (article L. 111-7-2) et les établissements recevant du public (article L. 111-7-3).

En matière daccessibilité, les logements situés dans les bâtiments dhabitation collectifs doivent satisfaire aux obligations ([68]) suivantes, qui sont précisées par arrêté ([69]) :

– pour tous les logements, les circulations et les portes des logements doivent, dès la construction du bâtiment, permettre la circulation de personnes handicapées ;

– des obligations supplémentaires existent pour les logements situés au rez-de-chaussée, en étages desservis par un ascenseur ou pour lesquels une desserte ultérieure par un ascenseur est prévue dès la construction. À noter que l’installation d’un ascenseur est obligatoire dans les parties de bâtiments d’habitation collectifs comportant plus de trois étages accueillant des logements au-dessus ou au-dessous du rez-de-chaussée ([70]). Ces logements doivent offrir dès leur construction des caractéristiques minimales permettant à une personne handicapée d’utiliser la cuisine ou une partie du studio aménagée en cuisine, le séjour, une chambre ou une partie du studio aménagée en chambre, un cabinet d’aisances et une salle d’eau. Une partie des espaces nécessaires à l’utilisation par une personne en fauteuil roulant peut être aménagée à d’autres fins sous réserve que des travaux simples permettent d’en rétablir la possibilité d’utilisation par une personne en fauteuil roulant.

Il existe plusieurs dérogations à ces règles daccessibilité du fait d’une impossibilité technique (article R*111-18-3 du code de la construction et de l’habitation), pour réaliser des programmes de logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière (article L. 111-18-3 du code de la construction et de l’habitation) ou en cas de surélévation de certains bâtiments dans certains locaux situés en « zone tendue » (article L. 111-4-1 du code de la construction et de l’habitation).

2.   Les dispositions du projet de loi

Les alinéas 4, 5, 6 et 7 de l’article 18 du projet de loi reprennent, en en clarifiant quelque peu l’écriture, les dispositions existantes de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation. Sont ainsi toujours prévus des décrets en Conseil d’État pour fixer les modalités relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées applicables à la construction de maisons individuelles, aux logements vendus en l’état futur d’achèvement ainsi qu’aux logements locatifs sociaux et aux logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière.

Seuls les alinéas 2 et 3 de larticle 18 introduisent des dispositions nouvelles :

– lalinéa 2 prévoit que les décrets fixant les modalités relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées font l’objet d’un avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (et non plus seulement le décret spécifique aux logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière) ;

– lalinéa 3 introduit une spécificité pour les bâtiments dhabitation collectifs. Il substitue à l’obligation de produire des logements accessibles une obligation de produire un dixième de logements accessibles, les autres logements devant être des « logements évolutifs », c’est-à-dire des logements pouvant être rendus accessibles à l’issue de travaux simples.

Le dernier alinéa de l’actuel article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation est supprimé car obsolète. Il prévoit en effet une évaluation des mesures de mise en accessibilité des logements dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi du 11 février 2005. Cette évaluation a fait l’objet d’une mission conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier. Leur rapport sur « les modalités d’application des règles d’accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées » a été publié en octobre 2011.

3.   L’avis du rapporteur

Cet article vise à trouver un équilibre optimal entre l’accessibilité et la qualité d’usage des logements. Comme le souligne le rapport d’évaluation de la loi handicap de 2005 réalisé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, l’Inspection générale des affaires sociales et le Contrôle général économique et financier, la législation et la réglementation actuelles n’offrent pas un espace suffisant à l’adaptabilité des logements neufs, voulus presque sans exception comme immédiatement utilisables par des personnes contraintes à se déplacer en fauteuil roulant. La notion de logements évolutifs permet d’adopter une conception plus large de l’adaptabilité des logements neufs en autorisant la livraison de logements dont l’aménagement intérieur ne serait pas immédiatement accessible (au sens de « conforme aux prescriptions des arrêtés actuels ») mais pourrait le devenir sans modification du gros œuvre, ni des circuits de fluides.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements rédactionnels sur cet article ainsi qu’un amendement visant à évaluer, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, les conditions dans lesquelles les logements dans les bâtiments d’habitation collectifs sont rendus accessibles ou évolutifs.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques CE434 de M. Thibault Bazin, CE1231 de M. Jean-Louis Bricout, CE1321 de M. Julien Dive, CE2084 de M. Loïc Prudhomme, CE2265 de M. François Pupponi et CE2553 de Mme Caroline Janvier, qui visent à supprimer larticle.

M. Thibault Bazin. Le projet de loi prévoit de modifier les règles en matière d’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs afin de substituer, en partie, à l’obligation de produire des logements accessibles une obligation de produire des logements évolutifs.

Plusieurs organisations représentatives des personnes en situation de handicap et de lutte contre l’exclusion, ainsi que le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ont exprimé, en vain, leur totale incompréhension au sujet d’un dispositif qui semble tout à fait contraire aux autres politiques publiques engagées par le Gouvernement, et qui ne répond en rien aux exigences qu’impose actuellement le vieillissement de la population. Le projet de loi prévoit en effet de réduire à 10 % le nombre des logements neufs accessibles, ce qui représente une grave régression sociale par rapport aux 100 % qui constituent aujourd’hui la règle. Sa mise en œuvre condamnerait les personnes en situation de handicap à ne plus pouvoir accéder aux immeubles collectifs

Afin d’éviter cette situation, nous vous proposons de supprimer l’article 18.

M. Jean-Louis Bricout. Le projet de loi prévoit en effet de réduire à 10 % le nombre des logements neufs accessibles, alors qu’actuellement, 100 % des nouvelles habitations doivent être accessibles à tous quel que soit le type de handicap.

Outre que la définition du caractère évolutif est difficile à trouver, cet article constitue un recul social en totale contradiction avec l’ambition pourtant partagée d’aller vers une société toujours plus inclusive. En effet, il condamne les personnes en situation de handicap et âgées à ne plus pouvoir accéder qu’à un peu plus de 2 000 logements neufs chaque année.

Comme le rappelle le CNCPH dans son avis sur le projet de loi, rendu le 15 mars dernier, l’intention du Gouvernement d’annuler les quelques avancées en matière d’accessibilité des logements, via le rétablissement des quotas qui avaient été bannis par le législateur en 1975, ne pourra qu’aggraver la situation vécue au quotidien par la population dite handicapée ainsi que par les personnes âgées.

Par ailleurs, le projet de loi ne répond pas aux situations auxquelles sont confrontées ces personnes, à savoir une offre de logements accessibles dramatiquement insuffisante, un accès au logement social n’aboutissant, au mieux, qu’au terme d’une attente de plusieurs années, une difficile concordance entre les demandes éligibles et les logements accessibles disponibles, un recensement quasiment inexistant, peu fiable et inefficace, un nombre infinitésimal d’appartements dits adaptés. Cette situation est en totale contradiction avec les engagements internationaux.

M. Julien Dive. Je suis, moi aussi, un peu troublé par l’expression « logement évolutif » employée par le Gouvernement, qui laisse penser que la simplification de la réalisation de nouvelles constructions va se faire au détriment des personnes en situation de handicap, ce qui n’est pas acceptable.

En sa rédaction actuelle, l’article 18 vient bel et bien restreindre le droit des personnes en situation de handicap à choisir librement leur lieu de vie. Par ailleurs, il introduit une notion de discrimination à l’entrée dans l’habitat collectif en rendant possible la mise à l’écart des personnes en situation de handicap. En effet, rien n’empêchera que, lors de la mise sur le marché d’un logement évolutif, un bailleur peu scrupuleux qui aurait à faire un choix parmi plusieurs demandes, notamment de personnes valides, décide d’écarter les candidatures des personnes handicapées en ne procédant pas aux travaux qui rendraient le logement accessible.

Mme Bénédicte Taurine. La Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), mais aussi plusieurs organisations représentatives des personnes en situation de handicap et de lutte contre l’exclusion, ainsi que le Conseil national consultatif des personnes handicapées, ont exprimé leur totale incompréhension du dispositif proposé par le Gouvernement.

D’une part, cette mesure réduit considérablement l’offre de logements accessibles avec seulement 2 300 logements neufs chaque année. D’autre part, l’expression « logement évolutif » ne renvoie aucunement à la législation actuelle sur l’accessibilité. Enfin, le présent article ne précise ni le délai des travaux, ni leur coût, ni la personne devant les financer.

Cette mesure risque d’exclure encore davantage les personnes en situation de handicap, ce qui contredirait les principes définis par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Mme Caroline Janvier. Le nouveau dispositif introduit à l’article 18 serait discriminatoire à l’égard des personnes handicapées, puisqu’il aboutirait à leur imposer un critère supplémentaire dans le choix de leur logement en réduisant l’offre de logement disponible, estimée à 2 000 logements neufs chaque année. Une telle mesure est en totale contradiction avec l’article 19 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je rappelle que l’article 18 a, comme l’ensemble du texte, été soumis pour avis au Conseil d’État, qui a estimé qu’il était conforme à la Constitution. On ne peut pas dire qu’il soit discriminatoire, puisque tous les logements pourront être adaptés aux personnes handicapées qui souhaiteraient y entrer. Il conviendra simplement de préciser les conditions de cette adaptation, ce qui pourra éventuellement se faire au moyen d’un amendement en séance, ainsi que par des décrets. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable à la suppression de l’article 18, qui constitue un élément important du projet ELAN.

Je commencerai par rappeler qu’il a été procédé à une large concertation avec les diverses associations concernées, dont Julien Denormandie et moi-même avons reçu les représentants à de multiples reprises, et qu’à l’origine, les dispositions que nous évoquons actuellement ne faisaient pas l’objet d’un rejet ferme de la part de ces associations – il est permis de penser qu’une certaine concurrence entre elles n’est pas tout à fait étrangère à l’évolution de leur position.

Lors de l’élaboration de la stratégie logement, mais aussi lors de la conférence de consensus sur le logement qui s’est tenue au Sénat, on a senti une forte demande de mesures permettant que l’intérieur des logements puisse évoluer en fonction des attentes de son occupant. Notre objectif a donc consisté à privilégier les volumes et les espaces dans les pièces de vie, notamment dans le séjour. Pour cela, nous avons retenu le concept du logement évolutif, qui est un logement non entièrement accessible pour une personne à mobilité réduite, mais pouvant être rendu accessible au moyen de travaux simples – je pense au déplacement de cloisons – si le besoin s’en fait sentir à la suite d’un accident de la vie ou d’une perte d’autonomie.

Le logement évolutif reste utilisable et visitable par des personnes à mobilité réduite. À ce titre, l’intérieur du logement limité au salon et au cabinet d’aisance est accessible, ainsi les parties communes des bâtiments d’habitation collectifs, ce qui permet une accessibilité totale jusqu’au logement. Je précise qu’à l’intérieur du logement, la salle de bains n’est pas accessible – mais, en principe, les personnes venant en visite n’ont pas de raison de s’y rendre.

En s’assurant que les aménagements réalisés sont modifiables au moyen de travaux simples, nous garantissons que l’intérieur du logement pourra évoluer vers une configuration totalement accessible. Enfin, nous prévoyons que 100 % du parc soit accessible, hormis les 10 % accessibles dès la construction. Je rappelle que 2 % de nos concitoyens se trouvent en situation de handicap, et que les dispositions proposées ne concernent que les constructions de bâtiments neufs.

Pour accompagner la mise en accessibilité du logement, le Gouvernement a prolongé pour trois ans, c’est-à-dire jusqu’à fin 2020, le crédit d’impôt à 25 % pour les travaux de mise en accessibilité. L’ANAH est mobilisée pour soutenir la mise en accessibilité de près de 15 000 logements par an destinés aux publics disposant de ressources modestes.

Vous le voyez, c’est un dispositif proportionné et accompagné que nous proposons avec ce projet de loi, c’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements de suppression de l’article 18. J’ajoute qu’en ce qui concerne les traités internationaux, évoqués par certains d’entre vous, nous ne sommes en contradiction avec aucune convention signée par la France.

M. Mickaël Nogal. Le groupe La République en Marche votera évidemment contre ces amendements de suppression. L’article 18 s’inscrit en effet dans le cadre d’une approche pragmatique basée sur le concept d’évolutivité. Nous pourrions réfléchir collectivement à la notion d’évolutivité du logement, qui constitue la clé du dispositif proposé.

Le projet de loi prévoit que 10 % des logements seront adaptés et que 100 % seront évolutifs, ce qui permet à la fois d’anticiper le vieillissement de la population et de répondre aux diverses formes de handicap. Dans le cadre des auditions organisées par les corapporteurs du projet de loi, nous avons reçu des responsables d’APF France handicap – anciennement Association des paralysés de France –, qui nous ont expliqué qu’en plus des 850 000 personnes en fauteuil roulant en France, il existe bien d’autres formes de handicap.

La notion d’évolutivité permet justement d’adapter les logements en fonction des besoins de chacun. Si certaines personnes doivent pouvoir accéder à toutes les pièces de leur appartement en fauteuil roulant, d’autres auront besoin d’aménagements plus spécifiques. Ne perdons pas de vue qu’il s’agit là d’un sujet qui nous concerne tous de près ou de loin, et que nous avons intérêt à y réfléchir collectivement afin de trouver les meilleures solutions possible pour garantir le droit au logement des personnes handicapées.

Enfin, je suis d’accord avec M. le ministre pour considérer que rien dans ce projet de loi ne contrevient aux conventions internationales ratifiées par la France, et que notre pays fait beaucoup par ailleurs pour les personnes handicapées : on ne saurait donc nous reprocher de ne rien faire pour elles.

M. Julien Dive. La question n’est pas de savoir si on fait quelque chose pour les personnes en situation de handicap, mais bien de déterminer ce que recouvre la notion d’évolutivité. Pour nous, cela signifie que 90 % des logements neufs ne seront accessibles qu’au prix de petits travaux d’aménagement, qui auront forcément un coût. C’est ce coût qui risque, je l’ai expliqué précédemment, d’être à l’origine de comportements discriminatoires de la part de certains bailleurs, qui préféreront louer à des personnes valides afin d’éviter d’avoir à procéder aux travaux permettant l’accessibilité – alors que le dispositif en lui-même n’est pas directement discriminatoire, j’en conviens.

M. Thibault Bazin. Je connais bien le sujet, et je vous avoue être assez gêné par l’article 18, pour des raisons techniques.

Les logements accessibles répondent à des normes très précises prévoyant notamment la présence de zones de giration dans la salle de bains et les toilettes, ce qui augmente la superficie totale des logements, donc leur coût, à moins de réduire d’autant l’espace dans les autres pièces, notamment le séjour. Pour cette raison, les professionnels de la construction réclamaient depuis longtemps un assouplissement des règles.

Si, demain, on privilégie la notion d’évolutivité, on va devoir maintenir ces mètres carrés supplémentaires dans la salle de bains et les toilettes, et le coût de construction des logements ne va donc pas diminuer. Ce qui intéresserait les constructeurs, c’est de pouvoir diminuer les espaces des sanitaires, quitte à ce que les travaux d’accessibilité nécessaires, donc leur coût, soient plus importants. Il faut en fait s’interroger sur la dynamique que l’on veut imprimer à l’offre de logements neufs, en particulier se demander si l’on souhaite qu’elle soit adaptée au vieillissement pour répondre aux enjeux démographiques à l’échéance de dix ou vingt ans. Pour ma part, j’estime que nous ne devons pas hésiter à inverser la question de l’évolutivité du logement, en la considérant comme un plus par rapport à l’accessibilité, qui n’en constituerait que le socle technique.

Mme Bénédicte Taurine. Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, vous allez présenter en séance des amendements relatifs à l’évolutivité ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Je ne sais pas encore s’il y aura des amendements, mais il est certain que des décrets devront être pris.

Mme Marie Lebec. Sur le fond, personne ne conteste la nécessité de construire des logements adaptés aux besoins des personnes handicapées. Ayant vécu pendant un an à côté d’une personne de petite taille, je me souviens que, pour cette personne, l’essentiel n’était pas d’avoir des couloirs ni des sanitaires permettant de circuler en fauteuil roulant, mais que le digicode situé dans les parties communes ne soit pas placé trop haut pour elle. Ce n’est qu’un exemple, mais il montre bien l’intérêt de l’article 18, qui vise à prendre en compte le handicap dans sa diversité, afin de pouvoir adapter les logements au mieux en fonction de chaque type de handicap.

M. Thierry Benoit. Pour ma part, monsieur le ministre, je suis sincèrement persuadé que cet article 18, visant à ce que l’on construise des logements évolutifs et adaptables, constitue une bonne proposition, qui sera d’ailleurs sans doute reprise dans d’autres domaines, qu’il s’agisse de la santé, de la nutrition ou de l’environnement. Je n’y aurais peut-être pas pensé moi-même, mais je trouve génial de dire que le handicap et l’accessibilité demeurent une priorité pour le Gouvernement – comme pour chacun d’entre nous, j’en suis persuadé !

L’idée même d’évolutivité me paraît idéale pour répondre rapidement, et en s’adaptant très précisément aux besoins exprimés par une personne en situation de handicap. En tant qu’élus, il est arrivé à chacun de nous d’inaugurer des bâtiments devant lesquels nous avions du mal à masquer notre perplexité, jusqu’à ce que les maîtres d’ouvrage nous rappellent que c’était là le résultat des normes et des lois que nous avions votées… De ce point de vue, les nouvelles dispositions de ce projet de loi, basées sur la notion d’évolutivité, ne peuvent qu’aller dans le bon sens.

Enfin, l’idée de logement adaptable et évolutif fait référence au parcours résidentiel, ce qui me paraît précieux. Pour toutes ces raisons, l’article 18 me paraît constituer une excellente proposition, que le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je souscris pleinement à ce que viennent de dire Mme Lebec et M. Benoit, et j’ajouterai que l’on n’est pas loin de pratiquer la discrimination quand on limite le handicap à une seule de ses formes, celle de la mobilité réduite nécessitant l’usage d’un fauteuil roulant. C’est donc tout l’intérêt de l’article 18 que de permettre la prise en compte de toutes les formes de handicap et de l’ensemble du parc existant. La solution proposée devrait donc, à mon sens, être saluée par l’ensemble des associations qui se battent pour le droit des personnes handicapées à accéder à un logement.

M. Martial Saddier. Soyons francs, ce n’est pas la première fois que ce sujet est abordé à l’Assemblée nationale : plusieurs majorités y ont déjà été confrontées. En fait, la seule question que m’inspire l’article 18 est celle consistant à savoir ce qui vous a conduits à retenir le chiffre de 10 %. Puisque vous avez dû y réfléchir, pouvez-vous m’indiquer pourquoi ce pourcentage vous semble préférable à un autre ?

M. Julien Dive. Très bien !

M. Fabien Lainé. Le groupe Mouvement Démocrate et apparentés estime que les dispositions de l’article 18 vont dans le bon sens. Il faut savoir qu’un logement aux normes permettant d’accueillir une personne handicapée fait, en moyenne, quatre mètres carrés de plus qu’un autre – à raison de 2 000 euros à 3 000 euros le mètre carré, cela représente un surcoût non négligeable ! Or, il ne faut pas perdre de vue que l’un des objectifs de cette loi est de rendre le logement plus facilement accessible aux primo-accédants, ainsi qu’aux locataires aux revenus modestes. Aujourd’hui, du fait de la présence obligatoire d’une zone de giration, la chambre d’un logement neuf ne doit pas faire moins de 12 mètres carrés, et les toilettes ne doivent pas faire moins de 3 à 4 mètres carrés, contre 1,5 mètre carré pour un logement ordinaire… Franchement, je souhaite bon courage à vos services pour la rédaction des décrets !

M. Jean-Louis Bricout. M. Benoit disait tout à l’heure que les aménagements apportés à certains bâtiments publics pouvaient paraître excessifs. Cependant, il ne faut pas oublier que, dans le cadre des politiques inclusives, 100 % des logements neufs sont actuellement accessibles aux personnes handicapées, ce qui signifie que la personne habitant le logement peut recevoir des personnes de son entourage se trouvant également en situation de handicap – c’est souvent le cas – ou des personnes âgées. Ce ne sera plus possible avec les nouvelles dispositions, car on ne va évidemment pas faire évoluer le logement à chaque fois que la personne handicapée recevra une nouvelle visite… On le voit, il n’y a pas d’autre solution satisfaisante que celle de l’accessibilité totale et universelle.

Pour ce qui est des surfaces, il est évident que, si on veut construire des logements vraiment évolutifs, il faut continuer à prévoir des surfaces qui permettront, le moment venu, de procéder aux aménagements nécessaires.

M. Mickaël Nogal. Je rappelle que les logements évolutifs dont on parle
– c’est-à-dire 100 % des nouveaux logements qui seront construits – restent des logements visitables. On ne peut donc pas considérer que le projet de loi instaure une discrimination ou ne prenne pas suffisamment en compte les besoins des personnes en situation de handicap.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La notion de logement évolutif aura vocation à être précisée en séance publique.

Pour en revenir à la question des visites reçues dans leur logement par des personnes en situation de handicap, il est prévu que le logement neuf reste visitable par des personnes à mobilité réduite, étant rappelé qu’est considéré comme visitable un logement dans lequel le séjour et le cabinet d’aisance sont accessibles – comme je l’ai dit tout à l’heure, un visiteur n’a en principe pas besoin de se rendre dans la salle de bains. Bien entendu, l’accès depuis l’extérieur reste possible, puisque les parties communes des bâtiments d’habitation collectifs sont accessibles.

Par ailleurs, il existe de multiples formes de handicap : celui-ci ne saurait se résumer au fait de devoir se déplacer dans un fauteuil roulant.

Nous avons tenu à maintenir l’accessibilité pour les visiteurs.

Monsieur Saddier : pourquoi 10 % et non 8, 12 ou 15 % ? 2 % des personnes étant concernées du fait de leur handicap, il nous semble raisonnable de prévoir 10 %. Mais vous me diriez « 12 % », je ne tomberai pas de ma chaise.

Je ne reviendrai pas sur la loi du 11 février 2005. Comme nombre d’élus locaux, à l’époque, je me suis posé beaucoup de questions… La solution que nous proposons me semble équilibrée et respectueuse des droits des personnes en situation de handicap.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à lexamen de lamendement CE1236 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à recueillir un avis conforme du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur les futurs décrets d’application de l’article 18.

L’article 29 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, que la France a dûment ratifiée, prévoit que les États s’engagent à promouvoir la participation des personnes en situation de handicap dans les affaires publiques. Dans ce cadre, il est donc logique que le CNCPH émette un avis conforme. En effet, en vertu de l’article 55 de la Constitution, les conventions internationales ratifiées par la France doivent prévaloir sur le droit national.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement aurait pour conséquence de créer une différence non justifiée entre commissions devant émettre des avis sur les textes relatifs au cadre bâti. Ainsi, le Conseil supérieur de la construction n’émet pas d’avis conforme sur les projets de décret.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons. Nous ne sommes pas en contradiction avec nos engagements internationaux.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE284 de Mme Pascale Boyer.

Mme Pascale Boyer. Actuellement, les maîtres d’ouvrage doivent prévoir l’accessibilité totale de l’ensemble des logements qu’ils construisent. Or, chacun sait que cette obligation n’est pas respectée. L’amendement prévoit une accessibilité totale pour 50 % des logements construits jusqu’au 31 décembre 2020 – afin de rattraper le retard – puis un taux de 20 % à partir du 1er janvier 2021.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable, pour les raisons précédemment évoquées.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Également défavorable. J’ai déjà répondu à ce propos.

La commission rejette lamendement.

Lamendement CE1082 de M. Anthony Cellier est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement CE739 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Le projet de loi traite de questions relatives à l’accessibilité et à l’évolutivité des logements d’habitation collectifs. Néanmoins, il n’impose pas l’extension de ces mesures aux maisons individuelles construites dans le cadre de logements groupés. Or, de nombreuses maisons individuelles sont construites dans le parc locatif social en périphérie des grandes villes et en zones rurales – il y en a beaucoup dans ma circonscription.

Il conviendrait d’étendre l’objectif de construction de 90 % de bâtiments évolutifs aux maisons individuelles, au vu de l’espérance de vie croissante de la population française et de l’enjeu que représente la dépendance.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il n’est pas opportun d’étendre la mesure aux maisons individuelles. De plus, la typologie des logements en maisons individuelles est sensiblement différente. Enfin, celles construites dans le cadre de programmes de logements groupés demeureront accessibles dans les conditions prévues par la réglementation.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je partage l’avis du rapporteur. Ces maisons sont déjà accessibles dans la construction neuve, à l’exception de celles bâties pour l’usage de leur propriétaire. Par ailleurs, seuls les bâtiments d’habitation collectifs sont particulièrement sujets aux contraintes spatiales.

Mme Anne-France Brunet. Dans certaines villes et en milieu rural, beaucoup de petites maisons sont construites en habitat collectif social. Il me semblait important d’englober l’ensemble du logement social.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE2584 de Mme Pascale Boyer.

Mme Pascale Boyer. Cet amendement vise à s’assurer que les parties communes des programmes de logements neufs seront bien accessibles à tous les types de handicap.

M. Richard Lioger, rapporteur. C’est le cas, votre amendement est satisfait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il est effectivement satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE277 de Mme Pascale Boyer.

Mme Pascale Boyer. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Nous souhaitons que 20 % des logements neufs construits soient intégralement accessibles aux personnes en situation de handicap. Il faut être plus ambitieux que ce que propose l’article 18, pour rattraper le retard.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons déjà débattu de ce sujet. M. le ministre a expliqué l’origine des 10 %. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE395 de M. Vincent Descoeur.

M. Martial Saddier. Nos débats ont souligné la nécessité de mieux définir la notion de « logement évolutif ». L’amendement dispose qu’un décret devra la préciser.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’espère que la réponse que nous vous avons fournie vous satisfait et vous demande de retirer cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même si c’est un amendement intéressant, je considère qu’il est satisfait.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, de lamendement CE1585 de M. Xavier Roseren et des amendements identiques CE453 de M. Dino Cinieri et CE875 de Mme Annie Genevard.

M. Xavier Roseren. Dans le cadre de la construction de bâtiments d’habitation collectifs, l’article 18 prévoit que 10 % et au moins un logement sont accessibles, les autres logements étant évolutifs – accessibles après des travaux simples.

L’amendement CE1585 vise à apporter un assouplissement à l’obligation de 90 % des logements évolutifs en zones de montagne, en prévoyant une dérogation en cas d’impossibilités techniques liées aux contraintes géophysiques. Cet amendement ne remet pas en cause l’obligation de 10 % de logements accessibles.

Il est contre-productif de créer des obligations qui ne peuvent pas être respectées pour des raisons matérielles. Notre amendement vise à maintenir un taux obligatoire de logements accessibles, tout en prenant en compte les contraintes de la montagne.

M. Martial Saddier. L’amendement CE453 a été rédigé dans le même esprit. En zone de montagne, pour des raisons topographiques, certaines constructions sont techniquement impossibles à réaliser.

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous connaissez bien vos régions, mais j’ai du mal à comprendre pourquoi les logements ne pourraient pas être évolutifs en zones de montagne. Par ailleurs, le décret pourra prévoir d’éventuelles dérogations, notamment en cas d’impossibilité technique. Je suis donc défavorable à vos amendements.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’y suis également défavorable. Actuellement, 100 % des logements doivent être accessibles en zone de montagne… Nous passons à 100 % de logements évolutifs. Je pense pouvoir dire que je connais les caractéristiques de ces zones et ne suis pas convaincu qu’elles justifient que l’on supprime l’obligation de 90 % !

La commission rejette lamendement CE1585, puis elle rejette les amendements CE453 et CE875.

Elle en vient à lexamen, en discussion commune, des amendements CE1232 de M. Jean-Louis Bricout, CE561 de M. Arnaud Viala, CE1083 de M. Anthony Cellier et CE2221 de M. Pierre-Yves Bournazel.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CE1232 est de précision. Il reprend la définition formulée par le CNCPH : un logement évolutif est « un logement disposant d’une unité de vie accessible sans travaux préalables, dont le gros œuvre autorisera techniquement les adaptations et tous les travaux de second œuvre permettant de répondre aux besoins spécifiques d’un de ses occupants en situation de handicap dont ceux à mobilité réduite. »

M. Julien Dive. L’amendement CE561 précise la notion de logement évolutif, qui peut faire débat. Monsieur le ministre nous explique qu’un décret viendra définir cette notion. Inscrivons-le dans la loi !

M. Anthony Cellier. L’article 18 crée la notion de logement évolutif pour les bâtiments collectifs d’habitation. Afin que cette évolutivité soit bien comprise par les personnes qui devront demander des travaux pour rendre le logement accessible, ainsi que par les professionnels de la construction et de l’immobilier, il est nécessaire de la préciser par décret. Mon amendement CE1083 vise à ce qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis du CNCPH, précise cette notion, en incluant notamment les enjeux d’autonomie et de maintien à domicile.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE2221 propose également de préciser la notion de logement évolutif. Mais si j’ai bien compris le ministre, vous allez le faire. Il va donc être satisfait. Si tel est le cas, je le retire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ces amendements sont déjà satisfaits par l’alinéa 2 de l’article 18 qui dispose que des décrets en Conseil d’État, pris après avis du CNCPH, fixeront les modalités d’application de l’article 18.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je l’ai indiqué, nous sommes en phase de concertation avec les représentants des associations et nous vous proposerons d’ici à la séance publique un amendement qui viendra préciser cette notion de logement évolutif. Je ne sais pas si cette précision vous satisfera, mais nous pourrons en débattre.

M. Jean-Louis Bricout. Tiendrez-vous compte de l’avis du CNCPH ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cela reste à préciser. Je ne vous ferai pas de fausse promesse. Nous vous proposerons une rédaction.

Les amendements CE1232, CE1083 et CE2221 sont retirés.

La commission rejette lamendement CE561.

La commission examine lamendement CE2521 de Mme Caroline Janvier.

Mme Caroline Janvier. Il vise à mieux définir les notions d’accessibilité et d’évolutivité, afin de prendre en compte tous les types de handicaps, notamment les déficiences sensorielles. Ainsi, il conviendrait que les malvoyants puissent accéder aux parties communes, par le biais d’interphones ou d’ascenseurs adapté, grâce par exemple à des interfaces sonores.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement est satisfait car les parties communes des bâtiments d’habitation collectifs, ainsi que leur accès depuis l’extérieur, doivent être totalement accessibles à tous les types de handicap.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je considère également que l’amendement est satisfait par la législation actuelle.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1265 de Mme Marjolaine MeynierMillefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Monsieur le ministre, vous l’avez souligné, pourquoi limiter l’évolutivité aux bâtiments neufs ? De la même façon, nous portons un plan ambitieux de rénovation énergétique des bâtiments. Mon amendement souhaite lier ces deux ambitions en embarquant la rénovation énergétique des bâtiments lors de travaux d’accessibilité ou d’évolution des bâtiments, et réciproquement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les modalités d’aide existent déjà : un crédit d’impôt égal à 25 % des dépenses liées à l’installation ou au remplacement d’équipement pour les personnes âgées ou handicapées. Prolongé pour 3 ans par la loi de finances pour 2018 – soit jusqu’au 31 décembre 2020 –, le bénéfice du crédit d’impôt d’aide à la personne est désormais ouvert aux dépenses permettant l’adaptation des logements à la perte d’autonomie ou au handicap. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je regrette que l’on travaille encore une fois en silo, alors que l’on pourrait coupler les énergies…

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2086 de Mme Mathilde Panot.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons que les normes applicables à la construction de maisons individuelles soient modifiées, afin qu’elles soient pleinement adaptées aux personnes en situation de handicap. Pour ne prendre qu’un exemple, dans douze maisons individuelles construites récemment dans un lotissement du parc social, les chambres et la salle de bains à l’étage étaient inaccessibles pour une personne en fauteuil roulant… Il apparaît donc nécessaire de modifier les normes pour rendre les maisons individuelles pleinement accessibles aux personnes à mobilité réduite.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous l’avons déjà évoqué. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. Votre demande est satisfaite par la législation actuelle. Ces maisons sont accessibles.

Mme Bénédicte Taurine. Pourtant, dans mon exemple, les logements ne sont pas pleinement accessibles ! De même, lorsque M. le ministre indique que la salle de bains n’a pas à être accessible aux visiteurs, je ne suis pas d’accord : il m’arrive de me rendre dans la salle de bains quand je suis en visite chez des amis…

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE1235 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement poursuit deux objectifs. Premièrement, il s’agit de garantir que les bailleurs privés sont assujettis à l’obligation d’effectuer les travaux de mise en accessibilité et qu’à ce titre, ils en assurent la prise en charge financière. Deuxièmement, la réécriture de cet alinéa vise à garantir le respect d’un délai maximum pour la réalisation des travaux, puisque comme l’indique le texte du projet de loi, il s’agit de réaliser des travaux « simples ». Il convient donc que la personne en situation de handicap ne soit pas pénalisée par des travaux trop longs. Les dossiers relatifs aux travaux d’adaptation sont souvent en souffrance dans les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les délais de validation oscillant entre six et dix‑huit mois…

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. L’alinéa 6 de cet article prévoit que les organismes et sociétés de logements sociaux garantissent la mise en accessibilité des logements, que les travaux sont à la charge des bailleurs et que leur délai d’exécution doit être raisonnable. Cela répond à une partie de vos préoccupations. Concernant les bailleurs privés, une telle obligation est du ressort des contrats.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Qu’entendez-vous par « délai raisonnable » ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Vous pourriez effectivement proposer un amendement pour la séance, afin de mieux encadrer ce que l’on entend par « raisonnable ».

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CE1149 et CE1150 du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE2087 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons permettre la création d’un fichier national des logements adaptés aux personnes en situation de handicap. Le dispositif pourrait prendre la forme d’une obligation pour les bailleurs de déclarer les logements adaptés. Cela facilitera la recherche de logements et permettra d’évaluer l’offre.

Nous faisons cette proposition sous forme de rapport pour éviter le couperet de l’article 40…

M. Richard Lioger, rapporteur. L’article L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales prévoit qu’une commission communale pour l’accessibilité est créée dans les communes de 5 000 habitants et plus. Elle organise un système de recensement de l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées. Votre demande est donc satisfaite.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Votre amendement vise à répertorier les logements accessibles aux personnes handicapées dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. Nous avons indiqué aux associations représentatives des personnes en situation de handicap que des dispositions ont déjà été prises en ce sens : en effet, depuis cette année, le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux prévoit l’identification des logements accessibles dans le parc public. Un délai de mise en place est à prévoir avant de pouvoir exploiter cette base, mais je vous propose de retirer votre amendement.

Mme Bénédicte Taurine. S’agit-il d’un fichier national ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Oui.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1308 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement devrait satisfaire tout le monde. Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, il propose d’évaluer les conditions dans lesquelles les logements sont rendus accessibles ou évolutifs dans les bâtiments d’habitation collectifs.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’y suis favorable.

M. Mickaël Nogal. Hier, j’ai fait une remarque sur les rapports : serait possible de préciser qui en a la charge ? Faute de quoi, il risque encore de tomber dans les oubliettes… D’une manière générale, je suis assez peu favorable à ces rapports, mais quand ils ont une utilité, nous devons savoir qui le rédige.

M. Richard Lioger, rapporteur. C’est le Gouvernement, l’amendement l’indique.

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 18 modifié.

Après l’article 18

La commission examine lamendement CE903 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Afin d’inciter les particuliers à anticiper la croissance de la dépendance dans notre pays – du fait de l’allongement de l’espérance de vie –, cet amendement exonère les logements accessibles ou évolutifs de la taxe d’aménagement.

M. Richard Lioger, rapporteur. À l’exception des maisons individuelles construites pour le propre usage de leur propriétaire, tous les logements neufs devront être accessibles ou évolutifs. Votre amendement les exonérerait donc tous de la taxe d’aménagement. J’y suis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2085 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons que les ascenseurs soient obligatoires dans les immeubles de trois étages ou plus. Actuellement, cela n’est imposé qu’à partir de quatre étages. En effet, hors grandes métropoles, la mise en œuvre d’une politique de construction à taille humaine et durable signifie souvent des immeubles de faible hauteur. Cette modification répond à la demande formulée par l’Association nationale pour l’intégration des handicapés moteurs, afin d’éviter les discriminations contre les personnes en situation de handicap.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Cette mesure est d’ordre réglementaire.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. C’est effectivement une disposition réglementaire. En outre, je crains que ce ne soit pas la bonne solution. Si j’osais, je vous dirai que cet amendement est piloté par la fédération des ascensoristes…

Plus sérieusement, beaucoup de constructions neuves de trois étages comportent déjà des ascenseurs. C’est une bonne chose. Mais le rendre obligatoire impliquerait un surcoût proportionnellement considérable dans certains territoires ou pour certains immeubles. Nous pouvons y réfléchir, mais ma réponse ne sera pas positive en l’état.

Mme Bénédicte Taurine. Vous évoquez la fédération des ascensoristes : c’est un autre problème ! En banlieue, beaucoup d’ascenseurs ne fonctionnent pas pendant des mois. C’est un sujet important, pas un sujet de taquinerie !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je ne vous ai pas dit que ce n’était pas un sujet important. Je vous ai fourni des explications techniques, en vous indiquant que nous allions examiner la demande. En tout état de cause, c’est une disposition réglementaire et le problème ne se pose pas de la même manière dans tous les territoires.

La commission rejette lamendement.

Article 19
Adapter le régime du contrat de construction de maison individuelle
aux constructions préfabriquées

1.   L’état du droit

a.   Le contrat de construction de maison individuelle

Plusieurs types de contrats existent pour la construction d’une maison ou d’un immeuble :

– le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) existe pour la construction d’une maison individuelle ou d’un immeuble ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître d’ouvrage, à usage d’habitation ou à usage mixte (habitation et professionnel). L’obligation de conclure un CCMI vise tout constructeur qui se charge des travaux de mise hors d’eau (couverture et étanchéité) et hors d’air (baies extérieures pleines ou vitrées). Il peut être conclu avec ou sans fourniture de plan. Le régime juridique du contrat avec fourniture de plan s’impose lorsque le constructeur propose ou fait proposer le plan et se charge de la construction et lorsque le constructeur se charge de la construction d’après un plan fourni par un tiers à la suite d’un démarchage ou d’une publicité fait pour le compte du constructeur ;

– le contrat de vente dimmeuble à construire comporte, en plus de la fourniture du plan et de l’obligation d’exécution des travaux, la fourniture directe du terrain par le vendeur ;

– le contrat de promotion immobilière est un contrat où le promoteur s’oblige à faire procéder, pour un prix convenu, à la réalisation d’un programme de construction ainsi qu’à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières ;

– le contrat dentreprise (ou marché de travaux) peut être conclu si aucun des entrepreneurs concernés ne se charge de la fourniture de plan et si aucun entrepreneur ne se charge de la totalité des travaux de gros œuvre, de mise hors d’eau et hors d’air ;

– le contrat darchitecte est conclu avec un maître d’œuvre qui conçoit le projet en contrepartie d’honoraires.

b.   La protection du client maître d’ouvrage

Le CCMI est strictement réglementé par des dispositions d’ordre public destinées à protéger le client maître d’ouvrage.

L’article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation fixe les mentions obligatoires du contrat, notamment les justificatifs des garanties de livraison et de remboursement apportés par le constructeur. Ces garanties couvrent le maître douvrage contre les risques dinexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, en l’assurant que le projet de construction sera effectivement réalisé conformément aux délais indiqués, tout en respectant le prix initialement fixé.

L’article R. 231-7 du code de la construction et de l’habitation encadre les étapes de paiements obligatoires lors de la construction. Le pourcentage maximum du prix convenu exigible aux différents stades de la construction d’après l’état d’avancement des travaux est fixé comme suit : 15 % à l’ouverture du chantier, pourcentage incluant éventuellement celui du dépôt de garantie ; 25 % à l’achèvement des fondations ; 40 % à l’achèvement des murs ; 60 % à la mise hors d’eau ; 75 % à l’achèvement des cloisons et à la mise hors d’air ; 95 % à l’achèvement des travaux d’équipement, de plomberie, de menuiserie et de chauffage. Les versements avant l’ouverture du chantier sont strictement encadrés ([71]).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’échéancier du CCMI n’est pas adapté à la filière de la préfabrication, qui réalise en atelier, hors du chantier et en amont de celui-ci, l’essentiel des éléments qui constitueront la maison. Le Conseil d’État estime qu’une intervention législative est nécessaire pour adapter aux singularités de la préfabrication le régime du contrat de construction dune maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plan.

L’article 19 prévoit donc une ordonnance, qui sera elle-même complétée par un décret en Conseil d’État, pour adapter le régime de la CCMI à la préfabrication. L’étude d’impact indique que pourront être prévus un échéancier de paiement spécifique à la préfabrication, une définition précise de la maison individuelle préfabriquée et éventuellement les modalités de transfert de propriété et d’identification du mur préfabriqué en atelier afin que le garant puisse assurer l’achèvement de la maison en cas de défaillance du constructeur et que les paiements puissent être déclenchés.

L’étude d’impact indique que, pour la mise en œuvre de l’ordonnance, un groupe de travail dédié sera mis en place.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur se félicite qu’un certain nombre de dispositions de l’avant‑projet de loi aient été supprimées après le passage du texte en Conseil d’État. La dérogation initialement prévue, au seul bénéfice de la filière de la construction préfabriquée, à l’interdiction des offres variables posée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 aurait conduit à méconnaître le principe d’égal accès à la commande publique.

L’article actuel permet d’adapter utilement le cadre du contrat de construction de maison individuelle aux caractéristiques des filières ayant recours à la préfabrication.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté un amendement rédactionnel sur cet article.

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*     *

La commission adopte lamendement rédactionnel CE1168 du rapporteur.

Elle examine lamendement CE2088 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Bénédicte Taurine. Le béton est un véritable désastre écologique en termes d’émission de dioxyde de carbone. À l’échelle mondiale, le secteur de la construction est responsable d’environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Encourager le développement de la filière bois est une nécessité. Mais nous pensons qu’il est également nécessaire d’utiliser d’autres matériaux écologiques.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Nous avons eu cette discussion sur les fenêtres. Votre amendement favorise certaines filières par rapport à d’autres, ce qui induit un risque de rupture d’égalité devant la loi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 19 modifié.

Article 19 bis (nouveau)
(article L. 1111-1 du code de la construction et de lhabitation)
Définition de la préfabrication

La commission a adopté une définition de la préfabrication : la préfabrication consiste à concevoir et réaliser un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués sur un site de production distinct du chantier sur lequel ils seront assemblés, installés et mis en œuvre. Ces éléments préfabriqués font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert de la construction, et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers.

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*     *

La commission examine lamendement CE2448 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Il clarifie la définition de la préfabrication dans le code de la construction et de l’habitation. J’y suis favorable, puisque j’en suis l’auteur… (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Je suis favorable à cet amendement que j’ai cosigné. (Sourires.)

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Article 19 ter (nouveau)
(article L. 271-7 du code de la construction et l’habitation [nouveau])
Étude géotechnique annexée à la promesse de vente

La commission a adopté un amendement pour réduire les risques de sinistralité, notamment dans les zones de retrait-gonflement des argiles ou dans les zones sismiques. Aujourd’hui, rien n’oblige le vendeur d’un terrain constructible à renseigner l’acheteur sur la nature et la qualité du terrain qu’il acquiert pour son projet de construction. La disposition adoptée par la commission prévoit qu’en cas de vente d’un terrain constructible, une fiche d’information mentionnant les caractéristiques géotechniques du terrain fournie par le vendeur est annexée à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente.

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*     *

La commission passe aux amendements identiques CE445 de M. Vincent Descoeur et CE761 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. M. Descoeur, très sensibilisé à la problématique des sous-sols à forte proportion d’argile et des zones sismiques, a déposé un amendement identique au mien, afin de rendre obligatoire la transmission d’une fiche d’information avant toute construction, afin que les bâtiments construits ne soient pas fragiles ou que la méconnaissance de ces informations n’entraîne des surcoûts de construction pour le propriétaire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte les amendements.

Article 20
(article 33 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales et article L. 433-1 du code de la construction et de lhabitation)
Préciser la compétence des commissions dappel doffres et prolonger le recours à la conception-réalisation pour les organismes de logement social

1.   L’état du droit

a.   La dérogation temporaire accordée aux organismes HLM et aux SEM de construction et de logement sociaux pour les marchés de conception‑réalisation

La loi MOP ([72]) édicte le principe d’une mission de maîtrise d’œuvre distincte de celle de l’entrepreneur pour réaliser les équipements publics. Pour autant, son article 18 prévoit une exception à ce principe : le marché de conception-réalisation par lequel le maître de l’ouvrage confie par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux. Le recours à cette procédure dérogatoire n’est autorisé que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.

L’article 110 de la loi dite « Molle » ([73]) a autorisé les organismes HLM et les SEM de construction et de logement sociaux à recourir au marché de conception‑réalisation pour la réalisation de logements locatifs sociaux, et ce, indépendamment de toute justification particulière ([74]). Cette autorisation, accordée au départ pour une période dun peu moins de cinq ans a été prolongée en 2015 ([75]) jusquau 31 décembre 2018 dans l’objectif de développer plus rapidement l’offre de logements en réduisant notamment leurs délais de production.

Environ 15 % des opérations de construction de logements sociaux sont actuellement réalisées en conception-réalisation ([76]).

b.   La compétence des commissions d’appel d’offres (CAO)

L’article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que pour les marchés publics dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure aux seuils européens mentionnés à l’article 42 de l’ordonnance n° 2015‑899 ([77]), le titulaire est choisi par une commission d’appel d’offres (CAO). Cet article a donné lieu à deux interprétations :

– la première consiste à dire que les CAO ne sont compétentes que pour les marchés publics passés en application des procédures formalisées décrites à l’article 42 de l’ordonnance n° 2015-899 ;

Les procédures formalisées

– La procédure d’appel d’offres, ouvert ou restreint, par laquelle l’acheteur choisit l’offre économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats ;

– La procédure concurrentielle avec négociation, par laquelle un pouvoir adjudicateur négocie les conditions du marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques ;

– La procédure négociée avec mise en concurrence préalable, par laquelle une entité adjudicatrice négocie les conditions du marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques ;

– La procédure de dialogue compétitif dans laquelle l’acheteur dialogue avec les candidats admis à participer à la procédure en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats sont invités à remettre une offre.

– la seconde consiste à considérer que les CAO sont compétentes pour tous les marchés publics dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure aux seuils européens, sans distinction de la procédure de passation retenue. Selon cette interprétation, les CAO auraient donc compétence pour l’attribution de marchés publics tels que les marchés de maîtrise d’œuvre passés après concours ou encore les marchés publics de services sociaux et autres services spécifiques.

c.   La composition des commissions d’appels d’offres des offices publics de l’habitat (OPH)

Les OPH étant des établissements publics des collectivités locales, ils devraient être soumis aux mêmes règles que ces dernières en matière de composition et d’organisation des commissions d’appel d’offres. Néanmoins, l’ordonnance relative aux marchés publics ([78]) a renvoyé à un décret la composition, les modalités de fonctionnement et les pouvoirs de la CAO pour les OPH. L’idée ([79]) était de rapprocher les modes de fonctionnement des CAO des OPH de celles des autres organismes de logement social qui peuvent déterminer librement la composition, les modalités de fonctionnement et les pouvoirs des CAO ([80]). Or, le décret en Conseil d’État ([81]) n’a pas permis d’aligner le régime des CAO des OPH sur celui des autres organismes de logement social. L’article R. 433‑2 du code de la construction et de l’habitation tel qu’issu du décret encadre, en effet, de manière précise la composition et le rôle des CAO des OPH.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Dérogation temporaire conception-réalisation

Lalinéa 1 prolonge de trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2021, l’autorisation pour les organismes HLM et les SEM de construction et de logement sociaux de recourir au marché de conception-réalisation pour la réalisation de logements locatifs sociaux, et ce, indépendamment de toute justification particulière.

b.   Les commissions d’appel d’offres (CAO)

Lalinéa 3 retient la première des deux interprétations possibles quant au périmètre de compétences des CAO et circonscrit leur intervention aux seuls marchés publics passés en application des procédures formalisées.

c.   La composition des commissions d’appels d’offres des offices publics de l’habitat (OPH)

Les alinéas 4 et 5 prévoient que la commission d’appel d’offres compétente pour les marchés publics passés par les OPH est régie par les règles du code de la construction et de l’habitation applicables aux commissions d’appel d’offres des organismes privés d’habitations à loyer modéré.

Ces dispositions seront applicables aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication postérieurement à la publication de la loi.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté quatre amendements à l’initiative du rapporteur, dont deux rédactionnels. La commission a souhaité pérenniser la dérogation qui permet aux organismes HLM et aux SEM de construction et de logement sociaux de recourir plus facilement à la conceptionréalisation pour la réalisation de logements locatifs sociaux. Cela garantira à ces organismes et sociétés un mode d’action supplémentaire qui contribue à l’accroissement de la production de logements sociaux. La commission a également cherché à sécuriser la conception‑réalisation pour les constructions neuves en précisant que le recours à la conception-réalisation est possible lorsqu’un engagement contractuel sur un niveau de performance énergétique, et non plus sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique, le rend nécessaire.

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Lamendement CE642 de M. Fabien Lainé est retiré.

Suivant lavis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE777 de M. Dino Cinieri et CE1783 de M. Stéphane Peu.

Elle examine lamendement CE904 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Cet amendement vise à supprimer la limitation dans le temps et à circonscrire les marchés publics de conception-réalisation de logements sociaux aux chantiers auxquels les petites entreprises et artisans locaux ne peuvent de toute façon pas répondre – ceux supérieurs à 5,5 millions d’euros, seuil correspondant à l’application de la directive européenne relative à la passation des marchés publics.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement sera satisfait par celui que j’ai déposé, à la différence que le mien ne fixe pas de seuil.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE2772 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement pérennise une dérogation afin de garantir aux organismes HLM et sociétés d’économie mixte (SEM) de construction et de gestion de logements sociaux un mode d’action supplémentaire et de contribuer ainsi à l’accroissement de la production de logements sociaux.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Sagesse.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE1629 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement sécurise le recours à la conception-réalisation pour les constructions neuves, en précisant qu’il est possible d’y recourir lorsqu’un engagement contractuel sur un niveau de performance énergétique – et non plus sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique – le rend nécessaire.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte lamendement de précision CE1169 et lamendement rédactionnel CE1170, tous deux du rapporteur.

Elle en vient à lamendement CE1189 de Mme Valérie Lacroute.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je comprends la préoccupation qu’exprime cet amendement. Le projet de loi va d’ailleurs dans le sens d’un alignement du régime des commissions d’appel d’offres des offices publics d’HLM (OPHLM) sur celui des commissions d’appel d’offres des organismes privés d’habitation à loyer modéré.

Néanmoins, je ne suis pas favorable à cet amendement : le droit applicable aux collectivités – donc aux OPHLM qui leur sont rattachées – vise à rendre transparente la passation des avenants, en invitant les commissions prévues pour les marchés à se prononcer préalablement sur l’opportunité de toute modification envisagée du contrat entraînant une augmentation du montant initial supérieure à 5 %. Cela constitue une forte incitation à une meilleure analyse préalable de leurs besoins par les OPHLM.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement a pour objectif de supprimer l’examen par la commission d’appel d’offres des avenants aux marchés des OPHLM. Or, ces avenants peuvent porter sur des montants parfois très importants.

Je vous rappelle par ailleurs qu’un avenant inférieur à 5 % est dispensé de cette formalité. Pour des raisons de transparence, nous considérons que les autres doivent y être soumis.

M. Robin Reda. J’insiste malgré vos avis défavorables. L’article
L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales oblige les OPHLM à passer par la commission d’appel d’offres pour toute augmentation supérieure ou égale à 5 %. Cela crée une véritable distorsion de concurrence avec les opérateurs économiques et les bailleurs. Or, les OPHLM ne devraient pas être traités comme des collectivités territoriales en la matière. Vous ne pouvez balayer nos arguments ! Beaucoup d’amendements ont été déposés afin de dénoncer cette distorsion.

M. Stéphane Peu. Je suis favorable à cet amendement. Les statuts des OPHLM ont profondément évolué. Ils sont de moins en moins assimilables à des collectivités locales, et de plus en plus proches des sociétés anonymes d’HLM – de droit privé. Beaucoup d’entre eux ne sont plus soumis à la comptabilité publique. Par parallélisme de forme, leurs procédures de marché devraient se rapprocher de celles des entreprises sociales pour l’habitat (ESH).

Une remarque également sur les marchés de conception-réalisation : prenons garde car, souvent, ces marchés ne peuvent être attribués à des petites et moyennes entreprises (PME) et sont l’apanage de grands groupes. Il y a là, me semble-t-il, un enjeu en termes de commande publique : doit-on être à ce point dépendant des grands groupes ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Je souscris à la dernière remarque de M. Peu. Reçues en audition, ces petites sociétés nous ont fait part de leurs inquiétudes. Il faudrait trouver une solution.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suis sensible à vos arguments. Nous verrons si nous pouvons faire évoluer le dispositif pour la séance publique.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 20 modifié.

Article 20 bis (nouveau)
(article L. 3011 du code de la construction et de lhabitation)
Objectif damélioration énergétique de la politique daide au logement

La commission a adopté un amendement introduisant un objectif d’amélioration énergétique de l’habitat existant dans la politique d’aide au logement.

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La commission examine lamendement CE1403 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent texte propose d’aligner le régime français de l’allotissement en matière de marchés publics sur son texte source européen, afin de simplifier les règles en la matière pour les acheteurs, tout en continuant de faciliter l’accès des PME à la commande publique.

Cette modification apporte une simplification du régime de l’allotissement, qui profite à tous les acteurs de la commande publique. Les acheteurs comme les entreprises, y compris les PME, pourront mieux identifier les marchés qui doivent obligatoirement être divisés en lots qu’ils ne sont capables de le faire sous le régime actuel. Par ailleurs, il sera plus facile pour les pouvoirs adjudicateurs de motiver leur décision de ne pas diviser un marché en lots que de s’assurer de la conformité de la procédure d’attribution de marché avec les règles qui encadrent le recours aux marchés non allotis. Ainsi les acheteurs pourront adapter au mieux le mode de dévolution à leurs contraintes en matière d’organisation, de budget et de délai.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. L’allotissement est destiné à susciter la plus large concurrence entre les entreprises et leur permettre, quelle que soit leur taille, d’accéder à la commande publique. L’allotissement est particulièrement approprié lorsque l’importance des travaux, fournitures ou services à réaliser risque de dépasser les capacités techniques ou financières d’une seule entreprise. Il est ainsi particulièrement favorable aux petites et moyennes entreprises.

L’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 prévoit d’ores et déjà des exceptions au principe d’allotissement, notamment si la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. La notion de « marché ne présentant pas de difficulté » illustre une insécurité juridique que le pouvoir réglementaire serait en peine de lever.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement CE2047 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à mentionner dans l’article L. 301-1 du code de la construction et de l’habitation, qui évoque la politique d’aide au logement, la notion d’enjeu énergétique dans l’amélioration de l’habitat existant.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Article 21
(article L. 241-9 du code de lénergie)
Réforme du dispositif dindividualisation des frais de chauffage

Cet article a été délégué à la commission du développement durable et de laménagement du territoire, saisie pour avis (voir lavis n° 881).

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La commission est saisie des amendements CE61 et CE62 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Il s’agit de deux amendements rédactionnels.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements.

Puis elle adopte larticle 21 modifié.

Article 21 bis (nouveau)
(article L. 442-3 du code de la construction et de lhabitation)
Répartition des charges liées à une installation dautoconsommation collective entre locataires de logements sociaux

La commission a adopté un amendement pour permettre à un organisme de logement social partie prenante d’une opération d’autoconsommation collective de faire bénéficier l’ensemble de ses locataires de l’électricité produite en autoconsommation et d’inscrire au titre des charges récupérables la part d’autoconsommation de chaque logement. Cette disposition facilitera le déploiement de l’autoconsommation collective, qui contribue à répondre aux enjeux de la transition énergétique.

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La commission est saisie de lamendement CE517 de M. Pierre Cordier.

M. Thibault Bazin. Il est défendu.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1412 de M. Thibault Bazin.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je crois, et le Gouvernement pourra le confirmer, qu’un groupe de travail est en train de se pencher sur le sujet. Il devrait remettre prochainement ses conclusions. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis pour la même raison.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1413 de M. Thibault Bazin.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Il ne prend pas en compte la situation où plusieurs producteurs participent à l’opération d’autoconsommation collective.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE2465 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale des articles 23 de la loi du 6 juillet 1989 et L. 442-3 du Code de la construction et de l’habitation.

En effet la modification apportée par la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite NOME, a considérablement aggravé la situation des locataires. Je vous passe les considérations techniques.

S’il appartient au locataire de supporter les charges liées à la consommation du combustible et à l’entretien courant de l’installation, en aucun cas les grosses interventions et l’amortissement ne peuvent lui être imputés. Cela revient à faire payer deux fois la même prestation au locataire : la première dans son loyer et la seconde dans ses charges. C’est d’ailleurs l’avis qu’a exprimé la Cour de cassation en 2005 et en 2009.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, cher collègue. Il existe en effet une spécificité aux énergies de réseau, permettant un traitement différent entre locataires, selon que le bailleur décide ou non de raccorder l’immeuble à un réseau. Je suis néanmoins défavorable à votre amendement car l’objectif des dispositions sur lesquelles vous souhaitez revenir est de rendre attractif économiquement pour les bailleurs le choix de la fourniture en réseau, dont le développement est encouragé par les lois Grenelle 1 et Grenelle 2.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis pour la même raison.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE84, CE108, CE82, CE81, CE83, CE103, CE104, CE106, CE105 et CE107 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Tous ces amendements se rapportent à un sujet de fond sur lequel je reviens depuis un bon moment. Dans certaines zones, les logements contribuent pour une large part à la mauvaise qualité de l’air, en raison de leur mode de chauffage. Peu de gens savent que 50 % des émissions de particules fines émises pendant l’hiver à Paris sont liées au chauffage au bois, notamment aux cheminées ouvertes.

Dans certains endroits du territoire, nous avons mis en place une aide pour que les particuliers reconvertissent les foyers ouverts en foyers fermés. Dans ces zones, je pense qu’on ne peut pas tolérer que des gens continuent à installer des foyers ouverts.

Paris et la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, en sont à leur troisième plan de protection de l’atmosphère (PPA). Pendant dix ans, on a fait de la pédagogie sur les nuisances causées par les foyers ouverts et on a aidé les gens à transformer leur installation. À présent, je pense qu’il faut passer à autre chose : permettre au préfet, dans le cadre d’un PPA, d’interdire les foyers ouverts.

C’est ce que propose cette série d’amendements que je présente depuis plusieurs années et dont nous avons discuté en commission du développement durable. J’aimerais que l’on puisse trouver une solution à ce problème à la faveur du présent texte. Je sais que mes propositions sont plutôt soutenues du côté du ministère de l’écologie.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis favorable aux amendements CE81 et CE107, et un avis défavorable à tous les autres.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même position.

M. Mickaël Nogal. En commission du développement durable, nos collègues avaient rejeté ces propositions. J’invite donc à voter contre ces amendements.

M. Martial Saddier. Je suis membre de la commission du développement durable : lors du débat, mes propositions n’ont pas soulevé de désaccord de fond mais on m’a demandé d’apporter des précisions. Sur tous les bancs, les collègues étaient favorables à ma démarche, mais ils voulaient s’assurer que le dispositif tenait la route au plan juridique. Rappelons que, par le passé, le tribunal administratif de Paris a cassé un arrêté ministériel sur l’interdiction des foyers ouverts.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Nous avons longuement débattu des architectes des bâtiments de France (ABF) et de patrimoine. Je vois mal comment on peut restaurer un château sans faire de cheminée ouverte. Personnellement, je voterai contre ces amendements.

M. Martial Saddier. Quelque 48 millions de Français vivent dans des zones où la qualité de l’air est mauvaise. Dans les jours à venir, on attend la décision de la Cour européenne de justice sur ces sujets-là. Les châteaux ne seront pas concernés puisque, notamment dans les Pays de la Loire, il n’y a pas de PPA. La proposition ne pourra s’appliquer que dans les zones géographiques couvertes par un PPA, après débat public et décision du préfet. Il existe donc trois cliquets. Chère collègue, votre château ne sera pas concerné.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le château, c’est un exemple qui m’est venu comme ça à l’esprit. Vous pouvez avoir une cheminée ouverte dans une maison, une demeure à l’ancienne qui n’est pas classée parmi les châteaux des Pays de la Loire. Je pense à la maison de mes grands-parents que je peux restaurer.

M. Martial Saddier. Vous n’avez pas de PPA : vous n’êtes pas concernée !

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Après les cheminées, vous voudrez sans doute interdire les poêles à granulés.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 22
(articles L. 261-10-1, L. 261-11, L. 261-15, L. 262-7 du code de la construction et de lhabitation)
Améliorer le fonctionnement de la vente en létat futur dachèvement

1.   L’état du droit

La vente en l’état futur d’achèvement ([82]) (VEFA) est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les autres ouvrages deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux.

On distingue les opérations de VEFA du secteur protégé (vente d’immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation), qui doivent respecter certaines règles sous peine de nullité, des opérations de VEFA du secteur libre (vente d’immeubles à usage professionnel ou commercial) assujetties au droit commun.

La vente en l’état futur d’achèvement dans le secteur protégé peut être précédée d’un contrat préliminaire ([83]) par lequel, en contrepartie d’un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s’engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble.

a.   L’obligation, pour le vendeur, de souscrire à des garanties financières

Parmi les règles auxquelles sont soumises les opérations VEFA du secteur protégé figurent l’obligation, pour le vendeur, de souscrire à des garanties ([84]) :

– soit une garantie financière du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement ;

– soit une garantie financière de lachèvement de limmeuble. Pour les demandes de permis de construire déposées à compter du 1er janvier 2015, les promoteurs n’ont plus la faculté de fournir une garantie intrinsèque d’achèvement ([85]). En effet, les pouvoirs publics imposent ([86]) la contractualisation d’une garantie financière extrinsèque d’achèvement. Cette garantie peut provenir soit de l’intervention d’une banque, d’une compagnie d’assurances, d’un établissement de crédit habilité à faire des opérations de crédit immobilier ou d’une société de caution mutuelle. La loi ne précise pas quand cette garantie doit être mise en œuvre mais la jurisprudence ([87]) juge qu’elle doit l’être dès la constatation de la défaillance du constructeur sous peine, pour le garant, d’engager sa responsabilité.

b.   L’obligation, pour le vendeur, de livrer un logement qui soit habitable

Dans le cadre d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement, le vendeur s’engage à construire le logement jusqu’à son achèvement, ce qui suppose qu’il soit habitable et comporte un certain nombre d’équipements. Or, comme l’indique l’étude d’impact, les promoteurs de constructions résidentielles font face à un nombre croissant de demandes de la part de leurs clients qui souhaitent disposer d’une plus grande liberté afin de réaliser eux-mêmes certains travaux.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Faciliter la mise en œuvre de la garantie financière d’achèvement

Lalinéa 3 précise les cas dans lesquels la garantie financière d’achèvement doit être mise en œuvre. Elle le sera en cas de défaillance financière du vendeur, caractérisée par une absence de disposition des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.

Lalinéa 4 donne la possibilité au garant financier de lachèvement de limmeuble de faire désigner, par ordonnance sur requête ([88]), un administrateur ad hoc, doté des pouvoirs de maître de l’ouvrage, en vue d’achever la construction de l’immeuble. Cette disposition vise à remédier à la situation actuelle dans laquelle, si aucun promoteur n’accepte de reprendre et de poursuivre la construction, le garant ne dispose pas de moyens d’en faire désigner un, bien que tenu du versement des sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. L’administrateur ad hoc devra disposer d’une assurance de responsabilité pour se couvrir des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Lalinéa 5 prévoit que le garant dachèvement d’une construction vendue en l’état futur d’achèvement, qui achève ou fait achever en les payant les travaux abandonnés par le constructeur défaillant, est seul fondé à exiger des acquéreurs le solde du paiement du prix de vente encore éventuellement dû par ces derniers. Cela est valable même si le vendeur fait l’objet d’une des procédures du livre VI du code de commerce (procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur, procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire).

Les alinéas 24 et 25 appliquent le même régime à la garantie d’achèvement souscrite par le vendeur d’un immeuble à rénover.

b.   Laisser une plus grande liberté contractuelle aux parties au contrat de vente en l’état futur d’achèvement

Les alinéas 13 à 19 prévoient que le contrat de réservation du logement qui peut précéder l’acte de vente, dit « contrat préliminaire », peut permettre à lacquéreur de se réserver lexécution de travaux de finition ou d’installation d’équipements qu’il se procure par lui-même. Afin de protéger au mieux l’acquéreur, la clause par laquelle l’acquéreur accepte la charge et le coût de ces travaux devra apparaître en caractères très apparents sur le contrat. Le coût des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution est décrit et chiffré par le vendeur, comme tel est le cas pour les contrats de construction des maisons individuelles ([89]). Un décret en Conseil d’État précisera les modalités relatives à la mise en œuvre de ces dispositions, notamment la nature des travaux dont l’acquéreur peut se réserver l’exécution (alinéa 22).

Les alinéas 6 à 9 prévoient que le contrat de vente conclu par acte authentique devant notaire précise la description des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution.

Les alinéas 20 et 21 permettent à lacquéreur de revenir, dans un délai défini par le contrat préliminaire, sur sa décision de se réserver l’exécution des travaux. Ces derniers doivent alors être réalisés par le vendeur pour un prix fixé par avance dans ce contrat.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur considère que les dispositions prévues par le projet de loi sont de nature à protéger davantage l’acquéreur en lui permettant de prendre livraison de son bien plus rapidement tout en offrant une plus grande liberté contractuelle aux parties au contrat de VEFA. La possibilité de se réserver l’exécution de travaux d’installation d’équipements ou de finition répond à une réelle demande des acquéreurs.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trois amendements rédactionnels ainsi qu’un amendement précisant que lorsque l’acquéreur décide de se réserver la réalisation de certains travaux en VEFA, il en assume non seulement la charge et les coûts mais également la responsabilité. Cette précision est de nature à apporter une clarification et à éviter les problèmes ultérieurs qui résulteraient d’une mauvaise exécution des travaux dans le cadre d’un travail « au noir ».

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*     *

La commission examine lamendement CE2430 de M. Pupponi.

M. François Pupponi. L’article 22 prévoit que l’acquéreur et le vendeur puissent, dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), se mettre d’accord pour que l’acquéreur assure lui-même certains travaux de finition. Cet amendement vise à limiter cette possibilité aux seules personnes physiques et non aux personnes morales. Les bailleurs sociaux, en effet, connaissent les prix de sortie en VEFA et le fait de devoir procéder à tels ou tels travaux éventuels en fonction des locataires risque d’avoir un effet inflationniste sur les coûts de production de ces logements.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : les particuliers qui se regrouperaient en personne morale dans le cadre d’une société civile immobilière (SCI) familiale, par exemple, pour acquérir un bien en VEFA ne pourraient pas non plus bénéficier de cette possibilité.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Pourquoi, dans ce cas, ne pas simplement interdire cette possibilité aux bailleurs sociaux ?

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1173 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 12 de l’article 22.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Ainsi que l’a excellemment expliqué le rapporteur, cet alinéa n’a plus lieu d’être. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement CE2674 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il est défendu.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : là encore, cet amendement entraînerait une discrimination à l’égard des personnes morales.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis, pour les mêmes raisons.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis du Gouvernement, elle adopte lamendement rédactionnel CE1171 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement CE1901 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement vise à préciser que la charge financière des travaux de finition s’accompagne de la responsabilité de l’acquéreur qui s’est réservé la réalisation de ceux-ci, pour s’assurer, d’une part, qu’ils répondront aux garanties légales et, d’autre part, pour empêcher le développement du travail illégal.

L’introduction de la notion de responsabilité de l’acquéreur encouragera ce dernier à faire appel à des professionnels pour éviter tout problème ultérieur qui résulterait d’une mauvaise exécution des travaux.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Elle passe à lamendement CE2225 de M. Cédric Roussel.

M. Cédric Roussel. Cet amendement vise à établir que les travaux de finition ne doivent produire d’effets ni sur les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, ni sur les délais de réalisation des travaux. Il permettra de préciser les règles applicables à la responsabilité de l’acquéreur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : le projet de loi vise à permettre à l’acquéreur de se réserver l’exécution de petits travaux dont certains peuvent être indispensables à l’utilisation du logement et, de ce fait, jugés nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : il n’y a aucune raison objective d’obliger l’acquéreur à réaliser les travaux réservés dans le délai déterminé.

M. Stéphane Peu. La réponse du rapporteur me semble être un plaidoyer en faveur de l’amendement : les travaux auxquels il fait référence peuvent concerner toutes les parties de l’immeuble, sauf les parties communes et l’aspect extérieur – c’est bien le moins.

M. Richard Lioger, rapporteur. M. Peu m’a sans doute mal compris : le projet de loi vise à permettre à l’acquéreur de se réserver l’exécution de petits travaux dont certains peuvent être indispensables à l’utilisation du logement et, de ce fait, considérés comme nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, elle adopte lamendement rédactionnel CE1172 du rapporteur.

Puis elle adopte larticle 22 modifié.

Après l’article 22

La commission examine lamendement CE1499 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Thibault Bazin. Il est défendu.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : il ne peut y avoir de solidarité juridique des cotraitants envers le maître d’ouvrage pour les marchés de travaux d’un montant inférieur à 300 000 euros.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE2309 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il est défendu.

Suivant lavis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2226 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à faciliter le recours à la VEFA afin d’accélérer la construction de places d’hébergement en résidences-autonomie et en résidences hôtelières à vocation sociale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, car cet amendement instaurerait des dispositions contraires aux directives européennes.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2564 de Mme Éricka Bareigts.

M. François Pupponi. Il est défendu.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : une telle disposition me paraît de nature à poser des problèmes de constitutionnalité.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Article 23
(articles L. 461-1, L. 461-2 [nouveau], L. 461-3 [nouveau], L. 4614 [nouveau], L. 4622, L. 48012, L. 480-17 [nouveau] du code de lurbanisme, articles L. 151-1, L. 151-2 [nouveau], L. 1513 [nouveau], L. 15210, L. 152-13 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Adapter le contrôle de la conformité des constructions, aménagements, installations et travaux et la constatation des infractions

1.   L’état du droit

Les articles L. 461-1 du code de l’urbanisme et L. 151-1 du code de la construction et de l’habitation confèrent au préfet, à l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme, de même qu’aux agents assermentés et commissionnés pour constater les infractions au code de l’urbanisme, un droit de visite des constructions et un droit de communication des documents techniques se rapportant à celles-ci. Ce droit leur permet d’accéder aux constructions en cours de réalisation et jusqu’au terme d’un délai de trois ans suivant leur achèvement afin de procéder « aux vérifications qu’ils jugent utiles ». Ces articles présentent une fragilité au regard des dispositions relatives au respect de la vie privée et du domicile de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

Les articles L. 480-12 du code de l’urbanisme et L. 152-10 du code de la construction et de l’habitation incriminent pour leur part l’obstacle au droit de visite et exposent son auteur à une amende de 3 750 € et à un mois d’emprisonnement. Il ny a pas, aujourdhui, de distinction suffisante entre les opérations de contrôle administratif et celles visant la constatation des infractions pénales.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi modifie de manière quasi-identique les dispositions figurant dans le code de l’urbanisme et celles figurant dans le code de la construction et de l’habitation. Il distingue clairement les opérations de contrôle administratif (alinéas 1 à 31 et 39 à 65) des opérations visant la constatation des infractions pénales (alinéas 32 à 38 et 66 à 73).

a.   Les opérations de contrôle administratif

Ces visites ne sont pas nécessairement motivées par la recherche et la constatation des infractions. Le projet de loi :

– étend le champ dapplication du droit de visite et de communication à l’ensemble des lieux accueillant ou susceptibles d’accueillir des constructions, aménagements, installations et travaux soumis au code de l’urbanisme (alinéa 5) ;

 précise les finalités du droit de visite et de communication, qui devra permettre de vérifier la conformité des lieux visités aux dispositions du code de l’urbanisme (alinéa 5) ;

– procède à un allongement du délai dans lequel le droit de visite et de communication peut s’exercer (six ans après l’achèvement des travaux, contre trois en l’état actuel du droit) afin de le faire correspondre au délai de prescription de l’action publique des délits ([90]) (alinéas 6 et 43) ;

– prévoit lassentiment de loccupant et détermine la plage horaire, entre 8 heures et 20 heures, dans laquelle ledit droit peut s’exercer (alinéas 8, 9, 45 et 46) ;

– prévoit que les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention lorsque l’accès à un domicile ou à un local comprenant des parties à usage d’habitation est refusé ou lorsque l’occupant ne peut être joint (10 à 19 et 47 à 56) ;

– institue des possibilités de recours contre l’ordonnance autorisant la visite ou contre le déroulement des opérations de visite (alinéas 20 à 27 et 57 à 64)

– institue la faculté pour le préfet et l’autorité compétente en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme de mettre en demeure lauteur de travaux réalisés sans permis ou déclaration préalable ou en méconnaissance de l’un ou l’autre de ces actes, de procéder à la régularisation administrative des travaux dans un délai maximal de 6 mois (alinéa 29).

b.   Les dispositions pénales

Le projet de loi :

– donne une définition plus précise du délit dobstacle au droit de visite (consistant à faire obstacle aux fonctions exercées par les agents pouvant exercer le droit de visite et de communication) et augmente lamende et la peine demprisonnement encourues par l’auteur d’un tel délit (7 500 € contre 3 750 € actuellement, 6 mois d’emprisonnement contre 1 mois en l’état actuel du droit) (alinéas 34 et 69) ;

– encadre la procédure de recherche des infractions : les fonctionnaires et agents qui recherchent et constatent les infractions sont tenus d’en informer le procureur de la République qui peut s’y opposer et doivent recueillir l’assentiment manuscrit de l’occupant des lieux (alinéas 37, 38, 72 et 73).

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trente amendements rédactionnels.

*

*     *

Lamendement CE1201 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement de précision juridique CE1440 du rapporteur.

Lamendement CE1443 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1441 et CE1442 du rapporteur.

Lamendement CE1202 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1204 et CE1209 du rapporteur.

Les amendements CE1215 et CE1216 du rapporteur sont retirés.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1217, CE1218 et CE1219 du rapporteur.

Les amendements CE1221 et CE1222 du rapporteur sont retirés.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1223, CE1224, CE1225 et CE1227 du rapporteur.

Lamendement CE1233 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement rédactionnel CE1237 du rapporteur.

Elle passe à lamendement CE1444 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Amendement de précision juridique.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il est satisfait.

Lamendement est retiré.

Les amendements CE1238 et CE1239 du rapporteur sont retirés.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1240, CE1241 et CE1446, lamendement de précision juridique CE1445 et les amendements rédactionnels CE1243 et CE1244 du rapporteur.

Lamendement CE1245 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1248 et CE1250 du rapporteur.

Les amendements CE1251 et CE1252 du rapporteur sont retirés.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1249, CE1253 et CE1254 du rapporteur.

Les amendements CE1255 et CE1256 du rapporteur sont retirés.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1257, CE1258, CE1262 et CE1270 du rapporteur.

Lamendement CE1274 du rapporteur est retiré.

La commission examine lamendement CE2788 de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République. Soucieuse d’appliquer la fameuse maxime « même punition, même motif », la commission des lois propose d’harmoniser le code de la construction et de l’habitation et celui de l’environnement en portant à 15 000 euros l’amende encourue en cas d’obstacle à l’exercice par l’administration de ses missions de recherche.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suggère le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. En effet, cet amendement vise à modifier le montant de l’amende encourue en cas d’obstacle au droit de visite des autorités et agents chargés de contrôler le respect des règles du code de la construction et de l’habitation en reprenant la peine de 15 000 euros d’amende qui figure à l’article L.173-4 du code de l’environnement. Cet article prévoit également une peine d’emprisonnement de six mois en cas d’obstacle au droit de visite. Or, dans sa grande sagesse, le ministère de la justice recommande de prévoir une amende de 7 500 euros lorsqu’une peine d’emprisonnement de six mois est encourue. Les modifications législatives découlant de cette nouvelle échelle des peines seront progressivement effectuées au fil des textes concernés. En ce qui concerne le code de la construction et de l’habitation, il semble donc préférable d’appliquer les principes les plus récents et de maintenir le texte en l’état.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais cet amendement émanant de la commission, je ne peux le retirer.

La commission rejette lamendement.

Lamendement CE1277 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte les amendements rédactionnels CE1279 et CE1281 du rapporteur.

La commission adopte larticle 23 modifié.

Article 23 bis (nouveau)
(article L. 5117 du code de la consommation, articles L. 241-8 et L. 271-1
du code de la construction et de lhabitation)
Extension des pouvoirs de la direction générale de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

La commission a adopté un amendement étendant les pouvoirs des enquêteurs la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et renforçant les sanctions en cas de manquements aux règles existantes de la construction de maison individuelle afin que les professionnels indélicats, qui nuisent au secteur de la construction dans son ensemble, ne réitèrent pas leurs pratiques irrégulières, et que la confiance des consommateurs soit confortée.

*

*     *

La commission examine lamendement CE2660 du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le présent amendement a pour objet d’étendre les pouvoirs des enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de renforcer les sanctions en cas de manquements aux règles existantes de la construction de maison individuelle afin que les professionnels indélicats – ils sont rares mais ils existent – qui nuisent au secteur de la construction dans son ensemble ne réitèrent pas leurs pratiques irrégulières, et que la confiance indispensable des consommateurs soit confortée.

Le I de cet article additionnel vise à habiliter les agents de la DGCCRF à rechercher et à constater les infractions ou les manquements aux dispositions de l’article L. 231-4 du code de la construction et de l’habitation qui interdit tout versement de fonds avant la signature du contrat de construction de maison individuelle – ce qui semble sage. En effet, l’irrégularité des appels de fonds, régulièrement constatée dans le cadre des enquêtes de la DGCCRF, génère un risque financier conséquent pour le maître de l’ouvrage dans la mesure où le garant peut refuser la mise en œuvre de la garantie de livraison à prix et délais convenus.

Le 1° du II vise à habiliter les agents de la DGCCRF à contrôler l’existence d’un contrat conforme aux dispositions d’ordre public du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation. Ces agents seraient ainsi en mesure de vérifier la régularité du processus contractuel et de mettre en œuvre des pouvoirs visant à mettre fin aux manquements.

Les sanctions pénales actuellement prévues pour début d’exécution des travaux sans avoir conclu un contrat écrit ou sans avoir obtenu la garantie de livraison sont de deux ans d’emprisonnement et de 37 500 euros d’amende, ce qui correspond aux sanctions de la tromperie et des pratiques commerciales trompeuses avant leur réévaluation par la loi du 17 mars 2014. La gravité de la pratique et du préjudice financier encouru par le consommateur en cas d’absence de contrat et/ou de garantie de livraison à prix et délai convenu nécessite d’aligner le niveau de la sanction sur celui qui existe dans le code de la consommation, soit 300 000 euros.

Le 2° du II vise à sanctionner l’absence de mention du droit de rétractation ou du droit de réflexion dans le contrat de construction de maison individuelle – droits importants, reconnus à l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation – d’une amende administrative d’un maximum de 3 000 euros pour une personne physique et d’un maximum de 15 000 euros pour une personne morale. Il vise également à habiliter les agents de la DGCCRF à rechercher et constater les manquements à cette obligation légale.

En somme, il s’agit de renforcer la protection du consommateur.

Suivant lavis favorable du rapporteur, la commission adopte lamendement.

Chapitre VI
Améliorer le traitement du contentieux de lurbanisme

Article 24
(articles L. 442-14, L. 600-1-2, L. 600-3, L. 600-5, L. 600-5-1, L. 600-5-2 [nouveau], L. 600-6, L. 600-7, L. 600-8, L. 600-12, L. 600-12-1 [nouveau], L. 60013 du code de lurbanisme)
Améliorer le traitement du contentieux de lurbanisme

1.   L’état du droit

a.   La répercussion de l’illégalité du document d’urbanisme

L’exception d’illégalité est un recours par voie d’exception consistant à soulever devant le juge administratif l’illégalité d’une disposition d’un document d’urbanisme (POS ou PLU, par exemple) sur le fondement duquel a été prise la décision individuelle (refus de permis de construire, notamment) qui est contestée. Lillégalité constatée par le juge des dispositions du document durbanisme peut entraîner, sous certaines conditions, lannulation de la décision individuelle.

Afin de préserver la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme en cas d’illégalité des documents d’urbanisme, l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme empêche les requérants d’invoquer par voie d’exception certains vices de procédure ou de forme susceptibles d’affecter certains documents d’urbanisme plus de six mois après leur entrée en vigueur.

b.   La démolition d’une construction

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite « loi Macron » a modifié la rédaction de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme de manière à réduire le risque de démolition dune construction édifiée sur le fondement dun permis de construire. Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si ([91]), préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans une zone protégée (sites inscrits ou classés, sites désignés Natura 2000 etc..).

c.   Les décisions d’urgence

Le recours contentieux contre une autorisation d’urbanisme peut être assorti d’une demande de référé-suspension visant à en suspendre l’exécution. L’article L. 521-1 du code de la juridiction administrative impose que trois conditions ([92]) soient réunies pour que le juge des référés ordonne la suspension de l’exécution d’une décision : l’urgence le justifie ; la décision administrative fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation ; il est fait état d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

d.   Les pouvoirs du juge en contentieux de l’urbanisme

L’article L. 600-5 du code de l’urbanisme permet au juge de l’excès de pouvoir de procéder à lannulation partielle d’un permis dans le cas où l’illégalité porte sur un élément divisible du projet ou affecte une partie identifiable du projet et peut être régularisée par un permis modificatif.

L’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme donne la faculté au juge de surseoir à statuer pour permettre la régularisation des permis de construire, de démolir ou d’aménager en cours d’instance, par la délivrance d’un permis de construire modificatif.

e.   Les recours abusifs

L’article L. 600-7 du code de l’urbanisme facilite l’action en dommages et intérêts contre les auteurs de recours abusifs. Le titulaire d’une autorisation d’urbanisme peut demander réparation de son préjudice directement au juge administratif, par une demande reconventionnelle indemnitaire, sans avoir à saisir les juridictions civiles en parallèle. Est considéré comme abusif le recours qui est mis en œuvre dans « des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant » et qui « causent un préjudice excessif » au bénéficiaire du permis.

Depuis l’entrée en vigueur de cet article, les conclusions reconventionnelles à fin de dommages et intérêts présentées devant les tribunaux administratifs ont quasiment toutes été rejetées ([93]). Ces rejets tiennent notamment à la difficulté de justifier le caractère excessif du préjudice subi par le bénéficiaire du permis.

2.   Le projet de loi

Les alinéas 1, 2, 30, 31, 32 et 33 permettent de limiter davantage la répercussion de lillégalité du document durbanisme. Ils prévoient que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme sont, par elles-mêmes, sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet (alinéa 32). Les dispositions en cause ne visent que les décisions valant autorisation (alinéa 33). Cette stabilisation des règles d’urbanisme joue également en cas d’annulation du document d’urbanisme au vu duquel le permis d’aménager ([94]) a été accordé (alinéa 1).

Les alinéas 4 à 9 clarifient les règles relatives à lappréciation de lintérêt pour agir définies à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme. Cet article exige du requérant qu’il établisse que « la construction, l’aménagement ou les travaux » sont « de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien » qu’il détient ou occupe. Lalinéa 6 étend le champ de l’intérêt pour agir à toutes les décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol et non plus seulement aux permis de construire, de démolir ou d’aménager. Lalinéa 7 remédie à une ambiguïté en remplaçant le terme de « travaux » par ceux de « projet autorisé » : il n’était pas dans l’intention du législateur de considérer les travaux de chantier pour apprécier l’intérêt pour agir contre une autorisation d’urbanisme.

Les alinéas 3, 19 et 20 reconnaissent au préfet un droit spécifique pour demander la démolition dune construction sur lensemble du territoire, même en dehors des zones protégées, dès lors que le permis a été annulé sur déféré préfectoral.

Les alinéas 10, 11 et 12 ont pour objectif d’éviter qu’une requête en référé n’aboutisse à des suspensions tardives de projets. Les alinéas 10 et 11 limitent le référé suspension dans le temps, en ne l’autorisant que pendant un délai suivant la requête au fond, celui de la cristallisation des moyens. Lalinéa 12 inscrit explicitement dans la loi une présomption durgence, dès l’octroi de l’autorisation, laquelle était déjà reconnue par la jurisprudence ([95]).

La cristallisation des moyens

L’article R. 611-7-1 du code de justice administrative permet au juge, d’office ou sur demande, de fixer une date au-delà de laquelle les moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués, c’est-à-dire de cristalliser le débat contentieux une fois l’affaire en état d’être jugée.

Le groupe de travail présidé par Mme Christine Maugüé, conseillère d’État, préconise de prévoir un mécanisme de cristallisation automatique de deux mois après la production du premier mémoire en défense pour les recours dirigés contre les autorisations d’utilisation ou d’occupation du sol. Si cette proposition était retenue par le pouvoir réglementaire, ce que le rapporteur appelle de ses vœux, un recours en matière d’urbanisme ne pourrait donc plus être assorti d’un référé-suspension que jusqu’à la fin du deuxième mois après la production du premier mémoire en défense.

Les alinéas 13 à 18 incitent à la régularisation des permis sous légide du juge, par la voie de lannulation partielle (alinéas 13 et 14) ou du sursis à statuer (alinéas 15 et 16). Ils étendent les dispositions relatives à la régularisation et au sursis à statuer aux décisions de non-opposition à déclaration préalable. Ils les rendent davantage contraignantes pour le juge qui doit motiver le refus de prononcer une régularisation ou de surseoir à statuer. Afin d’éviter les recours « en cascade », qui prolongent l’incertitude pour le bénéficiaire de l’autorisation, lalinéa 18 prévoit que lorsqu’un permis modificatif ou de régularisation a été délivré au cours de l’instance contre le permis initial et est communiqué aux parties, il ne peut être contesté que dans le cadre de cette instance.

Les alinéas 21 à 24 facilitent la mise en œuvre des demandes reconventionnelles indemnitaires en supprimant la notion de préjudice « excessif » et en remplaçant la notion de « conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes » par une autre formule, celle de « conditions qui traduisent un comportement abusif ». Seules les associations agréées pour l’environnement sont présumées ne pas adopter de comportement abusif (alinéa 24).

Les alinéas 25 à 29 permettent de davantage encadrer le régime des transactions ([96]) par lesquelles un requérant s’engage à retirer son recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent. Les alinéas 26 et 27 étendent l’obligation d’enregistrement des transactions à celles par lesquelles une personne a l’intention de demander au juge administratif l’annulation d’une autorisation d’urbanisme et s’engage à ne pas l’introduire en contrepartie du versement d’une somme d’argent. Lalinéa 29 précise que les transactions conclues avec des associations ne peuvent pas avoir pour contrepartie le versement d’une somme d’argent, sauf lorsque les associations agissent pour la défense de leurs intérêts matériels propres.

Les alinéas 34 et 35 rendent les règles spécifiques du contentieux de l’urbanisme explicitement applicables aux permis valant autorisation au titre d’une autre législation.

3.   L’avis du rapporteur

Les dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme font l’unanimité chez les acteurs que le rapporteur a pu auditionner. Le rapporteur insiste tout particulièrement sur l’importance des dispositions qui contribueront à raccourcir les délais de jugement, à améliorer la lutte contre les recours abusifs et à sécuriser les autorisations devenues définitives. La spécificité du contentieux de l’urbanisme étant déjà très marquée, le projet de loi permet d’améliorer significativement ce contentieux sans pour autant engendrer une différenciation des règles fondamentales autour desquelles s’articule la procédure contentieuse.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté six amendements rédactionnels ainsi que deux amendements de fond permettant d’améliorer encore davantage le contentieux de l’urbanisme.

Le premier, issu d’une proposition du rapport du groupe de travail présidé par Mme Christine Maugüé ([97]), clarifie les règles de prescription administrative. Selon ces règles, un refus de permis de construire ou de déclaration préalable ne peut pas être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale dès lors que la construction est achevée depuis plus de dix ans, sauf si la construction a été achevée « sans permis de construire ». L’amendement adopté par la commission apporte une précision sur la signification des termes « construction sans permis de construire », qui ne doivent viser que les constructions réalisées en l’absence de permis initial. Les règles de prescription administrative s’appliquent donc bien aux constructions réalisées sur le fondement d’un permis annulé par la suite.

La commission a également adopté un amendement, à l’initiative de la commission des lois saisie pour avis sur cet article, permettant aux associations acceptant de transiger d’obtenir le remboursement des frais qu’elles ont engagés dans le cadre de la préparation et du déroulement de la procédure contentieuse.

*

*     *

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement de précision CE1174 et lamendement rédactionnel CE1175 du rapporteur.

Elle examine les amendements identiques CE1304 du rapporteur et CE224 de Mme Stéphanie Do.

M. Richard Lioger, rapporteur. Selon les règles de prescription administrative, un refus de permis de construire ou de déclaration préalable ne peut plus être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme dès lors que la construction est achevée depuis plus de dix ans. Ces règles ne s’appliquent pas si la construction a été achevée « sans permis de construire ».

Cet amendement vise à préciser la signification des termes « construction sans permis de construire », qui ne concernent que les constructions réalisées en l’absence de permis initial. Les règles de prescription administrative s’appliquent donc bien aux constructions réalisées sur le fondement d’un permis annulé par la suite.

Mme Stéphanie Do. Le rapporteur a sans doute souhaité marquer son soutien à notre amendement CE224, identique…

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Ces amendements visent à modifier le régime de la prescription administrative concernant les cas de constructions réalisées sans déclaration préalable. Après examen, ils s’avèrent sans objet : si les constructions sont réalisées sans déclaration préalable – et non sans permis de construire –, elles n’entrent pas dans l’exception figurant au 5° de l’article L.421-9 du code de l’urbanisme, qui permet de bénéficier de la prescription administrative après dix ans. En conséquence, je propose le retrait de ces amendements ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

La commission adopte les amendements.

Elle passe à lamendement CE223 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Cet amendement vise à redonner toute sa clarté logique à un article du code de la construction et de l’habitation modifié par le projet de loi qui y ajoute une condition à d’autres conditions déjà imbriquées. Sur le fond, rien ne change : l’amendement reprend le sens du projet de loi tel qu’il apparaît dans l’étude d’impact.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : en réécrivant les deux premiers alinéas de l’article L.480-13, votre amendement aurait pour conséquence malencontreuse de supprimer la condition selon laquelle le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à démolir une construction que si le permis a été préalablement annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : la réécriture de l’article à laquelle a procédé le groupe de travail confié à Mme Christine Maugüé a été validée par le Conseil d’État, ce qui garantit sa lisibilité. La réorganisation de l’article serait susceptible de soulever de nouvelles questions juridiques.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1961 de M. Sébastien Cazenove.

M. Sébastien Cazenove. Cet amendement porte sur l’intérêt à agir des associations déposant des recours contre des permis de construire. L’affichage de la demande d’une autorisation d’urbanisme a lieu en mairie lors du dépôt de la demande mais, de ce point de vue, la dématérialisation à venir des permis de construire pose problème, a fortiori lorsque les demandes sont instruites par une intercommunalité. Nous proposons donc que les demandes soient également affichées au siège de l’EPCI.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : la multiplication des lieux d’affichage des demandes d’autorisation d’urbanisme est de nature à créer une insécurité juridique.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : cet amendement ne va pas dans le sens de la simplification. Mieux vaut que les citoyens sachent où les demandes sont systématiquement affichées, c’est-à-dire en mairie.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1306 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à imposer la production, à peine d’irrecevabilité, des documents permettant d’apprécier l’intérêt à agir du requérant – c’est-à-dire les titres et actes de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention du bien et, pour les associations, leurs statuts et le récépissé attestant de leur déclaration en préfecture. L’objectif est d’inciter les requérants à produire rapidement les informations nécessaires à l’examen de leur requête.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement : le Gouvernement en partage l’objectif et a adopté la même disposition dans un décret élaboré parallèlement aux dispositions législatives proposées, et qui sera transmis au Conseil d’État.

Lamendement est retiré.

Lamendement CE1449 du rapporteur est retiré.

La commission examine lamendement CE225 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le délai actuel de recours contentieux contre un permis de construire est de deux mois, ce qui peut paraître raisonnable. Cependant, l’introduction d’un recours gracieux proroge toute la procédure de la durée nécessaire au traitement dudit recours, la durée totale de la procédure pouvant alors atteindre six mois, ce qui soumet l’opérateur à une longue incertitude et, de ce fait, constitue un frein à la construction. Nombreux sont les acteurs qui attendent une réduction de ces délais.

Le plus simple serait de réduire de moitié chaque délai – celui du dépôt d’un recours contentieux, celui du dépôt d’un recours gracieux et celui de l’instruction de ce recours. En l’absence de recours gracieux, en revanche, il sera toujours possible de déposer un recours contentieux dans un délai de deux mois.

Nous proposons donc de réduire à trois mois au plus et deux mois au moins le délai du dépôt d’un recours contentieux en cas de recours gracieux ; cela semble raisonnable. Pour rassurer les acteurs et leur donner davantage de visibilité, il est préférable de fixer cette règle par voie législative.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Le groupe de travail confié à Mme Maugüé a estimé que la spécificité déjà forte du contentieux de l’urbanisme ne pouvait s’accommoder d’une différenciation des règles fondamentales autour desquelles s’articule la procédure contentieuse.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Le groupe de travail de Mme Maugüé a abouti à des avancées très importantes pour raccourcir les délais de procédure et accélérer le traitement du contentieux dans les juridictions administratives. Il ne s’agit naturellement pas de porter atteinte au droit de recours. Il serait sage de ne pas réduire davantage les délais de recours, bien que nous fassions de notre mieux pour les limiter.

Mme Stéphanie Do. Dans le domaine très particulier de l’urbanisme où existent déjà des dérogations de justice administrative, les spécificités du secteur, les sommes en jeu, les délais nécessaires avant de donner le premier coup de pioche et la nécessité de créer un choc de l’offre justifient pleinement une adaptation des procédures administratives. Cela étant, je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement CE1176 du rapporteur.

Lamendement CE1451 du rapporteur est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement CE1177 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement CE226 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Depuis la loi du 13 juillet 2006, il est possible de procéder à l’annulation partielle d’un permis de construire pour permettre la régularisation d’un aspect du projet jugé fautif mais régularisable. Cette possibilité est très appréciée par les opérateurs car elle permet d’améliorer un projet contenant des erreurs tout en évitant le couperet d’une annulation complète. Le projet de loi prévoit d’ailleurs de manière tout à fait judicieuse d’imposer au juge cette annulation partielle lorsqu’elle est possible.

Il semblerait logique d’ouvrir la même possibilité pour le référé suspensif, une procédure d’urgence qui permet au juge d’ordonner la suspension des travaux s’il l’estime nécessaire, en attendant que le dossier soit jugé au fond. En l’état actuel du droit, le juge ne peut pas prononcer de suspension partielle. S’il estime que tel aspect particulier ne permet pas de laisser les travaux se poursuivre, il doit donc suspendre la totalité du chantier. Dans ce cas, l’opérateur abandonne souvent le projet dans son ensemble, estimant que les risques financiers sont trop élevés. C’est d’autant plus regrettable que dans de nombreux cas, une suspension partielle est possible et permettrait de poursuivre les travaux tout en rassurant l’opérateur sur la suite du chantier, puisqu’il constatera que le juge a accepté le reste du projet. Il lui suffira de rectifier les points visés par les attendus du jugement.

En clair, l’extension du rejet partiel au référé est une mesure de bon sens qui renforcera l’efficacité du secteur de la construction sans nuire au droit de recours.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’article L. 521-4 du code de justice administrative, qui permet déjà au pétitionnaire de régulariser une autorisation suspendue par le juge des référés, répond à votre préoccupation. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : cette évolution est inutile dans la mesure où le pétitionnaire peut déjà régulariser une autorisation suspendue en demandant une autorisation rectificative.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1885 de Mme Graziella Melchior.

Mme Graziella Melchior. La longueur des délais liés aux recours abusifs soumet les opérateurs à une forte incertitude. Cet amendement vise à instaurer une phase préalable au contentieux durant laquelle le juge examine rapidement les recours afin d’écarter ceux qui sont irrecevables pour des raisons liées au respect des délais, aux formalités ou à la vérification de l’intérêt à agir, entre autres. L’objectif est d’accélérer les procédures afin que le juge puisse se concentrer sur les recours prioritaires qui respectent déjà les conditions prévues dans le code de justice administrative.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : le juge peut déjà rejeter par voie d’ordonnance les recours manifestement irrecevables.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : cet amendement se traduirait par une duplication inutile des audiences.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1883 de Mme Graziella Melchior.

Mme Graziella Melchior. Pour lutter contre les recours abusifs, cet amendement vise à fixer à dix mois le délai de jugement des requêtes contre les permis de construire, ce qui permettrait de renforcer la sécurité juridique des opérateurs sans entraver le droit légitime au recours.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis d’accord sur le fond mais cette mesure est d’ordre réglementaire. Je propose donc le retrait de l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : votre amendement est satisfait puisque nous avons souhaité aller plus loin que le droit existant en introduisant, dans un décret à paraître avant le mois de juillet, une disposition fixant à dix mois les délais de jugement de ces requêtes, sans la circonscrire à un territoire particulier. L’objectif, que nous partageons, est d’accélérer les procédures.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement CE1178 du rapporteur.

Elle passe à lamendement CE2504 de Mme Gomez-Bassac.

Mme Valérie Gomez-Bassac. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Suivant lavis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE2040 de M. Jacques Cattin.

M. Thibault Bazin. Les associations de protection de l’environnement bénéficient d’un régime particulier de protection fondé sur la présomption que leurs recours obéissent par principe à un motif d’intérêt général. Or, il arrive que ces associations déposent des recours abusifs fondés sur des motifs sans rapport avec leur objet statutaire. C’est pourquoi cet amendement proposé à l’initiative de M. Cattin vise à modifier l’article pour insister sur l’obligation qu’ont les associations requérantes de déposer des recours en rapport direct avec leur objet statutaire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement restreint la présomption de non-recours abusif dont bénéficient naturellement toutes les associations agréées pour la protection de l’environnement ; avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Thibault Bazin. Je maintiens l’amendement et regrette cet avis, en souhaitant que le combat se poursuive en séance publique.

M. le président Roland Lescure. Cela dépendra de vous – et du temps législatif programmé.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2502 de Mme Caroline Janvier.

Mme Caroline Janvier. Comme les précédents amendements que j’ai défendus, celui-ci vise à garantir la prise en compte de la question de l’accessibilité des personnes ayant un handicap quel qu’il soit, en étendant aux associations qui défendent cette accessibilité la présomption accordée aux associations de protection de l’environnement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet élargissement du périmètre des associations présumées ne pas adopter de comportement abusif.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE228 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le projet de loi prévoit de faciliter le versement de dommages et intérêts en cas de recours abusifs et c’est une excellente chose ; encore faut-il en modifier les montants, généralement trop faibles. Il convient donc d’encourager le juge à prendre en compte la question de la dissuasion lorsqu’il fixe le montant des dommages et intérêts, tout en restant fidèle au principe de réparation, puisque le montant réclamé restera lié au préjudice subi. Le préjudice étant parfois très important, le juge pourra ne pas condamner le fautif à verser un montant équivalent au motif qu’une somme trop importante met en cause le droit au recours. Comme à son habitude, il estimera alors le montant en fonction du contexte, mais il est nécessaire que la loi fixe des principes encadrant l’évaluation du montant et encourage le juge à tenir compte de l’objectif de dissuasion.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : rien n’empêche le juge de fixer un montant dissuasif.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable : la rédaction actuelle de l’article ne fait pas obstacle à la fixation d’un montant dissuasif de dommages et intérêts. L’amendement proposé n’apporterait rien de plus au texte.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement rédactionnel CE1180 du rapporteur.

Puis elle examine lamendement CE2789 de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous partageons pleinement l’objectif selon lequel une association ne doit tirer aucun gain en transigeant, sous la menace d’un recours, avec un porteur de projet. Cependant, certaines associations agissent en toute bonne foi et engagent des frais pour étayer leurs dossiers. En ignorant ces dépenses, nous irions à l’encontre de notre objectif d’accélération des procédures, car une association pourrait être tentée de poursuivre son action jusqu’au stade de la procédure pour recouvrer ses dépens. Je précise que lors de son audition, Mme Maugüé n’a pas été heurtée par cette évolution potentielle du texte.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable : cet amendement nous paraît de nature à affaiblir la disposition prévue en permettant le remboursement des frais et dépens de toutes les associations, que leurs recours soient ou non fondés. Si c’est le cas, ce n’est pas souhaitable. En outre, cette modification du code de justice administrative s’appliquerait à l’ensemble des associations et les recours qu’elles formeraient en n’importe quel domaine seraient concernés. Mieux vaudrait examiner cette proposition dans le cadre du futur projet de loi sur la justice, et non sur le projet de loi ELAN.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Je précise, monsieur le ministre, que l’amendement porte sur le stade de la transaction, en amont de la procédure.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’accord transactionnel règle le sort des frais et dépens.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Non, justement !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. En cas de transaction et quel que soit l’accord conclu par les parties, le sort des frais et dépens n’est plus en discussion.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. L’article vise précisément à interdire toute compensation financière. C’est pourquoi cette proposition est attendue.

La commission adopte lamendement.

Lamendement CE1189 du rapporteur est retiré.

La commission examine lamendement CE227 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. La longueur des délais de jugement des contentieux représente un frein et un coût importants qui entravent fortement la construction et provoquent l’abandon de certains projets. D’après l’étude d’impact du projet de loi, un recours dure deux ans en moyenne, à quoi il faut ajouter une année supplémentaire en cas d’appel. À défaut d’encadrer la durée de ces recours, il serait souhaitable d’accélérer l’examen de leur recevabilité en fixant un délai prévisible. La fixation à trois mois du délai d’examen de la recevabilité des recours par le tribunal permettrait d’évacuer rapidement certaines demandes et libérerait les opérateurs d’une gêne inutile sans pour autant imposer une contrainte excessive à l’administration.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : le juge peut déjà rejeter les recours irrecevables par voie d’ordonnance.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis, pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1305 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à ce que la réalisation de travaux conformes à une autorisation devenue définitive mais non conformes aux dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) applicable lors de leur exécution ne puisse en principe constituer une infraction au droit de l’urbanisme pénalement sanctionnée par l’application des dispositions de l’article L. 610-1 du code de l’urbanisme.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. En fait, cet amendement vise à limiter le risque de condamnation pénale en cas de travaux conformes à une autorisation d’urbanisme devenue définitive mais entreprise après l’annulation d’un PLU – l’expérience montre que ce cas de figure peut se produire. Or aucun risque concret de condamnation des constructeurs de bonne foi ne semble avéré. La seule condamnation connue, prononcée dans un arrêt de 2017, concerne un cas où le pétitionnaire était de mauvaise foi car informé de l’inconstructibilité de la zone suite à l’annulation du PLU – il s’agissait de la construction d’une résidence hôtelière dans une zone remarquable au sens de la loi Littoral, donc inconstructible.

Au-delà d’un risque pénal putatif en cas de bonne foi du pétitionnaire, cet amendement priverait les pouvoirs publics de toute sanction pénale possible, par exemple lorsque les services de l’État auraient fait le constat de l’illégalité des travaux a posteriori : un permis devenu définitif ne pourrait plus faire l’objet de sanctions pénales. Je vous propose donc de retirer cet amendement, monsieur le rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’entends cette argumentation et je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1546 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Cet amendement vise à ne pas laisser au service instructeur ayant failli dans l’instruction d’un permis de construire devenu tacite le droit de décider unilatéralement de son retrait sans en référer au juge administratif.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, car cet amendement engendre une confusion entre les pouvoirs des juges et ceux de l’administration compétente.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis, pour les mêmes raisons.

Lamendement est retiré.

La commission passe à lamendement CE1902 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Cet amendement vise à aligner le délai de retrait administratif d’un permis de construire sur celui du recours des tiers à un permis de construire, fixé à deux mois. Nous y gagnerions en simplification, de cohérence et efficacité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : ces deux recours n’ont pas les mêmes points de départ.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2164 de M. Cédric Roussel.

M. Cédric Roussel. L’article R.811-1-1 du code de justice administrative dispose que l’appel est suspendu dans les zones tendues pour une durée de cinq ans, du 1er décembre 2013 au 1er décembre 2018. Cet amendement vise à proroger de trois ans cette expérimentation ; couplée avec les nouvelles mesures, elle permettra ainsi de repérer plus finement les points de crispation.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cette évaluation serait utile mais si le Gouvernement s’engage à la réaliser, il n’est pas nécessaire d’inscrire la remise d’un rapport dans la loi. Je propose donc le retrait de l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement s’y engage.

M. Cédric Roussel. Compte tenu de cet engagement, je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 24 modifié.

Après l’article 24

La commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après larticle 24.

Elle examine lamendement CE2583 de Mme Christine Hennion.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement a pour objet de clarifier la rédaction du 8° de l’article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, en remplaçant la notion de « pour le compte de » par une mention du rôle de mandataire de la commune ou de l’EPCI.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable : cela réduirait le champ des décisions prises par les sociétés d’économie mixte et relevant de prérogatives de puissance publique.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2790 de M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à renforcer l’information du public en prévoyant que les collectivités locales pourront mettre en ligne, sur le portail national de l’urbanisme, les documents concernant la révision des documents d’urbanisme.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Votre amendement vise à ajouter les documents d’urbanisme en cours d’élaboration, de modification ou de révision à la liste de ceux pouvant être transmis à l’État par voie dématérialisée pour insertion dans le géoportail de l’urbanisme. Celui-ci a pour objet de mettre à la disposition du public les documents d’urbanisme dans leur version approuvée par les autorités compétentes et rendue exécutoire, notamment pour permettre à d’éventuels pétitionnaires de connaître les règles applicables à la construction envisagée.

L’amendement, tel qu’il est rédigé, revient à publier des documents encore en projet et dont le contenu provisoire pourrait induire en erreur ceux qui les consulteraient. Pour des raisons évidentes de sécurité juridique, tous les documents d’urbanisme approuvés et rendus exécutoires doivent, comme c’est le cas aujourd’hui, être publiés. Par conséquent, je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. J’entends l’argument, mais s’agissant d’un amendement de la commission, je le maintiens.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je me range à l’avis du Gouvernement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2581 de Mme Christine Hennion.

Mme Christine Hennion. Cet amendement apporte une précision juridique, afin de prendre en compte les évolutions du périmètre d’activité des sociétés publiques locales (SPL) et de mettre les textes en concordance.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’article L. 300-1 du code de l’urbanisme renvoie à l’aménagement au sens du livre III du code de l’urbanisme et non du code dans sa totalité. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis également défavorable. Votre amendement tend à permettre aux SPL de réaliser les mêmes types d’opérations d’aménagement que les sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) en modifiant la notion d’aménagement définie par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, ce qui poserait un problème d’articulation.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1926 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. La présence croissante de friches industrielles, commerciales ou habitables, dans les centres-villes et leurs périphéries freine le développement et la construction de logements et de commerces. L’impact visuel et sécuritaire nuit à l’image des communes et constitue une gêne pour les riverains. Il est de l’intérêt général que les procédures soient plus rapides, que les délais prévus soient à tout le moins contenus afin de donner plus de lisibilité au calendrier des actions de transformation du paysage urbain.

Mon amendement vise donc à assurer l’exécution des décisions de justice ordonnant une démolition, une mise en conformité ou une remise en état par le maire ou le fonctionnaire compétent, en cas de non-respect du délai fixé par le jugement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Les raisons pour lesquelles certaines collectivités ou préfectures ne font pas procéder d’office à ces travaux tiennent au manque de moyens. Votre amendement serait donc de nature à poser de réelles difficultés, notamment en termes de responsabilité extra‑contractuelle.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Bien que l’objectif soit louable, j’émettrai un avis défavorable.

Lamendement est retiré.

 

 


—  1  —

TITRE II
évolutions du secteur du logement social

Chapitre Ier
Restructuration du secteur

Article 25
(articles L. 423-1, L. 423-1-1, L. 423-1-2, L. 423-1-3, L. 423-2, L. 481-1-1 [nouveau] et L. 481-1-2 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Obligation de regroupement des bailleurs sociaux

1.   L’état du droit

Les 861 bailleurs sociaux de France se répartissent en quatre catégories relevant chacune d’un régime juridique distinct :

– les offices publics de lhabitat (OPH), au nombre de 261, sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) rattachés à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ;

– les sociétés anonymes dhabitations à loyer modéré (SA HLM), également appelées entreprises sociales pour l’habitat (ESH), au nombre de 241, sont des sociétés anonymes non lucratives relevant du code de commerce ainsi que de dispositions spécifiques du code de la construction et de l’habitation ;

– les sociétés anonymes coopératives dHLM et les sociétés coopératives d’intérêt collectif d’HLM, au nombre de 175 ;

– les sociétés déconomie mixte (SEM) agréées pour la construction et la gestion de logements sociaux, au nombre de 184, sont des sociétés anonymes dont le capital est majoritairement, mais pas exclusivement, détenu par une ou plusieurs personnes publiques.

Ces 861 bailleurs sociaux gèrent 4,8 millions de logements. La taille moyenne des bailleurs sociaux, exprimée en nombre de logements gérés, est donc relativement faible. Le nombre moyen de logements gérés par organisme est de 5 621, les SEM se distinguant avec une moyenne de seulement 2 215 logements gérés.

Depuis plusieurs années, un mouvement de concentration des bailleurs sociaux est observé ([98]), soit sous la forme de fusions d’organismes, soit par la constitution de groupes ou de structures de coopération.

Le droit en vigueur offre aujourd’hui plusieurs possibilités de regroupement pour les bailleurs sociaux :

– Ceux-ci peuvent, tout d’abord, faire partie d’un même groupe au sens du code de commerce si des liens capitalistiques sont établis entre eux. Des groupes, avec à leur tête une société-mère, peuvent ainsi être créés si un bailleur social ou une autre société contrôle une majorité du capital d’autres bailleurs sociaux. Les OPH étant des établissements publics dépourvus de capital social, cette possibilité de regroupement ne leur est cependant pas ouverte. Il en est de même pour les SEM dont le capital doit, en application du code général des collectivités territoriales, être majoritairement détenu par une personne publique ;

– Par ailleurs, depuis la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l’urbanisme et à l’habitat, les OPH, les SA HLM et les coopératives HLM peuvent créer entre eux une société anonyme en vue de favoriser leur coopération dans un ou des périmètres donnés. L’article L. 423-1-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) précise toutefois que l’objet social de ces sociétés est limité au soutien de projets que ses actionnaires mènent en commun ;

– L’article L. 423-6 du CCH dispose que tous les bailleurs sociaux peuvent également créer entre eux une structure de coopération ayant pour seul objet la mise en commun de moyens au profit de ses membres. Dans la pratique, ces structures de coopération prennent le plus souvent la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE) dont la fonction est de mutualiser certaines fonctions support.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 25 du présent projet de loi vise à encourager le regroupement des bailleurs sociaux dans une logique d’optimisation des ressources disponibles et de consolidation du secteur du logement social.

a.   La modernisation de la procédure de dissolution d’un bailleur social

Les alinéas 2 à 13 procèdent, tout d’abord, à une modernisation de la procédure de dissolution d’un organisme HLM de moins de 1 500 logements, prévue à l’article L. 423-1 du CCH. Créée en 1971, cette procédure n’a été utilisée qu’à deux reprises par le Gouvernement. Elle répond à la nécessité de lutter contre le maintien d’organismes de petite taille qui sont peu dynamiques et remplissent mal leur mission d’intérêt général.

Afin de rendre cet outil plus opérationnel, l’alinéa 4 supprime tout d’abord une référence obsolète renvoyant au nombre de prêts en dessous duquel un organisme peut être dissous. Par ailleurs, les alinéas 8 à 12 précisent les conditions relatives au rachat du patrimoine de l’organisme dissous. Le ministre chargé du logement pourra, après avis de la commission de péréquation de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), mettre en demeure un autre organisme HLM d’acquérir tout ou partie des logements de l’organisme dissous.

Afin d’harmoniser les règles applicables à toutes les catégories de bailleurs sociaux, les alinéas 52 à 59 étendent cette procédure de dissolution aux SEM agréées en prévoyant que le ministre chargé du logement pourra, dans les mêmes conditions, retirer l’agrément d’une SEM gérant moins de 1 500 logements qui n’a pas construit au moins 500 logements sociaux sur les dix dernières années et ne contribue pas suffisamment à ses missions d’intérêt général.

b.   L’obligation de rejoindre un groupe d’organismes de logement social

L’article 25 crée une nouvelle obligation pour les bailleurs sociaux à compter du 1er janvier 2021 : celle de rejoindre un groupe d’organismes de logement social gérant au moins 15 000 logements.

Les alinéas 41 à 44 précisent toutefois que cette obligation ne s’applique pas dans plusieurs cas :

– si un organisme HLM gère déjà à lui seul plus de 15 000 logements sociaux ;

– si l’activité principale de l’organisme HLM au cours des trois dernières années est une activité d’accession sociale à la propriété (ce qui est le cas de la plupart des coopératives HLM) ;

– si un organisme HLM se situe dans un département où aucun groupe, ni aucun autre organisme HLM indépendant de tout groupe, n’a son siège.

Cette dernière condition d’exonération vise à garantir lancrage dau moins un organisme HLM par département. De la même manière, l’alinéa 45 prévoit que la taille minimale des groupes d’organismes (15 000 logements) ne s’applique pas à ceux qui constituent l’unique groupe dans un département.

Par ailleurs, l’alinéa 51 exonère les départements d’outre-mer et la Corse de cette obligation.

Pour respecter l’obligation de rejoindre un groupe, les alinéas 15 à 17 offrent deux options aux bailleurs sociaux :

– soit rejoindre un groupe commercial intégré, dans lequel un organisme HLM ou une autre société contrôle directement ou indirectement les autres organismes HLM ;

– soit rejoindre une société anonyme de coordination (SAC).

Cette seconde option s’adresse notamment aux OPH qui, parce qu’ils ne disposent pas de capital social, ne peuvent pas rejoindre un groupe commercial intégré.

Les sociétés anonymes de coordination (SAC), définies par les alinéas 23 à 40 du présent article, sont des sociétés anonymes, agréées par le ministre chargé du logement, dont les actionnaires ne peuvent être que des bailleurs sociaux. Leur régime juridique leur confère des missions et des pouvoirs bien plus étendus que les sociétés de coopération créées par la loi de 2003 précitée, auxquelles les SAC ont vocation à se substituer.

Le présent article distingue les compétences obligatoires (alinéas 27 à 35) des compétences optionnelles des SAC (alinéas 36 à 40). Au titre des compétences obligatoires, les SAC ont notamment pour objet d’élaborer un plan stratégique de groupe et un cadre stratégique d’utilité sociale commun à l’ensemble de ses organismes actionnaires. Elles ont également vocation à mettre en place à une politique commune dachats, destinée à réaliser des économies d’échelle, et à développer une unité identitaire en mettant en commun leurs moyens de communication.

Par ailleurs, les alinéas 32 et 34 organisent une mutualisation et une solidarité financière entre les organismes actionnaires de la SAC. Celle-ci sera, en effet, chargée d’organiser la circulation des ressources disponibles entre les organismes actionnaires et de mettre en œuvre des mécanismes de solidarité interne en cas de difficulté financière de l’un des actionnaires.

Afin de faire respecter l’obligation de regroupement ainsi créée, les alinéas 46 à 50 disposent que le ministre chargé du logement pourra, à compter du 1er janvier 2021, mettre en demeure un organisme de souscrire au moins une part sociale d’une SAC ou de céder son patrimoine à un ou plusieurs bailleurs sociaux, qui pourront se voir contraindre de procéder à une telle acquisition.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure considère que le regroupement des bailleurs sociaux rendra le secteur HLM plus fort et bénéficiera en priorité aux bailleurs qui construisent le plus. Les groupes permettront aux organismes HLM d’aller chercher des financements plus complexes et de mutualiser davantage les trésoreries disponibles, qui s’accumulent parfois chez certains bailleurs de petite taille.

Cet article fait confiance à l’intelligence des territoires en laissant les organismes HLM décider eux-mêmes des modalités de regroupement. Le seuil de l’obligation de regroupement, fixé à 15 000 logements, est le résultat d’un compromis trouvé avec les bailleurs sociaux à l’issue de la conférence de consensus. Il permet d’accroître la mutualisation des moyens tout en respectant les réalités territoriales.

Dans cet esprit, votre rapporteure a considéré que la gouvernance des SAC devait être précisée. Les SAC ayant vocation à définir des orientations stratégiques importantes pour l’évolution des organismes HLM au niveau local, il lui est apparu essentiel que les représentants des locataires et les collectivités territoriales, qui sont les principaux décideurs et financeurs du logement social, soient systématiquement présents dans leur gouvernance, comme cela est déjà le cas pour tous les organismes HLM, y compris privés.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté 15 amendements à cet article.

À l’initiative de MM. Bazin, Peu et Pupponi, trois amendements identiques ont, tout d’abord, été adoptés afin de mieux définir le rôle du plan stratégique de patrimoine de chaque groupe d’organismes de logement social. Ces amendements prévoient que ce plan, rebaptisé « cadre stratégique patrimonial », définira des orientations générales et des grands objectifs chiffrés pour la politique patrimoniale de l’ensemble du groupe, en s’appuyant sur le plan stratégique de patrimoine de chaque organisme.

Par ailleurs, afin de préciser la gouvernance des SAC, la commission a adopté deux amendements de votre rapporteure prévoyant :

– la représentation systématique des EPCI compétents en matière d’habitat, des départements et des régions à l’assemblée générale et au conseil d’administration ou de surveillance des SAC ;

– la présence de représentants élus par les locataires au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la SAC, sur le modèle de la disposition existante actuellement pour les sociétés de coopération (L. 423-1-3 du CCH).

En outre, cinq amendements ont précisé le fonctionnement et les compétences des SAC :

– à l’initiative de votre rapporteure, un amendement a ainsi complété le mécanisme de solidarité financière interne aux SAC, en précisant que tout mesure prise par la SAC devra être précédée d’une mise en demeure de l’organisme concerné, lui permettant de présenter ses observations ;

– des amendements identiques de votre rapporteure et de MM. Peu et Pupponi ont remplacé l’obligation de consolidation des comptes au sein de la SAC par une obligation de combinaison, ce terme comptable correspondant davantage au régime juridique horizontal des SAC ;

– un amendement de votre rapporteure a expressément inclus, parmi les compétences optionnelles de la SAC, la mise en commun de fonctions support au profit des actionnaires (informatique, partage de personnel et d’outils etc.).

Enfin, trois amendements de votre rapporteure ont été adoptés afin de prendre en compte la spécificité des sociétés d’économie mixte (SEM) dans les regroupements. Les SEM sont effectivement confrontées à une difficulté particulière en raison de leur multi-activité et de leur statut. Le seul critère du nombre de logements gérés ne représente pas bien la réalité et la diversité de leurs activités, notamment en matière d’aménagement.

À l’initiative de votre rapporteure, la commission a donc adopté trois amendements prévoyant :

– de dispenser de l’obligation de regroupement les SEM dont l’activité principale n’est pas le logement social, sur le modèle de ce qui est déjà prévu à l’alinéa 43 pour les coopératives HLM dont l’activité principale est une activité d’accession sociale à la propriété ;

– d’ajouter un critère de chiffre d’affaires minimum de 50 millions d’euros pour la taille minimale de groupes constitués d’au moins deux SEM ;

– d’autoriser les SAC à accueillir des sociétés publiques locales (SPL), des SEM à opération unique et des SEM locales dont l’activité ne relève pas du logement social.

*

*     *

La commission examine deux amendements de suppression de larticle, CE1724 de M. Stéphane Peu et CE2092 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Stéphane Peu. Nous entamons avec cet article l’acte II de la restructuration du secteur HLM. L’acte I s’est tenu lors de la loi de finances pour 2018, lorsque les organismes HLM se sont vu ôter 3,5 milliards d’euros de fonds propres en trois ans, ce qui constitue un affaiblissement considérable de leurs capacités. Maintenant qu’ils ont un genou à terre, on les oblige à se regrouper.

Personne ne peut s’opposer au principe des regroupements. On ne parle bien que de ce que l’on connaît bien : j’ai moi-même procédé sur mon territoire au regroupement de six organismes HLM en un seul. Mais il en va comme de toutes les unions : un mariage forcé ne réussit jamais. Les regroupements doivent toujours se faire sur la base d’une vision commune, partagée, et du volontariat.

Par ailleurs, cet article introduit une grande confusion sur le rôle des territoires. Le mien compte 9 communes, 450 000 habitants et 60 organismes HLM. Ceux qui se sont regroupés sont les offices publics. L’émiettement du tissu est surtout le fait des entreprises sociales pour l’habitat (ESH), dont aucune pourtant ne compte moins de 15 000 logements.

Autant de raisons pour lesquelles nous présentons cet amendement de suppression de l’article 25.

M. Loïc Prudhomme. Nous proposons également de supprimer cet article et de remettre en cause la logique du Gouvernement, qui consiste dans un premier temps à affaiblir les organismes en réduisant les loyers, fondement de leur équilibre financier, puis dans un second temps à les forcer à fusionner et à vendre les bijoux de famille. Ce qui revient à marchandiser le logement social.

Nous ne pensons pas que la taille des organismes HLM soit le cœur du problème. Pour ce qui est des coûts de gestion, les plus gros organismes sont les moins bons élèves. Comme l’explique le ministère de la cohésion des territoires, sur la période 2013-2015, le coût de gestion maximal se retrouve parmi les organismes gérant plus de 12 000 logements.

Nous alertons enfin sur la perte de qualité de service pour les locataires. La perte de proximité causée par les fusions affecte souvent la connaissance et la prise en compte des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien. Enfin, nous pensons qu’il est important de ne pas diluer les organismes HLM publics dans des ensembles en partie ou totalement privés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le regroupement des bailleurs sociaux vise à renforcer le secteur HLM. Cela permettra aux organismes d’aller chercher des financements plus complexes, auprès de la Banque européenne d’investissement par exemple, et de mutualiser davantage les trésoreries disponibles.

Le projet de loi laisse plus de deux ans aux bailleurs sociaux pour se réorganiser librement. Différentes options leur sont offertes, notamment grâce à la création d’une société anonyme de coordination (SAC). Le régime de la SAC, approuvé par la fédération des offices publics de l’habitat (OPH), correspond à celui d’un groupe coopératif, qui laisse toute sa place aux élus et à la diversité des territoires. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous avons voulu fournir des instruments juridiques pour permettre aux bailleurs sociaux de se regrouper. Il ne s’agit pas d’une démarche autoritaire.

M. Loïc Prudhomme. Pourquoi alors fixer un seuil ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je peux me vanter d’une certaine expérience dans les fusions, en particulier des collectivités territoriales et je connais bien le sujet pour avoir été moi aussi administrateur d’offices HLM pendant de longues années. Je constate que le principe de la restructuration n’est pas remis en cause dans le secteur et que le délai que nous avons fixé est largement suffisant pour y parvenir.

Le regroupement permettra de mutualiser, de mieux gérer. Je remarque sur le terrain, comme chez M. Peu, que des regroupements s’effectuent déjà. L’objectif de l’article est vertueux, et mon avis par conséquent défavorable.

M. Loïc Prudhomme. Vous obligez les organismes qui se situent en dessous du seuil à se regrouper. Moi aussi, je vais sur le terrain – et dans la même région que la rapporteure – et je peux témoigner que les organismes HLM s’inquiètent des fusions auxquelles vous allez les contraindre.

La majeure partie d’entre eux se sont déjà regroupés afin d’atteindre une taille leur permettant de disposer des moyens financiers et humains adaptés au territoire qu’ils gèrent. Ce qui va se passer, et c’est la grande crainte des OPHLM, c’est qu’on va les forcer à se regrouper avec des ESH, et ce sont elles qui tireront leur épingle du jeu. Ne nous faites pas croire que vous apportez des outils, c’est bel et bien une contrainte que vous imposez, et de surcroît dans un délai fort court.

M. Stéphane Peu. Si nous demandons la suppression de cet article, c’est parce que nous croyons au volontariat et à la conviction, qui sont la base d’un regroupement solide. Par la contrainte, vous aboutirez au résultat inverse. L’expérience vous le prouvera.

Je trouve choquant que la rapporteure ait évoqué un recours éventuel à la Banque européenne d’investissement. De deux choses l’une : ou bien on veut consolider le secteur HLM et on consolide son modèle économique qui repose sur trois piliers : les aides publiques, Action Logement et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ; ou bien on banalise le logement HLM, auquel cas la CDC n’est plus la banque de référence et les organismes sont autorisés à se financer sur le marché financier. C’est un autre projet qui se dissimule derrière celui-ci, et je le trouve très dangereux.

M. Thibault Bazin. Cet article constitue un réel motif d’inquiétude dans nos territoires. Même si mes motivations sont différentes, je rejoins les amendements de mes collègues pour plusieurs raisons. Nous avons besoin de gages pour être assurés de la nécessaire proximité des services de gestion, de la présence des élus dans la gouvernance sur les territoires et du maintien des structures là où cela fonctionne bien ; à défaut de pouvoir compter sur les garanties qui pourraient nous être apportées par l’adoption des amendements que nous proposons à l’article 25, je serai tenté de soutenir ces amendements de suppression.

M. François Pupponi. Vous faites un choix politique qui, j’en suis convaincu, se révélera une erreur historique. Les chiffres pour 2018 et 2019 le montrent déjà : la construction est en train de s’écrouler. Non contents de réussir l’exploit de casser la machine au bout d’un an, vous en remettez une couche !

Comment voulez-vous que des organismes voués à disparaître s’impliquent dans la rénovation des logements, l’entretien, la construction et la rénovation urbaine ? Vous cassez la machine, alors qu’il faudrait soutenir l’activité. Les bailleurs sociaux ne participeront pas à la rénovation urbaine dans certains sites et ils le savent. Ils attendent toujours les 4 milliards d’euros que le Président de la République a promis depuis un an. C’est bien beau de parler des 10 milliards de l’ANRU, mais pour l’instant, ils n’y sont pas ! C’est automatique, ils vont lever le pied : je ne dis pas que c’est bien, mais c’est ainsi qu’ils fonctionnent.

Je ne comprends pas que vous persistiez à effectuer ces regroupements, dont on peut discuter le bien-fondé, au moment où il faudrait que la machine reparte. Vous me direz que ce n’est pas vrai, que nous nous trompons parce que nous ne comprenons jamais rien. Mais les chiffres sont têtus : je vous donne rendez-vous dans un an. On verra alors qui avait raison !

M. Mickaël Nogal. Je veux saluer cette réforme d’ampleur qui profitera, j’en suis certain, à tous les Français qui vivent ou ont vocation à vivre dans un logement social. Beaucoup de chemin a été fait ces derniers mois : les bailleurs, eux-mêmes, auditionnés par les corapporteurs, sans parler de la conférence de consensus, reconnaissent l’utilité et la nécessité du regroupement et ce sujet a fait l’objet d’une large concertation avec le Gouvernement. La réforme semble bienvenue.

Elle est déjà en cours sur le terrain. Je le vois à Toulouse, où plusieurs bailleurs sociaux réfléchissent au regroupement. Ils ont envie d’avancer sur la rénovation, la construction et la vente des logements. Contrairement à M. Pupponi, je suis très optimiste sur ce que produira la réforme des bailleurs sociaux.

M. Gilles Lurton. Je suis assez favorable à ces amendements de suppression. J’aimerais savoir qui sont ces bailleurs sociaux qui ont approuvé cette mesure de regroupement. Je veux bien imaginer que les instances de la fédération aient pu se déclarer en faveur de la réforme, mais je ne suis pas persuadé que la base des directeurs des offices HLM soit sur la même longueur d’onde !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La situation actuelle est-elle satisfaisante ? Non, 1,8 million de nos concitoyens sont en attente d’un logement social. Faut-il faire bouger les lignes ? Évidemment. Une réforme du logement social d’une telle envergure a-t-elle été entreprise ces dernières années ? Je n’en suis pas certain. Celle que nous proposons conduira forcément à des débats de fond, passionnants, mais il faut que nous traitions le sujet.

Il existe deux écoles : celle qui a procédé depuis longtemps aux regroupements – M. Peu en est le parfait exemple – et celle qui est plus réticente. Nous avons beaucoup échangé avec tous les bailleurs sociaux, j’en ai rencontrés plus d’une centaine ce dernier mois, et les situations sont diverses. Au regard des différentes expériences, force est de constater que le regroupement va plutôt dans le bon sens, même s’il existe des cas particuliers où il n’apporte pas les effets escomptés.

Nous avons fait le choix politique de privilégier le regroupement. Mais nous n’avons pas sorti cette réforme du chapeau. Elle fait suite à des mois de discussions avec les bailleurs sociaux, discussions dont est issu notamment le seuil de 15 000 logements. Et effectivement, une grande partie des familles des bailleurs sociaux se sont engagées dans cette réforme en signant un document cadre.

Une fois le choix politique arrêté, comment faire pour engager les regroupements ? Nous avons essayé de le faire le plus possible sur la base du volontariat. Pour ce faire, le projet de loi fixe un cap, en l’occurrence ce seuil de 15 000 logements.

À ce propos, monsieur Prud’homme, nous parlons bien de regroupement, non de fusion. Les seules fusions prévues par le projet de loi concernent les OPH à l’échelle d’une intercommunalité ; cette disposition donnera d’ailleurs lieu à discussion et à amendements, car nous savons que, pour certains cas particuliers, le texte n’est pas satisfaisant et doit être amélioré.

Le projet fixe donc un seuil de 15 000 logements et crée de nouveaux outils, comme la société anonyme de coordination (SAC), pour faciliter les regroupements. Mais nous laissons toute liberté aux acteurs de terrain – offices, ESH, coopératives, EPL – de décider avec qui ils se regrouperont. La loi se borne à fixer un seuil, à prévoir le cas particulier des OPH au niveau d’une intercommunalité ; mais ce n’est pas nous qui décidons si un tel et un tel vont se marier : un mariage forcé n’est jamais un mariage heureux.

Monsieur Peu, nous pourrons débattre de la question du financement du logement social. Je l’ai dit hier, le plus grand scandale de ces cinq dernières années tient au fait que les bailleurs sociaux aient dû se financer avec des taux aussi élevés alors que leurs homologues européens bénéficiaient d’autres financements. Cette réforme est très compliquée, mais aller vers un modèle privilégiant l’aide à la construction plutôt que la subvention à la sortie par les aides personnalisées au logement (APL) représente un virage peu évident… Toute la difficulté réside dans le fait que nous conduisons deux réformes en même temps, l’une portant sur la restructuration, l’autre sur le financement.

Monsieur Bazin, un bailleur social est avant tout une entité de proximité. Le projet de loi prévoit une clause territoriale, afin de s’assurer que les centres de décision resteront au plus près du territoire. C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous ne voulons pas imposer la nature des regroupements : nous ne donnons que des outils. Se pose également, vous avez raison, la question de la représentation des élus locaux au sein des SAC, autrement dit des maisons mères. J’estime que, sur ce point, le texte ne va pas assez loin. Un bailleur social, c’est un constructeur, avec un service au niveau du territoire, et seulement au niveau du territoire : c’est une spécificité qu’il nous faut conserver.

Monsieur Pupponi, lors du débat sur les APL, vous avez défendu des amendements tendant à porter le taux d’effort à 10, 15 ou 20 %. La réduction des aides qui en aurait résulté, ce sont les bailleurs sociaux qui l’auraient subie, puisque, vous le savez très bien, les APL sont versées directement aux bailleurs sociaux.

M. François Pupponi. Mais pas du tout ! C’est n’importe quoi ! Je vous ai expliqué, vous n’avez toujours pas compris !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. De grâce, ne nous dites pas que le Gouvernement n’a pas tenu ses engagements !

M. François Pupponi. Vous voulez parler des 4 milliards d’euros ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est notre majorité qui a engagé et voté en loi de finances le milliard d’euros de l’État.

M. François Pupponi. C’est totalement faux ! les chiffres sont têtus, et les textes aussi !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce que nous essayons de faire en ce moment, c’est de trouver le moyen de remettre les grues dans les quartiers. Reprenez les chiffres de ces trois dernières années : il ne vaut mieux pas que nous entrions dans ce débat sur la construction.

M. François Pupponi. Quand on est ministre de la République, il y a des choses que l’on peut faire, d’autres que l’on ne peut pas faire. Sur un sujet aussi grave que celui-ci, vous avez dit trois contre-vérités en deux minutes !

Le milliard d’euros, c’est nous qui l’avons décidé et voté sous la précédente législature ! Si vous le souhaitez, nous pouvons reprendre tous les textes et toutes les lois de finances. Le Président de la République promet depuis un an de porter le budget de l’ANRU à 10 milliards d’euros. Or les 4 milliards qui permettent de passer de 6 à 10 n’ont toujours pas été apportés : si vous êtes honnête, vous reconnaîtrez qu’Action Logement n’a toujours pas signé. Au demeurant, vous savez que c’est pour cette raison que le conseil d’administration de l’ANRU a été reporté trois fois. Qu’il y ait des négociations, je veux bien. Mais le fait est que les 4 milliards promis par Action Logement n’ont toujours pas été validés par l’ANRU en conseil d’administration.

Enfin, les grues n’ont jamais arrêté dans les quartiers. Nous avons signé les nouveaux sites, les protocoles de préfiguration, les engagements par anticipation. Tout a été fait. Le Président de la République ne dit pas la vérité aux Français. Le 22 mai, nous ferons les comptes. Les grues n’ont jamais arrêté ! Elles auraient pu accélérer si nous avions disposé des 4 milliards que vous promettez depuis un an, et que vous n’avez toujours pas payés.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons eu jusqu’ici des débats très constructifs et je ne souhaite pas qu’ils changent de tonalité. Tenons-nous en aux faits. Sur les 5 milliards, il y a 1 milliard de l’État, 2 milliards d’Action Logement et 2 milliards de l’Union sociales pour l’habitat (USH). Les premières autorisations d’engagement sur le milliard d’euros dû par l’État ont été votées lors de la dernière loi de finances. La convention que Jacques Mézard a signée avec l’USH fait état des 2 milliards. Les 2 milliards d’Action Logement font l’objet d’une convention, en voie de finalisation.

Qui a parlé du retour des grues dans les quartiers ? Ce n’est ni le Président de la République, ni moi-même, mais un certain Jean-Louis Borloo, dans le rapport qu’il vient de publier. Mettons-nous d’accord sur le postulat et évitons de nous enferrer dans d’inutiles débats de chiffres.

La commission rejette les amendements de suppression.

Elle est saisie de lamendement CE1927 de Mme Graziella Melchior.

Mme Graziella Melchior. L’évolution de l’organisation des bailleurs sociaux doit permettre de conduire leurs actions en cohérence avec les politiques conduites par les communautés, les métropoles et les départements où ils interviennent. Il est proposé pour ce faire qu’une commission spéciale du comité régional de l’habitat et de l’hébergement – CRHH – donne son avis sur les projets de regroupement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement laisse la possibilité au CRHH de moduler à la baisse le seuil de regroupement. Or le seuil de 15 000 logements résulte d’un compromis trouvé à l’issue de la conférence de consensus avec les organismes HLM. Il permet d’accroître la mutualisation financière tout en respectant les réalités territoriales.

En outre, des adaptations sont déjà prévues dans le projet de loi pour garantir l’ancrage local d’au moins un organisme autonome par département. Enfin, il ne paraît pas opportun de créer une nouvelle commission au sein du CRHH.

Je suis toutefois sensible au fait que les regroupements fassent l’objet d’une discussion entre toutes les parties prenantes. C’est le sens de l’amendement CE1688 que je défendrai plus tard.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2357 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. À l’inverse du cadre stratégique, qui sera élaboré au niveau du groupe, le plan stratégique de patrimoine – PSP – doit être suffisamment précis. Il est important qu’il continue à définir des évolutions à moyen et long terme sur les différentes composantes du parc de l’organisme, en prenant en compte les orientations fixées par les PLH des différents territoires. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. C’est dommage : les PSP s’élaborent au plus près des réalités. Comme il ne s’agit pas de fusionner les organismes mais de les regrouper, il ne me semble pas aberrant que les PSP appartenant à chaque organisme se juxtaposent, reflétant ainsi des réalités très diverses.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est un point essentiel, et qui se pose dans les mêmes termes avec les conventions d’utilité sociale (CUS). Nous proposons que les CUS et les différents PSP puissent être coordonnés au niveau de la société anonyme de coordination. L’examen d’autres amendements nous permettra de poursuivre ce débat.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2326 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement aurait pour conséquence de permettre à toute ESH de recevoir un agrément spécial pour exercer les compétences d’une SAC. Or les SAC n’ont pas vocation à gérer directement des logements, à l’inverse des ESH.

Mais vous soulevez ici un sujet important, que nous devons travailler d’ici l’examen en séance publique, afin de donner une possibilité supplémentaire à certains OPH volontaires de s’associer à des ESH déjà regroupées. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE661 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Yves Daniel. Il est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le dispositif de cet amendement diffère de son exposé sommaire. L’amendement aurait pour conséquence de réduire à cinq ans, au lieu de dix ans, la durée pendant laquelle l’activité d’un petit organisme HLM est mesurée avant de procéder à une éventuelle dissolution. Si l’objectif des auteurs était de supprimer le doublement de la durée de prise en compte des logements sociaux vendus dans le quota SRU, il leur aurait fallu amender l’article 46.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La réforme ne vise pas à modifier ces dispositions qui fonctionnent correctement.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de plusieurs amendements soumis à discussion commune, lamendement CE1518 de M. Michel Herbillon et les amendements identiques CE1088 de M. Jean-Bernard Sempastous, CE1808 de M. Stéphane Peu et CE2355 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Nous proposons par notre amendement CE1518 de revenir à la rédaction initiale du projet de loi en rétablissant la notion d’influence notable. Définie dans le code de commerce, celle-ci permet à la fois de répondre à l’objectif de regroupement des organismes, tout en respectant davantage le statut juridique des sociétés anonymes.

M. Jean-Bernard Sempastous. La notion de contrôle telle que définie par le code de commerce exclut les SEM agréées d’une des deux possibilités d’appartenance obligatoire à un groupe. En effet, elle implique la détention, par la société mère, de plus de la moitié du capital des bailleurs sociaux, ce qui est incompatible avec le statut de SEM, qui prévoit que le capital doit être détenu, a minima pour moitié, séparément ou à plusieurs, par des collectivités territoriales ou leurs groupements.

Pour ne pas exclure les SEM de ce dispositif, l’amendement CE1088 vise à introduire un autre moyen de contrôle en introduisant le critère d’« influence notable ». D’après la définition du code de commerce, le contrôle est exercé dès lors qu’une société dispose, directement ou indirectement, d’une fraction au moins égale à 20 % des droits de vote d’une autre société lui permettant d’exercer une influence notable sur la gestion et la politique financières, et dès lors que les comptes de l’ensemble des sociétés sont consolidés.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1808 est défendu.

M. François Pupponi. L’amendement CE2355 également.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les notions de « contrôle » d’une société sur une autre et « d’influence notable » ne sont pas les mêmes. L’objectif est d’encourager à la création de groupes intégrés, où une société mère contrôle effectivement les autres organismes HLM. Avis défavorable à l’amendement CE1518.

Les amendements identiques CE1088, CE1808 et CE2355 visent à permettre aux SEM de rejoindre des groupes commerciaux alors que, dans l’état actuel du projet de loi, ils ne peuvent rejoindre que des SAC. Je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le regroupement des SEM et des EPL pose effectivement un réel problème. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet avec le président de la fédération des entreprises locales, M. Jean-Yves Sermier. Il s’agissait de faire en sorte que les EPL, du fait de leur spécificité, puissent intégrer des SAC ou même se regrouper conformément au code de commerce. Nous étions prêts à modifier le texte le cas échéant, mais l’analyse juridique a montré que l’article L. 233-3 du code de commerce permet déjà à une SEM de rester majoritaire au capital tout en intégrant une SAC. Vos amendements semblent donc satisfaits et je vous demande de bien vouloir les retirer. Si tel n’était pas le cas, nous modifierions le texte lors de son examen en séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de deux amendements identiques, CE1631 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2634 de M. Jean-Bernard Sempastous.

Mme Barbara Bessot Ballot. Cet amendement propose une solution complémentaire à la société de coordination afin de prendre en compte la singularité des SEM et la structure des coopérations.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les structures de coordination, déjà prévues au sein du code de la construction et de l’habitation, n’ont pas autant de responsabilités que celles qu’il est prévu de confier aux SAC. Ces structures, qui peuvent prendre la forme de groupements d’intérêt économique (GIE), ont simplement pour objet de mettre en commun certains moyens mais pas de créer une solidarité financière interne ou d’adopter des orientations stratégiques.

Je proposerai, dans quelques instants, des amendements afin de prendre en compte la spécificité des SEM dans la constitution des SAC. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de trois amendements identiques, CE125 de M. Alain Ramadier, CE417 de M. Thibault Bazin et CE1722 de M. Stéphane Peu.

M. Martial Saddier. L’amendement CE125 tend à préciser que les organismes HLM ne peuvent pas appartenir simultanément à plusieurs groupes d’organismes de logement social. Chaque groupe aura sa propre stratégie, il faut donc que la composition des groupes soit claire dès le départ.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE417 est défendu.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1722 également. Il est important de préciser que les organismes HLM ne peuvent pas appartenir à plusieurs groupes.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’appartenance à plusieurs groupes commerciaux intégrés est d’ores et déjà juridiquement impossible.

Dans les faits, il sera aussi difficile d’adhérer à plusieurs SAC en raison des mécanismes de solidarité financière et des orientations stratégiques de chacune d’elles. Toutefois, l’appartenance simultanée à un groupe et à une SAC pourrait être utile dans certains cas très précis, à condition que des adaptations spécifiques soient prévues. Je vous propose de retravailler cette question d’ici à la séance publique, et dans l’attente, de retirer vos amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Peu, la République en Marche accepte la double adhésion…

M. Thibault Bazin. Et vice versa !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’en suis moins sûr… Mais si cela vous intéresse, n’hésitez pas ! (Sourires.)

Dans les faits, ce double regroupement n’a aucune raison de s’opérer. Nous pourrions le spécifier dans la loi, mais je n’exclus pas qu’un jour ou l’autre, un organisme ait de bonnes raisons d’appartenir à deux groupes. Si la loi a figé les choses, il sera impossible de le faire. Je ne suis pas sûr que nous ayons imaginé tous les cas de figure possibles dans les prochaines années. Tout figer maintenant pourrait nous poser des problèmes à l’avenir.

Avis défavorable, mais si nous nous apercevons plus tard qu’il faut prévoir cette précision dans la loi, nous le ferons.

M. Thibault Bazin. Chez Les Républicains, on n’aime pas trop la double adhésion. On est soit chez Les Républicains, sinon on est parti chez En Marche !

M. le président Roland Lescure. J’ai l’impression qu’il y a d’autres cas de figure, sans vouloir faire l’exégèse de l’année écoulée, il y a tout un arc-en-ciel… Pour ma part, je sais où j’habite !

M. Thibault Bazin. Nous croyons beaucoup dans la fidélité, et notamment dans la fidélité à un groupement.

Madame la rapporteure, vous avez déclaré que dans certains cas très spécifiques, la double appartenance pourrait se justifier ; mais précisez-les. Je préférerais que l’on dise qu’il n’est pas possible d’appartenir à deux groupes, sauf dans une liste de cas déterminés. Nous serions rassurés.

La commission rejette les amendements.

M. Thibault Bazin. De Peu ! (Sourires.)

La commission en vient aux amendements identiques CE1195 de Mme Valérie Lacroute et CE1739 de M. Stéphane Peu.

M. Martial Saddier. Le sujet de la représentation du personnel mérite à nos yeux des clarifications. D’où l’amendement CE1195.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1739 a le même objet. Les offices publics ont la spécificité d’accueillir en leur sein du personnel de droit privé et du personnel de statut public, qui n’obéissent pas aux mêmes règles. Même s’ils ne recrutent plus sous statut public, il y aura encore des fonctionnaires dans les offices publics pendant plusieurs années. Il ne faut pas les oublier, il faudrait qu’ils puissent être représentés dans les instances.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Vos amendements portent spécifiquement sur les agents publics des OPH ; il ne s’agit pas du sujet général de la représentation du personnel au sein de la gouvernance.

La représentation des salariés au sein des SAC s’effectuera en application du droit social normalement applicable, sans qu’il soit souhaitable de créer des règles spéciales. Quant à la question du statut spécifique des agents publics, elle relève davantage du niveau réglementaire. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Comme l’a dit M. Peu, ce cas de figure ne s’applique plus aujourd’hui. Je comprends le point qu’il soulève, avis de sagesse.

M. Stéphane Peu. Il est vrai que c’est une situation en voie d’extinction, mais l’interdiction pour les offices publics de recruter des agents publics ne remonte qu’à 2007. Toutes les personnes recrutées avant cette date resteront agents publics jusqu’à leur retraite, cela va donc durer un certain temps. Surtout si l’âge du départ à la retraite recule.

Les amendements sont rejetés.

La commission est saisie de cinq amendements en discussion commune, lamendement CE1686 de la rapporteure, et quatre amendements identiques : CE418 de M. Thibault Bazin, CE1725 de M. Stéphane Peu et CE2356 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE1686 renomme le plan stratégique de patrimoine de groupe en « cadre stratégique ». Le cadre doit donner une orientation stratégique au niveau inférieur, et appliquer ensuite les plans en lien avec les PLH.

M. Thibault Bazin. Cela soulève des questions : ou bien il y a un plan stratégique de groupe que l’on applique de manière descendante ; ou bien on part d’un état des lieux à chaque niveau : technique, social, financier, attractivité, marché, puis on décline un plan stratégique pour chaque organisme, et c’est la mise en cohérence de l’ensemble qui fait le cadre.

Remplacer « plan stratégique de groupe » par « cadre stratégique patrimonial », puis apporter ces précisions, comme le propose notre amendement CE418, me paraît une solution préférable à celle proposée par la rapporteure.

M. Stéphane Peu. Mon amendement CE1725 est identique et l’exposé de M. Bazin quasiment parfait… Les auteurs de ce projet de loi ne cessent de répéter qu’ils ne veulent pas se couper de la proximité ; or la proximité, c’est d’abord l’élaboration d’un cadre stratégique de patrimoine au plus près des organismes et de leur réalité, avant d’en faire un plan stratégique au niveau du groupe. Partons de la réalité du terrain.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je retire mon amendement au profit des trois amendements identiques, auxquels je donne un avis favorable.

Lamendement CE1686 est retiré.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’émets un avis totalement favorable à ces amendements. La convention d’utilité sociale comme le plan stratégique de patrimoine doivent d’abord être établis au niveau du territoire. Ensuite, au niveau du groupement, il faut une coordination, une mise en cohérence et un pilotage. Mais tout doit partir du territoire.

Les amendements que vous proposez vont dans le sens du projet que nous essayons de mettre en œuvre.

Les amendements identiques sont adoptés.

La commission examine les amendements identiques CE435 de M. Thibault Bazin, CE1757 de M. Stéphane Peu et CE2538 de Mme Caroline Janvier.

M. Thibault Bazin. L’article 25, qui définit le contenu du cadre stratégique d’utilité sociale, devrait précisément promouvoir l’accès des personnes handicapées à des logements accessibles. D’où l’amendement CE435.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1757 est défendu.

Mme Caroline Janvier. Sans une démarche proactive et volontariste sur les démarches d’accessibilité, les avancées sont lentes et peu nombreuses, a fortiori quand on substitue la notion de caractère évolutif à celle d’accessibilité systématique. Il me semble que ce projet de loi s’enrichirait de quelques garanties supplémentaires sur l’accessibilité, ce que propose l’amendement CE2538.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La question de l’accès des personnes handicapées ou en perte d’autonomie à des logements sociaux adaptés relève davantage des documents définissant la politique d’attribution des organismes. La convention intercommunale d’attribution, créée par la loi « Égalité et citoyenneté » de 2017, devra notamment traiter de cette question, dans la mesure où les personnes handicapées sont prioritaires pour l’attribution d’un logement social en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation.

Je demande le retrait de ces amendements, à défaut, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage les éléments indiqués par la rapporteure. Le sujet est déjà couvert, et toutes les règles de construction s’appliquent évidemment aux bailleurs. Cela étant, je comprends le sens de votre amendement ; j’émets donc un avis de sagesse.

M. Thibault Bazin. Nous apprécions l’avis de sagesse du Gouvernement, et les choses vont mieux en le disant. Je maintiens l’amendement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je maintiens ma demande de retrait. Sinon, avis défavorable.

Les amendements sont rejetés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1734 et CE1735 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. En plus d’avoir cent vingt ans d’histoire, le logement HLM a une particularité dans notre pays : c’est un secteur de l’économie sociale qui laisse une part à la participation des usagers que sont les locataires. C’est une richesse importante, et à titre personnel, j’ai toujours plaidé pour une cogestion encore plus forte avec les usagers.

Mes deux amendements proposent que la représentation des locataires, donc des usagers, soit assurée dans la gouvernance des groupements d’organisme HLM. L’amendement CE1734 pose le principe, l’amendement CE1735 fixe un seuil.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Concernant l’amendement CE1734, je partage votre analyse ; je souhaite également que des représentants des locataires soient présents dans la gouvernance des groupes, comme c’est déjà le cas dans tous les organismes HLM. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement CE1693 à l’alinéa 26, qui va dans le même sens, mais me paraît plus précis. Votre amendement ne vise que les associations représentatives des locataires seulement au sein des OPH, laissant de côté les autres catégories d’organismes HLM. Je vous propose donc de le retirer au profit de mon amendement CE1693.

Pour ce qui est de l’amendement CE1735, donner un tiers des sièges aux associations de locataires semble excessif alors que celles-ci n’ont que 15 % des sièges en moyenne dans les conseils d’administration des ESH et des OPH. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Sur l’amendement CE1734, mon avis est défavorable, précisément parce que j’émettrais un avis favorable à l’amendement CE1693 que présentera la rapporteure. Je partage votre avis : les représentants des locataires doivent pouvoir être représentés au niveau du groupe, puisque de manière générale, ils le sont dans les sociétés HLM.

Sur l’instauration d’un quota proposée par l’amendement CE1735, avis défavorable.

M. Stéphane Peu. Le problème est qu’avec la dématérialisation des amendements, je n’arrive pas à afficher l’amendement CE1693. Je fais confiance par principe à la rapporteure, mais j’insiste sur un point de vigilance : le vote des représentants des locataires va avoir lieu à la fin de l’année, et un débat compliqué a surgi à la suite de l’apparition d’associations « sauvages ». Il faut s’assurer que les associations qui siégeront seront bien des associations nationales.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce sera le cas. L’amendement CE1693 ne change rien sur ce point, le droit existant s’appliquera, donc ce seront les associations nationales.

M. Stéphane Peu. Dans ce cas, je retire l’amendement CE1734.

Lamendement CE1734 est retiré.

La commission rejette lamendement CE1735.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1688 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement prévoit un avis des comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) avant chaque agrément d’une société anonyme de coordination par le ministre chargé du logement.

Pour mémoire, l’article R. 422-16, dans la partie réglementaire du code de la construction et de l’habitation, prévoit aujourd’hui que toutes les sociétés anonymes HLM, y compris les SAC à venir doivent être agréées par le ministre chargé de la construction et de l’habitation, après avis du conseil départemental de l’habitat et du conseil supérieur des habitations à loyer modéré. Il s’agirait d’un avis simple, aucunement contraignant.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, non sur le fond, mais sur la forme. Tout cela est fixé dans un décret qui prévoit déjà la consultation du CRHH. Ce décret devra être amendé pour faire apparaître plus clairement cette compétence du CRHH.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de trois amendements, les deux amendements identiques CE1811 de M. Stéphane Peu et CE2358 de M. François Pupponi, et lamendement CE2651 de la rapporteure.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1811 prévoit de préciser par voie réglementaire les modalités de représentation de la société de coordination dans les conseils d’administration ou les conseils de surveillance de ses membres. Il me semble important de le préciser.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La présence d’un représentant de la SAC, sans voix délibérante, dans la gouvernance de chacun de ses actionnaires doit lui permettre d’être informée de la vie de chaque organisme et d’exercer au mieux ses compétences, notamment en matière de solidarité financière.

Il est donc essentiel que cette présence soit systématique et non optionnelle. Avis défavorable aux amendements CE1811 et CE2358. L’amendement CE2651 est rédactionnel.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour une fois, j’ai un avis défavorable à un amendement de M. Peu, le CE1811, pour une raison qui me paraît essentielle. Pour les plans stratégiques de patrimoine (PSP) et les conventions d’utilité sociale (CUS) au niveau du groupe, nous disons que tout doit partir du terrain, et que le groupe ne joue qu’un rôle de coordination. Inversement, si le groupe veut véritablement coordonner, il faut qu’il soit informé de ce qui se passe sur le terrain. L’alinéa 25 prévoit que le groupe est représenté, sans voix délibérante. Mais de facto, il est représenté.

Si nous voulons que ces groupements fonctionnent bien, il est important que l’information circule. Cette représentation sans voix délibérante me paraît constituer un juste milieu.

La commission rejette les amendements CE1811 et CE2358.

Puis elle adopte lamendement CE2651 de la rapporteure.

Elle examine ensuite lamendement CE1691 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet de préciser et rendre systématique la représentation des collectivités territoriales dans la gouvernance des SAC. Nous avons parlé de la représentation des locataires dans la gouvernance, il s’agit maintenant de la représentation des collectivités territoriales. L’amendement précise quelles collectivités seront représentées.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis totalement favorable à ce que les collectivités locales soient représentées au niveau du groupement de la SAC. Je réponds ainsi à l’inquiétude manifestée précédemment par M. Bazin, et cela montre le sens de la réforme que nous défendons. Tous les amendements dont nous discutons depuis tout à l’heure essaient de répondre à ces inquiétudes et nous essayons de répondre favorablement à l’immense partie des amendements déposés jusqu’à présent. C’est bien l’état d’esprit qui est le nôtre : partir du terrain et associer les personnels et les élus locaux.

Encore faudra-t-il, d’ici à la séance, compléter cet amendement pour s’assurer que le conseil d’administration du groupement fonctionne bien avec ces nouveaux entrants, qu’il s’agisse des représentants du personnel, éventuellement les salariés, et les élus locaux. En attendant, mon avis est favorable.

M. Martial Saddier. L’adoption de cet amendement ferait tomber l’amendement CE184 que j’ai déposé. Je voulais simplement dire que je suis d’accord avec cet amendement, comme mes collègues cosignataires, car nous sommes très attachés à la représentation des collectivités.

M. Thibault Bazin. Je me réjouis que le Gouvernement prenne cette mesure, mais je rappelle l’inquiétude qui vous avait été exprimée à Metz, quand vous êtes venu le 26 avril dernier. Les élus sont inquiets : la solidarité financière entre les membres du groupe paraît difficilement acceptable pour les territoires qui constituent ces organismes, car elle pourrait aboutir à transférer des fonds qui viennent de loyers d’un territoire vers un autre. Si les élus ne siègent pas dans les sociétés de coordination, ils ont l’impression que tout va se faire sans leur accord, dans la logique et la stratégie de l’ensemble.

Il ne faudrait pas que le travail annoncé par M. le secrétaire d’État pour assurer le fonctionnement des conseils d’administration revienne sur cette disposition.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’y engage pleinement. Les élus locaux doivent être représentés au niveau du groupe, comme c’est déjà le cas au niveau des HLM.

La commission adopte lamendement. En conséquence, les amendements CE184, CE336, CE 768, CE795 et CE947 tombent.

La commission examine en discussion commune lamendement CE1693 de la rapporteure, les amendements identiques CE2002 de Mme Albane Gaillot et CE2093 de M. Loïc Prudhomme, et lamendement CE2621 de M. Stéphane Peu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous ai parlé précédemment de l’amendement CE1693, qui prévoit la représentation des locataires dans la gouvernance des SAC.

Mme Albane Gaillot. La réorganisation du tissu des organismes de logement social et les regroupements ne doivent pas obérer la représentativité des locataires.

Pour garantir la transparence des décisions, il est indispensable que les locataires puissent disposer d’une représentation significative et proportionnelle au patrimoine de logements concernés par ces regroupements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait des amendements CE2002, CE2093 et CE2621 au profit de l’amendement CE1693, qui poursuit le même objectif tout en étant plus précis, notamment sur la définition des instances délibératives.

Les amendements CE2002, CE2093 et CE2621 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE1693

En conséquence, les amendements CE2094 et CE2622 tombent.

La commission en vient à lamendement CE1694 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement de coordination porte sur la présence des collectivités et des locataires dans les conseils d’administration des SAC, il prévoit d’augmenter le plafond de membres du conseil d’administration.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. À la suite des modifications opérées sur la composition du conseil d’administration depuis quelques heures, je pense qu’il faut retravailler son fonctionnement. Je demande donc le retrait de cet amendement afin que nous puissions en discuter en séance, avec les gages que j’ai donnés à M. Bazin.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements CE2647 de la rapporteure et CE2359 de M. François Pupponi en discussion commune.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE2647 est rédactionnel.

La commission adopte lamendement CE2647. En conséquence, lamendement CE2359 tombe.

La commission est saisie de trois amendements identiques, CE419 de M. Thibault Bazin, CE1726 de M. Stéphane Peu et CE2360 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Je propose de revenir sur l’alinéa 34, dont la rédaction est imprécise quant au processus prévu lorsqu’un des organismes rencontre des problèmes financiers. Je propose une nouvelle rédaction afin de bien faire apparaître les différentes étapes, qui respectent à la fois les échelons locaux, les fédérations professionnelles auxquelles l’organisme est rattaché, et la place du conseil d’administration, notamment le moment auquel il est informé pour autoriser la société à prendre part à un protocole financier.

Surtout, il faut préserver le rôle de la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui n’est pas du tout mentionnée dans cet alinéa. Or nous savons que chaque fois qu’il y a des difficultés pour un organisme, la CGLLS doit être partie prenante. C’est le sens de cet amendement.

M. Stéphane Peu. C’est un sujet important. La péréquation financière ne se fait pas dans le groupement. Nous restons sur des principes, notamment l’usage et les fondements de la CGLLS. Je sais qu’elle a souvent été détournée de son fondement originel, mais la CGLLS reste une mutuelle qui permet de couvrir les risques de ses membres, qui cotisent pour cela. Il est donc important de maintenir cette procédure pour les organismes membres, et que ce ne soit pas le groupement qui vienne éponger les difficultés financières de ses membres.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vide de sa substance la solidarité financière interne au groupe créée par le projet de loi, en lui substituant l’intervention systématique de la fédération professionnelle concernée et de la CGLLS.

Bien sûr, la CGLLS pourra toujours être sollicitée lorsque cela s’avérera indispensable. Mais l’objectif de l’article 25 est d’abord de rechercher des solutions plus directes au niveau des groupes. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’élément manquant dans ce débat, ce sont les règles de fonctionnement de la CGLLS. À la fin des fins, tout dépend si vous calculez votre contribution à la CGLLS au niveau des groupes ou des structures filles. Cela change tout, car ce n’est pas le même appel que vous faites à la CGLLS dans les deux cas de figure. Je vous propose de retirer ces amendements pour retravailler d’ici à la séance sur ce sujet des garanties financières, qui emporte en effet les conséquences que soulignait tout à l’heure M. Peu.

M. Thibault Bazin. Je retire l’amendement CE419, mais je suis curieux de savoir quelle est la piste intermédiaire que vous allez nous proposer…

M. le président Roland Lescure. Cela s’appelle du suspense… Il va falloir être patient.

Lamendement CE419 est retiré.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Aujourd’hui, si un organisme contributeur à 100 millions d’euros à la CGLLS s’associe à un organisme bénéficiaire à 50 millions d’euros, la contribution à la CGLLS se fera-t-elle au niveau du groupe, auquel cas elle ne sera que de 50 millions d’euros ? Il serait donc normal que la solidarité entre les acteurs soit assurée avant d’aller chercher la CGLLS.

Si les contributions se font au niveau des structures, c’est le système de garanties qu’évoquait M. Peu tout à l’heure.

Il faut préciser les choses d’ici à la séance, c’est un sujet compliqué.

M. Stéphane Peu. Je suis rassuré, et en même temps inquiété…

M. le président Roland Lescure. Attention, la double appartenance se rapproche ! (Sourires.)

M. Stéphane Peu. Je ne suis absolument pas adepte de cette contradiction, j’aime la clarté. Si les groupements avaient été les périmètres d’équilibre financier ou d’aide aux organismes en difficulté, alors nous n’aurions jamais pu faire de groupements chez nous. Cela aurait été impossible sans la sollicitation de la CGLLS pour aider les six organismes en difficulté.

D’autre part, puisqu’il y a une logique territoriale, je crains que les difficultés territoriales et la ségrégation sociale à l’œuvre dans le logement social accentuent les problèmes en les renvoyant aux groupes. Le mécanisme national de la CGLLS doit rester la matrice principale de la solidarité entre organismes.

M. Thibault Bazin. Dans les discussions que nous avions eues à la suite des bouleversements nés de la réforme des APL menée à l’automne dernier, une des pistes retenue a été l’augmentation de la contribution à la CGLLS.

Surtout, ma préoccupation est que dans les zones détendues, des offices ont des « taux d’APLisation » assez forts, parfois double de ceux d’offices en Île-de-France. Dans certains territoires, ils peuvent être confrontés des difficultés structurelles. Si vous demandez à des offices voisins, dans le même groupement, de venir leur tendre la main et les aider, ce n’est plus de la solidarité nationale, car ces organismes sont eux-mêmes en difficulté. Il faut nous assurer que l’on peut faire appel à la solidarité nationale quand c’est nécessaire.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le sens de mon propos n’était pas celui-là. Aujourd’hui, les organismes contribuent plus ou moins fortement. La question est de savoir si la contribution repasse par le niveau national. Mais de toute manière, la contribution annuelle restera la même ; la question est seulement de savoir si la contribution doit forcément passer par le niveau national avant de revenir dans le groupe, ou si elle peut aller directement aux autres organismes du groupe, en déduction de la contribution versée au niveau national.

La solution dépend du mécanisme de la CGLLS. Je le dis avec beaucoup d’humilité car c’est un dossier très difficile, cette garantie financière est compliquée. C’est un élément important de la réforme, mais le diable se cache dans les détails. Il y a encore du travail à mener en amont des débats dans l’hémicycle sur ce sujet.

M. François Pupponi. Il y a effectivement du travail, car le dossier n’est pas abouti. Soit il y a une solidarité nationale, c’est-à-dire que ceux qui ont les moyens cotisent, et on reverse à ceux qui ont des difficultés : c’est cela, la péréquation. Mais si nous créons un système de péréquation entre membres d’un même groupement, cela manquera à la solidarité nationale. Ensuite, ce n’est qu’une question de virement bancaire, ce n’est pas un problème. L’essentiel est que ceux qui ont les moyens cotisent, et en fonction des difficultés des uns et des autres, sur la base de critères précis, on reverse ces sommes.

C’est ainsi que le système fonctionne, plutôt bien d’ailleurs, puisque c’est grâce à une contribution exceptionnelle de la CGLLS que vous avez pu boucler cette année. Si l’on fait une solidarité interne, ce sera autant de manques pour la solidarité nationale. Et le risque est majeur : cela veut dire que les riches vont se marier ensemble. On a connu cela avec les intercommunalités, on connaît les méthodes des uns et des autres pour essayer d’échapper au devoir de solidarité : les égoïsmes locaux existent partout, dans tous les partis, dans toutes les structures.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. François Pupponi. S’ils peuvent être solidaires entre eux, dans leurs territoires, et pas avec les autres, ils ne vont pas se gêner. C’est un grand classique !

M. Stéphane Peu. Je trouve que mon amendement CE1726 est beaucoup plus simple que la piste qui nous est proposée par le ministre. Vous prenez l’exemple de celui qui verse 100 millions d’euros à la CGLLS et qui pourrait avoir 50 millions à verser dans la société de coordination. J’ai à l’esprit des exemples très précis – je pense à la Courneuve qui a hérité de la Cité des 4 000 construite par Paris sur son territoire : si l’un des membres de la société de coordination verse 100 millions, mais que le besoin est de 150 millions, à moins d’inciter à des mariages de riches entre eux et de pauvres entre eux, je pense que le seul moyen de garantir l’efficacité des regroupements sur des territoires pertinents, et pas sur des opportunités de bonne santé financière des organismes, c’est de garder un mécanisme national de péréquation.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les travaux supplémentaires doivent être menés pour trouver le mécanisme qui permettra, à la fin, de respecter cette solidarité nationale. Il y a d’un côté la garantie entre les membres d’un groupement, de l’autre la solidarité nationale. Le mécanisme mis en place suppose, pour être véritablement opératoire, que l’on tienne compte de la manière dont fonctionnera la CGLLS, ce dont nous n’avons aucune idée pour l’instant. Nous devons continuer à travailler en amont de la séance publique pour être sûrs que le système répondra à l’ensemble de vos attentes.

M. Martial Saddier. Quand on incite au regroupement, jurant la main sur le cœur qu’on n’imposera aucune contrainte, il est difficile de savoir dans quel sens les choses vont aller… Sur la péréquation, il est évident que ceux qui sont en bonne santé doivent aider les autres, mais je vous renvoie, chers collègues, à l’exemple du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC)…

M. Vincent Rolland. Très bon exemple !

M. Martial Saddier. Il serait bon que ceux qui sont aidés aient des indicateurs de gestion pour bénéficier des aides. Car ce n’est pas en mettant à genoux ceux qui se portent bien que l’on sortira la tête de l’eau à ceux qui se portent moins bien.

Puisque les travaux continuent, étudiez l’exemple du FPIC, dont la mise en œuvre va bien au-delà de l’esprit de départ de ce fonds. Si nous pouvions éviter de refaire la même erreur pour tous les bailleurs sociaux, je pense que ce ne serait pas mal pour tous les territoires.

M. Jean-Louis Bricout. Est-il toujours question de mesures de simplification ?

M. Stéphane Peu. Je tiens à rassurer M. Saddier : la CGLLS n’accorde pas d’aide sans un plan de redressement extrêmement contraignant, vérifié année après année avec des rationalisations de gestion et des efforts. Ce n’est pas une péréquation, c’est un système de mutuelle qui de temps en temps vient en aide à ceux qui sont malades.

Les amendements CE419, CE1726 et CE2360 sont retirés.

La commission est saisie des amendements CE2778 de la rapporteure, CE1712 de Mme Danièle Hérin et CE1813 de M. Stéphane Peu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à compléter le mécanisme de solidarité financière interne aux SAC, en précisant que toute mesure prise par la SAC devra être précédée d’une mise en demeure de l’organisme concerné, lui permettant de présenter ses observations.

Mme Danièle Hérin. L’objet de l’amendement CE1712 est, en cas de situation financière le justifiant, de mettre en demeure l’organisme de remédier à sa situation dans un délai raisonnable ou de lui présenter les mesures qu’il s’engage à prendre en vue de remédier à sa situation. À défaut, la société de coopération peut décider, nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, après avoir au préalable consulté les organes dirigeants de l’organisme concerné, la cession totale ou partielle du patrimoine de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe.

M. Stéphane Peu. Je n’ai rien à rajouter sur la défense de l’amendement CE1813.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les amendements CE1712 et CE1813 poursuivent les mêmes objectifs que l’amendement CE2778, mais le mien est plus précis. La dernière phrase de l’alinéa 34 doit aussi être visée car elle prévoit déjà que la SAC doit consulter les organes dirigeants des organismes concernés avant de mettre en œuvre des mécanismes de solidarité financière contraignants.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable à l’amendement CE2778 et défavorable aux autres.

Les amendements CE1702 et CE1813 sont retirés.

La commission adopte lamendement CE2778.

Elle est ensuite saisie de trois amendements identiques CE1701 de la rapporteure, CE1814 de M. Stéphane Peu et CE2361 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il convient de substituer, à l’alinéa 35, le mot « consolidation » au mot « combinaison ». Le terme de consolidation des comptes se rapportant au régime juridique des groupes commerciaux intégrés, cet amendement propose de lui substituer le terme de « combinaison des comptes » qui, du point de vue des normes comptables, correspond davantage au régime juridique, plus horizontal, des sociétés de coordination telles qu’instituées par le projet de loi.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1814 est défendu.

M. François Pupponi. L’amendement CE2361 également.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

Les amendements sont adoptés.

La commission examine lamendement CE1696 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à mentionner expressément, parmi les compétences optionnelles des sociétés de coordination, la mise en commun de fonctions support au profit de leurs actionnaires, comme cela est aujourd’hui prévu à l’article L. 423-6 du code de la construction et de l’habitation pour les structures de coopération entre organismes HLM, qui prennent le plus souvent la forme de groupements d’intérêt économique (GIE).

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La rédaction actuelle nous paraît satisfaisante, mais nous nous en remettons à la sagesse de la commission.

La commission adopte lamendement.

Elle étudie les amendements identiques CE487 de M. Alain Ramadier, CE1721 de la commission des affaires culturelles, CE1815 de M. Stéphane Peu et CE2362 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Ces amendements visent à inclure dans le champ de la maîtrise d’ouvrage pouvant être mutualisée au sein de la société de coordination les sociétés civiles immobilières et les sociétés civiles de construction vente (SCCV) d’accession sociale à la propriété.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ce type d’activité ne peut pas correspondre au cœur de métier de la SAC qui doit se limiter au champ du service d’intérêt économique général (SIEG). Cette activité sera possible mais elle relève davantage du champ de l’agrément spécial ministériel prévu à l’alinéa 40, pour toutes les activités accessoires des SAC. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes motifs.

M. Stéphane Peu. Je suis déçu… Ce sont d’abord et avant tout des organismes HLM qui construisent du logement en accession sociale à la propriété, notamment pour permettre à leurs locataires d’acheter leur logement. Je ne comprends donc pas pourquoi on n’inclut pas ces filiales HLM, prolongement naturel de l’activité des organismes, dans les sociétés de coordination.

M. Thibault Bazin. Dans certains territoires, les coopératives d’accession sociale qui veulent faire des opérations ont besoin d’avoir un bailleur à leurs côtés pour pouvoir louer les logements qui ne trouveraient pas acquéreur. Je soutiens donc pleinement ces amendements.

M. François Pupponi. Je suis étonné de la position de la rapporteure car les structures d’accession sociale à la propriété s’inscrivent généralement dans un projet mixte et s’adossent systématiquement à des organismes bailleurs. Les opérations d’accession et de construction de logements locatifs sociaux concernent souvent le même immeuble ou le même ensemble immobilier. Si on exclut l’accession sociale de la mutualisation, on se retrouvera avec deux maîtrises d’ouvrage dans le cadre des projets mixtes, alors que vous dites chercher à rationaliser et à simplifier.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ces amendements créeraient une incohérence avec d’autres dispositions du texte dont on discutera après. Nous voulons par exemple faire en sorte que les sociétés coopératives (SCOOP) et les entreprises publiques locales (EPL) qui n’ont pas pour principale activité la gestion de logements – et qui font, par exemple, de l’accession sociale à la propriété – ne soient pas prises en compte dans le calcul des seuils de regroupement imposés par le projet de loi. Or, si je comprends bien, l’objet de ces amendements est de permettre à ces structures d’accession sociale d’entrer dans des regroupements.

M. Stéphane Peu. Je ne comprends toujours pas. Pour que les opérations d’accession sociale des SCCV se passent bien, il faut qu’on puisse faire jouer ce qu’on appelle la garantie HLM, ce qui suppose que les SCCV soient adossées à un organisme. Les structures d’accession ont donc toute leur place dans les sociétés de coordination, surtout s’agissant de la maîtrise d’ouvrage.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons peut-être mal compris la chose. Reparlons‑en ultérieurement.

La commission rejette les amendements CE487, CE1721, CE1815 et CE2362.

Elle est saisie de lamendement CE2832 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet de prévoir, compte tenu de la diversité des activités potentielles des sociétés de coordination, une comptabilité distincte pour les activités relevant des SIEG de logement locatif social.

Par ailleurs, afin d’élargir les possibilités de regroupements en fonction des logiques locales potentielles et d’accroître les possibilités de regroupement diversifiées des sociétés d’économie mixte (SEM), il est prévu d’autoriser la constitution de sociétés de coordination permettant de réunir, dans une logique d’offre territoriale, l’ensemble des acteurs économiques de service public adossés aux collectivités territoriales, bailleurs sociaux de toutes catégories de statut, mais également les autres catégories d’entreprises publiques locales.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle aborde les amendements identiques CE1816 de M. Stéphane Peu et CE2363 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1816 propose de simplifier la possibilité reconnue aux sociétés de coordination d’étendre leur objet social à d’autres missions autorisées par le code de la construction et de l’habitation dès lors qu’une majorité d’associés de la société de coordination le décide.

M. François Pupponi. L’amendement CE2363 est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les SAC doivent être agréées au moment de leur création. Le projet de loi ouvre la possibilité pour ces sociétés d’exercer des activités accessoires, sur autorisation spécifique du ministre. Cela permet de donner de la souplesse aux sociétés de coordination tout en maintenant un contrôle sur des activités qui sortent du champ habituel de ces sociétés et de s’assurer ainsi de la nécessité et de la pertinence de ces activités complémentaires au regard du SIEG. Cet agrément spécifique pourra bien sûr être délivré dans le cadre de l’agrément initial, mais aussi ultérieurement, dans le cadre d’une procédure spécifique. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Une fois de plus, je suis déçu…

M. le président Roland Lescure. C’est décidément une soirée d’éternelle déception !

M. Stéphane Peu. Compte tenu de ce qu’on demande aux bailleurs sociaux de faire sur le terrain, je ne comprends pas un tel refus. On ne peut pas tenir des discours sur la rénovation urbaine, vouloir que les opérateurs de logements sociaux jouent le rôle d’aménageurs, construisent des commerces là où il n’y a pas de marchés, voire des locaux susceptibles de servir de crèches ou pour d’autres services, pour ensuite limiter à ce point la possibilité pour eux de mener des actions diversifiées. Vous allez leur couper les ailes et les mettre un peu plus en difficulté pour remplir les missions que l’on attend des bailleurs sociaux.

La commission rejette les amendements CE1816 et CE2363.

Elle aborde lamendement CE1736 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’amendement est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est similaire à l’amendement CE1693 qui prévoit également la présence des représentants des locataires dans la gouvernance des SAC. Il est donc satisfait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. le président Roland Lescure. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Peu ?

M. Stéphane Peu. Oui.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE2611 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’amendement est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Votre amendement va de pair avec l’amendement CE2326, déjà examiné avant le premier alinéa. Il aurait pour conséquence de permettre à toute entreprise sociale pour l’habitat (ESH) de recevoir un agrément spécial pour exercer les compétences d’une SAC. Or les SAC n’ont pas vocation à gérer directement des logements, à l’inverse des ESH. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Pupponi, maintenez-vous votre amendement ?

M. François Pupponi. Oui.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements identiques CE26 de M. Thibault Bazin et CE726 de M. Raphaël Schellenberger ainsi que les amendements identiques CE144 de M. Gilles Lurton et CE1158 de M. Vincent Rolland.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE26 a pour objet de supprimer du champ de cet article le seuil minimal de 15 000 logements imposé à un groupe de bailleurs sociaux – seuil qui, pour nos territoires, semble énorme. Dans de nombreuses communes, les offices publics de l’habitat (OPH) communaux sont en dessous du seuil de 15 000 logements. Avec un tel seuil, ils seront dans l’obligation de fusionner avec des OPH plus importants et bien souvent éloignés de la réalité du territoire et des bassins de vie. Loin de favoriser les synergies espérées, cette disposition risque en outre de renchérir les coûts des organismes, comme on l’a vu avec le regroupement des régions, et de retarder les actes de construction à court terme.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement CE726 tend à supprimer le seuil minimum du nombre de logements des offices HLM. Nombre de territoires, si on oblige à concentrer les moyens sur de gros offices, se verront exclus de l’aménagement et de la construction de logements sociaux. Mécaniquement, les gros offices s’intéresseront d’abord aux gros centres urbains et oublieront les petites communes qui pourraient vouloir, sans y être contraintes, développer une offre de logement social, sans pour autant intéresser les gros offices qui obéissent à des logiques de fonctionnement, de rentabilité et de management rationalisées à l’extrême alors que l’aménagement de notre territoire nécessite des outils nous permettant d’installer partout des offices HLM, y compris dans les territoires ruraux.

M. Gilles Lurton. M. Bazin a très bien défendu mon amendement CE144.

Monsieur le secrétaire d’État, au début de l’examen de l’article 25, vous avez dit, et cela me convient très bien, qu’un bailleur social était avant tout une entité de proximité. Les personnes qui habitent dans les logements locatifs sociaux sont souvent en difficulté. Elles ont donc besoin de cette proximité. Vous avez aussi parlé de cohésion des territoires : qui, mieux que les élus locaux, assure cette cohésion ? Je crains fortement que le seuil que vous fixez n’oblige les structures de petite taille ou de taille moyenne à se regrouper avec des structures beaucoup plus importantes et qu’elles ne finissent par y être complètement noyées et à ne plus exister au niveau local.

M. Vincent Rolland. Les collectivités locales y perdraient un soutien précieux pour leurs projets d’aménagement et de développement du territoire. Nous souhaitons donc la suppression de ce seuil. C’est la raison pour laquelle mon amendement CE1158 vise à la suppression de cette fusion.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les dispositions de l’article 25 n’obligent pas les OPH à systématiquement fusionner entre eux. Le texte les oblige, en revanche, à se regrouper dans des sociétés de coordination qui leur permettront d’être plus solides financièrement et plus à même de répondre à la demande de construction de logements. Des clauses territoriales sont prévues pour garantir l’ancrage d’au moins un organisme HLM autonome par département. Quant au seuil de 15 000 logements, il est le résultat d’un compromis trouvé avec les bailleurs sociaux à l’issue de la conférence de consensus. Avis défavorable sur ces amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Dès qu’on décide d’imposer un seuil, la difficulté est de trouver le bon niveau. Nous en avons donc discuté lors de la conférence de consensus avec l’ensemble des bailleurs sociaux et à l’issue de ces consultations, c’est le chiffre de 15 000 logements qui est apparu.

L’intérêt le plus prégnant d’un regroupement ne réside pas tant dans la mutualisation des coûts – même si elle existe – que dans la gestion en commun et surtout dans le niveau de trésorerie nécessaire. Plus vous êtes gros, plus il vous est possible de vivre avec un mois de trésorerie au lieu de huit ou dix. Cela étant, ce raisonnement ne vaut que jusqu’à un certain stade. Des retours d’expérience des bailleurs et surtout des discussions lors de la conférence de consensus est ressorti ce seuil de 15 000 logements. Est-ce le bon ? L’avenir nous le dira. Ce qui est sûr, c’est que nous ne l’avons pas sorti de notre chapeau.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes au pouvoir, vous avez une majorité et vous avez au moins le mérite de défendre votre conviction. Reste que si l’on regarde l’histoire du logement social, on s’aperçoit qu’au cours de la période de forte construction, on a tout bâti au même endroit. Cela a créé des ghettos et des zones qui sont devenues ingérables aux yeux de tous, de l’élu local jusqu’au pouvoir national, de quelque sensibilité qu’il soit. Jean-Louis Borloo a ensuite ouvert une nouvelle page et, depuis vingt ans, on investit des milliards à tous les étages de la fusée pour faire de la rénovation urbaine et de la démolition-reconstruction, pour créer de la mixité sociale et pour mettre fin à la concentration qu’on avait créée vingt ans plus tôt. Compte tenu de la force de frappe qui a été donnée aux intercommunalités, du contournement de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) et du fait que demain, le seul bailleur social du département ira forcément construire là où c’est le plus facile et le plus rentable, je crains que, in fine, on ne détruise la mixité sociale et qu’on recommence à concentrer les logements sociaux sur une partie seulement du territoire.

M. François Pupponi. C’est évident !

M. Robin Reda. Il faut en finir avec ces questions de seuil à tout va. Tout dépend des réalités des territoires, des départements et des régions. Il faudrait, dans le cadre d’un dialogue constructif avec les préfets, réfléchir à l’échelle des territoires. M. le ministre Jacques Mézard a fait un parallèle avec la réforme territoriale ; or le même risque nous guette ici. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et la loi portant nouvelle organisation du territoire de la République (NOTRe) ont pétrifié les élus locaux dans leurs choix d’investissement face à des fusions non voulues, mal anticipées et menées à marche forcée – notamment dans la métropole du Grand Paris. Lorsque vous demandez à une commune qui n’a jamais été en intercommunalité de passer dans un ensemble d’au moins 300 000 habitants et qu’elle se retrouve par la force de l’État dans des ensembles des 600 000 à 800 000 habitants, cela me rappelle l’expression de M. Denormandie : les mariages forcés ne font pas des mariages heureux. Et dans le Grand Paris, comme certainement dans d’autres intercommunalités de France, cela a donné des mariages très malheureux.

M. Stéphane Peu. Ayant dit lors de l’examen de l’amendement de suppression de l’article que j’étais contre les mariages forcés, je soutiendrai ces amendements. Je voudrais simplement préciser que la coordination des organismes HLM ne concerne pas que les seuls offices, contrairement à ce que laisse entendre leurs exposés sommaires. La loi vise tous les organismes HLM, quel que soit leur statut.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, lorsque vous avez rencontré les bailleurs sociaux des Hauts-de-France, le jeudi 22 avril dernier, vous leur avez dit que vous faisiez confiance à l’intelligence territoriale pour définir les meilleures formules de regroupement, tout en reconnaissant qu’il existait des situations particulières à prendre en compte. Vous avez aussi dit que le rôle d’un bailleur social était d’être attaché à son territoire. Vous pouvez très bien traduire cette idée dans ce texte sans forcer au regroupement ni fixer ce seuil beaucoup trop élevé.

M. François Pupponi. Vous êtes en train de réinventer les filiales de la Caisse des dépôts et consignations des années soixante. On s’est battu pendant quarante ans contre elles car ce sont elles qui ont créé le drame du ghetto français. Au lieu de tirer les leçons de l’histoire et d’essayer de comprendre ce que nous avons raté pendant cinquante ans, vous réinventez des mastodontes : un groupe privé, Action Logement, et un groupe public, qui auront un nombre de logements très important, qui mettront les pauvres avec les pauvres et le logement intermédiaire avec le logement intermédiaire. C’est précisément pour éviter cette dérive monopolistique, source de ghettoïsation, que les OPH ont été créés. Que vont faire les mastodontes que vous recréez ? Aggraver le ghetto – car ils ne savent faire que cela. De deux choses l’une : ou bien vous en êtes conscients – mais je ne veux pas vous faire l’affront de le croire – et c’est très grave, ou bien vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites. Malheureusement, c’est seulement dans quelques années qu’on verra la catastrophe, mais entendez aussi les acteurs de ce secteur.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Contrairement à d’autres ici, je n’ai pas voté la fusion des régions ni celle des intercommunalités. Je respecte les opinions de chacun et c’est très bien ainsi.

M. Thibault Bazin. Très bien !

M. Thierry Benoit. C’est pour cela que vous êtes encore là !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je n’ai donc pas de leçon à recevoir de quiconque sur les fusions. Nous sommes arrivés à ce seuil à la suite de beaucoup de concertations avec les représentants des bailleurs sociaux, dont certains, d’ailleurs, avaient la velléité de le fixer à un niveau beaucoup plus élevé. Je crois que nous sommes arrivés à un équilibre : il ne s’agit pas de fusions mais d’adhésion à des groupes et j’ai tenu depuis le début, avec le concours de Julien Denormandie, à ce qu’on puisse conserver une proximité et au moins un bailleur social par département, contrairement à ce que certains souhaitaient. J’ai également tenu à ce que la représentation des élus locaux soit assurée dans les groupes – ce qu’ont conforté des amendements adoptés tout à l’heure – car je suis de ceux qui font confiance à l’intelligence territoriale. Dès lors que les élus locaux seront représentés dans ces groupes, je pense qu’ils feront le nécessaire pour préserver cet équilibre – car c’est aussi leur intérêt.

M. François Pupponi. Je souhaiterais reprendre la parole.

M. le président Roland Lescure. On a assez discuté de ces amendements.

M. François Pupponi. Monsieur le président, j’ai été très bref sur certains amendements pour avoir plus de temps pour défendre les plus importants d’entre eux. Ayant été très correct jusqu’ici, je voudrais répondre à M. le ministre.

M. le président Roland Lescure. Ce sont des sujets importants, mais je pense que nous y consacrons tout le temps qu’il faut. J’avais dit au début de cette réunion que je laisserais s’exprimer un avis pour et un avis contre chaque amendement. Vous reconnaîtrez que je suis allé bien au-delà.

La commission rejette successivement les amendements identiques CE26 et CE726 et les amendements identiques CE1144 et CE1158.

Elle est saisie de lamendement CE1167 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. À défaut d’empêcher la fusion des organismes, nous proposons d’abaisser le seuil de regroupement à 2 000 logements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de votre amendement est de prévoir une exception à l’obligation de regroupement en zone de montagne.

L’alinéa 44 prévoit déjà une clause territoriale garantissant l’ancrage d’au moins un organisme HLM autonome par département. Un groupe de taille inférieure à 15 000 logements sera aussi autorisé s’il constitue l’unique groupe ayant son siège au sein du département. Ces clauses bénéficieront notamment aux départements classés en zone de montagne s’ils sont peu denses en bailleurs sociaux et en logements. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. François Pupponi. Ce n’est pas le regroupement qui pose problème mais le fait que vous n’ayez pas prévu dans ce texte les verrous permettant d’éviter la ghettoïsation. Créer ces mastodontes sans instituer de protection aboutira à la catastrophe – mais vous ne voulez pas l’entendre.

M. Martial Saddier. Je remercie les ministres d’avoir prévu une clause territoriale garantissant l’ancrage d’au moins un organisme HLM autonome par département sans quoi ç’aurait été du délire, si vous me permettez l’expression. Cela étant, il faut bien comprendre comment sont configurés les départements de montagne : la moitié de la population y est concentrée dans une petite dizaine de communes et l’autre moitié est complètement diffuse dans des petits villages, sur 80 % du territoire. Certains élus locaux ont passé des années à convaincre de petites intercommunalités et des maires de village de montagne à accepter des logements sociaux alors qu’il y a dix ans, c’était un sujet tabou. Avec un seul bailleur par département, on peut parier que l’on ne construira plus un seul logement locatif social en dehors des dix grandes communes du département.

M. Richard Lioger. Je m’inscris absolument en faux avec l’intervention que vient de faire notre collègue Pupponi. En dix ans d’urbanisation, dans une grande ville comme Metz et sa banlieue, les bailleurs sociaux de grande taille comme Batigère, Logiest et Vilogia ont toujours investi dans le centre-ville.

M. François Pupponi. Ce n’est pas le sujet !

M. Richard Lioger. Mais si, c’est le sujet puisque vous dites que les grands groupes qu’on va constituer renforceront la ghettoïsation. Aucun des groupes que j’ai cités n’a investi en dix ans dans une ville comme Woippy qui a 70 % de logements sociaux, car ils ont compris qu’il fallait faire du maillage et du mitage à l’intérieur des grandes villes. M. Bazin sait bien qu’un bailleur social l’a aidé à mener un grand projet de reconversion sur son territoire.

M. Thibault Bazin. Si nous avons ce débat, c’est qu’on a demandé aux bailleurs de supporter la baisse des APL. Comme ils se retrouvent de ce fait fragilisés dans leur capacité d’investissement, on leur dit de se regrouper. Le problème, c’est que ce regroupement remet en cause leur proximité et qu’il ne garantit pas qu’ils pourront résoudre leurs problèmes d’investissement. Dans les grandes métropoles comme Metz, il n’y aura pas de souci car il y aura de gros opérateurs mais dans les territoires détendus, en zone C notamment, les opérateurs sont assez éloignés et ont une faible capacité d’autofinancement. S’ils sont regroupés demain, ils seront encore moins réactifs. Je ne suis pas sûr que votre solution permette de réinvestir les territoires en souffrance. Je soutiens donc pleinement l’amendement proposé.

La commission rejette lamendement CE1167.

Elle étudie en discussion commune les amendements CE1160 et CE1159 de M. Vincent Rolland, lamendement CE1733 de M. Stéphane Peu, les amendements identiques CE474 de M. Alain Ramadier, CE1145 de M. Gilles Lurton, CE1359 de M. Jean-Christophe Lagarde et CE1847 de M. Stéphane Peu, et lamendement CE1894 de Mme Graziella Melchior.

M. Vincent Rolland. Les amendements CE1160 et CE1159 sont défendus.

M. Stéphane Peu. Comme l’amendement fixant le seuil de regroupement à 2 000 logements n’a pas été retenu, je propose un seuil de 5 000 logements.

M. le président Roland Lescure. Qui ne risque rien n’a rien… L’amendement CE474 de M. Ramadier et M. Reda nous propose un seuil de 10 000 logements.

M. Robin Reda. En effet.

M. le président Roland Lescure. Qui dit mieux ? L’amendement CE1145 de Lurton propose également un seuil de 10 000 logements.

M. Gilles Lurton. En effet, et je voudrais rappeler à M. le secrétaire d’État qu’il a dit aux représentants des bailleurs sociaux, toujours dans son discours d’Amiens, qu’il n’était pas arc-bouté sur un seuil de 15 000 logements, tout en avouant ne pas avoir trouvé de meilleure solution. Moi qui ai une très grande confiance en la sagesse de M. le ministre Mézard, je me souviens que le 8 mars dernier, lors des questions au Gouvernement, il a indiqué qu’il n’y aurait pas de seuil minimal. J’étais même venu l’en remercier.

M. Thierry Benoit. Je défendrai ici, outre l’amendement CE1359, plusieurs amendements liés au seuil de regroupement. J’ai indiqué lors de la discussion générale que, globalement, les orientations du projet de loi ELAN nous convenaient, mais que nous avions identifié quelques fragilités : en voici une. Les intercommunalités étant en quelque sorte le bras armé de la politique du logement, vous auriez très bien pu proposer de caler le périmètre des organismes sur celui des intercommunalités et non pas en fixant un seuil de logements. La vie en grand – on l’a vu pour les régions, les intercommunalités, les communes nouvelles et les bailleurs sociaux – n’est pas sans interpeller. Jean-Christophe Lagarde et les membres de mon groupe ont souhaité que nous déposions des amendements sur la question des fusions et des seuils, car c’est pour nous une source de grande inquiétude. Et ce sera un élément déterminant de notre position lors du vote sur l’ensemble du texte.

M. Stéphane Peu. On parle beaucoup des capacités d’investissement des organismes HLM. Or, un organisme HLM est certes un organisme qui investit, construit, réhabilite et fait de la rénovation urbaine mais c’est avant tout un organisme qui gère et attribue des logements. À travers l’activité des organismes HLM, c’est le peuplement des territoires et la ghettoïsation qui sont en jeu. Je peux vous garantir qu’un petit organisme HLM qui est en lien direct avec le territoire regardera les attributions de logement d’une autre manière qu’un organisme de 50 000 à 100 000 logements qui, quand il voit dans la file des demandeurs de logement un technicien de surface – qui plus est, issu de l’immigration -, l’envoie directement à un endroit, quand il voit un ouvrier qualifié, l’envoie à un autre endroit et quand il voit un cadre, dans un autre endroit encore. Qui fabrique de la ségrégation sociale si ce n’est ces organismes HLM ?

M. le président Roland Lescure. Je vous remercie.

M. Stéphane Peu. Si on ne peut plus parler, je vais faire comme Pupponi !

M. Richard Lioger. Vous dites tout le temps la même chose !

M. Stéphane Peu. Non !

M. le président Roland Lescure. Seul M. Peu a la parole. Veuillez terminer votre intervention, s’il vous plaît.

M. Stéphane Peu. C’est seulement la deuxième fois qu’avec François Pupponi, nous évoquons la question du peuplement. Or c’est cela qui inquiète les territoires et les élus, plus que les questions de capacité d’investissement. Si vous ne voyez pas de phénomène de ghettoïsation à Metz, c’est qu’on y est aveugle, ou qu’il y a un microclimat… Mais je peux vous dire qu’on en voit en région parisienne et dans beaucoup d’autres villes de France. Les organismes enfermés dans une logique de groupe et qui ont une appréciation extraterritoriale des attributions de logement fabriquent du ghetto, bien plus que les organismes de proximité : c’est vérifié. Il faut donc faire attention.

Mme Graziella Melchior. Mon amendement CE1894 propose quant à lui que le nombre minimal de logements soit fixé par arrêté du préfet de région, après avis conforme du comité régional de l’habitat et de l’hébergement en tenant compte des spécificités de l’offre et de la demande de logements sociaux sur le territoire.

M. Thierry Benoit. C’est mieux !

M. Thibault Bazin. C’est pragmatique !

Mme Graziella Melchior. En effet, si les bailleurs sociaux ont pu être inefficaces dans certaines régions du fait des concurrences entre eux et entre territoires, entraînant la présence d’un nombre excessif de bailleurs sociaux dans des périmètres réduits, d’autres régions – comprenant de vastes zones mixtes ou rurales – apparaissent parfois en déficit d’opérateurs. Exiger d’emblée de leur part une taille donnée, à l’échelle nationale, c’est freiner l’émergence de nouveaux bailleurs sociaux dans ces zones qu’il faudrait pourtant dynamiser.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’avis du Gouvernement est également défavorable, mais j’aimerais revenir sur plusieurs points.

La question du peuplement est essentielle. Vous avez mille fois raison de l’aborder, messieurs Pupponi et Peu. La transformation proposée vise au regroupement des organismes et en aucun cas à des fusions. On ne risque donc pas de créer des organismes bailleurs tels que ceux évoqués par M. Lioger à Metz. Qu’il s’agisse de la convention d’utilité sociale (CUS), du plan stratégique de patrimoine (PSP) ou de la commission d’attribution de logements (CAL), tout cela restera au niveau du territoire. Nous en avons débattu tout à l’heure et avons même modifié la loi en ce sens.

Le projet de loi indique d’ailleurs que l’objectif du regroupement est de permettre la mutualisation de certains moyens et d’offrir aux organismes la possibilité de se coordonner et d’avoir une certaine solidarité financière – autrement dit de se prêter les uns aux autres. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de sujet à discussion mais il ne faudrait pas sombrer dans la caricature extrême. Il n’est pas question de faire de la fusion pour n’avoir plus que des organismes de 15 000 logements : on organise un regroupement pour que les bailleurs puissent travailler ensemble ; et le texte de loi précise que société mère sera représentée dans les structures filles sans voix délibérative. On ne crée donc pas des structures de 15 000 logements dont la politique de peuplement serait définie et imposée par un groupe. Depuis le début de la soirée, vous n’avez cessé d’adopter des amendements, qui plus est avec l’avis favorable du Gouvernement, introduisant – qu’il s’agisse des CUS, des PSP, des CAL, des représentants des élus, des représentants des locataires ou des représentants de la société-groupe dans les instances de gouvernance des structures filles – afin que tout le pouvoir reste au niveau territorial. En revanche, l’expérience de terrain, vous savez mieux que personne, monsieur Peu, montre que des groupes – et non des fusions – peuvent apporter certains éléments positifs. Encore une fois, je ne dis pas que la mixité sociale n’est pas un sujet mais ne tombons pas dans l’excès. Nous ne sommes pas en train de créer des fusions à 15 000 logements.

M. Thibault Bazin. J’ai bien compris l’esprit du texte : comme vous avez du mal à avoir des capacités d’investissement, regroupez-vous pour pouvoir investir, dites-vous aux organismes. Mais si, in fine, ils ne peuvent même pas investir autant qu’avant et comme le lieu d’implantation des logements sera forcément influencé par le poids respectif des différents partenaires, on risque de perdre en proximité et en équité. Voilà les inquiétudes qui sont exprimées, et je crois qu’il faut les entendre.

M. François Pupponi. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons bien compris le sens de cet article du projet de loi mais quand, parallèlement, on diminue en loi de finances le montant des APL et qu’on met en difficulté les OPH, ceux-ci finissent par devenir exsangues et condamnés à disparaître ; ils n’auront d’autres solutions que de se vendre à d’autres car ils n’auront plus la capacité d’assurer ce qui est leur métier de base. C’est ce que nous ont dit les représentants de Val-d’Oise Habitat : ils n’ont plus les moyens de faire de la rénovation urbaine, ils vont se vendre et s’adosser à un grand groupe car ils ne savent plus faire. C’est cela, la logique du système que vous avez mis en place. Il y aura de fait des regroupements. L’avenir nous dira si nous avons raison ou tort ; en tout cas, c’est notre analyse.

Qui plus est, les petites structures en proie à des difficultés financières ont tout intérêt à privilégier des locataires « APLisés » pour éviter le risque d’impayés de loyer, puisque l’APL paie. Or c’est ainsi que le ghetto s’est construit : on a mis des « APLisés » dans les quartiers les plus défavorisés car le bailleur était sûr de toucher son loyer. C’est cela, la perversité de l’APL. C’est ainsi que se finira votre réforme, car on sait comment les organismes fonctionnent : il n’y a pas de raison qu’ils changent. Les amendements que nous avons déposés visent à éviter ou, tout au moins, à limiter la catastrophe.

Enfin, vous avez supprimé dans ce texte la commission d’attribution que nous avions mise en place dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et qui était justement le verrou pour éviter la ghettoïsation. On ne peut pas dire que ce soit une mesure en faveur de la mixité sociale.

M. Stéphane Peu. Que de petits organismes soient incités, voire obligés, à se regrouper, pourquoi pas ? Mais que faisons-nous des grands organismes dont les logements sont répartis un peu partout, mais sans réelle proximité avec aucun territoire ? C’est cela qui pose un grand problème de mixité sociale. Je pourrais vous citer bien des exemples, mais je ne donnerai pas de nom pour ne vexer personne. Comme je le disais tout à l’heure, il y a chez nous 45 000 logements HLM, trois offices regroupés et plus d’une cinquantaine d’ESH – et celles-ci n’en ont rien à faire du territoire quand elles attribuent des logements ! Comment allez‑vous les obliger à se regrouper de façon à respecter les territoires, quitte à adapter leur taille ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Croyez-le ou non, la réforme du regroupement n’a jamais été liée ni de près, ni de loin à la transformation financière opérée en loi de finances. Du reste, je ne suis pas de ceux qui pensent que le regroupement permet de réaliser des économies de gestion ; cela dépend des cas de figure. En tout cas, les acteurs de terrain – et, monsieur Peu, vous en avez encore témoigné tout à l’heure – appellent de plus en plus ces regroupements de leurs vœux. De fait, je ne suis pas certain qu’un EPCI auquel sont rattachés quatre, cinq ou six offices corresponde au système le plus optimal. À preuve, les regroupements en cours.

M. Stéphane Peu. Et lorsqu’il y a trente ESH ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les obligations sont strictement les mêmes pour un office et une ESH, monsieur Peu.

J’ajoute que la société de coordination a ceci d’original que la tête de groupe ne peut pas prendre de participations dans les structures filles : au contraire, le principe de la SAC veut que ce soient les filles qui investissent dans la mère. Ainsi, la structure même de la société est territoriale. C’est bien la démonstration que, dans le cadre de ces regroupements, le lien aux territoires est profond. Encore une fois, la question de la mixité est essentielle. C’est pourquoi le regroupement que nous appelons de nos vœux n’est en rien une fusion.

M. Martial Saddier. Prenons l’exemple d’une ville qui compte de nombreux logements sociaux dont un opérateur possède 80 % du parc. Je peux vous assurer que, si des boîtes aux lettres, des digicodes ou des lampadaires sont cassés, ils sont remplacés dans la semaine qui suit dans les immeubles détenus par l’opérateur prédominant, mais dans ceux qui appartiennent aux petits opérateurs gérant les 20 % restants, ils le sont sur-le-champ, car ceux-là aspirent à en faire plus. Ce n’est pas chez l’opérateur le plus important que la gestion est la meilleure !

Nous avons tous beaucoup parlé de montages comptables, à commencer par moi ; nous avons peu évoqué les personnes qui vivent dans ces logements. Je ne remets pas en cause la bonne foi du Gouvernement, mais je suis convaincu que nous sommes en train de commettre une grave erreur.

La commission rejette successivement les amendements CE1160, CE1159 et CE1733, les amendements identiques CE474, CE1145, CE1359 et CE1847, et lamendement CE1894.

Elle examine ensuite lamendement CE1520 de M. Michel Herbillon.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est conforme à l’esprit du projet de loi qui, à croire l’exposé des motifs, se donne pour objectif de « soutenir et d’encourager la production de logements ».

Force est de constater que les petits organismes de logements sociaux qui ont fait la démonstration concrète de leur volonté et de leur capacité de développer leur patrimoine vont se trouver pénalisés par le texte. En effet, les perspectives de regroupement qui leur sont imposées vont obligatoirement entraîner leur réorganisation ainsi qu’une révision de leur politique de développement patrimonial, et donc freiner leurs projets de construction ou d’acquisition, contredisant ainsi l’objectif affiché du projet de loi. Or, il importe de ne pas entraver la dynamique de développement patrimonial de ces petits organismes qui ont su, au cours des six dernières années, participer au développement de l’offre de logements sociaux.

C’est pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de ne pas pénaliser ceux qui ont construit 600 logements locatifs au cours des six dernières années. S’ils sont efficaces et produisent des logements, ne les coupons pas dans leur élan !

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le regroupement sera d’autant plus utile aux organismes HLM qui construisent le plus qu’ils pourront bénéficier de moyens techniques et financiers plus importants grâce à la mutualisation opérée par les SAC. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage très souvent vos analyses, monsieur Bazin, mais là, je ne suis pas d’accord avec vous. Il y a une grande différence entre le fait d’avoir construit 600 logements et le fait de les avoir achetés d’un seul coup : le signal, en matière d’activité, n’est pas du tout le même. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1360 et CE1361, tous deux de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1360 vise à exclure du régime applicable aux organismes n’atteignant pas le seuil de 15 000 logements les offices publics de l’habitat rattachés à un même établissement public de coopération intercommunale ou établissement public territorial qui auront fusionné en vertu de l’article 28. Le CE1361 est un amendement de repli.

Lorsque je vous écoute, messieurs les ministres, je crains que ce regroupement ne soit une première étape vers l’absorption. Pourtant, cela ne vous ressemble pas : si le Président de la République est plutôt jacobin, je vous sais favorables à la subsidiarité. Aborder la question, comme vous le faites, sous l’angle du nombre de logements, est un peu « piégeux ».

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’article 28 prévoit en effet que les OPH rattachés à un même EPCI seront obligés de fusionner d’ici au 1er janvier 2021 – cela concerne avant tout la région parisienne. Si les OPH ainsi fusionnés dépassent le seuil de 15 000 logements, ils n’auront pas l’obligation de rejoindre un groupe. S’ils n’atteignent pas ce seuil, ils devront rejoindre une SAC, comme tous les autres organismes HLM. Il ne paraît pas pertinent de prévoir une exception pour cette catégorie spécifique de bailleurs.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2450 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’objet de l’amendement est de créer une dérogation à l’obligation de regroupement en cas d’accord du maire et du préfet de région. Des dérogations spécifiques sont déjà prévues aux alinéas 44 et 45 pour les territoires peu dotés en organismes HLM, afin de garantir l’ancrage local d’au moins un organisme HLM autonome ou un groupe autonome par département. Laisser aux maires et aux préfets la possibilité de déroger au seuil de 15 000 logements sans aucune condition précise reviendrait à vider l’article 25 de sa substance.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lexamen des amendements identiques CE951 de M. JeanLouis Touraine, CE1408 de M. Thibault Bazin et CE2364 de M. François Pupponi.

Mme Danièle Hérin. L’amendement CE951 vise à exclure de l’obligation d’appartenir à un groupe les organismes qui gèrent uniquement des foyers‑logements et à ne pas mettre en difficulté l’équilibre économique d’établissements qui agissent fortement pour l’hébergement et l’insertion des personnes plus fragiles dans les territoires.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE1408 tend à exempter les organismes HLM qui ne détiennent que des logements-foyers de l’obligation de se regrouper.

M. François Pupponi. Le CE2364 est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Les problématiques sont les mêmes pour les logements-foyers et les autres organismes HLM. En rejoignant des groupes, ils pourront également accroître leur capacité à gérer des projets complexes et bénéficier de la mutualisation financière.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE1161 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Cet amendement tend à limiter l’obligation de regroupement lorsque celle-ci reviendrait à priver l’ensemble des communes membres d’un EPCI de la présence d’un organisme de logement social de proximité. Plusieurs d’entre nous ont évoqué tout à l’heure la loi NOTRe, qui a incité les collectivités ou les intercommunalités à se regrouper. Ces ensembles sont actuellement suffisamment étendus et regroupent des communes très distantes les unes des autres. Il conviendrait d’en rester là.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’échelle retenue par le projet de loi est celle du département, et non de l’EPCI. Les alinéas 44 et 45 garantissent l’ancrage local d’au moins un organisme HLM autonome et au moins un groupe par département. Appliquer cette dérogation à l’échelle des EPCI concernerait un nombre trop élevé d’organismes HLM et priverait donc de facto le texte de tous ses effets en matière d’économie d’échelle et de renforcement de la capacité d’action des organismes.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lexamen de lamendement CE1162 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Peut-être peut-on retenir un échelon intermédiaire entre l’EPCI et le département, celui de l’arrondissement. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Thierry Benoit. Bien vu ! Une subdivision administrative qui existe encore !

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1907 de Mme Graziella Melchior.

Mme Graziella Melchior. Cet amendement propose que le seuil de 15 000 logements puisse être abaissé par le préfet après avis de la région.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE796 de M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget. Il importe de tenir compte des bassins de population, qui présentent une cohérence territoriale et urbanistique. C’est pourquoi je propose de retenir, pour les regroupements, l’échelon de la métropole ou du pôle métropolitain.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2365 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement tend à préciser ce qu’il faut entendre par « logements locatifs sociaux gérés par l’organisme ». Il intègre dans le décompte les équivalents logements selon la modalité qui prévaut pour la définition des logements locatifs sociaux au sens de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ainsi que pour la détermination de la part fixe de la rémunération du directeur général d’un office public de l’habitat.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les modalités de calcul du nombre des logements et des places en foyers qui sera pris en compte dans les seuils de regroupement doivent en effet être clarifiées, mais cette question relève du règlement et fera donc l’objet d’un décret. Il conviendra notamment d’adapter le décompte des lits en fonction des éléments de confort que les différentes catégories de foyers offrent pour distinguer ce qui relève du logement de ce qui relève davantage de l’hébergement. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite trois séries damendements identiques : CE1632 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2635 de M. Jean-Bernard Sempastous, CE1633 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2636 de M. Jean-Bernard Sempastous, et CE1630 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE1087 de M. Jean-Bernard Sempastous.

Mme Barbara Bessot Ballot. Les amendements CE1632, CE1633 et CE1630 ont le même objectif : il s’agit d’offrir à d’autres acteurs des territoires la possibilité de mutualiser leurs moyens.

Mme Graziella Melchior. Les amendements CE2635, CE2636 et CE1087 sont défendus.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette longue série d’amendements a pour objet de prendre en compte la spécificité des SEM dans les regroupements. Ces dernières sont en effet confrontées à des difficultés particulières liées à leur multi-activité et à leur statut. Ainsi, elles ne peuvent rejoindre que des SAC, et non des groupes commerciaux, et le seul critère du nombre de logements gérés ne reflète pas correctement la réalité de leur activité, notamment en matière d’aménagement.

C’est pourquoi j’ai déposé trois amendements qui visent, pour le premier, à exempter de l’obligation de regroupement les SEM dont l’activité principale n’est pas le logement social, en s’inspirant de ce qui est déjà prévu pour les coopératives HLM faisant principalement de l’accession sociale à la propriété ; pour le deuxième, à ajouter le critère du chiffre d’affaires, fixé à 50 millions d’euros, pour la taille minimale de groupes constitués d’au moins deux SEM et, pour le troisième, à autoriser les SAC à accueillir des entreprises publiques locales (EPL) et des SEM dont l’activité relève du logement social.

Ces adaptations permettront, me semble-t-il, de maintenir la spécificité et la diversité des SEM. Je vous demande donc de retirer ces amendements au profit de mes amendements CE2831, CE2832 et CE2833 que nous examinerons un peu plus loin.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure. J’ai évoqué, tout à l’heure, le travail réalisé avec le président des EPL.

Mme Barbara Bessot Ballot. Je suppose que les amendements de la rapporteure sont bien mieux rédigés ; je retire donc les miens.

M. le président Roland Lescure. Madame Melchior, retirez-vous également vos amendements ?

Mme Graziella Melchior. Oui.

Ces amendements sont retirés.

Lamendement CE1085 de M. Jean-Bernard Sempastous est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE478 de M. Yves Daniel et CE1084 de M. Jean-Bernard Sempastous.

M. Yves Daniel. Les sociétés d’économie mixte agréées constituent le seul type d’acteurs du logement social qui relève davantage du code général des collectivités territoriales que du code de la construction et de l’habitation. En tant qu’opérateurs placés sous la maîtrise de collectivités territoriales qui recherchent de plus en plus des réponses globales, les SEM ont un modèle économique fondé sur plusieurs activités de service public ou d’intérêt général à caractère industriel et commercial. Il ne serait pas pertinent de leur retirer leur agrément, dans la mesure où elles constituent un outil essentiel de la revitalisation économique et sociale des centres-villes et des villes moyennes.

M. Jean-Bernard Sempastous. L’amendement CE1084 est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’agrément des SEM fait l’objet d’un arrêté du ministre chargé du logement, ce qui est logique dans la mesure où s’agit de permettre à cet organisme d’exercer une activité dans le domaine du logement social. En raison du parallélisme des formes, le retrait de cet agrément doit relever du seul ministre chargé du logement. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient ensuite à lexamen, en discussion commune, des amendements CE1471 de M. Yves Daniel et CE1472 de M. Jean-Bernard Sempastous.

M. Yves Daniel. L’amendement CE1471 est défendu.

M. Jean-Bernard Sempastous. Le CE1472 également.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE1060 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1618, CE1616 et CE1620, tous trois de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. En moyenne, les OPH détiennent 8 400 logements sociaux, les sociétés anonymes 8 200 et les SEM 2 200. Ainsi le seuil de 15 000 logements retenu dans le texte correspond au double du nombre de logements gérés en moyenne par un OPH ou une société anonyme. Il conviendrait d’appliquer le même calcul aux SEM en prévoyant un seuil équivalent au double de la moyenne du nombre de logements qu’elles gèrent, soit un seuil de 5 000 logements. Tel est l’objet de l’amendement CE1618.

Les amendements CE1616 et CE1620 sont de repli et tendent respectivement à fixer un seuil de 8 000 et de 10 000 logements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Comme je l’ai indiqué précédemment, le seuil de 15 000 logements résulte d’un compromis avec les fédérations HLM. Par ailleurs, je proposerai, par mon amendement CE2831, que les SEM dont l’activité principale n’est pas la construction de logements sociaux, soit environ 45 % d’entre elles, soient exonérées de toute obligation de regroupement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure. J’ajoute qu’un autre amendement, que nous examinerons ultérieurement, tend à préciser que, s’agissant des SEM, le regroupement est obligatoire en deçà d’un seuil de 15 000 logements ou d’un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. Ce faisant, nous tenons compte de la spécificité des regroupements de SEM, dont certaines auraient d’autres activités que le logement.

M. le président Roland Lescure. Maintenez-vous les amendements, monsieur Lagleize ?

M. Jean-Luc Lagleize. Oui. Je défendrai, du reste, des amendements visant à abaisser le seuil du chiffre d’affaires.

La commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE2601 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement tend à préciser ce qu’il faut entendre par logements locatifs sociaux gérés par l’organisme. Il intègre dans le décompte les équivalents logements, selon la modalité qui prévaut pour la détermination de la part fixe de la rémunération du directeur général d’un office public de l’habitat.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Nous avons évoqué cette question tout à l’heure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE2831 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’ai déjà parlé de cet amendement. Il s’agit d’exclure de l’obligation de rejoindre un groupe les sociétés d’économie mixtes gérant moins de 15 000 logements dont l’activité principale n’est pas constituée par l’activité locative sociale, en s’inspirant de la disposition de l’alinéa 43 concernant les organismes HLM qui ont pour activité principale l’accession à la propriété.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE2615 de Mme Josy Poueyto, les amendements identiques CE1086 de M. Jean-Bernard Sempastous, CE1637 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2613 de Mme Josy Poueyto, et lamendement CE2617 de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. Les amendements CE2615, CE2613 et CE2617 visent à abaisser le seuil du chiffre d’affaires applicable aux SEM.

Mme Graziella Melchior. Le CE1086 est défendu.

Mme Barbara Bessot Ballot. L’amendement CE1637 tend à abaisser le seuil du chiffre d’affaires applicable aux SEM de 50 millions à 25 millions d’euros.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette successivement lamendement CE2615, les amendements identiques CE1086, CE1637 et CE2613, ainsi que lamendement CE2617.

Elle en vient ensuite à lexamen, en discussion commune, des amendements CE2616, CE2614 et CE2618, tous de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. Ces trois amendements tendent respectivement à abaisser le seuil du nombre de logements applicable aux SEM de 15 000 à 5 000, à 8 000 et à 10 000 logements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle est saisie de lamendement CE2833 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet de compléter l’article L. 481-1-2 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit une taille minimale des groupes d’organismes de logement social, afin de prendre en compte la situation spécifique des SEM à multi-activité. Un nouveau critère de chiffre d’affaires minimal de 50 millions d’euros est ainsi ajouté pour les SEM constitués d’au moins deux SEM. En effet, à côté de leur activité de logement locatif social, les SEM agréées développent notamment des activités d’aménagement, de rénovation énergétique, de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, d’immobilier d’entreprise et de promotion immobilière.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1621 de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. Puisque vous avez refusé ceux de mes amendements qui visaient à abaisser les seuils, je propose que, dans certains cas dérogatoires, ceux-ci puissent être révisés par le préfet à la demande du président de l’EPCI local.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Des dérogations spécifiques viennent d’être adoptées pour les SEM. Elles me semblent suffisantes pour tenir compte de la diversité des territoires et des activités de ces organismes.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission rejette lamendement.

Les amendements identiques CE1634 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2637 de M. Jean-Bernard Sempastous sont retirés.

Les amendements identiques CE1635 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2638 de M. Jean-Bernard Sempastous sont également retirés.

La commission adopte larticle 25 modifié.

Après l’article 25

La commission examine lamendement CE1732 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. La réorganisation du tissu des organismes de logement social (OLS) va bouleverser le modèle de gestion des ressources des organismes. À ce stade, les dispositions relatives au mode de gouvernance de ces nouveaux groupements d’organismes ne prévoient pas de représentation des locataires.

Notre amendement prévoit que les organisations de locataires ayant obtenu le nombre de voix le plus élevé en fonction du nombre d’électeurs lors des élections de locataires de chaque organisme puissent disposer d’un ou de plusieurs représentants au sein des organes délibérants de chaque groupe.

Il ne suffit pas de souhaiter la présence des locataires au sein des organes délibérants, il faut aussi l’organiser.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objectif poursuivi par cet amendement me semble intéressant. Si les locataires sont représentés à la fois dans chacun des organismes et au niveau de la société anonyme de coordination (SAC), il serait préférable qu’une seule élection soit organisée, avec, par exemple un système de fléchage.

Toutefois, cette question relève en partie du niveau réglementaire, et je pense que nous devons retravailler cette question d’ici la séance publique, pour tenir compte de ce que nous avons adopté à l’article 25. En conséquence, je demande le retrait de l’amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Vous avez adopté hier une mesure qui prévoit que les locataires seront représentés, et nous sommes convenus de retravailler sur le mode d’organisation du conseil d’administration. De la même manière, nous devons travailler d’ici à la séance publique sur le mode de désignation des locataires concernés.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2366 de
M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement vise à supprimer la commission de péréquation de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), chargée d’aider les bailleurs dans la mise en œuvre de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Il va dans le sens d’une simplification en fusionnant les commissions de péréquation et de réorganisation de la CGLLS.

Toutefois, les modalités de mise en œuvre de la RLS et des aides qui seront distribuées par la Caisse sont trop récentes, et elles font encore l’objet de discussions entre les différents acteurs. Il serait préférable d’attendre un peu avant de procéder à une telle fusion.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, vous avez raison : la commission de péréquation créée, au sein de la CGLLS, par la loi de finances pour 2018, est certainement redondante par rapport à la commission de réorganisation des bailleurs sociaux. Nous essayons actuellement de voir comment les deux peuvent coexister. Un travail est en cours à ce sujet, je vous propose donc de retirer votre amendement.

Lamendement est retiré.

Article 26
(article L. 411-2-1 du code de la construction et de lhabitation)
Élargissement des possibilités de fusion et dabsorption des bailleurs sociaux entre eux

1.   L’état du droit

Depuis la loi ALUR de 2014, les absorptions et les fusions de bailleurs sociaux entre eux sont encadrées par l’article L. 411-2-1 du CCH. Cet article limite les possibilités de fusion dans certains cas, notamment entre les bailleurs sociaux ne relevant pas du même statut juridique :

– une SEM agréée ne peut pas fusionner avec une société anonyme HLM ou une autre SEM, si son activité dépasse le seul champ du logement social ;

– une OPH, ne disposant pas de capital social, ne peut pas être absorbée par acquisition de parts sociales par une société anonyme HLM ou une SEM agréée.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 26 du présent projet de loi vise à diversifier les possibilités de fusion et de rachats de bailleurs sociaux entre eux, afin de faciliter la restructuration du secteur du logement social.

Ainsi, les alinéas 2 à 5 permettent à une SEM agréée de transmettre son patrimoine à une société anonyme HLM ou à une autre SEM agréée, même si son activité ne se limite pas au logement social. Toutefois, une telle opération ne peut pas entraîner un dépassement de l’objet social ou de la compétence géographique de la société anonyme HLM absorbant la SEM.

Par ailleurs, les alinéas 8 et 9 permettent aux sociétés anonymes HLM et aux SEM agréées d’absorber un OPH par un transfert universel de patrimoine. Dans ce cas, il est précisé que la rémunération de la collectivité de rattachement est fixée sur la base du rapport des capitaux propres non réévalués respectifs des organismes.

Enfin, les alinéas 10 et 11 clarifient les conditions de la dissolution d’une société anonyme HLM ou d’une SEM agréée qui a été absorbée : la dissolution ne peut être prononcée que si l’actionnaire unique détenant toutes les parts sociales est un organisme HLM ou une SEM agréée.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté 9 amendements à cet article.

Afin de traiter sur un pied d’égalité toutes les catégories de bailleurs sociaux, trois amendements identiques de Mme Hérin et de MM. Peu et Pupponi ont, tout d’abord, autorisé les coopératives HLM à absorber une SEM, alors qu’actuellement seules les sociétés anonymes HLM sont autorisées à le faire.

À l’initiative de votre rapporteure et de MM. Bazin, Peu et Pupponi, quatre amendements identiques ont été adoptés afin de prévoir explicitement que la fusion de sociétés HLM entraîne la transmission de leurs champs de compétence géographique.

Enfin, votre rapporteure a souhaité précisé, grâce à deux amendements, les dispositions relatives à la représentation et à l’information des locataires dans le cadre des fusions.

Un premier amendement a ainsi été adopté afin de prévoir que, jusqu’à la prochaine élection suivant la fusion, les représentants des locataires siégeant au conseil d’administration du nouvel organisme fusionné sont désignés par les représentants des locataires qui siégeaient dans les conseils d’administration des organismes qui ont concouru à la fusion. Cette règle, qui n’est applicable aujourd’hui qu’aux fusions entre des OPH, garantit que tous les locataires, y compris ceux des organismes absorbés, sont représentés dans la gouvernance du nouvel organisme.

Un second amendement a, quant à lui, créé une obligation d’information des locataires en cas de fusion de plusieurs bailleurs sociaux, que le logement de ces locataires soit ou non concerné par un transfert de propriété.

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*     *

La commission examine les amendements identiques CE1818 de M. Stéphane Peu, CE1874 de Mme Danièle Hérin, et CE2367 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. La rédaction de l’article est imparfaite car elle ne met pas sur un pied d’égalité l’ensemble des organismes HLM : les coopératives HLM peuvent être empêchées d’absorber une entreprise publique locale (EPL) – du fait de cet article, ce qui n’est pas le cas pour les autres formes d’organismes HLM. Notre amendement vise donc à assurer une égalité de traitement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable. Ces amendements participent pleinement à l’objectif poursuivi par l’article 26, c’est-à-dire lever les blocages qui freinent les fusions entre toutes les catégories d’organismes HLM.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE2780 de la rapporteure, CE1405 de M. Thibault Bazin, CE1820 de M. Stéphane Peu et CE2368 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les fusions d’organismes HLM prévues par l’article 26 peuvent concerner des organismes ayant des compétences géographiques différentes. Afin de faciliter ces fusions et d’éviter que les sociétés résultant de la fusion n’aient à demander un nouvel agrément, cet amendement prévoit explicitement que la fusion des organismes entraîne la transmission de leur champ de compétence géographique.

M. Thibault Bazin. Les démarches pour obtenir les agréments pour la production de logements sociaux sont très codifiées. Si vous voulez faciliter les fusions pertinentes à l’échelle locale, il faut éviter la perte des agréments qui ralentirait le processus.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle en vient à lamendement CE2762 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il traite de la représentation des locataires en cas de fusion d’organismes HLM. La mesure déjà en vigueur pour les fusions des offices publics de l’habitat (OPH) s’appliquera aux fusions de toutes les familles d’organismes.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE1700 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il vise à créer une obligation d’information préalable des locataires en cas de fusion de plusieurs bailleurs sociaux.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Une telle disposition ne relève sans doute pas du niveau de la loi, mais le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission, car l’objectif poursuivi est le bon.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 26 modifié.

Article 27
(articles L. 423-15, L. 423-16 et L. 481-8 du code de la construction et de lhabitation et articles L. 511-6 et L. 511-7 du code monétaire et financier)
Simplification des règles relatives aux prêts et aux avances entre bailleurs sociaux

1.   L’état du droit

Le logement social étant un secteur économique réglementé, soumis au respect de la définition européenne du service d’intérêt économique général (SIEG), la loi limite fortement l’utilisation des produits de l’activité locative sociale à d’autres fins que le réinvestissement dans la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logements sociaux.

Dans ce cadre, la loi autorise, depuis 2011, les prêts et les avances entre organismes HLM afin que des fonds non employés par un bailleur puissent profiter à un autre bailleur en besoin de financement.

Toutefois, les articles L. 423-15 et L. 423-16 du CCH limitent fortement les possibilités de certains organismes HLM en la matière. Seules les sociétés anonymes HLM et les coopératives HLM peuvent bénéficier de ces partages de trésorerie, et non les OPH et les SEM agréées. En outre, un organisme doit détenir au moins 5 % du capital d’une société pour pouvoir lui consentir une avance et doit exercer un contrôle effectif sur elle pour lui consentir un prêt. D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, cette possibilité n’est donc ouverte qu’à moins d’un quart des bailleurs sociaux.

Par ailleurs, les prêts et les avances sont soumis à une obligation de déclaration préalable auprès des ministres chargés du logement et de l’économie, qui peuvent s’y opposer conjointement dans un délai de deux mois. Dans les faits, les organismes HLM attendent systématiquement l’expiration de ce délai de deux mois, pour pouvoir bénéficier d’une acceptation tacite de la part des ministres.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 27 du présent projet de loi vise à développer la mutualisation financière et la circulation de capitaux entre les organismes HLM afin que tous les fonds disponibles soient utilisés pour l’investissement dans la construction et l’amélioration des logements sociaux. Cette circulation de capitaux est un élément clé de la réussite des regroupements prévus à l’article 25 du présent projet de loi.

Les alinéas 2 et 5 élargissent ainsi le champ des organismes pouvant bénéficier d’une avance ou d’un prêt : tous les bailleurs sociaux, peu importe leur statut juridique, pourront désormais bénéficier d’une avance ou d’un prêt de la part dun bailleur membre du même groupe dorganismes de logement social. Cette disposition permettra notamment aux OPH de pouvoir recevoir un prêt ou une avance de tout autre organisme HLM membre de la même société de coordination. L’alinéa 8 ouvre également cette possibilité aux SEM agréées.

Par ailleurs, les alinéas 3 et 6 simplifient la procédure de déclaration préalable aux ministres chargés du logement et de l’économie. Le délai de non‑opposition est raccourci à 15 jours, au lieu de deux mois, tandis que l’opposition d’un seul des deux ministres pourra suffire à refuser l’autorisation.

Enfin, afin de sécuriser les prêts entre organismes membres d’un même groupe, les alinéas 9 à 13 précisent que l’interdiction faite à toute personne, autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement, d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel, prévue à l’article L. 511-5 du code monétaire et financier, ne s’applique pas à ce type de prêts.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte larticle 27 sans modification.

Article 27 bis (nouveau)
(article 881 L du code général des impôts)
Abaissement temporaire du taux de la contribution de sécurité immobilière pour les fusions entre bailleurs sociaux

Cet article additionnel a été adopté par la commission, à l’initiative de M. Pupponi et avec l’avis favorable de votre rapporteure.

Les opérations permettant la restructuration du secteur HLM, notamment par voie de fusions ou d’apports en sociétés d’immeubles destinés à un usage résidentiel, imposent de satisfaire aux règles relatives à la publicité foncière et d’acquitter la contribution de sécurité immobilière (CSI), dont le taux est de 0,10 % de la valeur des biens faisant l’objet d’une publication. L’article 881 L du code général des impôts (CGI) dispose que le montant de la CSI est réduit de moitié lorsque celle-ci concerne des organismes HLM.

Toutefois, même réduite de moitié, l’application de la CSI aux mouvements de restructuration du secteur HLM est susceptible de freiner les fusions et de faire peser sur les organismes HLM une charge financière excessive, alors même que cette restructuration est encouragée par les pouvoirs publics.

Par conséquent, cet article prévoit l’application d’un taux exceptionnel de 0,01 % jusqu’au 31 décembre 2021 pour les opérations de fusions et d’apports de patrimoine entre bailleurs sociaux.

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La commission est saisie des amendements identiques CE423 de M. Thibault Bazin, CE1744 de M. Stéphane Peu et CE2370 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de favoriser la création de fonds d’investissement ayant pour seul objet la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers et de dépôts compatibles avec le caractère social et territorial du secteur HLM, et à autoriser les offices à investir dans ces fonds.

Ces fonds pourraient être créés et gérés par les sociétés de coordination, objets du projet de loi. Nous proposons de modifier le code de la construction et de l’habitation afin de rendre cela possible.

M. Stéphane Peu. Cette solution permettrait que les principes qui animeront ces fonds d’investissement se rapprochent de l’objet social des organismes HLM. Des fonds socialement responsables orienteraient leurs investissements de façon spécifique en évitant d’aller sur les marchés financiers classiques.

M. François Pupponi. Nous abordons une question essentielle. L’un des risques que fait courir le texte tient à la possibilité de vendre des logements sociaux, y compris en bloc, à des sociétés privées. Cela présente des risques non seulement en termes financiers mais également parce que cela peut se traduire par la multiplication des copropriétés dégradées, des marchands de sommeil, des reventes à la découpe…

Les fonds que nous proposons de créer permettent de rester, en quelque sorte, dans le giron du secteur social et public, avec des acteurs dont on connaîtra la déontologie et l’éthique. Cela présente un véritable intérêt, et nous pourrions même prévoir, par exemple, que ces fonds seraient les seuls à pouvoir acheter, si les locataires ou les collectivités n’achètent pas. Cela sécuriserait ceux qui deviennent propriétaires d’actifs.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ces amendements visent à permettre aux OPH de souscrire des titres, qui ne sont pas émis ou garantis par l’État, au sein de fonds d’investissement à caractère social.

Une telle disposition constitue un véritable bouleversement des circuits de financement des OPH. Cette proposition est intéressante, mais je ne suis pas sûr que nous disposions d’une étude d’impact complète de toutes ses implications financières. Je vous propose donc de retirer ces amendements afin de les travailler d’ici à la séance publique.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis totalement convaincu par ce que ces amendements proposent. J’avoue avoir été assez étonné, en les découvrant, non seulement par le fond mais aussi par la constitution d’un axe Bazin-Pupponi-Peu sur ce sujet…

Je m’interroge seulement sur la rédaction. Les amendements permettent à un OPH de se financer grâce à des émissions de titres non garantis par des États européens. J’imagine le retour de bâton potentiel – certains parleront de titrisation possible. Je suis totalement favorable à la mesure, mais il faut que nous sachions de quel type de fonds nous parlons, et nous devons nous assurer du contrôle de leur nature. Tout ne doit pas être possible. À ce stade, je demande donc plutôt le retrait des amendements, afin que nous puissions vérifier le périmètre des fonds que nous voulons créer.

M. Thibault Bazin. Je comprends qu’il faille mieux encadrer le dispositif que nous proposons, mais je m’interroge sur la méthode. Je veux bien retirer mon amendement, si j’ai la garantie qu’il se passera quelque chose ensuite et que notre idée aboutira. Vos services vont-ils travailler et revenir vers nous avec des propositions ? Comment procéder ?

M. Stéphane Peu. Je préfère la méthode consistant à ouvrir le débat et à proposer de retravailler certains amendements avant la séance, à celle qui conduit le Gouvernement et le rapporteur à les rejeter systématiquement – en la matière le changement est notable par rapport à ce que nous avons connu récemment sur d’autres textes.

Cela dit, cette démarche m’inquiète parce que nous l’avons déjà adoptée pour un grand nombre d’amendements, alors que nous n’en sommes qu’à l’article 27, et que les délais dans lesquels nous travaillons sont très contraints. Il faut que nous réfléchissions à la manière dont nous traiterons ces sujets d’ici à la séance.

Notre amendement permet à des sociétés de coordination de créer des fonds d’investissement maîtrisés qui offrent des niveaux de rémunération compatibles avec le secteur du logement social – ils diffèrent de ceux des fonds d’investissement classiques –, et dont l’usage est garanti et sécurisé. Est-il possible de créer des fonds d’investissement sous un régime d’économie sociale et solidaire ?

M. François Pupponi. Depuis hier, le nombre des amendements retirés sur lequel nous devons retravailler avant la séance augmente, alors que la date limite de dépôt des amendements en séance est fixée au samedi 26 mai.

Si nous devons retirer et négocier cet amendement avant d’en déposer un nouveau, c’est bien parce que nous n’avons pas suffisamment discuté de la manière dont tout cela sera financé : qui pourra investir, dans quel cadre, avec quelles règles ? Nous sommes preneurs, mais nous voulons avoir des réponses rapidement.

M. Martial Saddier. Je soutiens la démarche qui est la vôtre, mais je peux faire part de notre expérience de frontaliers suisses. Nous avons encore le souvenir d’emprunts toxiques – nous ne les oublions pas parce que nous ne les avons pas encore digérés – qui concernaient jusqu’à des hôpitaux publics.

Il faut vraiment border le dispositif parce que l’on n’est jamais à abri qu’un office se fasse rouler dans la farine.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mes équipes tiendront des réunions de travail à ce sujet mardi prochain. Je propose qu’elles reviennent vers vous à partir de mercredi pour vous dire quels sont les ajouts et les modifications à porter à ces amendements. Vous pourrez les redéposer ensuite.

Les amendements sont retirés.

M. le président Roland Lescure. Un point de méthode : à l’issue de la séance d’hier soir, notre commission avait examiné 819 amendements. Nous devons donc encore en appeler 1 629. Si nous en restons au rythme qui a été le nôtre jusqu’à hier soir, nous siégerons jusqu’à samedi soir.

Lorsque je vous demande de limiter la durée de vos interventions, ce n’est pas pour brider votre droit de parole, mais pour essayer d’être plus efficaces. Je l’ai déjà dit : avec 1 600 amendements à examiner, dix secondes supplémentaires pour chaque intervention d’une minute, c’est finalement cinq heures de débats en plus ! Je vous demande donc de limiter vraiment vos interventions à une minute.

M. François Pupponi. Disposez-vous de la répartition des amendements ?

M. le président Roland Lescure. Si je regarde par député, vous êtes très bien placé, monsieur Pupponi ! (Sourires.) Et, par groupe, le vôtre est largement en tête.

M. François Pupponi. Sur les 2 600, je crois que nous en avons déposé 250…

M. le président Roland Lescure. Le droit d’amendement étant individuel, vous êtes maillot jaune de très loin !

La commission en vient aux amendements identiques CE422 de M. Thibault Bazin, CE1743 de M. Stéphane Peu, et CE2369 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Il vise à autoriser les offices publics de l’habitat à accorder des sûretés réelles mobilières, dès lors que cela est susceptible de faciliter leur action. Il faut que la loi écarte la règle d’insaisissabilité des biens car elle rend inapplicables les sûretés réelles que pourrait constituer un office.

J’imagine, monsieur le secrétaire d’État, que vous allez me demander de retirer l’amendement pour mieux l’encadrer et le retravailler d’ici à la séance. En tout cas, ce sujet doit être traité : cela permettra aux offices d’accéder à des outils qui faciliteront les financements dont ils ont besoin.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avec les mêmes arguments que pour les amendements précédents, je demande le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour les mêmes raisons que lors de ma précédente intervention, nous demandons le retrait des amendements. La réunion que j’évoquais tout à l’heure portera aussi sur ce sujet ainsi que sur celui que nous aborderons dans un instant.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CE1741 de M. Stéphane Peu, et CE2456 de M. Denis Sommer.

M. Stéphane Peu. Mon amendement vise à harmoniser les règles encadrant la poursuite du mandat des représentants élus par les locataires au conseil d’administration ou de surveillance des organismes HLM en cas de fusion, tout en élargissant la représentation des locataires à l’issue des fusions. Vous aurez compris que la question de la participation citoyenne nous préoccupe beaucoup.

M. Denis Sommer. Il s’agit d’encadrer la poursuite du mandat des représentants élus par les locataires au conseil d’administration ou de surveillance des organismes HLM, et d’élargir la représentation des locataires à l’issue des fusions.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de ces amendements. L’amendement CE2456 est satisfait par l’amendement CE2762, précédemment adopté à l’article 26. La deuxième partie de l’amendement CE1741 est donc également satisfaite. Pour ce qui concerne sa première partie, il ne semble pas utile d’augmenter la proportion de représentants des locataires au sein des conseils d’administration des organismes afin d’éviter les conseils d’administration pléthoriques.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. S’il y a bien une évolution que l’on peut souhaiter du côté des organismes HLM, elle concerne la représentation des locataires. Vous parlez de « conseils d’administration pléthoriques », il suffit de procéder à des rééquilibrages : certaines catégories peuvent voir leur représentation diminuer au profit des usagers. Dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, si l’on considère, comme c’est mon cas, que l’on doit conserver le statut des organismes HLM, les usagers doivent être cogérants et pas seulement associés à la marge. Je ne retirerai pas mon amendement car je pense qu’il faut augmenter le nombre de représentants des locataires dans les conseils d’administration.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine lamendent CE2328 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis favorable au principe de l’amendement. Il vise à réduire le coût des taxes applicables lors des fusions et des ventes de patrimoine entre organismes HLM. C’est cohérent avec les mesures destinées à encourager les fusions, même si cette disposition fiscale relève plutôt du projet de loi de finances.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable : la disposition relève en effet d’un texte budgétaire.

M. François Pupponi. L’amendement n’a pas donné lieu à l’application de l’article 40 de la Constitution.

La démarche est cohérente : on ne peut pas demander aux gens de fusionner en les surtaxant du simple fait de ces fusions.

A priori, cet amendement ne crée une charge, ni pour l’État, ni pour les collectivités locales. Je ne vois pas l’intérêt d’attendre.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient aux amendements identiques CE421 de M. Thibault Bazin, CE1745 de M. Stéphane Peu, et CE2371 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Les outils de financement que nous mettons en place ne seront pas accessibles à toutes les sociétés de coordination – je pense aux sociétés anonymes n’appartenant pas au secteur public. En outre, le code monétaire et financier ne permet pas aux établissements publics locaux à caractère industriel et commercial d’émettre des titres participatifs – ce qui peut constituer un handicap pour les OPH qui gèrent plus de 15 000 logements.

Les titres participatifs présentent le double intérêt de la souplesse et de l’inscription dans un partenariat durable, autant d’aspects qui me semblent correspondre parfaitement à l’esprit de ce projet de loi. Toutes les sociétés de coordination devraient pouvoir émettre ces titres, de même que les établissements publics locaux à caractère industriel et commercial.

Mais je m’attends à ce qu’on me demande de retirer mon amendement afin de mieux encadrer le dispositif.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je ne surprendrai donc pas M. Bazin en demandant le retrait de ces amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est du même avis. J’appelle l’attention de votre commission sur l’ouverture financière massive pour le logement social. Nous « ouvrons » le monopole bancaire en y mettant fin puisque nous permettons à des bailleurs d’un même groupe de se prêter de l’argent entre eux. Ce n’est pas anodin et cela constitue une énorme avancée – le monopole bancaire n’est ainsi limité que dans très peu de secteurs. Nous donnons aussi de nouveaux instruments au logement social pour qu’il se finance – je pense aux fonds, aux sûretés réelles, aux titres participatifs… Nous allons très loin en fournissant des outils aux bailleurs pour se financer entre eux et à l’extérieur.

M. Thibault Bazin. Nous en avons conscience, mais nous constatons aussi la complexité de l’équation financière posée pour 2020 – même si j’ai bien compris que des perspectives moins contraignantes pourraient être envisagées. La capacité d’investissement des opérateurs est vraiment mise à mal. L’outil que nous proposons s’inscrit dans une vision à long terme dont ils ont besoin. Je retire mon amendement.

M. Stéphane Peu. Je retire le mien également, mais il faut savoir qu’il existe des disparités de traitement entre les familles de HLM. Selon que vous êtes société anonyme, office public, établissement public local, les différences de statut ne vous donnent pas les mêmes possibilités. Il faut prendre garde à ne pas creuser ces différences en donnant des ailes à certains et en mettant un boulet au pied des autres. On risquerait d’avoir des difficultés. L’amendement visait à réduire cette fracture.

Les amendements CE421, CE1745, et CE2371 sont retirés.

Chapitre II
Adaptation des conditions dactivité des organismes de logement social

Article 28
(articles L. 411-2, L. 421-1, L. 421-2, L. 421-3, L. 421-4, L. 421-6, L. 42112, L. 42117,
L. 42119 [abrogé], L. 42120 [abrogé], L. 42121, L. 42122, L. 42126, L. 4222, L. 4223,
L. 4242, L. 4331, L. 4451, L. 4452, L. 4453 et L. 4458 du code de la construction et de lhabitation, article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise douvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise dœuvre privée
et article 51 de la loi n° 772 du 3 janvier 1977 sur larchitecture)
Élargissement des compétences des organismes HLM
et simplification de leurs conditions dactivité

1.   Les compétences des organismes HLM

a.   Létat du droit

Les compétences des trois catégories d’organismes HLM (OPH, SA HLM et coopérative) sont strictement énumérées dans le code de la construction et de l’habitation (CCH). L’activité principale des organismes HLM est la construction, l’acquisition, l’amélioration et la gestion de logements locatifs sociaux destinés à des ménages dont les ressources sont inférieures à des plafonds fixés par décret. Conformément à la décision 2012/21/UE de la Commission européenne du 20 décembre 2011, cette activité peut bénéficier d’aides d’État, sous la forme d’exonérations fiscales et de subventions, car elle s’inscrit dans un service dintérêt économique général (SIEG).

Au fil du temps et des différentes lois, les compétences des organismes HLM ont été peu à peu étendues afin de leur permettre de répondre à l’évolution des besoins des territoires. Le code de la construction et de l’habitation prévoit ainsi 40 compétences que les organismes HLM peuvent exercer, dont certaines ne relèvent pas du champ du SIEG. Le CCH précise que certaines compétences ne peuvent être exercées qu’à titre subsidiaire, tandis que d’autres doivent faire l’objet de la création d’une filiale. Depuis 2014, les organismes HLM peuvent, par exemple, créer des filiales dont l’objet est la construction et la gestion de logements intermédiaires.

b.   Les dispositions du projet de loi

L’article 28 du présent projet de loi dote les différentes catégories d’organismes HLM de nouvelles compétences afin de leur permettre de répondre à des besoins précis, notamment dans les territoires en difficulté. Ces compétences n’entrant pas dans le champ du SIEG, elles devront toutefois être exercées dans le cadre de filiales distinctes qui ne bénéficieront pas des aides spécifiques du secteur HLM. Les OPH pourront ainsi créer des filiales pour construire des équipements locaux d’intérêt général ou des locaux à usage commercial ou professionnel (alinéa 11), pour réaliser pour le compte des collectivités territoriales des études d’ingénierie urbaine (alinéa 15) et pour fournir des services d’animation sociale en faveur des personnes âgées ou en situation de handicap qui sont locataires ou occupants d’un logement social (alinéa 17).

Ces mêmes compétences sont octroyées aux SA HLM par les alinéas 39 à 43 et aux coopératives HLM par les alinéas 46 à 49.

En outre, les alinéas 13, 38 et 45 donnent la capacité aux différentes catégories d’organismes HLM de souscrire ou d’acquérir la totalité des parts d’une société civile immobilière (SCI) afin de transformer les logements que cette société possède en logements sociaux. Cette nouvelle compétence leur permettra de produire plus facilement des nouveaux logements sociaux en absorbant directement une SCI, plutôt qu’en rachetant chacun de ses lots.

Au regard de la diversification croissante des activités des organismes HLM, et pour respecter le cadre européen relatif à la définition du SIEG, l’alinéa 7 rend obligatoire, à partir de l’exercice comptable 2021, la séparation des comptes des activités qui relèvent du SIEG et celles qui n’en relèvent pas. Cette séparation des comptes doit permettre de vérifier que les résultats de l’activité relevant du SIEG ne peuvent être utilisés qu’au financement de cette activité.

2.   La modernisation des offices publics de l’habitat

Depuis le 1er janvier 2017, en application de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), un office public de l’habitat (OPH) ne peut plus être rattaché à une commune dès lors que celle-ci est membre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d’habitat. Cette règle s’applique, depuis le 1er janvier 2018, dans le périmètre de la métropole du Grand Paris. Toutefois, ce changement de rattachement n’a pas nécessairement pour conséquence aujourd’hui d’entraîner la fusion de plusieurs OPH communaux qui sont rattachés à un même EPCI.

En cohérence avec l’article 25 et les efforts de restructuration du secteur HLM, l’alinéa 24 du présent article oblige les OPH rattachés à une même collectivité territoriale à fusionner entre eux d’ici le 1er janvier 2021.

En outre, l’alinéa 27 prévoit, qu’à partir de cette même date, l’ensemble des OPH devront passer en comptabilité commerciale et non plus en comptabilité publique. 60 % des OPH sont aujourd’hui déjà passés de la comptabilité publique à la comptabilité commerciale.

3.   Les conventions d’utilité sociale (CUS) et la nouvelle politique des loyers

a.   Létat du droit

Depuis 2011, les organismes HLM sont tenus de conclure, tous les six ans, une convention d’utilité sociale (CUS) avec l’État. Cette convention énonce la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme et comporte une série d’engagements, notamment en matière de qualité du service rendu aux locataires. Le non-respect des engagements et des objectifs fixés dans cette convention peut donner lieu à des sanctions prononcées par l’État.

Par ailleurs, la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a prévu que cette convention pouvait fixer une nouvelle politique des loyers (NPL) de l’organisme visant à moduler les plafonds de loyer dans le but de favoriser la mixité sociale au sein du patrimoine de l’organisme.

b.   Les dispositions du projet de loi

En cohérence avec l’article 29 du présent projet de loi qui vise à développer les ventes de logements sociaux, les alinéas 58 à 60 modifient les dispositions de la CUS relatives à la politique de vente de chaque organisme. La CUS devra désormais comporter un plan de mise en vente précis, comprenant la liste des logements que l’organisme prévoit d’aliéner pour la durée de la convention, ainsi que les documents prouvant le respect par ces logements des normes d’habilité et de performance énergétique définies par l’article L. 443-7. Conformément aux dispositions de l’article 29, la signature de la CUS vaudra autorisation de mise en vente de tous les logements listés dans ce plan pendant toute la durée de la convention.

En outre, les alinéas 63 et 64 permettent, compte tenu du contexte de restructuration du secteur, aux organismes HLM justifiant d’un projet de rapprochement avec un ou plusieurs autres organismes, de bénéficier d’un délai supplémentaire d’un an renouvelable avant la négociation d’une nouvelle CUS.

Enfin, les alinéas 79 à 82 prévoient une habilitation à légiférer par ordonnance afin d’aller plus loin que les dispositions de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté précitée en matière de politique des loyers. L’alinéa 80 précise notamment que l’ordonnance devra permettre aux organismes HLM de mettre en œuvre, à titre expérimental, une politique des loyers qui prenne mieux en compte la capacité financière des ménages entrant dans le parc social.

4.   Les simplifications relatives à la maîtrise d’ouvrage

Les différentes catégories de bailleurs sociaux, publics comme privés, sont considérées, au titre de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (dite « loi MOP »), comme des maîtres d’ouvrage publics. La loi MOP définit précisément, dans le cadre des marchés publics, les relations entre le maître d’ouvrage public et le maître d’œuvre privé et détermine les différentes missions qui peuvent être confiées à la maîtrise d’œuvre privée.

L’application de cette loi provoque toutefois des rigidités et des surcoûts pour les bailleurs sociaux qui sont avant tout des professionnels de la construction immobilière évoluant dans un secteur concurrentiel. La loi MOP impose notamment le choix d’une équipe pluridisciplinaire, ce qui ne permet pas de choisir les prestations de conception et d’ingénierie par consultations séparées basées sur la performance et donc la maîtrise des coûts. Les alinéas 89 à 91 proposent donc que le titre II de la loi MOP, consacré à la définition de la maîtrise d’œuvre privée utilisée par les maîtres d’ouvrages publics, ne s’appliquent pas aux bailleurs sociaux.

De la même manière, l’alinéa 92 supprime l’obligation pour les bailleurs sociaux de recourir à l’organisation d’un concours darchitecture, qui leur est imposée depuis le vote de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dite « loi CAP »). Cette obligation, qui ne procure aucune garantie en matière de facilité d’accès à la commande publique pour les petites agences d’architecture, crée, en effet, des délais supplémentaires conséquents, de l’ordre de 6 à 8 mois, pour la réalisation de tout projet de construction de logements sociaux. Ces délais sont d’autant plus préjudiciables que les bailleurs sociaux évoluent dans le cadre d’un marché concurrentiel où les promoteurs privés ne se voient pas appliquer les mêmes contraintes.

5.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure salue les nombreuses simplifications apportées par cet article aux conditions d’activité des organismes HLM. Ces simplifications leur permettront de répondre plus facilement, et à moindre coût, aux besoins toujours plus divers des locataires et des différents territoires.

Par ailleurs, les nouvelles compétences qui leur sont octroyées en matière de construction et de gestion d’équipements locaux et d’immeubles commerciaux leur permettront de participer activement à la revitalisation des centres des villes moyennes, dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT) prévues à l’article 54 du présent projet de loi.

À ce titre, votre rapporteure souligne son attachement à la séparation, à travers des filiales et une séparation des comptes, des activités relevant du service d’intérêt économique général (SIEG) et de celles qui n’en relèvent pas. Cette séparation est essentielle pour respecter le cadre européen et s’assurer que les fonds et les aides publiques attachés au logement social ne viennent pas alimenter des activités concurrentielles ne relevant pas du SIEG.

6.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté 30 amendements à cet article.

En cohérence avec les dispositions de l’article 25, qui encouragent la mutualisation et la coopération entre les organismes HLM, un amendement a tout d’abord été adopté afin d’intégrer dans le champ du service d’intérêt économique général (SIEG) les services que les organismes se rendent entre eux pour les besoins des opérations de construction et de gestion de logements sociaux. Dans le même esprit, un amendement de M. Peu a supprimé la condition de compétence territoriale pour les prestations entre organismes HLM.

Des amendements identiques de Mmes Maquet et Lacroute et de MM. Bazin, Peu et Pupponi, ont ensuite pérennisé la possibilité pour les différentes catégories d’organismes HLM d’acquérir en VEFA des logements de sociétés civiles immobilières (SCI) dont ils détiennent des parts.

Une nouvelle compétence a, par ailleurs, été octroyée aux différentes catégories d’organismes HLM par des amendements identiques de MM. Fuchs, Peu, Pupponi et Ramadier : la compétence d’intermédiaire bancaire dans le cadre des projets d’accession sociale à la propriété. Les organismes HLM pourront ainsi disposer du pouvoir de faire du conseil en financement et d’assurer le rôle d’intermédiaire entre leurs accédants et les établissements bancaires partenaires, à l’instar de nombreux autres opérateurs immobiliers, ce qui aura pour conséquence de simplifier et de réduire les coûts des services entourant ces opérations.

S’agissant de la modernisation des OPH, la commission a adopté un amendement de votre rapporteure afin de moduler l’obligation de fusion de tous les OPH rattachés à un même EPCI. Certains EPCI, notamment dans le cadre de la métropole de Lyon et de la métropole du Grand Paris, sont en effet la collectivité de rattachement de plusieurs OPH qui sont déjà de très grande taille et dont la fusion conduirait à la création d’OPH excessivement grands. L’amendement prévoit donc que l’obligation de fusion ne concerne que les OPH gérant chacun moins de 15 000 logements.

Afin d’apporter une plus grande flexibilité dans les possibilités de rattachement des OPH et d’encourager les coopérations entre territoires, la commission, suivant l’avis favorable de la rapporteure, a adopté un amendement identique de MM. Peu et Pupponi permettant de rattacher un OPH à un syndicat mixte composé de plusieurs départements.

Enfin, en cohérence avec la politique du « Logement d’abord », la commission a adopté un amendement de votre rapporteure prévoyant d’intégrer aux CUS de chaque organisme HLM la définition d’une stratégie partenariale entre l’organisme et les structures sociales de son territoire, dont le SIAO, pour accompagner les personnes sans-abri ou sortant d’hébergement dans l’accès au logement et le maintien dans celui-ci.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE1769 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il vise à supprimer l’article 28. Je suis farouchement opposé à la vente des logements HLM. J’ai vingt-cinq mille arguments et une minute.

M. le président Roland Lescure. Si vous le souhaitez, pour que nous entamions la discussion de l’article sous les meilleurs auspices, nous pouvons prendre un peu plus de temps. Que chacun s’exprime, ensuite, nous irons plus vite.

M. Stéphane Peu. Je vous passe tout de même les vingt-cinq mille arguments. L’essentiel, c’est de comprendre la motivation de ces dispositions. Je ne crois pas une seconde qu’il s’agisse de favoriser l’accession sociale à la propriété des locataires HLM, car, dans la vraie vie, ça ne marche pas comme cela. La véritable intention n’est pas inavouable mais il faudrait l’exprimer : il s’agit de faire en sorte que les organismes HLM s’autofinancent en vendant des logements, ce qui permettrait d’alléger les concours de la solidarité nationale.

La vente de logements HLM n’est pas une nouveauté, elle se pratique depuis de nombreuses années. Le projet de loi ne révolutionne rien en la matière. Sur les 80 000 HLM mis tous les ans sur le marché, il s’en vend 8 000, dont seulement 3 000 à des locataires HLM

Soucieux de développer l’accession sociale à la propriété, j’ai créé une coopérative d’accession sociale. J’ai demandé à mon office public de permettre aux locataires HLM d’accéder à la propriété, en les garantissant pendant quinze ans sur leurs biens, alors qu’ils ne pourraient pas accéder au marché libre.

Je peux vous citer de très nombreux logements HLM vendus à leurs occupants pour lesquels, moins de dix ans après, l’opération se solde par une catastrophe dans des copropriétés dégradées. C’est la réalité.

Pour renforcer les fonds propres des organismes en vendant des logements, il faudra en tout état de cause rompre avec le principe qui faisait prévaloir l’économie de long terme dans les HLM. Pour que les ventes rapportent, il faudra vendre du patrimoine amorti, c’est-à-dire du patrimoine relativement ancien qui demande entretien et travaux. Cela rompra l’équilibre entre les actifs anciens et les actifs de court terme, qui permettait de dégager des fonds propres et d’obtenir un équilibre de gestion. Nous créons ainsi un déséquilibre durable des organismes HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’article 28 ne traite pas que de la question de la vente de logements sociaux. Il apporte de nombreuses simplifications aux conditions d’activité des organismes HLM, qui leur permettront de mieux répondre aux besoins exprimés par les territoires en difficulté. Des nouvelles compétences permettront notamment aux bailleurs sociaux d’accompagner la revitalisation des centres-villes.

Le projet de loi ne crée aucune obligation de vente de logements sociaux. Il simplifie le cadre juridique pour ceux qui souhaitent accroître leur volume de ventes.

Les ventes permettront aux organismes HLM de dégager des fonds propres pour réinvestir dans la construction et l’amélioration des logements sociaux. Par ailleurs, elles contribuent à la politique d’accession sociale à la propriété et de mixité sociale dans les quartiers.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’insiste sur l’état d’esprit qui sous-tend ces dispositions.

Je ne crois pas du tout que la consolidation des fonds propres des bailleurs sociaux se fera par des ventes de logements. Si cela avait été le cas, l’objectif fixé serait bien supérieur à 20 000 ou 40 000 accessions, soit 0,5 % ou 1 % du parc, une part ridiculement faible. Sachant que l’on vend 8 000 logements par an aujourd’hui, nous proposons seulement un peu plus d’un doublement à court terme,

Il ne faut surtout pas brandir comme un principe les notions de vente et d’accession sociale. Tout dépend des cas de figure. Dans certains cas, parce que, par exemple, nous avons affaire à des prêts locatifs sociaux (PLS) amortis, et que le locataire le demande, l’accession sociale fait sens. Nous avons aussi des exemples réussis d’accession sociale. En aucun cas la loi n’imposera quoi que ce soit en matière d’accession sociale !

En revanche, si des bailleurs et des locataires veulent entrer dans ce dispositif, nous savons que la loi peut lever les nombreuses barrières que vous connaissez parfaitement, monsieur Peu. À l’inverse de ce qu’il faisait en matière de regroupement, le projet de loi ne fixe en la matière aucun objectif à qui que ce soit. Il permet seulement à ceux qui veulent se saisir de l’outil de l’accession sociale de le faire.

Nous pouvons avoir une différence d’appréciation, mais je suis convaincu que l’accession sociale n’est pas mauvaise en elle-même. Bien sûr, il faut faire attention parce que cela peut, par exemple, être à l’origine de copropriétés dégradées, mais ce n’est pas mauvais en soi, d’autant qu’elle peut permettre le parcours résidentiel choisi.

Aujourd’hui, le capital n’est pas du tout pris en compte dans la fameuse équation d’équilibre qui fixe le prix du loyer. Le fait de pouvoir vendre certains appartements n’est jamais inclus dans cette équation d’équilibre. En conséquence, les loyers sont plus élevés que ce qu’ils pourraient être. Je comprends que M. Peu m’indique par geste que cela est à peu près vrai… (Sourires.)

M. Stéphane Peu. Mon geste disait, en même temps, que c’était à peu près faux ! (Sourires.)

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Aujourd’hui, la valeur de 4,5 millions de logements n’est pas prise en compte dans le calcul des loyers. À terme, cela donnerait une véritable possibilité de diminuer un certain nombre d’entre eux.

Le projet de loi ne veut rien imposer à personne, il casse un certain nombre de verrous pour donner à ceux qui le souhaitent les moyens d’acheter un logement social.

M. François Pupponi. Tout le monde est favorable à l’accession sociale à la propriété. Il n’y a pas de débat à ce sujet. Elle a du sens. Il faut la permettre dans des territoires où c’est possible, pour des logements rénovés, en faisant en sorte que les locataires deviennent propriétaires. Cela peut parfois prendre du temps et demander un peu d’accompagnement. Nous savons faire, et il faut le faire.

Le problème posé par cet article est différent, car il permet la vente à des sociétés privées. Nous savons très bien ce qui va se passer : ces sociétés qui ne sont pas philanthropiques achèteront et revendront à la découpe. Elles pourront le faire, et des choses comme celles-là se passent tous les jours dans certaines villes : des promoteurs et des spéculateurs investissent. Ils mettent des locataires dehors, ils revendent à la découpe, en gagnant énormément d’argent, et en déstructurant complètement le marché, d’autant qu’ils vendent souvent à des marchands de sommeil.

Si l’on n’y prend pas garde, à partir de la volonté positive de permettre l’accession sociale à la propriété, nous pouvons nous retrouver en difficulté. C’est pour cela que nous voulons prévoir des freins.

Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques années, l’un de vos prédécesseurs nous avait expliqué que la société Icade allait vendre 32 000 logements en Île-de-France. Quel est le régime fiscal de telles cessions ? Seront-elles exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ? Tous les immeubles en ont déjà bénéficié lorsqu’ils ont été construits et, après vingt-cinq ans, ils ont commencé à produire de la recette fiscale pour les collectivités. Si les acquéreurs devaient de nouveau être exonérés, comme c’est souvent le cas à la demande de Bercy, cela constituerait une perte sèche pour les communes concernées – sachant que la plupart les logements sociaux de notre pays se trouve dans les quartiers de villes les plus pauvres.

Je vous demande donc solennellement si vous êtes prêt à revenir sur les textes qui exonèrent de TFPB les cessions entre bailleurs – ces textes existent dans la loi de finances pour 2018, ce qui nous inquiète –, et à prendre l’engagement que ces cessions ne se feront pas sur le dos fiscal et financier des collectivités locales.

M. Jean-Luc Lagleize. L’article 28 qui propose un certain nombre de simplifications dans des domaines extrêmement variés est plutôt bienvenu, selon les députés du groupe Mouvement démocrate et apparentés. Il comporte une centaine d’alinéas.

Nous ne souhaitons pas qu’ils soient supprimés, bien au contraire, parce qu’il va dans le bon sens, sur de très nombreux points.

Nous vous alerterons en revanche sur certains alinéas, en particulier ceux qui permettent de s’exonérer de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite loi MOP, ou ceux relatifs aux architectes.

Nous ne pourrons pas soutenir l’amendement de M. Stéphane Peu puisque cet article est particulièrement bienvenu dans le projet de loi.

M. Martial Saddier. J’apprécie assez la ligne défendue par le secrétaire d’État. Par définition, nous parlons de sociétés patrimoniales et nous savons que ce n’est pas en se débarrassant de leur patrimoine qu’elles vont s’en sortir. L’objectif est donc bien de créer un parcours résidentiel dans lequel il est bon que la République réaffirme que chacun peut s’inscrire.

Mme Virginie Duby-Muller et moi-même, qui sommes députés frontaliers, devons cependant vous mettre en garde contre un véritable problème auquel la solution n’a jamais été apportée. Parce qu’on commence par mettre en vente ce qui se vend le mieux, ce qui attire le plus les acheteurs potentiels, il y a d’abord un danger de remise en cause de la mixité sociale. Ensuite, dans les secteurs les plus attractifs, les prix des biens ont des chances d’évoluer fortement et rapidement ce qui fait courir un risque en termes de spéculation.

Nous nous sommes parfois battus durant des années pour mettre au point des montages financiers extrêmement complexes afin de faire sortir de terre des opérations sociales dans des zones où le coût du foncier était prohibitif. Demain, ces logements ont toutes les chances d’être mis en vente en premier, parce qu’ils seront les plus faciles à vendre, et d’ici à deux ou trois ans, ils pourront être revendus avec une plus-value de 20 ou 30 %.

Il est donc essentiel de prévoir des dispositifs permettant d’adapter des clauses anti-spéculatives, en fonction des zones géographiques. Il ne faut pas que la vente de logements sociaux se déroule uniquement dans les zones les plus attractives.

M. Mickaël Nogal. M. François Pupponi disait, à juste titre, que tout le monde était favorable à l’accession sociale à la propriété, j’ai toutefois constaté, lors des auditions préparatoires menées avec les rapporteurs, que s’exprimaient parfois des positions de principe et des postures sur la vente du logement social.

Certains estiment que le logement social ne doit pas être vendu, et que l’on doit rester locataire dans ce secteur le plus longtemps possible. Le logement social est alors considéré comme une fin en soi.

L’objectif de 40 000 logements sociaux vendus, fixé par le Gouvernement, s’il n’est pas une fin en soi, est à la fois ambitieux et atteignable. J’ai évidemment en tête les craintes exprimées par nos collègues, en particulier par M. Stéphane Peu concernant les copropriétés dégradées, mais je veux aussi faire confiance aux acteurs de terrain qui sont plus près du territoire.

Ce n’est pas à moi, député, de dire, depuis cette enceinte, quel est le climat social ou la qualité du bâti. Il appartient aux acteurs de terrain de juger, et je leur fais confiance pour qu’ils fassent en sorte que la vente de logement social soit positive, et que l’on soit dans un rapport gagnant-gagnant, qui est la marque globale de ce projet de loi, afin de permettre l’accession sociale à la propriété.

J’y crois sincèrement, et je pense que l’article 28 va dans le bon sens avec toutes les mesures de simplification sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Le groupe La République en Marche votera donc contre l’amendement de suppression de l’article 28.

M. Stéphane Peu. Je suis tellement partisan de l’accession sociale à la propriété que j’ai créé un outil spécifique dans mon territoire, et ma réaction est précisément celle d’un acteur de terrain.

Je vous mets à nouveau en garde. L’édition du Parisien de ce matin consacre une page au projet de loi sous l’angle de la vente des logements sociaux. Cette pratique existe déjà mais il s’agit de l’un des axes de communication du Gouvernement sur ce texte : ce sujet n’est donc pas mineur.

Le secrétaire d’État dit que chacun fera ce qu’il voudra, mais l’on sait que les préfets viennent de réunir tous les bailleurs sociaux pour leur demander de travailler, avant même le vote de la loi, sur le nombre de vente de logements HLM en leur expliquant qu’il s’agira de l’objectif prioritaire des prochaines conventions d’utilité sociale. Tout cela n’a pas l’air d’être aussi « à la carte » que ce que l’on nous annonce.

La rapporteure a clairement dit en s’exprimant sur mon amendement que l’essentiel de la motivation de ces ventes est financier, et qu’il ne concerne pas l’accession sociale. Franchement, s’il s’agissait de l’objectif essentiel, il y aurait beaucoup mieux à faire pour permettre aux locataires de devenir propriétaires. Le Parisien de ce matin fait état d’un témoignage d’une habitante de la Grande-Borne à Grigny, dans l’Essonne, qui montre très bien cela. Je crains que nous soyons en train de fabriquer des Grande-Borne. Je ne cherche pas à agiter des peurs ; je vous parle de ce que je vois sur le terrain, en Seine-Saint-Denis ; je vous parle de vécu.

M. Éric Pauget. Je suis extrêmement favorable à l’accession à la propriété, et je crois que nous le sommes tous, mais si les taux de logements sociaux par communes de la loi du 3 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », ne tiennent pas compte des logements sociaux vendus, les élus locaux ne seront pas favorables à cette évolution.

Dans les Alpes-Maritimes, un certain nombre de communes sont sous le taux obligatoire de logements sociaux. Comment pourrait-elle vendre ceux qu’elles ont déjà et faire encore baisser leur performance au regard de la loi SRU ?

Certes, une disposition du projet prévoit déjà de continuer de comptabiliser le logement dans le parc social de la commune dix ans après sa vente, mais il faut aller bien au-delà de cette durée, car on sait le temps qu’il faut pour produire du logement social.

M. Bruno Fuchs. Nous sommes tous favorables à l’idée d’accélérer l’accession à la propriété. Cependant, soyons vigilants et améliorons le texte sur deux points. D’une part, prenons garde à la tendance à une dégradation des copropriétés, parallèlement à l’accélération de l’accession à la propriété. D’autre part, c’est dans des zones très tendues que les premiers logements seront mis en vente. Nous allons donc y réduire la proportion de logements sociaux et aggraver cette tendance à en reconstruire là où il est très facile de le faire et où ils sont déjà nombreux. Le sens des amendements que nous avons déposés est de traiter ces deux possibles effets pervers de l’article 28.

La commission rejette lamendement.

M. le président Roland Lescure. Cher collègue Pupponi, je ne sais si je vous faisais une fleur ou un mauvais cadeau, mais ce n’est pas vous qui êtes en tête de la course aux amendements, c’est bien le groupe GDR, avec 74 amendements par député. Vous n’êtes pas très loin, avec plus de 50 amendements, non plus que le groupe Les Républicains, avec plus de 45 amendements par député. Cela nous donne une idée de la tâche qui reste à accomplir d’ici à la fin de l’examen de ce projet de loi.

J’espère avoir laissé suffisamment de temps pour discuter du principe de cet article. Il serait bon que nous puissions avancer un peu plus vite et nous en tenir à une minute par intervention.

La commission se saisit des amendements identiques CE1747 de M. Stéphane Peu et CE2098 de Mme Mathilde Panot.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1747 vise à sortir du dispositif de l’article 28 les sociétés anonymes de vente d’habitation à loyer modéré. François Pupponi en a un peu parlé tout à l’heure : on invoque l’accession sociale à la propriété des locataires HLM et, aussitôt, on ouvre la possibilité d’une cession à de véritables sociétés. Il s’agit donc bien de cessions d’actifs, non d’accession sociale.

Mme Bénédicte Taurine. Par l’amendement CE2098, nous nous opposons à l’accroissement des ventes de HLM. La création d’une société de vente d’habitation à loyer modéré ne constitue pas une réponse à la pénurie de logements sociaux et cette option choisie dévoie les principes fondamentaux du modèle social HLM. Ce n’est que par un investissement massif de l’État dans la production de logement locatif social que peut être proposée une nouvelle offre de logement social accessible ; ce n’est en aucun cas par la vente de patrimoine. Cet amendement a d’ailleurs été proposé par la Confédération nationale du logement (CNL).

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Que les choses soient bien claires : ces sociétés anonymes de vente d’habitation à loyer modéré visent à répondre à une problématique précise. Dans l’accession sociale à la propriété se pose notamment la question de la copropriété. Pour beaucoup de bailleurs sociaux, gérer la copropriété est compliqué, ce n’est pas forcément leur métier. L’une des possibilités, pour favoriser l’accession sociale, serait de vendre en bloc, grâce à des structures de portage. Il s’agirait de permettre à un office HLM de créer une société chargée du portage d’un bloc, lequel passerait en accession à la propriété, appartement par appartement.

Pourquoi introduire ici ce dispositif ? La convention que nous avons signée avec Action Logement au mois de janvier dernier prévoit qu’Action Logement crée une telle société de portage, mais c’est à chaque bailleur que nous voulons permettre de le faire, s’il le souhaite.

C’est bien le sens de cet article. Il ne s’agit en aucun cas, monsieur le député Pupponi, de passer par le secteur privé pour l’accession sociale et la vente à l’occupant. D’ailleurs, l’ordre de priorité des bénéficiaires potentiels des ventes reste exactement le même : sauf erreur de ma part, d’abord l’occupant, puis les personnes physiques respectant les plafonds de ressources applicables à l’accession sociale à la propriété, puis la commune, puis une personne morale de droit privé. On ne modifie cela que pour les ventes en bloc de logements ayant bénéficié d’un prêt locatif social (PLS) de plus de 15 ans, et, dans ce cas, la personne morale qui se porte acquéreur doit maintenir les droits du locataire. Tout le reste est inchangé. Ces sociétés anonymes de vente sont des structures de portage pour gérer le sujet de la copropriété.

M. François Pupponi. Vous créez en fait une structure de défaisance, et ce n’est pas un « gros mot » : les bailleurs vont vendre à des structures qui vont porter des logements, et auront la charge de les revendre, ce qui est plutôt intelligent, car un certain nombre de logements seront immédiatement vendus, en bloc. Cela a du sens, puisque vous voulez aller vite et faire en sorte de procurer des ressources financières aux bailleurs. Cela me paraît plutôt intelligent et logique. Ensuite, je sais que de grandes manœuvres ont commencé entre Action Logement et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Le problème, monsieur le secrétaire d’État, c’est que, normalement, on vend au locataire, à défaut à une structure, à défaut à la collectivité et, finalement, si l’on n’est pas parvenu à vendre au locataire, à une structure ou à la collectivité, on peut vendre à des sociétés privées. Lorsque les ventes sont au nombre de 7 000 ou 8 000 par an, on arrive à trouver un acheteur dans les trois premières catégories. Quand nous atteindrons le rythme de 40 000 ventes par an, nous n’y parviendrons pas. Les bailleurs appellent déjà les élus pour demander ce qu’ils peuvent vendre tout de suite, pour aller très vite, puisque vous leur demandez d’aller vite, et, effectivement, ils vont vendre très vite… à la quatrième catégorie, à des sociétés privées, avec le risque de reventes ultérieures à la découpe. Dès lors que vous changez de modèle, il faut des garanties.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à ma question, monsieur le secrétaire d’État : quel sera le statut fiscal de ces ventes ? Y aura-t-il des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour quinze, vingt ou vingt-cinq ans ?

M. Stéphane Peu. Il y a eu une vie, avant cette loi…

M. le président Roland Lescure. Il y en a même eu plusieurs…

M. Stéphane Peu. Pour ma part, j’aurais aimé, tout d’abord, une étude d’impact. Le sujet est grave, et il s’agit de s’engager sur une voie sans retour. Réfléchissons, car nous ne pourrons revenir en arrière, d’autant que nous sommes tout de même très échaudés par ce qui s’est passé avec Icade – ce que vous proposez y ressemble fort.

Vous vendez à une société, qui peut porter l’actif, qui entre dans ses comptes comme un actif immobilier, aussi longtemps qu’elle le souhaite. Elle pourra donc prendre le temps qu’il faut pour pouvoir le céder dans n’importe quelles conditions et s’exonérer de l’obligation de vendre prioritairement au locataire. Elle le fera comme n’importe quel fonds d’investissement peut céder son patrimoine – voyez Gecina –, avec les mêmes règles. Il aurait fallu, au minimum, une étude d’impact avant de s’engager dans cette voie extrêmement dangereuse. Ce sont toujours les mêmes communes qui subiront les difficultés, puisqu’on vendra…

M. le président Roland Lescure. Je suis prêt à tous les débats, mais je vais vous demander dorénavant de respecter un temps de parole d’une minute par intervention.

M. François Pupponi. Pouvons-nous passer un deal, monsieur le président ?

M. le président Roland Lescure. Le deal est clair, cher collègue, il a été décidé en réunion du bureau de notre commission et annoncé dès le début. Je laisse du temps, j’ai laissé la discussion sur l’article durer plus d’une demi-heure. Sans vous donner de leçon de rhétorique, je vous demande simplement, chers collègues, d’essayer d’être un peu plus efficaces. Ma seule prérogative ici, c’est de faire respecter les règles, je vous demande juste un peu plus d’efficacité quand vous intervenez. Je ne vous demande pas la mer à boire, je ne vous demande pas la lune, mais je vous ai demandé vingt-cinq fois en trois jours de faire un petit effort.

M. François Pupponi. Nous pouvons passer un deal, qui nous permettra d’aller plus vite lors de l’examen d’articles moins importants.

M. le président Roland Lescure. C’est ce que nous faisons depuis le début, c’est ce que nous avons déjà fait lors de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Certains amendements sont examinés très vite, d’autres lentement, d’autres encore très lentement.

M. François Pupponi. Dans l’ancien monde,

M. le président Roland Lescure. Je ne parle pas d’ancien monde ni de nouveau monde, je n’en peux plus de ces discussions ! Nous ne sommes ni dans l’un ni dans l’autre, nous sommes dans le vrai monde, celui dans lequel le temps nous est compté. Je vous demande donc de faire un effort. Si vous ne voulez pas…

M. François Pupponi. Eh bien, nous défendrons tous nos amendements !

M. le président Roland Lescure. C’est votre droit, cher collègue !

M. François Pupponi. Je proposais quelque chose d’intelligent…

M. le président Roland Lescure. Merci, mais vous n’avez pas le monopole de l’intelligence. Jouez le jeu ou non, c’est votre choix.

M. François Pupponi. Je vous proposais un deal qui règle tous les problèmes !

M. le président Roland Lescure. Pour l’instant, nous ne les réglons pas, nous les faisons durer, mais j’ai tout mon temps. Soit vous vous en tenez à des interventions les plus brèves possibles, soit, comme j’avais annoncé que je le ferais, et comme je ne l’ai pas fait une seule fois jusqu’à présent, je ne laisserai s’exprimer qu’un orateur en faveur de l’amendement et un orateur opposé à l’amendement.

M. François Pupponi. Le deal, généralement, consiste à se mettre d’accord sur le moment de finir, sur les sujets dont on veut débattre, et, pour le reste, à « laisser courir ». Et on finit le vendredi soir, en ayant dit ce qu’on avait à dire ! C’est ce que nous avons toujours fait ici, et cela s’est toujours bien passé. Nous vous proposons de finir le plus tôt possible et de ne nous exprimer que sur les sujets importants – nous vous laissons les autres.

M. le président Roland Lescure. Cher collègue, vous n’étiez pas présent lors de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Ceux qui y ont assisté peuvent reconnaître que cela s’est bien passé, que nous avons débattu de tout ce dont il fallait débattre : il y avait 2 000 amendements à examiner, et nous avons terminé le vendredi soir. Ce qui est clair, c’est que ce ne sera pas possible cette fois-ci, organisez donc vos agendas personnels en conséquence. Les règles sont les mêmes que pour l’examen du dit projet : une minute pour la défense d’un amendement, et s’il faut aller plus loin je prendrai simplement un argument pour et un argument contre, mais je n’avais pas eu à procéder ainsi jusqu’à présent.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle se saisit de lamendement CE2372 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de l’amendement est d’intégrer dans le service d’intérêt général (SIEG) dont sont chargés les organismes HLM les services qu’ils se rendent entre eux. Cela paraît cohérent avec les dispositions du projet de loi qui encouragent la mutualisation et la coopération entre les organismes HLM. J’y suis donc favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Également favorable à cet amendement, je m’étonne simplement que M. Bazin n’en ait pas déposé un identique.

M. le président Roland Lescure. Des collègues de son groupe l’avaient fait pour lui, mais les signataires de l’amendement CE489 ne sont pas présents.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE427 de M. Thibault Bazin, CE1191 de Mme Valérie Lacroute, CE1748 de M. Stéphane Peu et CE1940 de Mme Jacqueline Maquet.

M. Thibault Bazin. Les organismes privés de HLM peuvent actuellement exercer certaines compétences définies lorsqu’ils se voient confier la réalisation d’opérations de restructuration urbaine. Il y a lieu de permettre aux offices publics de l’habitat de les exercer également, dans le cadre des opérations de revitalisation de centres-villes qui leur sont confiées. La plupart des communes concernées par le grand plan Action cœur de ville ne comptent pas d’organismes privés susceptibles de s’y intéresser. Donnons donc ces compétences aux offices publics.

M. Martial Saddier. L’idée de l’amendement CE1191, que j’ai cosigné avec ma collègue Valérie Lacroute, est de donner quelque latitude aux acteurs locaux lorsqu’est passée une convention pour la rénovation ou la revitalisation d’un quartier. Il ne s’agit pas que de démolir ou de réhabiliter un bâtiment, il y a aussi tout ce qui tourne autour. Je n’en dis pas plus, je pense que nous nous sommes compris. Il s’agit de permettre aux acteurs locaux d’étoffer la convention dans l’intérêt des gens qui habitent le quartier.

M. Stéphane Peu. Tout d’abord, il n’y a pas lieu de différencier, parmi les organismes HLM, les sociétés anonymes et les offices. Quant à la revitalisation des centres-villes, je pense que les offices ont un rôle extrêmement important à jouer en raison de la proximité avec les collectivités.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement me semble satisfait par l’alinéa 11 qui élargit déjà les compétences des OPH pour leur permettre d’accompagner les opérations de revitalisation des centres-villes. J’en demande donc plutôt le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il ne s’agit pas de savoir si les OPH peuvent participer à la restructuration ou la revitalisation des centres-villes. Nous sommes tous d’accord pour que ce soit le cas, mais donnons-nous cette prérogative directement aux offices ou à des filiales dédiées, pour être sûr que les fameuses aides versées au titre du SIEG y seront allouées ? Le projet de loi permet de le faire avec des filiales. Je suis donc défavorable à ces amendements identiques, non pour des raisons de fond – vous avez mille fois raison –, mais pour des raisons de gouvernance : il faut séparer cette activité subventionnée des autres activités des OPH.

M. Thibault Bazin. Je maintiens l’amendement car l’alinéa 11, auquel Mme la rapporteure fait référence, prévoit précisément cette possibilité « de créer une filiale pour construire, acquérir, vendre ou donner en location des équipements locaux d’intérêt général ou des locaux à usage commercial ou professionnel, gérer des immeubles abritant des équipements locaux d’intérêt général et des locaux à usage commercial ou professionnel ». Cela me laisse très sceptique. Aujourd’hui, je crois qu’il faut de la simplification. Quand un office est capable d’intervenir en restructuration, il faut qu’il le puisse sans forcément recourir à une filiale.

M. Stéphane Peu. Je suis du même avis que M. Bazin. Il n’y a pas de raison que cela passe essentiellement par les filiales. Un des grands sujets de la restructuration des centres-villes est celui des commerces de pied d’immeuble. Obliger à filialiser est même dangereux. Si l’on sépare la propriété et la gestion des pieds d’immeubles des logements parce que cela ne participerait pas directement du cœur de métier de l’office, c’est une très mauvaise mesure. Il n’y a pas de raison de faire une différence entre les offices HLM et les sociétés anonymes.

M. Richard Lioger, rapporteur. La solution est précisément de séparer la propriété des pieds d’immeubles commerciaux du reste pour permettre la restructuration de ces commerces de centre-ville aujourd’hui mal adaptés.

M. Stéphane Peu. J’ai entendu l’argument de M. Lioger, mais, dans la vie concrète, c’est exactement le contraire ! Si vous filialisez, vous empêchez la revitalisation, car vous avez alors une entité juridique et un patrimoine séparés. C’est comme cela que nous avons eu des galeries commerciales dans un état lamentable avec certaines entreprises sociales pour l’habitat (ESH) : elles étaient séparées de la société.

M. François Pupponi. Les surfaces commerciales, c’est la base et le point de départ de la communautarisation et la ghettoïsation d’un quartier. Si la collectivité locale ou des bailleurs ne maîtrisent pas les surfaces commerciales, les quartiers basculent. L’acquisition d’un commerce puis d’un deuxième, puis d’un troisième par une communauté vide le quartier et en modifie la population. C’est comme ça que cela se passe.

Sans maîtrise des outils commerciaux, vous ne récupérerez jamais le centre-ville. Il faut donc une maîtrise publique. Sinon, ce sera une catastrophe et la ghettoïsation se poursuivra. Le processus est limpide.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il peut tout à fait y avoir une maîtrise publique, par exemple par une société d’économie mixte, mais il doit y avoir une séparation de la propriété, cela nous aidera à travailler.

Le problème, dans nos discussions avec M. Peu et M. Pupponi, c’est qu’ils ne réagissent qu’à partir d’exemples qui sont les leurs, ceux du « 9-3 », avec une population effectivement très paupérisée et peut-être de grandes difficultés à attirer les commerces et à faire en sorte que les bailleurs sociaux ne viennent pas surajouter du logement social. Cependant, cela ne se passe pas du tout comme cela ailleurs en France ! En tout cas, pas dans le Grand Est. Avec l’accession sociale à la propriété, on ne crée pas forcément des ghettos, on n’en crée même pas du tout, et on ne crée pas non plus de copropriétés dégradées. Je pense, chers collègues, qu’il faut que vous sortiez un petit peu de vos exemples, que, par ailleurs, je connais bien.

M. Stéphane Peu. C’est scandaleux !

M. Richard Lioger, rapporteur. Ce n’est pas scandaleux, je comprends…

M. Stéphane Peu. C’est la deuxième fois depuis hier soir ! C’est insupportable !

M. le président Roland Lescure. Le débat a été cordial jusqu’à présent, j’espère qu’il va le rester. M. Lioger a cinq secondes pour conclure son intervention, et M. Peu pourra réagir ensuite.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je comprends votre position, cher collègue Peu. Je dis simplement que vous ne pouvez pas généraliser à toute la France.

M. Stéphane Peu. On peut défendre des arguments sans jeter l’opprobre sur ceux qui défendent d’autres points de vue. Depuis quinze ans, je siège dans des organismes nationaux qui se consacrent à la rénovation urbaine, à la politique de la ville. Ma réflexion, les amendements et les convictions que je défends se nourrissent de quinze années d’expérience nationale, et je ne connais pas un office public HLM en France, quel que soit son département, qui ne soutienne pas l’amendement que nous sommes en train de défendre ! Je suis un député de la nation, je ne suis pas un député de Saint-Denis.

M. François Pupponi. Tout d’abord, il nous est arrivé de sortir de chez nous. Nous ne sommes pas dans le « 9-3 » ou le « 9-5 » en permanence. J’ai été président de l’ANRU et, depuis vingt ou trente ans, j’ai fait le tour de tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et quartiers en difficulté. Nous pouvons vous parler de la banlieue parisienne, de la banlieue lyonnaise, de la banlieue lilloise, de la banlieue marseillaise, des grands ensembles qui sont en train d’exploser, lieux de ghettoïsation et de radicalisation. Voyez le profil de tous les jeunes qui ont basculé dans la radicalisation et commis des attentats : on sait où ils habitaient. C’est cela qui se joue : l’avenir du pays. Il s’agit d’éviter que des gens ne basculent dans la radicalisation et que des jeunes Français tuent d’autres Français au nom d’une barbarie islamiste. C’est cela qui se joue aujourd’hui.

Maintenant, si vous, qui venez d’endroits qui connaissent – peut-être – moins de problèmes, ne voulez pas de conseils de ceux qui ont géré la question pour éviter que cela arrive, c’est votre problème. Pour notre part, nous vous disons que sans une maîtrise complète, y compris une maîtrise de la propriété des commerces, les quartiers se ghettoïsent. C’est par le commerce que certains prennent le pouvoir dans le quartier. Si, vous croyant plus intelligent que les autres, vous ne voulez pas l’entendre, c’est votre droit, mais nous avons, nous, le droit de vous le dire.

M. Mickaël Nogal. Essayons de détendre un peu l’atmosphère. Il nous reste tout de même un certain nombre d’heures de débats et d’échanges. Le débat est très intéressant et, moi qui n’ai jamais été élu local, j’apprécie d’entendre nos collègues Stéphane Peu, Richard Lioger, François Pupponi, qui ont tous trois la même légitimité. Nous avons d’ailleurs tous la même légitimité, nous avons été élus de la même manière et nos expériences sont diverses et variées : dans le logement social, dans les SEM, à l’ANRU. Il faut écouter tout le monde, et je ne pense pas que quiconque parmi nous ait forcément raison ou forcément tort, même si nos conceptions divergent parfois.

Honnêtement, je n’ai pas vu d’attaques dans les propos de Richard Lioger, et je ne voudrais pas que Stéphane Peu se méprenne. Les connaissances et l’expertise des uns et des autres sont les bienvenues. Continuons à discuter et échanger, nous ne serons pas forcément toujours d’accord, mais écoutons-nous, c’est important.

M. Thierry Benoit. Je veux livrer un sentiment. J’écoute attentivement depuis un certain nombre d’heures nos deux collègues Pupponi et Peu. Lorsque j’acquiesce à leurs propos, c’est parce que je suis convaincu que leurs interventions, leurs déclarations se nourrissent de situations dont ils ont l’expérience grâce au cumul des mandats, grâce à l’exercice de plusieurs mandats successifs – je m’adresse là à M. le secrétaire d’État…

Une partie des malaises sociaux que l’on connaît aujourd’hui découle de la politique du logement. Pour ma part, je suis plus sensible à ce qu’indiquent nos collègues Pupponi et Peu qu’à l’idée d’un grand plan de 40 ou 50 milliards, comme en voudrait Jean-Louis Borloo. Ils évoquent des sujets qui doivent vraiment nous préoccuper. Depuis mon département d’Ille-et-Vilaine et la zone rurale où je vis, je n’ai pas le même ressenti qu’eux, mais je les écoute attentivement, parce que je pense qu’ils pointent du doigt le cœur d’un certain nombre de difficultés de notre pays.

M. Martial Saddier. Monsieur le secrétaire d’État, vous réussirez si, tout en déterminant avec le Parlement un cadre national – c’est le rôle de la loi de la République –, vous trouvez la bonne formule pour permettre des adaptations locales. Les débats qui nous occupent depuis une heure prouvent et montrent qu’il n’est pas deux départements, deux communes, deux communautés de communes, deux quartiers sensibles qui puissent recevoir la même réponse. Nous parlons bien des mêmes choses, mais l’adaptation aux réalités locales est impérative, il faut donner plus de liberté aux acteurs locaux. Les réussites de ces dernières années en rénovation urbaine tiennent à cela. Trouvez donc le bon équilibre d’ici à la séance publique.

M. Jean-Luc Lagleize. M. Pupponi dit que la puissance publique doit, dans les quartiers difficiles, maîtriser les commerces. Je suis totalement d’accord avec cela, mais je ne le suis en revanche pas tout à fait avec l’idée que cela passe par la maîtrise de la propriété. La maîtrise du commerce, la maîtrise du peuplement par des commerçants n’y est pas obligatoirement liée : on peut également passer des conventions avec un certain nombre de foncières, privées, semi-publiques ou publiques. On peut également adopter des plans de marchandisage qu’il faut respecter, dans le cadre de ces conventions. L’article 28 permet cette ouverture à la propriété privée ou semi-privée.

M. François Pupponi. Nous disons à peu près la même chose. Dès lors que l’on permet au privé d’acheter, tous les acteurs privés pourront acheter. Il s’agit de ne pas interdire aux offices d’intervenir le jour où un élu local constate que le dealer du quartier est en train d’acheter tous les commerces d’une rue – nous en avons des exemples tous les jours – et que le maire ne peut pas acheter parce qu’il ne dispose pas forcément d’un droit de préemption dans ce cadre. Il faut que la mairie puisse solliciter l’office pour que ce soit lui plutôt que le dealer qui achète. C’est cela que nous vous disons. Laissez-nous au moins les outils qui nous permettent d’intervenir.

Aujourd’hui, dans ces rues commerçantes, ce sont les dealers qui recyclent l’argent du trafic de drogue avec des sociétés civiles immobilières (SCI) qui achètent, louent, revendent le fonds de commerce. Des trafics comme cela, nous en voyons tous les jours. N’empêchez donc pas un office de devenir propriétaire à la demande d’un élu pour éviter cela. Nous n’allons pas dévoiler publiquement les détails, mais, quand des réseaux de radicalisation s’implantent, c’est ainsi que cela se passe.

M. Stéphane Peu. La question n’est pas de réserver aux offices la possibilité d’intervenir. Bien sûr, tout le monde doit intervenir : les foncières, les 25 000 acteurs… Mais pourquoi serait-il interdit aux offices de le faire ? C’est une bêtise. Si nous n’avions pas chez nous des offices pour empêcher certaines dérives – paupérisation ou blanchiment d’argent –, nous aurions encore plus matière à nous inquiéter. Il ne s’agit pas de substituer les offices à tous les autres acteurs, il s’agit de ne pas les empêcher d’intervenir car ce serait une très mauvaise mesure.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce débat est passionnant et passionné mais conservons cet esprit qui nous anime depuis quarante-huit heures. Nos débats permettent vraiment d’enrichir le texte.

Je crois le constat partagé : il faut que les offices puissent participer à la revitalisation, à la restructuration et à la reconquête des centres-villes. Le projet de loi vise précisément à le permettre, comme M. Pupponi et M. Peu le souhaitent. La seule question est de savoir s’ils doivent avoir la possibilité de le faire eux-mêmes ou bien par une filiale. Ne nous détournons cependant pas du fond : tout ce que vous avez rapporté montre que les offices doivent pouvoir intervenir, et c’est précisément ce que permet le projet de loi. Nous allons donc dans le bon sens.

Faut-il recourir à une filialisation ? J’entends les arguments de M. Peu, selon qui cela peut poser problème. Il s’agit de savoir si le soutien financier apporté aux offices pour le logement doit être sanctuarisé et fléché vers le logement ou s’il peut être mis au « pot commun » du logement et de la restructuration et revitalisation du centre-ville. Le cœur de métier des offices est la gestion des logements, mais il faut leur permettre d’aller vers la restructuration et la reconquête des centres. C’est l’objet de la filialisation, et le débat ne porte que sur ce point.

M. François Pupponi. Nous sommes d’accord, monsieur le secrétaire d’État, mais notre collègue Saddier l’a dit : il faut être pragmatique. Il y a des endroits où cela passera par la filialisation et des endroits où cela se fera « en direct ». Il faut parfois être très réactif, ne fermons donc pas une porte en imposant le recours à la filialisation. Vous voulez rationaliser, restructurer et simplifier, mais vous créez une structure ! Et puis, sincèrement, ce n’est pas toujours simple entre les maires et les filiales des bailleurs sociaux.

M. Stéphane Peu. Le problème, monsieur le secrétaire d’État, est que demain les offices publics ne pourront plus faire ce qu’ils peuvent aujourd’hui faire. Dans ma circonscription, j’ai à la fois une filiale de l’office, dans le centre-ville, et une gestion directe par l’office dans les quartiers périphériques. Le cadre actuel le permet. Si, demain, la filialisation est obligatoire, c’est une mauvaise chose, car ce n’est pas pratique.

Mme Laure de La Raudière. Le débat est essentiel, en fait, mais je ne comprends pas la position du Gouvernement. S’agit-il de respecter une contrainte juridique, par exemple une contrainte européenne qui obligerait à séparer les comptes ? Je pose vraiment cette question dans un esprit constructif, parce que, même si je n’ai pas bien compris votre argumentation, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes d’accord sur l’objectif.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Aujourd’hui, les offices peuvent agir dans ce que nous appelons les bas d’immeubles, et ils continueront de le pouvoir. La question est la suivante : pourront-ils, demain, devenir opérateurs de la restructuration, de la revitalisation d’un centre-ville ? Aujourd’hui, ils ne le font que sur leurs propres bas d’immeubles, et, madame de La Raudière, les bailleurs bénéficient d’aides au titre du SIEG dont ils sont chargés en matière de logement, ce qui impose effectivement une séparation des comptes. Il s’agit de s’assurer que l’aide versée pour le logement profite effectivement au logement. Si demain les offices ont la possibilité, statutairement, d’être non pas simplement opérateurs de logement mais opérateurs de revitalisation du centre-ville, l’aide versée au titre du logement servira à la fois au logement et à cette nouvelle activité. Or, vous connaissez très bien le principe : une aide doit être fléchée et servir à ce vers quoi elle est fléchée.

C’est le sens de la filialisation que de préserver cela.

M. Sébastien Cazenove. Peut-être pourrions-nous imaginer un travail avec l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), qui fait un très bon travail de portage commercial. Peut-être y a-t-il là une piste.

M. François Pupponi. Peut-être faut-il y retravailler d’ici à la séance publique, mais prenons un cas simple. Dans un quartier de rénovation urbaine, l’ANRU et l’État accordent un financement à un bailleur pour la construction d’un immeuble, avec des logements et des commerces. Ce n’est pas la filiale du bailleur qui construit les commerces. Avec l’aide de l’État et de l’ANRU, le bailleur construit un immeuble complet et, comme plus personne ne veut habiter en rez-de-chaussée, il n’y fait que des commerces, et cela ne pose aucun problème. Ce que vous proposez, avec la filialisation, c’est de l’empêcher ! Mais s’il peut le faire aujourd’hui, pourquoi ne pourrait-il acheter des commerces ailleurs dans le même quartier ?

M. Stéphane Peu. Quand on doit requalifier un centre-ville, faire revenir des médecins, quand une politique publique doit être mise en œuvre, c’est avec tous les outils disponibles. L’EPARECA en fait partie, mais ce n’est pas le seul. Parfois, il y a des lenteurs, et les offices publics peuvent aujourd’hui intervenir à l’appui, à la demande des collectivités indépendamment de leur patrimoine de logements. C’est très bien ainsi et imposer une filialisation les priverait d’une possibilité, ce qui serait dommage et nous affaiblirait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Aujourd’hui, effectivement, un office a tout à fait la possibilité de gérer un pied d’immeuble et d’y faire un local commercial. Demain, il aura toujours cette possibilité. Il faut aussi qu’il puisse devenir opérateur de la revitalisation du centre-ville, mais en direct ou via une filiale ? Si une filiale me semble nécessaire, c’est parce que c’est au titre du logement que les bailleurs sociaux bénéficient aujourd’hui d’aides. Le principe des SIEG est que les aides auxquelles ils donnent droit doivent être fléchées. Il me paraît donc assez clair qu’une filialisation s’impose.

M. Stéphane Peu. Les aides portent sur des objets, pas sur des structures !

M. Martial Saddier. Nous avons là un exemple de ces nouvelles compétences données aux collectivités territoriales… sans l’argent correspondant. L’argent public est rare, il l’est particulièrement en matière de logement aidé, où il est presque insuffisant.

Je peux comprendre le risque sur lequel M. le secrétaire d’État appelle notre attention : si nous élargissons la compétence de l’opérateur et qu’il bénéficie des mêmes montants d’aide, il y aura forcément moins d’argent pour le logement aidé.

Pour répondre aux cas spécifiques exposés par nos collègues, il faudrait trouver une solution qui laisse la porte ouverte, sans cependant pénaliser le logement locatif.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à lamendement CE1833 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Les organismes HLM disposent des outils et compétences pour développer leurs interventions dans le tissu existant, dans les centres anciens comme dans les centres-bourgs – voyez que je ne parle pas que de Saint-Denis. L’article 54 du projet de loi crée les opérations de revitalisation du territoire (ORT). Ce nouveau cadre d’intervention doit faciliter l’implication des organismes HLM si toutefois la loi les y autorise. C’est l’objet de cet amendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE1832 de M. Stéphane Peu et CE2391 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Les organismes HLM peuvent intervenir dans des copropriétés en voie de dégradation, notamment par l’acquisition et le portage de logements. Je ne veux pas lancer un débat qui serait très compliqué, car le sujet est lui-même très compliqué, mais il faut faciliter cette intervention des organismes HLM, notamment à l’appel des collectivités, pour qu’ils puissent faire du portage tant qu’il est temps. Quand l’endettement s’aggrave, que les copropriétés en difficulté ne peuvent faire leurs travaux, il faut arrêter l’hémorragie. Les organismes HLM sont parfois le bon outil.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les bailleurs sociaux sont effectivement des acteurs importants de la requalification des copropriétés dégradées mais, évoquant toutes les actions de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), votre amendement est bien trop large et trop imprécis. Les organismes HLM peuvent déjà intervenir en complément de l’ANAH ou d’un établissement public foncier, à condition que cela s’inscrive dans un programme élaboré en concertation avec les collectivités territoriales, comme c’est déjà le cas des opérations de requalification des copropriétés dégradées. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis également défavorable à cet amendement, mais nous allons revenir sur cette question des copropriétés dégradées, objet de nombreux articles et amendements et dont nous avons déjà débattu lors de l’examen de la proposition de loi que M. Peu avait déposée. Objectivement, cette référence à l’ANAH, et à toutes ses missions, ouvre la voie à n’importe quelle utilisation. La rédaction de cet amendement est trop large.

M. François Pupponi. Quel risque y a-t-il à ce que les bailleurs sociaux puissent intervenir en complément de l’ANAH sur tout son champ d’intervention ? Si ce n’est possible que dans le cadre des procédures évoquées par la rapporteure, on arrive toujours trop tard ! L’idée est de pouvoir intervenir avant que la situation ne devienne catastrophique et qu’il soit nécessaire de restructurer la copropriété dans le cadre d’un programme. Il faut permettre d’intervenir avant, lorsqu’une copropriété n’est pas encore dégradée mais doit être aidée. Un office pourrait alors aider l’ANAH et empêcher la catastrophe. En quoi cela pose-t-il problème ?

M. Stéphane Peu. On vous propose de faire de la médecine préventive et vous ne voulez nous limiter au rôle du SAMU, en une matière – les copropriétés dégradées – où les survivants sont peu nombreux !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ne rentrons pas ainsi en mêlée au sujet des copropriétés dégradées, alors que le projet de loi essaie de donner de nouveaux instruments afin de continuer à progresser. Nous en viendrons aussi aux marchands de sommeil, au sujet desquels nous proposons des choses qui n’ont jamais été faites jusqu’à présent.

Il est évident que la prévention est le sujet. Comment fonctionne l’ANAH ? Vous êtes membre d’une copropriété, un propriétaire bénéficiant d’un prêt appelle la Fédération SOLIHA (Solidaires pour l’habitat) ou directement l’Agence ou est appelée par elles, par exemple parce qu’elles proposent un prêt pour rénover une fenêtre, et la loi dispose qu’à partir du moment où l’ANAH est intervenue, c’est juridiquement un élément déclencheur de l’intervention de l’Office HLM. Tout ceci est quand même très étrange ! Vous le dire ne signifie pas qu’il ne faut pas conduire une politique préventive.

M. Stéphane Peu. On pourrait supprimer la mention de l’ANAH et écrire « en tout temps et en tout lieu ». Mais, lorsque l’Agence peut acheter un ou deux appartements dans une copropriété de 30 logements et en faire sortir les mauvais payeurs, la remettre à flot et ensuite revendre les logements, cela apporte une souplesse qui permet d’empêcher les copropriétés de sombrer.

M. François Pupponi. Nous ne parlons pas de la même chose : nous ne mettons pas en cause ce qui est proposé au sujet des copropriétés dégradées et des marchands de sommeil.

Nous, nous vous parlons des copropriétés en voie de dégradation, pour empêcher qu’elles basculent. Pour ce faire, il faut qu’il y ait des gens capables d’acheter un ou deux appartements, ceux qui sont vendus à la barre, ceux qui sont vendus à des marchands de sommeil. La puissance publique ne le peut pas alors que, parfois, un Office HLM le peut. Peut-être sommes-nous allés trop loin dans le rôle confié à l’ANAH, que nous considérions comme un élément déclencheur très large, mais il faudrait bien que les offices puissent intervenir à tout moment à la demande de la puissance publique, avant que la catastrophe ne se produise.

La commission rejette les amendements.

Elle examine lamendement CE2222 de M. Thierry Benoit.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de l’amendement est de supprimer le caractère complémentaire de l’accession sociale dans les activités des OPH.

L’activité des offices publics de l’habitat est essentiellement tournée vers la gestion de logements locatifs sociaux. Le fait que la loi indique que l’activité d’accession à la propriété constitue une activité complémentaire correspond à la réalité et n’empêche pas par ailleurs ces organismes de réaliser librement des opérations d’accession à la propriété. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE428 de M. Thibault Bazin, CE1192 de Mme Valérie Lacroute, CE1749 de M. Stéphane Peu, CE1941 de Mme Jacqueline Maquet et CE2373 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. L’objet de cet amendement est de supprimer le caractère transitoire de la mesure et de porter la durée de vie de la structure de coopération de cinq à dix ans, durée beaucoup plus adaptée au temps nécessaire à la réalisation de logements.

M. Stéphane Peu. Cette mesure est très favorable à la mixité sociale.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est également très favorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine les amendements identiques CE1824 de M. Stéphane Peu, CE2102 de Mme Mathilde Panot et CE2374 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Il est proposé que les organismes HLM puissent effectuer des prestations de services dans la limite de 30 % de leur chiffre d’affaires global.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les activités de syndic des organismes HLM ont vocation à se développer, notamment dans le cadre des copropriétés dégradées faisant l’objet d’une intervention publique ou dans le cadre des copropriétés issues de ventes HLM.

Il faut donc permettre aux OPH de développer cette nouvelle activité au-delà des plafonds actuellement prévus, tout en distinguant ce qui relève du SIEG, de ce qui n’en relève pas.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il faut permettre aux OPH d’exercer cette activité très importante du bailleur, au regard de la discussion que nous avons eue sur le SIEG, mais une filialisation est nécessaire. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE397 de M. Vincent Descoeur, CE563 de M. Arnaud Viala, CE650 de M. Fabien Lainé, CE2013 de M. Bruno Fuchs et CE2333 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Une filiale ne doit être créée qu’en cas de carence avérée du secteur privé afin de ne pas déstructurer une activité déjà soumise à une concurrence importante. Dans certains territoires, cela risquerait de porter préjudice aux talents locaux.

M. Fabien Lainé. Même argument : nous sommes assez inquiets pour les TPE et PME œuvrant dans les endroits carencés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette mesure n’affecte pas la concurrence car, ces activités devant être opérées par des filiales des organismes HLM, elles ne bénéficient d’aucune aide publique propre aux HLM. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. On voit une fois encore la complexité de ce que nous tâchons de faire.

Nous devons en effet veiller à ne pas laisser détruire toute l’activité privée par ceux qui bénéficient de subventions, mais il faut aussi permettre aux offices et aux bailleurs d’exercer l’ensemble des activités qu’ils souhaitent conduire pour améliorer le cadre de vie.

La filialisation règle le problème du SIEG et permet d’exercer ces activités, même s’il n’y a pas une carence du secteur privé. Il n’y a pas de mélange entre les aides versées au titre du logement aux bailleurs et les activités. Je m’étonne d’ailleurs que des amendements aient pu être déposés auparavant et maintenant : cela n’est pas logique.

M. François Pupponi. Les amendements précédents avaient pour objet de dire que l’on pouvait se passer de filiales et laisser les offices et bailleurs sociaux faire le travail. Vous restez sur votre position en indiquant qu’il faut créer des filiales parce que, pour des raisons juridiques le bailleur ne peut pas tout faire. Cela, je peux le comprendre, mais vous placez le curseur trop loin. Pour nous, la filiale doit bien rester dans le champ d’intervention du bailleur, si tel n’est pas le cas et que la filiale se livre à une activité purement privée, sort du champ de l’intérêt général et intervient dans le secteur concurrentiel, c’est un dévoiement. Il faut donc que la loi limite le champ d’intervention de la filiale.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison, il n’est en aucun cas question de dire à un office, un bailleur ou une société HLM qu’ils peuvent aller au-delà de leur métier. Mais vos amendements disent que si ces acteurs sont en concurrence avec des acteurs privés dans l’exercice d’activités faisant partie de leur métier, la question même de leur intervention se pose. Or, des entreprises privées sont susceptibles d’agir pour la revitalisation des centres-villes et elles pourraient s’émouvoir qu’interviennent des bailleurs recevant des aides de l’État – en toute légitimité par ailleurs – et se demander si ces aides prévues pour le logement n’iront pas en fait à l’activité du centre commercial.

Vous limitez considérablement le champ d’action des bailleurs dans leurs missions, mais celles-ci ne peuvent être ainsi accomplies que le cas d’une carence avérée du secteur privé. Je propose que les bailleurs puissent intervenir aussi dans tous les secteurs d’activité où le secteur privé est présent, la filialisation garantissant l’étanchéité entre les aides apportées d’un côté et l’activité des bailleurs de l’autre.

M. Stéphane Peu. Vous affirmez une nouvelle fois qu’il faut créer des filières afin de parer au risque de détournement des aides. Or, il ne s’agit pas d’aides à la structure qui pourraient être affectées selon ses choix, mais à l’objet, par exemple à la construction de logements. Je ne suis pas hostile à la filialisation par principe, mais il ne faut pas en faire une condition de l’intervention et créer un échelon supplémentaire va à l’encontre de la souplesse nécessaire pour être au plus près des réalités du terrain.

M. François Pupponi. L’amendement n’est peut-être pas parfaitement rédigé. L’idée est qu’il faut que les filiales que vous allez créer puissent continuer à travailler dans le cadre de l’intérêt général, ce qui est le rôle du bailleur.

Si ces filiales deviennent des structures destinées à gagner de l’argent dans un secteur concurrentiel, y compris pour faire remonter les bénéfices à la société mère, c’est un autre débat. Si cela doit constituer un moyen de financer le logement social, il faut le dire clairement ; nous pourrions le comprendre.

L’idée est de dire que la filiale doit travailler dans le cœur de métier du bailleur, et qu’elle n’aille pas vers des appels d’offres dans des quartiers où le bailleur n’intervient pas, ce qu’en l’état le texte permet.

M. Martial Saddier. C’est sans rapport avec ces amendements mais je tenais à vous informer que la France vient d’être renvoyée devant la Cour européenne de justice pour non-respect des règles relatives à la qualité de l’air. Ce renvoi est particulièrement grave et, le texte que nous examinons étant directement lié à ce sujet, sans rouvrir le débat que nous avons eu hier, je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir à cette importante question de santé publique.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE424 de M. Thibault Bazin, CE1185 de Mme Valérie Lacroute, CE1213 de Mme Françoise Dumas, CE1750, de M. Stéphane Peu et CE2376 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Créer des filiales alourdit la fourniture des services et empêche les organismes HLM d’être efficaces et réactifs en la matière alors qu’ils doivent faire preuve d’agilité pour être efficients.

Une comptabilité analytique orientée vers cet objectif remplit le but escompté, d’autant que l’article 28, dans son septième alinéa, introduit une obligation de comptabilisation distincte du résultat de l’activité relevant de la gestion de services d’intérêt économique général. Il est important de pouvoir apporter cette souplesse.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements.

La commission est saisie de lamendement CE560 de M. Arnaud Viala.

M. Thibault Bazin. Nous sommes toujours dans le domaine de la concurrence directe, il est donc important de déterminer avec précision le régime juridique de ces filiales afin qu’elles ne viennent pas fragiliser les talents locaux déjà en difficulté dans des territoires où le bâtiment est moins dynamique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est satisfait, j’en demande le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1751 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Là encore, il s’agit de faire preuve de souplesse. Les collectivités de rattachement font partie de la gouvernance des offices publics. À chaque fois qu’une création de filiale ou une prise de participation dans une société est évoquée, le conseil d’administration est appelé à se prononcer. Doubler la décision d’un conseil d’administration au sein duquel les collectivités sont représentées d’un avis desdites collectivités alourdit la procédure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En l’état actuel de la réglementation, plus de la moitié de la composition du conseil d’administration d’un Office public de l’habitat (OPH) est désignée par la collectivité ou l’EPCI de rattachement. Toutefois, une partie de ses représentants ne sont pas des élus, mais des personnalités qualifiées. Par ailleurs, pour les départements de la petite couronne parisienne, parmi les représentants de l’établissement public territorial figurent, dans une proportion d’au moins la moitié, des membres proposés par la commune de rattachement initial dès lors qu’au moins la moitié du patrimoine de l’office est située sur son territoire. En conséquence, la collectivité de rattachement n’a pas toujours la majorité des sièges et il semble donc nécessaire qu’elle soit directement consultée pour des décisions aussi importantes que des prises de participation.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Peu. Savez-vous ce qu’est une procédure d’autorisation d’une collectivité et le temps qu’il faut pour que la décision soit prise ?

La collectivité de rattachement est prépondérante dans la gouvernance de l’organisme.

La commission rejette cet amendement.

Elle se saisit des amendements identiques CE1752 de M. Stéphane Peu et CE2457 de M. Denis Sommer.

M. Stéphane Peu. Les Offices publics sont soumis à une comptabilité analytique de droit privé. Cet amendement a pour objectif de s’assurer que les fonds issus des activités de construction, d’amélioration et de gestion des logements locatifs sociaux ne puissent alimenter les filiales ne concourant pas à un service d’intérêt général. Il s’agit de séparer les comptabilités.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis d’accord avec l’objectif poursuivi, toutefois, cette étanchéité est, selon moi, déjà garantie.

Par ailleurs, il y a un problème de rédaction dans votre amendement qui dit le contraire de l’exposé sommaire. Je vous propose donc de le retravailler d’ici la séance publique.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je demande également le retrait, car je souhaite que soit vérifiée la compatibilité entre le dispositif SIEG que j’ai évoqué et le cloisonnement des comptes que vous réclamez. C’est un sujet intéressant qu’il nous faut traiter d’ici la séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement CE1829 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. En supprimant la clause liant ces prestations à la compétence territoriale qui limite actuellement ces coopérations, cet amendement propose de faciliter les prestations entre organismes HLM afin de mutualiser les savoir-faire.

Suivant lavis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE1048 de M. Fabien Lainé, CE1074 de M. Arnaud Viala, et CE2727 de M. Bruno Fuchs.

M. Fabien Lainé. Mêmes arguments que précédemment sur les filiales, défendu.

M. Bruno Fuchs. Nous partageons le souhait de parvenir à une meilleure efficacité par le recours à la filialisation.

Toutefois, je serais heureux d’entendre le ministre sur l’impact que ce dispositif pourrait avoir dans certaines zones sur le tissu des TPE et PME.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet ; avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

Pour répondre à votre question, monsieur Fuchs, aucun risque n’est encouru si l’aide dont bénéficient les bailleurs n’est pas affectée à une activité déjà occupée par des TPE et des PME. Tant que l’aide destinée au logement demeure dans cette sphère, il n’y a pas de risque supplémentaire.

La filialisation permet donc d’ouvrir de nouvelles activités tout en se prémunissant d’un impact sur les PME et les TPE, même si ces activités peuvent s’exercer alors que la carence du secteur privé n’est pas avérée puisqu’il n’y a pas de subvention.

Le débat qui a été soulevé par plusieurs d’entre vous porte sur la question de savoir si la création de ces filiales est nécessaire pour assurer cela ou si d’autres mécanismes peuvent le permettre. Nous devons y réfléchir avant l’examen du texte en séance publique.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1061 de M. Thibault Bazin, CE2689 de Mme Valérie Lacroute et CE2693 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Pour être efficace, il faut être agile or le dispositif des filiales peut être source de lourdeur. Plus loin dans le présent article, un alinéa proposera d’introduire l’obligation de comptabiliser distinctement le résultat de l’activité relevant de la gestion de services d’intérêt économique général.

Nous pensons que le texte permet de surseoir à la création de filiales.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Elle étudie les amendements identiques CE1702 de la rapporteure et CE1401 de M. Thibault Bazin.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement traite de la nue‑propriété ; je laisse M. Bazin le présenter.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de pérenniser le dispositif de cession en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) de la nue-propriété des immeubles neufs. Ce dispositif existe depuis 2006 et a été pérennisé en 2014, il continuerait à être réservé aux logements situés en zones tendues. L’amendement apporte aussi des précisions quant à sa mise en œuvre et prévoit également son application aux sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable à la pérennisation à condition qu’elle soit encadrée, notamment par voie réglementaire ; je vous propose de le déposer à nouveau en séance publique en faisant cette fois référence à cet encadrement.

M. Thibault Bazin. Je retire mon amendement au profit d’une nouvelle rédaction.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je me propose de faire de même.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie des amendements identiques CE1062 de M. Thibault Bazin, CE2690 de Mme Valérie Lacroute, CE2694 de M. Stéphane Peu et CE2698 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement doit être réexaminé en vue de la séance publique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Même argumentation que précédemment au sujet des filiales ; avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette ces amendements.

Elle se saisit des amendements identiques CE1758 de M. Stéphane Peu, CE2513 de Mme Caroline Janvier, CE2523 de M. Bruno Fuchs et CE2577 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Caroline Janvier. Il s’agit de s’assurer que les usagers handicapés soient impliqués dans les domaines qui les concernent, en l’occurrence la création d’une filiale proposant un service d’accompagnement des personnes handicapées. Cet amendement propose d’associer le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) à l’élaboration du cahier des charges de la filiale concernée.

Pendant longtemps, des politiques en faveur des personnes handicapées ont été conduites sans prendre en compte l’avis des intéressés ; cela ne doit plus se produire.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement a été parfaitement défendu par notre collègue, il s’agit qu’un cahier des charges commun soit élaboré avec les instances représentatives des personnes handicapées.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Une activité annexe filialisée est soumise à une logique d’offre de service délivrée dans des conditions concurrentielles, ce qui ne rend pas nécessaire de compliquer la mise en œuvre par un cahier des charges. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Elle étudie les amendements identiques CE488 de M. Alain Ramadier, CE1827 de M. Stéphane Peu, CE2390 de M. François Pupponi et CE2491 de M. Bruno Fuchs.

M. Robin Reda. Cet amendement vient appuyer une démarche globale d’accession à la propriété des ménages hébergés en logements sociaux. Il s’agit de garantir le financement, donc la robustesse financière des intéressés au moment de l’acquisition. Il est ainsi proposé de conférer aux organismes HLM un pouvoir de conseil en financement ainsi que la possibilité d’être intermédiaires entre les accédants et les établissements bancaires.

Il convient d’ailleurs de rappeler que l’article L. 511-6 du code monétaire et financier conserve une disposition dérogatoire favorable aux organismes HLM pour l’exercice de ces missions.

M. Bruno Fuchs. Si nous souhaitons passer à 1 %, soit 40 000 logements, nous serons confrontés à un nombre très important de dossiers de crédits. Si nous ne disposons pas d’un intermédiaire susceptible d’opérer un premier tri, et qui aide les demandeurs à constituer leurs dossiers, les procédures risquent d’être ralenties, et certains dossiers mal remplis. Le but recherché est donc l’efficacité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement apporterait une simplification et une réduction des coûts des services entourant les opérations d’accession sociale à la propriété. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est défavorable.

J’ai pleinement conscience de l’importance du problème, car je suis persuadé que confier un soutien financier au bailleur pour des questions de financement peut permettre de faire gagner beaucoup d’argent au locataire.

Je prendrai pour exemple les contrats d’assurance : combien de bailleurs considèrent que les contrats d’assurance financés par les locataires se situent à des prix allant bien au-delà de ce que pourraient obtenir beaucoup d’autres locataires ? Je suis persuadé que les bailleurs peuvent tenir ce rôle de conseil, mais modifier le code monétaire et financier revient à ouvrir une boîte de Pandore avec bien des risques de dérive.

Je comprends tout à fait le souhait exprimé par cet amendement, qui, s’il était adopté, devrait être de facto encadré, ce qui est une nécessité dès que l’on touche au code monétaire et financier.

La commission adopte les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE425 de M. Thibault Bazin, CE1186 de Mme Valérie Lacroute, CE1753 de M. Stéphane Peu, CE2377 de M. François Pupponi, les trois derniers étant identiques.

M. Thibault Bazin. L’objet de la proposition ci-dessus est donc de donner compétence aux organismes pour intervenir directement et réaliser des prestations de services innovantes, tels que des services individualisés d’accompagnement numérique, d’autopartage, d’enlèvement des encombrants et de recyclage.

Il s’agit de conférer un fondement légal pour proposer des services à forte plus-value liés au logement.

M. Stéphane Peu. Notre amendement vise à reconnaître aux organismes HLM d’autres compétences que celle du seul logement, comme l’enlèvement des encombrants et le recyclage, ce qui les pose en réels acteurs sociaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je partage l’objectif de ces amendements, mais il me semble d’ores et déjà satisfait par l’alinéa 17. Celui-ci élargit les compétences des OPH pour les autoriser à créer des filiales destinées à fournir des services sociaux à leurs locataires. La rédaction de cet alinéa est assez large et ne me paraît pas limiter les possibilités d’innovation.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis, l’expression « activité innovante » est trop flou.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE1754 de M. Stéphane Peu et CE2378 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. L’organisation du rattachement des OPH doit être suffisamment souple pour s’adapter aux évolutions des territoires. Par ailleurs, la disposition relative au rattachement à une région n’a plus lieu d’exister puisqu’elle ne visait que l’éventuel rattachement de l’Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val-d’Oise et des Yvelines (OPIEVOY), lequel a été dissous.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ces amendements vont dans le sens de la restructuration et des coopérations qui sont encouragées par ce projet de loi. J’y suis donc favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte ces amendements.

Elle est saisie de lamendement CE2834 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet du présent amendement est de moduler la mesure de regroupement des offices publics de l’habitat d’une même collectivité de rattachement afin de prendre en compte les cas d’EPCI concernés par la présence de plusieurs OPH de grande taille. Un seuil de 15 000 logements, seuil d’autonomie d’un bailleur social et de taille minimale d’un groupe de bailleurs sociaux, est donc retenu.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

Cet amendement est très important, car il est le fruit de longues discussions avec les bailleurs sociaux d’Île-de-France dans les établissements publics territoriaux (EPT). À cette occasion nous avons réalisé que ce que prévoyait initialement le projet n’était pas faisable, car trop d’offices auraient dû se regrouper au sein d’un EPT. L’introduction de ce seuil facilite grandement ces regroupements.

La commission adopte lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE2267 de M. François Pupponi et CE1999 de Mme Albane Gaillot.

Mme Albane Gaillot. Cet amendement vise à permettre la prise en compte de particularités locales – vous avez évoqué l’Île-de-France, monsieur le ministre – justifiant dans certaines situations spécifiques, le maintien du rattachement de deux OPH à un établissement public de coopération intercommunale ou un établissement public territorial sur le territoire duquel étaient situés plusieurs OPH.

Afin de garantir le caractère exceptionnel de cette dérogation, il est proposé de conditionner le bénéfice d’un tel régime à l’appréciation de l’autorité préfectorale.

Le projet de loi doit permettre d’assurer le renforcement de l’efficacité de la gestion des bailleurs sociaux, et que cette efficacité trouve un équilibre avec la responsabilité sociale qui est la leur.

Les projets de fusion d’un trop grand nombre d’acteurs entre eux – on en compte huit dans ma circonscription –, mobiliseraient fortement et pour plusieurs années, leurs ressources humaines et financières et obérerait ainsi leur capacité à mener efficacement leurs missions premières : loger, construire, rénover et celles attendues par cette loi en termes d’efficience et de volumes de production. Aussi, le fait d’intégrer à la loi une telle dérogation apparaît donc comme une mesure d’équilibre essentielle à la pertinence globale de ces nouvelles dispositions.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE2834 que j’ai présenté et que la commission a adopté satisfait votre demande, je préconise donc le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. François Pupponi. La place des établissements publics territoriaux dans le contexte du Grand Paris constitue un vrai sujet ; il faudrait revoir la rédaction de l’amendement de la rapporteure.

M. Stéphane Peu. La rédaction de l’amendement de la rapporteure m’a en effet semblé floue.

Les amendements sont retirés.

La commission examine les amendements identiques CE128 de M. Alain Ramadier, CE1755 de M. Stéphane Peu et CE2379 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Cet amendement va dans le sens de la représentativité des collectivités qui auraient dans leur territoire le patrimoine d’un bailleur lui-même rattaché à une autre collectivité avec un conseil d’administration qui ne représenterait que cette collectivité.

Il s’agit encore une fois de favoriser une gestion de proximité ainsi que la représentation des élus concernés.

M. Stéphane Peu. Cet amendement adapte la gouvernance, car un mécanisme trop contraint peut conduire à ce que des villes possédant du patrimoine ne soient pas représentées dans les instances. Nous souhaitons donc introduire de la souplesse.

Il conviendra en outre de renforcer la participation des personnels des organismes au sein de la gouvernance de l’office.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement va dans le sens contraire à ce que vous avez proposé au sujet de l’augmentation du nombre de locataires afin d’accroître leur représentation au sein des instances. Si, à partir d’un nombre limité de personnes on augmente les effectifs de certains collèges aux dépens des autres, certains seront conduits à disparaître.

Pour ces raisons mon avis est défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de lamendement CE1944 de Mme Jacqueline Maquet.

Mme Stéphanie Do. Il semble indispensable de renforcer la place des locataires au sein des OPH.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette mesure, elle aussi, déséquilibrerait la gouvernance des OPH, c’est pourquoi j’y suis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE1945 de Mme Jacqueline Maquet.

Mme Stéphanie Do. Il est inapproprié que des élus des communes ne respectant pas les obligations en matière de construction de logement social puissent siéger au conseil d’administration d’un office.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les sanctions contre les maires de communes carencées au titre de la loi SRU sont déjà suffisamment importantes et viennent d’être renforcées par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Il ne me paraît pas opportun d’exclure de la gouvernance des OPH des communes qui, malgré tout, garantissent le plus souvent les emprunts de l’organisme.

Avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE554 de M. Pierre Cordier, CE1756 de M. Stéphane Peu et CE2380 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Il s’agit d’introduire la possibilité de vidéoconférences dans un certain nombre d’instances, commissions d’attribution et autres, afin de les rendre plus efficaces dans la mesure où les règles de quorum peuvent être très lourdes.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement part d’un bon principe : simplifier les formalités et les coûts des nombreuses réunions internes aux OPH. Toutefois, l’alinéa 19 de l’article 35 prévoit déjà de pérenniser la possibilité d’organiser des commissions d’attribution dématérialisées. Cet alinéa entoure ces réunions dématérialisées de garanties bien plus précises que votre amendement, dont je demande donc le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis pour les mêmes raisons.

La commission rejette ces amendements.

Lamendement CE2223 de M. Thierry Benoit est retiré.

La commission examine lamendement CE2723 de M. Stéphane Peu.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette cet amendement.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE2656 de M. François Pupponi et CE2680 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à faciliter l’intervention des organismes HLM dans les copropriétés en voie de dégradation. Il est très important d’intervenir le plus en amont possible.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

La commission est saisie des amendements identiques CE1079 de M. Alain Ramadier, CE2717 de M. Stéphane Peu, CE2741 de M. François Pupponi et CE2743 de M. Bruno Fuchs.

M. Robin Reda. Dans le même esprit que tout à l’heure, il s’agit de permettre aux organismes HLM de disposer du pouvoir de faire du conseil en financement et ainsi de faciliter l’accession à la propriété des occupants.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, tout en comprenant le sens de ces amendements.

La commission adopte ces amendements.

La commission est saisie des amendements identiques CE2736 de M. Stéphane Peu et CE2739 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Il s’agit de faciliter les prestations entre organismes HLM pour accompagner la restructuration et ainsi ne pas limiter ces prestations à la compétence territoriale.

Suivant lavis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission adopte ces amendements.

La commission examine lamendement CE2745 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il y a un gros problème de propreté et de gestion des ordures dans certains quartiers et immeubles ; il faut donc permettre aux bailleurs de proposer des solutions innovantes d’accompagnement numérique, d’autoportage, d’enlèvement des encombrants et de recyclage.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. C’est déjà dans les charges et les bailleurs peuvent entrer dans ce cadre. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie des amendements identiques CE2666 de M. François Pupponi et CE2672 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Créer des filiales pour des activités parfois totalement marginales est disproportionné. Cet amendement propose donc de poser un seuil sur le chiffre d’affaires, mais se priver de l’intervention des offices pour la prévention de la dégradation des copropriétés me semble une très mauvaise chose.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Nous en avons déjà beaucoup parlé.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine lamendement CE2381 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Demande de retrait, comme tout à l’heure, sur cette question de la nue-propriété.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2815 de M. François Pupponi et CE1876 de Mme Alice Thourot.

Mme Alice Thourot. L’amendement vise à pérenniser un dispositif mis en place à titre expérimental par la loi ALUR pour une durée de cinq ans et qui permet aux SA d’HLM d’investir sous certaines conditions dans le logement privé dit classique, donc de dégager des revenus à ce titre pour réinvestir dans le logement social. L’idée est de favoriser la construction de logements sociaux dans des programmes privés qui se verront ainsi instiller de la mixité sociale. Si les organismes HLM dégagent de la trésorerie, ils peuvent réinvestir dans la construction ou l’entretien de logements sociaux.

Ce n’est pas une possibilité simplement théorique. Dans le cadre de mes fonctions d’avocat, j’ai eu l’occasion de monter ce type de société de construction-vente et de suivre des programmes de construction. C’est une expérimentation réussie ; il faut absolument la pérenniser.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’expérimentation semble en effet avoir porté ses fruits et je suis donc favorable à ce qu’elle soit pérennisée. Je demande toutefois le retrait de l’amendement de Mme Thourot au profit de celui de M. Pupponi, qui me semble plus précis.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Pourquoi se limiter à une seule famille HLM ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. C’est pour toutes les familles.

Mme Alice Thourot. Dans l’amendement de M. Pupponi, le mot « cinq » est remplacé par « dix » : est-ce qu’on parle de la durée de vie des sociétés de construction-vente ?

M. François Pupponi. A priori, oui, mais je n’ai plus le détail de l’amendement en tête. Ce qu’il faut, c’est consolider les textes. L’expérimentation s’est généralisée mais il convient de voir si ce que nous avons voté ne généralise pas la loi ALUR.

Mme Alice Thourot. Si l’amendement de M. Pupponi vise à prolonger la durée de vie de la société de cinq à dix ans, dans certains cas cela provoquera un vide juridique puisque les sociétés civiles de construction-vente qui étaient prévues dans le cadre de la loi ALUR avaient une durée de vie de cinq ans. Cinq ans, ce n’est pas long, dix ans non plus : en cas de problèmes de construction, de contentieux d’urbanisme, que se passe-t-il ? Une durée de vie limitée pose problème si les constructions doivent se poursuivre.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je privilégie également l’amendement de M. Pupponi, par cohérence car celui que nous avons adopté tout à l’heure prévoyait dix ans. Je n’ai pas la réponse à votre question mais faudra prendre ce point en considération en séance publique.

M. François Pupponi. C’est en effet un point important. Il faudrait réfléchir aux moyens de prolonger la durée de vie en cas de contentieux.

Mme Alice Thourot. Je complèterai mon amendement d’ici à la séance publique, dans un souci de cohérence, mais cette question de la durée de vie est très importante. La durée de vie de cinq ans prévue dans la loi ALUR a déjà posé problème.

Lamendement CE1876 est retiré.

La commission adopte lamendement CE2815.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1398 de M. Thibault Bazin et CE1141 de M. Gilles Lurton.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement ouvre les compétences des filiales de logements intermédiaires pour les faire évoluer vers des foncières afin de recréer un parcours résidentiel dans le logement social vers l’accession sociale à la propriété. Il vise ainsi à leur permettre d’acquérir, gérer et vendre les logements ayant bénéficié d’un PLS. Il modifie l’objet social pour permettre à la filiale de construire, acquérir et gérer des logements PLS, il prévoit que, pour la constitution du capital de la filiale, l’entreprise sociale pour l’habitat (ESH) peut apporter les logements PLS qu’elle possède et il permet de confier la gestion des logements de la filiale à un organisme HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les organismes dissocient les revenus de leurs activités locatives de SIEG, dont font notamment partie les logements PLS, de leurs activités locatives hors SIEG, dont font partie les logements intermédiaires. La proposition de permettre aux filiales de logements intermédiaires de gérer des logements PLS va à l’encontre de ce principe de séparation des activités. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Savoir comment soutenir l’intermédiaire sans que ce soit au détriment du social est un vieux débat. Je pense qu’associer totalement l’intermédiaire et le PLS jouerait au détriment de ce dernier.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine lamendement CE2310 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit du risque de la filialisation. Dans le secteur concurrentiel où il n’y a pas de carence du secteur privé, on pourrait considérer que ce serait une concurrence déloyale dès lors que la filiale peut être alimentée financièrement par la société mère, donc indirectement par des fonds publics. C’est un amendement d’appel, pour souligner ce risque que nous avons déjà évoqué.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE2695 de M. Stéphane Peu et CE2699 de M. François Pupponi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Elle est saisie des amendements identiques CE399 de M. Vincent Descoeur, CE1075 de M. Arnaud Viala et CE2683 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Je défendrai ensemble les amendements CE399 et CE400, qui portent sur les alinéas 41 et 42. Il s’agit de n’autoriser la création de filiales qu’en cas de carence avérée du secteur privé. Cette limitation concernerait les filiales créées pour construire, acquérir, vendre ou donner en location des équipements locaux d’intérêt général ou pour réaliser des études d’ingénierie urbaine pour le compte des collectivités locales.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE400 de M. Vincent Descoeur, CE1076 de M. Arnaud Viala, CE2684 de M. François Pupponi.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE2704 de M. Bruno Fuchs, CE2707 de M. Stéphane Peu et CE2721 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement corrige un alinéa concernant le cahier des charges pour les services rendus aux personnes handicapées.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Lamendement CE2732 de M. Stéphane Peu est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement CE2747 de M. François Pupponi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE2696 de M. Stéphane Peu et CE2700 de M. François Pupponi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE401 de M. Vincent Descoeur, CE1077 de M. Arnaud Viala et CE2685 de M. François Pupponi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE402 de M. Vincent Descoeur, CE1078 de M. Arnaud Viala et CE2686 de M. François Pupponi.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE2708 de M. Stéphane Peu, CE2720 de Mme Caroline Janvier et CE2722 de M. Jean-Louis Bricout.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE2657 de M. François Pupponi et CE2681 de M. Stéphane Peu.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE2665 de Mme Mathilde Panot, CE2667 de M. François Pupponi et CE2673 de M. Stéphane Peu.

Elle adopte lamendement rédactionnel CE2759 de la rapporteure.

Puis elle examine les amendements identiques CE1080 de M. Alain Ramadier, CE2718 de M. Stéphane Peu et CE2742 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE2724 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous proposons de permettre l’intervention des organismes HLM dans les centres anciens et les centres-bourgs.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE2738 de M. Stéphane Peu et CE2740 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Pour accompagner la restructuration du secteur HLM, il est proposé de faciliter les prestations entre organismes afin de mutualiser les savoir-faire en supprimant la clause liant ces prestations à la compétence territoriale.

Suivant lavis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission adopte cet amendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement CE2746 de M. François Pupponi.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1407 de M. Thibault Bazin et CE2383 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Il existe un régime de TVA qui exonère les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des organismes exerçant une activité non soumise à TVA. Or, dans les groupes d’organismes HLM, certaines sociétés peuvent avoir une activité entièrement soumise à TVA, notamment les organismes réalisant exclusivement des activités d’accession sociale à la propriété. L’intégration de ces sociétés à la structure de coopération serait de nature à remettre en cause le régime d’exonération vis-à-vis de l’ensemble de ses membres. C’est pourquoi, en pratique, ces sociétés ne sont pas membres de la structure de coopération. Il est donc proposé de modifier l’objet de ces structures, en remplaçant « seul » par « principal », afin de leur permettre de fournir accessoirement des services à des non-membres.

Le second élément est plus rédactionnel : il s’agit de supprimer le dernier alinéa de l’article L. 423-6 du code général des impôts, qui prévoyait la parution d’un décret. Ce décret n’a jamais été publié et est désormais sans objet compte tenu de l’ordonnance de 2015 relative aux marchés publics.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement aurait pour conséquence d’élargir les compétences des groupements d’intérêt économique (GIE), mis en place par les bailleurs sociaux, pour qu’ils fournissent des prestations à des organismes non-membres du GIE. Cela risquerait d’ouvrir de manière trop large la fourniture de services des GIE à des personnes non membres. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette ces amendements.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE1142 de M. Gilles Lurton, CE1406 de M. Thibault Bazin et CE2385 de M. François Pupponi.

La commission est saisie des amendements identiques CE1187 de Mme Valérie Lacroute, CE1760 de M. Stéphane Peu et CE2384 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à réparer une incohérence. L’article L. 424-2 du code de la construction et de l’habitation permet aux organismes HLM de participer à des actions de développement à caractère social d’intérêt direct pour les habitants des quartiers d’habitat social, dans le cadre des seuls contrats de ville conclus au titre de la loi de 1999 et non pas dans le cadre de ceux conclus au titre de la récente loi de 2014. Il convient donc de supprimer la référence pour que ces actions puissent être conduites dans le cadre de n’importe quel contrat de ville.

M. François Pupponi. C’est un vrai sujet ; nous sommes tous d’accord, les bailleurs doivent s’impliquer dans la vie des quartiers. Il ne faut donc pas limiter leur intervention.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’alinéa 53 élargit déjà cette compétence aux zones rurales détendues. Ouvrir cette possibilité sans condition n’est pas opportun et risquerait de poser un problème vis-à-vis de la définition du SIEG.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne suis pas sûr de bien comprendre la rédaction de ces amendements, qui me semble donc mériter d’être retravaillée.

M. François Pupponi. On n’a pas suffisamment nettoyé la loi au moment d’adopter celle de 2014 et le texte renvoie aux contrats signés avant cette adoption. C’est un bogue juridique. Si nous n’adoptons pas ces amendements, les bailleurs régionaux n’ont même pas le droit de financer les contrats de ville actuels.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’engage à procéder à ce « nettoyage » mais je voudrais être sûr que nous parlons des mêmes contrats de ville et non d’un élargissement global, auquel cas nous retombons dans notre débat précédent.

M. Serge Letchimy. C’est aussi l’enjeu, au-delà du nettoyage. Dans un désert d’équipements publics, d’action sociale, d’accompagnement de la famille, au-delà même des zones en contrat de ville, des ensembles immobiliers sociaux ont besoin d’un accompagnement social. Il ne s’agit pas seulement de construire du social : il faut des bibliothèques, des jardins d’enfants, des actions d’accompagnement… C’est très difficile et les organismes sont conduits à créer des structures annexes pour gérer cela. C’est l’enjeu du bien-être social dans les politiques du logement social.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis totalement d’accord avec vous, c’est pourquoi nous étendons, par la loi, les actions des bailleurs sociaux. La question, avec ces amendements, et que nous avons déjà débattue, c’est de savoir si cela ne passe que par la filialisation ou s’il existe d’autres moyens.

M. François Pupponi. Ce sont presque des amendement rédactionnels. Tel que rédigé, l’article restreint le champ d’intervention des bailleurs.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est pourquoi je n’ai pas donné un avis défavorable. Si c’est bien ce que vous indiquez, j’y suis totalement favorable ; je vous demande de les retirer pour le vérifier.

Ces amendements sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE562 de M. Arnaud Viala, CE2334 de M. François Pupponi, ainsi que lamendement CE396 de M. Vincent Descoeur.

M. Thibault Bazin. Il faut imposer que les filiales, pour la réalisation d’ouvrages bénéficiant de financement public, respectent, pour la passation de ces marchés, les dispositions de l’ordonnance de 2015 relative aux marchés publics. Les ouvrages financés avec des fonds publics doivent rester dans le champ des règles transparentes de la commande publique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les organismes HLM ont pour obligation d’exercer un certain nombre d’activités concurrentielles exclusivement au sein de filiales, ce qui a pour but, d’une part, de préserver l’intégrité du SIEG, d’autre part, de s’assurer du respect du droit communautaire de la concurrence. En conséquence, il ne paraît pas opportun de soumettre au code des marchés publics des filiales qui n’ont pas besoin de l’être et qui sont en dehors du SIEG. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine lamendement CE2386 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Les règles de droit commun applicables aux groupes publics doivent s’appliquer de la même manière aux groupes d’organismes HLM.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette cet amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE426 de M. Thibault Bazin, CE1188 de Mme Valérie Lacroute et CE1761 de M. Stéphane Peu.

M. Thibault Bazin. Il est clairement demandé aux organismes par les locataires d’améliorer les services fournis et de répondre à de nouveaux besoins. L’objet de l’amendement est donc d’élargir la possibilité de déroger à la liste limitative des charges récupérables fixée de manière réglementaire, par accords collectifs locaux portant sur des services à la personne à caractère social d’intérêt direct pour les locataires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. La fourniture de tels services n’entre pas dans le SIEG des bailleurs sociaux.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Je suis un peu surpris. Nous avons déjà élargi à la question de la sécurité et du développement durable la possibilité d’aller par accord collectif au-delà de la liste des charges récupérables. Quand les besoins évoluent, il faut s’adapter, en sachant que les organismes HLM n’imposent rien aux locataires puisque c’est soumis à un accord collectif.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le problème des charges, c’est le « décret charges » qui est aujourd’hui complètement désuet. Je ne suis pas pour le mettre dans la loi mais nous allons ouvrir la revue de ce décret. C’est un sujet très compliqué et sensible, mais il faut le traiter. Cela prendra un peu de temps.

M. Stéphane Peu. Le décret charges date de 1982 et nous avons déjà introduit des éléments nouveaux. C’est un peu comme les valeurs cadastrales : je ne suis pas sûr que vous aurez assez du quinquennat pour revisiter le décret. En attendant, nous pourrions un peu élargir la possibilité de conclure des accords collectifs.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cela veut dire que, si nous ouvrons la revue du décret charges et qu’il y a un candidat En Marche en 2022, vous voterez pour lui ? (Sourires.)

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement CE2810 de la rapporteure et les amendements identiques CE568 de M. Pierre Cordier et CE2387 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. C’est un amendement de cohérence avec les dispositions votées à l’article 25 mais, ayant retiré mon amendement précédent, je retire également celui-ci.

Lamendement CE2810 est retiré.

Suivant lavis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission adopte les amendements CE568 et CE2387.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2543 et CE2206 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il nous paraît très important que les collectivités qui ont la compétence pour élaborer des programmes locaux de l’habitat (PLH) et sont donc détentrices de la stratégie de la politique de l’habitat dans le territoire, soient signataires des conventions d’utilité sociale (CUS), l’un des volets de cette stratégie.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La loi « Égalité et Citoyenneté » avait déjà modifié la liste des collectivités signataires des CUS. Ajouter les communes risque de rendre plus difficile le travail d’élaboration dans le cadre imposé par la loi, du fait de la multiplicité des acteurs. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

M. Stéphane Peu. Pourquoi « communes » ? Parce que les choses sont ainsi faites dans notre pays que les collectivités compétentes pour les PLH sont parfois les communes – de moins en moins, mais c’est encore le cas. Les collectivités compétentes pour définir et mettre en œuvre la stratégie de politique de l’habitat doivent être signataires de l’un de ses volets. C’est le PLH qui est la matrice.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1762 de M. Stéphane Peu et CE2099 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Stéphane Peu. Nous proposons de supprimer les alinéas 58 à 60 sur la vente de logements HLM.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2315 de M. François Pupponi et CE1706 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En cohérence avec la politique du « Logement d’abord », cet amendement vise à intégrer aux CUS de chaque organisme HLM la définition d’une stratégie partenariale entre l’organisme et les structures sociales de son territoire, dont le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), pour accompagner dans l’accès au logement et le maintien dans celui-ci les personnes sans abri ou sortant d’hébergement.

Je demande le retrait de l’amendement de M. Pupponi au profit du mien.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Favorable à l’amendement CE1706 et demande de retrait du CE2315.

Lamendement CE2315 est retiré.

La commission adopte lamendement CE1706.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement CE2103 de Mme Bénédicte Taurine.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE1763 de M. Stéphane Peu et CE2101 de M. François Ruffin.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à supprimer le recours aux ordonnances pour redéfinir la politique des loyers.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Elle est saisie de lamendement CE1852 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement garantit l’impact nul, pour les finances globales d’un organisme HLM, de la nouvelle politique des loyers qui pourra être mise en œuvre à titre expérimental.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette question relève du contenu de l’ordonnance elle-même. Il convient de noter que, dans le cadre défini par l’ordonnance, chaque organisme de logement social aura la liberté d’élaborer sa politique de loyers et d’en déterminer les conséquences sur ces finances. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. Le sens de la revue de la politique des loyers n’est pas de réaliser des économies ni de diminuer les subventions aux organismes HLM. Elle doit traiter les sujets que nous connaissons : est-il possible, pour accroître la mobilité à l’intérieur du parc social, de proposer à une personne visant dans un T4 un T3 à un loyer inférieur à ce qui lui aurait été proposé si elle avait choisi d’elle-même le T3, et inversement de pouvoir augmenter le loyer des nouveaux arrivants dans le T4 pour l’équilibre du bailleur social ? Un autre exemple, c’est le débat sur le supplément de loyer de solidarité (SLS) : si ça marchait, cela se saurait ! Il me semble plus intelligent de revoir la politique des loyers et de ne pas s’enfermer dans des dispositifs comme le SLS.

M. Stéphane Peu. Cela me conforte dans l’idée que l’on ne peut pas régler ce sujet par ordonnances. Concrètement, on va toucher à la question de la mixité sociale. Dans un parc HLM hétéroclite, de par son âge mais aussi sa situation géographique – proximité des transports, des centres-villes… –, on risque de renforcer la ghettoïsation. L’enfer est parfois pavé des meilleures intentions.

M. François Pupponi. L’attribution des logements et la fixation des loyers sont au cœur du sujet de la mixité sociale. C’est ainsi qu’est advenue la ghettoïsation, les bailleurs plaçant les locataires là où c’était le plus intéressant… On connaît le processus.

Le sujet aurait mérité de faire l’objet d’une loi, car c’est par cette seule voie que nous trouverons – ou non – une solution. Nous verrons ce que donnent les ordonnances, mais nous devons vraiment rester très attentifs au problème de l’attribution des logements et de la fixation des loyers.

Peut-être pourrions-nous avoir un jour un débat à ce propos ? Il faudrait que nous connaissions la philosophie du Gouvernement sur la question. Vos services, monsieur le ministre, ne poussent jamais jusqu’au bout le raisonnement, pour savoir comment baisser parallèlement les APL. Nous aurions tout de même besoin d’un peu plus d’information.

M. Thibault Bazin. Monsieur le ministre, vous admettez que la politique des loyers est un vrai sujet, qui réclame, du fait de sa complexité, une réflexion approfondie.

La brutalité des mesures prises l’été dernier sur les APL a enclenché un engrenage dont nous n’avons pas fini de voir les résultats. Pour épargner les locataires, bénéficiaires directs de l’APL, les bailleurs ont été priés de supporter l’augmentation.

Mais on a oublié que les loyers sont un élément pris en compte dans le montage des opérations. Si on veut que les bailleurs puissent produire des logements sociaux, ayons en tête que l’hypothèse du loyer est un élément essentiel de leur décision : si leur investissement n’est amorti qu’en 75 ans, la machine ne tournera plus…

Il faudra donc trouver un équilibre entre les aides à la personne et les aides à la pierre, de sorte que les personnes ayant besoin d’accéder à un logement social puissent le faire avec un niveau de loyer adéquat, mais que ce niveau de loyer permette aussi la réalisation des opérations.

Je serais heureux que vous puissiez nous donner les solutions de cette équation qui comporte plusieurs variables et plusieurs inconnues.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La question des loyers recouvre plusieurs sujets différents.

Premièrement, l’équation d’équilibre : les bailleurs la posent au moment de la construction, puis au moment du conventionnement. Pour l’instant, je n’ai pas prévu de modifier cet aspect. À terme, nous pourrions cependant nous interroger sur le fait qu’il n’est jamais envisagé de vendre une petite partie des logements pour faire diminuer le loyer des autres. Il nous faudra un jour en débattre, au vu de l’évolution de l’accession sociale, si elle n’augmente pas par rapport à aujourd’hui.

Deuxièmement, la question du financement des APL se pose. Pour moi, la revue de la politique des loyers n’est pas un sujet lié directement aux APL, même si vous avez raison de souligner, monsieur Pupponi, qu’un lien existe de facto. À mon sens, la réforme des APL passe par une mobilisation accrue des moyens sur le financement à la construction, pour éviter d’être dépendant des subventions une fois les logements réalisés.

Cela ne dépend ni de l’équation d’équilibre des loyers, ni de la revue des loyers, mais des capacités données en amont aux bailleurs pour se financer, ou des subventions qui leur sont allouées en aval. Voilà tout le travail que nous avons mené au cours des derniers mois, même s’il en a été peu question ici au cours des dernières soixante-douze heures : nous avons essayé de secouer le cocotier pour faire en sorte d’éviter que les bailleurs sociaux continuent de se financer dans des conditions beaucoup plus onéreuses que celles où opèrent tous ou presque tous leurs homologues dans l’Union européenne.

Troisièmement, comment la politique des loyers peut-elle laisser plus de liberté aux bailleurs sociaux ? La réponse à cette question influe sur la mixité sociale et sur le « peuplement », même si je déteste ce terme. La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté a récemment prévu que des modifications étaient possibles, mais dans la limite de la masse des loyers perçus. Après examen, je me suis convaincu de l’intérêt qu’un tel cadre ait été posé : c’est lui qui assure la mixité sociale dans la globalité de l’opération.

Reste la question fondamentale : comment donner plus de liberté aux bailleurs sociaux dans le cadre de la politique des loyers ? Tel sera le dernier point que l’ordonnance visera à traiter. Notre objectif était d’inscrire dans la loi les dispositions correspondantes, dès la première lecture. Ce ne sera cependant pas possible, vu le nombre de sujets que nous avons déjà eu à traiter avec les bailleurs.

Nous avons donc pour objectif d’aujourd’hui de les intégrer au projet de loi au cours de l’examen en première lecture au Sénat, ce qui nous laisse quelques semaines de plus. Nous pourrions ainsi en débattre ici au fond en deuxième lecture. Ce calendrier ne dépend cependant pas que de nous, mais aussi du débat que nous avons à ce sujet avec les bailleurs sociaux.

Si nous n’étions pas en mesure de le respecter, il faudrait cependant que nous puissions vous fournir, au cours de la séance publique, tout le cadre précis sous-jacent à cette habilitation, comme vous le demandez, monsieur Pupponi.

M. Serge Letchimy. Je salue, monsieur le ministre, votre sens de la pédagogie. Cependant la question de la définition des loyers n’est pas un débat technocratique, mais un débat tenant compte des réalités de la structure sociale.

Lorsque quatre millions de personnes sont mal logées, que leurs revenus sont faibles et que les inégalités sont très puissantes, vous êtes obligés de jouer tant sur les paramètres d’investissement dans la pierre que sur des régulations mettant en jeu les aides à la personne. Je suis bien placé pour dire qu’on a dû parfois inventer un surinvestissement à l’aide à la pierre pour diminuer les loyers des logements ainsi construits.

L’effort porte même parfois aussi sur la question du sol ou des voies et réseaux divers (VRD) : les collectivités s’impliquent ainsi dès le départ en faveur de loyers bas. C’est pourquoi je suis réservé sur le choix de légiférer par ordonnance. Certes, par honnêteté, au moment de la ratification de l’ordonnance envisagée, vous nous présenterez la mécanique de calcul retenue. Mais cela n’interviendra que postérieurement, de sorte que vous n’aurez pas permis le débat. Or, il est dangereux d’évacuer ainsi le débat.

M. François Pupponi. On pourrait tenir un jour une conférence sur le problème des loyers et de la mixité sociale. Car, si on laisse aux bailleurs la liberté d’augmenter les loyers un peu comme ils le veulent, ils ne le feront pas dans les QPV, où ils ne veulent pas risquer une vacance des logements, mais de préférence dans les quartiers les moins défavorisés, ce qui ne fera qu’aggraver la ghettoïsation.

Si nous ne mettons pas en place une stratégie, dans les QPV et ailleurs, comme nous avions commencé de le faire dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, nous allons à la catastrophe. Si nous libéralisons les loyers pour les bailleurs sociaux, nous savons ce qu’ils feront, en l’absence de cadre. Je pense que nous prenons tous un risque à prendre rapidement une telle décision par ordonnance, sans qu’il y ait eu de vraie concertation. Nous pourrions l’éviter en prenant un peu le temps de la discussion et du dialogue.

M. Stéphane Peu. Cette affaire, c’est de la nitroglycérine !

Notre seule porte d’entrée sur la question des loyers doit être la mixité sociale. La seule ! Or, je ne vois pas en quoi elle serait améliorée par l’habilitation à prendre une ordonnance.

Par rapport aux zonages antérieurs, les QPV présentent l’avantage de reposer sur ce critère objectif que représente le niveau des ressources des habitants. Il faudra, au moins, leur accorder un statut particulier dans l’application territoriale de cette politique.

Sur un sujet aussi majeur, il me semble en tout état de cause embêtant que nous recourions à une habilitation par ordonnance.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage vos préoccupations. Comme je le disais tout à l’heure, l’ordonnance vise précisément à traiter le point de la mixité sociale. Celle-ci se décline en termes de « peuplement », même si je récuse cette terminologie, et en termes de mobilité et de fluidité dans le parc. Notre deuxième objectif est ainsi d’améliorer la mobilité au sein du parc. Sans jamais remettre en cause le bail à vie, nous voulons rendre possible une rotation au sein du parc.

En outre, je suis persuadé que nous sommes capables de trouver une politique de loyers plus intelligente que celle du SLS, dont je redis que, si ça marchait, ça se saurait.

En résumé, nous poursuivons le double objectif de la mixité sociale et de la fluidité des parcours au sein du parc. Pour plus de clarté, nous pourrions le préciser expressément dans la loi d’habilitation, au cas où nous n’aurions pas eu le temps d’inscrire les dispositions concernées dans la loi elle-même.

La commission rejette lamendement CE1852.

Elle examine les amendements identiques CE1764 de M. Stéphane Peu et CE2100 de M. Loïc Prudhomme.

M. Stéphane Peu. Cet amendement propose de supprimer le recours aux ordonnances dans le domaine du développement de la vente.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1765 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à ne permettre un report de la mise en copropriété que dans les cas où le bailleur est fortement majoritaire. En dehors de cette hypothèse, rien ne justifie qu’il soit porté atteinte aux droits des autres copropriétaires tels qu’ils résultent de la loi du 10 juillet 1965.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2388 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit de taxes qui vont s’additionner dans le cadre de différentes cessions, fusions et acquisitions. Je voudrais en limiter les effets financiers pour les bailleurs.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE1713 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. L’objet du présent amendement est de revenir sur les dispositions relatives à la maîtrise d’œuvre pour les bailleurs sociaux. Il s’agit de dérogations à la loi MOP. Pour nous, cette loi assure la qualité des projets et opérations, sans entraver leur déroulement par des délais trop longs.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je ne reviendrai pas sur les débats que nous avons menés en examinant le titre I. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Je tiens à dire que cette mesure est très largement soutenue et défendue par les bailleurs sociaux.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette lamendement CE2335 de M. François Pupponi.

Elle examine les amendements identiques CE1190 de Mme Valérie Lacroute et CE1766 M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous voulons supprimer toute différenciation entre les familles, selon qu’elles habitent ou non des HLM ou des logements sociaux privés. Quelle serait d’ailleurs sa raison d’être ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est satisfait par les alinéas 89 à 91 de l’article 28, puisque l’ensemble des organismes HLM, publics ou privés, seront désormais exonérés du titre II de la loi MOP.

La commission rejette les amendements.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE448 de M. Vincent Descoeur et CE1494 de Mme Émilie Bonnivard.

Elle examine lamendement CE1717 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement vise à supprimer la possibilité offerte aux bailleurs sociaux de ne pas recourir au concours pour la passation des marchés de maîtrise d’œuvre.

J’imagine que le ministre va nous répondre que les bailleurs sociaux sont pourtant très favorables à cette mesure. C’est bien normal. Pour nous, cependant, cette liberté supplémentaire qui leur est accordée est synonyme de potentielles difficultés dans la suite de l’exploitation de ces bâtiments.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce sujet est extrêmement important. Plusieurs manifestations ont d’ailleurs eu lieu aujourd’hui pour se faire entendre sur ce point.

Aujourd’hui, les bailleurs doivent faire appel, quand ils construisent, à un architecte. Ils restent soumis à cette obligation : en aucun cas, la loi ne remet en cause le rôle de l’architecte. Soyons bien clairs sur ce point, au moment où certains voudraient orienter le débat sur la qualité ou sur la beauté du bâti, en sous-entendant que les architectes seraient exclus par la loi : c’est totalement faux ! Les bailleurs sociaux restent soumis à l’obligation d’avoir recours à un architecte. Ce métier est un métier essentiel, qui permet de réaliser des ouvrages de bonne qualité, en termes de cadre de vie notamment.

Deuxièmement, les bailleurs sociaux sont soumis au code, ou, plus précisément, aux ordonnances des marchés publics, modifiées pour la dernière fois en 2015 et 2016. Troisièmement, les bailleurs sociaux sont soumis au titre II de la loi MOP, qui rigidifie le cadre entre le maître d’ouvrage, à savoir le bailleur, le maître d’œuvre, à savoir l’architecte ou les bureaux d’études, et l’entreprise qui réalise les travaux.

Le titre II de la loi MOP indique précisément comment chacun doit intervenir, en figeant cette relation à trois, alors que, dans d’autres cas, l’opération peut être nouée directement avec l’entreprise : la responsabilité du maître d’œuvre est alors déportée, de manière contractuelle, vers l’entreprise.

Nous pensons qu’il faut donner aux bailleurs sociaux la liberté de pouvoir agir comme certains le font dans d’autres secteurs, en choisissant soit ce type de relations à trois, soit un autre type. Ils ne seraient alors plus cadenassés dans cette relation. C’est important car le bailleur social doit être un bailleur de proximité.

Or, nous voyons aujourd’hui une explosion des VEFA. Les dispositions actuelles n’en sont pas la seule raison, mais il est certain qu’il est plus aisé pour un bailleur social d’acheter en VEFA que de passer par tout le processus que j’évoquais, dont la loi MOP est l’un des éléments.

Nous voulons donc donner plus de liberté aux bailleurs sociaux, sans remettre en cause d’aucune manière le rôle des architectes, mais en cessant de rigidifier la relation entre le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et l’entreprise, comme le faisait la loi MOP jusqu’à présent.

M. Jean-Luc Lagleize. Nous avons tout simplement deux lectures différentes du projet de loi que vous avez écrit. Nous y avons lu que les bailleurs sociaux sont exonérés du titre II de la loi MOP. Les architectes en ont fait la même lecture et n’ont pas eu la chance de pouvoir le dire directement : vous auriez éventuellement pu les rassurer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ai reçu vendredi dernier, pendant deux heures, le président de l’ordre des architectes.

Si nous prévoyons une dérogation à la loi MOP, c’est que seuls les bailleurs sociaux y sont soumis : les constructeurs privés ne sont pas dans ce cas. Chaque année, nous comptons en France un peu moins de 500 000 constructions, dont 120 000 logements sociaux. Environ 40 % de ces derniers sont réalisés en VEFA. Il y a donc un peu plus de 70 000 constructions qui sont réalisées aujourd’hui directement par les bailleurs sociaux dans le cadre de la loi MOP. Ne disons pas que les 430 000 autres constructions sont faites de manière affreuse, sans architecte et qu’elles n’offrent qu’une piètre qualité de cadre de vie : ce n’est pas vrai.

Le rôle de l’architecte perdure, mais les relations entre les acteurs cessent, grâce à ces dispositions, d’être rigides.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE907 de M. Emmanuel Maquet.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à circonscrire aux zones qui ne sont pas classées cette dérogation possible aux concours d’architecture.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE403 de M. Vincent Descoeur et CE2336 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements.

Elle adopte larticle 28 modifié.

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Article 28 bis (nouveau)
(article L. 215-1 du code de la construction et de lhabitation)
Compétences des sociétés anonymes coopératives dintérêt collectif
pour laccession à la propriété (SACICAP)

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de votre rapporteure et de M. Pupponi.

Cet article vise à supprimer le caractère subsidiaire des compétences des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP) en matière d’aménagement et de prestations de services liées à l’habitat.

La distinction, faite par l’article L. 215-1 du CCH, entre l’objet exercé à titre principal, l’accession sociale à la propriété, et celui exercé à titre subsidiaire, les missions d’aménagement et les missions sociales, n’a plus lieu d’être. L’État a en effet engagé les SACICAP depuis plus de 10 ans à développer de façon significative des missions sociales dans le cadre de conventions pluriannuelles d’engagement, notamment en accompagnement du programme « Habiter Mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). La convention 2018-2022 renforce davantage encore cette orientation structurelle.

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La commission examine l’amendement CE959 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Thibault Bazin. Les immeubles à loyer modéré doivent, dans le principe, être les garants de la mixité sociale en intégrant différentes catégories de population. Or les agissements de certains occupants portent atteinte à la sécurité et à la tranquillité des résidents, qui sont tentés de trouver à se loger ailleurs. Il convient dès lors de fournir aux bailleurs sociaux les outils législatifs leur permettant de prévenir les troubles de voisinage et autres troubles de jouissance.

Cet amendement vise ainsi à permettre aux organismes de logements à loyer modéré d’installer de la vidéoprotection dans les parties communes des immeubles sociaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette mesure me semble contraire au respect de la vie privée. La vidéosurveillance doit avant tout être utilisée dans l’espace public, sous le contrôle des pouvoirs publics. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également. Les organismes HLM peuvent déjà mettre en place des systèmes de vidéosurveillance, ainsi que le prévoient les articles L. 411-1 et L. 421-1 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, qui leur fait obligation d’assurer le gardiennage et la surveillance des bâtiments. Je vous propose donc de vérifier si ces articles répondent à votre demande.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’examen de l’amendement CE960 de M. JeanCarles Grelier.

M. Robin Reda. Cet amendement donne aux bailleurs sociaux le pouvoir d’accorder à la police ou à la gendarmerie nationale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes des immeubles HLM. Il s’agit de garantir la tranquillité des habitants dans ces parties communes.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette proposition me semble contraire au droit de propriété, au respect de la vie privée et à la nécessité pour les forces de l’ordre d’agir avec un mandat de perquisition. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. J’étais pour ma part favorable à l’amendement qui vient d’être retiré, car il n’y a aucune raison que ce qui existe pour le privé ne soit pas possible dans le secteur HLM, sachant qu’on peut, si on le veut, subordonner l’installation des caméras à un vote majoritaire des locataires de la résidence.

Quant au présent amendement, j’y suis également très favorable, car les organismes HLM sont actuellement obligés de renouveler tous les six mois leur autorisation aux forces de l’ordre pour qu’elles puissent intervenir dans les parkings et les parties communes.

Il n’y a aucune atteinte à la vie privée dans la mesure proposée, puisqu’il ne s’agit pas pour les forces de l’ordre d’intervenir dans les espaces privés que sont les appartements, mais dans les espaces communs ou publics, où il serait souhaitable qu’elles puissent intervenir sans avoir besoin d’être réquisitionnées.

M. François Pupponi. Les caméras sont indispensables, mais encore faut-il que cela soit juridiquement possible. Quant à l’autorisation permanente, c’est une nécessité. Lorsqu’il faut débarrasser une épave, par exemple, on doit écrire à la police pour qu’elle vienne la chercher ; si, le lendemain, une autre épave doit être enlevée, il faut lui réécrire une fois de plus…

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’article L. 126-1 du code de la construction de l’habitation dispose que : « Les propriétaires et exploitants d’immeubles à usage d’habitation et leurs représentants peuvent accorder à la police et la gendarmerie nationale, ainsi, le cas échéant, qu’à la police municipale, une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles. »

M. Stéphane Peu. Les procureurs nous demandent en tout cas de renouveler ces autorisations tous les six mois.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je propose que l’amendement soit retiré, tandis que nous vérifierons la portée exacte de l’article L. 126-1.

M. Robin Reda. Je comprends que, pour des questions de forme, cet amendement ait reçu un avis défavorable mais, au regard de la tranquillité des habitants, j’ai le sentiment que les arguments de la rapporteure sont un peu légers. Nous allons néanmoins procéder aux vérifications que vous indiquez, monsieur le secrétaire d’État, et je retire mon amendement.

L’amendement CE960 est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE2811 de la rapporteure et CE2395 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer le caractère subsidiaire des compétences des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP) en matière d’aménagement lié à l’habitat.

La distinction entre l’objet exercé à titre principal, l’accession sociale, et celui exercé à titre subsidiaire, les missions sociales, n’a plus lieu d’être. L’État a en effet engagé les SACICAP depuis plus de dix ans à développer de façon significative des missions sociales dans le cadre de conventions pluriannuelles d’engagement, notamment en accompagnement du programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). La convention 2018-2022 renforce davantage encore cette orientation structurelle.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Article 28 ter (nouveau)
(article L. 215-1-1 du code de la construction et de lhabitation)
Participation des SACICAP dans des sociétés de tiers-financement

Cet article additionnel, adopté à l’initiative de votre rapporteure et de M. Pupponi, vise à faciliter la participation des SACICAP dans d’autres sociétés, dont des sociétés de tiers-financement.

Conformément aux dispositions de l’article L. 215-1-1 du CCH, les SACICAP réalisent leur objet soit directement, soit à travers des filiales. Or, les règles spécifiques aux SACICAP précisent que les participations des SACICAP dans des sociétés doivent être supérieures au tiers du capital de ladite société.

Cette disposition a freiné les activités de tiers financement pourtant encouragées par le législateur dans la perspective de développer la rénovation énergétique de l’habitat privé. Les sociétés de tiers financement proposent une offre de rénovation énergétique qui inclut le financement de lopération et un suivi post-travaux, de telle sorte que le propriétaire na rien à financer car les économies dénergies futures remboursent progressivement tout ou partie de linvestissement. Cet article supprime donc cet obstacle et intègre les sociétés de tiers financement dans les exceptions à la règle de la participation minimale au capital qui s’appliquent déjà aux participations dans des sociétés HLM, des SEM de construction et de gestion de logements sociaux et dans d’autres SACICAP.

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La commission examine les amendements identiques CE2812 de la rapporteure et CE2396 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à faciliter la participation des SACICAP dans d’autres sociétés, dont des sociétés de tiers‑financement.

Les règles spécifiques aux SACICAP précisent que les participations des SACICAP dans des sociétés doivent être supérieures au tiers du capital de ladite société. Cette disposition a freiné les activités de tiers financement encouragées par le législateur dans la perspective de développer la rénovation énergétique de l’habitat privé, notamment en intégrant les économies d’énergie générées et garanties dans le cadre d’un contrat de performance énergétique (CPE) pour juger de la solvabilité des ménages emprunteurs.

L’amendement vise à supprimer cet obstacle et à intégrer les sociétés de tiers financement dans les exceptions qui s’appliquent déjà aux sociétés HLM, aux sociétés de construction et de gestion de logements sociaux et aux autres SACICAP.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il y a en effet une différence de traitement entre les sociétés HLM et les SACICAP, qui se justifie par la taille de ses dernières. Je comprends le sens de votre amendement mais j’émets un avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

Article 28 quater (nouveau)
(article L. 215-4 du code de la construction et de lhabitation)
Participation de lUnion déconomie sociale pour laccession à la propriété (UES-Procivis) à la gouvernance des SACICAP

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de votre rapporteure et de M. Pupponi.

Il vise à permettre à l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété (UES-Procivis), organe fédéral du réseau des SACICAP, de participer à la gouvernance des SACICAP, afin de mieux structurer ce réseau de 53 sociétés, qui est devenu un acteur majeur du financement de la rénovation énergétique des logements

Les dispositions de l’article L. 215-4 du CCH permettent aujourd’hui aux SACICAP ou leurs filiales d’être actionnaires d’autres SACICAP, mais dans un collège dont les droits de vote sont limités à 20 %. Afin de permettre à l’UES‑Procivis d’intervenir dans la gouvernance des SACICAP, cet article autorise le collège composé par une entité contrôlée par une ou plusieurs SACICAP à détenir 50 % des droits de vote.

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La commission examine ensuite les amendements identiques CE2813 de la rapporteure et CE2397 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à permettre à l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété (UES-PROCIVIS) de participer à la gouvernance des SACICAP, afin de mieux structurer ce réseau.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Article 28 quinquies (nouveau)
(article L. 215-7 du code de la construction et de lhabitation)
Renforcement des prérogatives de lUnion déconomie sociale pour laccession à la propriété (UES-Procivis)

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de votre rapporteure et de M. Pupponi.

Dans la continuité de l’article précédent, cet article vise à renforcer les prérogatives de l’UES-Procivis dans le pilotage du réseau des SACICAP. L’article L. 215-7 du CCH dispose aujourd’hui que l’UES-Procivis représente les intérêts communs des SACICAP et passe, pour cela, des conventions avec l’État. Sa capacité à contrôler les actions des SACICAP est toutefois limitée.

Par conséquent, cet article prévoit que l’UES-Procivis soit dotée d’une capacité d’intervention préventive et corrective qui devra être définie dans son règlement intérieur. Ces prérogatives doivent permettre le respect par toutes les SACICAP des engagements conventionnels de l’UES-Procivis avec l’État et les organismes publics et para-publics.

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La commission examine les amendements identiques CE2814 de la rapporteure et CE2398 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement, dans la continuité du précédent, vise à renforcer les prérogatives de l’UES-PROCIVIS dans le pilotage du réseau des SACICAP.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE2393 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet d’élargir les compétences des organismes HLM à la production d’énergie pour leurs locataires. Or cette compétence me semble très éloignée du cœur de métier des organismes HLM, qui est avant tout de construire et de gérer des logements locatifs sociaux, pas de produire et de fournir de l’énergie. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.

M. Stéphane Peu. Il serait bon de demander son avis à M. Hulot d’ici la séance ! Dans la mesure où de plus en plus de panneaux photovoltaïques sont installés sur les toits, donner cette possibilité aux organismes HLM simplifierait les choses et accélérerait la transition énergétique.

M. François Pupponi. Lorsque des panneaux photovoltaïques ont été installés, les bailleurs produisent de l’électricité, puisque c’est eux qui ont acheté ces panneaux. Souvent, ils vendent cette électricité aux locataires et à EDF ; en auront-ils encore le droit demain ?

M. Stéphane Peu. Aujourd’hui, un bailleur vend des certificats d’énergie à EDF. Grâce à cette mesure, plutôt que de vendre ces certificats et d’en déléguer la gestion, il en aurait la gestion directe, ce qui lui permettrait de répercuter sur les locataires les économies réalisées. Cela éviterait également que le produit des certificats d’énergie aille se fondre dans les recettes globales de l’organisme au lieu de bénéficier directement aux locataires. Ce serait donc vertueux et pour les organismes et pour le pouvoir d’achat des locataires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Au vu de ces arguments, je propose que l’amendement soit retiré et que nous demandions une expertise sur la question.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je plaide également en ce sens.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE2382 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le présent amendement complète l’objet social des filiales de logements intermédiaires afin de leur permettre non seulement de construire, acquérir et gérer ces logements mais également de les vendre.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est satisfait. Le droit de propriété qui est donné à ces filiales inclut le droit de vendre, sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi. J’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE1194 de Mme Valérie Lacroute et CE1767 de M. Stéphane Peu.

M. Robin Reda. Des directeurs généraux d’offices vont être amenés, en plus de leurs fonctions à la tête des offices, à exercer de nouvelles fonctions au sein des sociétés anonymes de coordination (SAC).

L’amendement propose donc que les exceptions prévues par la loi portant droits et obligations des fonctionnaires ne s’applique pas, afin de permettre le cumul d’emplois et le cumul de rémunérations.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le statut général de la fonction publique interdit à tout agent public d’exercer, à titre professionnel, une autre activité privée lucrative. La loi ALUR a assoupli la réglementation, en permettant au directeur général d’un office public de l’habitat (OPH) de cumuler sa fonction avec une autre fonction de direction, à la condition qu’elle soit exercée à titre accessoire et gratuitement, ce qu’a confirmé la jurisprudence. Il ne me semble donc pas opportun d’aller plus loin dans les dérogations et d’encourager les situations de cumul. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable au principe de cet amendement, mais je vous en suggère le retrait pour étudier les cas où le directeur général de l’office ou de la société devient président ou directeur de la SAC, cas dans lesquels la demande que vous faites est légitime.

M. Robin Reda. Je retire mon amendement mais demande que l’on prenne bien en compte le supplément de travail que vont créer ces SAC.

Les amendements sont retirés.

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Article 28 sexies (nouveau)
(article L. 422-3-2 du code de la construction et de lhabitation)
Application de la procédure de révision coopérative aux sociétés anonymes coopératives dintérêt collectif dHLM

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de M. Peu.

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire rappelle que les coopératives HLM sont soumises à la révision coopérative, qui est un audit de gouvernance propre au mouvement coopératif. Ce faisant, la rédaction du VI de l’article 25 de cette loi est incomplète car elle ne vise explicitement qu’une seule forme de coopérative HLM (les sociétés anonymes coopératives de production HLM) et pas les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif d’HLM.

Cet article vise donc à réparer cette erreur en appliquant les mêmes règles à toutes les catégories de coopératives HLM.

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La commission est saisie de l’amendement CE1831 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nul n’étant parfait, la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, votée par la précédente majorité, comporte quelques lacunes, s’agissant notamment des coopératives HLM, puisqu’elle prévoit que la procédure de révision s’applique aux sociétés anonymes coopératives de production (SCP) d’HLM mais pas aux sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Cet amendement a pour objet de réparer cette erreur.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE2343 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement ainsi que ceux qui suivent ont pour objet d’aligner le régime juridique des organismes privés d’HLM sur celui des OPH.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les OPH ont un statut d’établissement public, qui justifie que certaines règles spécifiques en matière d’exécution financière s’appliquent. Je suis donc défavorable à cet amendement comme à ceux qui vont suivre.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. L’objectif de cet amendement est de faire en sorte que les organismes privés d’HLM puissent verser des avances et conditionner ces versements dans les clauses financières des marchés publics. Cela est déjà possible, et je considère donc cet amendement comme satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE1830 de M. Stéphane Peu et CE2394 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. La loi ALUR autorise les ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA) « inversées », c’est-à-dire que les HLM ne sont pas les acheteurs mais les vendeurs, et que ce sont les opérateurs privés qui achètent. D’ailleurs, la qualité du produit est souvent meilleure quand la VEFA est inversée.

Or il se trouve que ce mécanisme, destiné essentiellement aux territoires en zone tendue ne rencontre pas un grand succès. Il est donc proposé d’augmenter de 30 % à 50 % la proportion de logements pouvant être cédés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ce dispositif n’a en effet été utilisé qu’une seule fois à Paris. Si le taux de 30 % de cessions autorisées avait été retenu, c’est parce qu’il convenait mieux à une phase d’expérimentation. Le porter à 50 % créerait inévitablement une confusion fâcheuse avec le service d’intérêt économique général (SIEG). Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je constate comme M. Peu que le système est bloqué, sans être en mesure d’expliquer où se situe le verrou. Si votre expérience vous fait dire qu’il s’agit de ce taux de 30 %, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Stéphane Peu. Je ferai d’abord observer que la VEFA traditionnelle, « à l’endroit », n’est assortie d’aucun quota, ce qui d’ailleurs est un problème car elle peut du coup être utilisée pour contourner les marchés publics – mais ce n’est pas le sujet de l’amendement.

Pour la VEFA inversée, les quotas ne se justifient pas, car c’est avant tout un outil qui a été conçu comme un outil de mixité sociale, et ce n’est pas à Paris mais plutôt dans des territoires comme les nôtres qu’elle doit être utilisée, c’est-à-dire là où les promoteurs ne viennent pas spontanément, car ils ne veulent pas prendre de risques. La VEFA inversée leur permet de prendre leur part limitée de ce risque, quitte à envisager un mécanisme de donnant-donnant, sur un autre foncier. Je pense donc que c’est une idée qu’il ne faut pas abandonner.

M. Jean-Luc Lagleize. Cette disposition de la loi ALUR est déjà considérée par les promoteurs privés comme un chiffon rouge, car ils y voient une forme de concurrence déloyale. Je pense donc qu’il vaut mieux attendre d’avoir pu évaluer les résultats de cette expérience avant d’augmenter les taux et de transformer ce chiffon rouge en chiffon cramoisi.

M. Stéphane Peu. Excusez-moi d’insister, mais j’ai du mal à me réfréner lorsqu’il est question de mixité sociale. Si un promoteur refuse de s’installer dans tel ou tel quartier parce qu’il ne le considère pas encore assez sûr pour y faire de l’accession à la propriété, il faut lui permettre de s’y engager sans risque démesuré. La VEFA inversée le permet, puisque c’est l’organisme HLM qui se retrouve en première ligne, car il est souvent propriétaire du foncier, et qu’il peut vendre à des promoteurs privés et amorcer ainsi la pompe de l’accession à la propriété et de la mixité sociale.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CE1746 de M. Stéphane Peu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de cet amendement est de supprimer les conventions d’utilité sociale (CUS). Or les CUS sont des documents utiles pour permettre à l’État et aux collectivités territoriales de dialoguer avec les bailleurs sociaux et de vérifier leurs engagements en matière de service rendu aux locataires, de concertation locative ou de réhabilitation de leur parc. Elles ne concernent pas que les ventes de logements sociaux. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. François Pupponi. Je ne sais pas qui lit les CUS… Ce sont des documents purement formels, qui sont envoyés dans les préfectures, au sein desquelles personne ne s’en occupe ! Elles ne présentent donc aucun intérêt dans la quasi-totalité des cas, et il est temps de revoir les mécanismes régissant les engagements des bailleurs.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je tiens à ce que l’on conserve les CUS car, au moment où vont s’opérer les regroupements, il est important de faire entendre que les documents qui font foi sont les plans stratégiques de patrimoine (PSP) et les CUS.

M. Stéphane Peu. Il faut prendre conscience de la perte d’énergie que génèrent ces CUS, pour lesquelles on peut passer des mois entiers en allers-retours avec des services de l’État, souvent exsangues, y compris dans de gros départements comme la Seine-Saint-Denis, sixième département de France par le nombre d’habitants. La dernière personne qui s’occupait des expropriations à la préfecture arrivait du service des cartes grises, c’est vous dire le niveau de compétences qui pouvait être le sien en matière d’expropriation…

Je pense donc qu’on pourrait éviter de perdre ainsi un temps fou à discuter avec des gens qui ne sont pas en mesure d’évaluer correctement les choses autrement qu’en appliquant mécaniquement des instructions, tout ça pour produire des textes qui ne servent à rien.

La commission rejette l’amendement.

Article 28 septies (nouveau)
(article 60 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics)
Insertion de clauses de paiement différé dans les marchés des OPH

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de M. Pupponi. Il vise à autoriser les OPH à insérer des clauses de paiement différé dans leurs marchés publics, par dérogation aux règles applicables à tous les établissements publics des collectivités territoriales.

Si les sociétés anonymes HLM (ESH) et les coopératives HLM sont libres d’insérer des clauses de paiement différé dans leurs marchés afin d’adapter au mieux leur trésorerie à leur projet, l’ordonnance du 23 juillet 2015 soumet, en effet, les offices publics de l’habitat (OPH), en leur qualité d’établissements publics locaux, au même régime financier que leurs collectivités territoriales de rattachement.

Or, une telle disposition constitue un retour en arrière dans la mesure où la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (dite loi « Warsmann ») avait unifié le régime juridique des marchés publics des organismes HLM. Par ailleurs, cette disposition méconnait les spécificités des OPH, qui sont des opérateurs économiques à part entière, dont la mission première est de construire et de gérer des logements. Cet article vise donc à aligner le régime juridique des marchés des OPH sur celui des organismes privés d’HLM.

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La commission est saisie des amendements CE2347, CE2348 et CE2349 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Dans le prolongement de l’amendement CE2343, il s’agit d’aligner les règles auxquelles sont soumis les OPH sur celles applicables aux offices privés de HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable au premier, défavorable aux deux autres.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable aux trois amendements.

La commission adopte l’amendement CE2347.

Puis elle rejette successivement les amendements CE2348 et CE2349.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE2311 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il est proposé, par cet amendement, que les notaires puissent proposer aux bailleurs des tarifs d’actes de vente négociés et non en fonction d’un barème unique, comme c’est le cas aujourd’hui. Cet amendement, qui rejoint le souhait qu’avait eu un célèbre ex-ministre de déréglementer cette profession, devrait en contenter plus d’un parmi nous.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le présent projet de loi n’a pas pour objet de revenir sur la loi Macron, sur laquelle l’Assemblée nationale a d’ailleurs lancé une mission d’évaluation. Nous verrons, à l’issue de ce travail, si des modifications doivent être apportées.

Au demeurant, la tarification des notaires est un sujet en soi, qui n’a pas sa place dans ce projet de loi. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il s’agit d’un sujet complexe, sur lequel j’ai travaillé aux côtés du ministre que vous évoquez, et que l’on peut difficilement aborder par le biais d’un amendement. Il est préférable d’attendre le projet de loi sur la justice, que vous examinerez bientôt, ainsi que l’évaluation dont parlait la rapporteure.

M. le président Roland Lescure. Je confirme que l’évaluation de la loi Macron a été lancée.

M. Thibault Bazin. Ma question est plutôt d’ordre philosophique : est-ce que tout ce qu’a touché ou fait l’ex-ministre Emmanuel Macron est gravé dans le marbre et devra être respecté jusqu’à la fin de la législature, ou pourra-t-on s’autoriser à réévaluer certaines mesures qui s’avèrent porteuses d’externalités négatives ?

M. le président Roland Lescure. Sans vouloir me lancer des fleurs, l’idée d’évaluer la loi Macron trois ans après sa mise en œuvre vient de votre serviteur. C’est une mission dans laquelle sont investies quatre commissions et dont nous devrions avoir les résultats à l’automne. Nul doute qu’elle aura des conséquences sur notre travail.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Peut-être ne l’avez-vous pas noté, monsieur Bazin, mais lorsque nous avons traité, à l’article 24, des actions de démolition, nous avons modifié des dispositions de ladite loi.

M. François Pupponi. Si j’insiste pour accélérer la mise en œuvre de cette mesure, c’est qu’un nombre d’actes très important vont être signés dans les mois à venir et que cela permettrait aux bailleurs d’économiser une partie des frais de notaires.

M. le président Roland Lescure. N’hésitez pas à en parler à notre collègue Cécile Untermaier, rapporteure de cette mission d’évaluation pour la commission des lois et membre de votre groupe. Nous pourrons également aborder le sujet lors de l’examen du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit projet de loi « PACTE ».

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE1768 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il s’agit d’autoriser les directeurs d’offices à déléguer leurs pouvoirs et leur signature, pour fluidifier le système.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Compte tenu de ce qu’a dit M. le secrétaire d’État sur les missions des directeurs d’OPH et la question du cumul, je suggère le retrait de cet amendement.

L’amendement est retiré.

Article 29
(articles L. 31-10-3, L. 411-3, L. 411-4, L. 422-4, L. 443-7, L. 443-7-1 [abrogé], L. 443-8, L. 4439, L. 44310, L. 44311, L. 44312, L. 443121, L. 44313, L. 44314, L. 443141, L. 443142 [nouveau], L. 4431511 [nouveau], L. 443152, L. 4431521, L. 4431522, L. 4431523, L. 443153 et L. 443157 du code de la construction et de lhabitation
et L. 2131 du code de lurbanisme)
Modification du cadre juridique de la vente de logements sociaux

1.   L’état du droit

La possibilité pour les bailleurs sociaux de vendre leurs logements a été introduite en 1965. Depuis cette date, le processus de vente est toutefois très encadré et ce pour plusieurs motifs :

– le financement de ces logements ayant été aidé par des fonds publics, l’autorisation de l’État et l’avis de la commune, ainsi que celui des autres collectivités publiques qui ont accordé un financement ou leur garantie aux emprunts contractés pour la construction de ces logements, sont systématiquement requis ;

– la vente de logements sociaux étant avant tout pensée comme un outil en faveur de la mixité sociale et de l’accession sociale à la propriété, les personnes pouvant bénéficier de ces ventes sont listées par la loi, selon un ordre de priorité ;

– les acquéreurs de ces logements étant majoritairement des ménages modestes, la loi prévoit des garde-fous quant à la qualité des logements vendus et des dispositions particulières quant au fonctionnement des copropriétés ainsi créées pour prévenir le développement de copropriétés dégradées.

a. La procédure de vente

L’article L. 443-7 du CCH dispose que seuls les logements sociaux construits ou acquis depuis plus de dix ans par un organisme HLM peuvent être vendus. Toute vente nécessite une autorisation du préfet de département. Après avoir reçu la décision de mise en vente, celui-ci consulte, pour avis, la commune d’implantation ainsi que les collectivités publiques qui ont accordé un financement ou leur garantie aux emprunts contractés pour la construction, l’acquisition ou l’amélioration des logements. Le deuxième alinéa de l’article précité précise que la vente ne doit pas avoir pour effet de « réduire de manière excessive » le parc de logements locatifs sociaux existant sur le territoire de la commune ou de l’agglomération concernée.

En cas de désaccord entre la commune et le préfet de département, la décision de mise en vente est transmise au ministre chargé du logement, qui dispose d’un délai de six mois pour se prononcer. Le silence du ministre à l’issue de ce délai vaut autorisation. L’autorisation de mise en vente est valable pendant cinq ans, mais ce délai peut être prorogé par l’autorité ayant accordé l’autorisation.

En outre, dans les métropoles de droit commun et dans la métropole de Lyon, la compétence du préfet de département en matière d’autorisation de mise en vente peut être déléguée au président du conseil de la métropole, si celle-ci dispose d’un programme local de l’habitat (PLH) exécutoire. Dans ce cas, le président du conseil de la métropole peut avoir le dernier mot, contre l’avis de la commune d’implantation, sans avoir besoin de transmettre la décision de mise en vente au ministre chargé du logement.

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 443-7 du CCH précise que le comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) est saisi chaque année d’un rapport du préfet de département ou du président du conseil de la métropole portant sur les ventes de logements sociaux et sur le réinvestissement des fonds issus de ces ventes.

b. Les publics éligibles à lacquisition de logements sociaux

Les personnes pouvant acquérir un logement social sont strictement définies à l’article L. 443-11 du CCH. Celui-ci distingue deux situations, selon que le logement est occupé ou vacant.

Lorsque le logement est occupé, celui-ci ne peut être vendu quà son locataire, qui peut toutefois demander que logement soit vendu à son conjoint, à ses ascendants ou à ses descendants, si ces derniers disposent de ressources inférieures aux plafonds normalement applicables.

Lorsque le logement est vacant, celui-ci est offert en priorité à l’ensemble des locataires de logements appartenant au même organisme HLM dans le département, ainsi qu’aux gardiens d’immeuble que l’organisme emploie. À défaut d’acquéreur prioritaire, le logement peut être offert à toute autre personne physique, ou à une collectivité territoriale qui s’engage à mettre ce logement à la disposition de personnes défavorisées. Le sixième alinéa de l’article L. 443- 11 du CCH précise qu’une même personne physique ne peut se porter acquéreur que d’un seul logement appartenant à un organisme HLM ou à une SEM agréée.

En outre, que les logements soient occupés ou vacants, ils peuvent être vendus à un autre organisme HLM, à une SEM agréée, à un organisme bénéficiant de l’agrément au titre de la maîtrise d’ouvrage d’insertion (MOI) ou à un organisme de foncier solidaire (OFS). Si les logements sont occupés, les locataires en place continuent à bénéficier des conditions antérieures de location.

c. Les conditions de mise en vente

L’article L. 443-7 soumet l’autorisation de mise en vente de tout logement social, à l’exception des ventes entre bailleurs sociaux, au respect de trois critères relatifs à la qualité du logement vendu :

– le logement et l’immeuble dans lequel il se situe doivent être suffisamment entretenus ;

– le logement doit répondre à des normes d’habitabilité minimale fixées par décret en Conseil d’État ;

– le logement doit répondre à des normes de performance énergétique minimale fixées par décret. Le décret n° 2014-1648 du 26 décembre 2014 a précisé, à ce titre, que la vente de logements sociaux relevant des catégories F et G du diagnostic de performance énergétique (DPE) est interdite.

Par ailleurs, afin de prévenir la création de copropriétés dégradées, l’article L. 443-7 dispose que l’organisme HLM vendeur doit indiquer à l’acquéreur, préalablement à la vente, le montant des charges locatives et de copropriété des deux dernières années, ainsi que la liste des travaux d’amélioration des parties communes qu’il serait souhaitable d’entreprendre, accompagnée d’une évaluation de leurs coûts.

Enfin, l’article 443-9 prévoit que, si le logement mis en vente fait l’objet d’une convention de réservation au profit d’une personne morale (collectivité territoriale, Action Logement etc.), un logement équivalent doit être mis à la disposition du réservataire au moment de la vente.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 29 du présent projet de loi vise à développer la vente de logements sociaux grâce à la création de nouveaux outils et à la simplification du cadre juridique précédemment décrit. Cette simplification doit permettre d’accroître le nombre de ventes afin d’atteindre à moyen terme l’objectif fixé par le Gouvernement de 40 000 ventes annuelles, soit 1 % du parc de logements sociaux existants. En 2016, seuls 8 810 logements sociaux ont été vendus. Le développement des ventes doit permettre aux bailleurs sociaux de dégager de nouvelles ressources financières. D’après différentes études du ministère de l’économie et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), la vente d’un logement social permettrait la construction de deux à trois logements sociaux et la vente d’au moins 32 000 logements par an dégagerait la somme de 2 milliards d’euros, en faveur de nouveaux investissements.

a.   La création des sociétés de ventes dhabitations à loyer modéré

Les alinéas 7 à 13 du présent article créent une nouvelle catégorie d’organisme HLM : les sociétés de ventes d’habitations à loyer modéré. Ces sociétés sont des sociétés anonymes ou des sociétés anonymes coopératives, qui doivent être agréées par décision administrative selon les mêmes modalités que les sociétés anonymes d’HLM. Elles ont pour seul objet l’acquisition de logements appartenant à des bailleurs sociaux, en vue de leur revente aux publics éligibles définis par la loi.

L’alinéa 12 précise que ces sociétés ne pourront être créées que par des organismes HLM, des SEM agréées et par la société Action Logement Immobilier.

Cet outil doit être un facilitateur de ventes, au service de l’ensemble du secteur HLM. Une telle société peut, en effet, présenter l’intérêt de développer une véritable expertise sur les stratégies de vente, tout en procurant rapidement des liquidités aux organismes HLM vendeurs.

Elle n’a toutefois pas vocation à gérer les logements sociaux ainsi acquis, l’alinéa 11 précisant que les logements sociaux que ces sociétés détiennent continuent d’être gérés par des bailleurs sociaux jusqu’à leur revente aux acquéreurs éligibles.

b.   La simplification de la procédure dautorisation

Les alinéas 14 à 30 procèdent à une réécriture de l’article L. 443-7 du CCH afin de simplifier la procédure d’autorisation des ventes de logements sociaux, qui peut se révéler aujourd’hui très contraignante.

L’alinéa 19 prévoit ainsi que la convention d’utilité sociale (CUS), signée tous les six ans entre l’État et chaque organisme HLM, vaudra autorisation de vendre les logements sociaux listés dans le plan de mise en vente de la convention. Conformément à l’alinéa 60 de l’article 28 du présent projet de loi, ce plan de mise en vente comprend la liste des logements que l’organisme prévoit de vendre pendant la durée de la convention, ainsi que les documents démontrant le respect par ces logements des normes d’habitabilité et de performance énergétique. Ce même alinéa maintient la nécessité de consulter, pour avis, la commune dimplantation de chaque logement ainsi que les collectivités qui ont accordé leur soutien financier à sa construction. L’autorisation préfectorale et l’avis de la commune seront donc sollicités tous les six ans, dans le cadre de l’énoncé de la politique patrimoniale et d’investissement globale de l’organisme, et non à chaque mise en vente d’un logement social.

Pendant la durée de la convention, l’alinéa 20 prévoit que l’organisme peut tout de même soumettre de nouvelles demandes d’autorisation pour des logements qui n’auraient pas été inclus dans le plan de mise en vente. La procédure d’autorisation est alors identique à celle actuellement applicable à deux différences près : seule la commune d’implantation est consultée pour avis, et non les autres collectivités publiques ayant accordé un financement pour la construction du logement, et le préfet de département peut aller contre l’avis de la commune sans avoir besoin de transmettre la demande dautorisation au ministre chargé du logement.

En outre, l’alinéa 39 dispense les ventes entre bailleurs sociaux de toute autorisation préfectorale et de tout avis de la commune d’implantation. Celles-ci donneront désormais lieu à une simple déclaration auprès préfet de département. Toutefois, l’alinéa 41 prévoit qu’une autorisation préfectorale demeure nécessaire lorsqu’une vente à un autre bailleur social conduit à diminuer de plus de 30 % le parc de logements détenus par l’organisme, afin que ce dernier indique si cette cession se fait dans le cadre d’un projet de dissolution.

Dans le même esprit, les alinéas 76 et 77 suppriment toute procédure d’autorisation pour les ventes d’un élément du patrimoine immobilier d’un organisme HLM autre que les logements. Ces alinéas soumettent toutefois à déclaration auprès du préfet de département les ventes de logements intermédiaires.

Enfin, afin d’adapter au mieux le montant de la sanction pécuniaire en cas de non-respect par un organisme HLM de l’obligation d’autorisation préalable, l’alinéa 27 remplace le plafond actuellement prévu de 15 000 € par logement vendu par un plafond correspondant à 40 % du montant de la vente, hors frais d’acte.

c.   Lallongement de la liste des publics éligibles à lacquisition de logements sociaux

Afin de développer les possibilités de vente, les alinéas 36 à 66 allongent la liste des publics éligibles à l’acquisition d’un logement social, tout en continuant à distinguer deux situations, selon que le logement est occupé ou vacant.

Pour les logements occupés, les alinéas 44 à 46 soumettent la vente au locataire en place à une nouvelle condition : le fait que ce locataire occupe le logement depuis au moins trois ans. Par ailleurs, l’alinéa 48 ouvre la possibilité aux organismes HLM de vendre les logements occupés auxquels sont appliqués les plafonds de ressources des prêts locatifs sociaux (PLS), s’ils ont été produits depuis plus de 15 ans, à des personnes morales de droit privé. Les logements financés par des PLS sont ceux dont les plafonds de loyer et de ressources sont les plus élevés parmi les logements HLM. La durée de 15 ans correspond à la durée minimale d’une convention relative à l’aide personnalisée au logement (APL). L’objectif de cette disposition est l’acquisition de ces logements par des investisseurs institutionnels. Dans ce cas, les baux et la convention APL en vigueur continueront à s’appliquer jusqu’au départ des locataires en place.

Pour les logements vacants, les alinéas 49 à 55 ouvrent également le droit aux personnes morales de droit privé d’acquérir des logements PLS de plus de 15 ans, tout en maintenant un droit de priorité aux personnes physiques, dont les ressources sont inférieures aux plafonds de ressources applicables aux dispositifs d’accession sociale à la propriété, ainsi qu’aux collectivités territoriales. Parmi les personnes physiques, les gardiens d’immeubles employés par tous les bailleurs sociaux du département, ainsi que l’ensemble des locataires de ces mêmes bailleurs continueront à être prioritaires.

En outre, l’alinéa 16 ouvre la possibilité aux personnes morales dacheter des logements sociaux par bloc, c’est-à-dire par lot de plusieurs logements, la possibilité pour les personnes physiques d’acquérir un logement social restant limitée à un seul logement (alinéas 57 à 60).

Enfin, l’alinéa 62 autorise les organismes HLM à vendre des logements, vacants ou occupés, à un établissement public foncier de l’État (EPF), dans le cadre d’opérations de renouvellement urbain, alors que cette faculté n’était pour l’instant ouverte qu’aux établissements publics d’aménagement.

d.   La liberté accrue dans la fixation des prix de vente

Les alinéas 56 et 66 suppriment la nécessité pour l’organisme vendeur de consulter le maire de la commune d’implantation ainsi que le service des domaines sur le prix de vente de chaque logement. Alors que l’article L. 443-12 du CCH prévoit aujourd’hui que l’organisme est tenu de respecter, dans une certaine fourchette, l’estimation du prix de vente réalisée par le service des domaines, lalinéa 56 donne la responsabilité à l’organisme vendeur de fixer lui‑même le prix, en prenant pour base le prix d’un logement comparable.

e.   La clarification des dispositions relatives à certains quartiers et au fonctionnement des copropriétés issues de la vente de logements sociaux

Les alinéas 80 à 89 procèdent à une clarification de la rédaction du code de la construction et de l’habitation en rassemblant, au sein de deux articles spécifiques, toutes les dispositions relatives au fonctionnement des copropriétés issues de la vente de logements sociaux, d’une part, et à la possibilité pour les organismes HLM de louer leurs locaux à des associations ou des acteurs économiques en rez-de-chaussée, dans certains quartiers.

Ces dispositions sont regroupées à droit constant, sans modification de fond par le présent projet de loi, à une exception près : l’alinéa 85 dispense expressément l’organisme HLM, qui continue d’être présent dans une copropriété issue de la vente de logements sociaux, de verser la contribution obligatoire au fonds de travaux. À la place, l’organisme est tenu de constituer une provision correspondante dans ses comptes et de souscrire une caution bancaire au profit du syndicat de copropriétaires.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure soutient pleinement cet article qui vise à simplifier les procédures de vente et à lever certains verrous qui expliquent le nombre très faible des ventes actuellement pratiquées (8 800 en 2016).

Votre rapporteure rappelle que ces simplifications sont opérées sans réduire les exigences en matière de qualité des logements vendus et sans réduire l’information et la consultation des maires, dont l’avis était et demeurera consultatif.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté 16 amendements à cet article.

À l’initiative de votre rapporteure, un amendement a été adopté afin de rattacher la société de vente HLM qu’Action Logement mettra en place à la société Action Logement Services (ALS), en lieu et place de la société Action Logement Immobilier (ALI). ALS est, en effet, la structure du groupe Action Logement dont l’objet est d’apporter des services et des financements à l’ensemble du secteur HLM. Par ailleurs, ce même amendement a ouvert la possibilité à la Caisse des dépôts et consignations de participer à la création d’une société de vente HLM.

Des amendements identiques de votre rapporteure et de MM. Ramadier et Pupponi ont maintenu la possibilité pour un organisme HLM de vendre des logements sociaux à ses locataires par le biais d’un contrat de location-accession. La location-accession est, en effet, un dispositif à la fois efficace et sécurisant pour le locataire qui acquiert progressivement la propriété de son logement.

En outre, la commission a adopté un amendement de votre rapporteure afin de maintenir la consultation de toutes les collectivités publiques ayant accordé un financement ou une garantie pour la construction d’un logement social avant l’autorisation préfectorale de mise en vente, lorsque ce logement n’est pas mentionné dans le programme de vente de la convention d’utilité sociale (CUS) de l’organisme. Cet avis étant maintenu par l’article 28 dans le cadre de l’élaboration du plan de mise en vente de la CUS, il est apparu cohérent de le maintenir aussi dans le cadre des autorisations hors CUS.

Dans le même esprit, la commission a adopté un amendement de M. Pupponi afin de garantir l’information des maires au sujet des cessions entre organismes HLM, qui ne sont pas soumises à une autorisaton préfectorale.

Afin d’accélérer la vente de logements sociaux et de faciliter l’accession sociale à la propriété, un amendement de M. Nogal et du groupe LaREM a abaissé le délai d’occupation d’un logement pouvant être cédé à son locataire de 3 à 2 ans. Par ailleurs, des amendements identiques de votre rapporteure et de MM. Delpon, Peu, Pupponi et Ramadier, ont assoupli les conditions de la vente d’un logement à son locataire, en autorisant les ascendants et les descendants de ce locataire à acheter ce logement avec leurs conjoints respectifs.

Un amendement de votre rapporteure a harmonisé les règles de vente des logements de plus de 15 ans auxquels sont appliqués les plafonds de ressources des PLS, que ces logements soient occupés ou vacants, dans le cadre d’une vente en bloc à une personne morale de droit privé.

Enfin, à l’initiative de Mme Poueyto et du groupe MODEM, la commission a adopté un amendement afin de renforcer l’information des copropiétaires sur les travaux nécessaires dans les copropriétés résultant de la vente de logements sociaux.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement de suppression CE2105 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement concerne la vente des logements sociaux, déjà évoquée à l’article 28.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE789 de M. Marc Le Fur.

M. Robin Reda. Cet amendement consiste à instaurer un 1 % bailleur social, c’est-à-dire à demander aux bailleurs sociaux de céder chaque année 1 % des logements dont ils sont propriétaires, dans le but de favoriser l’accession à la propriété.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il n’est pas question de forcer mais d’encourager la vente. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La philosophie de la loi est de casser des verrous pour donner à ceux qui le veulent les moyens d’agir. Il ne s’agit donc pas de fixer des objectifs de vente, mais d’aider celles et ceux qui veulent vendre ; ceux qui ne le souhaitent pas n’y sont pas obligés. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1400 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement CE2669.

Je verse au débat, ces amendements qui reprennent une proposition des entreprises sociales pour l’habitat (ESH), à savoir la création de sociétés foncières de portage et de valorisation (SFPV), qui représenteraient un outil innovant pour accélérer les cessions de patrimoine des organismes de logement social et la régénération du parc social.

Il s’agit de faire évoluer les sociétés de vente HLM prévues par ce projet de loi vers des sociétés permettant d’alimenter les organismes de logement social en fonds propres nouveaux.

La question est dès lors d’imaginer des ressources de long terme pour l’écosystème HLM. L’amendement propose de s’inspirer du modèle de la filiale de logements intermédiaires. La SFPV aurait ainsi vocation à gérer et à entretenir le patrimoine, ainsi qu’à accompagner, le cas échéant, les parcours vers l’accession sociale. Cela permettrait de capter immédiatement une quote-part de la valeur des biens cédés en bloc, ce qui renforcerait immédiatement la capacité d’investissement des organismes de logement social (OLS) et leur permettrait de reconstituer leur potentiel. Pour les collectivités, les logements cédés à la SFPV resteraient affectés à une fonction sociale et ne sortiraient pas du périmètre de la loi SRU jusqu’au départ du locataire en place.

Reste qu’il conviendrait d’encadrer les risques liés à la revente des logements à la découpe afin de prévenir la multiplication des copropriétés dégradées.

Cela étant posé, je suis pour ma part plus favorable au système d’accession sociale à la propriété, mais il me semble que la question doit être débattue. Pour financer les investissements, vous proposez de vendre, mais les opérateurs n’ont souvent pas de candidats à l’achat, et il me semble que, pour ceux qui se retrouvent au pied du mur, les SFPV constituent un moindre mal. J’ai notamment une pensée pour les bailleurs qui font l’effort d’investir dans les copropriétés avant de vendre à leurs acquéreurs, de manière à ce que ces derniers soient tranquilles à court terme.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’outil que vous proposez est assez proche de la société de vente HLM créée par l’alinéa 10. La seule différence introduite par votre amendement est qu’il permettrait à des acteurs privés de s’associer à une telle société. Cela pourrait être une idée intéressante, notamment pour la vente des locaux commerciaux appartenant à des organismes HLM. Mais je pense qu’il faut expertiser cette question et la retravailler d’ici la séance publique. Je demande donc le retrait de cet amendement. Je serai en revanche défavorable à l’amendement CE2669.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’article 29 précise ce que sont les sociétés de vente créées à l’article 28. Comme je l’ai dit, ces sociétés de vente sont vraiment des sociétés de portage, dont l’objectif n’est pas d’obtenir rapidement du capital, mais d’aider les offices, dont la gestion en copropriété n’est pas le métier, à vendre des immeubles en bloc.

La gestion de ces immeubles reste, comme le dit l’article 28, l’affaire du bailleur social, tandis que la structure de portage prend en charge l’accession sociale à la propriété des habitants de l’immeuble. Il s’agit de faire en sorte qu’un office qui souhaite vendre sans assumer la gestion de la copropriété puisse vendre en bloc à une société de portage.

Ces sociétés de portage, nous les avons définies dans la loi comme des sociétés HLM. Or l’amendement CE1400 en fait des sociétés anonymes. Il est préférable, à mon avis, qu’elles demeurent des sociétés HLM, dans la mesure où elles ont vocation à gérer des immeubles HLM ; par ailleurs, c’est fiscalement beaucoup plus avantageux pour elles.

En revanche, votre amendement soulève la question des capitaux. La loi définit en effet les sociétés de portage comme des sociétés HLM dont les capitaux sont des capitaux publics. Or votre amendement ouvre le débat sur l’éventualité que le capital de ces sociétés de portage soit ouvert à des investisseurs privés. Il me semble que c’est une piste à explorer. Je vous propose donc de retirer cet amendement, afin de réfléchir, non pas au fait de savoir s’il faut passer d’une société HLM à une société anonyme (SA) – j’y suis opposé – mais à la pertinence d’ouvrir, le cas échéant, ces sociétés HLM à des capitaux privés, ce que ne prévoit pas actuellement le projet de loi.

M. Stéphane Peu. À cet instant du débat ressurgit avec force le clivage gauche‑droite…

Le logement HLM a été financé de À à Z par de l’argent public ou, s’agissant du « 1 % logement », de l’argent socialisé. Quand ces logements sont vendus, on ne peut concevoir que des profits privés soient réalisés, à moins d’ériger en modèle les oligarques russes qui construisent leur fortune personnelle sur la captation des biens publics !

Je rappelle qu’ICADE, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, a réalisé l’une des plus grosses plus-values financières de ces dernières années grâce à la vente, pour le compte d’actionnaires privés, de 32 000 logements qui avaient été entièrement financés et réhabilités par de l’argent public. C’est un scandale qui ne doit pas se reproduire. La moindre des exigences est donc que l’argent reste dans le circuit HLM et qu’il ne finisse pas dans la poche d’actionnaires.

M. François Pupponi. La structure de portage va certes acheter les biens, mais qui va entretenir le patrimoine, puisque les bailleurs sociaux vont en rester gestionnaires ? J’ai du mal en effet à imaginer que ces sociétés de portage, assez éloignées des réalités concrètes du terrain, se chargeront de remplacer les ampoules ou les vitres cassées et de déboucher les égouts.

M. Thibault Bazin. Je suis ravi que le clivage droite-gauche ressurgisse parfois, cela montre que nous sommes encore en démocratie…

Pour en revenir aux amendements, ils proposent une solution suggérée par les opérateurs, mais à laquelle je préfère pour ma part – n’étant pas un ultralibéral –, l’accession sociale personnelle à la propriété, car le dispositif me semble comporter plus de risques que d’avantages, notamment en termes de vente à la découpe. On sait bien en effet que les copropriétés dans lesquelles le nombre de propriétaires occupants est proche de zéro ne fonctionnent pas du tout.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je voudrais préciser la réponse que je vous ai faite tout à l’heure : la loi ne dit pas que les capitaux d’une société HLM ne peuvent pas être des capitaux privés ; ils peuvent être privés, mais leur rémunération est très encadrée.

M. Thibault Bazin. Heureusement !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les capitaux privés sont donc très rares. Or, en transformant les sociétés en SA, votre amendement fait sauter cette réglementation et laisse donc entrer les capitaux privés.

M. Thibault Bazin. Rassurez-vous, je n’ai pas l’intention de faire sauter quoi que ce soit !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Enfin, monsieur Pupponi, je vous renvoie à l’alinéa 11 de l’article 29, qui spécifie bien que les logements sont gérés par les organismes d’habitations qui les ont vendus.

M. François Pupponi. En l’occurrence, le gestionnaire ne sera donc plus propriétaire, mais il aura néanmoins besoin que le propriétaire finance les travaux d’entretien. Il n’y a aucune difficulté à ce que les organismes d’habitations continuent d’assurer la gestion des locataires, mais que se passera-t-il si on ne leur donne pas les moyens d’entretenir les bâtiments ? On parle ici de 40 000 logements par an, et si la gestion et les moyens financiers ne suivent pas, on risque de se retrouver demain avec autant de logements sociaux dégradés.

Lamendement CE1400 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE2460 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Le présent amendement vise à supprimer l’obligation pour un locataire qui souhaite acheter le logement HLM qu’il occupe d’être titulaire d’un contrat de location depuis au moins trois ans. Cela nous semble contradictoire avec l’objectif de multiplier par deux, voire par trois, la vente de HLM. Le locataire peut avoir été titulaire d’un contrat de location dans un autre HLM ou avoir vécu auprès de ses parents dans le logement HLM qu’il veut acquérir.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le texte de l’amendement et son exposé sommaire diffèrent. Revenir sur la condition de trois ans revient à rendre possible la vente à un locataire qui n’occuperait le logement que depuis un jour.

Je suis toutefois favorable à l’abaissement à deux ans de la condition d’ancienneté, comme le propose un amendement ultérieur de M. Nogal.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1667 de M. Michel Delpon et CE1772 de M. Stéphane Peu.

M. Michel Delpon. Cet amendement a pour objectif de sécuriser les locataires HLM dont le logement a été vendu. Il vise à renforcer l’information qui leur est fournie au sujet du déconventionnement et, surtout, à maintenir un loyer abordable pendant une période transitoire de six ans après l’expiration de la convention. En contrepartie, il est proposé de maintenir ces logements pendant la même durée dans le décompte des logements sociaux au sens de l’article 55 de la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le dispositif visé par ces amendements est prévu dans le projet de loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Michel Delpon. J’accepte de le retirer.

M. Stéphane Peu. Vous nous demandez de vous faire une confiance aveugle, mais soit.

Les amendements sont retirés.

Lamendement CE2669 de M. Thibault Bazin est également retiré.

La commission en vient à lamendement CE1680 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet de rattacher la société de vente à Action Logement Services et de donner la possibilité à la Caisse des dépôts et consignations d’être actionnaire.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable. Comme vous le savez, le groupe Action Logement a connu une profonde transformation récemment et il est désormais composé d’Action Logement Services et d’Action Logement Immobilier. Le Gouvernement souhaiterait apporter des précisions sur la nouvelle organisation du groupe.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Elles seront prises en compte à l’article 31.

La commission adopte lamendement.

En conséquence, lamendement CE1399 de M. Thibault Bazin tombe.

La commission est saisie de lamendement CE2272 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. La vente de logements HLM aux locataires, tout le monde l’accepte. Quant à la vente entre structures HLM ou à des collectivités locales, elle se conçoit. Ce qui est gênant dans l’article 29, c’est la possibilité qu’il ouvre de vendre en bloc à des sociétés privées. Ce sera source de profits privés sur des biens financés par l’argent des Français, et cela risque de donner lieu à des ventes à la découpe, car les opérateurs privés achètent en bloc pour revendre rapidement le bien et non pour le gérer sur la durée. Notre amendement a pour but de réserver la cession en bloc aux organismes d’habitations à loyer modéré.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La vente à l’unité n’intéressant pas les acteurs privés, il est essentiel que soit donnée la possibilité de vendre des logements HLM en bloc à des personnes morales de droit privé, notamment pour attirer des investisseurs institutionnels et développer le logement intermédiaire. Celle-ci est toutefois limitée aux logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS) de plus de quinze ans. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Soyons très clairs. Le projet de loi vise à favoriser l’accession sociale de trois façons : en cassant les verrous que nous avons évoqués tout à l’heure, en favorisant les structures de portage et en autorisant la vente à des personnes morales de droit privé mais seulement pour les immeubles construits à l’aide d’un prêt locatif social (PLS) – qui représentent 20 % à 30 % du parc – et seulement pour ceux qui ont plus de quinze ans.

Cette procédure est assortie d’une garantie : les logements vendus ne seront pas forcément déconventionnés et les locataires continueront de bénéficier du conventionnement tant qu’ils souhaitent rester dans le logement qu’ils occupent au moment de la vente.

Vous avez raison, monsieur Pupponi, d’insister sur cette troisième ouverture. Je pense qu’elle va dans le bon sens. Elle contribuera à renforcer la mixité sociale, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

M. Stéphane Peu. Je ne crois pas une seconde aux vertus de ce dispositif !

Je suis opposé au principe même de vendre à des acteurs privés des biens financés par l’argent public et de permettre ainsi un enrichissement sans cause.

C’est la porte ouverte à tous les abus. Contribuer à la mixité sociale est le cadet des soucis des acteurs du secteur privé immobilier, qui est loin d’être le plus vertueux des secteurs économiques. Dès qu’ils ont la possibilité de se livrer à des pratiques de marchands de sommeil, ils le font. Nous en avons de multiples exemples.

M. Serge Letchimy. Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à prendre le temps de réfléchir à cet amendement pour revenir en séance avec une analyse plus poussée.

Rien n’est prévu dans le projet de loi pour encadrer le devenir des logements HLM vendus en bloc. Un acheteur pourra fort bien faire de la spéculation en les revendant deux ou trois fois leur prix d’achat à un spéculateur. Vous avez même intégré les personnes physiques dans l’ordre prioritaire.

J’aimerais vous citer le cas du quartier Bon-Air à Fort-de-France, copropriété dégradée de 423 logements qu’il a fallu démolir du fait de l’absence de gestion par les copropriétaires

Vous auriez tout intérêt à donner un avis favorable à l’amendement de M. Pupponi qui vous apporte un ballon d’oxygène bienvenu.

Mme Frédérique Tuffnell. Je pense au contraire que l’achat en bloc par des investisseurs privés de logements HLM contribue à la mixité sociale car leur premier souci est le taux de rentabilité. Ils ne sont pas nombreux à vouloir acheter des logements sociaux, je peux vous le dire par expérience.

M. Stéphane Peu. Cela me paraît quelque peu contradictoire !

M. François Pupponi. Que rechercheront les investisseurs ? À faire une bonne opération, c’est-à-dire à acheter peu cher des logements de bon niveau situés plutôt dans des beaux quartiers de villes qui ne sont pas en difficulté. Nous savons en effet que les logements PLS ont des loyers relativement élevés et qu’ils ne sont pas concentrés dans les QPV. Toutes les communes carencées ont choisi ce mode de financement du logement social pour tendre vers les 25 %. Et ces logements achetés au rabais parce qu’ils étaient occupés, ils les revendront très cher, vides, dès qu’ils se libéreront.

Mme Frédérique Tuffnell. Mais non !

M. François Pupponi. Bien sûr que si ! Cela arrive tous les jours dans la vraie vie, madame !

Nous proposons donc d’empêcher qu’une spéculation immobilière ne se développe avec l’argent des Français : la vente en bloc sera réservée aux organismes HLM qui pourront, en cas de retour à meilleure fortune, gagner de l’argent et donc en faire profiter la collectivité.

M. Thibault Bazin. Nous sommes au cœur de la problématique du projet de loi, monsieur le secrétaire d’État. Il apporte des solutions aux territoires bien portants. Mais pour les territoires moins bien portants, les solutions immobilières ne suffisent pas. Ils sont confrontés à des problèmes économiques et des problèmes d’emploi et dans certains quartiers, l’accession à la propriété est difficile et la mixité sociale absente.

Si les opérateurs, qui ne sont pas forcément aisés, se trouvent obligés de brader, les prix d’achat seront très faibles et les possibilités de revente fortes. Des bailleurs sociaux se retrouveront aux côtés de sociétés privées. Mais ce qui compte, c’est la mixité non pas des propriétaires mais des occupants. À ce stade du débat, il faut faire attention : ne croyons pas que ces mesures contribueront à la mixité sociale. Je suis très sceptique.

Mme Frédérique Tuffnell. Pour ma part, je suis favorable à cette solution. Ces dispositions permettront aux organismes de logement social de récupérer des fonds propres et contribueront à développer la mixité sociale à l’échelle du territoire, ce qui est une bonne chose car il ne faut pas concentrer le logement social toujours aux mêmes endroits.

Vous redoutez que les investisseurs privés ne se livrent à la spéculation. Cela ne sera pas forcément le cas. Ces logements ont un coût de revient affiché et il n’y aura pas beaucoup d’acquéreurs privés qui seront prêts à acheter un logement social plus cher que le prix habituel.

M. François Pupponi. Le logement social occupé sera vendu à un prix bas dès lors qu’il est occupé : 30 000, 40 000, 50 000 euros. Une fois le locataire parti, ce même logement pourra voir son prix multiplié par trois dans certains quartiers.

Mme Frédérique Tuffnell. Il ne trouvera pas acheteur !

M. François Pupponi. Savez-vous ce que font certains marchands de sommeil ? Ils louent chacune des pièces d’un logement de quatre pièces à quatre familles différentes qui se partagent cuisine et salle de bains. Et l’addition des différents loyers peut avoisiner 2 300 euros en espèces, soit un taux de rentabilité exceptionnel qui fait rêver bien des acteurs de l’immobilier, d’autant que les propriétaires ne s’embarrassent pas de payer les charges de copropriété. C’est comme ça que ça se passe aujourd’hui. Je peux vous faire visiter des appartements de ce genre, madame, à Clichy-sous-Bois notamment !

Vous refusez ma proposition de limiter la vente en bloc aux organismes HLM, mais faites au moins en sorte de la réserver aux investisseurs institutionnels au lieu de l’ouvrir à n’importe quelle société privée. Cela sera une garantie que l’acheteur a une certaine éthique et qu’il ne revendra pas à des spéculateurs, ni à la découpe. Si vous ne vous entourez pas de ce genre de garanties, vous créerez les marchands de sommeil de demain.

M. Serge Letchimy. La démonstration que vient de faire M. Pupponi est très claire. On ne peut nier qu’il y a un risque de spéculation en boucle. La mécanique enclenchée pour rentabiliser les cessions sera infernale pour l’occupant. La seule chose que l’on évitera avec les ventes en bloc, c’est la dégradation des copropriétés mais seulement jusqu’à ce que les ventes à la découpe interviennent.

M. le secrétaire d’État ne semble pas répondre à la question de savoir si la cession de logements sociaux est autorisée pour les personnes physiques. Si c’est le cas, vous allez créer des copropriétés dégradées, à l’instar de celles du quartier de Bon-Air en Martinique.

M. le président Roland Lescure. Il est normal que le secrétaire d’État n’ait pas répondu à cette question, car je ne lui ai pas encore donné la parole…

M. Stéphane Peu. Le taux de rentabilité n’est pas un gage de mixité sociale. Regardons la réalité du marché immobilier en face. Prenons un appartement à Clichy‑sous‑Bois : même si son prix d’achat au mètre carré est dix fois inférieur à celui d’un appartement dans le quartier du Trocadéro, il peut être loué à un prix analogue, autrement dit son taux de rentabilité est bien supérieur. Pourquoi ? Parce qu’il aura été loué à plusieurs familles par un marchand de sommeil.

Ouvrir les cessions aux acteurs privés, c’est risquer d’accroître le nombre de copropriétés dégradées.

M. Bruno Fuchs. M. Pupponi fait une description juste du mécanisme de l’achat‑revente. Il oublie toutefois de dire, par pudeur, qu’un acteur privé mal intentionné susceptible de revendre un bien trois fois son prix d’achat n’aura aucun scrupule à utiliser tous les moyens légaux, voire illégaux, pour faire partir les locataires qui l’occupent.

M. Richard Lioger. Je ne suis pas d’accord pour interdire les ventes au bloc aux personnes morales de droit privé au prétexte que des marchands de sommeil pourraient en profiter. Mais j’aimerais que l’on étudie la possibilité d’introduire une clause pour obliger les bailleurs sociaux à s’assurer de la fiabilité de l’acheteur ou d’autres garanties contre les marchands de sommeil.

M. François Pupponi. Le problème ne se pose pas au moment de la vente mais au moment de la revente et, à ce stade, les bailleurs ne peuvent plus intervenir.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce débat est extrêmement important, mais j’insiste sur la nécessité de le dissocier des autres débats que nous avons eus.

Le projet de loi autorise la vente en bloc de logements PLS de plus de quinze ans à des personnes morales de droit privé. En aucun cas, cela n’implique de modifier l’ordre de priorité pour la vente tel qu’il est aujourd’hui défini dans notre droit. Rappelons que tout logement social mis en vente doit être d’abord proposé aux occupants, puis aux personnes physiques respectant les plafonds de ressources, ensuite aux collectivités et, s’il n’y a toujours pas d’acquéreur, aux personnes morales de droit privé. La loi prévoit donc déjà que la vente est autorisée pour les acteurs privés.

Je constate qu’il y a des différences d’appréciation sur l’intérêt de la mesure que nous proposons. À nos yeux, elle a deux avantages principaux : permettre aux bailleurs d’utiliser leur patrimoine afin de constituer de nouveaux fonds propres ; favoriser la mixité sociale.

Vous vous interrogez aussi sur les moyens de compléter notre dispositif pour éviter que les marchands de sommeil n’en tirent profit. Nous devons travailler pour déterminer si un contrôle est possible. À cet égard, je prends note, monsieur Pupponi, de votre proposition concernant les institutionnels.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE2610 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement permet d’autoriser la vente de logements construits ou acquis depuis moins de dix ans.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le projet de loi ne prévoit pas de modifier les conditions applicables aux logements que les bailleurs sociaux sont susceptibles de vendre. Compte tenu du versement d’aides publiques, il n’est pas opportun de supprimer totalement cette condition.

Pour ce qui est des conditions d’habitabilité et de performance énergétique, il convient de protéger des acheteurs souvent fragiles afin d’éviter que l’accession à la propriété n’aboutisse à développer l’habitat privé dégradé.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie des amendements identiques CE2754 de la rapporteure, CE476 de M. Alain Ramadier et CE2399 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Mon amendement vise à maintenir la possibilité pour un organisme HLM de vendre des logements sociaux à ses locataires par le biais d’un contrat de location-accession. La location-accession est un dispositif à la fois efficace et sécurisant pour le locataire qui acquiert progressivement la propriété de son logement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2400 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à autoriser la vente à un locataire via un contrat de vente d’immeuble à rénover.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ce mécanisme peut être intéressant dans certains cas. Il pose toutefois quelques difficultés. À quel moment, par exemple, le préfet devra-t-il contrôler le respect des normes d’habitabilité et de performance énergétique ? Par ailleurs, il ne faudrait pas que ce mécanisme ait pour conséquence que les coûts des travaux soient assumés en totalité par le locataire qui accède à la propriété alors qu’ils relèvent normalement de la responsabilité du bailleur. Je vous demande donc, monsieur Pupponi, de retirer votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable au principe mais vous invite, monsieur Pupponi, à réécrire votre amendement.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement CE908 de M. Emmanuel Maquet.

Elle examine lamendement CE1397 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin Il s’agit d’introduire plus de souplesse dans les conditions relatives à la performance énergétique au moment de la vente d’un logement HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable également. J’avoue ne pas comprendre le sens de cet amendement, qui ne me semble pas être dans la continuité des excellents amendements que M. Bazin a défendus jusqu’à présent…

M. Thibault Bazin. Dans certains logements anciens, les performances énergétiques sont faibles et mon amendement visait à prendre en compte les dispositifs d’accompagnement pour les améliorer. Cela dit, il est incomplet et je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1773 de M. Stéphane Peu et CE2458 de M. Denis Sommer.

M. Stéphane Peu. Vendre des logements HLM existants pour répondre à la pénurie de logements HLM me paraît déjà une mauvaise idée mais en vendre dans les villes carencées en est une encore plus mauvaise, c’est pourquoi nous visons par cet amendement à interdire cette possibilité.

M. Denis Sommer. Mon amendement vise à interdire la vente HLM sur les territoires ayant fait l’objet d’un arrêté de carence ou sur lesquels la tension sur la demande en logements locatifs sociaux est élevée.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Toutes les ventes continueront de faire l’objet d’une autorisation préalable du préfet et d’un avis de la commune d’implantation. Dans ce cadre, le préfet pourra être amené à refuser une vente si le parc de logements sociaux existant sur la commune est trop faible. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La vente dans les zones carencées aura deux effets positifs. D’une part, elle permettra de maintenir les occupants acquéreurs dans leur logement et donc dans le calcul qui sert à établir les quotas de la loi SRU. D’autre part, elle aboutira à un accroissement du nombre de logements sociaux car, dans la plupart des cas, les bailleurs sociaux réinvestissent les capitaux issus des ventes dans la construction de logements sociaux, même si on ne peut pas faire de ce mécanisme une généralité.

M. Stéphane Peu. Le problème, c’est que les logiques territoriales des communes et des organismes HLM ne sont pas corrélées.

Pour changer un peu, je vais sortir de Saint-Denis et me tourner vers Fontenay-sous-Bois, ville proche de Vincennes et de Saint-Mandé. Inutile de vous faire un dessin : les pourcentages de logements sociaux de ces trois communes n’ont rien de commun. Aujourd’hui, aucune disposition de la législation actuelle n’oblige un organisme HLM à affecter le produit de la vente de logements sociaux à des constructions dans la même commune, ce qui conduit à des situations paradoxales. D’après vous, quels logements vendrait un bailleur ayant des immeubles à Fontenay, à Vincennes et Saint-Mandé ? Plutôt dans ces deux dernières communes pour avoir un meilleur produit, logiquement. Et où en construirait‑il de nouveaux ? À Fontenay, puisque les maires de Saint-Mandé et de Vincennes préfèrent payer l’amende pour carence plutôt que de construire des logements HLM. Autrement dit, les ventes dans les villes carencées aboutissent à une diminution nette du nombre de logements sociaux. D’où mon amendement visant à interdire les ventes dans les villes carencées.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison, monsieur Peu. Le mécanisme que j’ai exposé est vrai au niveau global, mais rien ne garantit que les constructions se fassent dans la même commune que les ventes. Je considère toutefois que ce n’est pas à la loi d’interdire la vente dans les communes carencées. La question est de savoir à quel niveau il faut intervenir. Nous pourrions nous fonder sur les documents de planification, sur le contrôle exercé par les préfets ou encore sur les conventions d’utilité sociale dont c’est la fonction.

M. Stéphane Peu. Le problème, j’y reviens, c’est que les organismes HLM et les villes ne suivent pas les mêmes logiques territoriales.

Lors de la campagne des élections municipales de 2014, certains candidats – dont je tairai les noms ici – affirmaient dans les meetings qu’une fois élus, ils choisiraient de payer les amendes pour carence plutôt de construire des HLM et d’amener des pauvres. Ce n’est pas au niveau des organismes HLM mais des communes que se pose le problème. L’amendement que je propose ne contraint par ces organismes. Il interdit les ventes de HLM dans les communes qui se mettent volontairement en dehors de la loi de la République en refusant de se conformer aux quotas de la loi SRU.

M. Robin Reda. Je souscris à tous les arguments développés par M. Peu et par M. Pupponi. Il est clair que dans les villes carencées, où le prix du mètre carré avoisine les 10 000 euros, il y a un effet d’aubaine pour les reventes. Sans doute faudrait-il travailler à un amendement pour imposer le principe de deux logements construits pour un vendu dans la même commune.

J’ajouterai une précision. À la Commission nationale SRU, où je siège en tant que représentant de notre assemblée, nous évaluons avec son président, Thierry Repentin, la situation des communes qui cherchent à sortir de la carence et je peux vous dire que les villes de Saint-Mandé et de Vincennes ont développé un programme très ambitieux pour atteindre leurs objectifs.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE1841 et CE1853 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Parmi les communes qui n’ont pas atteint le quota de 25 %, il faut distinguer celles qui font des efforts pour atteindre cet objectif des communes carencées qui, en dépit de toutes les invitations qui leur ont été faites et des amendes qu’elles ont dû payer, refusent de rentrer dans le mécanisme de la loi SRU.

La semaine dernière, au Conseil de Paris, certains proposaient de vendre des logements HLM alors même que la capitale n’a toujours pas atteint les 25 % et que toutes les petites mains qui font la ville sont logées dans la périphérie, à une heure ou une heure et demie de transport.

M. Thibault Bazin. Y compris les gendarmes !

M. Stéphane Peu. Bien sûr ! Et les policiers logent tous à une heure de Paris dans des conditions déplorables.

Le présent amendement vise à interdire la vente de logements HLM dans les communes en déficit de logements sociaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il faut en effet distinguer les communes qui tendent vers les 25 % de celles qui sont carencées. Je me suis rendu au début de l’année à Vincennes pour rencontrer une famille bénéficiant du dispositif de l’intermédiation locative et j’ai pu discuter avec la maire. Elle a prévu toute une planification pour augmenter le nombre de logements sociaux, ce qui, en l’absence de foncier, repose sur une seule possibilité : transformer des logements privés en logements sociaux. Comme vous l’avez souligné, monsieur Peu, il importe de réassocier les organismes HLM et les territoires communaux. Mais j’ai une réserve : cela ne doit pas passer par la loi qui a prévu d’autres mécanismes, qu’il s’agisse du contrôle du préfet à chaque vente ou des documents de planification.

M. François Pupponi. Il est tout de même paradoxal que la loi autorise des communes carencées, qui violent la loi avec une certaine morgue, à vendre le peu de logements sociaux qu’elles ont. Je considère que l’interdiction de ces ventes doit constituer une sanction supplémentaire, à côté des amendes.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tout ne doit pas passer par la loi, mais la loi peut indiquer quels documents peuvent permettre de traiter ce problème.

Si, dans une commune carencée, l’argent de la vente d’un logement HLM est réinvesti pour construire deux autres logements HLM, cela peut être un très bon mécanisme. La question, comme l’a souligné M. Peu, est de savoir comment s’assurer que le produit de la vente est réinvesti dans la zone géographique du bailleur. Nous devons réfléchir à des mécanismes qui contraindraient sans interdire et qui ne passeraient pas par la loi qui rigidifierait tout.

M. Stéphane Peu. Obliger les organismes HLM à réinvestir le produit de la vente d’un logement social dans la même commune si celle-ci est carencée ne peut pas passer par la loi, je vous l’accorde. Par contre, il est possible de s’adosser à la loi SRU, loi fondamentale en matière de logement, sur les dispositifs de laquelle nous disposons d’un recul suffisant puisqu’elle a maintenant plus de quinze ans. D’où mes propositions d’inscrire dans la loi l’interdiction de vendre des logements sociaux dans les communes qui ne se conforment pas aux obligations de cette loi. Ce serait appuyer une disposition législative sur d’autres dispositions législatives, ce qui donne à la République sa cohérence. Le reste relève en effet plutôt de la décision des préfets.

M. Éric Pauget. Au lieu de raisonner en termes quantitatifs autour de la notion de seuil, sans doute vaudrait-il mieux envisager la question sous l’angle des regroupements de communes et d’EPCI pour entrer pleinement dans une logique de périmètre. Cela permettrait de résoudre le problème que vous pointiez. Les élus enclins à faire des efforts pour se mettre en conformité avec la loi SRU veilleraient à réinvestir le produit des ventes sur leur propre territoire.

M. Thierry Benoit. Ce serait cohérent avec la réforme territoriale manquée de M. Hollande, qui confie des missions aux régions et des compétences aux intercommunalités. Cela éviterait les effets de la tendance à ce que j’appelle « la vie en grand » – les grandes régions, les grandes métropoles, les communes nouvelles, les regroupements de bailleurs – qui semble prendre dans une nasse les membres mêmes des gouvernements successifs. À vous entendre ainsi que M. Mézard, monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas certain que vous soyez totalement en phase avec Bercy et avec une certaine administration. Je crois voir poindre chez vous une forme de subsidiarité, une confiance accordée aux acteurs territoriaux, qu’il s’agisse des élus locaux ou les bailleurs. Retenir la notion de périmètre territorial nous permettrait d’aller en ce sens.

Mme Frédérique Tuffnell. Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues : mettre l’accent sur cette approche permettrait de lisser à l’échelle d’un territoire donné le nombre de logements sociaux et d’encourager un système de contractualisation avec l’État via les préfectures.

M. Denis Sommer. Nous ne devons pas vivre dans les mêmes intercommunalités. J’ai été maire pendant seize ans d’une commune qui faisait partie avec vingt-huit autres communes d’une grande intercommunalité. Certaines d’entre elles n’avaient aucun logement social et elles n’en ont toujours pas. La logique intercommunale ne fonctionne pas en ce domaine, sauf si l’établissement intercommunal a autorité pour décider de l’implantation de logements sociaux dans chacune des communes. Et je peux vous dire que ce n’est pas gagné, cette affaire !

M. Thibault Bazin. Tout le monde y va de son exemple, mais il faut faire attention à ne pas généraliser. Je suis très sensible à l’idée que l’on doit adapter les dispositifs aux réalités locales et je pense qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur des villages qui ne comptaient aucun logement aidé il y a quinze ans et qui se trouvent toujours dans cette situation. J’ai été maire d’une commune ayant peu de logements aidés : j’ai demandé pendant 8 ans à des bailleurs d’intervenir, mais ils ne voulaient pas le faire car ils trouvaient que le zonage n’était pas intéressant. Il faut aussi que l’on apporte un accompagnement. Certains élus sont prêts à participer à une répartition équitable, mais l’équilibre économique nécessaire pour produire du logement aidé n’est pas toujours au rendez-vous dans certaines petites communes.

M. Denis Sommer. Je ne parlais pas des villages. Comme ils ont besoin de garder leur école ou leurs petits commerces, ils souhaitent souvent la création de logements sociaux sur leur territoire. C’est aux villes que je pensais. Il ne faut pas que l’intercommunalité permette d’exonérer un certain nombre de maires qui refusent de faire du logement social dans leur territoire et, qui plus est, font campagne en promettant qu’il n’y en aura pas s’ils sont réélus.

M. le président Roland Lescure. Je voudrais juste m’assurer que l’on parle bien des amendements CE1841 et CE1853 : le sujet est intéressant, mais il me semble que l’on est en train d’élargir le débat.

M. Jean-Louis Bricout. Les gens qui se trouvent en situation de précarité, ou qui sont en proie à des problèmes sociaux, préfèrent souvent habiter dans des petites villes, parce qu’on y trouve certains services. Cela dit, beaucoup de maires de villages ne veulent pas s’embêter à faire trop de social et renvoient donc les gens vers les petites villes-centres, qui ont l’avantage de disposer d’un bon centre communal d’action sociale (CCAS).

M. Mickaël Nogal. Je souscris à 100 %, et même à 200 %, aux propos de Denis Sommer.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette lamendement CE2431 de M. François Pupponi.

Puis elle est saisie de lamendement CE1428 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. On doit éviter que des ensembles d’habitations ne deviennent à terme des copropriétés dégradées après que des logements ont été vendus individuellement à leurs locataires. C’est un sujet que nous avons déjà évoqué, mais pour lequel nous n’avons pas encore adopté des dispositions. Or il est important de le faire. Il faut limiter les risques de non-entretien et de non‑paiement des charges liés à un manque d’information préalable de l’acquéreur. La convention d’utilité sociale doit comporter toutes les informations permettant d’évaluer le coût du bien au-delà de son seul achat, notamment grâce à une estimation des charges d’entretien et de gestion de l’immeuble. Tel est l’objet de mon amendement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Un dispositif spécifique d’information du locataire existe déjà, et l’alinéa 81 du présent article a pour objet de le reprendre. Votre amendement étant déjà satisfait, je vous propose de le retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. C’est en effet un point important qui est traité dans le projet de loi.

M. Thibault Bazin. Je vous fais confiance.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE797 de M. Éric Pauget et CE1718 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Éric Pauget. Mon amendement concerne le même sujet, qui est majeur. Si l’on veut éviter que certaines catastrophes se produisent au bout de quelques années, il faut qu’il y ait une estimation des charges d’entretien et de réparation au moment de la vente.

M. Jean-Luc Lagleize. Je considère que mon amendement est satisfait par l’alinéa 81.

Les amendements sont retirés.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1774 et CE2639 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. On en revient toujours au même débat : vous faites une loi qui s’adresse aux bailleurs, mais en faisant fi de la réalité des villes. Et cet article pousse le bouchon encore un peu plus loin. À l’heure actuelle, quand on veut vendre du logement HLM, la déclaration d’intention d’aliéner est adressée aux maires. Avec ce texte, on pourra s’en affranchir : le maire ne pourra émettre, au mieux, qu’un avis consultatif. Or c’est lui le patron de la commune, c’est lui qui sait si l’on doit vendre ou non : il connaît mieux que quiconque le territoire concerné. Laisser les organismes HLM, surtout extraterritoriaux, vendre leur patrimoine en ne laissant au maire que la possibilité d’émettre un avis consultatif, c’est une déresponsabilisation totale. L’Association des maires de France (AMF) est vent debout contre cette disposition, comme tout le monde d’ailleurs. Nos amendements visent à revenir sur cette mesure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le maire émettra, en effet, un avis simple, mais cet avis sera quand même demandé. Par ailleurs, c’est le préfet qui autorise ou non la vente. Il est le garant de l’arbitrage. Par conséquent, je donne un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur cette question pendant la phase de préparation du projet de loi. Je souligne que le maire rend déjà un avis simple, et non conforme. Il est sollicité sur deux points à l’heure actuelle : l’opportunité de la vente et son prix. Nous allons supprimer l’avis du maire sur le prix de vente, mais nous ne changeons rien en ce qui concerne l’opportunité – qui fait déjà l’objet d’un avis simple, je l’ai dit.

M. Stéphane Peu. Le pouvoir du maire réside dans sa capacité à préempter et à s’opposer de la sorte à une décision de vente qui serait contraire à son avis. C’est en ce sens que celui-ci est à la fois simple et conforme. J’ai connu un exemple catastrophique de vente de logements HLM : on l’a laissée passer sans exercer le droit de préemption et on l’a regretté. En conservant la déclaration d’intention d’aliéner, ces amendements redonneront au maire le pouvoir de donner son avis et de préempter. Ce n’est pas à un bailleur de décider la politique urbaine d’une ville : il n’a aucune légitimité démocratique pour le faire.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à lamendement CE2640 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise aussi, même si c’est sous une forme un peu différente, à rétablir le pouvoir du maire en la matière. Je suis surpris que l’on veuille affaiblir à ce point ses prérogatives, s’agissant d’une dimension majeure de la politique urbaine.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis, mais j’entends ce que vous dites.

La commission rejette lamendement.

M. Thibault Bazin. J’ai relu l’alinéa 81 qui a été évoqué tout à l’heure, et je pense qu’il y a quand même une faille : il y est surtout question des parties communes. On peut être conscient de toutes les charges qui s’y rapportent, mais pas de celles concernant les parties privatives – où il peut surtout y avoir des travaux à réaliser. Je crois que l’on pourrait donc compléter cette disposition.

M. Jean-Luc Lagleize. Le locataire connaît ses propres charges. C’est pour celles concernant les parties communes – les charges de copropriété – qu’il y a un besoin. On doit savoir ce qui va changer quand on passe du statut de locataire à celui de copropriétaire. L’alinéa 81 répond totalement à cet objectif : n’ayez pas d’inquiétude.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. M. Lagleize a raison quand il s’agit d’une vente à l’occupant et M. Bazin lorsqu’une autre personne achète – c’est-à-dire si l’occupant ne le fait pas lui-même. On doit s’assurer que l’information sur toutes les charges est vraiment disponible au moment de l’accession à la propriété.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il faut également rappeler qu’il est interdit de vendre des logements de catégories énergétiques F et G et qu’un diagnostic technique doit être réalisé.

M. le président Roland Lescure. Nous en reparlerons donc dans une dizaine de jours en séance publique…

La commission examine lamendement CE1681 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à maintenir la consultation des collectivités publiques ayant accordé un financement ou une garantie avant la cession de logements sociaux qui ne sont pas mentionnés dans le programme de vente de la convention d’utilité sociale (CUS). Nous assurerons ainsi le parallélisme des formes avec les ventes ayant lieu dans le cadre des CUS.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement CE132 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. Dans le même esprit, c’est-à-dire pour préserver les prérogatives des maires, cet amendement vise à ce que les communes où les logements sont implantés soient signataires du plan de vente. Cela permettra que leur avis soit vraiment contraignant.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’émets un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette également lamendement CE2641 de M. Stéphane Peu.

Puis elle examine lamendement CE2633 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement porte sur le même sujet. Il y a une difficulté si l’on permet le transfert de logements sociaux sans l’accord du maire concerné. J’aimerais revenir sur une question que j’ai évoquée ce matin, mais à laquelle je n’ai pas eu de réponse : le maire est d’autant plus concerné si les cessions font l’objet d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous étiez momentanément absent quand je l’ai dit : actuellement, les maires émettent un avis simple, mais ils peuvent exercer un droit de préemption. Ils sont consultés sur deux points : l’opportunité de vendre et le prix. Le projet de loi ne fait que supprimer la consultation sur le prix de vente et ne change rien au fait qu’il s’agit d’un avis simple. Mais nous en rediscuterons d’ici la séance publique sous l’angle de l’exercice du droit de préemption.

Une exonération de TFPB peut survenir lorsque des logements ont été déconventionnés dans un premier temps avant de revenir dans ce cadre. C’est un cas très particulier, que vous avez connu dans votre territoire – il s’agissait d’ICADE si je ne me trompe pas. Pour les logements conventionnés, il n’y a pas de changement de situation : l’exonération continue à s’appliquer.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. François Pupponi. On doit en effet regarder la question de la préemption, en particulier lorsqu’il s’agit d’une vente à des particuliers.

En ce qui concerne l’exonération de TFPB, je connais trop bien les méthodes de Bercy. Les ventes entre bailleurs se font généralement sur le dos des communes. C’est un argument de vente : on met en avant le fait qu’il y aura une exonération – les bailleurs le demandent systématiquement. J’aimerais que le Gouvernement s’engage en séance à ce que les ventes futures ne fassent pas l’objet d’une exonération de TFPB. Nous avons été beaucoup trompés sur ce sujet. Lorsque le cas d’ICADE s’est présenté, le Gouvernement nous a dit que, certes, il y avait une exonération de TFPB, mais qu’elle était compensée. Elle l’a été à 83 % au début, mais on est ensuite passé à 0 %. La commune de Sarcelles, que je connais un peu, a perdu annuellement un million d’euros pendant quinze ans parce qu’ICADE vendait son patrimoine. Ce montant correspond à l’augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU) en un an. Ce qui nous était donné avec la DSU nous était repris sous forme d’exonération de TFPB car les bailleurs faisaient des ventes entre eux. On connaît un peu trop la technique : nous savons qu’il y a un risque majeur pour les communes. Si l’on instaure une exonération de TFPB pour des logements qui sont aujourd’hui imposés, il y aura une perte sèche pour les communes.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est un sujet dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre. Sauf erreur de ma part, l’exonération a été reconduite pour quatre ans par la dernière loi de finances. Cette question a déjà été tranchée.

M. François Pupponi. Dans le mauvais sens !

La commission rejette lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement CE1090 de M. Jean-Bernard Sempastous.

M. Jean-Bernard Sempastous. Le maire doit pouvoir s’opposer à une vente de logements sociaux qu’il ne juge pas opportune, notamment en raison du besoin de maintenir un parc locatif abordable. En cas de désaccord avec le préfet sur l’autorisation de vente, mon amendement rétablit l’arbitrage exercé par le ministre chargé du logement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’émets un avis défavorable, car cette procédure allonge excessivement le délai de mise en vente.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Par ailleurs, et je le dis en toute humilité, je suis incapable d’arbitrer entre un maire et un préfet sur de telles questions – c’est une décision purement arbitraire. Je préfère que l’on se prononce au plus près du territoire.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2010 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement concerne le droit de préemption, pour lequel le ministre a souligné qu’il y a bien un sujet. Nous permettrons son exercice pour les logements sociaux, comme pour toutes les autres ventes de biens.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’avais initialement un avis défavorable, mais je ne sais pas quelle sera ma position in fine compte tenu des débats que nous avons eus tout à l’heure. Je souhaite que l’on continue à travailler sur cette question et vous propose donc de retirer l’amendement.

Lamendement est retiré.

Lamendement CE2662 de M. Didier Martin tombe.

Suivant lavis favorable de la rapporteure, la commission adopte lamendement rédactionnel CE2050 de M. Jean-Luc Lagleize.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE2112 de M. Loïc Prudhomme et CE712 de M. Robin Reda.

Mme Bénédicte Taurine. L’amendement CE2112 a pour objet d’interdire la vente de logements sociaux dans les communes ne respectant pas les obligations fixées par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle en vient ensuite à lamendement CE713 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Je retire mon amendement avant que la rapporteure ne me dise qu’il est quasiment satisfait par l’article 46…

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2268 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous demandons la suppression de l’alinéa 39, aux termes duquel les cessions à un autre organisme HLM, à une société d’économie mixte (SEM) agréée ou à un organisme de foncier solidaire (OFS) ne seront pas soumises à l’accord préalable du préfet : il serait simplement informé.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2269 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement prévoit l’information du maire sur les ventes réalisées entre les organismes HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’y suis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2111 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Compte tenu des débats que nous avons eus, je retire cet amendement visant à ce que le prix de vente reste fixé par les Domaines.

Lamendement CE2111 est retiré.

La commission étudie ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE477 de M. Alain Ramadier, CE2106 de Mme Mathilde Panot et CE2401 de M. François Pupponi, ainsi que les amendements CE1140 de M. Gilles Lurton et CE2041 de Mme Aude Luquet.

M. Robin Reda. L’amendement CE477 vise à supprimer la condition d’occupation d’un logement social pendant trois ans par son locataire avant que celui-ci puisse en faire l’acquisition. C’est une disposition contraignante qui ne nous semble pas aller dans le sens des objectifs poursuivis par le Gouvernement et des chiffres ambitieux de vente de logements sociaux qui ont été annoncés.

Mme Bénédicte Taurine. Par notre amendement CE2106, nous demandons également la suppression des alinéas 43 à 46, qui rendent possible la vente d’un logement social à une personne qui ne l’occupe pas si le locataire n’est pas présent depuis trois ans. À nos yeux, cela crée une inégalité entre les locataires du parc social et fragilise les locataires récents.

Mme Aude Luquet. Je rejoins les arguments qui viennent d’être présentés au sujet de la condition d’ancienneté : cette restriction supplémentaire ne me paraît pas justifiée. Elle risque de limiter la vente de logements sociaux alors que les objectifs sont loin d’être atteints dans ce domaine.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous propose de retirer ces amendements au profit de l’amendement CE2187 de M. Nogal, qui vient immédiatement après et qui tend à ramener à deux ans la condition d’occupation du logement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position.

M. Stéphane Peu. Je ne suis pas très emballé par ces amendements, même si je compte beaucoup d’amis et de camarades parmi ceux qui les défendent. Connaissant un peu le système, je peux vous dire que l’on ne décide pas de vendre un immeuble dans un délai d’un mois : il s’agit en principe d’une décision un peu stratégique, qui va d’ailleurs figurer dans la CUS. Par ailleurs, vous allez peut-être trouver que j’ai l’esprit tordu, mais je crains un effet pervers : il y a un risque d’attribution des logements selon des critères obéissant à une logique de clientélisme ou de pure opportunité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je voudrais préciser qu’il n’y a aucune condition d’ancienneté à l’heure actuelle : c’est le projet de loi qui en crée une, à la suite d’observations formulées par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS). Par ailleurs, je vous propose de ramener cette condition à deux ans.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les observations de l’ANCOLS répondent à celles de M. Peu. Appelons un chat un chat : il faut éviter qu’il y ait des attributions de complaisance de logements sociaux. Un délai de deux ans nous paraît suffisant pour éviter ce risque.

M. Stéphane Peu. Mon intervention visait précisément à soutenir les propos de la rapporteure et du secrétaire d’État.

La commission rejette les amendements identiques CE477, CE2106 et CE2401 puis, successivement, les amendements CE1140 et CE2041.

Elle examine ensuite lamendement CE2187 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. La rapporteure l’a dit : cet amendement vise à porter à deux ans, au lieu de trois, la condition d’occupation par le locataire d’un logement inscrit à un programme de vente.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Puis elle est saisie des amendements identiques CE482 de
M. Alain Ramadier et CE2402 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Nous proposons d’élargir la qualité d’acquéreur au conjoint, au partenaire pacsé et au concubin de l’occupant, en vue de renforcer la solidité financière du ménage amené à acquérir son logement social.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les amendements identiques CE909 de M. Emmanuel Maquet et CE2632 de Mme Aude Luquet puis, successivement, les amendements CE2107 de Mme Bénédicte Taurine et CE144 de M. Alain Ramadier.

Elle adopte les amendements identiques CE2760 de la rapporteure, CE1669 de M. Michel Delpon et CE1775 de M. Stéphane Peu, visant à corriger une erreur de référence.

Puis elle est saisie de lamendement CE2108 de M. Loïc Prudhomme.

Mme Bénédicte Taurine. L’alinéa 52 supprime l’obligation faite aux collectivités achetant des logements sociaux de les mettre à la disposition de personnes défavorisées pendant une durée de 15 ans. Or il nous paraît essentiel que de tels logements conservent leur vocation sociale. C’est pourquoi notre amendement tend à supprimer cet alinéa.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position, car la restriction actuelle repose sur la notion de personne défavorisée qui est très floue. Ce n’est donc pas applicable dans les faits.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1770 de M. Stéphane Peu et CE2109 de M. François Ruffin.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1770 supprime la possibilité de vendre à toute personne morale. Cela me paraît nécessaire si l’objectif est bien de promouvoir l’accession sociale à la propriété.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE2459 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Afin que la vente de logements par des organismes HLM constitue bien un outil d’accession sociale à la propriété, nous proposons que les acheteurs s’engagent à en faire leur résidence principale pendant au moins cinq ans. Les risques liés aux marchands de sommeil et à la spéculation ont été largement évoqués tout à l’heure. Nous sommes bien conscients qu’il sera relativement difficile de faire respecter cette disposition sur une durée de cinq ans, mais un engagement moral nous semble une démarche intéressante.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette également lamendement CE2273 de M. François Pupponi.

Puis elle examine lamendement CE2110 de Mme Mathilde Panot.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons empêcher que les logements des organismes HLM puissent être vendus à des personnes morales de droit privé.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lamendement CE1776 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Je rappelle que le service des Domaines est le juge de paix en ce qui concerne la valeur des biens immobiliers. On n’est pas obligé de suivre l’évaluation qui est faite, mais elle constitue quand même une référence – la méthode de calcul est assez fiable. Quand des logements HLM sont vendus, il n’y a pas de raison que les Domaines n’interviennent pas.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le projet de loi supprime l’avis rendu par les Domaines : on fait confiance aux bailleurs. Néanmoins, l’ANCOLS sera chargée de contrôler les prix de vente. J’émets donc un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. J’ai beaucoup de respect pour les Domaines, mais il y a souvent un débat qui dure des mois sur leur évaluation. Je fais confiance à l’ANCOLS et à l’intelligence collective sur le terrain.

M. Stéphane Peu. L’ANCOLS, que je connais bien, est un outil précieux en matière de contrôle, mais elle n’a absolument pas les moyens de réaliser de telles évaluations. Vous savez que les Domaines se réfèrent notamment aux ventes effectuées au cours des mois précédents dans un périmètre donné. Je ne vois absolument pas comment l’ANCOLS pourra se substituer aux Domaines en faisant preuve de la même rigueur.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2623 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement a le même objet que le précédent.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite lamendement CE2403 de M. François Pupponi.

Puis elle examine les amendements identiques CE1668 de M. Michel Delpon et CE1777 de M. Stéphane Peu.

M. Michel Delpon. Il s’agit de préciser que les logements HLM vendus à des personnes physiques doivent constituer leur résidence principale : les acquéreurs devront les occuper personnellement.

M. Stéphane Peu. J’essaie de me convaincre que la vente de logements HLM peut servir de politique d’accession sociale à la propriété. Mon amendement vise à le garantir.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je vous propose de retirer ces amendements. Nous avons eu le même débat hier sur la mixité sociale, à propos des résidences principales et secondaires : le fait que c’est l’acheteur du logement qui déclare s’il en fait sa résidence principale ou secondaire complique les choses. Avec ce que vous proposez, on va demander aux acquéreurs de s’engager à ce que les logements concernés soient leur résidence principale, mais ils pourront ensuite en faire une résidence secondaire. Je pense qu’il faut répondre à votre préoccupation, mais je ne suis pas persuadé que ces amendements offrent le bon moyen d’y parvenir.

M. Serge Letchimy. Je voudrais remercier le secrétaire d’État pour sa réponse : il ne s’est pas contenté de dire que l’acheteur fait ce qu’il veut. On parle quand même de céder un patrimoine financé ou subventionné par l’État pendant des années. Il faudrait trouver un dispositif d’accompagnement permettant d’éviter que l’on ne bascule ensuite dans une logique de spéculation : un tel comportement serait assez contestable sur le plan moral.

M. Michel Delpon. Je retire mon amendement pour le retravailler en vue de la séance publique.

M. Stéphane Peu. Moi aussi.

Les amendements sont retirés.

La commission est ensuite saisie de lamendement CE2526 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement repose sur une approche un peu différente. Il existe un effet pervers bien identifié, lié à l’accélération des ventes de logements sociaux dans les zones attractives, là où la rémunération est forte et les ventes rapides : dans la plupart des cas, cela concerne des zones extrêmement tendues où l’on a ensuite du mal à reconstruire du logement social, pour des raisons de coût et d’opportunité. Si on laisse faire cette mécanique de marché, on aboutit à une situation contraire aux objectifs d’homogénéité territoriale et de mixité sociale. C’est pourquoi nous vous proposons que l’on ne puisse pas vendre des logements sociaux dans les communes où ils représentent moins de 15 % du parc immobilier ou dans celles devant s’acquitter de pénalités. Lorsque les logements sociaux représentent entre 15 % et 20 % du parc immobilier, on pourra vendre mais il y aura une obligation de construction de nouveaux logements dans un délai de trois ans – on devra donc anticiper.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’émets un avis défavorable. Les ventes de logements sociaux continueront à être soumises à une autorisation préalable du préfet. Il lui revient notamment de vérifier que la vente ne va pas à l’encontre des objectifs de rattrapage dans le cadre de la loi SRU.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

Puis la commission en vient à lamendement CE1682 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il s’agit d’harmoniser les règles de vente en bloc des logements auxquels sont appliqués les plafonds de ressources des prêts locatifs sociaux (PLS) construits ou acquis depuis plus de quinze ans par un organisme HLM.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE2270 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Si je peux revenir un instant sur l’amendement précédent, je me demande s’il n’y a pas un problème quand certains logements sont vacants.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il s’agit justement d’y remédier.

M. François Pupponi. Très bien.

L’amendement CE2270 vise à éviter une autre difficulté, qui concerne les cessions dans des quartiers faisant l’objet d’une convention de rénovation urbaine : ceux qui vendent ne participeront pas aux opérations souhaitées et ce sera ensuite trop tard pour les acquéreurs. Il y a donc un risque de plantage du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). L’objectif de l’amendement est de faire en sorte que les bailleurs participent bien à la convention en rénovant leur patrimoine, qui pourra alors être vendu. Si l’on permet de vendre avant, des quartiers concernés par le NPNRU risquent de ne pas connaître de rénovation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’émets un avis défavorable. Cet amendement risque de complexifier les procédures de vente. J’ajoute qu’il y a d’importants points communs entre la signature des conventions d’utilité sociale (CUS) et celle des conventions conclues avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Il y a déjà une bonne connaissance de ce que prévoient les unes et les autres.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je voudrais être sûr de bien comprendre. L’idée est-elle que le nouveau propriétaire ne doit pas avoir la possibilité de se désengager des opérations de rénovation si le bailleur initial a souhaité y participer ?

M. François Pupponi. Quand un bailleur souhaite vendre, il ne va pas, dans la plupart des cas, déposer de dossier de rénovation urbaine, car il n’est pas intéressé par la rénovation de son patrimoine. Si le nouveau propriétaire ne le souhaite pas davantage, les immeubles ne seront donc pas rénovés. Pour éviter cette situation, il faut que le bailleur rénove avant que la vente ait lieu : celle-ci doit être différée.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Quand un bailleur souhaite vendre des biens situés dans des quartiers dits « de rénovation urbaine », il a tout intérêt à participer aux opérations prévues. Je connais beaucoup d’exemples qui vont dans ce sens. Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre amendement, mais nous pourrons en reparler en aparté si vous le voulez.

M. François Pupponi. En cas de vente en bloc, quel est l’intérêt du bailleur d’engager des fonds propres pour rénover ? Il va vendre, quitte à brader.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Rénover permet de vendre plus cher.

M. François Pupponi. Pas forcément. Le bailleur n’est pas incité à rénover. On l’observe dans de nombreux cas. Un bailleur qui s’en va risque de ne pas participer aux opérations menées dans le cadre de l’ANRU. Il faut se protéger contre une telle situation.

M. Stéphane Peu. Quand vous vous engagez dans un programme de rénovation urbaine et que vous réhabilitez des logements, vous souscrivez pour vingt ans d’emprunt. Il ne sera donc pas rentable de vendre les logements réhabilités, compte tenu des engagements financiers que vous aurez pris pour cette réhabilitation, même si vous vendez un peu plus cher.

M. François Pupponi. Il s’agit aussi d’éviter ce qui s’est passé dans le cadre du premier programme de rénovation urbaine. Je peux vous citer de nombreux exemples de bailleurs qui, à l’époque, se sont précipités pour faire de la cavalerie et gagner de l’argent sur le dos de l’ANRU : ils ont vendu à d’autres bailleurs qui sont ensuite venus présenter à l’agence une facture correspondant au prix d’acquisition de l’immeuble démoli par celle-ci. Il convient donc d’interdire les ventes dans les quartiers de rénovation urbaine pour éviter tous les risques de dérive, dans un sens ou dans l’autre.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement CE2274 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit d’instaurer une clause anti-spéculative.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle aborde lamendement CE1740 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’élu d’une métropole que je suis vient au secours des zones B2 et C, souvent rurales. Dans ces territoires dits « détendus », où il y a beaucoup de logements vacants, la valeur des biens est plus faible, ce qui risque de compliquer les ventes. Je propose donc que, dans ces zones, les ventes soient exonérées de taxe sur les plus-values.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La taxe sur les plus-values de cession vient à peine d’être adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Son objectif est de mutualiser une partie des plus-values pour venir en aide aux bailleurs en difficulté via la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Il ne me paraît pas opportun d’en modifier les modalités avant sa première mise en application.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le but du dispositif est de créer un système vertueux dans lequel la vente des logements refinance le logement. Le système qui me semble le plus sain est celui dans lequel tout le monde restitue les aides accordées pour qu’elles puissent l’être de nouveau, sur tous les territoires. Si l’on adopte cet amendement, ceux qui ne sont ni en zone B2, ni en zone C diront dans deux ou trois ans qu’il y a derrière cette disposition une péréquation déguisée, et n’accepteront l’autofinancement que dans les zones ayant contribué initialement au système. Laissons pour l’instant le dispositif en l’état et voyons s’il fonctionne : on en reparlera dans le futur.

M. Thibault Bazin. Je voudrais remercier mon collègue Peu, car je trouve appréciable que des députés des métropoles se soucient des zones B2 et C. On observe chez certains organismes HLM des comportements de désengagement des territoires en zone dite « détendue » ou peu attractifs, situés notamment en zones B2 et C. Or, ces opérateurs étaient souvent des donneurs d’ordres importants dans ces territoires, y apportant des logements aidés. Il faudra trouver des solutions pour que la construction reparte – comme vous le dites – dans tous les territoires car pour l’instant, je ne vois pas cette relance sur le terrain.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Derrière ce débat technique, il y a un vrai choix politique. Lorsque vous vendez un logement, il est assez logique que les subventions octroyées par l’État lui reviennent mais le choix que nous avons fait dans la dernière loi de finances est de s’assurer que cet argent ne servira pas, par le truchement du budget général, à financer d’autres dépenses que celles du logement et qu’il sera directement réaffecté à ce secteur. Ensuite, la question que vous soulevez est celle de la ventilation des crédits entre les territoires.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements CE2472 de M. Jean-Luc Lagleize et CE1973 de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. Tout à l’heure, nous avons évoqué la bonne information de l’acquéreur personne physique et vous nous avez demandé de retirer nos amendements au motif que l’alinéa 81 répondait à notre demande. Vous aviez raison pour les locataires en place mais M. Bazin s’était inquiété du sort des nouveaux entrants. Je vous propose donc, par l’amendement CE2472, d’améliorer l’alinéa 81 de manière à ce que le locataire entrant soit informé du diagnostic de performance énergétique et qu’il ait une idée de la consommation énergétique du logement.

L’amendement CE1973 vise, quant à lui, à ce que l’acquéreur soit informé dans tous les cas.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’obligation que vous proposez d’instaurer avec l’amendement CE2472 est déjà prévue pour toutes les ventes, HLM ou non. Il est donc inutile de la faire figurer à cet article du code qui définit les règles spécifiques à la vente HLM.

Concernant l’amendement CE1973, il me semble qu’il y a confusion : les mots « le cas échéant » signifient que l’information est obligatoire lorsque les charges existent et sont identifiées mais que ce n’est pas toujours le cas.

Je vous demanderai donc de retirer vos amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle en vient à lamendement CE1972 de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement vise à augmenter le nombre d’années de charges à porter à la connaissance de l’acquéreur.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE1975 de Mme Josy Poueyto.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de cet amendement est de rendre obligatoire la présentation annuelle, par le syndic, de la liste des travaux nécessaires devant l’assemblée générale des copropriétaires. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.

La commission adopte lamendement.

Puis elle aborde lamendement CE1771 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il s’agit de rendre les avances pour travaux facultatives dans la mesure où elles font double emploi avec les cotisations du fonds de travaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il s’agit de deux choses différentes. La question du remboursement des sommes avancées en cas de vente doit être traitée par le propriétaire qui les a versées pour en tenir compte dans le prix de vente alors que le fonds de travaux reste attaché au syndicat des copropriétaires. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ai cru comprendre que l’avance pouvait être récupérée, contrairement aux fonds de travaux. Ce sont donc deux choses différentes.

M. le président Roland Lescure. Retirez-vous votre amendement, monsieur Peu ?

M. Stéphane Peu. Dans le doute, je le maintiens.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE2021 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement prévoit de consulter, dans le cadre de la mise à disposition de locaux dans des logements HLM, non seulement les communes mais aussi les collectivités délégataires des aides à la pierre.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements CE2461 et CE2605 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Je présenterai en même temps les amendements CE2461, CE2605, CE2607 et CE2608.

Il s’agit tout d’abord de rendre obligatoire l’information des associations de locataires en cas de location d’appartements destinés à un autre usage que l’habitation – tel qu’un usage libéral, notamment en zone franche. Comme ces locaux ne sont pas à usage d’habitation, leur affectation ne passe pas par la commission d’attribution.

Par ailleurs, nous souhaitons attirer votre attention sur ce qui se passe en périphérie ou à la limite des zones franches urbaines où la vacance est organisée. Des appartements y sont en effet mis à disposition pour installer des professions libérales dont la valeur ajoutée pour le quartier est quasi nulle mais qui engendrent toutes sortes de charges dans l’immeuble. Ces charges sont pour la plupart réparties au prorata des tantièmes, alors que l’activité du professionnel crée des flux de personnes et donc des salissures plus importantes que n’en engendre l’usage que fait de l’immeuble l’habitant classique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les représentants des locataires sont déjà dans les conseils d’administration des organismes HLM et peuvent donc exprimer leur point de vue sur la gestion patrimoniale de l’organisme.

Quant à l’usage libéral des locaux HLM, ce peut être un sujet préoccupant mais les professions libérales apportent des services qui peuvent bénéficier aux habitants des quartiers et contribuer à la mixité d’usage. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ai exactement le même avis pour les mêmes raisons.

M. Denis Sommer. Dans l’idéal, les choses devraient en effet se passer de cette manière, mais la réalité est tout autre. Je rappelle quand même que l’installation d’activités dans les zones franches urbaines a d’abord pour but de créer les conditions du développement de l’emploi dans ces quartiers. Or, les objectifs fixés initialement ne sont absolument pas tenus et l’engagement de ces professionnels dans ces quartiers est quasi nul. En revanche, on voit bien leur intérêt fiscal à s’installer là et en même temps, les désavantages de la mesure puisqu’il s’agit en général d’activités qui étaient en centre-ville et dont le déplacement en lisière des zones franches urbaines met en difficulté ces centres‑villes. Dans cette affaire, personne ne gagne : ni les quartiers ni les centres-villes. Il faut donc remettre à plat ces dispositifs.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement nous renvoie à tout le débat que nous aurons à l’article 54, relatif à la revitalisation des centres-villes. Ce sujet pose de nombreuses difficultés et je ne suis pas sûr que le problème majeur soit l’installation d’activités libérales dans des HLM. J’irai même plus loin : vu le peu d’activité commerciale qu’il y a autour de certains HLM, je ne suis pas sûr qu’il faille freiner encore plus l’arrivée d’activités libérales ou commerciales dans ce périmètre géographique. Il faut qu’on traite le sujet différemment – comme nous le proposons notamment à l’article 54.

En ce qui concerne les locataires, leur représentation a été renforcée hier par plusieurs amendements. Je comprends votre objectif, mais ne suis pas favorable à cet amendement CE2461.

La commission rejette successivement les amendements CE2461 et CE2605.

Elle aborde lamendement CE2631 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement vise, comme tout à l’heure, à prévoir la consultation des collectivités délégataires de l’aide à la pierre.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle rejette successivement les amendements CE2607 et CE2608 de M. Denis Sommer.

Elle adopte lamendement de coordination CE2675 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à lamendement CE1666 de M. Michel Delpon.

M. Michel Delpon. La vente accrue de logements HLM est la conséquence des choix budgétaires opérés en loi de finances pour 2018 qui entraîne une baisse du niveau d’autofinancement des organismes HLM et des sociétés d’économie mixte (SEM). L’allongement de cinq ans du délai de prise en compte des locataires accédants dans le décompte des logements sociaux prévu par la loi SRU est intéressant si cette opération est conditionnée à la vente de logements aux locataires de logements sociaux, aux personnes physiques sous plafond de revenus et aux personnes morales de droit public ou privé.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. La question de la prise en compte des logements vendus dans le quota prévu par la loi SRU relève de l’article 46 et non de l’article 29 du projet de loi. Par ailleurs, sur le fond, il ne me paraît pas pertinent de prendre en compte dans ce quota des logements vendus à des personnes morales de droit privé, qui ne sont soumises à aucun plafond de loyer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

Lamendement CE1666 est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1534 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. L’un des arguments contre la vente de logements HLM à leurs locataires est qu’elle risque d’engendrer des copropriétés dégradées dans la mesure où de nombreux anciens locataires ne pourront faire face aux charges de copropriété. Nous proposons donc que dans chacun des contrats de vente soit incluse une clause prévoyant qu’en cas d’accident de la vie, l’organisme HLM rachète systématiquement le bien.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La plupart des organismes HLM incluent déjà dans leurs contrats d’accession sociale une clause de rachat afin de sécuriser les accédants à la propriété. Votre amendement aurait l’avantage de généraliser cette bonne pratique mais sa rédaction est à améliorer. Je vous propose donc de le retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ai la même position. Tous les instruments financiers que nous essayons de promouvoir vont dans le sens que vous indiquez. Vous avez raison sur le principe mais il faut veiller à ne pas figer le système : en devenant propriétaire, l’acquéreur court forcément un risque, sauf s’il s’inscrit dans un processus fondé sur les instruments financiers dédiés que nous développons. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour le retravailler dans le sens que je viens d’indiquer.

M. Stéphane Peu. Je suis très favorable à cet amendement, car l’accession sociale a pour but de permettre à des personnes n’arrivant pas à acheter sur le marché libre de devenir propriétaires. La garantie offerte par l’organisme HLM est souvent double, à la fois garantie de rachat à un prix indexé et garantie de relogement. D’autre part, dans notre société, si vous n’êtes pas fonctionnaire, si vous n’avez pas de contrat de travail à durée indéterminée, ou si vous avez dépassé quarante ans et que vous fumez, il vous est très compliqué d’obtenir un crédit. Enfin, 90 % des faillites personnelles sont liées aux séparations et aux divorces, d’où l’importance de fixer des garanties.

M. le président Roland Lescure. Maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Luc Lagleize. Je le retire pour le retravailler dans le sens que nous avons défini.

M. Éric Pauget. Cet amendement part d’une très bonne idée. Si l’on veut soutenir l’accession à la propriété, il importe que les accédants bénéficient de la garantie de rachat des organismes HLM.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Soyons clairs : je suis très favorable à ce dispositif et tous les autres dispositifs que nous essayons de développer vont dans ce sens. Cela étant, la garantie qu’accorde un organisme à un primo-accédant a un impact sur l’organisme lui-même, et donc sur les collectivités qui sont elles-mêmes garantes de l’organisme. Je ne voudrais pas que de fil en aiguille, on crée des blocages tels que l’accession sociale fonctionne moins bien, in fine.

M. Jean-Luc Lagleize. Peut-être faudrait-il enserrer la garantie dans un délai.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 29 modifié.

Article 29 bis (nouveau)
(article L. 443-15-5 du code de la construction et de lhabitation)
Transformation de logements-foyers en logement étudiant

Cet article additionnel a été a adopté à l’initiative de M. Cinieri.

L’article L. 443-15-5 du CCH dispose aujourd’hui que les logements‑foyers peuvent être vendus à d’autres organismes HLM, à des SEM de construction et de gestion de logement sociaux, à des collectivités territoriales, à des centres communaux d’action sociale et à des organismes sans but lucratif.

Afin d’accélérer la production de logements étudiants, cet article ouvre la possibilité aux organismes HLM de vendre les anciens logements-foyers qu’ils possèdent à des investisseurs en vue de la réalisation de logements étudiants.

*

*     *

La commission examine lamendement CE2023 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le secrétaire d’État, au début de la discussion générale, vous avez vous-même indiqué qu’il n’y avait pas grand-chose sur l’outre-mer dans ce texte et qu’on pourrait travailler ensemble à des propositions sur le sujet.

La suppression de l’APL accession a provoqué une vraie catastrophe, remettant en cause la dynamique d’accession sociale et de la location-accession au point qu’aujourd’hui, toutes les opérations sont en panne. Cela crée des difficultés non seulement pour l’accession à la propriété des personnes modestes mais aussi en termes de mobilité sociale à l’intérieur du patrimoine HLM. Surtout, la plupart des opérations de résorption de l’habitat insalubre et indigne passent par de l’accession à la propriété dans ce qu’on appelle les logements évolutifs sociaux (LES). C’est pourquoi je vous propose d’accepter cette demande de rapport ou, à défaut, qu’on prenne rendez-vous pour définir ensemble un mécanisme de substitution et éviter l’arrêt total des opérations d’accession.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il n’est pas opportun ici de refaire le débat qui a eu lieu lors de l’examen de la loi de finances pour 2018. Nous évaluerons les effets de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) lors du prochain projet de loi de finances, avec l’aide de nos rapporteurs budgétaires.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne crois pas à l’efficacité des rapports car ils renvoient à plus tard l’examen des problèmes. Cela étant, vous avez évoqué un point que je voudrais expliciter : la suppression de l’APL accession en outre-mer a eu des effets secondaires sur la lutte contre l’habitat indigne et vous avez mille fois raison de dire qu’il y a un « trou dans la raquette ». Je suis donc pleinement d’accord pour qu’on organise une réunion de travail sur ce sujet. Nous avons déjà eu des contacts avec certains de vos collègues mais il nous faut poursuivre ces discussions – ce à quoi je m’engage.

M. Serge Letchimy. Je prends acte de cet engagement.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement CE162 de M. Dino Cinieri.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable à cet amendement qui vise à développer le logement étudiant.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE163 de M. Dino Cinieri.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet de supprimer les actions en nullité des ventes de logements-foyers ne respectant pas la loi. Je considère pour ma part que si la réglementation est pertinente, elle doit être respectée. Il n’y a pas d’obligation sans sanction. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis d’autant plus défavorable à cet amendement que, dans le précédent, vous visiez à faciliter les ventes de logements-foyers pour en faire des logements étudiants. Il est donc nécessaire de maintenir les sanctions du non-respect de la réglementation de ces ventes.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE164 de M. Dino Cinieri.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les recours contre les ventes de logements‑foyers doivent être suffisamment ouverts pour garantir le bon respect de la loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE2462 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Chacun sait que le passage du statut de locataire au statut de copropriétaire n’est pas toujours chose aisée et que, dans les copropriétés, les difficultés de gestion sont souvent très grandes parce que les nouveaux copropriétaires ne sont pas préparés à cette réalité. Je propose donc que les bailleurs sociaux assurent une formation aux futurs acquéreurs, afin de les préparer à leur nouveau statut de propriétaires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est largement satisfait par les dispositions de l’article 29, qui prévoit déjà une information spécifique des locataires HLM accédant à la propriété. Je vous demande donc de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Denis Sommer. L’obligation des bailleurs d’informer les locataires est bien sûr respectée. Mais d’expérience, je sais ce qu’il y a dans cette information – le type de logement, le prix, la rénovation éventuelle du bâtiment, notamment du point de vue énergétique. Mais sur les responsabilités de la personne qui devient copropriétaire, en général, il n’y a absolument rien. Je maintiens donc l’amendement.

M. François Pupponi. Je suis arrivé trop tard pour défendre l’amendement CE2275, mais je voudrais en dire quelques mots.

Les textes actuels exonèrent de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) tous les locaux acquis aménagés pour faire de l’hébergement d’urgence. Ainsi, toutes les réquisitions faites par les préfets le seront aux dépens des collectivités locales, sur des bâtiments qui produisent de la recette fiscale et qui n’en produiront plus demain. Et il en est de même sur les logements vendus.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous alerter encore une fois sur le fait que les communes les plus défavorisées vont perdre de la recette fiscale. C’est le cas avec les réquisitions de locaux aménagés pour faire de l’hébergement d’urgence – article 1384 D du code général des impôts. Mais il y a d’autres cas et d’autres articles. Les textes sont malheureusement très têtus.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il y a beaucoup de cas particuliers, et nous en avons déjà traité beaucoup. Dans la loi de finances pour 2018, en particulier, a été adopté un des amendements que vous aviez déposés et qui permet de tirer les leçons du dossier ICADE. Il y a donc des avancées.

M. François Pupponi. Reste qu’aujourd’hui, quand le préfet va réquisitionner des locaux, que des travaux seront réalisés pour en faire des structures d’hébergement d’urgence, les communes concernées perdront la TFPB.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. On aura l’occasion d’en reparler au moment du projet de loi de finances pour 2019.

La commission rejette lamendement CE2462.

Chapitre III
Dispositions diverses

Article 30
(articles L. 342-5, L. 342-9, L. 342-14 et L. 452-3 du code de la construction et de lhabitation)
Procédures de contrôle de lAgence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

1.   L’état du droit

L’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) est un établissement public de l’État, créé par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). L’ANCOLS est issue de la fusion de la Mission interministérielle d’inspection du logement social (Miilos) et de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction (ANPEEC). L’ANCOLS est chargée du contrôle et de l’évaluation de l’ensemble du secteur du logement social et du bon emploi de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC). À ce titre, l’ANCOLS contrôle chaque année, sur pièces ou sur place, environ cent organismes qui gèrent du logement social ou emploient des fonds issus de la PEEC.

Si, à l’issue du contrôle, l’ANCOLS a constaté des irrégularités ou des manquements aux dispositions législatives ou réglementaires, elle peut proposer au ministre chargé du logement des sanctions qui peuvent être pécuniaires, individuelles ou administratives. En 2016 et 2017, 25 organismes ont fait l’objet de sanctions pécuniaires ministérielles. Parmi les motifs de sanction les plus courants figurent notamment le non-respect des règles relatives à l’attribution des logements locatifs sociaux ou la non-application du supplément de loyer de solidarité (SLS).

Depuis la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, l’article L. 342-16 du CCH prévoit que le produit des sanctions pécuniaires prononcées sur proposition de l’ANCOLS est versé à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Depuis 2015, le montant de ces sanctions s’élève à 1,9 million d’euros.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 30 du présent projet de loi prévoit quatre mesures visant à simplifier l’activité de contrôle de l’ANCOLS et à renforcer l’impact des sanctions prononcées contre certains organismes.

Tout d’abord, les alinéas 1 et 2 précisent que l’ANCOLS pourra directement avoir accès au répertoire des logements locatifs sociaux et de leurs occupants (RPLS), pour l’exercice de ses missions. Ce répertoire, tenu par le ministère chargé du logement, est alimenté tous les ans par les organismes gestionnaires de logements sociaux. Parmi les informations contenues dans le RPLS figurent notamment la localisation et les caractéristiques du parc de logements détenu par chaque organisme, ainsi que des informations relatives aux loyers et aux contingents d’appartenance des logements lorsque ceux-ci font l’objet d’une réservation. L’accès direct de l’ANCOLS à ce répertoire permettra aux bailleurs de ne pas avoir à transmettre à nouveau ces informations.

Par ailleurs, les alinéas 3 et 4 prévoient que, lorsque l’organisme contrôlé est un office public de l’habitat, le rapport définitif de l’ANCOLS peut être communiqué par l’agence à la collectivité territoriale de rattachement de l’office, ainsi qu’à la société de coordination dont il est éventuellement membre. L’article L. 342-9 du CCH dispose aujourd’hui que l’ANCOLS peut transmettre le rapport définitif à la société-mère de l’organisme, ce qui ne s’applique en réalité qu’aux sociétés anonymes d’HLM et aux sociétés d’économie mixte. Les OPH n’ayant pas de capital, l’équivalent de leur « société-mère » est leur collectivité territoriale de rattachement.

Les alinéas 5 et 6 prévoient, quant à eux, que les sanctions ministérielles prononcées contre un organisme seront publiées au bulletin officiel mensuel du ministère de la cohésion des territoires et du ministère de la transition écologique et solidaire. En l’état actuel du droit, ces sanctions ne font l’objet d’aucune publicité, ce qui peut réduire leur portée.

Enfin, les alinéas 7 à 9 procèdent à une clarification juridique en inscrivant explicitement dans la liste des ressources de la CGLLS, prévue à l’article L. 452-3 du CCH, le produit des sanctions ministérielles prononcées sur proposition de l’ANCOLS et le produit de la taxe sur les plus-values réalisées à l’occasion des ventes de logements sociaux, instituée par la loi de finances pour 2018. Le produit de ces sanctions et de cette taxe est déjà affecté à la CGLLS sans toutefois figurer dans la liste de ses ressources. Grâce à cette clarification, la CGLLS pourra utiliser ces deux ressources pour l’exercice de ses missions en faveur des organismes HLM en difficulté financière.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article, en y apportant qu’une modification rédactionnelle.

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*     *

La commission adopte lamendement CE2761 de la rapporteure, tendant à corriger une erreur de référence.

Puis elle adopte larticle 30 modifié.

Article 31
(articles L. 313-17, L. 313-17-1, L. 313-17-4, L. 313-18-1, L. 313-18-3, L. 313-33, L. 313-34 et L. 313-19-2 du code de la construction et de lhabitation, article L. 111-12 du code des juridictions financières, ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à leffort de construction
et ordonnance n° 2017-52 du 19 janvier 2017 modifiant lobjet de lAssociation
pour laccès aux garanties locatives et de lAssociation foncière logement)
Ratification des ordonnances relatives à Action Logement

1.   L’état du droit

Les ordonnances n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et n° 2017-52 du 19 janvier 2017 modifiant l’objet de l’Association pour l’accès aux garanties locatives et de l’Association foncière logement ont profondément réformé l’organisation d’Action Logement.

Action Logement est ainsi passé d’un réseau de 20 comités interprofessionnels du logement (CIL) autonomes à un groupe intégré et cohérent, composé de trois grandes structures :

– Action Logement Groupe, chargée du pilotage de la convention quinquennale signée avec l’État définissant les règles d’utilisation de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) ;

– Action Logement Services (ALS), chargée de collecter la PEEC et de distribuer les aides aux salariés et aux organismes HLM ;

– Action Logement Immobilier (ALI), chargée de regrouper toutes les participations du groupe dans des sociétés immobilières, dont principalement des ESH.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 31 du présent projet de loi procède à la ratification des deux ordonnances précitées afin que leurs dispositions entrent pleinement dans le domaine de la loi.

Par ailleurs, les alinéas 4 à 6 intègrent expressément l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL), qui gère le dispositif Visale, et l’Association foncière logement (AFL) au sein du groupe Action Logement. Cette intégration vise notamment à donner à Action Logement Groupe la compétence de fixer les objectifs et le cadre financier de l’APAGL et l’AFL et d’agréer leurs directeurs généraux.

Enfin, l’alinéa 8 autorise les employeurs agricoles de plus de 50 salariés à cotiser au fonds de la participation supplémentaire des employeurs à l’effort de construction (PSEEC), ce qui permet à leurs salariés de bénéficier d’aides supplémentaires de la part d’Action Logement, comme cela est déjà autorisé pour les employeurs non agricoles.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Tirant les conséquences de l’adoption de l’amendement CE1680 à l’article 29, qui a prévu le rattachement d’une société de vente HLM à Action Logement Services (ALS) et non à Action Logement Immobilier (ALI), la commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteure, un amendement visant à adapter les missions légales de ces deux sociétés en ce sens.

Votre rapporteure rappelle que l’objectif d’une telle architecture est de garantir l’universalité du service qui sera rendu par cette société de vente à l’ensemble du secteur HLM et de s’assurer de la stricte séparation entre cette société et les autres filiales immobilières d’Action Logement.

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*     *

La commission examine lamendement CE2753 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de cet amendement est d’adapter l’objet social d’Action Logement Services (ALS) et Action Logement Immobilier (ALI), pour tenir compte du changement de rattachement de la société de vente.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable, sous réserve que l’on puisse le sous‑amender en séance afin de remplacer, au deuxième alinéa, la référence : « L. 313-20 » par la référence : « L. 313-19 ».

La commission adopte lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 31 modifié.

Article 32
(article 81 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté)
Report de la date de conclusion de la seconde génération de conventions dutilité sociale (CUS)

1.   L’état du droit

La première génération de conventions d’utilité sociale (CUS) devait, en application de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite « loi MOLLE »), être signée entre chaque organisme HLM et l’État avant le 1er juillet 2011. La durée de validité de ces conventions étant de six ans, celles-ci devaient donc être renouvelées avant le 1er juillet 2017.

La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ayant profondément modifié le contenu de ces conventions, celle-ci a reporté d’un an la conclusion de la seconde génération de CUS, soit avant le 1er juillet 2018.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 32 du présent projet de loi prolonge, de nouveau, les délais de conclusion de la seconde génération de CUS, en raison du mouvement de restructuration du secteur enclenché par le présent projet de loi et de la modification du contenu des CUS prévue par l’article 28.

L’alinéa 2 prévoit que les organismes HLM auront désormais jusqu’au 1er juillet 2019 pour transmettre au préfet de département un projet de CUS. Le deuxième alinéa de l’article L. 445-1 du CCH précisant que la CUS est conclue dans les six mois qui suivent le dépôt du projet, la date de conclusion de la seconde génération de CUS est donc fixée au 1er janvier 2020.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CE2405 de M. François Pupponi, et CE1414 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Mon amendement, qui fait écho à celui de mon collègue Pupponi, vise à sécuriser le report de dix-huit mois du calendrier législatif des CUS de la première génération, en prorogeant les engagements portés par ces conventions jusqu’au 30 juin 2019. Il précise également le calendrier pour l’élaboration et l’entrée en vigueur des CUS de deuxième génération.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les engagements de la première génération de CUS sont échus au 31 décembre 2017. Un contrat ne pouvant pas être prorogé en principe après sa date de fin, il apparaît que la loi ELAN arrivera en retard pour proroger ces CUS. En outre, certaines dispositions des anciennes CUS n’ont pas vocation à perdurer, notamment les modulations de supplément de loyers de solidarité (SLS) et les plafonds de ressources dérogatoires. Donc, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Dans cet article 32, il est indiqué que les nouvelles CUS devront être finalisées dans un délai de dix-huit mois.

Monsieur le député, je dois dire que j’ai été très surpris au moment de l’élaboration du projet de loi. Il me semblait logique de décider de prolonger les anciennes CUS jusqu’à la signature des nouvelles. Or on m’a dit que juridiquement, ce n’était pas possible, dans la mesure où les anciennes CUS étaient tombées le 31 décembre 2017. Il n’y a donc plus d’autre solution que d’établir de nouvelles CUS le plus rapidement possible.

J’ai eu la même réaction que vous quand on me l’a expliqué…

M. Thibault Bazin. Je suis vraiment dépité ! Je veux bien comprendre que les CUS sont tombées, et je regrette que nous ayons collectivement manqué de vigilance en laissant passer l’échéance du 31 décembre 2017. Mais puisqu’il en est ainsi, nous devons faire en sorte d’avancer au plus vite tout en ayant conscience
– car c’est la réalité du terrain – qu’aujourd’hui nous ne sommes pas prêts. Je vais retirer mon amendement, mais je suis très déçu.

Lamendement CE1414 est retiré.

M. François Pupponi. Je comprends les arguments juridiques avancés par le secrétaire d’État, mais je suis un peu étonné : le document existe ; il a été contractualisé jusqu’au 31 décembre 2017. On peut décider dans la loi de prolonger en 2018 ce qui était valable en 2017…

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage votre déception et vos interrogations. J’ai lancé toutes mes équipes sur le sujet, et je comprends qu’à ce stade, on ne peut pas proroger ce qui n’existe plus juridiquement. Cela dit, si quelqu’un trouve la solution, je lui offre une bière…

M. Thibault Bazin. Ne pourrait-on, à défaut de ressusciter les CUS, les réactiver ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je vous remercie de cette proposition. J’ai fait à peu près la même. Aujourd’hui, juridiquement, on ne sait pas le faire. On continue à y travailler, mais si quelqu’un trouve la solution, je l’applaudirai des deux mains.

M. Thibault Bazin. Il faut que l’on tente quelque chose !

M. François Pupponi. Je n’avais pas réalisé que les anciennes CUS prendraient fin au 31 décembre 2017. Cela signifie-t-il qu’aujourd’hui, les bailleurs sociaux n’ont plus d’obligation, dans la mesure où il n’y a plus de CUS ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La loi l’avait prévu ainsi.

M. François Pupponi. Je retire moi aussi mon amendement.

Lamendement CE2405 est retiré.

La commission adopte larticle 32 sans modification.

Article 33
(article 117 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à légalité et à la citoyenneté)
Prolongation du délai dhabilitation à légiférer par ordonnance pour la codification des aides au logement

1.   L’état du droit

Il existe aujourd’hui trois types d’aides personnelles au logement, qui ciblent différents publics et différents types de logements :

– l’allocation de logement familiale (ALF) ;

– l’allocation de logement sociale (ALS) ;

– l’aide personnalisée au logement (APL).

Si les dispositions relatives à l’APL sont inscrites dans le code de la construction et de l’habitation, celles relatives à l’ALF et à l’ALS sont inscrites dans le code de la sécurité sociale.

Dans un souci de clarté et de lisibilité, l’article 117 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté à habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour rassembler au sein d’un même code, celui de la construction et de l’habitation, l’ensemble des règles relatives aux différentes aides personnelles au logement. Ce travail de codification doit être réalisé à droit constant, dans un délai de vingt-quatre mois après la promulgation de la loi précitée, soit avant le 27 janvier 2019.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 33 du présent projet de loi vise à prolonger de six mois le délai accordé au Gouvernement pour procéder à la codification des règles relatives aux aides personnelles au logement au sein du code de la construction et de l’habitation. La date limite nouvellement fixée est le 27 juin 2019.

Ce délai supplémentaire permettra d’intégrer à ce travail de codification les nouvelles évolutions législatives qui devraient intervenir à l’occasion de la loi de finances pour 2019, au regard de la volonté du Gouvernement de fonder le calcul du montant des aides personnelles au logement sur les revenus de l’année en cours et non sur les revenus de l’année N-2.

En revanche, le délai de l’habilitation également accordée au Gouvernement par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté pour procéder, à droit constant, à une nouvelle rédaction du livre IV du code de la construction et de l’habitation, consacré aux habitations à loyer modéré (HLM), n’est pas modifié. L’article 33 du présent projet de loi maintient un délai de vingt-quatre mois à compter de la loi précitée, soit jusqu’au 27 janvier 2019.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

La commission adopte larticle 33 sans modification.

Après l’article 33

La commission est saisie des amendements identiques CE1402 de M. Thibault Bazin et CE2406 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Un dossier de diagnostic technique doit être fourni par le vendeur en cas de vente, ou par le bailleur en cas de location. La réalisation de ces diagnostics entraîne un surcoût important pour les organismes HLM. Le présent amendement propose de proroger d’un an la durée de validité des diagnostics pour les logements HLM.

Je profite de cet amendement CE1402 pour faire passer des messages « subliminaux » au Gouvernement sur des mesures réglementaires à prévoir : uniformiser les durées de validité des diagnostics gaz et électricité pour les porter à dix ans ; ou porter la durée de validité du diagnostic termites à trois ans.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ces amendements créent une rupture d’égalité injustifiée devant la loi entre les propriétaires bailleurs HLM et les autres, et pose un problème de constitutionnalité. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour la même raison.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CE595 de M. Pierre Cordier et CE2407 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de ces amendements est de permettre aux organismes HLM de réaliser directement les diagnostics techniques sans passer par un professionnel extérieur certifié. Or, c’est cette certification qui permet de contrôler les compétences, l’impartialité et l’indépendance de ces derniers. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La loi ne saurait permettre d’être à la fois juge et partie. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE2408 de M. François Pupponi, et CE87 de M. Martial Saddier.

M. François Pupponi. Il s’agit de recentrer le champ d’application de la réduction de loyer de solidarité (RLS) sur les seuls locataires bénéficiaires de l’APL.

M. Martial Saddier. Mon amendement CE87, identique, a été cosigné par un certain nombre de mes collègues, dont Mme Virginie Duby-Muller, mon excellente collègue de Haute-Savoie.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette question relève davantage du projet de loi de finances (PLF). De plus, la mesure proposée se heurte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons eu ce débat au moment de la loi de finances pour 2018. Le but de la réforme que nous avons réalisée l’hiver dernier est de diminuer les loyers, et c’est cette diminution des loyers qui engendrera une diminution des APL. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE2409 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le présent amendement clarifie dans la loi les modalités de mise en œuvre opérationnelle du dispositif de la RLS, qui supposent des échanges de données entre les caisses d’allocations familiales (CAF) et les bailleurs sociaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE519 de M. Pierre Cordier et CE2353 de M. François Pupponi.

M. Martial Saddier. Cet amendement vise à replacer les locataires au cœur du projet des bailleurs. Nous en avons longuement discuté hier soir.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Nous en avons en effet beaucoup parlé hier.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement CE695 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Il s’agit de supprimer les établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris.

M. Thibault Bazin. Il ne faut pas manquer d’audace !

Mme Christelle Dubos, rapporteur. Même si les débats sont en cours, la loi ELAN n’a pas vocation à traiter cette question. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle se penche sur lamendement CE694 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. C’est un amendement de repli, qui consiste à retirer la compétence politique d’attribution des logements sociaux et de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs, actuellement dévolue aux établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, pour la confier aux communes. Les établissements publics intercommunaux, qui dépassent les 300 000 habitants et approchent parfois même le million d’habitants, ne sont pas à même d’exercer cette compétence, qui relève de la proximité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle aborde lamendement CE304 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement vise à augmenter la taxe sur les résidences mobiles, créée par la loi de finances rectificative pour 2010, afin de mieux couvrir la dépense engagée par les collectivités pour organiser l’accueil des gens du voyage, et à substituer une vignette au récépissé délivré lors du paiement de cette taxe. Cette vignette devra être apposée de manière visible sur le pare-brise du redevable, de manière à permettre un contrôle plus efficace du recouvrement de cette taxe.

Nous avions déposé le 5 avril, avec mes collègues du groupe Les Républicains parmi lesquels mon excellent collègue Martial Saddier, une proposition de loi relative aux gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, dont un certain nombre d’articles ont été rejetés par nos collègues du groupe La République en Marche, vidant en partie le texte de sa substance. Sur le conseil de Mme la ministre Jacqueline Gourault, je les ai redéposés sous forme d’amendements au présent projet de loi, mais regrette que neuf d’entre eux aient été jugés irrecevables, alors que la ministre s’était justement engagée à ce qu’ils puissent être examinés, et que seul celui-ci vienne en discussion.

M. le président Roland Lescure. Madame la députée, je suis, comme vous, très attaché à la séparation des pouvoirs : ce n’est pas la ministre qui décide de la recevabilité des amendements, c’est moi. Neuf de vos amendements n’avaient pas de lien avec le projet de loi ELAN. Nous n’avons gardé que celui-là, qui était recevable.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement reprend en effet la proposition de loi sur les gens du voyage, mais n’a pas de lien avec le projet de loi. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le sujet est bien connu de cette assemblée, car il a donné lieu à de nombreux travaux et propositions de loi. Pour ma part, j’ai cru comprendre qu’une nouvelle proposition de loi, votée par le Sénat, allait venir en discussion à l’Assemblée. Le débat pourra donc avoir lieu dans ce cadre.

M. Martial Saddier. Nous ne sommes pas là pour faire de la polémique, et nous avons un profond respect pour la présidence, mais je m’interroge : pourquoi, sur dix amendements traitant du même sujet, un seul a-t-il été déclaré recevable ?

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vos propos contredisent ceux de votre collègue, qui nous a dit ne pas vouloir d’une loi spécifique aux gens du voyage au motif que les dispositifs les concernant avaient leur place dans la loi ELAN : vous nous dites aujourd’hui, en effet, qu’il vaudrait mieux en discuter dans le cadre de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Pendant ce temps-là, les caravanes continuent de passer, et ne font d’ailleurs pas que passer, puisqu’elles s’installent durablement sur un certain nombre de nos territoires.

M. Thibault Bazin. En toute illégalité !

M. le président Roland Lescure. Seul cet amendement, qui faisait référence à des résidences mobiles, pouvait être rattaché au projet de loi. Les autres ne le pouvaient pas. J’ai donc décidé de les en écarter, comme c’était mon devoir.

M. Thibault Bazin. Cela signifie-t-il que les résidences mobiles peuvent passer en séance ?

M. le président Roland Lescure. Cela dépendra de l’expertise qui aura lieu d’ici là.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. De mon côté, je m’empresserai de me coordonner avec Jacqueline Gourault afin que nous accordions nos violons, et je vous tiendrai au courant.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1551 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Cet amendement vise à sanctionner plus durement les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsqu’elles sont commises sur les personnels des bailleurs sociaux. Aujourd’hui, seuls les gardiens sont reconnus comme des personnes exposées, alors que les personnels d’accueil, les techniciens, les travailleurs sociaux, les agents du contentieux, etc., le sont aussi. Il serait opportun de les protéger au même titre que les gardiens.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le code pénal protège déjà spécifiquement les gardiens et les agents qui sont en contact avec les locataires dans les immeubles. Cet amendement me semble donc satisfait, et j’en demande le retrait.

M. Stéphane Peu. D’une part, le code pénal ne protège pas si bien les gardiens que cela, et les procédures n’aboutissent que rarement. D’autre part, comme le fait remarquer notre collègue, aujourd’hui, les gardiens ne sont pas les seuls en proie à des violences verbales, voire à des violences physiques. C’est le cas de nombreux personnels qui interviennent dans les logements : des techniciens, des personnels d’accueil, les services sociaux, etc. Je souscris donc totalement à cet amendement, qui vise à élargir à l’ensemble des personnels au contact du public la protection du code pénal.

M. Dominique Da Silva. Je maintiens cet amendement, dont l’objet est de renforcer la dissuasion. L’aggravation des sanctions n’empêchera peut-être pas les violences. Mais on peut espérer qu’il permettra d’apaiser les tensions.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE293 de M. Pierre Cordier.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis par principe hostile à ces demandes de rapport, surtout lorsqu’elles portent sur un sujet relevant du PLF.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Martial Saddier. Cet amendement, que j’ai cosigné, a été déposé pour rendre service au Gouvernement ! M. Denormandie s’est lancé dans un exercice assez talentueux, qui consiste à défendre ce projet de loi tout en essayant de trouver un moyen de faire face à la ponction budgétaire qui lui a été imposée lors de la dernière loi de finances. Selon nous, la meilleure façon d’aider le secrétaire d’État, qui est brillant et connaît bien son dossier, est d’obliger Bercy à remettre au Parlement un rapport, six mois après la promulgation de la loi, sur les conséquences de la réduction du montant des aides personnalisées au logement (APL). Bercy pourra ainsi lui expliquer comment faire pour se passer d’argent…

Bercy ne s’est pas contenté de faire de sévères ponctions sur le logement, il l’a fait dans d’autres domaines – les agences de l’eau, par exemple. Il serait utile de pouvoir constater dans six, huit ou dix mois, comment il est possible de faire face à de telles ponctions budgétaires.

M. le président Roland Lescure. Notre groupe a la volonté d’améliorer le suivi de l’exécution budgétaire, qui pourrait faire l’objet de ce type d’analyse. Cela commencera d’ailleurs dès cette année, avec le « printemps de l’évaluation budgétaire ».

M. Thibault Bazin. Ce qui nous frustre profondément dans ce projet de loi, c’est qu’on n’y parle pas des moyens.

Je vous crois profondément sincère, monsieur le secrétaire d’État, mais la vérité, c’est qu’à l’automne dernier Bercy vous a ponctionné de 1,7 milliard d’euros. Aujourd’hui, vous essayez de trouver des solutions, mais mener des politiques publiques sans argent n’est pas facile. Nous avons fait, pour notre part, des propositions.

Enfin, je me réjouis au passage de notre débat de tout à l’heure sur le fait que l’argent du logement doit rester au logement : c’est la moindre des choses.

M. Stéphane Peu. Nous en redébattrons lors de l’examen du projet loi de finances. La réduction de loyer de solidarité (RLS) n’étant pas dans le projet de loi ELAN, j’avais proposé à l’automne dernier que l’on décide d’un moratoire, afin de nous assurer que nous aurions une loi cohérente sur le logement, qui aurait tout englobé, y compris les aspects financiers, au lieu de quoi la RLS, soumise à la règle de l’annualité budgétaire, devra être rediscutée chaque année, contrairement à la loi ELAN – sauf si une autre loi venait la corriger.

Je partage l’idée d’évaluer les conséquences de la RLS. Je pense même qu’il serait bon d’y procéder avant de voter sa reconduction pour l’année prochaine. Mais cela risque d’être difficile, étant donné qu’elle n’est toujours pas en place alors que nous sommes déjà au mois de mai.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Permettez-moi de m’arrêter deux minutes sur cette question.

La transformation que nous opérons depuis le mois de novembre, et qui a d’abord porté sur le volet financier, porte aujourd’hui sur le volet structurel : regroupements, accession sociale, politique des loyers, facilités dans l’action de construction – avec, notamment, la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) –, tous sujets qui ont fait l’objet de longs débats.

Il y a quarante ans, à l’époque du Gouvernement de Raymond Barre, le choix a été fait d’arrêter l’aide à la construction et de privilégier l’aide à la personne. Or, je crois profondément – et je sais que beaucoup d’entre vous en sont convaincus aussi – qu’il faut inverser cette tendance et refaire de l’aide à la construction, plutôt que de la subvention à la sortie. Telle est la logique qui sous-tend notre politique.

Nous en avons parlé dès le premier jour. Nous avons discuté des APL, et toutes les oppositions ont déposé des amendements proposant de tenir compte du taux d’effort. Ces amendements n’étaient pas satisfaisants, et je m’y suis opposé en raison de leur impact sur les bénéficiaires des APL. Mais, en même temps, tout le monde s’est accordé à dire que ces aides mobilisaient des sommes considérables – 18 milliards d’euros aujourd’hui – et que la politique des coups de rabot annuelle n’était pas une bonne politique.

Il fallait donc trouver une solution, et c’est pourquoi nous avons proposé d’améliorer l’aide à la construction et de diminuer la subvention sans que cela ait le moindre impact financier sur les allocataires, en créant la réduction du loyer de solidarité (RLS). C’est un système compliqué, je vous l’accorde, mais qui permet de ne pas pénaliser les bénéficiaires des APL.

Nous avons fait la synthèse de ce qui ne relève pas de la loi, mais des nombreux instruments financiers que nous avons mis en place, et qui visent à soutenir la construction. Nous l’avons distribuée à tous les bailleurs sociaux, et sommes en train de la leur expliquer. Je vous la communiquerai demain.

Cela passe par des sujets comme le livret A, qu’il s’agisse de la stabilisation de son taux ou de la modification du mode de calcul. Il est tout à fait scandaleux, cela a été dit, que les bailleurs sociaux aient dû se financer, au cours des cinq dernières années, à un taux bien plus élevé que tous leurs homologues européens. Cela passe aussi par le recours aux instruments de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui m’amène à vous faire part d’une anecdote personnelle.

L’un de mes métiers précédents consistait à aider les entreprises en difficulté sur les territoires. J’étais alors à Bercy et je n’avais de cesse d’aller voir mes collègues pour leur demander pourquoi on n’utilisait pas les fonds de la Caisse des dépôts pour que les entreprises puissent disposer de capitaux nouveaux, et en particulier de capitaux de long terme. On me répondait à chaque fois que ce n’était pas possible car les fonds de la Caisse des dépôts étaient fléchés – sauf à de très rares exceptions – pour le logement ! Dès que j’ai été nommé secrétaire d’État, j’ai donc rappelé les mêmes personnes en leur disant : et maintenant, que fait-on ?

C’était avant le débat budgétaire. Et aujourd’hui, tout ce que nous essayons de faire avec la Caisse des dépôts – grâce aux prêts à taux fixe, aux rallongements de dette, aux prêts de haut de bilan –, c’est d’améliorer l’aide à la construction. Et je crois que nous pouvons et devons aller encore plus loin. Aujourd’hui, il y a une dizaine de mesures de soutien. Mais je vois M. Peu et M. Pupponi faire la moue… Certes, il n’est pas facile de réduire sa dépendance à la subvention, mais c’est important pour la pérennité du modèle et de son fonctionnement.

M. François Pupponi. Cela fait longtemps que je suis à peu près du même avis que vous : il est absurde que, dans un pays comme le nôtre, l’État dépense 20 milliards d’euros par an pour aider les Français à payer leur loyer ! Il vaudrait mieux consacrer l’argent à faire baisser le prix des loyers et à relancer l’économie, nous en sommes tous d’accord. Cela paraît tellement simple et enfantin qu’il faut se demander pourquoi, depuis vingt ans, notre pays n’a pas été capable de le faire…

Si je puis me permettre cette remarque, monsieur le secrétaire d’État, ceux qui ont inventé le système et qui l’ont perverti depuis vingt ans sont les mêmes que ceux qui sont encore à Bercy et qui vous conseillent. Nous les connaissons tous, ils ont « essoré » tous les ministres divers et variés depuis vingt ans. J’espère que ne sera pas votre cas…

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, j’ai été à Bercy…

M. François Pupponi. Je me comprends, mais ce sont les mêmes… Pourquoi des gens aussi intelligents dilapident-ils depuis vingt ans l’argent public pour ne pas faire ce que nous proposons, et qui est si simple ? D’abord parce qu’ils considèrent que, comme ils sont intelligents, ce qu’ils ont décidé est bien, même lorsque c’est mal – c’est un problème psychologique. Ensuite, ils ne veulent pas aller jusqu’au bout du raisonnement : on donne de l’argent public pour l’aide à la pierre, mais on ne va pas jusqu’à baisser le loyer. Ils pensent que cela va se faire naturellement, mais ce n’est pas le cas !

Prenons l’exemple de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : on y a déversé 40 milliards d’euros, sans que cela ait fait baisser les loyers d’un euro. Cela les a même fait augmenter, et les APL avec eux, ce qui est extravagant. On aurait pu imaginer que, grâce à l’argent versé à l’ANRU les loyers allaient finir par être maîtrisés, les locataires par payer moins cher, et les APL par diminuer. Pour cela, il faut faire une règle de trois qui n’est pas très compliquée, mais que personne ne veut faire. J’espère que vous y arriverez. Je souhaite vraiment que ce soit possible avec l’ANRU 2. Si on donne de l’argent sous forme d’aide à la pierre, il faut que le bailleur s’engage à baisser le loyer, il faut même l’y obliger, afin que les APL baissent.

Toutes les mesures qui ont été votées – la TVA à 5,5 %, l’exonération de plus-values en cas de cession, etc. – et qui ont favorisé la construction ont toutes plus ou moins profité aux bailleurs ou aux promoteurs. Cela n’a pas eu de conséquences sur le prix des loyers, cela n’a pas profité à l’État, et cela ne s’est pas traduit par la baisse des APL. Pourquoi ? Parce que nous nous arrêtons toujours à la dernière marche ! Je pense que vous pouvez y arriver, mais si je puis me permettre de vous donner un conseil, méfiez-vous, et surtout concentrez-vous sur cette dernière marche, que l’on atteint jamais, si bien que, depuis vingt ans, on dépense 20 milliards d’euros par an pour que les Français paient leur loyer !

La commission rejette lamendement CE293.

Puis elle examine les amendements CE964, CE967 et CE968 de M. Pierre Cordier.

M. Thibault Bazin. Comme vous allez le constater, mon collègue Cordier aime les rapports, puisqu’il a déposé trois amendements pour solliciter le Gouvernement.

Actuellement, les demandeurs de logements sociaux peuvent modifier leur dossier en ligne, ce qui permet de connaître leur situation en temps réel. Néanmoins, comme les modifications sont validées sans aucune vérification par les services de l’État, les dossiers examinés en commission d’attribution des logements sont trop souvent incomplets. Il vous est donc demandé, par l’amendement CE964, un rapport portant sur les modalités d’instruction des demandes de logement social.

Cela étant dit, ne vous donnez pas le mal d’exprimer un avis défavorable : il s’agit simplement d’appeler votre attention sur le sujet et de vous inciter à trouver des solutions…

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Concernant l’amendement CE964, je répondrai tout de même que je ne suis pas favorable. Le projet de loi procédant déjà, par la mise en place d’un système de cotation des demandeurs, à une réforme de la gestion de la demande, il n’aurait guère de sens, en l’état, de rédiger un rapport.

J’émets également un avis défavorable à l’amendement CE967.

Quant à l’amendement CE968, j’observe que la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a revu les souplesses possibles concernant les plafonds de ressources. Un rapport semble donc prématuré.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est également défavorable sur les trois demandes de rapports, mais les points qui ont été évoqués doivent effectivement faire l’objet d’un suivi.

M. Thibault Bazin. Je retire l’amendement CE964.

L’amendement CE967 porte sur un autre sujet : le Fonds de solidarité logement (FSL), dispositif national géré au niveau départemental. Afin de limiter les risques de rupture d’égalité entre les territoires, nous devons être informés sur l’éventuelle harmonisation des FSL autour d’un socle commun minimal de prestations ; cela permettrait en outre de renforcer le soutien de l’État aux départements en difficulté. Toutefois, je retire aussi cet amendement.

Enfin, dans les secteurs détendus, assouplir les dérogations aux plafonds de ressources permettrait d’attribuer des logements vacants et de garantir une meilleure mixité sociale à certains endroits. C’est le sens de l’amendement CE968, que je retire également.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de lamendement CE2216 de M. Thierry Benoit.

Mme Laure de La Raudière. Le groupe UDI, Agir et Indépendants s’inquiète de la suppression de l’APL accession dans les zones non tendues, et souhaite son rétablissement sous ses trois composantes.

Dans ces zones, rurales en particulier, les constructions neuves sont aujourd’hui presque toutes financées par l’APL accession. Cela a permis, notamment, l’installation de jeunes couples, et nous craignons qu’à l’avenir ils ne s’installent plus dans nos villages. Nous demandons, par cet amendement, un rapport au Gouvernement sur les conséquences de l’extinction de l’APL accession dans la loi de finances pour 2018.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est un sujet auquel nous portons une grande attention, et que nous avons évoqué tout à l’heure s’agissant des outre-mer, où, à la différence de la métropole, l’APL accession est associée à la lutte contre l’habitat indigne – et c’est pourquoi nous organisons en ce moment des réunions de travail sur ce sujet.

Je ne suis pas un fanatique des rapports, ne serait-ce que parce que les rédiger prend du temps. Mais, comme le disait le président Lescure, le sujet devrait être évoqué au cours des discussions que vous aurez certainement dans le cadre du « printemps de l’évaluation budgétaire ».

Mme Laure de La Raudière. Il serait tout de même intéressant que notre commission se saisisse des conséquences de la suppression de l’APL accession, même s’il est parfois compliqué de creuser certaines questions quand c’est le Gouvernement qui dispose des données. Mais c’est un vrai sujet, que ce soit outre-mer ou dans nos territoires ruraux.

M. le président Roland Lescure. Nous sommes en train de finaliser les conditions de mise en place de ce printemps de l’évaluation. Mais j’ai insisté, et la Conférence des présidents l’a accepté, pour que les rapporteurs pour avis soient étroitement associés à l’évaluation qui aura lieu ce printemps.

Mme Laure de La Raudière. Je mettrai donc en avant la question de l’APL accession.

Lamendement CE2216 est retiré.


 

TITRE III
Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale

Chapitre Ier
Favoriser la mobilité dans le parc social et le parc privé

Article 34
(articles 2, 25-12, 25-13, 25-14, 25-15, 25-16, 25-17 et 25-18 [nouveaux]
de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Création du bail mobilité

1.   L’état du droit

Les baux d’habitation principale et les rapports entre les bailleurs et les locataires sont régis par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dite « loi de 1989 ». Les dispositions de la loi de 1989 sont d’ordre public et s’imposent donc à chaque contrat de location signé entre un bailleur et un locataire.

Face à la hausse constante du nombre de locations meublées depuis les années 1980 et le vide juridique dans lequel ces locations évoluaient, la loi ALUR du 24 mars 2014 a clarifié la définition du logement meublé et rapproché les règles applicables au logement meublé de celles plus protectrices du logement loué vide. En application de l’article 25-4 de la loi de 1989, le décret du 31 juillet 2015 liste désormais les 11 équipements que doit comporter un logement pour être qualifié de meublé.


Les baux de logements loués vides et ceux de logements loués meublés sont soumis à de nombreuses règles communes ayant trait notamment au respect d’un contrat de location type défini par décret, à la nécessité de réaliser un état des lieux, à l’obligation de remettre au locataire un dossier de diagnostic technique et à la nécessité pour le bailleur ne souhaitant pas renouveler le bail de motiver son refus, soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, comme l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant.

Par ailleurs, que le logement soit meublé ou vide, si les parties au contrat ne donnent pas congé dans les conditions prévues par la loi, le contrat de location parvenu à son terme est reconduit tacitement pour une durée identique à la durée initiale.

Les régimes de la location meublée et de la location vide diffèrent principalement sur la durée du bail, les délais de préavis et le montant du dépôt de garantie. Par ailleurs, larticle 25-7 de la loi de 1989 prévoit un régime spécifique pour la location meublée consentie à un étudiant. Les principales caractéristiques des différents régimes sont résumées dans le tableau suivant.

 

 

Principales caractéristiques des différents régimes de baux d’habitation

 

Logement vide

Logement meublé

Logement meublé étudiant

Durée minimale du contrat de location

3 ans pour les bailleurs personnes physiques

6 ans pour les bailleurs personnes morales

1 an

9 mois

Montant du dépôt de garantie

1 mois de loyer

2 mois de loyer

2 mois de loyer

Délai de préavis de résiliation du contrat par le locataire

3 mois

sauf dans les zones tendues et pour certains publics précaires pour lesquels le délai est de 1 mois

1 mois

1 mois

Délai de préavis de non-renouvellement du contrat par le bailleur

6 mois

3 mois

3 mois

Reconduction tacite

Oui

Oui

Non

Source : Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Répondre à une demande non satisfaite

Les différents types de baux prévus par la loi de 1989 présentent des rigidités qui ne permettent pas de répondre à la demande de certains locataires et de certains propriétaires, dans un contexte de mobilité professionnelle accrue. Comme l’a démontré le rapport commun de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), intitulé « Évaluation de la politique publique : Le logement locatif meublé » ([99]), la demande de location de courte durée est en hausse à la fois chez les actifs et chez les étudiants, en raison du développement des mobilités professionnelles courtes, des formations et des stages qui, dans le cadre d’un cursus universitaire, ont de plus en plus lieu dans des zones géographiques distinctes du lieu d’étude.

Dans le cadre juridique actuel, ces personnes en mobilité sollicitent le plus souvent des locations meublées classiques, dont le contrat, d’une durée d’un an, peut être résilié à tout moment par le locataire à condition de respecter un délai de préavis d’un mois. Ce type de contrat impose toutefois le versement dun dépôt de garantie dont le montant sélève à deux mois de loyer, ce qui peut représenter un obstacle financier insurmontable, notamment pour des jeunes en apprentissage ou en stage.

Parallèlement, les contraintes imposées au bailleur souhaitant mettre fin à une location (obligation d’attendre la fin du contrat d’un ou de trois ans et de justifier le motif du non-renouvellement) rendent difficile la mise en location d’un bien, comme un pied à terre ou une résidence secondaire, qui n’est occupé par son propriétaire que quelques mois dans l’année.

b.   Les caractéristiques du bail mobilité

L’article 34 du présent projet de loi crée, au sein de la loi de 1989, un titre Ier ter consacré à une nouvelle catégorie de contrat de location, dénommé « bail mobilité ». Le bail mobilité, contrairement au bail meublé classique et au bail nu, ne constitue pas nécessairement la résidence principale du locataire au sens de l’article 2 de la loi de 1989. Le bail mobilité est un contrat de location de courte durée d’un logement meublé. Il est conclu pour une durée minimale dun mois et maximale de dix mois et n’est pas renouvelable.

Par ailleurs, lalinéa 7 réserve le bénéfice de ce contrat à un public spécifique ayant des besoins temporaires de logement. Le locataire devra ainsi justifier, à la date de la prise d’effet du bail, d’être en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage ou en mission temporaire dans le cadre de son activité professionnelle.

Afin d’apporter une certaine souplesse au bailleur et au locataire, tout en maintenant des relations locatives équilibrées, le régime du bail mobilité, créé par le présent article, associe des éléments de droit commun de la loi de 1989 et des éléments dérogatoires.

i.   Les éléments de droit commun

L’alinéa 9 liste les éléments de droit commun de la loi de 1989 qui s’appliquent au bail mobilité. Il s’agit de :

– l’obligation pour le bailleur de fournir au minimum onze équipements de mobilier ainsi qu’un inventaire et un état détaillé de ce mobilier (articles 25-4 et 25-5) ;

– l’interdiction de toute discrimination entre les candidats locataires (article 1er) ;

– la réalisation d’un état des lieux selon des modalités définies par décret en Conseil d’État (article 3-2) ;

– l’interdiction des clauses abusives (article 4) ;

– le plafonnement des honoraires de location à la charge du locataire (article 5) ;

– le respect des critères de décence et d’une liste d’obligations incombant au bailleur (article 6) ;

– le respect d’une liste d’obligations incombant au locataire dont celle de souscrire une assurance habitation (article 7) ;

– l’application d’un délai de prescription de trois ans pour toutes actions dérivant du contrat de bail (article 7-1) ;

– l’interdiction pour le locataire de sous-louer le logement sans l’accord écrit du bailleur (article 8) ;

– dans les zones tendues, le respect de l’encadrement des loyers à la relocation (article 18) ;

– la possibilité, pour le bailleur, de demander un cautionnement, sauf s’il a souscrit une assurance ou toute autre forme de garantie (article 22-1) ;

– l’interdiction d’exiger auprès du candidat à la location ou de sa caution des pièces justificatives qui ne sont pas listées par un décret en Conseil d’État (article 22-2).

Par ailleurs, l’article 49 du présent projet de loi inclut les logements loués dans le cadre d’un bail mobilité dans le champ d’application de lencadrement du niveau des loyers dans les territoires où ce dispositif sera expérimenté. Les loyers de référence applicables aux baux mobilité seront ceux des baux meublés classiques.

ii.   Les éléments dérogatoires

L’article 34 du présent projet de loi soumet le bail mobilité à une série de dispositions dérogatoires se justifiant principalement par la courte durée de ce contrat.

Ainsi, les alinéas 12 à 24 prévoient la conclusion d’un contrat de location simplifié, se substituant au contrat type prévu à l’article 3 de la loi de 1989 et défini par décret en Conseil d’État. L’alinéa 20 impose la mention dans ce contrat du motif justifiant le bénéfice du bail mobilité au regard du public éligible. Contrairement au contrat de location de droit commun, le bailleur n’est pas tenu d’annexer au contrat une notice dinformation relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs. Par ailleurs, le contrat de location du bail mobilité n’a pas à préciser le montant du dernier loyer appliqué au précédent locataire ou la nature et les travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat.

En outre, même si la colocation par le biais d’un ou de plusieurs contrats de location est autorisée dans le cadre du bail mobilité, l’alinéa 25 interdit expressément toute clause prévoyant une solidarité entre les colocataires ou leurs cautions, afin que cette solidarité ne soit pas un frein à la mobilité des locataires.

Contrairement au contrat de location meublé classique et au contrat de location d’un logement vide, l’alinéa 26 instaure une certaine liberté contractuelle pour la fixation de la durée du bail mobilité. Cette durée peut aller de un à dix mois. Toutefois, afin de prévenir le risque de contournement des contrats de location meublée classiques et la précarisation des locataires, ce même alinéa précise que le bail mobilité n’est pas renouvelable. L’alinéa 27 ouvre cependant la possibilité pour les parties souhaitant conclure un nouveau bail portant sur le même logement de le faire dans le cadre d’un contrat de location meublée classique d’une durée minimale d’un an. Cet alinéa prévoit également une forme de reconduction tacite, mais dans le cadre d’un contrat de location meublée classique, « si le locataire reste et est laissé en possession des lieux ».

Dans la mesure où le bail n’est pas renouvelable, aucune procédure de congé délivré par le bailleur, avec un délai de préavis, n’est prévue. En revanche, les alinéas 28 à 31 permettent au locataire de résilier le bail mobilité à tout moment, sous réserve de respecter un délai de préavis dun mois. Ce délai est identique à celui du contrat de location meublé classique ou étudiant.

Par ailleurs, le bail mobilité étant d’une durée maximale inférieure à un an, l’alinéa 32 exclut expressément toute révision du montant du loyer en cours de bail. L’alinéa 34 prévoit, quant à lui, que les charges locatives sont récupérées par le bailleur sous la forme d’un forfait, qui ne peut donner lieu à complément ou à régularisation ultérieure. Cette forfaitisation des charges est déjà possible dans le cadre du contrat de location meublée classique. Le montant du forfait est fixé en fonction du montant des charges récupérables de droit commun prévues à l’article 23 de la loi de 1989.

En outre, l’alinéa 33 interdit au bailleur dexiger un dépôt de garantie de la part du locataire, afin que cette dépense ne constitue pas un frein à l’accès au logement des personnes en mobilité. Pour couvrir les éventuelles dégradations commises par le locataire, le dispositif de garantie locative VISALE, financé et géré par Action Logement, sera rendu éligible au bail mobilité et élargi aux dégradations locatives. Les modalités de distribution des aides de VISALE étant fixées par des directives d’Action Logement Groupe, dans le cadre d’une convention entre l’État et Action Logement spécifique à la mise en œuvre de ce dispositif, cette mesure ne figure pas dans le projet de loi. La convention quinquennale 2018-2022 sur l’emploi de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), signée entre l’État et Action Logement le 16 janvier 2018, prévoit toutefois déjà, à son article 7, qu’ « Action Logement rendra […] le futur bail mobilité professionnelle, prévu dans le projet de loi logement, éligible au dispositif Visale ».

Enfin, dans le silence de la loi, certaines dispositions relatives au bail meublé classique, prévues au titre Ier bis de la loi de 1989, ne sappliquent pas au bail mobilité. Il s’agit de :

– l’obligation pour le bailleur de fournir au locataire un dossier de diagnostic technique comprenant : le diagnostic de performance énergétique (DPE), le constat de risque d’exposition au plomb, un diagnostic amiante, un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz ainsi que, dans certaines zones, un état des risques naturels et technologiques (article 3-3) ;

– la compétence de la commission départementale de conciliation et du juge pour mettre fin à l’indécence du logement (article 20-1) ;

– l’obligation pour le bailleur de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande (article 21) ;

– l’obligation pour le bailleur souhaitant mettre en œuvre la clause résolutoire de délivrer préalablement un commandement de payer et d’en informer la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (article 24) ;

– la possibilité pour un ou plusieurs locataires ayant avec leur bailleur un litige locatif de se faire représenter en justice par une association de défense des locataires (article 24-1).

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté 8 amendements à cet article.

Trois amendements de votre rapporteure ont, tout d’abord, élargi la liste des éléments de droit commun de la loi de 1989 s’appliquant au bail mobilité.

Un premier amendement a ainsi appliqué au bail mobilité l’obligation d’annexer au contrat de location le dossier de diagnostic technique prévu à l’article 3-3 de la loi de 1989. Ce dossier de diagnostic, qui doit être fourni par le bailleur, comprend le diagnostic de performance énergétique (DPE), le constat de risque d’exposition au plomb, le constat relatif à la présence d’amiante et un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz. Il n’est, en effet, pas apparu justifié que le bail mobilité introduise une dérogation sur ce point, les risques relatifs à la santé et à la sécurité pouvant se réaliser quelle que soit la durée d’occupation du logement.

Un deuxième amendement a appliqué au bail mobilité l’obligation, pour le bailleur ou son mandataire, de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande. Même si le logement loué via un bail mobilité n’est pas nécessairement la résidence principale du locataire, celui-ci peut avoir besoin d’une quittance de loyer pour diverses raisons, notamment professionnelles.

Un troisième amendement a inclus dans le contrat de location du bail mobilité les mentions relatives au montant du dernier loyer appliqué au précédent locataire et au montant des travaux éventuellement effectués depuis la dernière location. Ces informations doivent permettre au locataire de vérifier le respect des règles de l’encadrement de l’évolution des loyers à la relocation, comme cela est déjà le cas pour les baux meublés classiques.

Dans le même esprit, la commission a adopté un amendement de M. Peu afin d’ajouter dans le contrat de location une mention informant le locataire de l’interdiction pour le bailleur d’exiger le versement d’un dépôt de garantie.

Votre rapporteure a ensuite souhaité précisé et adapté les règles relatives à la durée et à linterdiction de renouveler un bail mobilité. Un amendement de votre rapporteure a ainsi prévu d’autoriser une seule prolongation du contrat de location par avenant, à condition que la durée totale du contrat de dépasse pas dix mois. L’objectif d’une telle disposition est de permettre à un locataire, dont la mission temporaire ou le stage a été prolongée, de pouvoir également prolonger son bail mobilité au sein de la durée maximale de dix mois. Par ailleurs, des amendements identiques de votre rapporteure et de M. Bazin ont été adoptés par la commission afin d’interdire expressément toute possibilité d’une reconduction tacite du bail mobilité.

Enfin, à l’initiative de votre rapporteure, la commission a exonéré les logements loués dans le cadre d’un bail mobilité de la procédure d’autorisation de changement d’usage.

*

*     *

La commission examine lamendement CE1792 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Le présent amendement a pour objet de supprimer l’article 34, lequel instaure un nouveau bail intitulé « bail mobilité », qui vient s’ajouter aux baux existants régis par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. La durée de ce bail d’un à dix mois seulement, proposé pour les logements en meublé, ainsi que le public visé, loin de permettre d’apporter une solution réelle, contribuera au contraire à précariser le statut du locataire, placé en situation de faiblesse par rapport au propriétaire.

Toutes les associations, y compris celles qui ont adopté une posture constructive, y sont opposées. Je pense tout particulièrement à la Fondation Abbé Pierre, qui s’est exprimée en ce sens hier encore dans un communiqué. Cela me conforte dans mon opposition à ce bail mobilité qui risque fort d’être, comme le dénonce cette association, un « bail précarité ».

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le bail mobilité est un nouveau bail qui vise à répondre à la demande des propriétaires comme des locataires. Les locataires potentiellement concernés sont tous ceux qui ont besoin d’un logement de courte durée parce qu’ils sont en formation professionnelle, qu’ils habitent par exemple Saint-Nazaire et doivent suivre huit mois de formation à Marseille, ou qu’ils sont étudiants en année de césure, ou qu’ils sont en apprentissage, etc.

Ce bail vise à sécuriser à la fois le locataire et le propriétaire. L’avant-projet de loi, présenté avant la conférence de consensus, prévoyait que le bail mobilité était ouvert à tout type de locataire. À la demande des associations et après avoir travaillé avec elles, nous avons ajouté l’alinéa 7 qui limite les publics pouvant en bénéficier aux personnes effectivement en mobilité.

Par ailleurs, ce bail ne nécessite pas de dépôt de garantie, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de barrière à l’entrée, et il n’est pas reconductible, à moins de passer à un bail classique.

Pour s’assurer que le propriétaire décide de mettre son logement en location alors qu’il ne pourra pas percevoir de dépôt de garantie, nous avons étendu la garantie locative « visa pour le logement et l’emploi » (VISALE), gratuite et dont le propriétaire peut déjà bénéficier pour un certain nombre de publics, à tous les publics éligibles au bail mobilité. Cette garantie couvre le propriétaire contre les loyers impayés et assure la remise en état du bien.

En instaurant cette possibilité de louer un bien pour une courte durée, nous répondons à une demande d’un certain nombre de Français, qu’ils soient locataires ou propriétaires, et comblons une lacune.

Monsieur Peu, nous avons beaucoup discuté avec les associations, ce qui a permis de préciser dans la loi quels étaient les publics ciblés. Je suis intimement convaincu qu’un juste équilibre a été trouvé, à la suite des discussions que nous avons eues et que vous avez pu avoir lors de la conférence de consensus.

Je suis donc défavorable à votre amendement de suppression.

M. Mickaël Nogal. Le bail mobilité est un engagement fort du Président de la République. Contrairement à ce qu’a dit M. Peu, notre société a besoin, je le crois profondément, d’un nouvel outil juridique. Pour être originaire de Toulouse et avoir fait des études à Paris, je peux dire que, sans dépôt de garantie ni cautionnement qui permette de rassurer le propriétaire, on a des difficultés à trouver un logement pour une brève durée.

Outre les raisons que le secrétaire d’État vient d’invoquer, le bail mobilité est un vrai outil pour les populations les plus modestes. Dans le cadre des auditions, nous avons rencontré l’ensemble des associations, dont la Fondation Abbé Pierre qui a émis des inquiétudes sur ce bail. Je tiens à les rassurer : tel qu’il a été construit, réfléchi et concerté, il offre de nouvelles possibilités et répond à de vrais besoins, que l’on soit étudiant, en apprentissage ou en formation professionnelle. La mobilité, soit on la subit, soit on essaie de l’accompagner ; pour ma part, je souhaite accompagner les changements de la société. C’est ce que permet cet outil pragmatique et progressiste.

M. Martial Saddier. Je ne suis pas opposé à cette innovation, mais ne risque-t-elle pas d’inciter à louer sa résidence secondaire à des gens qui viennent en vacances ?

Mme Véronique Hammerer. En tant qu’ancienne travailleuse sociale, je pense que ce dispositif est plus qu’utile, ne serait-ce pour les personnes en attente d’un logement HLM. Certaines personnes, soumises à des violences conjugales, doivent quitter rapidement leur logement. Grâce à ce bail plus flexible et plus souple qu’un bail précaire, elles pourront trouver un logement meublé. Pour ma part, j’ai essayé de mettre en place des baux précaires, mais ce n’est pas évident pour les propriétaires, à qui la garantie VISALE offre une protection supplémentaire. Aussi ce dispositif a-t-il toute sa légitimité et toute son utilité.

Je croyais cependant que ce nouveau bail serait ouvert à tous les publics. Or ce n’est pas le cas. Peut-être faudrait-il prévoir une définition plus large des publics visés ?

M. Stéphane Peu. J’entends bien vos arguments, monsieur le secrétaire d’état, mais ils ne m’ont pas convaincu.

La mobilité est un argument utilisé depuis vingt ans pour mettre sur le marché des produits logement qui, tous, ont été un échec pour ceux auxquels ils étaient destinés, mais pas pour tout le monde – certains s’en sont mis « plein les poches ». Les résidences services ont été à la mode pendant des années, on en construisait partout en France parce qu’il fallait que des gens puissent se loger pendant trois, six ou neuf mois, sans caution. Toutes ces résidences services, qui ont été défiscalisées et ont bénéficié de beaucoup de subventions, sont aujourd’hui au mieux transformées en hôtel, au pire réquisitionnées pour des hébergements d’urgence, tout cela avec de l’argent public et pour le plus grand bonheur des propriétaires privés qui bénéficient encore de la défiscalisation.

Le nouveau dispositif qui nous est proposé va instaurer une précarité supplémentaire dans les baux, pour une cause qui peut paraître louable mais qui sert de prétexte depuis vingt ans pour faire la pire des choses qui soit, dans le domaine immobilier, en termes de précarisation et de gaspillage de l’argent public.

M. Éric Pauget. Le bail mobilité est plutôt une bonne idée. C’est un dispositif dynamique, moderne et pragmatique qui répond sans doute à une attente.

Toutefois, je me demande si une personne âgée, par exemple, qui loue son appartement, sera sensible à la garantie VISALE. Par ailleurs, dans les zones touristiques se pose le problème du logement des saisonniers. Pourront-ils bénéficier de ce bail ?

M. Éric Bothorel. Monsieur Peu, lorsque je me suis rapproché du mouvement En Marche, tout le monde disait que ça ne marcherait pas parce que ça n’avait jamais marché… Vous nous dites que les dispositifs qui ont été créés n’ont jamais fonctionné, mais les modes de travail sont en train d’évoluer. J’en veux pour preuve les espaces de coworking qui existent. La mobilité est une réalité que vit la génération de ceux qui arrivent sur le marché du travail.

Faut-il rappeler que, dans dix ans, 20 % des emplois seront nouveaux et 50 % seront des emplois dont on ne connaît pas encore les contours ? On a connu pendant trente ans une période de stabilité, sans grand bouleversement au-delà de quelques ruptures technologiques. Les changements en profondeur que va connaître notre société nous imposent de réfléchir à de nouveaux modèles et de proposer des choses qui n’ont peut-être pas marché hier, mais qui fonctionneront demain.

M. Mickaël Nogal. Comme M. Pauget, je souhaite savoir si les saisonniers pourront bénéficier du bail mobilité.

Monsieur Peu, je crois vraiment au rapport gagnant-gagnant entre le locataire et le propriétaire. Comme vient de le dire M. Bothorel, c’est une demande qui existe aujourd’hui et qui va rencontrer une nouvelle offre.

Actuellement, un propriétaire qui n’occupe pas sa résidence principale ou secondaire durant une partie de l’année, la propose en location saisonnière sur des plateformes en ligne. Le bail mobilité, d’une durée comprise entre un et dix mois, permettra de répondre aux besoins de la population en mobilité. De deux choses l’une : soit on se met des œillères et on considère que les étudiants ne se déplacent pas pour leurs études et que les salariés n’ont pas besoin de partir en formation, auquel cas le bail mobilité ne sert à rien ; soit on regarde en face la réalité et l’évolution de la société, auquel cas le bail mobilité est plus que le bienvenu.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Bothorel et de M. Nogal, que je partage.

Monsieur Saddier, le bail mobilité ne s’appliquera pas aux résidences secondaires car sa durée est d’un mois au moins. Il ne pourrait donc concerner que des personnes qui loueraient un logement pendant au moins un mois pour partir en vacances. Ensuite, ce dispositif ne s’adresse qu’à un public en mobilité. Certes, on pourrait trouver le cas de gens qui voudraient profiter de leur mobilité pour louer plus d’un mois une résidence de vacances, mais cet effet pervers est extrêmement limité.

Quant à la question des gens qui achètent un bien pour le louer via une plateforme collaborative, et qui ne sont soumis à aucun délai, elle sera abordée dans une autre partie de ce projet de loi.

Monsieur Pauget, le problème fondamental est celui de la communication entre le locataire et le propriétaire. L’une de mes plus grandes satisfactions quant à ce projet de loi, c’est que personne ne pourra dire qu’il est fait uniquement pour les propriétaires ni uniquement pour les locataires. Il faut apaiser le débat entre propriétaires et locataires. Il faut en finir avec ce discours qu’ont tenu les politiques, les journalistes ou les lobbyistes, selon lequel le propriétaire serait un nanti et le sport favori du locataire consisterait à dégrader l’appartement dans lequel il vit.

Actuellement, il y a officiellement 3 millions de logements vacants, mais ce chiffre est totalement faux, car il inclut les logements qui sont en vente – et qui, sur le site seloger.com, sont considérés comme vacants. Il n’en demeure pas moins que des centaines de milliers de logements sont vacants parce que les propriétaires préfèrent ne pas les louer, et garder son capital de manière à le transmettre plus facilement. C’est une situation insupportable.

La disparition du dépôt de garantie et son remplacement par la garantie VISALE doivent s’accompagner d’un important dispositif de communication en direction des propriétaires. Notre méthode consiste à évaluer tout dispositif. Si l’on s’aperçoit qu’il aboutit à une perte de confiance, on pourra toujours le modifier.

Le projet de loi prévoit d’ores et déjà que les saisonniers pourront bénéficier de ce dispositif, mais nous pourrons le préciser par amendement.

Monsieur Peu, le logement doit faire l’objet de trois combats. Le premier consiste à améliorer la construction. C’est ce que prévoit le titre Ier du projet de loi et c’est ce que nous faisons en parallèle, puisque notre objectif n’est pas seulement de simplifier le code de la construction et de l’habitation, mais de le réécrire. Nous « mettons le paquet » pour simplifier l’acte de construire. C’est ainsi que, dans le titre Ier, il est beaucoup question des recours.

Le deuxième combat consiste à encourager une plus grande fluidité et mobilité au sein du parc. Nous en avons discuté en ce qui concerne le logement social avec la commission d’attribution et la revue tous les six ans.

Le troisième combat, c’est la lutte contre la vacance des logements. Nous avons pris des mesures sans précédent pour lutter contre la vacance des bureaux, et je suis persuadé qu’il faut lutter tout autant contre la vacance des logements. Beaucoup ont essayé, mais ils ont eu « des problèmes », comme on dit. Les mesures de réquisition n’ont pas marché et les taxes sur les logements vacants n’ont pas produit les effets escomptés. Il faut donc tenter de nouveaux instruments. Certes, le bail mobilité ne va pas révolutionner les choses ni résoudre le problème de la vacance, mais il y contribuera.

Le dispositif encourage les propriétaires qui n’ont pas besoin de leur logement pour diverses raisons pendant un ou deux ans, voire seulement quelques mois, à le louer en confiance. Si je n’avais qu’une chose à vous demander, ce serait de relayer cette information. Ces dernières semaines, nous avons encouragé l’intermédiation locative par le dispositif Solibail. J’ai lancé un appel aux propriétaires à travers de nombreux médias, et nous faisons une énorme campagne de communication dans toute l’Île-de-France sur le sujet. Nous devrions tous prendre notre bâton de pèlerin et aller à la rencontre de tous les propriétaires pour leur demander de confier leurs clés aux associations dans le cadre de Solibail.

Tous les dispositifs pragmatiques que nous instaurons permettent d’accompagner la mobilité et de lutter contre la vacance des logements.

Mme Anne-France Brunet. Je suis favorable au bail mobilité parce que tous ceux qui effectuent des stages ou un service civique ont besoin d’un logement. Toutefois, je crains que la frilosité des bailleurs ne soit guère atténuée par la multitude des procédures qu’engendrerait la location de leurs biens via le bail mobilité. De plus, le logement risque d’être vide entre deux locations au cas où un propriétaire voudrait mettre son logement à la disposition de jeunes qui effectuent un stage.

Mme Laure de La Raudière. Je suis favorable à ce dispositif pour toutes les raisons qui ont été évoquées. J’ai toutefois tendance à regretter qu’il ne s’adresse pas à tous les publics, car on risque, en le réservant à une certaine catégorie de personnes, de se retrouver avec des demandes de bail qui ne seront pas éligibles.

Les personnes en mission temporaire dans le cadre de leur activité professionnelle pourront-elles bénéficier de la mesure ? On parle surtout des personnes en contrat à durée déterminée (CDD), des intérimaires, des saisonniers, mais je voudrais être certaine que le décret prévoira que les personnes en contrat à durée indéterminée (CDI) qui sont envoyées à 300 kilomètres de leur domicile, par exemple, pour une mission temporaire de deux mois, pourront en bénéficier aussi, et que le statut ne sera pas le seul critère.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le bail mobilité répond à une demande des propriétaires et des locataires, mais il ne doit pas, monsieur Peu, être au logement ce que le CDD est au travail. C’est pourquoi, madame Hammerer, il ne doit pas être ouvert à tous les publics, car les propriétaires testeraient les locataires pendant dix mois en signant un bail mobilité avant de le transformer éventuellement en bail normal.

Les cas qui ont été évoqués me semblent tout à fait pertinents, et il faudra s’assurer que la loi les intègre bien, en particulier celui du salarié effectuant une mission temporaire dans le cadre de son activité professionnelle.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE910 de M. Robin Reda.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le projet de loi n’a pas vocation à flexibiliser l’ensemble de la loi de 1989. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE322 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Le présent amendement permet de revenir à la règle d’origine : le titulaire du bail est le locataire désigné dans le contrat.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les personnes à charge font partie du foyer du locataire. Il s’agit le plus souvent d’enfants ou de personnes handicapées qui doivent bénéficier des mêmes protections que le titulaire du bail. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement CE1870 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Dans un CDD ou un CDI, il y a celui qui signe le contrat et il y a le contrat. J’ai bien compris qu’un bail mobilité ne sera pas renouvelable, mais le logement lui-même pourra être un « CDD durable ». Le présent amendement précise donc que le bail mobilité s’applique provisoirement au logement et qu’il ne doit pas devenir la règle.

Je ne suis pas le seul à le penser, sinon on pourrait me traiter de communiste (Sourires) : la Fondation Abbé Pierre et d’autres associations, qui ont une vision du terrain et non une posture idéologique, considèrent que les marchands de sommeil se « frisent déjà les moustaches » et attendent avec impatience l’entrée en vigueur de cette mesure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est contraire au droit de propriété. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Monsieur Peu, je ne suis pas d’accord avec vous. Vous savez très bien, et vous l’avez d’ailleurs dit vous-même, que les marchands de sommeil se font payer en liquide. Rien ne les arrête. Ce dispositif ne va ni les favoriser, ni les empêcher. Ils jouent avec la vulnérabilité et la misère de personnes qui, souvent, restent dans des logements bien plus longtemps que quelques mois.

M. Mickaël Nogal. J’entends bien les inquiétudes de M. Peu, mais l’alinéa 26 de l’article 34 prévoit que le bail n’est pas renouvelable. Il ne deviendra en aucun cas le « CDD du logement ».

Le dispositif proposé permet simplement de répondre à une demande qui correspond à un changement de la société. On a beaucoup parlé de la cherté des loyers. Or le meilleur moyen pour baisser le montant des loyers consiste à augmenter l’offre. Pour ma part, je suis convaincu que ce dispositif permettra d’augmenter l’offre, et c’est tant mieux.

M. Stéphane Peu. J’ai participé, avec d’autres parlementaires dont M. Kokouendo, à une mission d’évaluation sur l’action de l’État en
Seine-Saint-Denis. Parmi les marchands de sommeil, il y a en effet ceux qui se font payer en liquide pour échapper à la fiscalité, et il y a ceux qui blanchissent l’argent, l’immobilier étant devenu le premier facteur de blanchiment de l’argent issu des trafics. Ce dispositif sera une bonne aubaine pour faire entrer de l’argent illégal dans le circuit légal.

M. François Pupponi. Les clients des marchands de sommeil sont de deux types : il y a d’un côté les populations en situation irrégulière qui ne peuvent pas signer de bail, toutes les transactions s’effectuant en espèces, et de l’autre les populations en situation régulière qui ont le droit de signer un bail. Ce qui gêne les marchands de sommeil, c’est qu’une fois le bail classique signé, ils ont des difficultés à faire partir le locataire. Ils ont vu tout de suite quel était l’intérêt du bail mobilité : faire signer un bail précaire.

C’est pourquoi la proposition de M. Peu me paraît intelligente ; empêcher de signer, pour un même logement, toute une série de baux mobilité successifs. Sinon, le jour où le marchand de sommeil trouvera un client prêt à payer plus cher le loyer, il mettra dehors celui qui occupe le logement. Le système que vous proposez a du sens, mais il faut faire attention aux éventuelles dérives. On voit très bien ce que font les marchands de sommeil : ils prennent quelqu’un en bail précaire, puis ils l’envoient à la mairie avec ses enfants, et une fois qu’on les a relogés, ils prennent quelqu’un d’autre. On reconnaît les marchands de sommeil à ce qu’ils ont des locataires qui tournent régulièrement. Il faut donc éviter que ce bail soit détourné de sa logique et que certains l’utilisent pour exploiter la misère humaine. On peut sans doute prévoir des contrôles pour l’éviter, mais il y a bien un risque.

M. Jean-Luc Lagleize. Je ne partage pas l’inquiétude de M. Peu quant à l’utilisation de ce bail par les marchands de sommeil. Par contre, j’appelle son attention sur le fait que le logement pourra être loué tantôt en bail mobilité, tantôt en bail classique, ce qui rend, à mon avis, l’amendement inopérant.

Mme Véronique Hammerer. Monsieur Peu, vous parlez des marchands de sommeil et je peux comprendre qu’il s’agisse pour vous d’un point essentiel. Le projet de loi aborde plus loin ce sujet, qui fait l’objet d’un encadrement, d’actions et de directives. Pour ma part, je me réjouis que le bail mobilité puisse bénéficier à tout un pan de notre jeunesse, à des gens qui travaillent et qui ont des salaires tout à fait convenables et pas uniquement à des personnes en situation de précarité. C’est à ces publics que je pense.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Peu, la question des marchands de sommeil me tient tout particulièrement à cœur et je connais votre préoccupation en la matière. Parmi toutes les personnes que j’ai rencontrées, je n’ai jamais entendu celles qui étaient exploitées par ces individus inqualifiables que sont les marchands de sommeil dire qu’elles étaient là depuis trois mois seulement : toutes étaient là depuis des années, car une fois que les marchands de sommeil ont réussi à jouer sur la faiblesse des locataires, ils les maintiennent en place. Il faut être très vigilant, et le projet de loi contient par ailleurs des mesures fortes pour lutter contre les marchands de sommeil.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE911 de M. Emmanuel Maquet.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le bail mobilité est par définition un bail de courte durée répondant à des besoins temporaires. Cette mention est donc nécessaire pour le distinguer du bail meublé classique. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable également.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE1866 de M. Stéphane Peu et CE2441 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Cet amendement s’appuie sur l’avis du Conseil d’État, qui a subordonné son acceptation du formalisme allégé ainsi que du régime juridique dérogatoire du bail mobilité à la condition que celui-ci soit réservé à un public en besoin temporaire de logement. Nous souhaitons donc préciser que le bail mobilité n’a pas vocation à porter sur un logement destiné à être la résidence principale du locataire. Par définition, s’il est en situation de mobilité, ce n’est pas sa résidence principale.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ces amendements rigidifient excessivement le bail mobilité et empêcheraient notamment les étudiants ou les apprentis d’en bénéficier dans le cadre d’un stage. Cela les obligerait également en parallèle à conserver un autre logement, doublant ainsi le coût de leur loyer. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Mickaël Nogal. La mobilité n’implique pas que l’on revienne au point A après être allé au point B. Le groupe La République en Marche votera donc contre ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement CE371 de M. Jean-François Mbaye.

M. Rodrigue Kokouendo. Le présent amendement vise à ajouter aux bénéficiaires potentiels du bail mobilité des personnes dont les besoins locatifs, s’ils ne découlent pas d’une formation ou d’une mission professionnelle, sont légitimes et pressants. Il s’agit des personnes en procédure de divorce ou faisant l’objet d’une séparation de corps.

Cet amendement paraît opportun dans la mesure où le format proposé par le bail mobilité répond au caractère parfois subit du départ du domicile conjugal et aux difficultés matérielles auxquelles le conjoint concerné peut faire face.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Votre amendement soulève un vrai problème, mais il manque de précision, notamment quant au moment de la procédure de divorce à partir duquel le locataire serait éligible au bail mobilité.

En outre, la situation de divorce ne correspond pas à une situation temporaire, contrairement à tous les motifs prévus à l’alinéa 7. Il s’ensuivrait donc une requalification du bail mobilité en bail précaire.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

L’amendement touche néanmoins un sujet essentiel. À l’heure actuelle, il devient impossible de se loger quand on est en instance de divorce ou à la tête d’une famille monoparentale. Beaucoup de dispositifs sont prévus par la loi pour limiter les garanties demandées par les agences ou les propriétaires. Nous réfléchissons actuellement à la façon dont la garantie VISALE pourrait tenir compte des populations les plus fragiles, notamment celles visées dans votre amendement.

En revanche, rendre éligibles ces populations au bail mobilité serait une erreur. En effet, plutôt que de signer directement un bail classique, le propriétaire d’un bien préférerait signer dans un premier temps un bail mobilité.

Je le dis en toute humilité, le problème que vous soulevez est complexe. Si nous ouvrons le bail mobilité à ces publics-là, nous obtiendrons l’effet inverse de celui recherché. Pour ne rien vous cacher, dans un premier temps j’ai estimé qu’il s’agissait d’une bonne idée, mais après réflexion j’ai changé d’opinion.

M. François Pupponi. Il ne faut pas non plus oublier le cas des femmes battues. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où une personne vient demander aux services sociaux un logement parce qu’elle est battue. Certes, ils lui payent plusieurs nuits d’hôtel, mais ils ne peuvent pas la reloger immédiatement.

Quant aux personnes en situation de divorce, il faut savoir qu’elles ne peuvent pas bénéficier d’un logement social tant qu’elles sont propriétaires de leur logement. Or de telles situations existent, on en voit tous les jours. Il faudrait peut-être imaginer une espèce de bail mobilité qui serait soumis à une autorisation préfectorale dans des cas d’urgence absolue, c’est-à-dire quand il faut protéger une personne, ou en cas de divorce tant que la maison n’a pas été vendue. Nous avons peut-être là l’occasion d’inventer un bail mobilité-protection car je ne sais pas quand un autre texte de loi sur le logement nous sera soumis.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pas tout de suite, je l’espère ! (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Terminons déjà celui-là !

M. François Pupponi. L’autre jour, la commissaire de police m’a appelé car il fallait évacuer en catastrophe une personne, le dealer du coin considérant que la personne en question l’avait dénoncé à la police. On lui a trouvé un appartement municipal, on l’a cachée, bref on s’est débrouillé parce qu’on ne peut pas laisser une femme menacée par un dealer. Il faudrait prévoir un dispositif de bail temporaire pour de telles situations, en attendant de trouver une solution pérenne.

Mme Véronique Hammerer. Comme l’a dit M. Pupponi, il faudrait réfléchir à des cas très précis et ouvrir le dispositif à des situations particulières. Je pense à des personnes en situation de violence conjugale qui doivent quitter leur domicile assez rapidement, mais qui doivent attendre trois à six mois avant de pouvoir accéder à un logement HLM. Je connais le cas de personnes qui se sont retrouvées dans des situations extrêmement difficiles parce qu’elles travaillaient à quarante ou cinquante kilomètres du domicile. Pouvoir accéder temporairement à un logement meublé permettrait aussi de garantir leur emploi.

Lamendement est retiré.

La commission étudie lamendement CE1423 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Cet amendement vise à rendre plus attractif et plus simple le recours au bail mobilité.

Une grande partie des propriétaires sont sceptiques quant à la multiplication des procédures ou démarches telles que l’état des lieux d’entrée et de sortie, la visite d’appartements, la remise en état engendrée par chaque changement de locataire dans le cadre du bail mobilité.

Afin de rendre le bail mobilité plus attractif et plus simple d’usage auprès des propriétaires, la délégation de responsabilité du propriétaire aux collectivités territoriales pourrait être une solution.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le bail mobilité a vocation à être déployé dans le parc privé. Il n’a rien à voir avec du logement social et se caractérise par sa flexibilité. Confier sa gestion aux collectivités serait donc contraire à l’objectif poursuivi.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques CE1865 de M. Stéphane Peu et CE2442 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Je vais m’essayer à l’exercice consistant à transformer en actes à la fois la parole présidentielle, la parole ministérielle et la philosophie d’En Marche. (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. C’est gratuit, vous savez, en deux clics… Je l’ai fait il y a deux ans et c’est très facile, n’hésitez pas !

M. Stéphane Peu. Comme l’a dit le secrétaire d’État tout à l’heure, un des buts du bail mobilité est de réduire la vacance des appartements. Le candidat Emmanuel Macron était venu s’exprimer devant la Fondation Abbé-Pierre, j’y étais – notamment en tant que co-auteur du rapport annuel pendant quinze ans –, et, interrogé sur le bail mobilité, il a répondu qu’il ne reviendrait pas à déqualifier des logements sous le régime du bail classique – de trois ans. Le bail mobilité ne devait pas, selon lui, être un outil spéculatif.

L’amendement CE1865 vise donc à interdire que le bail mobilité soit proposé pour un logement ayant précédemment été loué en application des titres I ou I bis.

M. François Pupponi. Je suis très impressionné par la manière dont M. Peu parle le Macron, cela me laisse sans voix… (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Si vous continuez, je vais vous inscrire moi‑même…

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le droit de propriété est constitutionnellement garanti et permet à un bailleur de disposer de son bien comme il l’entend. Ainsi, il est libre de louer son logement par le biais de tel ou tel type de contrat de location. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je découvre que M. Peu a même participé à la rédaction du programme d’En Marche. Je crois d’ailleurs vous avoir vu au QG… (Sourires.)

Plus sérieusement, on ne peut pas déqualifier un bail classique, sauf lorsqu’on vend le bien ou quand on met un terme au bail pour occuper soi-même le bien. Aussi les appartements concernés par le bail mobilité sont-ils, par définition, des appartements vacants.

M. François Pupponi. Quel est le risque ? C’est qu’un propriétaire fasse partir son locataire pour récupérer le bien et signer un bail mobilité. Peut-être faut‑il rédiger autrement l’amendement, mais la seule manière de parer à ce risque est de préciser que le bail mobilité ne concerne qu’un logement qui a connu une certaine durée de vacance.

S’il faut tenir une promesse du Président de la République, peut-être devrait-on lui demander préalablement ce qu’il a voulu dire lorsqu’il s’est exprimé devant la Fondation Abbé Pierre ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’adoption de la disposition proposée risque de tuer le système avant même qu’il ne soit mis en place. Aux termes du droit en vigueur, un propriétaire ne peut pas chasser un locataire comme il l’entend, et nous n’entendons pas revenir là-dessus. Le propriétaire ne peut mettre un terme à un bail classique que s’il récupère l’appartement pour lui-même ou s’il le vend, c’est tout.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement CE1676 de la rapporteure, les amendements identiques CE1867 de M. Stéphane Peu et CE2443 de M. François Pupponi, ainsi que lamendement CE1677 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE1676 vise à appliquer au bail mobilité l’obligation de produire des diagnostics techniques, afin de s’assurer de la décence du logement.

M. Stéphane Peu. Conditionner la signature d’un bail mobilité à la décence du logement permettra d’éviter les marchands de sommeil. C’est l’objet de notre amendement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Quant à l’amendement CE1677, il consiste à étendre au bail mobilité l’obligation d’établir une quittance, de façon gratuite et sur demande du locataire.

J’émets un avis défavorable aux deux autres amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable aux amendements de la rapporteure et défavorable aux deux autres.

M. François Pupponi. L’idée est tout de même de faire en sorte qu’un logement insalubre ou indécent ne puisse faire l’objet d’un bail mobilité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’obligation de produire un diagnostic de performance énergétique (DPE) permet de vérifier la décence du logement.

La commission adopte lamendement CE1676.

Elle rejette les amendements identiques CE1867 et CE2443.

Elle adopte lamendement CE1677.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1868 de M. Stéphane Peu et CE2444 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1868 vise à conformer le texte à l’avis du Conseil d’État selon lequel le bail mobilité n’a pas vocation à porter sur un logement destiné à être la résidence principale du locataire.

M. François Pupponi. J’ai une question : la signature d’un bail mobilité est-elle subordonnée à la délivrance d’un permis de louer dans les zones où ce dernier est prévu ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment : ces amendements auraient pour effet d’obliger le locataire à conserver par ailleurs une autre résidence principale.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable également.

Par ailleurs, monsieur Pupponi, la loi ne dit rien sur le point que vous mentionnez. J’en déduis que, de facto, le bail mobilité est bien soumis à la délivrance d’un permis de louer.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à lamendement CE1678 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il convient de mentionner dans le bail mobilité le dernier loyer appliqué au précédent locataire, mais également les travaux éventuellement effectués. Il s’agit par-là d’éviter une augmentation du loyer entre deux locations.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine ensuite lamendement CE1858 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous proposons que l’interdiction pour le bailleur, dans le cadre d’un bail mobilité, d’exiger le versement d’un dépôt de garantie soit inscrite noir sur blanc.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’article prévoit déjà l’interdiction de demander un dépôt de garantie pour signer un bail mobilité. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis pour ma part favorable à cet amendement.

M. Stéphane Peu. Je pense qu’il y a une petite incompréhension, si je puis me permettre. C’est précisément parce que le projet de loi interdit au bailleur d’exiger du locataire un dépôt de garantie qu’il nous paraît nécessaire que le bail le précise explicitement.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE237 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le projet de loi prévoit que le bailleur est tenu de préciser au locataire la quote-part pour chacune des catégories de charges. Cette obligation peut paraître un peu lourde, d’autant que le paiement des charges se fait sur la base d’un forfait qui est précisé au contrat et qui ne peut donner lieu à aucune régularisation ultérieure.

Afin de simplifier l’utilisation du bail mobilité, il serait souhaitable de ne pas obliger le bailleur à transmettre systématiquement la quote-part à chaque conclusion de bail. Par contre, si le locataire l’exige, le bailleur devra lui fournir cette information, afin qu’il puisse vérifier que le montant du forfait n’est pas disproportionné.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette précision est déjà prévue par la loi du 6 juillet 1989. Par ailleurs, cette information est nécessaire pour permettre au locataire, y compris devant le juge, de déterminer si le forfait qui lui est appliqué n’est pas disproportionné. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il faut vraiment que les locataires puissent être informés de tout, y compris de la quote-part charges. Je souhaite que l’amendement soit retiré, sans quoi j’émettrais un avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE235 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le texte prévoit que le locataire soit averti en cas de changement de bailleur. C’est une bonne chose, mais la formulation utilisée limite cette disposition aux cas les plus fréquents : la vente ou la donation. Or il peut y avoir d’autres cas pour lesquels le bailleur peut changer. C’est pourquoi la chambre des notaires a proposé une autre formulation, à la fois plus simple et plus générale : « en cas de changement de bailleur pendant le cours du bail ».

L’objet du présent amendement est de permettre une application plus simple et plus complète de la loi car le texte modifié englobera tous les cas possibles.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La formulation prévue couvre bien tous les cas – mutation à titre gratuit ou onéreux du logement – et est identique à celle prévue à l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989. Votre amendement est donc satisfait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis également défavorable.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette lamendement CE1857 de M. Stéphane Peu.

Puis elle examine lamendement CE233 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Par souci de simplification, le texte ne prévoit pas d’assortir de diagnostics techniques au bail mobilité. Si nous souscrivons à cette intention de simplification, il ne faudrait toutefois pas que des marchands de sommeil se servent de ce bail pour proposer un habitat indigne à leurs locataires. C’est pourquoi il serait souhaitable d’annexer au contrat une version simplifiée de certains diagnostics techniques, tout en leur donnant une validité minimum de cinq ans.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement est satisfait par mon amendement CE1676, qui vient d’être adopté. Je vous suggère de le retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Mme Stéphanie Do. Je précise qu’il n’est pas question ici du rapport complet d’une quarantaine de pages, mais d’un rapport synthétique.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le diagnostic complet permet déjà de comprendre facilement les données en question.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE1869 de M. Stéphane Peu et CE2432 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Nous souhaitons bien distinguer la durée d’un bail mobilité et celle d’une location meublée touristique.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques CE27 de M. Thibault Bazin et CE1955 de Mme Sarah El Haïry.

M. Thibault Bazin. Mon amendement a pour objet de porter la durée maximale du bail mobilité à douze mois au lieu de dix. En effet, il est parfois nécessaire, notamment pour les jeunes en formation dans les grandes métropoles sous tension, d’occuper un logement onze voire douze mois – par exemple d’août à juillet, je pense aux sessions de pré-rentrée destinées à faciliter l’intégration à l’université. En outre, si le bail mobilité dépasse dix mois, il se transforme en contrat de location classique. Aussi l’amendement a-t-il pour objet d’aligner les périodes : en deçà de douze mois, il s’agirait d’un bail mobilité, au-delà de douze mois, d’un contrat de location.

Mme Sarah El Haïry. Nous entendons également prendre en considération la spécificité du service civique, qui peut être d’une durée de neuf ou de douze mois. Il s’agit d’éviter un déséquilibre, une inégalité entre les volontaires du service civique, et donc d’assurer à chaque volontaire une garantie de mobilité dans notre belle France.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Si la durée du bail mobilité devait être étendue à douze mois, elle serait la même que pour un bail meublé classique, ce qui limiterait sensiblement son utilité. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons réfléchi des heures pour savoir s’il fallait passer de dix à douze mois. Le bail mobilité doit répondre à un besoin spécifique, en aucun cas remettre en cause les baux de la loi de 1989, tacitement reconductibles sauf si le propriétaire souhaite récupérer ou vendre son bien. Cela qui doit rester le droit commun – c’est le fameux contrat à durée indéterminée que j’ai évoqué précédemment ; or je suis profondément attaché à une société du CDI et non à une société du CDD.

Reste que votre remarque est très juste : on sait qu’une durée de dix mois, dans certains cas de figure – vous avez mentionné le service civique –, n’est pas suffisante. On doit tenir compte également d’un effet psychologique : quand vous dites à quelqu’un que le bail est de dix mois, il le comprendra moins que si vous lui parlez d’un bail de moins de douze mois. Seulement, si l’on adoptait la disposition que vous proposez, on prendrait le risque de mettre en compétition le bail mobilité et le bail prévu par la loi de 1989. Nous sommes en train d’examiner la question sur le plan juridique et j’imagine que vous serez amenés à déposer des amendements en ce sens d’ici à l’examen du texte en séance.

Je m’en remets par conséquent à la sagesse de la commission.

Mme Sarah El Haïry. Nous ne souhaitons pas créer de distorsion entre le bail tel que prévu par la loi de 1989 et le bail mobilité, mais nous entendons réduire le risque d’inégalité en matière de mobilité. Merci en tout cas de vous en remettre à la sagesse de la commission, monsieur le secrétaire d’État, ce qui permet d’ouvrir le débat grâce auquel nous devrions trouver le moyen de garantir l’égalité entre les volontaires du service civique.

M. Thibault Bazin. Vous évoquez la sagesse des membres de la commission, monsieur le secrétaire d’État ; je me réjouis donc à l’avance que, dans notre grande sagesse, nous adoptions ces amendements identiques.

Mme Laure de La Raudière. Je reste sur ma faim après que le secrétaire d’État a indiqué que ses services étaient en train d’examiner l’éventualité d’un risque juridique. De quel risque s’agit-il ? D’une requalification du bail mobilité au cas où la disposition ici proposée était adoptée ? Nous avons très envie de voter ces amendements identiques, mais que ce soit en connaissance de cause.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le bail mobilité contraint et le propriétaire et le locataire à faire des concessions : le propriétaire ne peut plus exiger de dépôt de garantie et, en contrepartie, le bail n’est pas renouvelable. Le bail mobilité n’a pas vocation à devenir le bail de droit commun, si je puis dire. C’est bien la recommandation du militant Stéphane Peu pendant la campagne présidentielle (Sourires) : il faut faire en sorte qu’en aucun cas la création du bail mobilité ne conduise à la diminution du nombre de « baux 1989 », ces derniers correspondant à la société de CDI que j’appelle de mes vœux.

La commission rejette les amendements.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE241 de Mme Stéphanie Do, CE323 de M. Martial Saddier et CE2058 de M. Mickaël Nogal.

Mme Stéphanie Do. Le projet de loi précise que le bail mobilité ne peut avoir une durée de plus de dix mois et qu’il est impossible de contracter un nouveau bail mobilité pour un même logement avec un même locataire.

Cette impossibilité de renouvellement comporte un inconvénient. En effet, certaines personnes en mobilité professionnelle ou en formation ne savent pas toujours à l’avance combien de temps elles vont rester dans un territoire. Si elles restent plus longtemps que prévu, elles ne pourront pas renouveler leur bail, ce qui est fâcheux. C’est pourquoi il devrait être possible de renouveler le bail mobilité, à l’intérieur de sa durée maximale de dix mois.

Cette modification permettrait de donner plus de souplesse à ce bail et de mieux répondre aux besoins de mobilité et de formation, tout en évitant les détournements d’usage, puisqu’il sera impossible de louer plus de dix mois à la même personne.

M. Martial Saddier. Chers collègues, quel plaisir de vous retrouver pour la troisième soirée consécutive ! J’ai déposé cet amendement avec ma collègue Mme Bonnivard, députée de Savoie. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la cohésion des territoires, au cours des débats, vous nous avez dit votre fierté de défendre un texte qui ne privilégie ni les propriétaires ni les locataires. Nous partageons cette fierté et essayons, par cet amendement, d’y contribuer en rééquilibrant les droits entre bailleurs et locataires.

M. Mickaël Nogal. Je vais retirer mon amendement CE2058 pour voter celui de la rapporteure – CE2755 – car il est juridiquement mieux rédigé. Je propose à nos collègues de faire de même.

Lamendement CE2058 est retiré.

Mme Christelle Dubos, rapporteure pour les titres II et III. Mon amendement CE2755 à venir permet effectivement de répondre à vos demandes, dans un cadre juridique clair. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer vos amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez déposé deux types d’amendements sur ce sujet : les premiers portent sur la durée – dix ou douze mois. Nous en avons longuement débattu. Je m’en remets à votre sagesse.

Celui de M. Saddier porte sur la prolongation du bail mobilité. À mon sens, elle ne doit être possible qu’à l’intérieur de la durée maximale du bail – ainsi un bail de deux mois pourrait être prolongé de huit mois si la durée totale du bail est fixée à dix mois.

Le prolonger au-delà pose problème : les propriétaires n’auraient plus intérêt à passer par les baux renouvelables, régis par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ou meublés – d’une durée d’un an, voire de neuf mois pour les étudiants. C’est l’objet de l’amendement CE2755 que je soutiendrai.

Mme Stéphanie Do. Je souhaite que le renouvellement intervienne dans la limite de dix mois.

M. Martial Saddier. Je vous remercie de ces explications et vous fais confiance. Néanmoins, en montagne, après une descente, en bas d’une pente enneigée, vous vous retournez pour regarder la trace que vous avez laissée. À ce moment précis de nos débats, je voudrais me retourner pour regarder cette trace et vais donc maintenir l’amendement CE323.

M. Stéphane Peu. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris : souhaitez-vous que le bail mobilité puisse durer jusqu’à vingt mois ?

M. le président Roland Lescure. La durée totale du bail – de dix mois – n’est pas modifiée. Mais, dans le cadre de ces dix mois, vous pourrez renouveler deux fois votre bail initial de trois mois par exemple.

La commission rejette successivement les amendements CE241 et CE323.

Puis la commission en vient à lamendement CE1958 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Dans la continuité de nos débats, cet amendement propose d’étendre la durée du bail mobilité à douze mois pour les volontaires en service civique. Il ne s’agit pas de déséquilibrer le texte mais de soutenir le service civique. Cet engagement volontaire est en effet un élément fondamental de construction et de renforcement du sentiment d’appartenance à la nation. En outre, l’engagement est une des priorités du président de la République. Nous devons donc permettre aux volontaires de s’engager plus facilement pour une durée de douze mois sur tout le territoire national, sans que leur mobilité ne soit freinée par l’absence de moyens ou de logement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Mon avis sera favorable sur le principe, mais je souhaiterais que l’amendement soit retiré et rectifié sur deux points : la durée du bail doit être de douze mois moins un jour car une durée de douze mois correspond à un bail régi par la loi de 1989 précitée ; ces baux mobilité ne doivent pouvoir être proposés qu’à des jeunes qui n’habitent pas dans le territoire concerné.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’en remets à votre sagesse.

Mme Sarah El Haïry. Je me félicite de la réponse de Mme la rapporteure et de M. le ministre. Je rectifierai mon amendement pour la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1793 de M. Stéphane Peu, et CE1602 et CE1603 de Mme Stéphanie Do.

M. Stéphane Peu. Selon Pierre Rosanvallon, le marché n’est pas immoral, mais amoral et aveugle. En tant que parlementaires, nous devons être sa canne blanche. C’est l’objet de notre amendement « canne blanche » CE1793 : il vise à éviter qu’un bailleur propriétaire de plusieurs logements ne conclue un nouveau bail mobilité avec un même locataire pour un autre de ses logements.

Mme Stéphanie Do. Le bail mobilité est une réelle avancée qui permettra de favoriser la mobilité professionnelle et la formation, à condition qu’il ne soit pas détourné. Les associations de défense des intérêts des locataires craignent que des bailleurs peu scrupuleux n’utilisent le bail mobilité en lieu et place d’un bail classique d’habitation, ce qui reviendrait à précariser les locataires. Pour éviter ces abus et pour que ce nouveau bail soit bien accepté, il est nécessaire d’anticiper les tentatives de détournement. C’est l’objet de mes amendements CE1602 et CE1603.

L’un des abus consisterait à faire tourner les locataires dans plusieurs des appartements que le bailleur possède. Si ce dernier possède un ou plusieurs immeubles, il pourrait accorder des baux mobilité successivement dans tous ses appartements, en lieu et place d’un bail d’habitation classique.

C’est pourquoi nous souhaitons interdire à un bailleur d’accorder plusieurs baux mobilité dans un même secteur géographique. Le Gouvernement choisira par décret le périmètre des zones après concertation. Ce dernier devra pouvoir être modifié en fonction des retours de terrain. À l’inverse, l’amendement de M. Peu promulgue une interdiction générale.

M. Stéphane Peu. C’est moins bureaucratique !

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable. La rédaction du projet de loi empêche d’ores et déjà le renouvellement du contrat avec le même locataire pour le même bien. Si je comprends et partage la volonté d’éviter les détournements, votre proposition me semble impossible à mettre en place et à contrôler.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est un outil de lutte contre les marchands de sommeil. Il est clair que nous ne voulons rien leur lâcher, mais vos amendements soulèvent une difficulté : le bail mobilité va‑t‑il être un succès ? Nous n’en savons rien et lui imposons ab initio des contraintes qui pourraient constituer un tue-l’amour… Le risque que vous évoquez existe, mais les cas seront-ils nombreux ? Le renforcement des contrôles vis-à-vis des marchands de sommeil permettra-t-il de les gérer ? Si les abus sont trop importants et que la loi doit être modifiée, je vous propose alors de revenir devant vous.

M. Stéphane Peu. Nous poursuivons le même objectif, je n’en doute pas, mais notre philosophie est différente : nous souhaitons que ces nouvelles dispositions soient parfaitement cadrées afin que les acteurs mal intentionnés ne s’engouffrent pas dans les failles de la loi.

La commission rejette successivement les amendements CE1793, CE1602 et CE1603.

Elle examine lamendement CE375 de M. Jean-François Mbaye.

M. Rodrigue Kokouendo. Le projet de loi prévoit la possibilité pour le locataire de donner congé au bailleur, à condition de respecter un préavis d’un mois. Afin de respecter l’équilibre de la relation contractuelle et de tenir compte des durées très courtes applicables aux baux mobilité, le texte ne prévoit pas la possibilité pour le bailleur de donner congé au locataire. Cette position est compréhensible et pleine de bon sens.

Le présent amendement vise à compléter les dispositions de l’article 34 en permettant au bailleur de signifier de manière explicite sa volonté de voir le locataire quitter son logement à la fin du bail mobilité. Ainsi, si un locataire indélicat souhaite profiter de l’automaticité du renouvellement du bail pour continuer à occuper les lieux contre la volonté du bailleur, celui-ci pourra faire valoir qu’il ne l’a pas laissé en possession de ceux-ci, selon les dispositions prévues à l’alinéa 27. À l’inverse, durant le bail, le locataire pourra rester dans les lieux, conformément aux termes de son bail, le bailleur ne pouvant lui signifier une date de fin de bail différente de celle figurant dans le contrat.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’alinéa 26 prévoit d’ores et déjà que le bail mobilité n’est pas renouvelable. Le bailleur n’a donc pas besoin de notifier au locataire un congé précisant que le bail ne sera pas renouvelé. Je suis cependant d’accord avec vous : la rédaction de l’alinéa 27 doit être améliorée pour interdire explicitement toute reconduction tacite du bail. C’est le sens de mon amendement CE1675.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Le bail mobilité est, par principe, un bail à durée déterminée, de courte durée.

Lamendement est retiré.

La commission passe à lamendement CE2755 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Nous avons déjà discuté de cet amendement qui permet de prolonger un bail mobilité à l’intérieur de la période de dix mois. Je précise qu’il s’agira d’un « avenant » au bail, et non d’un « renouvellement ».

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE1794 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement CE234 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. En l’état actuel du projet de loi, un locataire peut profiter d’une faille juridique pour imposer sa présence après la fin du bail mobilité et obtenir d’office la transformation du bail mobilité en un bail d’habitation meublée renouvelable. Cela lui permettrait de rester dans les lieux contre la volonté du bailleur, si le bailleur ne lui a pas envoyé avant la fin du bail une lettre recommandée ou une lettre d’huissier lui signifiant sa volonté de récupérer son logement. Pour cela, il lui suffirait de rester dans les lieux le lendemain de la fin du bail.

C’est pourquoi il est préférable de laisser au bailleur un délai d’un mois après la fin du bail, afin qu’il puisse envoyer à son locataire une injonction de quitter les lieux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement au profit de mon amendement CE1675.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Mme Stéphanie Do. Je maintiens mon amendement car je n’ai pas pris connaissance de l’amendement CE1675.

La commission rejette lamendement.

La commission examine les amendements identiques CE267 de M. Thibault Bazin et CE1675 de la rapporteure.

M. Thibault Bazin. La mise en place d’un système automatique de requalification du bail mobilité en bail classique semble peu pertinente et de nature à multiplier les contentieux et les tentatives de fraude. Le bail commercial dérogatoire de courte durée a longtemps permis au locataire de bénéficier d’un bail commercial en restant dans les lieux au terme du bail. Cette disposition a généré tant de contentieux qu’elle a été modifiée par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises – dite « loi Pinel ». Il convient donc de supprimer la disposition similaire s’appliquant au bail mobilité. C’est ce que propose cet amendement CE267.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Mon amendement est identique.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte ces amendements.

Elle en vient à lamendement CE378 de M. Jean-François Mbaye.

M. Rodrigue Kokouendo. Cet amendement apporte une précision sur la manière dont se poursuit la relation contractuelle entre le bailleur et le locataire à la fin du bail mobilité. Si le texte prévoit implicitement que le nouveau bail est conclu dans le même cadre, notre amendement vise à le préciser explicitement, afin que bailleurs et locataires bénéficient d’une meilleure lisibilité de l’évolution de leurs relations contractuelles – notamment concernant le montant du loyer et ses modalités de paiement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. S’il s’agit de prévoir un deuxième contrat à l’issue du premier, j’y suis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE1859 et CE1860 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Même s’il est difficile de faire de la prospective, il est probable que le bail mobilité se développe dans les zones tendues, qui connaissent, par définition, une pénurie de logements. Pour éviter que les bailleurs ne bénéficient d’effets d’aubaine, nos amendements proposent qu’un même logement ne puisse pas faire l’objet de plus de deux baux mobilité par période de cinq ans. Le bail mobilité permettra sans doute de remettre des logements vacants sur le marché – c’est une excellente chose –, mais il faudrait ensuite que ceux-ci reviennent dans le droit commun.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le droit de propriété est constitutionnellement garanti. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Par ailleurs, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Peu : quelles que soient les zones, il faut loger les gens ! Nous y reviendrons lors des débats sur les plateformes de type Airbnb. Dans ce dernier cas, les logements sortent totalement du marché locatif car ils servent à loger des « touristes ». Ce n’est pas le cas avec le bail mobilité. Vos craintes n’ont donc pas lieu d’être.

La commission rejette successivement les amendements CE1859 et CE1860.

Elle en vient à lamendement CE798 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai lu votre tribune. Avec beaucoup d’élans (Sourires), vous avez lancé un appel aux propriétaires afin qu’ils remettent leurs logements vacants sur le marché… Vous concédez qu’il y a des réticences, vous faites la publicité du dispositif Solibail et donnez même son numéro de téléphone ! Vous l’avez dit, nous ne savons pas si le bail mobilité va fonctionner. Depuis quinze jours, j’ai une obsession : quand je croise des propriétaires dont les logements sont vacants, je leur demande s’ils sont intéressés. Leur réponse est systématiquement la même : « sans dépôt de garantie, cela ne m’intéresse pas ». Notre amendement vise à répondre à cette préoccupation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison, nous devons adapter au mieux le dispositif pour tenir compte des différents arguments. Pourquoi supprimons-nous le dépôt de garantie ? Pour que le locataire ne soit plus bloqué par cette barrière à l’entrée. En échange, lorsqu’il signera un bail mobilité, le propriétaire sera protégé par la garantie Visale, qui couvrira tous les locataires, quel que soit leur statut. Cette garantie est plus protectrice pour le propriétaire qu’un simple dépôt de garantie puisqu’elle couvrira le non-paiement du loyer, mais également la remise en état du bien !

Malheureusement, ce dispositif n’est pas connu ; c’est son seul point de faiblesse. Sur le papier, les propriétaires devraient se ruer sur Visale ! Mais nous devons prendre en compte cette irrationalité du monde réel… Peut-être faudrait-il autoriser cette alternative – dépôt de garantie ou Visale ? Le risque serait alors important que les propriétaires ne fassent pas l’effort de se tourner vers Visale et continuent à demander un dépôt de garantie, maintenant ainsi une barrière à l’entrée pour les locataires.

En l’état de sa rédaction, mon avis sera défavorable sur votre amendement, mais je souhaite sincèrement trouver le mécanisme approprié, afin que la suppression de la barrière à l’entrée pour le locataire ne constitue pas une nouvelle barrière à l’entrée pour le propriétaire.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE268 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. J’ai un peu l’impression d’être le dernier des Mohicans ! Mon amendement propose qu’un dépôt de garantie d’un mois maximum puisse être exigé par le bailleur. Je comprends l’esprit de votre réforme, mais ne peut-on prévoir une clause alternative ? Les réticences sont réelles.

Le bail mobilité est un dispositif intéressant, même s’il n’est pas révolutionnaire – il l’aurait été s’il avait concerné les logements non meublés. Il ne faut pas qu’il devienne un dispositif inutilisé…

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable pour les raisons déjà évoquées. Je ne comprends pas votre remarque sur les logements non meublés.

M. le président Roland Lescure. M. Bazin souhaite élargir le bail mobilité aux logements non meublés, au risque d’ouvrir la boîte de Pandore…

M. Mickaël Nogal. Monsieur le secrétaire d’État, qu’est-ce que le dépôt de garantie couvrirait que Visale ne couvre pas déjà ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je vous invite à lire mon incroyable tribune et à la diffuser ! (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Nous la connaissons tous par cœur ! (Sourires.)

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons un rôle collégial à jouer car la question du logement donne lieu dans notre pays à des réactions totalement irrationnelles. Chacun campe sur ses positions : le locataire estimant que son propriétaire est un nanti, et le propriétaire s’inquiétant que son locataire dégrade son logement.

La même irrationalité prévaut quand le propriétaire choisit de privilégier le dépôt de garantie : certes, c’est une somme d’argent dont il dispose, alors que la garantie Visale n’existe que sur le papier. Mais elle est bien plus protectrice ! Nous devons faire la promotion de Visale, faute de quoi les propriétaires pourraient se braquer et le système se gripper…

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE1606 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. Mon amendement rejoint celui de mon collègue tout en prévoyant que le dépôt de garantie ne pourra être demandé que pour les baux de six mois ou plus.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez en partie répondu à mes interrogations. Je crois vraiment au bail mobilité. Contrairement à M. Peu, je pense que le locataire bénéficiera d’un effet d’aubaine – et non le propriétaire. Nous devons veiller à ne pas freiner la mise sur le marché de logements et rassurer les propriétaires réticents, afin que les logements proposés ne soient pas de qualité inférieure. Pouvez-vous me confirmer que Visale couvre tous les locataires, notamment quel que soit leur âge ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable à votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable également. Nous venons d’évoquer le dépôt de garantie : il faut ajuster le mécanisme au mieux pour qu’il fonctionne.

Visale est géré par Action Logement. Vous avez raison, actuellement, la mesure est limitée. Nous sommes en discussion avec l’organisme pour l’étendre : la nouvelle convention, bientôt signée, élargira le dispositif général à tous les étudiants, et à l’ensemble de la population pour les baux mobilité.

En outre, je le répète, ce dispositif garantit les impayés de loyers et la remise en état du bien. Pour le rendre attractif, reste à communiquer, afin que les propriétaires se l’approprient.

M. le président Roland Lescure. Nous devons tous restaurer cette confiance dans la puissance publique…

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1861 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Parfois, l’homme est un loup pour l’homme. L’absence de dépôt de garantie est un des atouts du bail mobilité pour le locataire – mais pas pour le propriétaire. Il faut donc s’assurer que les propriétaires qui ne respectent pas cette interdiction seront sanctionnés. Notre amendement prévoit une amende dans ce cas.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Le montant de l’amende me semble disproportionné. Par ailleurs, le non-respect de l’interdiction du dépôt de garantie peut faire l’objet d’un recours devant le juge.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis totalement opposé à votre amendement. Le projet de loi prévoit déjà qu’il n’y aura pas de dépôt de garantie : si vous y ajoutez une amende, plus aucun propriétaire ne voudra signer de bail mobilité !

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE236 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le bail mobilité créé par le présent projet de loi est conçu pour être simple d’utilisation. C’est pourquoi les charges seront payées sous la forme d’un forfait non récupérable. Cependant le texte précise que le montant doit être calculé sur la base des charges acquittées par le précédent locataire. Cette formulation pose question : que se passe-t-il s’il n’y a jamais eu de locataire ? Et si le précédent locataire a quitté les lieux il y a une dizaine d’années ?

Il paraît donc plus pertinent de se fonder sur les charges réelles habituelles pour cette période de l’année. Le mot « habituel » permettra au bailleur de se fonder sur les charges des années précédentes et, ainsi, de pouvoir anticiper la somme à transmettre au locataire. Cela a le mérite d’être simple à mettre en œuvre et de rendre difficile des contestations.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le projet de loi reprend les termes de la loi du 6 juillet 1989 pour les locations meublées ou nues classiques. Il me paraît préférable de conserver une cohérence entre les différentes catégories de contrats de location. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE269 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2756 de la rapporteure et CE239 de Mme Stéphanie Do.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable dans certaines communes. L’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH) définit les locaux à usage d’habitation comme étant toutes catégories de logements, y compris les logements meublés, donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 du CCH.

Or, les logements meublés loués dans le cadre d’un bail mobilité ne sont pas visés dans cet article et pourraient être considérés comme devant faire l’objet d’une autorisation de changement d’usage. Mon amendement vise à lever toute ambiguïté d’interprétation, en exonérant les logements bénéficiant d’un bail mobilité de la procédure d’autorisation de changement d’usage.

Mme Stéphanie Do. Mon amendement poursuit le même objectif que celui de Mme la rapporteure. Nous souhaitons exempter le bail mobilité de la procédure d’autorisation de changement d’usage.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement au profit du mien.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable à l’amendement CE2756.

La commission adopte lamendement CE2756.

Lamendement CE239 tombe.

Elle en vient à lamendement CE238 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. L’un des objectifs du bail mobilité est d’inciter les propriétaires à mettre à la disposition des locataires en mobilité professionnelle ou en formation des logements jusqu’ici inutilisés. C’est le cas des résidences secondaires. Si les propriétaires décident de louer leur logement quand ils sont absents, cela permettra d’augmenter l’offre de logements de manière notable, en particulier dans les zones tendues.

Or la loi impose la déclaration en mairie de toute location de courte durée, dès lors que celle-ci ne constitue pas la résidence principale du bailleur. Afin d’inciter les bailleurs non professionnels à mettre leur bien en location, il serait souhaitable de les exonérer d’une telle démarche.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le bail mobilité ne rentre pas dans la catégorie des meublés touristiques. Votre amendement est donc satisfait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 34 modifié.

Après l’article 34

La commission examine en discussion commune les amendements CE1903 et CE1904 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. De nombreuses entreprises implantées dans les communes situées en zones tendues ne parviennent plus à embaucher de nouveaux collaborateurs, ces derniers ne pouvant trouver un logement à prix raisonnable. En conséquence, certaines de ces entreprises envisagent de quitter les communes concernées. En tant que députée d’un département en forte croissance démographique et en zone tendue, je suis régulièrement interpellée par nos entreprises.

L’amendement CE1903 donne la possibilité aux entreprises implantées dans les communes situées en zones tendues de louer des logements conventionnés, afin de les sous‑louer à leurs salariés. L’amendement CE1904 propose de cibler cette mesure sur les entreprises employant des saisonniers, au profit de cette seule catégorie d’employés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement crée un contrat de location lié au contrat de travail. Au-delà de l’impossibilité de lier un contrat de location au contrat de travail – sauf logement de fonction –, les dispositions du code de la construction et de l’habitation en vigueur permettent déjà de favoriser l’accès à une formation, un contrat d’apprentissage ou un stage par le biais de la sous-location.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

Les amendements CE1903 et CE1904 sont retirés.

La commission en vient aux amendements identiques CE1614 de M. Éric Bothorel et CE1917 de Mme Frédérique Lardet.

M. Éric Bothorel. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé à quel point il fallait lutter contre les « trous dans la raquette ». Le bail mobilité fera partie de ces outils et permettra de compléter l’offre locative et de lutter contre la vacance.

Certaines grandes villes comme Paris, Lyon, Bordeaux ont mis en place une autorisation de changement d’usage pour les résidences secondaires dont les conditions sont parfois si strictes – ouvrir une surface deux fois supérieure à la location classique dans le même arrondissement à Paris par exemple – que les autorisations sont rarement délivrées, laissant vacantes de nombreuses résidences secondaires une grande partie de l’année.

Dans ces grandes villes, mon amendement consiste à encourager les propriétaires de résidences secondaires à conclure des baux mobilité d’une durée suffisante – par exemple, huit mois, durée d’une année universitaire –, grâce à l’assurance qu’ils pourront dédier ce même logement à la location meublée touristique, plus rémunératrice, durant la période de vacance qui sépare deux baux mobilité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Mon amendement CE2756, que nous venons juste d’adopter, répond à votre demande. Vos amendements sont donc satisfaits.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission examine lamendement CE2474 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à exempter de taxe d’habitation les locataires ayant contracté un bail mobilité. En l’état, il leur revient de payer la taxe d’habitation s’ils occupent le logement au 1er janvier, alors qu’ils ne sont destinés à y rester que quelques mois. Il semble injuste, pour une si courte durée d’occupation, de les assujettir à une taxe que nous souhaitons par ailleurs supprimer.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je comprends votre argument mais cet amendement touche à l’égalité devant l’impôt – un sujet pour le moins compliqué. De surcroît, la réforme de la taxe d’habitation est en cours. Je vous propose donc de retirer l’amendement et de soumettre la question à M. Darmanin afin qu’elle soit prise en compte dans la réforme. Sauf erreur, la taxe d’habitation est payée au 1er janvier, la taxe foncière étant calculée au prorata de la durée d’occupation.

M. Jean-Paul Mattei. Je précise que les deux taxes sont payables au 1er janvier, le prorata n’étant qu’une convention.

M. Mickaël Nogal. Je retire l’amendement en souhaitant que nous y revenions dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1855 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Je ne cesse, depuis le rejet de mon amendement de suppression de l’article, de proposer des amendements visant à protéger les locataires ayant souscrit un bail mobilité – en vain pour l’instant, mais peut-être y parviendrai-je en vous proposant cet amendement qui vise à encadrer les frais d’agence immobilière, qui représentent parfois un coût important.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous propose de retirer cet amendement car il est déjà satisfait par l’alinéa 9 de l’article 34 qui étend au bail mobilité le plafonnement des honoraires de location prévu à l’article 5 de la loi de 1989.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les mêmes raisons que plus tôt. Le système de paiement des honoraires des agences immobilières n’est certes pas satisfaisant. Pour tout dire, je rencontre régulièrement les agences car il me semble que de nombreux progrès sont possibles en la matière. Cependant, je préfère annoncer des freins au bail mobilité a posteriori plutôt qu’a priori : cela nous permettra de vérifier si la mesure porte ses fruits.

M. Stéphane Peu. À chaque fois que je défends un amendement visant à protéger les locataires en bail mobilité, il m’est opposé l’argument selon lequel il constituerait un frein pour les propriétaires. De ce fait, nous laissons de vastes espaces aux dérives pourtant connues qui, de surcroît, risquent de tuer le projet si le bail mobilité devient une nouvelle niche pour marchands de sommeil incitant les propriétaires à commettre des abus ! Comment peut-on refuser d’encadrer les frais d’agence pour des baux de dix mois ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La loi encadre déjà les frais d’agence, monsieur le député, y compris dans le cas d’un bail mobilité. Autrement dit, votre amendement est satisfait par l’article 5 de la loi de 1989.

M. Stéphane Peu. Étant donné la très forte spécificité du bail mobilité, ce n’est pas la loi de 1989 qui devrait s’y appliquer ! Vous créez un dispositif ad hoc – le bail mobilité – mais lui appliquez le droit commun dès qu’il s’agit de protéger un tant soit peu les locataires contre des abus éventuels ! Depuis le début de l’examen de ce dispositif, pas un seul amendement protecteur des locataires n’a été adopté.

M. Thibault Bazin. Pour aller dans le sens de M. Peu, l’amendement CE269 que j’ai défendu rapidement tout à l’heure avait à peu près le même objet : la loi de 1989 ne doit pas s’appliquer en ce qui concerne la rémunération des personnes mandatées pour le bail mobilité. Mon amendement a été rejeté, mais il y a là un véritable obstacle dont il faut se saisir.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Plusieurs mesures de protection des locataires ont été adoptées, monsieur Peu : tous les diagnostics, qui n’étaient pas prévus initialement, sont désormais inclus dans le bail mobilité.

M. Stéphane Peu. Je vous l’accorde.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La loi de 1989 et ses versions ultérieures sont très protectrices du locataire. La véritable question est celle-ci : le bail mobilité est-il plus protecteur encore que ladite loi ? Le bail mobilité prévu par le projet de loi tel qu’amendé se rapproche grandement du bail 1989, à deux différences près : celui-ci est tacitement reconductible tandis que celui-là est figé dans le temps, et est en outre assorti du système Visale concernant le dépôt de garantie. Ne laissons donc pas croire que nous ne protégeons aucunement les locataires, car ce n’est pas du tout le sens du bail mobilité.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE1905 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. La société civile immobilière (SCI) familiale peut donner congé à un locataire d’un immeuble inscrit à son actif dans le but d’y loger l’un de ses associés. Or, l’article 13 de la loi du 6 juillet 1989 définit la SCI familiale comme une SCI constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus. Les SCI composées de concubins ou de partenaires pacsés ne sont donc pas considérées comme des SCI à caractère familial.

Il serait utile d’adapter le statut de la SCI familiale aux récentes évolutions législatives de la notion de famille qui tendent à assimiler le concubin et le partenaire pacsé au conjoint marié.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les SCI, définies par le code civil, sont couramment utilisées. Il convient toutefois de mesurer l’impact de votre proposition avant de modifier la législation en ce sens, car l’amendement risque notamment de créer une insécurité juridique liée à la définition du concubinage, encore imprécise. Je vous propose donc de le retirer au bénéfice d’une expertise d’ici à la séance publique.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Mme Frédérique Lardet. Dans ce cas, je retire l’amendement en attendant la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE926 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet amendement vise à exclure les logements ayant fait l’objet d’un bail mobilité du calcul du taux de logements vacants. Si le texte vise à réduire la vacance, il ne réduira pas le taux de vacance. Le bail mobilité ne pouvant excéder dix mois, il se peut qu’un logement en faisant l’objet soit inoccupé au 1er janvier, auquel cas il entrera dans le calcul du taux de vacance. Avant de s’implanter sur un territoire, les opérateurs privés commencent par consulter deux indicateurs : le taux d’impayés et le taux de vacance. C’est pourquoi nous proposons que le bail mobilité soit exclu du calcul du taux de vacance.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En matière fiscale, un local non occupé mais meublé au 1er janvier n’est pas considéré comme vacant mais comme étant à la disposition de son propriétaire. Le bail mobilité n’a donc pas d’effet sur le taux de vacance et la taxe sur les logements vacants, qui ne vise que le parc locatif privé, ne s’appliquera pas aux logements donnés en location dans ce cadre.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

Article 35
(articles L. 441-2 et L. 442-5-1-1 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Élargissement des missions des commissions dattribution des logements (CAL) aux questions de mobilité des locataires

1.   L’état du droit

a.   Les commissions d’attribution

Depuis la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, chaque organisme HLM est tenu de créer, en son sein, une commission d’attribution des logements (CAL), chargée d’attribuer nominativement chaque logement locatif de son patrimoine. Cette commission est composée de :

– six membres représentant l’organisme ;

– du préfet de département ;

– du maire de la commune et du président de l’EPCI compétent en matière d’habitat où sont implantés les logements attribués.

b.   Les obligations de l’organisme et du locataire en matière de mobilité

Sur la base des informations collectées annuellement par l’organisme HLM auprès de ses locataires, celui-ci est soumis à plusieurs obligations prévues par le code de la construction et de l’habitation. L’organisme doit :

– proposer un logement plus adapté lorsqu’une situation de sous‑occupation est constatée ou lorsque le bénéfice d’un logement adapté au handicap ne se justifie plus en raison du départ du membre du ménage présentant un handicap. Si le locataire, âgé de moins de soixante-cinq ans, refuse trois offres de relogement faites par le bailleur, il peut perdre son droit au maintien dans les lieux (articles L. 442-3-1 et L. 442-3-2 du CCH) ;

– soumettre le locataire au paiement d’un supplément de loyer de solidarité (SLS), lorsque ses ressources sont supérieures de plus de 20 % au plafond de ressources applicable au logement (article L. 441-3 du CCH) ;

– avertir le locataire qu’il va perdre son droit au maintien dans les lieux lorsque ses ressources sont supérieures à 150 % des plafonds de ressources applicables pour l’attribution des logements financés par des prêts locatifs sociaux (PLS) ;

– étudier, avec le locataire, les évolutions possibles de son parcours résidentiel en cas de sous-occupation ou de dépassement du plafond de ressources (article L. 442-5-1 du CCH).

Par ailleurs, les locataires peuvent eux-mêmes saisir le bailleur d’une demande de changement de logement à l’intérieur du parc social. À la fin de l’année 2015, un tiers des demandeurs de logement social en France (soit 626 000 demandeurs sur 1,9 million) étaient déjà locataires au sein du parc social. D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, 34 % de ces demandes de mobilité sont motivées par un problème de taille du logement.

2.   Les dispositions du projet de loi

Afin de mieux prendre en compte les souhaits de mobilité des locataires de logements sociaux et d’optimiser l’occupation du parc social, l’article 35 du présent projet de loi institue, pour chaque organisme HLM, l’obligation d’examiner, tous les six ans, les conditions d’occupation des logements situés dans les zones tendues.

À la suite de cet examen, les alinéas 22 à 27 précisent que l’organisme transmet à la commission d’attribution des logements les dossiers des locataires se trouvant dans une situation de sur-occupation du logement, de sous-occupation, de logement non adapté au handicap ou de dépassement de plafond de ressources applicable au logement.


L’article 35 du présent projet de loi investit, par la suite, la CAL d’une nouvelle mission : émettre des préconisations en matière doffres de relogement à proposer aux locataires ainsi identifiés par le bailleur. Ces préconisations sont transmises au locataire avec lequel le bailleur procède à un examen des possibilités d’évolution de son parcours résidentiel.

L’alinéa 30 précise que les dispositions des articles L. 442-3-1 et L. 442‑3-2 continuent à s’appliquer aux locataires ainsi identifiés :

– le loyer du nouveau logement proposé ne peut être supérieur à celui du logement d’origine ;

– le bailleur est tenu de fournir une aide à la mobilité aux locataires acceptant un déménagement ;

– le locataire, âgé de moins de soixante-cinq ans, refusant trois offres adaptées de relogement faites par le bailleur peut perdre son droit au maintien dans les lieux.

La charge de travail des CAL étant susceptible de s’accroître en raison de cette nouvelle mission, l’alinéa 19 du présent article pérennise la possibilité de procéder à des réunions dématérialisées. Cette faculté avait été ouverte, à titre expérimental et uniquement dans les zones détendues, par l’article 98 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). D’une durée initiale de trois ans, cette expérimentation a ensuite été prolongée de trois années supplémentaires par la loi n° 2017-86 du
27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. En l’absence de nouvelle disposition législative, cette expérimentation aurait donc dû prendre fin en mars 2020. Si l’alinéa 19 supprime la condition de zonage pour pouvoir procéder à des CAL dématérialisées, il maintient cependant la nécessité que le règlement de ces réunions soit approuvé par le préfet de département.

Enfin, les alinéas 1 à 18 procèdent à une réécriture à droit constant de l’article L. 441-2 du CCH, relatif à la composition et au fonctionnement des CAL, afin d’en clarifier la rédaction et le plan. La seule modification introduite par ces alinéas concerne le nom des CAL : celles-ci sont rebaptisées « commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation de logements », afin de tenir compte de la nouvelle mission qui leur est confiée par le présent article.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure soutient pleinement cet article qui permettra à certains locataires ne se signalant pas spontanément à leur bailleur de pouvoir se voir proposés des logements plus adaptés à leur situation familiale ou à leur handicap.

Cet article ne modifie aucunement les règles relatives au droit au maintien dans les lieux mais crée, au contraire, de nouvelles possibilités de mobilité pour les locataires confrontés à des situations de sur-occupation ou de perte d’autonomie. Votre rapporteure rappelle que cet article vise à encourager la mobilité dans le parc social, sans toutefois la rendre obligatoire.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements identiques de MM. Ramadier et Pupponi prévoyant que la CAL puisse conseiller, dans le cadre de la procédure de réexamen de la situation de certains locataires, l’accession sociale à la propriété.

En outre, la commission a également adopté un amendement de votre rapporteure visant à prendre en compte, dans la définition de la sous-occupation, le droit de visite et d’hébergement dont dispose un locataire d’un logement social, pour ses enfants, à la suite d’un divorce ou d’une séparation. Ces enfants, qui viennent en général un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, n’ont juridiquement pas leur résidence principale chez le parent concerné et ne sont pas non plus à sa charge d’un point de vue fiscal. Il paraît toutefois naturel de laisser à ce parent le droit de disposer d’une chambre pour ces enfants, sans que cela caractérise une situation de sous-occupation qui peut, dans certains cas, donner lieu à une perte du droit au maintien dans les lieux.

*

*     *

La commission examine lamendement CE1795 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Voici un article emblématique – que cet amendement tend à supprimer – de l’attaque qui vise tous les piliers du logement social, la protection des locataires et l’équilibre de leurs relations avec les bailleurs et les propriétaires, puisqu’il remet profondément en cause le droit au maintien dans les lieux dans le parc social en obligeant le réexamen du bail après six ans d’occupation.

La principale différence entre un bail privé relevant de la loi de 1989 et un bail dans le parc social est semblable à celle qui existe entre un CDD et un CDI : dans le parc social, le bail est à durée indéterminée, contrairement à un bail privé. Par définition, les occupants des HLM sont parmi les plus modestes. Permettez-moi de reprendre l’exemple de la Seine-Saint-Denis, car il me semble utile d’ancrer les argumentations dans les réalités : 25 % des locataires du parc HLM y ont plus de 65 ans. Ayant toujours exercé des « petits métiers » – qui ouvrier, qui femme de ménage –, sans jamais pouvoir acheter leur propre logement, ces personnes qui vivent dans la précarité de retraites modestes et incertaines n’ont qu’une seule garantie : celle d’un bail à durée indéterminée, c’est-à-dire la certitude d’avoir un toit en dépit des vicissitudes que pourraient connaître leurs retraites et allocations. La suppression du seul point de stabilité dans des vies en proie à d’innombrables facteurs de précarité constitue à mon sens une véritable régression sociale.

Je propose donc de supprimer cet article afin de maintenir le caractère pérenne et indéterminé du bail dans le parc social ; ce faisant, je pense en particulier aux personnes âgées qui sont beaucoup plus nombreuses qu’on ne le dit dans les HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’article 35 vise à encourager la mobilité dans le parc social sans toutefois la rendre obligatoire. Le réexamen périodique permettra de proposer aux locataires des logements plus adaptés à leur situation, notamment en cas de handicap et de suroccupation, mais le changement de logement ne sera pas imposé. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous semblez manifestement avoir mal compris l’objectif de l’article 35, monsieur Peu. D’emblée, dès le premier jour, j’ai affirmé que l’on ne toucherait pas au maintien dans les lieux ; le bail à vie reste un bail à vie. Le logement social est un tremplin ; s’il est nécessaire toute la vie, alors l’occupant d’un logement social – je pense aux mêmes que vous, monsieur le député – doit pouvoir y rester. Il n’y a donc aucune – je dis bien aucune – remise en cause du bail à vie, ni de près ni de loin.

L’article 35 prévoit que la commission d’attribution des logements étudie tous les six ans la situation de chacun des locataires et leur propose un logement plus adapté en cas de sous-occupation, par exemple. J’insiste : il s’agit bien d’une proposition, le changement de logement devant systématiquement se faire sur la seule base du volontariat.

Cette mesure est fondée sur des expériences concrètes. Je citerai celle de Montrouge Habitat, qui a lancé cette expérimentation il y a environ un an et demi. Depuis, dans une vingtaine de cas, la proposition a été faite à des locataires de passer d’un appartement F4 à un F3 moyennant les modifications de loyer que nous avons évoquées tout à l’heure, c’est-à-dire que le nouvel entrant dans le F3 paye un loyer inférieur au montant normal et que son successeur dans le F4 paye un loyer supérieur au montant précédent. En moyenne, les locataires acceptant la proposition de changement d’appartement économisent l’équivalent d’un mois de loyer par an et l’opération est bénéfique pour le bailleur.

Vous avez donc laissé sous-entendre une idée fausse qui n’est pas dans le projet de loi et contre laquelle j’ai pris position en affirmant que le tremplin qu’est le logement social doit être maintenu si nécessaire. En revanche, il faut améliorer sa fluidité et sa mobilité selon le principe de la proposition. Les résultats sont là : je vous invite à venir les constater à Montrouge.

M. Stéphane Peu. Je connais ce mécanisme que je pratique depuis longtemps – j’ai même écrit un article sur ce sujet il y a quelques années. Lorsqu’un F2 ou un F3 est proposé aux occupants d’un F4 ou d’un F5, le loyer est souvent plus élevé. Plusieurs bailleurs ont donc décidé de maintenir le loyer au mètre carré, pour permettre aux intéressés de gagner du pouvoir d’achat. On prend aussi en charge le déménagement dans ses moindres détails. L’opération ne coûte pas un centime au locataire et rapporte un surcroît de loyer au bailleur.

Ce mécanisme fonctionne, en effet. Toutefois, il ne fonctionne qu’avec des bailleurs de proximité comme Montrouge Habitat, qui opère à l’échelle de la commune, ou Plaine Commune Habitat, à l’échelle du territoire, mais pas avec les grandes entreprises sociales pour l’habitat (ESH), qui entretiennent un rapport si lointain et abstrait avec la réalité vécue par les locataires qu’elles se fichent éperdument de tout cela. La proximité du terrain et des locataires est une garantie.

Cela étant, en quoi la mesure que vous proposez d’instaurer sur la base du volontariat sera-t-elle une aide ? Vous allez simplement introduire une incertitude dans la loi – et l’on pourra toujours brandir le principe du volontariat mais, sur le terrain, ce sont les bailleurs qui décident ! Les commissions d’attribution, dans leur grande souplesse et, parfois, avec leur regard condescendant, prendront des décisions contraignantes. Puisque des expériences fonctionnent déjà sur la base du volontariat, pourquoi ouvrir la porte à la contrainte dans la loi et donc – même si je crois volontiers que ce n’est pas là votre intention, monsieur le secrétaire d’État – à une remise en cause du maintien dans les lieux ?

Mme Véronique Hammerer. Je rejoins M. Peu : il faudra prendre garde aux mots choisis pour éviter toute incitation forte au déménagement ou au changement de loyer. Il faut s’en tenir à une simple proposition.

Néanmoins, ayant été assistante sociale pendant vingt-cinq ans dans des quartiers et en zone rurale, je sais que certains locataires entrés dans leur logement avec deux, trois ou quatre enfants aspirent parfois, le moment venu, à emménager dans des logements plus petits. Il faut ouvrir la possibilité de leur proposer un tel changement en les accompagnant et en adaptant le loyer en conséquence, car ce type de publics existe. J’insiste cependant pour qu’il ne s’agisse bien que d’une proposition, et non d’une incitation forte.

M. Mickaël Nogal. De même que je déplore l’opposition entre locataires et propriétaires, je déplore tout autant l’opposition entre les différentes familles du logement social. Nous pouvons tous ici citer des exemples d’offices publics de l’habitat (OPH), d’ESH ou de COOP’ qui fonctionnent plus ou moins bien.

M. Stéphane Peu. Ils ne sont pas tous de même taille !

M. Mickaël Nogal. Ni la taille de l’organisme, ni la famille à laquelle il appartient, ni le nombre de logements qu’il gère ne permettent de préjuger de la qualité de son lien avec le territoire. Je connais dans la métropole toulousaine des ESH qui fonctionnent très bien en étant proches du terrain et qui parviennent à une certaine mobilité sans les dispositions de cet article et des suivants. Je crois néanmoins nécessaire d’adopter cette démarche proactive qui, de surcroît, donnera aux bailleurs sociaux une plus grande visibilité sur leur parc et qui encouragera des locataires à avancer dans leur parcours résidentiel au sein du logement social, comme l’a illustré M. le secrétaire d’État avec l’exemple de Montrouge Habitat.

M. François Pupponi. L’article 35 est la tarte à la crème de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et de Bercy, qui essaient d’en vendre le contenu à tout le monde depuis vingt ans.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Mais non !

M. François Pupponi. Permettez tout de même que je vous fasse part de mon expérience ! Voici leur fantasme : la veuve en sous-occupation dans un F5 et le cadre moyen trop bien rémunéré pour occuper un logement social. Ils rêvent de faire partir les locataires trop riches et ceux qui sous-occupent les logements.

Au contraire, dans les quartiers relevant de la politique de la ville, il faut garder les locataires qui ont des moyens en leur déroulant le tapis rouge, car ils assurent la mixité sociale ! Loin de les surtaxer, il faut les aider à rester dans le parc social et les remercier d’assurer cette mixité ! Quant à la grand-mère qui occupe depuis quarante voire cinquante ans un F4 ou un F5 en ayant toujours payé son loyer rubis sur l’ongle, et qui souhaite conserver son logement parce qu’elle garde ses petits-enfants, il faut aussi la remercier de n’avoir jamais eu un euro de retard de loyer et l’encourager à rester où elle est. Faisons preuve d’un minimum de respect pour ceux qui tiennent les quartiers depuis cinquante ans !

Si, en revanche, la grand-mère en question, ne pouvant plus monter quatre étages sans ascenseur et ne recevant plus de visites, souhaite quitter son F5 pour un F3, il faut là aussi lui dérouler le tapis rouge et veiller à ce qu’elle paye un loyer moins élevé dans son nouvel appartement que dans son ancien.

Mme Annaïg Le Meur. C’est ce qui est proposé !

M. François Pupponi. Il faut en effet éviter la pratique de certains bailleurs qui présentent à leurs locataires des F3 plus chers que leurs anciens F5 ! C’est ainsi que les choses se passent dans la vraie vie ! Les bailleurs sont souvent irrespectueux de leurs locataires : plutôt que de les remercier d’accepter un changement, ils les mettent en demeure de payer !

Mme Véronique Hammerer. Pas toujours !

M. François Pupponi. Ce qu’il faut, c’est instaurer un volontariat au moyen de bourses d’échanges pour, le cas échéant, aider ceux qui souhaitent changer de logement tout en conservant toujours un minimum de respect, d’empathie et de reconnaissance à l’égard des personnes qui animent les quartiers depuis des décennies et qui ont toujours été bons payeurs. Cela s’appelle l’humanité. Si un bailleur social n’en est pas capable, alors il n’est pas un bailleur social. Malheureusement, les exemples d’irrespect des locataires sont trop fréquents.

M. Mickaël Nogal. M. Pupponi parle de pratiques sur le terrain ; il va de soi que nous ne pouvons pas être derrière chaque salarié des bailleurs sociaux pour contrôler la manière dont ils gèrent leurs dossiers. Nous élaborons la loi pour encourager un dispositif que j’estime très vertueux. La question du comportement des conseillers ne relève pas de la loi. En l’espèce, ce projet de loi n’aggravera pas la situation existante.

M. Stéphane Peu. Si, car il encouragera les pratiques non vertueuses ! Les pratiques vertueuses, elles, n’ont pas besoin de la loi pour exister !

M. le président Roland Lescure. Nous sommes ici pour débattre mais je vous prie de respecter les autres intervenants sans les interrompre. Il est tard mais la nuit est encore longue ; ne nous échauffons pas. Achevez votre intervention, monsieur Nogal, suite à quoi M. Peu pourra vous répondre s’il le souhaite.

M. Mickaël Nogal. Encore une fois, ni cet article ni ce projet de loi n’aggraveront la situation. Nous ne sommes pas responsables des pratiques qui ont lieu sur le terrain.

M. Stéphane Peu. J’entends que l’on soit en désaccord avec tel ou tel argument mais il faut tout de même faire preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle ! Les pratiques vertueuses sont le fait de personnes vertueuses, et elles existent ; encourageons leur diffusion ! L’article 35, en revanche, ouvre la porte à des pratiques non pas vertueuses mais contraignantes dont rêvent peut-être la DHUP et surtout certains bailleurs sociaux. La voie est libre dans les faits, sinon dans le texte, pour en finir avec le principe du maintien dans les lieux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En cas de changement de logement, le projet de loi interdira de pratiquer un loyer plus élevé : il sera égal ou inférieur à celui de l’ancien logement.

Ensuite, il faut certes encourager les pratiques vertueuses mais tout le monde ne songe pas à les adopter. Le texte vise à donner les outils nécessaires aux territoires pour qu’ils garantissent un accès équitable au logement et que les propositions faites aux locataires ne soient pas inégales. En outre, il permettra tous les six ans à des locataires ne l’ayant pas encore fait de se demander s’ils ne seraient pas mieux logés dans un appartement plus petit ou plus adapté à leur âge, ou dans un quartier plus proche de services et commerces qu’ils utilisent.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je n’accepte plus que l’on dise que telle ou telle disposition vient de Bercy, de la DHUP ou d’ailleurs.

M. François Pupponi. Vous vous trompez !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’ai consacré des centaines d’heures à l’élaboration de ce texte et il me semble avoir suffisamment de conscience personnelle et politique pour défendre des mesures qui ne m’ont été soufflées ni par l’une ni par l’autre.

Vous savez très bien ce que prévoit la loi existante, messieurs Peu et Pupponi. Le code de la construction et de l’habitation dispose qu’« en cas de sous-occupation du logement telle que définie à l’article L.621-2, le bailleur propose au locataire un nouveau logement correspondant à ses besoins » et que « le locataire ayant refusé trois offres de relogement faites par le bailleur (…) ne bénéficie plus du droit au maintien dans les lieux ». J’ajoute que cette règle ne s’applique pas aux locataires âgés de plus de soixante-cinq ans, ce qui rend caduc votre argument concernant les personnes âgées. Comment le projet de loi pourrait-il avoir pour but d’inciter les bailleurs à chasser des locataires de leur appartement par la sous‑location alors que le code de la construction et de l’habitation l’interdit noir sur blanc ?

La première partie du projet de loi vise à construire plus. Là encore, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : comment faire en sorte que les 1,8 million de personnes qui attendent un logement social puissent entrer plus rapidement dans leurs murs ? Chacun sait que de nombreux logements sociaux comptent des pièces inoccupées. Nous pourrions attendre que tous les bailleurs vertueux s’y emploient, comme à Montrouge ou sur votre territoire, monsieur Peu, car il existe en effet des personnes innovantes, vertueuses et profondément attachées à ce métier, comme vous. Toutefois, le taux de pièces inoccupées dans le parc social est deux à trois fois plus élevé que dans toutes les autres catégories de logements, notamment le parc privé.

C’est pourquoi l’objectif de la loi est de confier aux commissions d’attribution des logements, qui sont au plus près des locataires, la faculté de déterminer avec eux s’il existe des solutions adaptées à leur situation. J’ai voulu – c’est mon intention, et non celle de la DHUP – que la commission d’attribution des logements (CAL) s’en charge car c’est elle qui connaît le mieux la situation des locataires. Nous essayons de remédier à un problème fondamental – l’insuffisance de la mobilité dans le parc social – en demandant aux agents des CAL de ne plus se contenter de placer les locataires une fois pour toutes mais de s’engager à leur proposer une meilleure solution six ans plus tard. Nous sommes à des années-lumière d’une quelconque intention cachée de mettre fin au bail à vie ! Je l’ai dit le premier jour : le bail à vie est un acquis sur lequel il n’est pas question de revenir. Un logement social doit être un tremplin tout au long de la vie si nécessaire. Cela étant, 1,8 million de personnes attendent alors même que des pièces sont inoccupées…

M. Stéphane Peu. Le parc social est tout de même suroccupé !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Disant cela, je ne vise pas les pièces inoccupées des logements de locataires de plus de soixante-cinq ans, puisque la loi interdit de les inciter véhémentement à déménager, ce qui, en tout état de cause, n’est aucunement l’objectif de ce projet de loi.

Il faut donc raison garder sur ce sujet, ne pas nier l’existence du problème et ne pas contester le fait que nous tâchons d’y apporter une solution pragmatique. J’aimerais, monsieur Peu, laisser les personnes vertueuses s’en charger, mais si elles étaient assez nombreuses pour y parvenir, nous ne nous trouverions pas dans la situation actuelle que vous avez décrite vous‑même.

M. Stéphane Peu. Cette loi prévoit l’inverse !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Encore une fois, le bail à vie n’est pas remis en cause.

Une précision sur le libellé de l’article : l’objectif est bien de proposer un changement de logement, mais le verbe « proposer » n’y figure pas en toutes lettres. Je m’engage donc à l’y inclure, ou tout autre terme qui vous conviendrait, pour préciser qu’il s’agit bien de volontariat – au besoin en précisant qu’aucune pression ne doit être exercée et qu’un contrôle peut être effectué.

M. François Pupponi. Levons toute ambiguïté, monsieur le ministre : je ne prétends pas que l’article 35 nous est proposé à la demande de Bercy ou de la DHUP, mais que les responsables de ces administrations essaient depuis vingt ou trente ans de vendre à leurs ministres successifs le principe du déménagement forcé des locataires en cas de sous-occupation de leur logement ; je vous le dis d’expérience. Encore une fois, je ne dis pas que vous, secrétaire d’État, avez accepté cette mesure ; je dis simplement qu’ils en rêvent et tentent le coup à chaque fois que c’est possible, parce qu’il s’agit selon eux d’une panacée.

Vous rappelez l’article de loi qui interdit de mettre une personne de plus de soixante-cinq ans dehors contre son gré ; soit. Le même article permet néanmoins au bailleur d’adresser trois propositions aux locataires âgés. Songez à la réaction d’une personne de plus de quatre-vingts ans qui reçoit la visite du bailleur ainsi qu’une lettre contenant trois propositions de changement d’appartement – lettre au demeurant rédigée sur un ton impérieux et discourtois, sans même une excuse, car voilà ce qui se passe dans la vraie vie ! Une telle lettre est reçue comme un traumatisme par une personne âgée. Celle-ci se tourne alors vers le maire, le député, l’association de locataires pour comprendre pourquoi elle est mise dehors. Le bailleur, lui, ne prend pas de gants : ni politesse, ni café ni conversation, mais des lettres recommandées qui sont reçues comme des mises en demeure de quitter le logement.

Mme Véronique Hammerer. On ne met jamais dehors les personnes qui se trouvent dans cette situation !

M. François Pupponi. Allez donc expliquer cela à une dame de quatre-vingt-cinq ans qui ne connaît pas l’article L.442-3 du code de la construction et de l’habitation, ce que l’on ne peut guère lui reprocher, et qui reçoit une lettre de son bailleur lui proposant un appartement et lui demandant de déménager !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’article L.442-3 du code de la construction interdit au bailleur de faire ces trois propositions à une personne de plus de soixante-cinq ans, monsieur Pupponi, contrairement à ce que vous avez dit. Je ne conteste pas le fait que certains bailleurs sociaux fassent mal leur travail et adressent quand même ces propositions mais, en l’état, la loi ne le permet pas. Je salue au passage tous les autres bailleurs sociaux qui, eux, accomplissent un travail formidable.

Si j’ai souhaité que ces réexamens se fassent dans le cadre de la CAL, c’est parce que ses membres étudient la situation concrète des hommes et des femmes qui vivent dans les logements. Encore une fois, aucune obligation n’est imposée – mais je crois que nous ne parviendrons pas à nous entendre sur ce point.

M. François Pupponi. Allez donc assister à une vraie CAL !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je l’ai fait, monsieur Pupponi.

M. François Pupponi. Le ghetto se crée-t-il donc tout seul en France ?

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement CE799 de M. Éric Pauget.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à ouvrir le débat sur le logement du personnel hospitalier, en particulier les aides-soignants et les infirmiers. L’article L.441-1 du code de la construction et de l’habitation vise des publics prioritaires au titre de l’attribution de logements sociaux en dehors des commissions de médiation prévues par la loi sur le droit au logement opposable (DALO). L’amendement vise à élargir les attributions prioritaires aux agents de la fonction publique hospitalière.

L’hôpital public, en effet, connaît un grave problème de ressources humaines, en particulier dans les établissements situés dans les centres-villes et les grandes métropoles, où le personnel hospitalier peine à se loger à proximité de l’hôpital alors qu’il est tenu de travailler selon des horaires souvent atypiques et incertains. Ce serait un signe de reconnaissance envers le personnel de l’hôpital, les jeunes infirmiers et les aides-soignants qui, chaque jour, œuvrent pour notre vie et à qui nous devons la sérénité de se loger dignement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je précise avant toute chose que le personnel hospitalier ne comprend pas seulement le personnel médical, mais aussi le personnel d’entretien et du quotidien.

Mme Annaïg Le Meur. Merci de le rappeler !

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le code de la construction et de l’habitation répertorie les situations qui rendent les personnes prioritaires pour l’accès au logement social en raison de leurs difficultés en matière de logement – il s’agit notamment de personnes handicapées ou vivant dans un habitat indigne. Il n’est pas souhaitable d’y ajouter des publics déterminés selon des critères sans lien avec le mal-logement. Cela n’empêche nullement les acteurs du logement de travailler au logement de ces personnes, par exemple dans le cadre d’un contingent préfectoral dédié aux fonctionnaires. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le mécanisme de priorité proposé est attaché aux personnes mais pas à leur emploi statutaire. La question soulevée est très importante, mais l’angle d’approche me semble inadapté. Avis défavorable.

M. Stéphane Peu. Cet amendement me semble très juste, même s’il n’y a pas eu beaucoup d’études d’impact sur ces aspects du texte. En toute franchise, le contingent dédié aux fonctionnaires ne fonctionne pas. Il est ici question des agents hospitaliers mais le problème se pose également pour les policiers, qui travaillent en trois huit avec de fortes contraintes horaires. Or, le logement est une source de difficultés immenses pour ces catégories. Il faudrait restaurer l’efficacité de ce mécanisme, mais cela n’est pas contradictoire avec la notion de public prioritaire et la création de couloirs d’accès pour les personnels qui ne bénéficient pas d’Action logement ni du 1 % logement car leurs établissements n’y cotisent pas.

Mme Emmanuelle Ménard. Pourquoi le contingent dédié aux fonctionnaires ne fonctionne-t-il pas ?

M. Stéphane Peu. Parce que les services préfectoraux ont beaucoup de mal à gérer la liste des demandeurs de logement. J’ajoute que dire, comme l’a fait Mme la rapporteure, qu’il ne faut pas donner la priorité aux personnels hospitaliers parce qu’il existe déjà des publics prioritaires…

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je n’ai pas dit cela !

M. Stéphane Peu. Outre que cela revient à ne pas répondre aux besoins d’agents de service public qui jouent pourtant un rôle indispensable, c’est une attitude qui, de manière induite, n’est pas loin de conforter la ghettoïsation et la spécialisation des quartiers d’habitat social.

M. Robin Reda. Parlez de cet amendement avec Mme Buzyn, monsieur le secrétaire d’État, car cet amendement s’inspire de déclarations de Martin Hirsch affirmant que l’éloignement du logement et la difficulté d’accéder au logement des fonctionnaires et des personnels hospitaliers en général, notamment en région parisienne, est l’un des premiers facteurs de souffrance au travail dans l’hôpital public.

M. François Pupponi. Le contingent ne fonctionne plus pour deux raisons : la première est celle qu’a expliquée M. Peu, et la deuxième tient au fait que les fonctionnaires, qu’ils soient policiers, agents hospitaliers ou encore militaires, ne veulent plus – et ne peuvent plus – vivre dans des quartiers et des appartements isolés au milieu des dealers du coin et autres. Une solution consiste, comme nous l’avons fait à Sarcelles, à réserver un immeuble aux policiers, par exemple, un autre aux douaniers et un autre encore aux infirmiers : après le travail, ils se retrouvent ainsi dans un environnement qui leur permet de respirer. Songez aux policiers qui, rentrant chez eux le soir, trouvent les pneus de leur véhicule crevés et leur porte vandalisée d’insultes et de menaces de mort : on comprend qu’ils n’aient pas envie de vivre là avec leurs enfants !

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement CE2316 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE145 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. L’amendement CE145 pose la question de la pertinence de la compétence de la commission d’attribution des logements (CAL) pour l’examen périodique des situations des locataires. Il semblerait qu’une structure spécifique, au sein de laquelle seraient conviés les différents réservataires concernés, serait plus adéquate que la CAL.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable : pour des raisons de simplicité, il ne me paraît pas pertinent de créer une nouvelle commission.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1796 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement, qui me tient à cœur, vise à assurer la présence d’un représentant élu des locataires au sein de la commission d’attribution des logements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La précision que vous proposez d’apporter étant de nature réglementaire, je vous invite au retrait de votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis, et j’ajoute par ailleurs que l’article R. 441-9 du code de la construction et de l’habitation apporte déjà cette précision.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE1503 de M. Max Mathiasin.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Cet amendement vise à permettre à un représentant des locataires de siéger dans la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation de logements. En effet, les locataires étant les premiers intéressés, il est logique qu’ils puissent être représentés au sein de cette nouvelle commission.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La précision que vous proposez d’apporter étant de nature réglementaire, je vous invite au retrait de votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE146 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. L’amendement CE146 vise à ajouter aux critères d’évaluation de la commission d’attribution des logements celui du patrimoine immobilier du locataire. En l’état actuel du droit, le locataire d’un logement HLM doit occuper son logement à titre de résidence principale au minimum huit mois dans l’année. Il convient donc que la commission s’assure que le locataire occupe bien son logement à titre de résidence principale.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’accès et le maintien dans le logement social se font sur la base du contrôle des plafonds de ressources. Le respect de ces plafonds de ressources est examiné au regard du revenu fiscal de référence. C’est à ce jour l’information la plus fiable. Il convient de rester sur cette information objective : la connaissance du nombre de propriétés du locataire ne permet pas d’avoir une appréciation qualitative de celles-ci.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement porte en réalité sur deux sujets.

Premièrement, on entend souvent dire que de nombreuses personnes possèdent une résidence secondaire, et n’occupent leur logement social que quatre jours par semaine. Sans doute existe-t-il quelques cas de ce genre, mais je pense que la réalité de ce phénomène est surévaluée – cela dit, même s’il est limité, je conçois que vous proposiez une solution visant à y mettre fin.

Deuxièmement, je ne suis pas certain que l’on puisse se baser sur le patrimoine immobilier du locataire pour déterminer s’il occupe bien son logement à titre de résidence principale. Aujourd’hui, à l’exception des responsables publics et des personnes assujetties à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), personne ne déclare son patrimoine. Concrètement, retenir le critère du patrimoine immobilier susciterait donc de grandes difficultés, et nécessiterait pour le moins de demander à tous les locataires d’effectuer une déclaration volontaire.

En résumé, je comprends ce qui motive cet amendement, mais j’estime qu’il est impossible à mettre en œuvre, c’est pourquoi j’y suis défavorable.

M. François Pupponi. Lorsque nous avons engagé la réforme des APL, nous avons pris en compte le patrimoine des allocataires pour diminuer en proportion leurs APL. Cela montre bien que nous sommes capables de déterminer le patrimoine immobilier des locataires : il suffit de leur demander de le déclarer dans le cadre de l’enquête sociale, et d’effectuer éventuellement des vérifications – cela ne pose aucun problème juridique.

M. Stéphane Peu. Pour ma part, je suis surtout gêné par le critère d’occupation durant huit mois de l’année. Si un Breton qui vient travailler en région parisienne toute sa vie et retourne dans sa région natale pour prendre sa retraite va pouvoir toucher sa retraite et continuer à bénéficier de la sécurité sociale sans problème, il en va tout autrement d’un Algérien ou d’un Malien, par exemple, qui, s’il retourne dans son pays d’origine, ne pourra percevoir sa retraite et bénéficier de ses droits sociaux, à moins de revenir régulièrement en France. C’est une aberration, mais elle existe bel et bien, et je peux vous dire que le jour où on y mettra fin, c’est-à-dire le jour où on n’obligera plus les travailleurs étrangers à conserver une domiciliation en France pour bénéficier de leur retraite et de leurs droits sociaux, on libérera une grande quantité de logements sociaux.

M. le président Roland Lescure. Je veux bien vous croire pour les droits sociaux, mais je suis un peu sceptique en ce qui concerne les retraites, car dans ma circonscription, je connais plusieurs personnes qui touchent leur retraite alors qu’ils résident au Québec ou au Portugal.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour ce qui est de la prise en compte du patrimoine dans la détermination du montant des APL, vous avez raison, monsieur Pupponi, si ce n’est qu’elle ne concerne que la moitié des personnes occupant un logement social, et qu’elle s’effectue sur une base déclarative. Si je comprends bien, vous seriez favorable à ce que l’examen de la situation des locataires comprenne une revue de leur patrimoine, comme le propose M. Reda ?

M. François Pupponi. Cela s’est bien fait pour les APL !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. En tout état de cause, je m’étonne que la loi Égalité et citoyenneté, dans le cadre de laquelle la question s’était déjà posée, n’ait pas consacré la mise en œuvre de ce dispositif.

M. François Pupponi. Je vous le répète, nous avons bâti la réforme des APL sur le principe consistant à prendre en compte le patrimoine des locataires pour diminuer en proportion le montant de leurs APL, ce qui a permis quelques centaines de millions d’euros d’économies.

M. Thibault Bazin. Pour ce qui est des étrangers, je précise que ceux qui retournent dans leur pays d’origine peuvent percevoir leur retraite, mais qu’ils perdent le bénéfice de l’assurance maladie.

M. le président Roland Lescure. Peut-être, mais veillons à ne pas confondre les Français non-résidents, que j’appelle des Français en mobilité, avec des étrangers !

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE2410 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE2317 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le présent amendement prévoit qu’en cas de refus d’attribution d’un logement à un demandeur en raison de l’insuffisance de ses ressources, la commission d’attribution fasse une proposition alternative correspondant à sa situation, afin de ne pas le laisser sans solution. En effet, puisque les demandeurs ne peuvent refuser qu’un nombre limité de logements, il faut vraiment que les propositions qui leur sont faites soient en adéquation avec leurs moyens : il est inutile de leur proposer un logement qu’ils ne peuvent pas accepter.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je comprends la motivation de votre amendement, mais je crains qu’il n’entraîne de nombreux effets pervers, notamment la réorientation vers les quartiers prioritaires de la ville (QPV) des ménages aux ressources modestes, pour qui les loyers sociaux sont trop élevés ailleurs. Ce serait donc contre-productif en matière de mixité sociale – que nous nous efforçons de favoriser au moyen de la politique des loyers.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La commission d’attribution émet ses propositions en se basant sur un tableau faisant apparaître d’un côté les loyers fixés par le bailleur, de l’autre les ressources du demandeur, et je ne pense pas qu’elle puisse proposer un logement à un demandeur qui ne disposerait pas des ressources nécessaires.

M. François Pupponi. Si tout va bien, monsieur le secrétaire d’État, la loi ELAN va être adoptée. Or, vous nous expliquez depuis le début de son examen que votre philosophie consiste à permettre de faire varier, à la hausse ou à la baisse, le loyer d’un logement afin de l’adapter à la situation de son occupant. Quand une personne n’a pas les revenus suffisants pour accepter un logement, la CAL doit être en mesure de diminuer le loyer : cela correspond, me semble-t-il, à ce que vous souhaitez.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La modulation du loyer peut s’effectuer dans le cadre de la politique de loyers pratiquée par le bailleur, mais ne saurait résulter d’une décision isolée de la CAL, qui dispose simplement de la compétence de faire des propositions d’attribution de logement, au loyer fixé par le bailleur. Je vous propose de retirer cet amendement afin que nous puissions y travailler avant la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE242 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Le projet de loi ELAN prévoit que dans les zones tendues, une commission de réexamen se réunisse tous les six ans pour étudier le cas des locataires qui ne remplissent plus les conditions d’attribution. Toutefois, il précise que les articles L.442-3-1 et L.442-3-2 du CCH s’appliquent. Or, ces articles prévoient que, dans certains cas, les locataires en sous-occupation ou dont l’habitat est adapté aux handicapés alors qu’il n’y a plus de personnes présentant un handicap, devront quitter les lieux après trois propositions refusées.

Il semble donc nécessaire de proposer, en même temps qu’une plus grande vigilance dans le réexamen des conditions d’occupation des logements, une généralisation du libre choix et des possibilités d’échange. Cela permettra une meilleure rotation sur la base du volontariat, une meilleure adaptation du logement à la situation des ménages, et une plus grande satisfaction de ceux-ci en les rendant davantage acteurs dans l’attribution de leur logement.

Les mesures d’autorité ne seront appliquées, le cas échéant, que lorsque la location choisie n’aura pas eu les effets attendus. En effet ils auront un an pour choisir un logement. Après ce délai, ils se verront proposer, comme précédemment, trois logements, avec suppression du droit au maintien dans les lieux après le troisième refus.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La loi Égalité et citoyenneté a déjà prévu qu’au plus tard le 1er janvier 2020, les bailleurs seront tenus de porter à la connaissance des demandeurs les logements disponibles. Les modalités de cette publicité seront déterminées par les bailleurs, sans qu’il soit nécessaire de préciser dans la loi le fonctionnement de l’outil qui sera mis en place.

Par ailleurs, c’est à l’EPCI de définir les meilleurs moyens de traiter des demandes de mobilité au sein du parc social.

Je vous invite par conséquent à retirer cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE913 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est retiré.

Lamendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, lamendement CE147 de M. Alain Ramadier et les amendements identiques CE800 de M. Éric Pauget et CE1466 de Mme AnneFrance Brunet.

M. Robin Reda. Nous estimons qu’il serait plus pertinent que l’examen des conditions d’occupation du logement par le bailleur soit réalisé tous les deux ans – périodicité à laquelle est réalisée l’enquête OPS (occupation du parc social) qui renseigne sur la situation socio-économique des ménages locataires du parc social –, plutôt que tous les six ans. Tel est l’objet de l’amendement CE147.

Si cet amendement n’était pas adopté, nous vous proposerions un amendement de repli, le CE800, visant à ce que l’examen des conditions d’occupation du logement par le bailleur soit réalisé tous les trois ans.

En tout état de cause, il nous semble nécessaire de réduire la période entre deux réexamens. En effet, la société évolue, qu’il s’agisse de changements intervenants au sein de la cellule familiale ou dans la sphère professionnelle – comme dirait OSS 117, le monde bouge, et il bouge vite !

Mme Graziella Melchior. L’amendement CE1466 est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Examiner la situation des locataires tous les deux ou trois ans ferait peser un effort très lourd sur les bailleurs. La durée de six ans me semble être un bon compromis entre la stabilité dont ont besoin les locataires et la charge de travail que peuvent supporter les bailleurs. Par ailleurs, je rappelle que le locataire peut demander à tout moment une réévaluation de sa situation. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La situation familiale évolue généralement peu en trois ans, et la durée de six ans me paraît constituer un bon compromis entre l’évolution de la situation des locataires et la capacité de la CAL à étudier les cas, c’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

M. François Pupponi. J’aimerais savoir si le réexamen de la situation du locataire tous les six ans a vocation à remplacer l’enquête sociale qui, elle, est effectuée tous les deux ans.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Non, il ne la remplace pas.

M. François Pupponi. Dans ce cas, que va-t-on examiner tous les six ans ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tous les six ans, en fonction de l’évolution de la situation du locataire, on va vérifier s’il n’y aurait pas pour le locataire un logement plus adapté. Procéder à cet examen tous les deux ans représenterait un travail trop important pour la CAL, et par ailleurs sans grand intérêt : un locataire ayant de jeunes enfants, par exemple, a peu de chances de les voir quitter le domicile familial avant plusieurs années.

M. François Pupponi. Je ne comprends toujours pas l’intérêt de faire tous les six ans ce qui est actuellement fait tous les deux ans dans le cadre de l’enquête sociale. Ainsi, ce n’est parfois qu’au bout de quatre ou cinq ans qu’on va découvrir qu’une personne vit seule dans un appartement où elle était précédemment entourée d’une famille de cinq personnes !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Effectivement, il peut y avoir des trous dans la raquette, mais toute la question se résume à savoir ce que la loi doit demander aux CAL… Pour nous, je le répète, un examen de la situation des locataires tous les six ans semble constituer un bon compromis entre l’évolution de la situation des personnes concernées et la capacité des CAL à effectuer le travail correspondant.

La commission rejette successivement les amendements CE147, CE800 et CE1466.

Elle est saisie de lamendement CE2619 de M. Emmanuel Maquet.

M. Thibault Bazin. Il arrive que nos concitoyens soient scandalisés d’apprendre que des personnes fortunées ont continué à bénéficier d’un logement aidé. Selon nous, cela ne peut arriver qu’en raison de l’absence de réexamen de la situation des personnes en temps voulu. Par exemple, si une personne seule se met en couple avec un conjoint très fortuné un mois après que sa situation a été examinée par la CAL, sa nouvelle situation peut rester ignorée pendant cinq ans et onze mois. Afin d’éviter cela, le présent amendement vise à ce que soit effectué un examen de la situation du locataire à chaque fois qu’un changement de sa situation familiale est signalé.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Vous proposez que le bailleur soit tenu de procéder à l’examen de la situation du locataire en cas de signalement d’un changement de la situation familiale. Or, cette notion est très large : s’agit-il de la modification de la taille de la famille, d’une évolution des revenus, d’une évolution de la situation professionnelle ? Du fait de cette incertitude, je suis défavorable à cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement porte en réalité sur deux sujets différents.

Pour ce qui est des plafonds de ressources, ils sont appréciés dans le cadre de l’enquête sociale, et la loi Égalité et citoyenneté prévoit que, dès lors que les ressources d’un locataire dépassent le plafond de 50 % dans les dix-huit derniers mois, il a deux ans pour quitter le logement qu’il occupe – et doit, en attendant, s’acquitter d’un surloyer. Le projet de loi ne change rien à cela.

En revanche, nous prévoyons qu’il soit proposé aux personnes occupant un logement dont une ou deux pièces sont vacantes de prendre un logement plus petit, pour un loyer moins important.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE354 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Pour assurer une mobilité effective, assise sur des critères fiables, il convient de donner au bailleur une réelle visibilité. Or, les avis d’imposition donnent des éléments précieux d’appréciation sur la composition des ménages et sur les ressources réelles des locataires. C’est pourquoi l’amendement CE354 propose que ces documents soient fournis aux bailleurs.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est satisfait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat chargé de la cohésion des territoires. Effectivement, cet amendement est satisfait : les bailleurs disposent déjà des avis d’imposition, qui leur sont communiqués dans le cadre de l’enquête sociale.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1619 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. La sur-occupation ne devrait pas être appréciée au regard des normes CAF. Les critères d’appréciation des différents organismes concernés sont très différents les uns des autres. Ainsi, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) considère qu’une occupation normale correspond à une surface de 9 mètres carrés pour une personne seule, 16 mètres carrés pour un couple et 9 mètres carrés par personne supplémentaire, mais l’INSEE se réfère à d’autres éléments.

Quoi qu’il en soit, la sur-occupation concerne 1,4 million de logements et 5,1 millions de personnes en France. On ne peut parler du logement et apporter des solutions concrètes à celles et ceux qui sont victimes de la sur-occupation sans commencer par en définir les critères objectifs.

Le présent amendement, proposé par la Fondation Abbé Pierre, s’appuie donc sur des critères objectifs et indiscutables pour définir la sur-occupation. Ces critères sont les suivants : la surface du bien, la typologie et la composition de la famille, ainsi que l’âge et le sexe des enfants.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Votre amendement est intéressant, mais vous citez des éléments qui devraient être pris en compte sans donner véritablement de définition juridique de la notion de sur-occupation. J’émets donc un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La notion de sur-occupation qui est ici abordée est extrêmement complexe, car elle répond à plusieurs définitions et renvoie à de nombreux articles de loi. De ce fait, nous ne pouvons nous contenter de modifier cette définition dans le cadre du présent projet de loi : cela aurait trop d’implications qui pourraient nous échapper. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Nicolas Démoulin. Je retire mon amendement, et j’essaierai de le retravailler avant la séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2411 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement quasi rédactionnel vise à clarifier le texte en ce qui concerne les nouvelles compétences de la CAL, afin d’éviter toute ambiguïté dans son interprétation.

Pour ce qui est de la sur-occupation, je veux souligner qu’il s’agit d’un vrai fléau, auquel nous ne devrions pas trop tarder à nous attaquer.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement CE2411 s’il peut éviter des risques d’interprétations divergentes.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis également favorable à cet amendement.

Par ailleurs, en ce qui concerne la sur-occupation, pour moi le vrai sujet est celui des marchands de sommeil, qui profitent de la situation en toute impunité.

M. Stéphane Peu. J’ai été frustré par le retrait de l’amendement de M. Démoulin, car je voulais m’exprimer à ce sujet. Comme l’a dit M. Pupponi, la sur-occupation dans le parc social est un vrai fléau, que l’on peut d’ailleurs quantifier : on considère généralement qu’elle est constituée quand il y a dans un logement deux personnes de plus que le nombre de pièces – par exemple, un couple avec quatre enfants occupant un F3.

M. François Pupponi. La sur-occupation chez les marchands de sommeil est effectivement un gros problème, mais il ne faut pas négliger pour autant celle existant chez les bailleurs. Très souvent, ceux-ci sont parfaitement au courant de la situation grâce au personnel d’entretien et de gardiennage, mais ils préfèrent fermer les yeux et n’engagent jamais de procédure – sans doute les choses mériteraient-elles de changer, là aussi.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE961 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Robin Reda. Le code de la construction et de l’habitation précise, à l’article L.441-1, les conditions d’attribution prioritaires des logements sociaux.

Cet amendement a pour objectif d’élargir l’attribution prioritaire aux personnes âgées qui sont en voie de perte d’autonomie au sens de la classification GIR, c’est-à-dire aux personnes âgées présentant un handicap ou aux personnes âgées de plus de 65 ans dont l’évaluation de l’autonomie est égale ou inférieure à 4.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement étant satisfait par la rédaction de l’alinéa 26, je vous invite à le retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1970 de M. Max Mathiasin.

M. Jean-Luc Lagleize. Le projet de loi prévoit que, tous les six ans, le bailleur propose à la CAL un certain nombre de dossiers concernant des locataires en situation de sur-occupation ou de sous-occupation, par exemple à la suite du départ d’un locataire handicapé ou d’un handicap venant frapper une personne occupant un logement.

Cette possibilité étant prévue en cas de dépassement du plafond de ressources, il est logique de la prévoir dans le cas contraire d’une diminution des ressources. Ainsi, le locataire connaissant une baisse de ressources supérieure à 20 % devrait pouvoir bénéficier de cette révision de sa situation tous les six ans – à défaut, il risque de passer sous les radars.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement dans la mesure où la politique des loyers doit pouvoir répondre à la préoccupation qu’il exprime.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous avons déjà eu le même débat tout à l’heure. Franchement, je n’ai pas d’idée préconçue au sujet de la périodicité de la révision de la situation des locataires, mais j’estime qu’il faudrait choisir : soit on procède à cette révision tous les six ans, soit on fixe pour principe de l’effectuer à chaque fois que l’enquête sociale fait apparaître une modification. J’ai tendance à penser qu’il serait plus clair pour tout le monde de considérer que cette révision doit avoir lieu tous les six ans, mais je suis disposé à entendre les arguments des uns et des autres. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Jean-Luc Lagleize. Je retire cet amendement, mais j’espère que les personnes dont les revenus baissent ne passeront pas sous les radars.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE486 de
M. Alain Ramadier et CE2412 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Les personnes inscrites dans un parcours résidentiel locatif – social ou libre – ont parfois tendance à s’autocensurer lorsqu’elles envisagent d’accéder à la propriété. Afin de remédier à cela, l’amendement CE486 vise à permettre aux commissions d’attribution de préconiser l’accession sociale dans le cadre du parcours résidentiel, donc d’encourager à la sortie du locatif quand la situation des ménages le permet.

M. François Pupponi. L’article 35 me paraît contenir une anomalie dans la mesure où il prévoit que le niveau de ressources fait l’objet d’une vérification par la CAL, alors que ce contrôle est déjà effectué dans le cadre de l’enquête sociale : à mon sens, les deux dispositifs risquent de se télescoper.

Par ailleurs, les lois DALO et ALUR ont établi la liste des publics prioritaires pour l’attribution de logements sociaux. Cependant, si les bailleurs envoient tous les six ans à la CAL les populations concernées par l’article 35, ces personnes ne vont-elles pas devenir prioritaires par rapport aux autres ? Si je pose cette question, c’est parce que le cas échéant, les personnes qui sont déjà en liste d’attente risquent de ne jamais voir arriver leur tour, auquel cas le problème ne serait jamais réglé…

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le mécanisme prévu est le suivant : quand une famille DALO avec quatre enfants, ayant besoin d’un F4, est adressée à la commission d’attribution, celle-ci va constater qu’un couple avec un seul enfant occupe un F4 : elle va alors proposer à ces locataires de passer dans un F2 ou un F3, pour un loyer d’un montant inférieur.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. François Pupponi. J’entends ce que vous me dites, monsieur le secrétaire d’État, mais si la famille en sous-occupation à qui il va être proposé un F3 n’est pas prioritaire, elle n’aura jamais accès à ce logement : à un moment donné, il faut donc qu’elle soit classée prioritaire.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine lamendement CE1467 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Graziella Melchior. Certains locataires sont désireux de quitter leur logement non pas pour des motifs de changement de situation, mais plus simplement pour changer de voisinage, de quartier ou d’environnement. Ces locataires se retrouvent parfois bloqués car ils n’osent pas quitter leur logement social, sachant qu’il sera très difficile d’en trouver un nouveau. L’amendement CE1467 vise à leur donner un droit au changement de logement tous les neuf ans.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le droit à la demande de mutation existant déjà, cet amendement est satisfait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE1605 de M. Stéphane Testé.

M. Stéphane Testé. Cet amendement vise à favoriser la mutation des personnes en sous-occupation, notamment en raison de la décohabitation des enfants ou des séparations, vers des logements plus petits et plus conformes aux besoins, par la mise en place d’une politique tarifaire adaptée pour le nouveau logement afin de ne pas entraîner de surcoût pour le locataire.

Aujourd’hui, de nombreux logements sociaux sont en sous-occupation pour cette raison, ce qui constitue un frein aux mutations dans le parc social, lequel souffre d’une pénurie de grands logements. Certains bailleurs tiennent déjà compte du coût au mètre carré du logement actuellement occupé pour l’appliquer au nouveau logement proposé. L’amendement CE1605 vise à inscrire cette pratique dans la loi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le projet de loi prévoit déjà que la demande de mutation doit se faire à loyer équivalent ou inférieur, et cet amendement peut se révéler contre-productif dans le cadre d’une mobilité volontaire pour un loyer d’un montant supérieur – un souhait qu’il n’y a aucune raison de décourager. Je le répète, aucune mobilité ne sera forcée. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

M. Stéphane Peu. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement, car je connais plusieurs bailleurs qui appliquent déjà ce principe, et j’estime que ce dispositif gagnant-gagnant – on libère un grand logement et on récupère du pouvoir d’achat – est l’outil idéal pour favoriser les mutations volontaires.

M. François Pupponi. Je comprends la logique de cette proposition mais je ne peux y adhérer. En effet, le prix au mètre carré est de nature à induire en erreur le locataire, qui peut passer d’un F4 de 70 mètres carrés des années 1950 à un F3 de 85 mètres de 2018 – tous deux proposés par le même bailleur : il paiera alors plus cher le F3 que le F4, parce que le premier compte plus de mètres carrés. Dans ce cas, il faut que son loyer soit maintenu, comme le prévoit d’ailleurs l’article L.442-3-1.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement CE1679 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’objet de cet amendement est d’inclure les enfants faisant l’objet d’un droit de visite dans la définition de la sous-occupation.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable, mais je n’exclus pas de proposer un sous-amendement en séance.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 35 modifié.

Article 35 bis (nouveau)
(article L. 442-12 du code de la construction et de lhabitation)
Inclusion des enfants faisant lobjet dun droit de visite dans le foyer des demandeurs de logement social

Cet article additionnel résulte de l’adoption d’amendements identiques de MM. Cordier et Pupponi.

Concernant l’instruction d’une demande de logement social, en cas de séparation de couple, seul est pris en compte aujourd’hui l’enfant en garde alternée. En effet, l’article L.442-12 du CCH précise que la charge des enfants est affectée à chacun des parents dès lors qu’il y a une convention judiciaire ou un accord des parents sur la garde alternée, ce qui exclut le droit de visite. À défaut, l’article 194 du code général des impôts prévoit que l’enfant est réputé à la charge du parent chez lequel il a sa résidence habituelle.

Cet article propose donc que l’enfant faisant l’objet d’un droit de visite soit également en pris en compte dans la procédure d’attribution d’un logement social au titre des personnes considérées comme vivant au foyer du demandeur.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE2413 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le présent amendement actualise la liste des justificatifs admis pour une individualisation des ressources des personnes en cours de séparation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Lorsqu’un demandeur de logement social est marié ou pacsé, le principe est que les ressources prises en compte pour l’attribution d’un logement social sont celles du couple, compte tenu de la solidarité fiscale. La législation prévoit toutefois des cas où il est permis d’individualiser les ressources du seul demandeur en cours de séparation. Compte tenu des évolutions de procédure, notamment l’instauration d’un divorce extrajudiciaire, il convient de revoir la rédaction du code. Toutefois, votre amendement pose quelques problèmes rédactionnels : je vous invite donc à le retirer afin de le retravailler d’ici la séance publique.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE914 de M. Emmanuel Maquet.

M. Robin Reda. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE958 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Thibault Bazin. La perception d’une indemnité légale de départ à la retraite, de licenciement ou de rupture conventionnelle, par nature ponctuelle, peut déclencher le seuil d’assujettissement au paiement du supplément de loyer de solidarité (SLS) puisqu’elle prend en compte les ressources et pas uniquement les salaires. Cependant le montant de la pension de retraite peut ne pas modifier durablement le niveau de vie des bénéficiaires. Cet amendement propose donc d’exclure de l’assiette de calcul du supplément de loyer de solidarité les indemnités légales de départ à la retraite.

Après le coup de rabot porté au niveau de vie des retraités dans le cadre du vote du projet de loi de finances pour 2018, il convient de rétablir l’équilibre : cet amendement peut y contribuer.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’article L.441-3 du code de la construction et de l’habitation relatif au SLS prévoit que « les ressources sont appréciées selon les modalités applicables en matière d’attribution des logements ». C’est donc le revenu fiscal qui est pris en compte.

Le SLS étant la sanction du dépassement des plafonds de ressources fixés pour l’attribution du logement, il importe que les modalités de calcul des ressources pour l’attribution du logement et pour le SLS soient cohérentes.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques CE606 de M. Pierre Cordier et CE2414 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Concernant l’instruction d’une demande de logement social, en cas de séparation de couple, seul est pris en compte l’enfant en garde alternée. L’amendement CE606 propose que l’enfant faisant l’objet d’un droit de visite soit également pris en compte au titre des personnes considérées comme vivant au foyer.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suggère le retrait de cet amendement, qui a trait à la question de l’attribution du logement et non à celle de la sous-occupation

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Comme je l’ai déjà dit, je crois que nous ne pourrons pas régler le problème de la sous-occupation dans le cadre de ce texte, c’est pourquoi je souhaite également le retrait de cet amendement.

M. Robin Reda. J’aimerais savoir si vous avez l’intention de reprendre sous une autre forme la disposition proposée, ou si vous souhaitez son retrait définitif.

M. François Pupponi. J’ai déposé un amendement identique CE2414. Si on ne prend pas en compte les enfants faisant l’objet d’un droit de visite, à chaque fois que le parent isolé demandera un logement, on lui répondra que sa famille n’est pas assez nombreuse pour avoir un F3. Or, il est essentiel qu’il puisse obtenir un tel logement afin de pouvoir accueillir son enfant, car à défaut certains juges considéreront qu’il n’a pas la capacité de recevoir son enfant.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Réflexion faite, cela paraît logique. J’émets donc un avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour ma part, je maintiens mon avis de retrait afin de réécrire cet amendement. La multiplicité des cas de figure rend le problème très complexe. Par exemple, quelle décision allez-vous appliquer à une famille dont deux enfants font l’objet d’un droit de visite ? J’ai bien conscience que ce que je viens de dire constitue un aveu de faiblesse face aux 1,8 million de personnes en attente. Aujourd’hui, le système est conçu pour favoriser les familles comprenant quatre enfants à charge, mais il n’est pas satisfaisant pour les autres. Nous devons trouver une solution, mais elle ne sera pas simple à définir.

M. Robin Reda. Si je retire cet amendement, je compte sur vous, madame la rapporteure, pour veiller à ce que le Gouvernement tienne parole.

M. François Pupponi. J’insiste sur l’importance de prendre en compte les enfants faisant l’objet d’un droit de visite : une personne qui a un droit de visite pour trois enfants doit être considérée comme une personne ayant trois enfants : à défaut, elle ne pourra pas obtenir un logement lui permettant de les accueillir.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’en conviens et je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte ces amendements.

La commission examine les amendements identiques CE607 de M. Pierre Cordier et CE2415 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Défendu.

M. François Pupponi. Défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CE1976 de Mme Josy Poueyto.

M. Jean-Luc Lagleize. Un peu similaire à celui de Mme la rapporteure concernant la définition de la sous-occupation, cet amendement demande à ce que soient pris en compte les enfants d’un parent divorcé accueillis dans le cadre du droit de visite et d’hébergement. Mme la rapporteure mentionnait l’alinéa 2 de l’article L.621-2 du code de la construction et de l’habitation mais il faut aussi modifier l’alinéa 4 du même article.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement est satisfait par mon amendement CE1679 à l’article 35, qui vient d’être adopté. Je demande donc le retrait de votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cohérent avec moi-même, je demande le retrait de cet amendement.

M. Jean-Luc Lagleize. S’il est satisfait, je le retire. Vérifiez tout de même que c’est le cas parce qu’il ne s’agit pas du même alinéa.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Nous allons vérifier.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE608 de M. Pierre Cordier et CE2313 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Défendu.

M. François Pupponi. Défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Puis elle examine amendements identiques CE609 de M. Pierre Cordier et CE2416 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Défendu.

M. François Pupponi. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ils sont satisfaits. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Ces amendements sont retirés.

Article 36
(articles L. 441-2-8 et L. 441-2-9 du code de la construction et de lhabitation)
Généralisation du système de cotation de la demande de logement social

1.   L’état du droit

Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, les EPCI compétents en matière d’habitat sont chargés du pilotage de la gestion de la demande de logement social sur leur territoire. Cette compétence s’exerce via l’élaboration d’un plan partenarial de gestion de la demande de logement social et dinformation des demandeurs, prévu à l’article L. 441-2-8 du CCH. Ce plan, élaboré en concertation avec les communes et des représentants des bailleurs sociaux, définit les orientations destinées à assurer la gestion partagée des demandes de logement social et à satisfaire le droit à l’information des demandeurs.

Au nombre de ses actions, le plan prévoit les modalités d’organisation et de fonctionnement d’un service d’information et d’accueil des demandeurs de logement ainsi qu’un système de qualification de l’offre de logements sociaux du territoire en fonction d’indicateurs que le plan fixe.

Par ailleurs, si l’EPCI a initié ou souhaite initier un système de cotation de la demande, les principes et les modalités de ce système doivent être expressément mentionnés dans le plan partenarial. Les systèmes de cotation reposent sur l’attribution de points à chaque dossier de demande de logement social, selon des critères et des pondérations préétablis, portant sur la situation du ménage rapportée à un logement donné ou à une catégorie de logements.

Le système de cotation est un outil daide à la décision destiné à améliorer la transparence et l’équité dans l’attribution des logements sociaux. Il doit permettre l’objectivation des choix à la fois des réservataires de logements sociaux (commune, État, Action Logement), dans la désignation de leurs candidats à l’attribution d’un logement social, et des commissions d’attribution elles-mêmes. À ce jour, seuls deux territoires ont mis en place ce système : la métropole de Rennes sur l’ensemble de son périmètre et la Ville de Paris sur son contingent de réservation.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 36 du présent projet de loi vise à rendre obligatoire la mise en place dun système de cotation de la demande dans tous les territoires tenus d’élaborer un plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs, à savoir :

– les EPCI tenus de se doter d’un programme local de l’habitat (PLH) ou ayant la compétence habitat et au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ;

– la commune de Paris ;

– les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris.

Dans ces territoires, une grille de cotation devra être établie à léchelle intercommunale, à partir de critères de pondération définis localement, dans le respect de la loi. L’article L. 441-1 du CCH prévoit, en effet, à la fois l’application de plafonds de ressources et une liste de publics prioritaires pour l’attribution d’un logement social, dont les personnes handicapées, les personnes exposées à des situations d’habitat indigne ou les personnes dépourvues de logement.

L’alinéa 2 précise que le plan partenarial devra définir les conditions dans lesquelles le refus d’un logement adapté aux besoins et aux capacités d’un demandeur peut modifier la cotation de sa demande.

Les alinéas 3 et 4 renvoient à la publication d’un décret en Conseil dÉtat le soin de définir les modalités d’application du système de cotation, ainsi que la date d’entrée en vigueur de cette obligation, qui ne peut être postérieure au 31 décembre 2021.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure soutient pleinement cet article. La cotation de la demande doit, en effet, permettre d’accroître l’équité et la transparence dans les attributions de logements sociaux dans les territoires confrontés à un nombre très élevé de demandeurs. Votre rapporteure rappelle que la cotation n’est qu’un outil d’aide à la décision, qui ne se substituera pas aux commissions d’attribution des logements (CAL).

Les modalités du système local de cotation seront, par ailleurs, définies localement par les EPCI en partenariat avec les bailleurs sociaux et les réservataires, ce qui garantit l’adaptation de ces systèmes aux différentes réalités territoriales.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté deux amendements identiques de MM. Nogal et Pupponi prévoyant d’associer les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) à l’élaboration des plans partenariaux de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs.

Les SIAO sont des dispositifs départementaux chargés de recueillir la demande d’hébergement ou de logement adapté des personnes sans-abri et de les orienter vers les solutions les plus adaptées à leur situation. Dans le cadre de la politique du « Logement d’abord », l’association des SIAO à l’élaboration des plans partenariaux leur permettra d’optimiser l’articulation territoriale des différentes filières d’accès des personnes sans-abri au logement.

*

*     *

La commission examine lamendement CE1797 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous demandons la suppression de cet article qui introduit la cotation dans les critères d’attribution des logements sociaux. Tout ce qui nous permet de gagner en transparence est évidemment bienvenu mais les expériences de cotation qui ont été faites dans des zones tendues comme Paris montrent que le système est relativement imparfait. Je vois bien l’intérêt qu’il y a à toujours réorganiser les listes d’attente, mais le vrai problème c’est les listes d’attente elles-mêmes et leur résorption. C’est un peu comme le thermomètre et la fièvre. En outre, cette cotation ne permet pas d’avoir des attributions au plus près des préoccupations de mixité sociale, à la cage d’escalier ou au quartier.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il ne s’agit que d’un outil d’aide à la décision, qui ne se substituera pas aux CAL. Les modalités du système local de cotation seront, par ailleurs, définies localement par les EPCI en partenariat avec les bailleurs sociaux et les réservataires. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Outil d’aide à la décision au niveau des CAL, la cotation doit aussi permettre de préciser aux personnes en attente quels sont les critères d’attribution. D’une manière générale, ces critères sont déjà définis dans le droit, et des pondérations peuvent être fixées par les EPCI. Le dernier mot revient aux CAL mais le système permet de répondre à un souci de transparence.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE2177 rectifié de M. Mickaël Nogal et CE2318 de M. François Pupponi.

M. Mickaël Nogal. Défendu.

M. François Pupponi. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle en vient à lamendement CE2417 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Défendu.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Puis elle passe à lamendement CE355 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Lors de l’attribution des logements, la prise en compte du lien avec la commune d’implantation du logement peut être une véritable nécessité, afin de permettre notamment de résoudre des situations locales particulières. La capacité pour un maire d’attribuer prioritairement un logement à une personne ayant des attaches avec la commune doit être appréhendée comme un localisme intelligent. En outre, il est important que le maire d’une commune ayant un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) puisse empêcher que sa commune ne se paupérise davantage.

La généralisation du système de cotation risque de provoquer une paupérisation plus grande de certains quartiers, ce qui est contraire aux objectifs recherchés.

Il est important de pouvoir prendre en compte les attaches locales du demandeur : travail, mode de garde des enfants. À dossier équivalent, il est donc opportun de conserver la possibilité de privilégier un demandeur communal vis-à-vis des demandeurs d’autres communes. Cela permet de répondre à la demande des habitants de la commune dans le respect des principes de mixité sociale.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE148 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. Cet amendement me permet de vous reparler des établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris, qu’il faut supprimer ou, à tout le moins, réformer rapidement. Il faut surtout supprimer cette idée de cotation de la demande de logements. À l’échelle d’un EPT, qui est, en gros, une agglomération de 300 000 à 700 000 voire 800 000 habitants, il est totalement aberrant d’avoir ce système de cotation uniforme alors que les situations géographiques et sociales de ces territoires intercommunaux sont totalement disparates.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’enjeu même de la cotation est de disposer d’un système harmonisé sur un territoire afin d’encourager une gestion partagée de la demande. La cotation doit donc être la même pour tous les réservataires, même si chacun d’eux reste souverain au moment de la présentation de ses candidats. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Pour ma part, je demande le retrait. Vous avez tout à fait raison : il y a un trou dans la raquette que, personnellement, je n’avais pas vu.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement CE149 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement CE1607 de M. Stéphane Testé.

M. Stéphane Testé. Cet amendement vise à apporter de la transparence puisqu’il a pour objectif d’informer les demandeurs sur les modalités de cotation, lors du dépôt initial ou du renouvellement de la demande de logement social.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Idem.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE2203 de Mme Marie-Pierre Rixain.

Mme Marie-Pierre Rixain. L’accès au logement pour les victimes de violences intrafamiliales est une question ancienne et documentée. Comme l’indiquait en 2006 le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du conseil général des Ponts et chaussées, disposer d’un logement sûr et pérenne est un élément essentiel du parcours de reconstruction des victimes et de réappropriation de leur autonomie. Cet élément devient indispensable lorsque les victimes ont des enfants à charge.

De nombreux dispositifs existent. Ils impliquent des acteurs variés : les associations, les collectivités, les bailleurs sociaux, l’État et ses opérateurs. Ces bonnes pratiques sont limitées géographiquement et, souvent, elles ne dépassent pas le stade expérimental. C’est pourquoi cet amendement vise à les étendre.

Le système de cotation, établi par l’article 36, va contribuer, sans aucun doute, à rendre plus transparent le processus d’attribution des logements sociaux. En cela, il constitue un indéniable progrès. Il doit également en être un pour les personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales.

L’amendement proposé vise à prendre en compte, dans les points attribués à chaque demandeur par le système de cotation, le cas des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales qui justifient d’une décision de justice.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement car il me semble satisfait.

Actuellement, l’article L.441-1 du code de la construction et de l’habitation dispose déjà que les personnes victimes de violence au sein d’un couple et celles qui sont menacées de mariage forcé font partie des personnes prioritaires pour l’accès au logement social. L’article 36 de ce projet de loi rappelle bien que le système de cotation devra respecter les priorités d’attribution générales fixées par la loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je tiens à être très précis sur ce point. Le texte indique que le plan de gestion de la demande devra respecter les priorités et les critères qui sont définis à l’article L.441-1 qui inclut déjà le public que vous mentionnez. Les collectivités qui mettent en place ce plan de gestion, c’est-à-dire les EPCI, prennent en compte ce critère en le pondérant comme ils le souhaitent. Demande de retrait.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE2418 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte lamendement.

Puis elle adopte larticle 36 modifié.

Après l’article 36

La commission est saisie de lamendement CE2276 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Défendu.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE865 de M. Éric Woerth.

M. Thibault Bazin. Il existe actuellement un seuil unique de déclenchement de l’obligation de quitter les lieux pour tous les locataires, quel que soit le type de logement social qu’ils occupent. Ce seuil est fixé à 150 % du plafond des prêts locatifs social (PLS).

Cet amendement propose de revenir sur ce seuil unique en rétablissant la situation préalable à la loi du 27 janvier 2017, avec un plafond correspondant à chaque type de logement occupé. L’idée est d’avoir vraiment un parcours dans le parc avec la mobilité que vous souhaitez.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Cette mesure, entrée en vigueur récemment, concerne, par exemple, des personnes seules qui gagnent plus de 3 750 euros par mois en Île-de-France.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Article 37
(articles L. 441-1-5 et L. 441-1-6 du code de la construction et de lhabitation)
Simplification des procédures dattribution des logements sociaux situés en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)

1.   L’état du droit

La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a procédé à une profonde réforme des règles et de la gouvernance locale des attributions de logements sociaux afin que ces attributions contribuent davantage à la mixité sociale dans et en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

L’article 70 de la loi précitée a ainsi prévu la conclusion d’une convention intercommunale dattribution chargée de mettre en œuvre les orientations de la politique d’attribution définies par chaque conférence intercommunale du logement (CIL). Cette convention, signée entre l’EPCI, le préfet de département, les bailleurs sociaux et les réservataires, définit, pour chaque bailleur social présent sur le territoire intercommunal, des engagements quantifiés et territorialisés d’attribution de logements en faveur des demandeurs prioritaires et des demandeurs aux ressources modestes pour les logements situés en dehors des QPV.

Par ailleurs, afin de contrôler davantage le peuplement des QPV, la loi précitée a prévu la mise en place obligatoire d’une commission dans chaque QPV, chargée de désigner, d’un commun accord entre tous les bailleurs sociaux présents dans le quartier, les réservataires, le maire et le président de l’EPCI, les candidats pour l’attribution des logements disponibles dans ce quartier. Ces candidatures doivent ensuite être de nouveau examinées par la commission d’attribution (CAL) de chaque bailleur social.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 37 du présent projet de loi vise à simplifier la procédure d’attribution des logements sociaux situés en QPV, telle qu’elle résulte des dispositions de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. La mise en place obligatoire d’une commission de désignation des candidats à l’attribution de logements dans chaque QPV entraîne, en effet, une lourdeur administrative, puisque deux commissions doivent se réunir successivement pour chaque attribution de logement, alors même que la composition de ces deux commissions est en grande partie commune. D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, 130 000 logements sont attribués chaque année dans les 1 500 QPV, ce qui représente environ 27 % des attributions au niveau national.

L’alinéa 1 du présent article supprime donc l’obligation de créer, dans chaque QPV, une commission de désignation en commun des candidats à l’attribution d’un logement.

En lieu et place, les alinéas 2 à 5 élargissent les missions de la commission de coordination qui, conformément à l’article L. 441-1-6 du CCH, doit être créée dans le cadre de chaque convention intercommunale d’attribution. Cette commission peut dores et déjà aujourdhui examiner les dossiers de demandeurs de logements sociaux et émettre des avis quant à l’opportunité de leur attribuer un logement dans le parc social situé sur le territoire intercommunal.

Les alinéas 4 et 5 précisent que cette mission peut être confiée à cette commission pour certaines catégories de demandeurs et que, dans ce cadre, la commission émet des avis préalablement aux commissions d’attribution de chaque bailleur social. En outre, l’alinéa 3 précise que cette commission est chargée, de manière générale, du suivi et de l’évaluation de la convention intercommunale d’attribution.

Ces modifications laissent donc une plus grande liberté aux acteurs locaux pour définir les modalités de travail et de mise en œuvre de la politique intercommunale d’attribution qu’ils ont définie localement. Elles procèdent également à une simplification en confiant à une seule commission au niveau intercommunal, en lieu et place d’une dans chaque QPV, la possibilité d’examiner en commun les candidatures à l’attribution d’un logement social, en amont des CAL.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

La commission est saisie de lamendement CE2277 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je n’ai pas compris l’alinéa 1er de cet article 37. Dans la loi Égalité et citoyenneté, nous avons essayé de travailler sur la mixité sociale et nous avons pris des mesures indispensables pour faire en sorte que l’on arrête de mettre les populations les plus fragiles et en grande difficulté dans ces quartiers où elles sont déjà très nombreuses. L’idée est de limiter leur concentration dans les mêmes lieux.

Nous avons donc créé une commission spéciale d’attribution pour les QPV, qui n’a rien à voir avec la commission intercommunale qui définit les critères d’attribution. Dans les QPV, s’il n’y a pas une mise sous surveillance précise de tous les acteurs du terrain, on sait comment ça se passera : les CAL continueront à envoyer les plus gens les plus fragiles dans ces quartiers. Pour éviter ce phénomène, il faut une commission spéciale par QPV qui regarde toutes les attributions et qui fusionne tous les contingents.

Pour des raisons que je ne comprends pas – ou, au contraire, qui sont très limpides : vous ne voulez plus lutter efficacement contre la ghettoïsation de ces quartiers – vous avez supprimé cette commission.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’ai bien entendu la définition que vous donnez de votre commission spécifique. Une commission de coordination de la convention intercommunale d’attribution a aussi été créée dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté. Il paraît donc plus cohérent de lui donner cette compétence. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous nous sommes fondés sur les retours de terrain. Les membres de cette commission, qui sélectionne les candidats aux CAL, sont souvent très peu éloignés des membres de la CAL. Selon les EPCI, le dispositif ne présente qu’une très faible utilité tout en ajoutant une étape supplémentaire dans le parcours. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cette commission. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Il est bien évident que les EPCI ne veulent pas de cette commission spéciale ! Mettez-vous à la place d’un EPCI qui ne compte qu’un ou deux QPV. La commission spéciale l’empêche d’accueillir les populations les plus fragiles dans ces QPV. Il faut alors les mettre ailleurs, là où il n’y a pas beaucoup de populations fragiles. Si vous demandez à des gens qui ne veulent pas des populations les plus fragiles si cette commission fonctionne, ils vont évidemment vous répondre par la négative. Ils veulent continuer à gérer les attributions au niveau de l’EPCI et à concentrer les populations les plus fragiles dans les QPV. Si vous demandez à un aveugle s’il veut voir, la réponse est évidente !

C’est précisément pour lutter contre les égoïsmes locaux que nous avons créé cette commission spéciale. Dans certains EPCI où les QPV sont très peu nombreux, ils continuent à concentrer les populations les plus fragiles dans ces quartiers. Cette commission spéciale est une espèce de barrière et elle regarde ce qui se fait spécifiquement dans le QPV.

Pour la créer, nous nous sommes battus contre la ministre de l’époque, bien qu’elle ait été de notre couleur politique, et contre les égoïsmes locaux. Vous revenez sur ce dispositif en écoutant ceux qui ghettoïsent. Vous les encouragez à continuer dans cette voie. C’est inimaginable que l’on puisse supprimer cette commission sur laquelle était fondé tout le dispositif de la loi égalité et citoyenneté.

M. Stéphane Peu. Je suis en plein accord avec François Pupponi dont nous connaissons tous l’engagement en faveur de la mixité. Il ne s’agit pas seulement d’avoir une commission d’attribution ad hoc pour les QPV. Telle que prévue, cette commission a d’autres dimensions. Elle tend notamment à fusionner les contingents, ce qui n’est pas la moindre des choses. Qui ghettoïse le plus ? La préfecture qui attribue son contingent de manière un peu automatique. Les organismes du 1 % logement, qui doivent répondre à des mandants et à des cotisants, répartissent souvent les salariés en fonction des catégories sociales : les salariés les plus captifs sont envoyés dans les lieux les moins attractifs.

Il est donc absolument nécessaire d’avoir des commissions à l’échelle des QPV, qui fusionnent les contingents et regardent au plus près des réalités et des cages d’escalier, même s’il reste à surmonter des freins culturels pour que le système soit pleinement efficient.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Fidèle à ma méthode, je vous propose de vous apporter tous les éléments concernant l’étude d’impact dont je dispose, lors du débat dans l’hémicycle, et je m’en remettrai à la sagesse des parlementaires.

M. François Pupponi. Faites l’étude d’impact auprès des QPV et pas seulement auprès des EPCI.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement CE1854 de M. Stéphane Peu, lamendement CE2419 de M. François Pupponi, et les amendements CE490 et CE151 de M. Alain Ramadier.

M. Stéphane Peu. Défendu.

M. François Pupponi. Cet amendement-là aussi est très important ! Dans les QPV, il faut que l’on puisse déroger aux plafonds de ressources pour éviter que des gens ne soient refusés au motif qu’ils ont des revenus trop élevés comme cela arrive tous les jours. Dans un souci de mixité sociale, il faut pouvoir attribuer des logements sociaux en QPV à des gens qui ont des moyens. Si on ne le fait pas, c’est que l’on ne veut pas de mixité sociale dans ces quartiers.

M. Robin Reda. Nos amendements procèdent du même esprit. Ces quartiers sont ceux qui accueillent le plus de personnes au titre de la loi sur le droit au logement opposable (DALO). Les bailleurs et les collectivités doivent se mobiliser pour garantir une vraie mixité des publics dans ces quartiers.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de ces amendements. Les propositions sont intéressantes mais la rédaction doit être revue, notamment pour mieux les encadrer dans le dispositif des orientations de la Conférence intercommunale du logement (CIL) et éviter toute dérive dans la fixation de plafonds trop élevés et contraires au SIEG.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ces amendements sont déjà satisfaits dans la mesure où la dérogation existe même si elle passe par un arrêté préfectoral. Je fais référence à l’article R.441-1-1 du code de la construction et de l’habitat. C’est pourquoi je demande le retrait des amendements.

M. François Pupponi. Comme vous dites, monsieur le secrétaire d’État, la dérogation est d’ordre réglementaire et elle doit être acceptée par le préfet. Pour que la dérogation soit accordée, il faut qu’un élu appelle le préfet pour lui demander de le faire, au cas par cas. Cela devrait être la règle, monsieur le secrétaire d’État !

Dans ces QPV, on devrait prendre tout de suite un demandeur qui a les revenus nécessaires. Pourquoi demander au préfet d’accepter de faire venir des classes moyennes dans ces quartiers ? C’est que l’on n’en veut pas ! Normalement, l’acceptation devrait être automatique.

Pour ma part, il m’arrive d’entendre parler de ce genre de cas, par hasard, environ trois fois par an. La dernière fois, c’était le chef de rang d’un restaurant parisien qui veut à tout prix habiter Sarcelles et qui gagne 2 700 euros. Les agents du service de la préfecture l’ont refusé au motif qu’il gagnait trop d’argent !

Dès que les gens qui sont au-dessus du niveau de ressources demandent un logement social dans un QPC, il faut le leur accorder. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux. Quand cela arrive, il faut les prendre. Cela doit être dans la loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le cas que vous mentionnez est particulièrement criant. C’est pour ce genre de situation que la dérogation par arrêté préfectoral existe. Si nous créons des règles prévoyant des plafonds de ressources, il est difficile de dire qu’elles ne vont pas s’appliquer à un territoire donné.

M. François Pupponi. C’est de la discrimination positive !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est compliqué. Il faut pouvoir le faire mais selon une procédure adaptée. Je maintiens mon avis.

La commission rejette successivement les amendements CE1854, CE2419, CE490 et CE151.

Puis elle adopte larticle 37 sans modification.

Après l’article 37

La commission est saisie de lamendement CE1263 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Cet amendement vise à lutter contre le phénomène de vacance de logement qui existe dans certains territoires où des HLM avaient été construites pour répondre aux besoins d’entreprises qui n’existent plus. Les HLM subsistent alors que les entreprises ont fermé. Dans certains bâtiments, les logements sont vacants à 80 %. Quand les offices parviennent à trouver des locataires, il arrive que ceux-ci soient obligés de payer des pénalités parce qu’ils ont des revenus supérieurs au plafond de ressources. L’amendement vise à permettre de déroger à ces plafonds.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette dérogation est déjà possible. Votre amendement étant satisfait, je demande son retrait. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis pour les raisons déjà évoquées pour les amendements précédents.

M. François Pupponi. Je ne crois pas que nous parlons exactement de la même chose. En l’occurrence, les personnes visées par l’amendement sont acceptées mais elles doivent s’acquitter d’un surloyer. Est-ce bien cela ? Quelle est cette pénalité ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Elle s’applique aux personnes qui ont des revenus supérieurs au plafond de ressources.

M. François Pupponi. Madame la rapporteure, vous avez indiqué que l’amendement était satisfait. Vous nous confirmez qu’il n’y a pas de surloyer dans les QPV ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Oui.

M. François Pupponi. Le problème est que Mme Meynier-Millefert constate qu’il y en a.

M. Stéphane Peu. Admettons qu’il n’y a pas de surloyer dans les QPV qui existent dans les grandes villes. Cela étant, il y a, dans notre pays, des territoires qui sont en difficulté pour ne pas dire qu’ils sont oubliés de la République : les QPV mais aussi des zones rurales et des villes en décroissance.

Je suis récemment allé pour une réunion à Montluçon, une ville qui a perdu beaucoup d’industries et d’emplois, où il y a de nombreux logements vacants qui ne peuvent pas tous être démolis. Dans ces territoires en difficulté de la République, pour ne pas utiliser des termes embêtants, peut-on déroger à la règle des surloyers pour favoriser la mixité sociale ou la reconquête démographique ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je peux réécrire ou compléter mon amendement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il vaut mieux que vous le retiriez pour le réécrire : vous évoquez les QPV sans parler de surloyer, vous faites référence à des zones détendues. Il faut vraiment clarifier le point sur lequel vous souhaitez apporter une précision.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE1260 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Cet amendement vise à faire économiser jusqu’à 165 millions d’euros par an aux organismes de logement social, en supprimant une obligation administrative à laquelle ils sont soumis et qui pourrait être satisfaite par un simple transfert automatique de données fiscales.

Les organismes de logement social sont obligés de faire deux enquêtes pour obtenir l’avis d’imposition ou de non-imposition à l’impôt sur le revenu que le bailleur doit requérir auprès des locataires, des documents disponibles dans les services fiscaux.

Nous avons fait une simulation avec l’OPAC38, en Isère, qui assure le suivi de 26 000 locataires d’HLM. L’organisme estime le coût de récupération des informations fiscales à environ 50 euros par locataire, soit 1,3 million d’euros tous les deux ans et une moyenne annuelle de 975 000 euros de coût en équivalent temps et salaire pour récupérer des informations disponibles auprès du fisc et qui pourraient être envoyées de manière numérique.

Les organismes doivent demander ces informations aux locataires qui prennent un risque locatif quand ils peinent à fournir ces documents. Il serait possible de proposer au locataire, à son entrée dans le logement, de signer une dérogation qui permettrait aux services fiscaux compétents de transmettre directement les informations nécessaires aux organismes d’HLM.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Votre intention est tout à fait louable mais, compte tenu de l’expertise technique qui me semble nécessaire, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement soulève deux problèmes mais pourrait recevoir une solution à terme.

Tout d’abord, l’administration fiscale enverrait les informations concernant l’impôt sur le revenu à tous les bailleurs sociaux, de manière automatique, ce qui pose un problème de protection de données du ressort de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). À raison, l’administration fiscale n’envoie jamais les données concernant l’impôt sur le revenu à un tiers.

Ensuite, même si l’on trouvait un moyen de surmonter ce problème, l’administration fiscale a bien d’autres choses à faire en ce moment, notamment en raison de la prochaine entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Il me paraît peu probable qu’elle ait, en quelques mois, les moyens de faire les modifications techniques nécessaires à l’envoi de ces données à tous les bailleurs sociaux.

En revanche, la solution réside peut-être dans le Système national d’enregistrement (SNE) où il y a des croisements de données. À terme, ce système permettra d’avancer dans le sens que vous souhaitez.

Votre intention est juste mais il ne servirait à rien d’inscrire dans la loi une telle mesure qui se heurterait à des problèmes d’application. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je vais le retirer et, d’ici à la semaine prochaine, je vais vous fournir les documents qui vous manquent pour pouvoir juger favorablement cette proposition. Avant de proposer cet amendement, je me suis vraiment renseignée auprès de toutes les personnes compétentes, notamment à Bercy.

Lamendement est retiré.

Article 38
(article L. 441-1 du code de la construction et de lhabitation)
Gestion en flux des droits de réservation sur les logements sociaux

1.   L’état du droit

L’article L. 441-1 du CCH dispose que les organismes HLM peuvent, en contrepartie d’un apport de terrain, d’un financement ou d’une garantie financière accordé en faveur de la construction de logements sociaux, contracter des obligations de réservation, au profit de personnes morales qui pourront présenter des candidats à l’attribution de ces logements lors de leur mise en location initiale ou ultérieure.

L’article R. 441-5 du CCH précise que ces réservataires peuvent être l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les EPCI, les employeurs ainsi que la société Action Logement Services.

Ce même article prévoit que les réservations donnent lieu à la passation d’une convention et peuvent porter soit sur des logements identifiés physiquement (gestion en stock), soit sur un flux annuel de logements portant sur certains ensembles immobiliers ou la totalité du patrimoine de l’organisme HLM (gestion en flux).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 38 du présent projet de loi vise à rendre obligatoire la gestion en flux de tous les contingents de réservation.

Comme indiqué dans l’étude d’impact jointe au projet de loi, la gestion en stock présente de nombreux inconvénients, dont une certaine rigidité dans la gestion du patrimoine des organismes HLM et des attributions de logements sociaux. Un logement social libéré, qui fait l’objet d’une réservation, peut ne pas correspondre à la demande de logement exprimée sur son contingent de rattachement, en raison de sa localisation, de sa typologie ou de son loyer.

Dans le cadre de la gestion en flux, c’est au bailleur de choisir le réservataire auquel il signale le logement, dans le respect des obligations quantitatives découlant des conventions de réservation. Cette flexibilité permet au bailleur de mutualiser les opportunités, de faire mieux correspondre l’offre à la demande de logement et de définir le meilleur équilibre dans l’occupation de son parc au regard des objectifs de mixité sociale.

L’alinéa 1 prévoit toutefois une exception pour les logements réservés au profit des services publics en charge de la défense nationale ou de la sécurité intérieure, pour lesquels la question de la proximité entre le logement et le lieu de travail est primordiale et nécessite une identification physique des logements réservés.

L’alinéa 2 précise que l’obligation de gestion en flux s’applique à la fois aux logements mis en service à compter de la publication de la présente loi et aux logements faisant déjà l’objet d’une convention de réservation. Les conventions en vigueur qui ne portent pas exclusivement sur une gestion en flux devront donc être mises en conformité avec la loi dans un délai de deux ans à compter de sa publication.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté un amendement de votre rapporteure accordant un délai supplémentaire d’un an pour l’actualisation des conventions de réservation en vigueur.

En effet, l’instauration d’une gestion en flux des contingents de réservation des logements sociaux est complexe et nécessite un délai conséquent de mise en œuvre, afin notamment d’établir un diagnostic précis de la situation initiale des différents contingents et de définir les règles d’orientation en flux des logements vers les réservataires (en termes de typologie, de catégories de financement, de niveaux de loyer, etc.). Une fois les modalités de répartition des logements définies, il conviendra, en outre, d’adapter de façon conséquente les outils de gestion qui permettent d’effectuer les désignations.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques CE155 de
M. Alain Ramadier et CE2278 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. C’est un amendement de suppression. La gestion en stock, sur laquelle prétend revenir cet article, a quand même fait ses preuves : elle responsabilise le réservataire et lui permet de maîtriser le peuplement grâce à une identification, en proximité, des logements vacants. En outre, ce système est généralement sous-tendu par les garanties d’emprunt que donnent les réservataires, en particulier les collectivités. Il est normal qu’ils aient, en retour, un droit de regard sur les logements présents sur leur territoire.

M. François Pupponi. Globalement, le système de gestion en flux existe déjà. Quand un réservataire n’attribue pas l’un de ses logements, celui-ci retourne dans le contingent global.

Vous allez mettre en place une procédure qui va complexifier les choses : j’avais le logement, je l’ai perdu, il faut que j’en récupère un qui présente la même typologie, etc. Il va falloir un sacré suivi ! En fait, c’est ingérable.

Le système actuel est plutôt performant. Si un réservataire n’utilise pas son logement, celui-ci bascule dans le droit commun : le préfet et les bailleurs le récupèrent. Il n’y a donc pas de vacances. Quant au système que vous voulez mettre en place, je ne vois pas comment il va fonctionner.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La gestion en flux apporte de la flexibilité dans la politique d’attribution. Cette flexibilité permet au bailleur de mutualiser les opportunités, de faire mieux correspondre l’offre à la demande de logement et de définir le meilleur équilibre dans l’occupation de son parc au regard des objectifs de mixité sociale. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison, ces mécanismes peuvent déjà exister. Tout le monde s’arrange sur le mode : je ne prends pas ce logement donc vous allez le prendre. Cependant, nous essayons de résoudre une question fondamentale : l’appartement doit revenir à un même type de public, notamment les populations prioritaires.

Après en avoir longuement débattu avec les offices et les entreprises sociales pour l’habitat (ESH), nous avons testé la mesure. Celle-ci a reçu un accueil favorable de la part des offices et des ESH. C’est pourquoi vos propos m’étonnent, même si la réforme envisagée représente un vrai changement de gestion.

M. François Pupponi. Madame la rapporteure, vous avez employé plusieurs fois le terme de mixité. Vous estimez que vos mesures favorisent la mixité sociale. En réalité, ce sont des mesures anti-mixité. Pourquoi ? Le réservataire au titre du 1 % logement doit normalement attribuer le logement à un salarié. Dans nos quartiers, quand un salarié arrive, c’est de la mixité. Quelqu’un qui travaille, qui n’est pas aux minima sociaux, participe à la mixité. Dans votre système, quand un salarié s’en va, on attribue son logement à un public prioritaire, en particulier à une population éligible au DALO. C’est ce que vient de dire le ministre : un logement qui se libère va d’abord à un public prioritaire. Cela va à l’encontre de la mixité sociale. Il faut préserver la part des réservataires qui relèvent du 1 % logement pour qu’ils continuent à y mettre des salariés. Sinon, nous allons aggraver la ghettoïsation.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Comme vous donniez l’exemple du salarié, j’ai pris l’exemple contraire du public prioritaire. La gestion en flux agit dans les deux cas, à la fois pour un public prioritaire ou pour des salariés. On ne modifie pas les objectifs pour ces deux types de population. Actuellement, c’est une sorte d’arrangement. Avec ce texte, nous voulons clarifier les choses et fixer un mode pour tous et pour que, en définitive, les objectifs de ventilation entre publics, si je puis dire, soient bien respectés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je voudrais rappeler que j’ai travaillé pendant vingt ans sur les questions de mixité et que c’est un peu mon domaine.

Prenons l’exemple d’un logement qui était attribué au titre du 1 % logement et qui se libère dans une résidence. Si la CAL n’a pas de dossier de salarié au moment où elle se réunit, le logement reste vacant le temps de trouver un public qui réponde aux critères. Avec une gestion en flux, il est possible de l’attribuer à une autre personne, sous réserve qu’un autre logement puisse être attribué à un salarié alors qu’il était au départ réservé à une personne prioritaire. Il s’agit de modifier la gestion du stock en flux et vice versa. Cela permet de loger la personne prioritaire de façon beaucoup plus rapide.

M. François Pupponi. C’est comme ça que le ghetto s’est construit. La ville de Sarcelles a été conçue par la Caisse des dépôts. Il n’y avait que des classes moyennes, que des gens qui travaillaient. La ville était le symbole de la mixité sociale.

À partir des années 1980, la prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (PALULOS) et les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) ont été créés. Lorsque des personnes des classes moyennes partaient, les services de la préfecture les remplaçaient par des personnes en difficulté. Quand une famille en difficulté arrive dans un immeuble où il y a de la mixité, la famille de classe moyenne qui vit sur le même palier s’en va. Elle est alors remplacée par une autre famille en difficulté. J’ai assisté à cela en direct. C’est comme ça que ça se passe.

En particulier dans les QPV, il faut assurer la vacance du logement que l’organisme de 1 % logement ne peut pas attribuer, afin que ce soit un salarié qui remplace un autre salarié.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine lamendement CE1583 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Le Gouvernement propose que la mobilité dans le parc social soit favorisée pour les personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée. Nous proposons d’étendre ce dispositif à toutes les personnes soumises à une mobilité en lien avec l’emploi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Votre amendement est satisfait par le bail mobilité.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement concerne les personnes qui prennent un autre poste, sans période de chômage, et pour une période excédant les dix mois du bail mobilité. L’article ne vise que les personnes qui retrouvent une activité, non celles qui sont déjà dans l’emploi mais doivent déménager.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je maintiens mon avis.

Permettez-moi de répondre à M. Pupponi. Monsieur Pupponi, sur l’amendement précédent, je vous ai dit que je vous communiquerais l’étude et que je m’en remettrais à la sagesse du Parlement. En aucun cas, nous ne cherchons à faire ce dont vous nous accusez. Ces dispositions ont été décidées à l’issue de larges concertations avec les acteurs concernés. Je ne voudrais pas que vous restiez sur ce sentiment.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Monsieur Lagleize, j’ai omis de préciser que les personnes qui retrouvent un emploi après une longue période de chômage sont déjà prioritaires pour l’attribution d’un logement social.

M. François Pupponi. Monsieur le secrétaire d’État, je ne dis pas que c’est ce que voulez faire, j’affirme que ce que vous mettez en place aura ce résultat.

J’ai mis dix ans à convaincre les députés, de droite comme de gauche, à créer la fameuse commission QPV et à faire en sorte que l’on ne puisse attribuer plus de 50 % des logements en QPV à des populations en difficulté. Dix ans : cela fut un long combat, y compris contre mes propres amis politiques.

Puis vous arrivez. Vous supprimez cette disposition et je vois tomber les unes après les autres toutes les mesures de mixité sociale que nous avions mises en place. Comprenez mon sentiment ! Lorsque vous créez un système et que vous le voyez démonté, il est naturel de réagir ainsi.

M. le président Roland Lescure. Veuillez conclure, monsieur Pupponi.

M. François Pupponi. J’ai compris votre philosophie et j’en prends acte. Vous faites un choix que j’estime dramatique, d’un point de vue stratégique, mais aussi historique. Il me reste à défendre encore une dizaine d’amendements, qui ne seront pas adoptés, puis je vous laisserai travailler tranquilles jusqu’à samedi.

M. le président Roland Lescure. Nous sommes dans la même barque et nous ramons tous ensemble. Bonne nuit, monsieur Pupponi !

M. François Pupponi. Gardez vos réflexions !

M. le président Roland Lescure. Ce n’est pas une réflexion, je vous souhaite bonne nuit.

M. François Pupponi. J’ai été assidu jusque-là. Je vous demande de garder vos réflexions.

M. le président Roland Lescure. J’ai demandé aux commissaires de limiter leurs interventions à une minute. Vous n’avez jamais observé cette règle ce soir.

M. François Pupponi. On ne souhaite pas bonne nuit à quelqu’un qui est en train de travailler ! Je vous demande de garder vos réflexions.

M. le président Roland Lescure. Peut-on changer de ton et passer à autre chose ?

M. François Pupponi. Je vous demande de garder vos réflexions.

M. le président Roland Lescure. Et moi, je vous demande de nous laisser travailler. Vous pouvez rester, ou partir si vous le souhaitez.

La parole est à M. Lagleize et à lui seul.

M. Jean-Luc Lagleize. Mme la rapporteure m’a répondu que l’amendement était satisfait par le bail mobilité. Celui-ci a, dans le texte initial, une durée maximale de dix mois. Or cet amendement vise les personnes qui ont un travail et occupent un logement social, et qui, ayant trouvé un poste ailleurs, ont besoin d’un logement stable.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. C’est la raison pour laquelle je vous ai répondu que les personnes qui retrouvent un emploi après une longue période de chômage sont prioritaires pour l’attribution d’un logement social.

M. Jean-Luc Lagleize. Je parle des personnes qui sont déjà dans l’emploi, mais qui changent de poste et de lieu de vie.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. La mobilité n’est pas synonyme de précarité. Ce n’est pas parce qu’une personne est soumise à une mobilité qu’elle doit devenir prioritaire. Cette situation doit répondre à d’autres critères.

M. Jean-Luc Lagleize. Il arrive que des personnes refusent une mobilité parce qu’au bout, il n’y a pas de logement. D’un côté, l’emploi reste inoccupé ; de l’autre, la personne ne peut évoluer, voire perd son emploi. Ce cas n’est pas visé par le projet de loi.

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE1518 de M. Alain Ramadier et CE2420 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. Puisqu’il faut que nous nous résolvions à la gestion en flux des réservations, nous proposons de prévoir qu’un décret détermine les modalités, concertées avec les réservataires et les bailleurs, de sa mise en œuvre.

M. François Pupponi. L’amendement est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits. Je vous demande de bien vouloir les retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie dun amendement CE1703 de
Mme la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à accorder un délai supplémentaire d’un an pour l’actualisation, dans le cadre de l’instauration de la gestion en flux, des conventions existantes.

Suivant lavis favorable du Gouvernement, la commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE1542 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Les jeunes actifs et les salariés modestes avec peu ou sans droit aux APL accèdent difficilement au logement social, alors qu’ils se trouvent bien en deçà des plafonds de ressources. Deux tiers des bailleurs sociaux le reconnaissent dans une enquête réalisée en 2017 par la Cour des comptes.

Ils représentent pourtant une composante essentielle de la mixité sociale et portent la valeur « travail » au sein de ces immeubles, qui en ont bien besoin.

L’amendement vise à relativiser la méthode de calcul du taux d’effort, en prenant en compte le « reste pour vivre ». Il s’agit de ne plus exclure les travailleurs pauvres, qui ne bénéficient d’aucune allocation sociale mais doivent assumer des charges pour se rendre à leur travail, comme le crédit auto ou l’assurance.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’approuve l’objectif de cet amendement, mais la rédaction doit gagner en précision, notamment sur la définition du « reste pour vivre ».

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je serai favorable à cet amendement, sous réserve qu’il soit sous-amendé.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie dun amendement CE2279 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit de préciser que les conventions garantissent aux réservataires la possibilité de conserver la totalité de leurs droits de réservation sur le périmètre de la commune sur laquelle ils ont constitué ces droits.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ce sujet relève davantage du décret d’application. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 38 modifié.

Après l’article 38

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1609 de M. Jean-Luc Lagleize et CE545 de Mme Stéphanie Do.

M. Jean-Luc Lagleize. La dernière enquête de l’INSEE portant sur les personnes sans abri date de 2012 et la dernière Enquête nationale logement remonte à 2013. Nous proposons que l’INSEE publie tous les quatre ans un rapport sur les personnes sans abri.

Mme Stéphanie Do. L’amendement est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ce que l’INSEE continue de réaliser ses enquêtes. Cependant, ce domaine ne relevant pas de la loi mais plutôt de la gestion administrative de l’État, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE 2261, CE2262, CE2260 et CE2263 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Ces amendements, dont je ne doute pas qu’ils seront adoptés, visent à assurer la mixité sociale dans les QPV. La loi prévoit qu’Action Logement et la Foncière logement ont l’obligation de consacrer 25 % de leurs attributions aux salariés et aux demandeurs d’emploi prioritaires. Mais réaliser toutes ces attributions en QPV revient à placer les plus pauvres chez les plus pauvres, à concentrer les populations les plus fragiles.

Pour éviter cette tendance à la ghettoïsation, l’amendement CE2261 prévoit que pas plus de la moitié de ces attributions peut se réaliser en QPV – l’amendement suivant vise à ce qu’il puisse être dérogé à cette règle en cas d’accord local. L’amendement CE2260 prévoit que pas plus du quart de ces attributions peut se réaliser en QPV – l’amendement suivant vise à ce qu’il puisse être dérogé à cette règle en cas d’accord local.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En miroir, la loi Égalité et citoyenneté de 2017 oblige les intercommunalités à fixer des objectifs d’attribution en QPV en faveur des ménages qui n’appartiennent pas à ces quartiers et disposent de ressources plus élevées. Elle prévoit qu’à défaut d’orientations à ce sujet, au moins 50 % des attributions en QPV devront être faites en faveur de ménages des trois autres quartiles des demandeurs aux ressources les plus élevées.

Il faut laisser à cette loi le temps de s’appliquer. En conséquence, j’émettrai un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les amendements vont plus loin puisqu’ils concernent les quotas des réservataires et d’Action Logement.

Monsieur Pupponi, vous avez évidemment raison. La loi Égalité et citoyenneté, qui prévoit des quartiles en dehors des QPV, va dans le bon sens, mais fonctionne-t-elle vraiment ?

Le sens de l’histoire, c’est sûrement de cesser de placer les demandeurs DALO et les publics les plus pauvres dans les QPV. Mais comment alors fera-t-on pour répondre aux demandes et réussir à loger tout le monde ? En prenant cette décision, qui est juste sur le long terme, je crains que nous ne bloquions à court terme le système. Je sais que ma remarque est profondément cruelle, mais elle témoigne d’un échec collectif depuis des années.

J’ai longtemps analysé les résultats de la loi Égalité et citoyenneté, il est vrai récente, et cherché à voir si elle permettait de remplir les objectifs de mixité. Je pense que nous devons nous en tenir pour le moment à ses dispositions. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Monsieur le secrétaire d’État, vous me demandez si les préfets appliquent la loi Égalité et citoyenneté, qui limite le nombre des logements accordés aux plus fragiles en QPV. Elle a été adoptée en 2017 et les décrets d’application ont été publiés il y a moins d’un an. Il est trop tôt pour savoir si elle est à même d’inverser cinquante ans de ghettoïsation !

Dès 2016, nous avons dit qu’il fallait arrêter, compte tenu de la situation catastrophique dans les banlieues françaises, de la radicalisation de certains jeunes et des attentats perpétrés en France. C’est le Premier ministre de l’époque, aujourd’hui membre de la majorité, qui a parlé de ghettos, dénonçant un apartheid territorial, social, ethnique. Nous ne l’avons pas inventé ! Nous ne pouvons plus continuer ainsi.

Votre réponse est celle que l’on nous sert depuis quarante ans. Devant ce constat d’impuissance, la puissance publique choisit de mettre les populations fragiles toujours au même endroit, officialisant ainsi le ghetto. Nous vous proposons d’aller plus loin, de rompre avec le vieux monde. Oui, c’est compliqué, mais il faut arrêter de ghettoïser le ghetto. J’espérais que cette majorité le ferait. Je constate que vous êtes en retrait sur les amendements que nous proposons et que vous rejetez l’ambition que nous défendons. J’en prends acte.

M. le président Roland Lescure. La parole est à M. Stéphane Peu, pour une minute.

M. Stéphane Peu. Monsieur le président, il s’agit de quatre amendements, qui plus est sur un sujet majeur ! J’aimerais disposer de suffisamment de temps pour m’exprimer.

Nous discuterons en séance publique du sens profond de ce texte, dont la cohérence, lorsque l’on met toutes les dispositions bout à bout, aboutira à renforcer le ghetto.

Que se passe-t-il aujourd’hui dans les QPV d’Île-de-France et de certaines grandes villes ? Action Logement n’affecte pas les salariés dans les mêmes endroits, selon qu’ils sont plus ou moins précarisés ou qu’ils appartiennent ou non à la couche moyenne. Plus les gens sont en difficulté, plus ils sont orientés vers les QPV !

François Pupponi a évoqué la déclaration de Manuel Valls, mais le premier qui a parlé d’apartheid en Île-de-France et de développement à la brésilienne – un comble pour un pays comme la France, ses valeurs et son histoire ! –, c’est Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, à la fin des années 1990.

Depuis, sous l’action des gouvernements successifs, le séparatisme social et les discriminations se sont aggravés. Il faut dire « stop ! ». Il y a eu un début de politique pour enrayer cette évolution et un retournement tenté dans la loi Égalité et citoyenneté. Ce projet de loi va à l’inverse. C’est terrible, car cela va finir par péter au visage de ce pays !

Dans un long entretien, Alain Minc a jugé la situation française : il félicite le Gouvernement pour sa politique macroéconomique, explique que tous les clignotants sont au vert et que l’avenir est radieux ; mais il appelle son attention sur le fait qu’il ne prend pas en compte la situation des quartiers populaires et des banlieues, et que c’est un élément qui peut venir se mettre en travers de son action. Je ne partage pas la première partie de l’analyse d’Alain Minc, mais je le rejoins sur le second point : la situation dans les quartiers constitue une fragilité terrible pour la France, et il faut y prendre garde.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le débat a été plus qu’enrichissant. Nous savons quelles sont nos marges de manœuvre et nous ne perdons pas de vue nos objectifs. Nous devons poursuivre les échanges sur ces différents sujets d’ici à l’examen en séance publique.

Mme Emmanuelle Ménard. Je trouve fort intéressants les arguments de MM. Pupponi et Peu. Je ne connais pas suffisamment bien la question pour me prononcer, mais je trouve que l’on ne prend pas assez en compte le fait que les personnes refusent d’aller habiter dans les QPV. À Béziers, une proposition de logement en QPV sur deux est refusée par les demandeurs, qu’il s’agisse de personnes en difficulté ou de personnes issues des classes moyennes. Que faire ?

La commission rejette successivement les amendements.

La commission est saisie de quatre amendements pouvant faire l’objet d’une discussion commune : CE2253, CE2256, CE2254, CE2255 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous reprenons ce matin le débat entamé hier soir. Dans ce projet de loi, nous partageons certaines mesures, nous sommes opposés à d’autres, mais il y a un oubli : ce texte sur le logement n’essaie pas de régler le problème de la ghettoïsation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). C’est un problème spécifique, particulier, nous sommes d’accord sur ce point.

Il y a une contradiction entre la loi DALO, dont l’objet est de loger les plus défavorisés, ceux qui sont les plus éloignés du logement, et la lutte contre ghettoïsation des quartiers populaires. Si on règle le problème des mal-logés, on aggrave la ghettoïsation, et si on refuse les populations les plus fragiles dans les QPV, on aggrave le problème du mal-logement. C’est un drame français qui dure depuis des années et que nous ne parvenons pas à régler. Dans la loi égalité et citoyenneté, nous avons essayé de tenir les deux bouts du problème : régler le problème du mal-logement partout où l’on peut, dans la mesure du possible, mais ne pas concentrer les populations les plus fragiles dans les quartiers où elles sont déjà. Ce n’est pas évident : souvent, par facilité, on commence par régler le premier problème, mais du coup, on aggrave le second. Et la catastrophe nationale que nous connaissons ne fait que s’aggraver.

C’est pourquoi, dans la loi égalité et citoyenneté, nous avions proposé quelques mesures qui, nous l’espérons, seront reprises en séance. Avec ces quatre amendements, nous proposons d’empêcher les préfets de systématiquement envoyer toutes les populations en situation de mal-logement dans ces quartiers, de leur mettre des freins. Nous l’avons fait hier pour Action Logement, nous le ferons également pour les bailleurs avec les amendements qui suivent.

À cette fin, nous proposons par ces quatre amendements de mettre en place un système de quotas. Le terme peut fâcher, on peut parler de discrimination positive si vous préférez, mais nous avons la conviction que si nous ne le faisons pas, nous ne réglerons pas le problème.

Quand on parle de mixité sociale, c’est souvent pour dire que l’on va mettre des personnes en situation de fragilité dans les endroits où il n’y en a pas beaucoup. Mais on oublie toujours le parallèle, l’effet miroir : dans ce cas, il ne faut pas les mettre ailleurs. Il faut systématiquement avoir cette double vision, ce qui est compliqué parce qu’elle est parfois contradictoire. Nous avions commencé avec la loi égalité et citoyenneté ; je pense, monsieur le ministre, que vous y avez intérêt et que nous y avons collectivement intérêt. C’est cet aspect très spécifique qui manque à ce projet de loi, et si vous faites l’effort, d’ici à la séance, d’accepter certains amendements, on ne pourra vous reprocher d’avoir oublié la ghettoïsation des QPV. La semaine où le Président de la République va s’adresser aux quartiers, le 22 mai, serait un bon moment pour faire passer des messages positifs.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La loi égalité et citoyenneté est une bonne loi, récente. Je pense qu’il faut laisser du temps pour qu’elle s’applique et en voir les premiers retours. Toutefois, au vu de vos arguments, je pense qu’il y a en effet un sujet à travailler concrètement ensemble. Je vous propose donc de retirer vos amendements pour en discuter et voir jusqu’où nous pouvons aller.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis, les débats hier ont été extrêmement riches sur ce point. Le sens de la loi est aussi d’améliorer la mobilité et la fluidité, et surtout de ne pas aggraver le phénomène que vous décrivez et qui perdure depuis des années. Il faut trouver le juste équilibre en tenant compte de la loi égalité et citoyenneté, qui a été votée assez récemment. Je vous proposerai aussi de retirer ces amendements pour que nous puissions travailler collectivement – j’insiste sur le terme – d’ici à la séance publique, pour trouver les meilleurs points d’équilibre.

M. Robin Reda. Monsieur le secrétaire d’État, j’interviens pour la clarté de nos débats, et pour que les choses soient limpides entre nous. Notre collègue Pupponi parle depuis hier des questions de mixité sociale, qui rejoignent évidemment celles de rénovation urbaine et les consignes de l’État à l’endroit de sa représentation locale.

Aujourd’hui, le journal Le Monde publie une tribune de plusieurs présidents de région, dont Valérie Pécresse et Hervé Morin, invitant le Président de la République à faire appel aux pouvoirs locaux pour l’application des propositions du plan Borloo. Or nous venons d’apprendre sur la radio France Info – c’est l’information que je vous demande de confirmer ou de compléter – que le Président reporterait les annonces prévues le 22 mai sur la déclinaison du plan Borloo, voire enterrerait totalement le rapport, ou du moins une grande partie.

Qu’est-il arrivé pour que le Président de la République ou le Gouvernement ne prenne pas la mesure des propositions importantes du plan Borloo ? J’ai été le premier à les juger insuffisantes, car il y manque un volet régalien fort pour restaurer l’autorité de l’État dans ces quartiers ; mais pourquoi un tel mépris à l’égard des maires de banlieue, qui ont été largement consultés ? Pourquoi ce mépris de la banlieue et de ses habitants ?

Le Gouvernement aurait intérêt à rapidement donner ses positions sur la banlieue, car s’il ne souhaite pas le cocktail de la réussite proposé par Jean-Louis Borloo, ce sont les cocktails Molotov qui reviendront dans les quartiers.

M. Stéphane Peu. Je partage les inquiétudes de M. Reda, je n’avais pas cette information.

Pour en revenir aux amendements de François Pupponi, je veux rappeler ce qui, pour une part, fait la force du logement HLM dans notre pays, et qui nous est d’ailleurs souvent envié par les pays étrangers. Il faut toujours faire attention quand on casse en France ce qui parfois doit simplement être amélioré, mais qui ne fonctionne pas si mal par rapport à ce qui se passe ailleurs.

Une des forces du logement HLM tient au fait que c’est un logement généraliste. Pas universel ni résiduel : généraliste. Quelle est la différence entre les trois ? Le logement universel s’adresse à tout le monde ; le logement résiduel s’adresse à la part la plus infime de la population, la plus en difficulté ; le logement généraliste s’adresse à 80 % du salariat de notre pays.

Voilà pourquoi, historiquement, le logement HLM a été un creuset d’intégration, un creuset de promotion sociale, un creuset de mixité sociale. C’est comme cela que les plus belles réussites issues de la méritocratie républicaine ont été possibles. Je pourrais vous citer, comme nous tous ici sans doute, 20 000 exemples de gens issus des quartiers populaires qui ont réussi à devenir des exemples pour l’ensemble de la République.

Depuis un certain nombre d’années – ce n’est pas propre à ce gouvernement – un mécanisme de ghettoïsation s’est développé. Toutes les élites de ce pays l’encouragent, ouvertement ou à corps défendant. Il faut à un moment donné dire stop : on ne mettra pas à l’abri des murs des quartiers populaires les gens les plus en difficulté de notre pays, en pensant qu’ainsi ils deviendront invisibles. On ne fera pas la France avec le modèle économique et social du Brésil. Un pays comme la France, qui prétend parler au monde de valeurs universelles, doit avoir d’autres ambitions que de copier ce qui se fait de pire dans le monde du point de vue de la mixité sociale.

M. François Pupponi. J’entends les demandes de retrait de la rapporteure et du secrétaire d’État, mais si vous dites que la loi égalité et citoyenneté étant récente, il faut laisser du temps pour en juger les effets, alors il faut en tirer les conclusions jusqu’au bout, et il ne fallait pas voter l’article qui supprime les conditions d’attribution de la QPV. On ne peut pas supprimer les seuls aspects favorables à la mixité sociale dans les quartiers parce qu’au bout d’un an, ça ne marche pas, et nous dire ensuite de retirer nos amendements parce qu’il faut laisser le temps à la loi de produire ses effets. Je veux bien retirer mes amendements et en discuter, mais si l’on considère que la loi égalité et citoyenneté est trop récente pour être modifiée, alors il ne faut pas y toucher.

M. Mickaël Nogal. Je m’inscris en faux par rapport aux propos tenus par les uns et les autres. Nous sommes en responsabilité depuis un an. Il y a un an, nous avons trouvé une certaine situation, avec des choses qui ont été bien faites, d’autres moins bien. Je suis élu à Toulouse, où se trouve le quartier du Mirail, et je connais bien les quartiers de la politique de la ville, je les fréquente quotidiennement. En l’occurrence, il y a une vraie détresse de la population. Mais cette détresse ne date pas d’un an ou deux, elle remonte à plusieurs décennies. Aujourd’hui, le Gouvernement, le Président de la République et cette majorité prennent leurs responsabilités et n’attendent pas les rapports des uns ou des autres, même s’ils peuvent venir nourrir le débat.

Je voudrais prendre quelques exemples pour montrer en quoi nous avons agi concrètement. Qui a proposé la police de sécurité du quotidien pour faire en sorte de recréer un lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population ?

M. Stéphane Peu. Zéro en Seine-Saint-Denis ! C’est uniquement pour les petits copains, Bayrou et Estrosi !

M. Mickaël Nogal. C’est notre majorité qui met en place cette police de sécurité du quotidien, à partir de septembre.

Qui a fait le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire ? C’est nous, pour lutter contre les déterminismes.

M. Stéphane Peu. C’est du pipeau ! Nous parlons de la loi ELAN ! Et sur ce sujet vous allez faire pire que tous les autres !

M. Mickaël Nogal. Vous vous êtes éloignés du projet de loi, je me permets aussi de faire un petit aparté.

M. le président Roland Lescure. Peut-on s’écouter les uns les autres, comme nous le faisons depuis quatre jours ?

Je préférerais en effet que l’essentiel de nos discussions porte sur le texte, il y a déjà eu des interventions plus générales ce matin, je laisse donc les groupes s’exprimer sur ces sujets plus généraux, et nous entrerons à nouveau dans le détail du texte.

M. Mickaël Nogal. Je précise que je n’interromps personne quand les collègues prennent la parole et que je n’interviens pas à chaque amendement ; je vais donc prendre un peu de temps pour développer mon propos et je vous remercie de m’écouter.

Je parlais donc de la police de sécurité du quotidien et du dédoublement des classes de CP et de CE1. Pourquoi faisons-nous cela ? Pour lutter contre les déterminismes et nous occuper de la population de ces quartiers.

Ensuite, lorsque nous prévoyons l’école obligatoire dès l’âge de trois ans, nous luttons aussi contre les déterminismes, car nous voulons donner les mêmes chances à tous. Vous pouvez le nier, en tout cas nous avons trouvé une situation dans laquelle la droite et la gauche ont leur part de responsabilité.

M. Stéphane Peu. Et vous, vous remettez cent balles dans la machine !

M. Mickaël Nogal. Ensuite, nous mettons en place les emplois francs. L’idée est de donner plus de chances aux personnes issues de ces quartiers en favorisant leur embauche.

Comment dire que cette majorité ne fait rien pour les QPV, alors que la situation que nous avons trouvée à notre arrivée n’était pas vraiment joyeuse ?

M. Stéphane Peu. On se croirait au Temple solaire ! Ou chez les témoins de Jéhovah !

M. Mickaël Nogal. Que chacun balaie devant sa porte ; j’aimerais que vous souteniez les mesures que nous mettons en place pour ces quartiers.

M. le président Roland Lescure. Rappelons les règles. J’ai considéré, à tort ou à raison, qu’un certain nombre de groupes – Les Républicains ont commencé, M. Peu a continué – avaient la volonté de s’inscrire dans une logique plus générale sur ce texte et la politique de la ville. Le plan Borloo a été mentionné, et à ce stade, il n’est pas directement lié à ce projet de loi. J’ai donc décidé de laisser un peu plus de temps aux orateurs, de les laisser s’exprimer de manière plus générale pour bien commencer cette journée avant d’entrer dans le détail de ce texte.

M. François Pupponi. C’est réussi ! (Sourires.)

M. le président Roland Lescure. Je dois avouer que pour l’instant, je peux me donner une bonne note ! (Sourires.)

Pour continuer en beauté, plusieurs intervenants ont demandé la parole, puis le secrétaire d’État répondra.

M. Thibault Bazin. Revenons à l’amendement de M. Pupponi. Nous sommes en plein dans le sujet, car il y est bien question de la ghettoïsation des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Cette question est fondamentale. La vraie mixité serait de faire du PLS, du PLUS, et du PLAI. Parmi les publics éligibles aujourd’hui, dans certains immeubles, on a entassé des populations complètement déconnectées du marché du travail et des réalités sociales, et ces concentrations posent vraiment souci. Nous n’arrivons plus à faire fonctionner l’accession dans ces quartiers. Même quand des politiques comme les ZAC ont été mises en place, nous n’avons pas trouvé les dispositifs efficaces pour « déghettoïser ». Cet amendement a au moins le mérite de poser le débat sur un sujet essentiel : il ne faut pas concentrer les populations les plus démunies. Dans le logement social, il faut distinguer le social, le moyennement social, et le très très social.

Mme Laure de La Raudière. C’est très important.

M. Thibault Bazin. Et la fiscalité ne distingue pas le très social et le social. Certes, vous pourrez me renvoyer à la loi de finances, mais l’intervention de mon collègue Robin Reda est essentielle, car on ne peut pas ne pas évoquer ces sujets, et on ne peut pas le faire sans parler des moyens.

La question des moyens que l’État compte consacrer aux politiques de la ville est cruciale. On ne peut pas se satisfaire de litanies, de paroles, sans jamais d’actes.

M. Robin Reda. Sans être redondant, permettez-moi de dire que nous sommes complètement dans le sujet. Le premier programme proposé par Jean‑Louis Borloo, c’est la qualité urbaine pour tous. Il cite la rénovation urbaine, en appelant faire revenir les grues dans nos quartiers ; il est vrai que de nombreux programmes de rénovation urbaine ont trop traîné, à traiter les problèmes de copropriétés dégradées, à s’occuper des marchands de sommeil et des commerces locaux. Il me semble que ce sont tous les sujets à propos desquels nous sommes appelés à nous prononcer dans ce projet de loi.

Mais si le Président de la République reporte ses annonces et enterre le plan Borloo, nous aurons beau légiférer sur ces sujets et mener un débat de bon niveau qui permet d’aborder tous les sujets, aucun moyen ne sera annoncé par le Président de la République qui, visiblement, n’a pas envie de s’occuper des banlieues.

M. Stéphane Peu. Pour m’en tenir au texte, depuis le début, nous avons discuté de plusieurs mesures qui risquent d’aggraver la ségrégation sociale, et donc de renforcer la ghettoïsation, mais je n’en ai vu aucune qui contribue à résorber ces phénomènes. On peut séparer et saucissonner les dispositions, c’est un grand texte qui traite de beaucoup de choses, mais si l’on s’attache à la cohérence d’ensemble, du point de vue de la ségrégation sociale et des quartiers prioritaires de la politique de la ville, on n’y trouve que des éléments d’aggravation, aucun élément permettant de résorber la fracture. Nous pourrons l’illustrer plus largement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. La matinée commence bien…

Monsieur Pupponi, je demande le retrait de vos amendements ; je pense que c’est cohérent avec mes autres positions, notamment sur le rôle des commissions d’attribution des logements (CAL) au niveau de l’EPCI. Je pense que peu se seraient engagés, comme je l’ai fait, à vous donner de manière transparente les évaluations dont je dispose sur les CAL, et à s’en remettre à la sagesse du Parlement au regard de cette évaluation. Je pense qu’il y a une cohérence dans mes propos, et tous les débats au sein de cette commission montrent que l’on peut être constructif sur le sujet.

Cela nous amène à vos propos, monsieur Peu : vous avez mille fois raison de pointer toute mesure qui pourrait aggraver la ghettoïsation. Ce n’est absolument pas l’objectif de ce texte, bien au contraire. Il faut faire en sorte que ce texte n’aggrave pas la ghettoïsation, je crois profondément que c’est le sens des travaux que nous conduisons depuis hier après-midi sur ce point, et il y a encore à faire.

Monsieur Bazin, je ne suis pas d’accord avec vous sur la question des moyens. Vous parlez de la fiscalité en fonction de la typologie des logements sociaux, souvenez-vous de ce que nous disions hier, à propos de la Société Foncière Solidaire et des décotes : le pourcentage de décote est directement corrélé aux typologies de logements sociaux. De la même manière, la libération du foncier se fait avec un pourcentage plus ou moins fort en fonction du type de logement.

Surtout, et cela fait écho à votre entrée en mêlée ce matin, monsieur Reda, c’est lié à ce que nous sommes en train de faire pour la politique de la ville. La politique de la ville est une question de moyens, mais c’est tout sauf uniquement cela. Une des plus grandes difficultés que nous ayons eue ces dernières années tient au fait que l’on a beaucoup trop associé tout cela à une politique de moyens. M. Pupponi le sait très bien, la question de l’ANRU et le retour des grues dans les quartiers ne sont pas une affaire d’argent. Il y a beaucoup d’argent, la question est de savoir comment le débourser beaucoup plus rapidement. Résumer la politique de la ville au montant des chèques que nous mettrions en amont des QPV serait une grave erreur d’analyse, et ce n’est pas ce que demandent nos concitoyens qui habitent dans ces quartiers. Beaucoup de corps intermédiaires réclament plus d’argent dans les quartiers, mais beaucoup d’habitants expliquent que ce n’est pas une question de moyens : ce qu’ils demandent concrètement, c’est de savoir quels seront les services à leur disposition, et quand reviendront les grues.

Monsieur Reda, votre entrée en mêlée sur le thème : « quand le Président de la République va-t-il s’occuper des banlieues ? » me semble déplacée et totalement contraire à la réalité. Je connais le Président de la République depuis longtemps, j’étais avec lui au ministère de l’économie, et je pense que peu de ministres de l’économie se sont autant impliqués que lui sur la politique de la ville, dans un champ ministériel qui n’était d’ailleurs pas du tout le sien.

Peu de présidents de la République se sont impliqués sur le sujet de la politique de la ville à d’autres moments qu’au lendemain d’une émeute ou d’une difficulté dans les quartiers. Et je ne suis pas sûr que les présidents de la République issus du camp que vous représentez aient fait ce travail à l’époque.

Vous fondez vos propos sur le rapport de Jean-Louis Borloo. M. Mézard et moi‑même le connaissons bien : M. Borloo est resté dans nos bureaux pendant six mois. Cette mission, c’est nous qui la lui avons demandée. Vous mentionnez les marchands de sommeil, comparez les mesures proposées dans le plan Borloo et celles prévues dans le projet de loi, vous verrez qu’il y a une très forte ressemblance. Nous avons travaillé nuit et jour avec Jean-Louis Borloo, et je salue son travail, nous avons aussi travaillé avec d’autres, nous avions dix groupes de travail sur nombre de sujets différents : nous étions par exemple hier auprès du Conseil national de la ville, qui nous a remis des cahiers de la concertation, issus du travail de dizaines de personnes pendant six mois.

La question n’est pas « plan Borloo » ou « pas plan Borloo ». Un travail collégial a été entrepris depuis huit mois, avec une dynamique de tous les acteurs, avec des difficultés que M. Peu évoquait tout à l’heure, telles que les décisions que nous avons prises sur les emplois aidés, certaines qui apparaissent maintenant, d’autres qui existent depuis longtemps sur le terrain, comme le disait M. Nogal. Mais en aucun cas la politique de la ville de ce Gouvernement ne se résume à un rapport.

La politique du Président de la République est totale et se résume en un point : comment faire pour remettre la République au cœur des quartiers ? Comment faire pour que demain, tous aient accès aux mêmes services, où qu’ils habitent ? La République est exigeante, mais elle doit être la même pour tous les Français. Ni plus ni moins. Ce discours du Président de la République ne date pas d’aujourd’hui, il n’a pas attendu un rapport, et cette politique n’est pas dépendante d’une information de France Info annonçant que le Président aurait décidé de ne pas parler des banlieues, et que vous relayez aussitôt.

Nous avons énormément travaillé avec Jacques Mézard sur la partie du texte consacrée au logement, énormément échangé avec les différents acteurs de la politique de la ville, énormément animé. Il y a eu des moments compliqués, je vous l’accorde, et des positions parfois totalement antinomiques ; mais nous avons recréé une dynamique en replaçant les acteurs autour de la table, nous parlons des quartiers, des solutions ont déjà été mises en place – M. Nogal les a évoquées – et d’autres vont venir dans d’autres secteurs, alors même qu’aucun événement tragique n’est survenu dans les quartiers. Notre objectif est de faire renaître l’espérance dans les quartiers, et d’éviter des phénomènes tels que ceux nous avons pu connaître par le passé.

Depuis maintenant vingt-quatre heures, nos débats sont passionnants, mais chaque fois que l’on parle des quartiers, on parle de ghettoïsation, d’abandon et d’éléments tragiques. Vous êtes beaucoup à le savoir, il se passe aussi de très belles choses dans les quartiers, M. Peu ne me contredira pas : ainsi, la Seine-Saint-Denis est l’un des départements qui compte le plus d’entrepreneurs en France, et notre rôle est de faire émerger ces talents et de mettre en avant tous les héros qui s’y trouvent.

M. François Pupponi. Monsieur Nogal, depuis trois jours, le débat est d’un certain niveau et nous ne sommes jamais permis d’attaques politiques frontales sur la politique du Gouvernement et de sa majorité. Pour ma part, je n’ai pas déposé un seul amendement de suppression d’un des articles. J’ai proposé des amendements pour essayer d’améliorer les choses, en fonction de ce que nous pensons. Et je n’ai jamais critiqué ce qui a été fait par ce Gouvernement dans les banlieues, car je pense que cela va dans le bon sens. Je l’ai dit au Président de la République, qui a fait en sorte que les dotations aux collectivités augmentent. Je l’en ai personnellement remercié : c’était un engagement qu’il avait pris, et il l’a tenu.

Les emplois francs, que nous avons inventés, vous l’avez fait. Je l’ai salué.

Les classes de CP à douze, nous en sommes très contents, cela se passe très bien.

Jamais vous n’entendrez de ma part une critique sur ce qui a été fait depuis le début. Mais j’ai quand même le droit, sur un texte aussi important que le projet de loi ELAN, de dire que sur le sujet des QPV, il y a un manque. Je ne vais pas critiquer ce qui a été fait sur le reste, mais vous n’abordez pas le problème de la ghettoïsation des QPV. Je ne dis pas que c’est une volonté délibérée et que c’est mal ; je fais seulement un constat et je propose des amendements que je crois de nature à améliorer le texte.

Nous avions une autre option, monsieur Nogal : nous pouvions déposer des amendements, venir les défendre en faisant semblant, vous laisser les repousser et sortir faire des déclarations de presse pour dire : « Voyez les méchants, ce qu’ils ont fait ! » Sur ces sujets de ghettoïsation, qui mettent à mal la République, jamais je n’ai joué à ce jeu, que ce soit avec la droite ou la gauche. Jamais. J’ai toujours essayé d’alerter tous les Gouvernements sur la situation dramatique dans laquelle nous sommes, et de proposer les solutions pour l’améliorer. Et je pense être dans mon rôle de parlementaire.

Je répète donc aux ministres présents que dans ce texte, il y a un manque. Comment revenir sur la ghettoïsation des QPV ? Il y a des solutions, nous en proposons, le secrétaire d’État nous propose de nous revoir cette semaine pour en parler, je l’en remercie. La loi égalité et citoyenneté était un premier pas, il faut en faire d’autres. Si effectivement, dans une semaine, nous arrivons à trouver un consensus pour améliorer la situation et aller dans le bon sens, je le saluerai. Si, malheureusement, nous n’y arrivons pas, nous dirons publiquement ce que nous en pensons. Cela fait partie de la démocratie, c’est normal.

Sincèrement, nous avons peut-être beaucoup parlé avec M. Peu, mais nous avons surtout proposé beaucoup d’améliorations pour faire en sorte d’aller dans le bon sens. Je le répète, s’il est un sujet sur lequel il ne faut pas faire de basse politique, c’est la politique de la ville. Parce que quand la République est en danger, il faut savoir se rassembler.

Je retire mes amendements.

Les amendements sont retirés.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je vous prie d’excuser mon retard, mais j’étais justement à une réunion de travail qui s’est un peu prolongée avec la ministre des sports et Jean-Philippe Acensi sur les dossiers concernant justement la politique de la ville.

Monsieur Pupponi, je voulais d’abord vous remercier de vos derniers propos, car c’est un sujet sur lequel notre attachement commun aux plus grandes valeurs républicaines impose d’exclure un certain nombre de considérations qui ne vont pas dans l’intérêt général, et je vous sais gré des paroles que vous venez de tenir, car pour avoir été directement impliqué dans ces dossiers, vous en avez l’expérience.

C’est pour le Gouvernement primordial, car ce qui se passe dans un certain nombre de quartiers est un véritable enjeu national. Il faut surtout éviter toute sorte de discrimination, car à force de désigner tel quartier ou tel territoire, on ne rend pas service à la cause commune. Par contre, il y a des actions à mener, à prioriser, et il n’y a pas de solution miracle. Nous en sommes conscients, sinon cela fait belle lurette qu’elles auraient été mises en place. Par contre, il faut essayer de tirer la substantifique moelle de nombre de propositions pour déboucher sur des actions. C’est ce que nous sommes en train de faire.

J’ai tenu à ce que nous confiions une mission à Jean-Louis Borloo. Il a travaillé, nous avons mis des équipes à sa disposition, des groupes de travail ont permis de recueillir 15 000 contributions dans 75 départements ; ce n’est pas rien. Tout cela a permis de mettre en valeur un certain nombre de propositions, et nous allons continuer dans le sens de la coconstruction.

Hier, en remettant les cahiers de la coconstruction au Conseil national de la ville, nous avons poursuivi cette façon de travailler dans la concertation. C’est difficile, et vous en savez quelque chose, monsieur Pupponi, mais ainsi que d’autres ici. Et, reconnaissons-le aussi, beaucoup de travail a été fait, je vous en ai rendu hommage et je ne le regrette pas.

M. François Pupponi. Nous avons tous essayé de faire des choses.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Beaucoup de travail a été fait, des quartiers ont été changés et ils se sont améliorés. Mais le béton ne suffit pas. Il faut relancer la dynamique, et ce doit être un enjeu commun aux collectivités locales, au monde de l’entreprise, aux associations, il faut regrouper les efforts.

Il y a eu des améliorations, mais malheureusement, dans un certain nombre de quartiers, que l’on peut considérer comme minoritaires, la situation s’est aggravée, et pour des raisons que nous connaissons : le diagnostic est assez globalement partagé. Face à cette situation, nous devons prendre des mesures accélérées, mais il n’y a pas de solution miracle. Il faut se mettre d’accord sur un certain nombre de procédures accélérées et d’actions qui permettront d’améliorer la situation des gens qui y vivent, dont certains sont totalement coupés du reste du pays, avec des télévisions branchées sur l’étranger, des problèmes de communication, de langage, d’illettrisme. Vous le savez tous, ce diagnostic est partagé, et nous essayons de mettre en place un certain nombre de solutions. Vous-mêmes vous y êtes efforcés, comme tous les gouvernements successifs, mais il n’en reste pas moins qu’en France, comme dans un certain nombre de pays, nous restons confrontés aux mêmes difficultés.

Nous essayons de mettre en place des solutions pragmatiques. Nous ne serons pas forcément tous les jours d’accord, il est possible que vous nous fassiez part dans quelques jours de votre désaccord avec le contenu du texte, mais c’est la démocratie : permettre l’expression des uns et des autres. Le secrétaire d’État a dit que nous travaillerions encore et que nous échangerions sur ce sujet dans les jours qui viennent, nous le ferons dans une volonté d’écoute, puis nous tirerons les uns et les autres nos conclusions, dans le respect des différentes expressions.

La commission est saisie de l’amendement CE2252 de
M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement porte sur la préférence communale, toujours sous le prisme des QPV. Dans ces villes, nous avons besoin de stabiliser les populations et de faire en sorte que quelqu’un y travaille, s’y est stabilisé, y a grandi, puisse y rester. Le drame de ces quartiers est que sitôt que quelqu’un a réussi, il s’en va, et est remplacé par quelqu’un qui est plus en difficulté.

Nous proposons de prévoir une préférence locale, pour que lorsque quelqu’un veut rester dans sa ville, on puisse faire en sorte de le garder, à qualité de dossier égal. Le départ de ceux qui réussissent est toujours vécu comme un drame, et cause des difficultés puisque ceux qui les remplacent sont toujours plus en difficulté.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est satisfait par le droit issu de la loi égalité et citoyenneté. La préférence communale dans les attributions de logements sociaux peut être un motif de discrimination et un frein à la mixité sociale au sein des agglomérations, comme l’a indiqué le Défenseur des droits.

La loi égalité et citoyenneté n’interdit pas aux CAL de prendre en compte ce critère. Il interdit simplement de l’utiliser comme seul motif d’exclusion alors que le logement est adapté aux besoins et aux capacités du demandeur. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce sujet nous a beaucoup occupés lors de la préparation de la loi. Il y a deux cas de figure, celui des QPV que vous évoquez, monsieur Pupponi, et celui des réservataires dans des territoires ruraux où, pour d’autres raisons, on peut trouver exactement les mêmes problématiques.

Je suis convaincu que ce n’est pas un problème que l’on peut régler par la loi. Ce n’est pas parce que la loi prévoit une préférence communale qu’elle s’appliquera sur le terrain.

M. Stéphane Peu. Je pense tout le contraire. Aujourd’hui, des lois successives ont rendu de plus en plus compliquée la prise en compte de cette réalité.

C’est un vrai drame. Nombreux sont ceux qui ont nourri l’illusion – j’en fus moi‑même peut-être à une époque – que la mixité sociale dans les quartiers se ferait par l’apport d’une population extérieure ; c’est une illusion totale. L’un des premiers enjeux pour préserver la mixité sociale dans les quartiers est de permettre à ceux qui ont réussi et qui souhaitent rester de le faire. Or les mécanismes d’attributions de logements, les contraintes des contingents, les règles d’éligibilité font que ce n’est pas possible. Je peux entendre que ce ne soit pas une règle absolue pour toutes les attributions sur tout le territoire national. Mais dans les territoires où l’on a 20 % ou 30 % de QPV, la loi doit prévoir une dérogation afin de permettre aux populations du cru d’être traitées de manière prioritaire dans les attributions. C’est ainsi que l’on évitera l’hémorragie dans les quartiers.

M. François Pupponi. Un des meilleurs moyens de favoriser la mixité sociale dans ces quartiers, c’est d’élever le niveau social des populations : si le niveau social des populations augmente, la mixité sociale augmente.

Le drame, c’est que chaque fois qu’un logement se libère dans le quartier, le préfet et le directeur des cohésions sociales récupèrent ce logement pour y placer des bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO). Et aux enfants des locataires, qui ont été à l’école de la République, que nous avons soutenus et encadrés, qui ont réussi et qui veulent rester, on répond qu’ils ne sont pas prioritaires, et ce sont les DALO du département d’à côté qui prennent la place. Et non seulement cela crée un sentiment d’injustice insupportable, mais cela paupérise la ville. Lorsque des gens stabilisés qui ont des revenus veulent rester en ville, il faut pouvoir les garder. C’est une manière de faire de la mixité sociale grâce aux populations stabilisées.

Je peux vous multiplier les exemples où le préfet réquisitionne les logements et nous envoie les DALO, tous les jours. Et en rigolant ! Et les enfants du quartier viennent nous expliquer qu’ils ont grandi ici, qu’ils ont fréquenté ces écoles, mais qu’on leur dit de partir.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, je suis totalement d’accord avec ce que vous dites, et je suis encore plus d’accord avec M. Peu : on a longtemps cru qu’il suffisait de dire à des gens plus riches de venir s’installer dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Et ce faisant, on s’est totalement planté.

La question est : comment fait-on concrètement ? Vous vous souvenez que dans un article précédent, nous avons proposé qu’une cotation soit mise en place, et que les critères de cette cotation soient définis au niveau local par l’EPCI. C’est déjà prévu dans l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation, et il faut vérifier que cet article prenne bien en compte la localisation. Ensuite, c’est aux EPCI de déterminer la pondération de ces différents critères. Mais pour ma part, je ne crois pas que la loi puisse fixer d’emblée ces critères.

M. François Pupponi. C’est en cela que nous ne sommes pas d’accord.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En revanche, il faut vérifier que la loi donne bien la possibilité de le faire au niveau des territoires.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de deux amendements pouvant faire l’objet d’une discussion commune, CE2125 de Mme Mathilde Panot et CE2124 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Bénédicte Taurine. Ces deux amendements se rattachent au projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes débattu en ce moment en séance publique.

L’amendement CE2125 propose d’étendre le domaine d’application de l’ordonnance de protection à toutes les personnes d’une famille vivant dans le même domicile, et de préciser que les violences visées dans l’article 515-9 du code civil sont : « de toute nature, y compris sexuelles ».

En conséquence de cette extension, il est proposé de modifier l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation afin de donner à toutes les personnes protégées par une ordonnance de protection une priorité dans l’attribution des logements sociaux.

Les victimes de violences et d’infractions sexuelles doivent être mieux protégées. Il nous paraît donc important d’offrir à tous les membres de la famille qui résident au même domicile et qui subissent une situation de violence une meilleure protection, ce qui passe par l’attribution d’un nouveau logement social.

En moyenne, 84 000 femmes sont victimes de viol chaque année, et 45 % des agresseurs étaient le conjoint ou l’ex-conjoint. Souvent, l’absence d’une solution d’hébergement alternatif pousse les victimes à rester près de leur agresseur et à ne pas déposer plainte. Nous demandons que la loi garantisse la sécurité aux victimes de viol et d’agression sexuelle, notamment en facilitant l’accès à un logement social.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE2125 va au-delà de la simple question des priorités d’attribution pour un logement social, puisqu’il modifie la définition de l’ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dans le code civil. Je crois que cette question doit être débattue devant la commission des lois.

Par ailleurs, l’article L. 441-1 du CCH prévoit déjà que les personnes victimes de violences conjugales sont prioritaires pour l’attribution d’un logement social. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Quant à l’inclusion des personnes victimes de violences conjugales ou de traite des êtres humains dans la liste des publics prioritaires, elle se justifie par la nécessité de se séparer de l’agresseur qui peut résider au même domicile. Cela n’est pas nécessairement le cas dans toutes les affaires de viol. La définition de l’article L. 441-1 me semble donc suffire. Je demande également le retrait de l’amendement CE2124.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il s’agit d’un point essentiel mais notre analyse juridique, que nous tenons bien entendu à votre disposition, rejoint celle de la rapporteure : il est déjà pris en compte dans les ordonnances. Je considère donc que vos amendements sont satisfaits et je vous suggère de les retirer.

Mme Bénédicte Taurine. Madame la rapporteure, vous me renvoyez à la commission des lois mais, lors de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la même commission des lois m’avait répondu que ces amendements devaient être déposés dans le cadre d’un texte sur le logement… Quant à vous, monsieur le secrétaire d’état, vous me dites que la solution existe déjà. Je pense que tel n’est pas le cas ; je vais donc maintenir mes amendements.

La commission rejette successivement ces deux amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement CE548 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. La loi prévoit que les commissions d’attribution tiennent compte, dans leur processus de décision, du taux d’effort, dont le calcul est harmonisé par décret. Ce taux peut avoir un impact important, notamment lorsque l’insuffisance des ressources motive le refus d’attribution. Or le demandeur n’a aucun moyen de savoir quels éléments ont été pris en compte pour ce calcul et il ne peut donc pas en apprécier la pertinence ou corriger certaines erreurs. Il est donc proposé, par cet amendement, que le calcul soit joint à la proposition de logement et à la décision de la commission d’attribution, afin de favoriser la transparence voulue par le Gouvernement dans le processus d’attribution des logements sociaux et de permettre au demandeur de mieux comprendre les motifs de la décision d’attribution de logement.

J’ajoute que la ghettoïsation des QPV est due, me semble-t-il, à l’opacité de la gouvernance du parc social et au manque de transparence de la procédure d’attribution des logements sociaux. Or, le projet de loi permet d’améliorer cette situation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je comprends l’objectif de votre amendement, mais inscrire une telle disposition dans la loi ne me semble pas nécessaire. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement CE833 de
M. Pierre Cordier.

M. Thibault Bazin. Je ne veux pas remettre une pièce dans la machine, messieurs les ministres, mais je ne peux pas ne pas défendre cet excellent amendement de mon collègue Cordier, dont je rappelle qu’il est élu de Charleville-Mézières, une ville en souffrance.

Aux termes de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, au moins 25 % des attributions réalisées hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville doivent bénéficier à des ménages appartenant aux 25 % des ménages les plus pauvres demandeurs d’un logement social et aux personnes relogées dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain. Cet objectif n’est, hélas ! pas atteignable, notamment dans les secteurs détendus. Il vous est donc proposé de ramener ce taux à 10 %

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Tout d’abord, je me félicite que M. Cordier ne demande pas un rapport au Gouvernement. (Sourires.)

M. Thibault Bazin. Si vous le cherchez, il va s’arranger pour vous en demander un d’ici à la séance !

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Plus sérieusement, comme l’indiquait M. Peu, on a longtemps cru que l’on favoriserait la mixité sociale en installant des personnes plus aisées dans les quartiers les plus pauvres. Or, la véritable solution est plutôt de permettre aux personnes les moins aisées de résider dans les quartiers les plus aisés. Je suis donc totalement opposé à cet amendement.

M. François Pupponi. Déjà, porter le taux à 25 % n’était pas un effort considérable, alors l’abaisser à 10 % ! Néanmoins, je comprends la difficulté. Certains collègues disaient, hier : « Si on ne les met pas chez vous, où les met-on ? » C’est toute la question… Et comme personne ne veut y répondre depuis quarante ans, on continue. Cette mesure, c’est vrai, ne règle pas le problème. Elle règle peut-être le nôtre, et nous disons aux autres : « Débrouillez-vous ! ». Ce n’est peut-être pas sympathique, mais c’est ainsi.

Mme Do soutient que la ghettoïsation est due à l’opacité de la procédure d’attribution. Pas du tout ! Dans les QPV, l’attribution des logements est d’une limpidité extrême : le 1 % logement n’est plus capable d’en attribuer à des salariés, même si la situation s’est améliorée depuis sa réforme ; le préfet y met systématiquement les personnes relevant du droit au logement opposable (DALO) et les bailleurs sociaux des « APLisés » car, ainsi, ils sont sûrs de toucher le loyer. C’est précisément parce que c’est limpide qu’il faut maintenant en finir avec cette machine infernale : chacun a son quota, et chacun en rajoute un peu plus chaque mois…

La commission rejette l’amendement.

Les amendements CE2257, CE2259 et CE2258 de M. François Pupponi sont retirés.

La commission examine l’amendement CE546 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. La loi a fixé des objectifs d’attribution de logements aux personnes prioritaires pour le logement social et aux personnes relevant du DALO et défini des règles précises pour l’utilisation des logements réservés ou non à ces publics. Néanmoins, il règne une certaine obscurité autour de l’application de ces mesures. Cet amendement a donc pour objet de demander aux préfets de fournir chaque année un rapport précis sur le respect de ces règles, notamment des quotas légaux, et sur le contrôle qu’ils exercent sur les organismes concernés. Le Gouvernement fournirait un rapport de synthèse au Parlement sur la base des rapports départementaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Votre amendement tend à supprimer l’alinéa 27 de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, qui dispose que le Gouvernement publie annuellement des données statistiques relatives à l’application des règles d’attribution à l’échelle de chaque EPCI concerné.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Pour mesurer à quel point les préfets alimentent la machine à discriminer et à ghettoïser, il serait intéressant – je ne crois pas que cela figure dans l’étude d’impact – de dresser un état des lieux des attributions DALO par les préfectures, ne serait-ce qu’en Île-de-France. Je peux déjà vous en fournir quelques éléments, au moins pour deux départements : on attribue 8 % de logements DALO dans les Hauts-de-Seine, 26 % en Seine-Saint-Denis…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE541 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Actuellement, la loi ne permet pas aux personnes en situation de handicap de faire appel sans délai à la commission DALO si elles ne bénéficient pas d’un logement adapté. En effet, elles devraient, pour cela, être en sur-occupation ou loger dans un habitat indigne. Or, en France, 850 000 personnes demandent une adaptation de leur logement au handicap. Bien que prioritaires pour le logement social, elles ne peuvent faire appel à la commission de médiation. Cela peut paraître injuste pour des personnes dont les conditions de vie sont largement entravées par leur handicap.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’examen des amendements CE1848 et CE1849, tous deux de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1848 est défendu. Je souhaite insister sur le CE1849, qui rejoint l’amendement de Mme Do et qui me paraît plus important. La loi DALO comporte, selon nous, un défaut originel, celui de ne pas prendre en compte le handicap. Or, lorsque le logement d’une personne n’est pas adapté à son handicap, on peut considérer que sa demande de logement doit être prioritaire et qu’à ce titre, elle doit être éligible au dispositif DALO.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable sur l’amendement CE1848 : la composition de chaque collège ne relève pas de la loi mais du niveau réglementaire ou des circonstances locales. Même avis sur le CE1849 : je ne crois pas que la voie du DALO soit la plus adaptée.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Si la loi DALO n’est pas adaptée, quelle loi l’est pour les handicapés ? Plusieurs critères sont prévus pour l’attribution de logements au titre du DALO : il suffit d’y ajouter celui du handicap. Si l’on s’accorde sur le caractère prioritaire d’une telle demande, je ne vois pas d’autre « couloir » que le DALO pour la prioriser. Je trouve que vous me renvoyez un peu facilement dans mes buts…

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il me semble que le handicap figure déjà parmi les critères de la loi DALO, au point qu’on peut se demander ce que votre amendement ajouterait au droit existant. Mais je vous propose que nous vérifiions ce point.

M. Stéphane Peu. Précisément, j’indique, dans l’exposé sommaire de l’amendement, que, s’agissant du handicap, les critères de priorité définis dans le code de la construction et de l’habitation ne correspondent pas à ceux de la loi DALO. L’objet de l’amendement est donc de les faire coïncider, de façon que le critère du handicap ouvre droit à la « labellisation DALO » et que les personnes concernées puissent ainsi être relogées sur ce contingent.

Mme Stéphanie Do. J’ajoute, pour compléter les arguments de M. Peu, qu’en circonscription, nous recevons beaucoup de demandes relatives à cette problématique et que, lorsque nous nous tournons vers le préfet, celui-ci nous répond que le handicap n’est pas pris en compte dans le dispositif DALO. Et il s’agit vraiment de cas concrets.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Peu, il me semble que le DALO prend en compte non seulement le handicap mais aussi le fait d’avoir à charge une personne en situation de handicap, comme vous le proposez par votre amendement. Nous allons donc vérifier que tel est bien le cas. Ne prenez pas notre avis défavorable comme un refus : notre analyse était tout simplement que cette situation était déjà prise en compte.

M. Stéphane Peu. Vous venez d’évoquer les familles qui ont à leur charge une personne atteinte de handicap. C’est en effet une question très sérieuse, qui prend actuellement une dimension importante avec la problématique de l’autisme. Récemment, dans ma circonscription, un enfant est mort après s’être défenestré du neuvième étage pour rattraper son doudou tombé par la fenêtre. Des familles qui ont à leur charge un enfant autiste font des demandes de relogement au rez-de-chaussée ou au premier étage. Or, cette maladie n’est absolument pas prise en compte, non plus que les autres handicaps, dans le cadre de la loi DALO. Lorsque nous attribuons des logements pour répondre à ces situations d’extrême urgence, nous le faisons donc en sus de notre contingentement DALO, ajoutant ainsi des priorités aux priorités, au point d’asphyxier totalement le système. Et surtout, l’urgence n’est pas prise en compte.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE1798 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis favorable à l’esprit de votre amendement. J’en ai, du reste, déposé un similaire, qui sera présenté après l’article 43. La réorientation du DALO vers le droit à l’hébergement opposable (DAHO) est contraire à la politique du « logement d’abord ». Toutefois, le DAHO inclut des logements de transition, des logements-foyers ou des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS), qui se rapprochent du logement. Je proposerai donc que seule soit soumise à l’accord du demandeur la réorientation vers une structure d’hébergement. En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

M. Stéphane Peu. Je remercie la rapporteure. Je relève que, moins je défends mes amendements, plus elle est d’accord avec moi. Peut-être faut-il que j’envisage de changer de méthode… (Sourires.)

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE957 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Thibault Bazin. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes très soucieux de la pacification des relations entre locataires et bailleurs, j’appelle votre attention sur cet amendement important. En théorie, la loi permet au propriétaire de retenir sur le dépôt de garantie les sommes dues au titre des réparations locatives, à condition que ces sommes soient « dûment justifiées ». En pratique, les différentes réponses apportées tant par la Cour de cassation que par le Gouvernement se contredisent et ne permettent pas de sécuriser le cadre juridique.

Puisque, on le sait, les propriétaires réalisent parfois eux-mêmes les travaux, cet amendement vise donc à permettre les retenues sur le dépôt de garantie sur présentation de tout document justifiant de la réalité des travaux effectués par le bailleur lui-même ou par une personne qu’il a mandatée pour ce faire. Des photographies, des factures d’achat de fournitures lui permettront de justifier de la réalité de ces travaux s’il les effectue lui-même. Par ailleurs, la contestation reste possible dans le cas où le preneur estime que les travaux réalisés ne justifient pas le montant de la retenue sur le dépôt de garantie.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Cette question relève de la jurisprudence qui est, selon moi, très claire : le propriétaire doit fournir les justificatifs des sommes retenues sur le dépôt de garantie et ne peut donc pas retenir une somme forfaitaire. La Cour de cassation juge que la seule production d’un devis est suffisante pour justifier les sommes dues. En revanche, le juge n’est pas tenu par ce devis s’il l’estime excessif.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure. Pour avoir souvent plaidé ce type de dossiers, je sais que les juridictions ont les moyens de trancher ce type de litiges sans difficultés particulières.

La commission rejette l’amendement.


 

Chapitre II
Favoriser la mixité sociale

Avant l’article 39

La commission est saisie de l’amendement CE168 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. La loi dispose que 25 % des logements du parc social hors QPV doivent être attribués aux 25 % des personnes les plus en difficulté. Cet amendement vise, non pas à modifier ce seuil, mais à faire en sorte qu’il puisse être discuté, dans chaque territoire, avec les représentants de l’État : situation n’est pas la même à Charleville-Mézières, chez Pierre Cordier, et à Aulnay-sous-Bois, chez Alain Ramadier, et ne peut donc être traitée de la même manière. La loi a créé beaucoup de difficultés en la matière.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Article 39
(articles L. 831-2 et L. 831-4 du code de la sécurité sociale et article L. 35115 du code de la construction et de lhabitation)
Ouverture du droit à lallocation de logement sociale pour les sous-locations en faveur des jeunes

1.   L’état du droit

Les règles applicables en matière de sous-location diffèrent en fonction des trois types d’aides personnelles au logement : aide personnalisée au logement (APL), allocation de logement sociale (ALS) et allocation de logement familiale (ALF).

Ainsi, pour l’APL, en application de l’article L. 442-8-1 du CCH, les locataires de logements conventionnés appartenant à des organismes HLM peuvent, après en avoir informé leurs bailleurs, sous-louer une partie de leur logement à des personnes de plus de 60 ans, à des personnes handicapées adultes et à des personnes de moins de 30 ans. Ces sous-locataires peuvent bénéficier d’une APL. Pour l’ALF, aucune disposition ne s’oppose à l’ouverture des droits à l’allocation de logement au profit à la fois du locataire et du sous-locataire.

En revanche, pour l’ALS, qui est distribuée dans le parc privé, l’article L. 831-4 du code de la sécurité sociale dispose que seules les personnes âgées ou handicapées ayant passé un contrat de sous-location avec un accueillant familial sont éligibles à l’aide. Les sous-locataires âgés de moins de 30 ans ne peuvent donc pas bénéficier de lALS. Par ailleurs, l’article R. 831-13-2 du même code précise que les locataires sous-louant leur logement perdent tout droit à l’ALS.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 39 du présent projet de loi vise à harmoniser les règles applicables à la sous-location entre les trois types d’aides personnelles au logement en :

 ouvrant le droit à un sous-locataire âgé de moins de 30 ans de pouvoir bénéficier dune ALS pour la partie du logement qu’il occupe (alinéa 4) ;

– permettant aux locataires sous-louant une partie de leur logement à des personnes âgées ou handicapées ou à des jeunes de moins de 30 ans de bénéficier du droit à l’ALS (alinéa 3).

L’étude d’impact jointe au projet de loi précise qu’un décret déterminera les règles applicables au calcul de l’aide des sous-locataires et des allocataires sous-louant ainsi leur logement, y compris dans le cadre d’une intermédiation locative. Le coût de cette mesure est estimé à 0,4 million d’euros par an.

Par ailleurs, l’alinéa 6 met en cohérence l’article L. 351-1 du CCH avec l’article L. 442-8-2 du même code, au sujet du droit à l’APL des sous-locataires âgées de moins de 30 ans, et actualise une référence législative obsolète.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure souligne le fait que cette disposition est très attendue par les acteurs de la cohabitation intergénérationnelle. Ce mode d’habitat partagé est, en effet, en plein développement car il répond à un besoin social fort, à la fois des jeunes et des personnes âgées confrontées à la solitude.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Afin de limiter les risques de fraude et de réserver le dispositif du présent article aux cohabitations intergénérationnelles authentiques, la commission a adopté un amendement de M. Ramadier excluant explicitement du bénéfice de l’ALS les sous-locataires ayant un lien de parenté avec le locataire ou le propriétaire des lieux.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE28 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement a pour objet d’étendre le champ de l’article 39 aux personnes âgées de plus de 65 ans qui connaîtraient des difficultés pour se loger. En effet, les jeunes de moins de 30 ans ne sont pas les seuls à avoir des difficultés à se loger ; je pense notamment aux personnes qui ont dû quitter un logement de fonction à l’issue de leur vie active. Il convient donc de leur permettre de bénéficier de ce dispositif.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est satisfait. Nous vous demandons donc de bien vouloir le retirer.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous considérons également que l’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’examen des amendements identiques CE436 de M. Thibault Bazin et CE1759 de M. Stéphane Peu.

M. Thibault Bazin. Peut-être va-t-on me répondre que l’amendement CE436 est satisfait. En tout cas, il vise à inclure dans le dispositif les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

M. Stéphane Peu. L’article 39, qui vise à favoriser la mixité intergénérationnelle en permettant aux locataires qui sous-louent une partie de leur logement à des jeunes de moins de trente ans de bénéficier d’une APL marque une évolution positive, mais il convient d’étendre cette possibilité aux personnes en situation de handicap ; c’est l’objet de mon amendement CE1759. De fait, nombre de ces personnes ont besoin d’être accompagnées, que ce soit par leur famille ou par des proches. Outre qu’elle permettrait de lutter contre la sous-occupation des logements, une telle mesure, qui contribuerait au développement de la solidarité entre les personnes, me paraît plus intéressante que la sanction que l’on a évoquée un peu plus tôt.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits. Demande de retrait.

M. Stéphane Peu. Je ne comprends pas !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Ces amendements sont en effet satisfaits par l’article L. 442-8-1 du code de la construction et par l’article L. 831-4 du code de la Sécurité sociale. Je vous propose que de vérifier ce point d’ici à la séance publique mais, à ce stade de nos débats, Voilà la réponse technique que je peux vous faire.

M. Thibault Bazin. J’accepte de retirer mon amendement, mais je suis un peu étonné par les réponses de Mme la rapporteure et de M. le ministre. Je souhaiterais donc que l’on s’assure que ces amendements sont bien satisfaits.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Les personnes en situation de handicap, qui figurent déjà parmi les exceptions prévues par la loi, bénéficient, en tant que sous-locataires, des aides au logement. Nous allons le vérifier ; il n’y a pas de difficultés à ce que nous nous concertions sur ce point.

L’amendement CE436 est retiré.

M. Stéphane Peu. Il ne s’agit pas seulement d’autoriser la colocation ; il s’agit également de permettre à ces personnes de bénéficier de l’APL, comme cela est prévu au titre que la mixité intergénérationnelle.

Mme Anne-France Brunet. Je précise que nous allons examiner un amendement qui vise à inclure dans le dispositif de l’article 39 les personnes victimes de violences conjugales ; nous y reviendrons.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Un mot sur la philosophie de l’article 39. Cet article permet la sous-location ou la colocation de personnes en situation de handicap. Mais, comme vous l’avez dit, monsieur Peu, cette question a deux aspects. Premièrement, celui de l’éligibilité aux APL : les personnes concernées peuvent d’ores et déjà percevoir l’APL ou l’ALS – mais nous nous en assurerons. Deuxièmement, la colocation ou la sous-location peut-elle être étendue à d’autres cas de figure que celui de deux personnes en situation de handicap ? C’est notre objectif. Actuellement, la loi ne le permet pas mais, dans les travaux préparatoires du projet de loi, notamment lors de la conférence de consensus, nous avons vu émerger beaucoup de demandes à ce sujet. Nous adopterons donc, dans la suite de la discussion, une position d’ouverture en renvoyant à l’examen du texte en séance publique les demandes d’extension de la colocation et de la sous-location à d’autres cas de figure que celui de personnes en situation de handicap.

M. François Pupponi. Il s’agit plutôt d’une bonne mesure, mais que se passera-t-il si le titulaire du bail décède ou quitte le logement ? Il arrive fréquemment que les enfants occupent le logement en « sous-location officieuse » et demandent à y rester au moment où leurs parents partent ou décèdent ; le bailleur peut refuser, ou les reloger ailleurs – ce qu’on peut comprendre.

M. le président Roland Lescure. Monsieur Peu, maintenez-vous votre amendement ?

M. Stéphane Peu. Je vais le retirer, mais j’insiste sur la question des APL. J’ai déjà été confronté à la situation de personnes qui, au motif qu’ils hébergeaient quelqu’un, voyaient leurs APL chuter parce que l’allocation de l’hébergeur et celle de l’hébergé étaient fusionnées. Je ne suis pas certain que le texte nous donne toutes les garanties à cet égard. Mais nous allons examiner la question.

L’amendement CE1759 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE165 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. Cet amendement tend à créer un garde-fou destiné à éviter un effet d’aubaine. Il convient en effet, selon nous, de préciser que le jeune de moins de trente ans hébergé dans ce cadre ne doit avoir aucun lien de parenté avec le locataire.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CE166 de M. Alain Ramadier.

M. Robin Reda. Autre garde-fou : il s’agit de préciser que la personne hébergée doit bénéficier d’une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le versement des APL est déjà conditionné au respect des normes de décence. Cet amendement est donc satisfait. Demande de retrait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE200 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. L’interruption du versement des aides personnelles au logement au sous-locataire qui dépasse 30 ans le contraint à réorganiser son budget, puisque son logement lui revient, de fait, plus cher. De même, pour le locataire qui sous-loue à une personne de moins de 30 ans, le trentième anniversaire de cette dernière entraîne l’interruption du versement de ses aides personnelles au logement. Cet amendement vise donc à repousser l’interruption du versement des APL à la date d’échéance du contrat de bail signé entre le locataire et le sous-locataire si cette date intervient dans l’année suivant le trentième anniversaire du sous-locataire ou à douze mois après le trentième anniversaire du sous-locataire si le contrat de bail arrive à échéance plus d’un an après cet anniversaire.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je comprends l’objectif de votre amendement, qui est d’éviter les effets de seuil. Mais aucune mesure similaire n’existe pour les deux autres aides au logement. Par ailleurs, un tel prolongement serait abusif pour des locataires signant un contrat de location juste avant d’atteindre l’âge de 30 ans. L’objectif est bien de favoriser l’accès au logement de ceux qui étudient ou entrent dans la vie professionnelle. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CE1468 de
Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. La question du logement est cruciale pour la protection des personnes victimes de violences conjugales. Il est donc proposé, par cet amendement, d’élargir le droit de bénéficier d’une sous-location d’un logement social aux personnes concernées par une ordonnance de protection. Cette mesure permettrait aux personnes victimes de violences conjugales de percevoir une aide personnelle au logement en cas de sous-location d’une partie du logement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’ouverture de l’aide au logement en cas de sous-location est déjà possible actuellement pour des publics tels que les personnes victimes de violences conjugales si celles-ci sont prises en charge par des associations ou organismes agréés par le préfet au titre de la mission d’intermédiation locative. Le dispositif de l’article 39 vise plutôt les sous‑locations entre particuliers, notamment pour les jeunes. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis que la rapporteure : l’amendement est déjà satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE614 de M. Pierre Cordier et CE2421 de M. François Pupponi.

M. Robin Reda. L’amendement CE614 vise à rendre le dispositif plus attractif en prévoyant qu’il sera possible pour chacune des parties de donner congé en cours de bail avec un préavis d’un mois.

M. François Pupponi. Le CE2421 est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte l’article 39 modifié.

Après l’article 39

La commission est saisie de l’amendement CE1591 de
M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement tend à autoriser l’accueil de jeunes actifs dans des résidences collectives – résidences sociales, logements-foyers et résidences universitaires – dans une limite de 20 % afin de ne pas pénaliser les autres populations éligibles à ces logements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La définition légale des publics pouvant être accueillis par les logements-foyers est déjà suffisamment large et me semble inclure les jeunes actifs. Ainsi, l’article L. 633-1 dispose que les logements-foyers « accueillent notamment des personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes travailleurs, des étudiants, des travailleurs migrants ou des personnes défavorisées ». Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. En outre, cet amendement supprimerait une souplesse de gestion.

L’amendement est retiré.

Article 40
(article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 82-1290 du 23 décembre 1986 et articles L. 714-1 [nouveau],
L. 722-5 et L. 722-16 du code de la consommation)
Coordination des procédures de surendettement et dexpulsion locative

1.   L’état du droit

L’article 24 de la loi de 1989 définit la procédure pouvant mener à l’expulsion d’un locataire, en raison d’un défaut de paiement du loyer ou des charges. Cette expulsion ne peut être prononcée que par un juge, à condition que certains délais et certaines formalités, comme la délivrance d’un commandement de payer, soient respectés.

En outre, afin de favoriser le maintien dans les lieux des locataires de bonne foi, cet article ouvre la possibilité au juge d’accorder des délais de paiement au locataire, dans la limite de trois années, si le juge considère que le locataire est en situation de régler sa dette locative. Pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause résolutoire du bail sont suspendus, tant que le locataire respecte les délais et les conditions fixés par le juge.

Toutefois, les locataires menacés d’expulsion peuvent également saisir, de manière parallèle, la commission de surendettement des particuliers au titre de leurs dettes locatives. Si la commission juge la demande recevable, elle peut prononcer soit un effacement partiel ou total de dettes, soit un plan conventionnel de redressement prévoyant le respect d’un échéancier de paiement.

La procédure judiciaire d’expulsion et la procédure de surendettement ne sont aujourd’hui pas coordonnées, ce qui peut, dans certains cas, conduire à l’expulsion d’un locataire, alors même que celui-ci est de bonne foi et a repris le paiement du loyer. En effet, dans l’hypothèse où l’échéancier judiciaire diffère des mesures de la commission de surendettement, le respect de ces dernières provoque un défaut dans le paiement du premier et donc la résiliation automatique du bail et la reprise de la procédure d’expulsion. À l’inverse, le respect de l’échéancier judiciaire peut entraîner la caducité du dossier de surendettement.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 40 vise à articuler les procédures de surendettement et d’expulsion locative, afin d’éviter les expulsions de locataires de bonne foi du seul fait du défaut d’articulation entre ces deux procédures.

L’article prévoit ainsi que, lorsque le locataire a repris le paiement du loyer et des charges au jour de l’audience et que celui-ci a engagé une procédure de surendettement, les décisions prises par la commission de surendettement s’imposent ou se substituent à celles du juge. Larticle donne ainsi la primauté aux échéanciers de paiement déterminés par la commission de surendettement sur ceux déterminés par le juge judiciaire. D’après le Gouvernement et les acteurs concernés, les plans de redressement des commissions de surendettement sont, en effet, plus précis et efficaces que ceux des juridictions.

Les alinéas 1 à 16 procèdent à cette articulation au sein de la loi de 1989, tandis que les alinéas 17 à 32 font de même au sein du code de la consommation.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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La commission examine les amendements identiques CE801 de M. Éric Pauget et CE857 de M. Éric Woerth, qui tendent à supprimer l’article.

M. Thibault Bazin. Selon l’étude d’impact du projet de loi, l’article 40 « vise à clarifier et simplifier l’articulation entre les décisions judiciaires conditionnant le maintien du locataire dans son logement au remboursement de sa dette locative et la procédure de surendettement ». Or il apparaît que cet article va bien plus loin que la situation actuelle de fait, en donnant à la commission de surendettement, simple autorité administrative, un pouvoir pratiquement supérieur à celui du juge. En effet, il tend à imposer à celui-ci les décisions de la commission de surendettement, ce qui entraînera un allongement des délais de la procédure d’expulsion sur la seule base de la situation du locataire et sans considérer les difficultés rencontrées par le propriétaire victime d’impayés.

Le texte renforce ainsi les droits du locataire considéré de bonne foi afin de favoriser son maintien dans les lieux, alors même qu’il est défaillant. Cette notion de bonne foi étant déjà précisée dans la loi, il n’apparaît pas nécessaire de la modifier, d’autant plus que cette mesure n’encourage guère les propriétaires à louer leur bien.

Ces amendements visent donc à supprimer l’article 40 afin de ne pas allonger davantage les procédures d’expulsion et de maintenir la souveraineté du juge dans ses décisions.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’article 40 vise à articuler les procédures de surendettement et d’expulsion locative, afin d’éviter les expulsions de locataires de bonne foi du seul fait du défaut d’articulation entre ces deux procédures. L’article donne ainsi la primauté aux échéanciers de paiement déterminés par la commission de surendettement sur ceux déterminés par le juge judiciaire. Selon les acteurs concernés, les plans de redressement des commissions de surendettement sont plus précis et efficaces que ceux des juridictions.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Dans la situation actuelle, les deux procédures, qui se déroulent parallèlement, ne se rejoignent pas toujours, ou difficilement, et sont source d’incohérences. Contrairement à vous, monsieur Bazin, je crois que l’article 40 améliore la situation des bailleurs dans leurs relations avec les locataires, puisque, selon les données de la Banque de France, il garantit au propriétaire un taux de recouvrement des dettes de 86 % sur trois ans, contre moins de 40 % sur la même période dans le cadre du dispositif judiciaire existant.

Par ailleurs, tout défaut de paiement du loyer, des charges ou de la dette entraîne la reprise immédiate de la procédure d’expulsion. Or ce que nous souhaitons – dans l’intérêt général, me semble-t-il –, c’est prévenir les expulsions. Plus on intervient en amont, mieux c’est pour tout le monde. D’abord, bien entendu, pour le locataire, mais aussi pour le propriétaire car, lorsqu’on intervient sitôt le défaut de paiement déclaré, dès le premier ou le deuxième mois, on parvient à rectifier les choses et à prévenir l’expulsion.

L’article 40 marque donc un progrès pour les deux parties. Il permet, en outre, aux propriétaires de contester le dispositif prévu par une procédure judiciaire contradictoire devant le juge du surendettement – car il s’agit d’un juge, monsieur Bazin, et non d’une autorité administrative.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à l’examen de l’amendement CE205 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. L’objet de cet amendement est de renforcer les moyens du juge pour reconnaître les locataires de bonne foi et protéger les propriétaires contre les locataires de mauvaise foi, qui, délibérément, ne paient pas le loyer alors qu’ils en ont les moyens. Il s’agit en effet de refuser à ces derniers la suspension de la clause résolutoire de résiliation de plein droit du contrat de bail. Le juge peut néanmoins, lorsqu’il l’estime nécessaire, accorder des délais de paiement si l’injonction de payer sans délais est susceptible de les placer dans de graves difficultés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. La possibilité ainsi offerte à chaque magistrat de définir la mauvaise foi en fonction de sa propre opinion remettrait en cause le principe constitutionnel d’équité des justiciables devant la loi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite l’amendement CE203 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. En l’état actuel du droit, un locataire surendetté dont le propriétaire a engagé une procédure de résiliation de bail auprès d’un juge d’instance peut se voir accorder des délais de remboursement de sa dette locative. Lorsque le locataire répond aux conditions requises par la procédure de traitement du surendettement, cette solution est plus adaptée au traitement de la dette que les mesures imposées par le juge d’instance. Mais, dans certains cas, des débiteurs mal informés ne veulent pas engager de procédure de surendettement, alors qu’elle leur permettrait de rester dans les lieux et d’organiser un apurement de la dette.

L’objet de cet amendement est donc de permettre au juge d’instance, dès lors qu’il l’estime nécessaire, de contraindre le débiteur à déposer un dossier de traitement du surendettement et de lui appliquer des délais dans l’attente de la décision de la commission.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Dans notre système judiciaire, la procédure devant le juge civil est entre les mains des parties – c’est la règle. Il appartient donc à chacune des parties d’établir et d’alléguer les faits qui fondent leur demande ou leur résistance à la demande. Le magistrat – c’est également un principe général de notre droit – ne peut pas se substituer à l’une des parties pour lui imposer de réaliser telle ou telle démarche affectant le litige dont il est saisi. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE825 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Pour être opposable au propriétaire, il serait utile que la procédure de surendettement inclue la dette locative, afin notamment que le propriétaire ait été à même de prendre position en amont sur la demande faite par le locataire devant la commission de surendettement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La dette locative est déjà incluse dans la procédure de surendettement par le code de la consommation. Cet amendement me semble donc satisfait. Demande de retrait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE826 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Cet amendement me tient à cœur. J’ai bien compris que la préoccupation du Gouvernement était de pouvoir éponger la dette ; pour ma part, j’estime qu’il existe un problème de délai. L’objectif d’une contestation émise en général par le propriétaire à l’encontre d’une décision d’octroi de délais ou des modalités de paiements imposées, est d’éviter qu’un locataire de mauvaise foi ne tente d’obtenir des délais supplémentaires pour des motifs fallacieux. Dans ce cas, l’octroi de délais par le juge saisi de la dette locative le temps qu’il soit statué sur ladite contestation est inopportun, une décision sur cette contestation pouvant intervenir tardivement. Ainsi, le projet de loi autoriserait le locataire à ne pas payer pendant ce délai, alors même qu’il peut ensuite être débouté.

Le présent amendement prévoit donc un sursis à statuer plutôt que de nouveaux délais de paiement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. En matière de dette locative, le sursis à statuer n’apporte pas véritablement de changement à la situation du locataire et crée une incertitude. L’objectif de cet alinéa est bien d’accorder un délai de paiement jusqu’à ce que la commission de surendettement se prononce afin de reprendre ensuite l’échéancier que cette commission aura élaboré.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. J’ajoute que les délais de paiement permettent souvent d’assurer le remboursement de la dette et le maintien du locataire de bonne foi dans son logement. L’objectif, vertueux, est de faire en sorte que le locataire puisse rester dans son logement et que le propriétaire perçoive ses loyers. Je crois que votre amendement n’améliorerait pas la situation procédurale.

M. Thibault Bazin. On a le sentiment qu’en s’approchant du terme de l’examen d’un projet de loi, on se retrouve au paradis : tout va bien !

M. le président Roland Lescure. Nous n’y sommes pas encore !

M. Thibault Bazin. Et s’il existait de locataires de mauvaise foi ? A-t-on bien prévu cette hypothèse dans le cadre de cette procédure, conçue pour les locataires de bonne foi ? Si tel est bien le cas, les propriétaires seraient rassurés et cela les inciterait à répondre à l’appel de M. Denormandie à remettre leurs logements vacants sur le marché.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. C’est le praticien qui vous répondra. Le juge a toujours la possibilité d’ordonner un sursis à statuer. Ce que vous proposez, c’est d’empêcher d’accorder des délais de paiement, de sorte que le juge n’aura pas d’autre choix que de surseoir à statuer. Or, du point de vue de la procédure, ce n’est pas une bonne chose. Le texte permet au juge d’accorder des délais de paiement, mais il a toujours la possibilité de surseoir à statuer. Je ne crois donc vraiment pas que votre amendement améliorerait le texte.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement CE201 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. La procédure de résiliation de plein droit du bail par le propriétaire lorsque le locataire ne s’acquitte plus de son loyer et de ses charges est très longue. Les procédures d’expulsion de locataires de mauvaise foi prennent en moyenne deux ans et demi. Ce délai aggrave la dette locative, ce qui la rend souvent impossible à rembourser. L’amendement CE201 vise à diviser par deux les délais de procédure en amont de l’audience avec le juge d’instance statuant sur la résiliation du bail. En effet, la difficulté pour faire expulser des locataires de mauvaise foi est la source des réticences de nombreux propriétaires à louer un logement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Réduire ces délais pénaliserait autant le bailleur que le locataire, et les pouvoirs publics.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Comme Mme la rapporteure, je pense que ce ne serait vraiment pas une amélioration.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE204 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. En l’état actuel, lorsque le dossier d’un débiteur se voit déchu de la procédure de traitement du surendettement pour fraude, cette déchéance entraîne l’annulation des dispositions décidées par la commission de traitement du surendettement et, le cas échéant, le rétablissement des mesures imposées par le juge d’instance statuant sur la demande de résiliation du contrat de bail. La déchéance de la procédure remet en cause les principes sur lesquels le juge a accordé des délais, mais ils continuent d’avoir une validité juridique. L’objectif de cet amendement est de permettre au juge ou à la commission de traitement de surendettement de demander que soit révisée la décision d’accorder un délai pour protéger les propriétaires bailleurs de la mauvaise foi éventuelle des locataires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. La procédure en constatation de la résiliation du bail est autonome de celle relative au surendettement. Rien ne pourrait justifier qu’une cause de déchéance de la procédure de surendettement entraîne automatiquement une demande de révision de la décision précédemment rendue par le juge d’instance.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements CE1799 et CE1800 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1799 vise à faire passer de trois à deux ans la durée du protocole de cohésion sociale relative à la dette locative. Ce protocole très utile s’apparente un peu à une mise à l’épreuve des locataires dont on vérifie l’engagement et la bonne foi durant cette période. C’est tout à fait normal, mais si les engagements pris sont tenus pendant deux ans, cela semble suffisant.

L’amendement CE1800 est de précision : il vaut mieux écrire que la reprise du paiement par le locataire suspend la procédure d’expulsion plutôt que d’indiquer que le bailleur y renonce. Je vous accorde que c’est un peu… rédactionnel.

M. le président Roland Lescure. Disons que vous avez fait mieux ! (Sourires.)

M. Stéphane Peu. Ce n’est effectivement pas mon meilleur amendement !

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement CE1799, car la période de trois ans permet, en cas d’effacement de dettes avec mise en place d’un échéancier, de préserver l’équilibre dessiné par l’article 40 du projet de loi entre les intérêts des bailleurs et ceux locataires.

Je suis également défavorable à l’amendement CE1800.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

La disposition du projet de loi visée par l’amendement CE1799, relative à l’effacement des dettes, est très favorable aux locataires de bonne foi, mais il faut aussi respecter les droits des propriétaires auxquels ce type de situation cause tout de même un préjudice. La réduction de la durée du protocole serait une mesure excessive qui ne tiendrait pas compte de la nécessité de préserver un dispositif équilibré.

M. Stéphane Peu. Quand votre bail est suspendu et que vous êtes sous protocole, c’est un peu comme si vous étiez signalé à la Banque de France après un impayé : cela figure dans votre dossier et c’est un marqueur un peu stigmatisant. La présentation du bail est exigée pour de nombreuses démarches administratives.

On sait d’expérience que lorsque les choses se passent bien pendant deux ans, elles ne se dégradent pas la troisième année. En revanche, les gens de mauvaise foi ou qui sont à côté de leurs pompes pour gérer leur budget ne tiennent pas deux ans : au bout de six mois ils oublient de payer ou renoncent. Je pense vraiment que l’on peut « blanchir » les gens après deux ans : tout le monde s’y retrouvera, les propriétaires comme les locataires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’échéancier de la dette s’étale souvent sur trois ans, pour ne pas alourdir les mensualités, ce qui explique que l’on veuille en rester à cette durée.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous devons protéger les droits des locataires, mais également rassurer les propriétaires. C’est cet équilibre que nous recherchons : pour qu’il y ait des locataires, il faut qu’il y ait des bailleurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE206 de Mme Stéphanie Do, et CE1801 de M. Stéphane Peu.

Mme Stéphanie Do. La date d’entrée en vigueur du dispositif prévu à l’article 40, permettant de mieux articuler le surendettement avec les procédures de résiliation de bail, est fixée au 1er janvier 2019. Les créanciers n’ont connaissance de l’existence d’un dossier de surendettement qu’à compter de sa recevabilité. Cet amendement vise à élargir l’applicabilité de l’article aux dossiers qui ont été déposés avant cette date, mais qui n’ont pas encore été déclarés recevables.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1801 est défendu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de ces amendements car ils sont satisfaits.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. En effet : on ne prendra pas en compte la date de recevabilité, mais la celle à laquelle un des deux juges statuera. Je souhaite qu’ils soient retirés.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 40 sans modification.

Après l’article 40

La commission est saisie de l’amendement CE616 de M. Pierre Cordier.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à contraventionnaliser le délit d’occupation des parties communes des immeubles.

Un fléau sévit parfois dans nos quartiers populaires lorsque certains individus cherchent à gagner des territoires, à terroriser les habitants ou, en tout cas, à troubler leur tranquillité. Il serait bon que la police nationale et les polices municipales bénéficient d’un outil pour faire cesser ces délits. Cela mettra également fin au sentiment, trop souvent ressenti dans nos quartiers, que ces actes restent impunis.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Vous touchez à des principes juridiques. J’appelle votre attention sur le fait que si la contraventionnalisation relève de l’opportunité politique, elle interdit certaines possibilités d’enquête – la flagrance ou les perquisitions, par exemple. Ajoutons que s’il est possible à la loi de supprimer un délit – qui peut le plus peut le moins, il revient au règlement de prévoir une contravention.

M. Robin Reda. Il faudra tout de même travailler sur ce sujet. La contraventionnalisation reste dans le champ du code pénal, et je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir de poursuites à ce titre. Nous pourrions aussi réfléchir à la mise en place d’une amende forfaitaire qui resterait dans le champ délictuel.

Je comprendrais que tout cela ne soit pas intégré directement dans le projet de loi. L’idée serait de disposer d’outils qui permettent aux polices de proximité
– puisque vous avez ce mot en permanence à la bouche –, la police nationale et la police municipale, véritable police de proximité des communes, de mettre fin au sentiment d’impunité.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendent CE1548 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. En préambule, permettez-moi de dire que ce qui nuit gravement à l’image du logement social, ce n’est pas la pauvreté, mais le non-droit et l’insécurité ressentie ou réelle. Les bailleurs sociaux doivent être juridiquement mieux armés pour faire respecter la tranquillité publique dans leurs ensembles d’habitations.

L’amendement CE1548 vise à autoriser les échanges d’informations factuelles émanant des tribunaux et des forces publiques pour permettre à un bailleur d’étayer ses sommations et assignations aux fins de résiliation judiciaire du bail d’un locataire fauteur de troubles lorsque ces troubles sont graves ou répétés. Cet amendement est issu de l’expérience d’un bailleur social reconnu par les services de sécurité publique de mon département pour ses résultats en termes de tranquillité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement se heurte au principe du secret de l’enquête et de l’instruction qui vise à éviter la divulgation d’informations sensibles ou pouvant porter atteinte à l’ordre public et social ou aux parties ayant intérêt à la procédure. Ce principe vise également à permettre le bon déroulement des enquêtes et à assurer la protection de la présomption d’innocence de la personne mise en examen.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Je comprends l’objectif que vous souhaitez atteindre à partir de votre expérience de terrain, mais votre amendement se heurte au principe du secret de l’enquête et de l’instruction. Il vise en réalité à prévoir, de façon totalement dérogatoire à la procédure pénale, la transmission aux bailleurs de pièces de procédure pénale en cas de troubles commis par les occupants de logements de son patrimoine, en vue de leur permettre d’étayer leurs sommations et assignations aux fins de résiliation judiciaire du bail. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de franchir ce seuil.

M. Stéphane Peu. J’ai plutôt tendance à soutenir cet amendement, d’autant plus qu’à l’époque où je présidais un organisme de logement, j’avais introduit une jurisprudence qui se rapproche de son objectif, mais cela exigeait un bon alignement des planètes : un élu volontaire, un préfet sensible au sujet, en l’occurrence le préfet Christian Lambert, et un procureur de la République à l’écoute – il s’agissait de François Molins, l’actuel procureur antiterroriste. Tout cela a donné des résultats très concrets : nous avions par exemple réussi à faire en sorte qu’après la découverte d’un appartement transformé en laboratoire servant au trafic de stupéfiants, le procureur autorise la police judiciaire à transmettre les procès-verbaux de perquisition au bailleur afin que ce dernier intente une procédure d’expulsion sur la base d’un détournement d’usage du logement. Nous avions fini par obtenir un jugement et l’expulsion de l’individu, sous les applaudissements, à leurs fenêtres, des 650 locataires de la cité. Mais il a fallu trois autorités, complices, attentives et mobilisées… En l’état actuel des choses, la loi ne permet pas de systématiser cette solution.

Ce résultat ne peut pas dépendre du bon vouloir de trois personnes particulièrement motivées. Il faut que la loi autorise expressément ces démarches, sinon elles n’ont aucune chance d’aboutir lorsque vous tombez sur des procureurs ou des préfets qui ouvrent des parapluies en permanence – c’est plutôt la tendance du métier – au lieu d’être proactifs. La loi doit empêcher qu’ils ouvrent les parapluies.

M. Dominique Da Silva. L’amendement précise bien que la transmission au bailleur n’est qu’une possibilité : il appartiendra aux services de police et gendarmerie d’apprécier au cas par cas la pertinence de la demande de document et de décider de transmettre ou non. Il n’y a aucune automaticité.

Le bailleur dont l’expérience a inspiré l’amendement met d’ores et déjà en œuvre cette pratique : il expulse environ dix personnes par an. C’est un record national. Dix expulsions, cela vous change la vie d’un ensemble immobilier. Il me semble que c’est une faute de ne pas entendre cela.

M. Thibault Bazin. Il y a une réalité dans nos quartiers : certains ensembles d’habitations connaissent des troubles profonds qui énervent vraiment les Français, qui leur pourrissent la vie, et qui rendent ces quartiers de moins en moins attractifs.

Je soutiens pleinement cet amendement qui correspond à nos objectifs, par exemple en termes de mixité. Le bon sens est en marche, si j’ose m’exprimer ainsi… Vous voulez que la République soit partout, de retour au cœur de tous les quartiers, avez-vous dit : avançons sur ce terrain. Ces différents amendements d’appel nous offrent l’occasion de nous en redonner les moyens concrets.

On nous dit que nos propositions ne seraient pas recevables au motif que tout est déjà possible. La réalité, c’est qu’on ne le fait pas. Il faut donc donner des moyens nouveaux afin de lutter contre ce qui énerve vraiment tous nos concitoyens.

M. François Pupponi. Cet amendement de Dominique Da Silva a le mérite de poser un problème crucial. On ne pourra pas parler de retour de la République si l’on n’est pas capable de régler des cas aussi simples que celui qu’il évoque. Tout le monde connaît dans chaque immeuble, dans chaque quartier, les deux ou trois familles qui perturbent le tout. Comme le dit Stéphane Peu, si tout le monde s’y met, on arrive à peu près à traiter les problèmes, mais ça peut être compliqué. Parfois, les bailleurs eux-mêmes ne jouent pas le jeu, et refusent de porter plainte parce qu’ils ne veulent pas de problèmes.

Si on ne trouve pas le moyen de casser le bail très vite pour expulser, et de simplifier les procédures, on aura loupé quelque chose. Il faut bien comprendre que tous ces individus qui posent problème sont connus, et que les habitants les connaissent aussi.

Cet amendement me paraît bien venu ; au besoin, on peut trouver des dispositions équivalentes d’ici à la séance. En tout cas, ce sujet doit être traité dans le projet de loi : il faut trouver une solution pragmatique pour être plus efficace.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mon expérience relativement longue de la procédure civile et de la procédure pénale me permet d’affirmer que nous courrions un véritable risque de censure par le Conseil constitutionnel si nous adoptions cet amendement tel qu’il est rédigé.

Je comprends parfaitement l’objectif que vous poursuivez, et je partage totalement ce qu’ont dit M. Peu et M. Pupponi, mais je ne vois pas comment le Conseil ne censurerait pas une disposition comme celle-ci : « À la demande du bailleur ou d’initiative, les services de police ou de gendarmerie peuvent transmettre audit bailleur, un rapport administratif se rapportant aux agissements fautifs d’un locataire ou de ses ayants cause […] » L’amendement va tout de même très loin. Cela ne peut pas passer.

M. François Pupponi. Il y a peut-être une solution dans le cadre des contrats locaux de sécurité (CLS). Il existe des structures très restreintes au sein desquelles se pratique le « secret partagé » – il n’y a pas toujours de documents papiers, on se dit les choses et les noms, l’information passe à l’oral, et, ensuite, chacun fait ce qu’il a à faire.

On ne va pas faire de fichiers, mais, sur dans ce genre de situations, on est bien obligé de se parler et de mettre des noms.

M. Dominique Da Silva. Si l’on n’était pas obligé d’étayer considérablement les sommations préalables à la résiliation judiciaire d’un bail, le problème ne se poserait pas. Comment parvenir à rassembler tous les éléments et les témoignages qu’exige le juge ?

M. le président Roland Lescure. Retirez-vous votre amendement ?

M. Dominique Da Silva. Non, je n’ai pas de réponse suffisante. J’aimerais que le Gouvernement prenne le problème en compte.

Mme Monique Limon. Il faudrait que nous trouvions un lieu dans lequel nous pourrions réunir autour de la table les personnes concernées afin d’élaborer une solution. Il faut éviter les dérives tout en résolvant les problèmes au cas par cas, et en cherchant comment il est possible de retirer l’élément gênant. Ce genre de situation pourrit la vie de beaucoup de nos concitoyens. J’ajoute, avec ma casquette sociale, qu’il faut aussi trouver une solution pour les gens que l’on met à la porte.

M. Stéphane Peu. Nous, nous pratiquons le « secret partagé » dont parle M. Pupponi, mais que se passe-t-il lorsque vous trouvez un locataire qui a dix fusils à pompe et deux kalachnikovs dans sa chambre, mais aucune dette de loyer – je ne vous parle que d’exemples vécus ? Le bailleur ne peut pas l’expulser, sauf si le procès-verbal de perquisition lui permet d’étayer une autre procédure que celle relative aux dettes de loyer – par exemple le détournement de l’usage de l’appartement.

En fin de compte, de nombreux dealers, trafiquants d’armes ou délinquants reconnus passent trois mois en prison avant de retrouver leur appartement et de continuer à terroriser leur quartier. À côté de ça, la mère isolée qui a une dette de loyer se fait expulser. C’est cela qui est insupportable et qui finit, dans certains quartiers, par faire que ce n’est plus la République la valeur de référence, mais le trafiquant.

Si la rédaction de l’amendement de notre collègue doit être modifiée, pourquoi pas, mais faisons en sorte que cette loi nous permette d’avancer pour régler le problème.

M. François Pupponi. J’ai déposé un amendement CE2422 qui sera appelé dans quelques instants, afin de permettre l’expulsion de ceux qui ont été condamnés pour trafic de drogue. Aujourd’hui, ce n’est pas possible : le trafiquant de drogue condamné retrouve son logement lorsqu’il sort de prison, et il recommence son trafic.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Monsieur Pupponi, le conseil intercommunal de sécurité et prévention de la délinquance (CISPD) et le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) sont des outils mis à la disposition des acteurs d’un territoire de façon à apporter des réponses concrètes et à permettre de travailler tous ensemble sur ce sujet.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous traitons un sujet important qui pose de véritables problèmes sur le terrain, et il faut mettre en place des solutions concrètes pour changer les choses. En revanche, le législateur que vous êtes ne peut pas bafouer certains principes : il faut adopter un dispositif législatif qui tienne par rapport aux principes constitutionnels. Or cela ne me paraît pas être le cas de l’amendement tel qu’il est rédigé.

Ce que vient de dire M. Pupponi correspond aussi à une réalité, mais il y a deux choses différentes. Il y a, d’une part, une enquête et une instruction en cours – dans le cadre de laquelle il y a toujours la possibilité de se constituer partie civile et d’avoir accès au dossier, même si l’on ne peut pas utiliser les éléments dont on a connaissance, et il y a, d’autre part, des condamnations. Mais à partir du moment où un jugement est rendu, n’importe qui peut en demander une copie au parquet.

M. François Pupponi. Une condamnation n’est pas un motif d’expulsion.

Mme Monique Limon. Heureusement !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison : ce n’est pas forcément un motif d’expulsion parce que le juge n’est pas tenu de prononcer l’expulsion. La question est de savoir si le législateur considère que tel type de condamnation définitive doit entraîner automatiquement résiliation du bail. Voilà la question qui doit être posée sur le plan juridique. Je ne suis pas opposé à ce que l’on retravaille sur le sujet.

Le Gouvernement comprend parfaitement l’exaspération des bailleurs et des habitants dont vous faites état. Cela fait des années que tout cela dure : c’est absolument insupportable. Encore faut-il que nous trouvions des solutions compatibles avec nos principes constitutionnels et qui évitent les possibles dérives.

M. Dominique Da Silva. Si l’on peut retravailler le texte, je retire l’amendement. Mais si nous voulons que la République soit respectée, il faut qu’elle en ait les moyens.

L’amendement CE1548 est retiré.

La réunion est suspendue entre onze heures vingt-cinq, et onze heures quarante.

La commission est saisie de l’amendement CE1549 de M. Dominique Da Silva.

M. Dominique Da Silva. Aujourd’hui, les éléments constitutifs de l’infraction délictuelle d’occupation illégale génératrice de troubles dans les parties communes de nos ensembles d’habitation, prévue à l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, sont quasiment impossibles à réunir. Il serait donc plus efficace de prévoir une amende contraventionnelle de troisième classe pour sanctionner ces infractions dès les premiers agissements plutôt que d’avoir à prouver l’existence d’un délit d’entrave ou d’empêchement sur la base de témoignages et de la force probante des faits révélés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Ce délit est déjà prévu à l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation.

M. François Pupponi. Il s’agit d’un problème récurrent que personne ne réussit à traiter et qui indispose au plus haut point les habitants – imaginez dix, quinze ou vingt personnes tous les soirs dans les cages d’escalier. Doit-on aller jusqu’à interdire les regroupements dans les parties communes des immeubles ? C’est la seule solution juridique. Les dispositions existantes ne marchent pas et c’est insupportable. À plusieurs reprises des annonces publiques ont été faites pour dire que le problème allait être réglé, et nous avons même voté une loi, mais, dans les faits, l’occupation continue – c’est pareil pour les rodéos à moto. Je sais que le sujet est très compliqué et exige beaucoup d’humilité. À une époque, j’avais proposé un amendement pour interdire les regroupements dans les parties communes.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je rappelle que l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation précise déjà : « Le fait d’occuper en réunion les espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d’habitation en empêchant délibérément l’accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Lorsque cette infraction est accompagnée de voies de fait ou de menaces, de quelque nature que ce soit, elle est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. » Le problème, c’est l’application de ces dispositions. Je veux bien que l’on élargisse le champ délictuel…

M. Thibault Bazin. Je trouve que vous posez de bonnes questions, monsieur Pupponi, et nous allons une nouvelle fois soutenir un amendement de notre collègue Dominique Da Silva.

Il n’y a pas qu’une question d’application, monsieur le ministre. Dès lors que l’on voit bien que l’arsenal mis en place n’est pas opérant, il faut peut-être s’interroger sur la possibilité d’en prévoir un autre. Il est en tout cas certain que des outils dissuasifs doivent être mis en œuvre ; c’est essentiel si nous voulons réussir la reconquête républicaine des quartiers.

M. Dominique Da Silva. Monsieur le ministre, combien de personnes ont été condamnées en application de l’article L. 126-3 ? Je suis sûr qu’elles se comptent sur les doigts des deux mains alors que de tels faits se produisent dans tous les ensembles d’habitations. Cela signifie que la loi n’est pas efficiente : il ne sert à rien de prévoir des sanctions lourdes si l’on ne peut pas les appliquer.

Mme Bénédicte Taurine. Ce qui me gêne un peu dans cette discussion, c’est que l’on ne considère que le volet répressif. On ne parvient pas à le mettre en place, mais on veut encore accentuer la tendance alors que la problématique se situe aussi en amont, me semble-t-il, et que nous devrions travailler sur les causes des problèmes.

Vous parliez tout à l’heure d’expulser de leur logement les personnes condamnées pour trafic de drogue. Mais vous parlez de quelqu’un qui a accompli sa peine… On va toujours vers des solutions plus répressives. Voulez-vous mettre de policiers au bas de chaque immeuble pour vérifier si des gens se rassemblent ? Cela me semble démesuré…

M. François Pupponi. Je comprends ce que voulez dire. Peut-être sommes-nous trop rapides dans nos expressions.

Monsieur le ministre, les policiers ne parviennent pas à prouver le délit d’entrave dont vous avez parlé. Pour y parvenir, il faut autoriser la vidéoprotection dans les parties communes – nous avons eu ce débat hier. Sans les images, que voulez-vous qu’un policier fasse quand il arrive sur place pour prouver qu’un individu empêchait, deux heures auparavant, un locataire de rentrer chez lui ? C’est parole contre parole… Si l’on ne peut pas prouver le délit d’entrave, il faut le revoir, et c’est l’occupation qui doit être réprimée.

Madame Taurine, on ne parle pas de sympathiques jeunes un peu désœuvrés qui n’ont pas de local social ou de terrain pour jouer au foot, mais de personnes qui occupent l’espace public, y compris pour vendre de la drogue, et qui terrorisent tout un quartier en exerçant des menaces et des pressions physiques. J’ai parlé d’expulser des dealers, changeons de terme : il faut les reloger ailleurs.

M. le président Roland Lescure. Nous avons débattu hier de la vidéoprotection dans les parties communes : essayons d’avancer plutôt que de reculer !

M. Robin Reda. La sécurité de nos quartiers et de nos halls d’immeuble mérite que l’on s’y attarde. Il faut lutter contre le très fort sentiment d’impunité dont je parlais. Il faut donc revoir l’ensemble de notre architecture pénale pour être en mesure d’agir, et agir vite et ferme.

Quels sont les véritables problèmes posés par l’occupation de ces espaces ? Il y a souvent l’atteinte à la dignité des personnes, en particulier des femmes, et le trafic de drogue. Ce dernier point est central et constitue l’axe dur de la politique répressive qu’il faut mener dans nos quartiers. Toutes les bonnes intentions et tous les moyens mis en œuvre – je pense au plan Borloo que vous avez mis de côté – n’auront aucun effet sans une véritable lutte contre l’économie souterraine qui gangrène nos quartiers.

M. Denormandie parlait de l’attention portée par Emmanuel Macron aux jeunes de banlieue : à ma connaissance, il les encourageait à devenir milliardaires… Mais aujourd’hui, la seule manière de gagner de l’argent à grande échelle dans les quartiers, c’est le trafic de drogue. Je vous renvoie à un rapport d’information que j’ai rendu avec un collègue de La République en Marche, médiatisé en son temps pour de mauvaises raisons, dans lequel nous proposions des dispositifs pour agir vite contre ce type de regroupements généralement liés aux trafics de drogue. Ce qui suppose une présence massive de la police nationale – et de la police municipale, souvent oubliée dans ces dispositifs.

Je vous rappelle, en vous renvoyant une nouvelle fois au rapport Borloo, que les statistiques montrent que deux fois plus de personnes se sentent en insécurité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), et que l’on y constate un recul du droit commun, avec moins de policiers dans les commissariats des QPV que dans les autres.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes très nombreux à partager vos constats et à être d’accord avec vos objectifs, mais soyons concrets : l’adoption de l’amendement dont nous discutons aboutirait en réalité à diminuer les possibilités de sanction. À ma connaissance, ce n’est pas ce que vous cherchez…

Mme Laure de La Raudière. Mais ces sanctions ne sont pas appliquées !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il faut que ceux qui sont chargés d’appliquer la loi disposent d’instruments efficaces. Il ne me semble pas que passer de deux ou six mois d’emprisonnement et 3 750 ou 7 500 euros d’amende à des contraventions de troisième classe aille dans le sens de ce que vous voulez.

Que l’on essaie d’améliorer le projet de loi pour aller dans le sens souhaité légitimement par une majorité d’entre vous, je l’entends, mais cela ne peut pas se faire de cette manière.

La commission rejette l’amendement CE1549.

Elle en vient à l’amendement CE410 de M. Julien Aubert.

M. Thibault Bazin. Le squat de logement constitue, hélas ! un phénomène toujours aussi répandu qui porte une atteinte inacceptable au droit de propriété – lequel a pourtant valeur constitutionnelle. Les cas de violation de domicile et d’occupation des biens immobiliers par des squatters se multiplient. Ils utilisent les failles de notre droit pour demeurer dans les lieux. La presse s’en est fait écho en rapportant des situations qui nous ont scandalisés. C’est la raison pour laquelle cet amendement introduit la notion de droit de propriété dans le code pénal en réécrivant la section concernée qui ne traitait jusqu’alors que de l’atteinte à la vie privée. Il élargit les dispositions du code pénal à l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier appartenant à un tiers, rendant celle-ci punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il ajoute à la notion de « domicile », étroitement interprétable, celle de « propriété immobilière » permettant un champ d’application plus large du délit.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’instauration d’une présomption de culpabilité est délicate au regard de la jurisprudence constitutionnelle. Elle l’est d’autant plus lorsqu’elle ne peut pas être combattue par tout moyen. Or cet amendement énumère limitativement trois documents permettant de prouver la bonne foi, ce qui paraît présenter un risque constitutionnel.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CE359 de M. Patrick Hetzel et CE1226 de M. Marc Le Fur.

M. Thibault Bazin. L’augmentation du nombre des occupations illicites de domicile ne peut laisser indifférent le législateur. Les exemples se multiplient de personnes qui, de retour de vacances, d’un déplacement professionnel ou d’un séjour à l’hôpital, ne peuvent plus ni entrer chez elles, parce que des squatters ont changé les serrures, ni faire expulser ces occupants.

Je comprends bien que la Constitution pose des verrous mais, lorsqu’il y a des problèmes sur le terrain, il faut trouver des solutions. Le phénomène se développe et notre droit est inadapté à la répression de cette infraction.

L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite « loi DALO », disposition peu connue de nos concitoyens, a instauré une procédure d’expulsion accélérée par voie de décision administrative sans passer par une décision de justice. Il permet au préfet, sur saisine du propriétaire ou du locataire qui constate l’occupation illégale de son logement, de demander à l’occupant sans titre de quitter les lieux. Malheureusement, le délai de constatation de flagrant délit d’occupation sans titre pose un problème puisqu’il est fixé à quarante-huit heures.

L’amendement CE359 vise à faciliter les expulsions d’occupants illégaux, en allongeant de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures la durée pendant laquelle le flagrant délit d’occupation sans titre d’un logement peut être constaté.

Il vise ensuite à permettre au maire qui aura cherché par tous moyens à contacter le propriétaire ou le locataire du logement occupé illégalement, dans le cadre de l’application de la loi DALO du 5 mars 2007, de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux.

M. Robin Reda. L’amendement CE1226 porte sur le même sujet qui fait l’objet d’un consensus politique. Je me souviens d’une proposition de loi, examinée dans une « niche parlementaire » du groupe Les Républicains, en 2015, qui avait mis tout le monde d’accord sur les bancs de l’Assemblée sur la nécessité de lutter contre ces squats abusifs, et surtout de permettre l’intervention de la police en flagrance dans un délai restreint. Je pense qu’il faut aller plus loin et vraiment s’occuper de ce sujet.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable aux deux amendements.

Le I de l’amendement CE359 prévoit que le flagrant délit de violation de domicile peut être constaté pendant une durée de quatre-vingt-seize heures, mais cette préoccupation a déjà été prise en compte : pour lever toute ambiguïté sur la nature continue du délit de violation de domicile, la rédaction de l’article 226-4 du code pénal a été récemment modifiée en qualifiant le maintien dans le domicile au même titre que l’introduction dans les lieux.

Le II du même amendement prévoit que le maire puisse demander au préfet de mettre l’occupant en demeure de quitter les lieux. Il ne semble pas opportun d’étendre le champ d’application de cette procédure dérogatoire au droit commun qui permet déjà au préfet de faire usage de la force publique sans qu’il soit besoin de justifier d’une menace pour l’ordre public et d’une décision de justice.

Je suis aussi défavorable à l’amendement CE1226 car, sur le plan opérationnel, il est satisfait et donc inutile.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis sur les deux amendements.

S’agissant de l’amendement CE1226, je tiens à rappeler que les forces de l’ordre peuvent d’ores et déjà procéder à des interpellations, quel que soit le délai, pour les d’infractions relevant de violation de domicile.

M. Thibault Bazin. Vous me répondez que mon amendement est inutile en raison de l’existence de l’article 226-4 du code pénal, mais il a précisément pour objet d’allonger le délai de quarante-huit heures dans lequel cette disposition s’applique.

Dans nos communes, nous savons bien que ce délai est extrêmement court. Or, entre le moment où l’on voit de la lumière chez Untel, que l’on croyait à l’hôpital, et celui où quelqu’un réagit et s’informe, il faut un certain temps. L’allongement du délai que je propose n’est pas énorme mais pourrait permettre, dans certains cas, d’éviter les squats.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce débat est symptomatique… En réalité, le délai de quarante-huit heures dont vous parlez ne vaut que pour des lieux qui ne sont pas votre habitation. Dans le cas de votre habitation, la loi a été modifiée : il n’y a pas de délai de quarante-huit heures. La police peut constater la flagrance et intervenir n’importe quand. Vous pouvez quitter votre domicile tranquille en partant en vacances ou à l’hôpital sans avoir à demander à vos amis de faire la loi – je fais allusion à une affaire récente. Les cas de figure que vous évoquez ont pu exister si les choses ont mal fonctionné ou si l’information a mal circulé, mais, dans les faits, le délai de quarante-huit heures ne prévaut pas lorsque le logement est votre domicile : si des gens sont entrés chez vous, vous appelez la police ou vous actionnez la voie préfectorale.

M. François Pupponi. Je suis content d’entendre ce que vous venez de dire, monsieur le secrétaire d’État, parce que cela m’avait un peu échappé. Malheureusement, cela ne fonctionne que moyennement : le plus souvent, la police refuse d’intervenir et demande que l’on saisisse la justice, et cela prend six mois. Je dirai donc au commissaire de police qu’il peut y aller, parce qu’aujourd’hui la police n’intervient pas.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je confirme le propos de M. le secrétaire d’État. La constatation de l’infraction en flagrance est possible non seulement immédiatement après l’entrée abusive dans les lieux, mais également ensuite, tant que les occupants se maintiennent dans les lieux. La difficulté ne tient pas au droit en vigueur mais à son exécution.

La commission rejette successivement l’amendement CE359 et l’amendement CE1226.

Puis elle se saisit de l’amendement CE2563 de M. Damien Adam.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Cet amendement d’appel vise à consacrer dans la loi la procédure de flagrant délit en cas d’occupation illégale d’un immeuble ou d’un lieu habité, procédure aujourd’hui non écrite. Dans les quarante-huit heures, le propriétaire ou locataire ayant constaté une occupation illégale peut déposer plainte et faire intervenir les forces de police. Au-delà de ce délai, une décision de justice est nécessaire pour procéder à l’expulsion, ce qui oblige à une procédure bien plus longue et contraignante.

Cet amendement vise en outre à répondre aux propriétaires démunis en cas d’occupation illégale de leur logement, lorsque cette occupation est constatée dans les deux jours.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Compte tenu de ce que l’on vient de dire, cet amendement est satisfait. Je vous invite donc, chère collègue, à le retirer.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement CE858 de M. Éric Woerth.

M. Thibault Bazin. Actuellement, la procédure d’expulsion d’un mauvais payeur de mauvaise foi dure, pour le propriétaire, au moins six mois incompressibles : deux mois de délai à la suite du commandement à payer avant assignation, deux mois entre la notification au préfet et l’audience, deux mois avant l’exécution de la décision d’expulsion. À ce délai incompressible s’ajoutent les délais supplémentaires liés à la surcharge des tribunaux, aux différents recours, à la trêve hivernale, etc. Cela condamne les propriétaires à subir l’occupation sans titre de leur logement. Par cet amendement, nous entendons répondre, en partie, à cette difficulté qu’ils rencontrent en réduisant de moitié le délai incompressible de six mois.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Vous l’avez dit, les délais sont incompressibles. Ils sont donc aussi indispensables pour permettre la saisine coordonnée des dispositifs d’apurement de la dette locative et organiser le relogement des locataires qui ne peuvent se maintenir dans le logement. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Par nature, je suis favorable à la réduction des délais, mais, en l’occurrence, cela n’arrangerait même pas la situation du bailleur, compte tenu des procédures à engager pour préserver le règlement de sa dette : il faut quand même un minimum de temps pour coordonner les acteurs et permettre l’intervention des dispositifs de prévention, là où vous proposez de réduire de moitié les délais.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CE2126 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement propose d’interdire les expulsions locatives sans proposition de relogement. Le rapport 2018 de la Fondation Abbé Pierre prévient que tous les indicateurs sont au rouge en ce qui concerne les expulsions locatives, alors que l’année 2015 avait déjà été marquée par une hausse inédite du nombre d’expulsions locatives. Le même rapport note que faute de moyens budgétaires pour indemniser les bailleurs en cas de refus d’expulser, les concours de la force publique sont accordés de plus en plus facilement, quitte à dépenser davantage d’argent public pour payer des hôtels ensuite.

Nous demandons donc l’interdiction pure et simple des expulsions sans relogement au-delà de la seule période de la trêve hivernale.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement. Nous avons voté il y a quelques instants un article qui permet justement d’éviter les expulsions. Rappelons aussi que 86 % des locataires qui restent dans leur logement après une demande d’expulsion remboursent leur dette de loyer. Je pense donc qu’il faut favoriser le maintien dans les lieux, plutôt que l’expulsion.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis également défavorable. J’ajoute qu’il contreviendrait à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, par une décision du 29 juillet 1998, considérant que le législateur ne peut pas subordonner l’octroi du concours de la force publique à l’accomplissement d’une diligence de nature administrative, a déjà jugé que ce type de proposition est anticonstitutionnel et porte atteinte à la séparation des pouvoirs. Il n’y a strictement aucune raison pour que le Conseil constitutionnel change sa jurisprudence.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE409 de M. Julien Aubert et CE802 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Cet amendement de mon collègue Aubert exclut toute personne ayant été condamnée pour occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier du bénéfice des dispositions de la loi instituant le droit au logement opposable (DALO).

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE409 aurait pour conséquence de priver à jamais une personne du bénéfice du droit au logement. C’est disproportionné au regard des urgences sociales auxquelles peuvent être confrontées certaines personnes en difficulté. J’y suis donc défavorable, de même qu’à l’amendement CE802.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette successivement les amendements CE409 et CE802.

Elle se saisit ensuite de l’amendement CE782 de M. Marc Le Fur.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine CE1990 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Par cet amendement, j’appelle l’attention sur les bâtiments classés de nos cœurs de ville. Très souvent, ils se dégradent, se retrouvent inoccupés, puis squattés, toutes situations résultant de l’inaction ou du peu de moyens des propriétaires, ou de procédures longues et compliquées. Les dégradations de ces squats peuvent avoir des conséquences lourdes, au-delà même du fait qu’ils nuisent à l’attractivité de nos cœurs de ville. J’en veux pour preuve un très récent incendie dans le centre-ville de Limoges, qui a ravagé des bâtiments historiques et des maisons à colombages, à tel point qu’on se demande aujourd’hui s’il ne va pas falloir les abattre.

Les maires se trouvent en l’espèce démunis car exclus du processus. Par cet amendement, je propose de leur permettre d’agir pour la protection de leur centre-ville historique et dans le processus d’expulsion des squats et de mise en sécurité des bâtiments dont la sauvegarde est une nécessité au regard du principe de précaution et de protection du bâti ancien.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement, qui me semble satisfait. Les dispositions de l’article L. 621-13 du code du patrimoine permettent déjà à l’autorité administrative d’exécuter d’office des travaux sur un monument historique classé.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande également le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE1404 de M. Thibault Bazin et l’amendement CE2422 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Je propose d’élargir le champ de la clause résolutoire du bail aux cas de condamnations pénales du locataire, ou de l’une des personnes de son foyer fiscal, au titre duquel le logement est attribué, à raison d’infractions incompatibles avec l’obligation d’occupation paisible du logement : les atteintes aux biens du bailleur ou à ses préposés.

Cela fait écho aux discussions que nous avons eues tout à l’heure sur les troubles de jouissance. Notre collègue Da Silva a fait un certain nombre de propositions. En voici une autre qui permettrait au bailleur de réagir et de ramener la paix dans sa copropriété.

M. François Pupponi. Dans le même esprit, l’amendement CE2422 a pour objet de permettre la résolution de plein droit du contrat de location à la suite d’une condamnation pour trafic de drogue.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement CE1404. En cas d’atteintes aux biens du bailleur ou à ses préposés, comme les gardiens d’immeuble, le droit prévoit déjà la possibilité de résiliation du bail.

Par ailleurs, il paraît souhaitable de laisser au juge sa capacité d’appréciation selon les cas d’espèce. Je suis donc également défavorable à l’amendement CE2422.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous avons déjà débattu du sujet tout à l’heure, mais je propose que nous trouvions d’ici à la séance publique une formulation qui recueille le consensus. Le problème de ce type de disposition, c’est que, si le juge judiciaire est obligé de résilier le bail dès lors que la condamnation est définitive, cela affectera aussi les autres membres de la famille qui résident dans le même logement. Je suis défavorable à ces amendements, mais je propose d’essayer ensemble de trouver une solution.

M. Thibault Bazin. Je retire mon amendement mais j’apporte mon entier soutien à celui de mon collègue Pupponi. Il faut parler franchement entre nous : le fléau de la drogue dans les quartiers a des conséquences sur l’accès à l’emploi et nourrit toute une économie souterraine. Il faut pouvoir exclure de ces immeubles les individus qui en vivent.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous allons y retravailler mais quid lorsque la personne visée par la mesure a quatre enfants qui vivent dans le même appartement ? Toute la difficulté est de gérer ce problème dans sa globalité.

M. François Pupponi. En effet, ce n’est pas forcément facile et la résiliation doit être assortie d’une proposition de logement – il ne faut pas le dire trop fort car certains vont immédiatement se livrer à quelques trafics pour en bénéficier. Il faut faire cela intelligemment.

Ce qui est insupportable pour les habitants, c’est qu’un trafiquant condamné rentre dans son quartier et se remette à son trafic. En fait, le quartier est calme à deux moments : quand il est en prison et quand il attend une livraison de la drogue… Comme il ne veut pas de policiers dans les parages pendant trois jours, il pacifie lui-même le quartier en ordonnant de se tenir tranquilles. Les habitants eux-mêmes me préviennent à chaque fois qu’il fait le ménage : cela veut dire qu’il y aura bientôt une livraison… C’est proprement insupportable. Alors, certes, la résiliation serait l’artillerie lourde, il faut procéder humainement et reloger les familles, mais il faut agir.

M. Thibault Bazin. Ou sinon, il faut des livraisons tous les jours…

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement CE411 de M. Julien Aubert.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement, satisfait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE859 de M. Éric Woerth.

M. Thibault Bazin. Défendu.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE2128 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Les locataires menacés par une procédure d’expulsion se retrouvent souvent démunis et ont du mal à savoir quels acteurs sont susceptibles de les aider. Pour garantir le maintien dans les lieux du locataire soumis à une procédure d’expulsion, une réponse rapide et concertée est indispensable. Par conséquent, la saisine et l’examen du dossier par la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) devraient suspendre la procédure d’expulsion.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d’autant que la CCAPEX, tout à fait utile, a pour mission de s’occuper des situations les plus complexes qui impliquent un travail partenarial entre les structures concernées par la prévention des expulsions. Si la saisine entraînait une suspension systématique de la procédure d’expulsion, cela aboutirait à un engorgement immédiat de la CCAPEX.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CE412 de M. Julien Aubert.

M. Thibault Bazin. Défendu.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE2127 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Bénédicte Taurine. Par cet amendement, nous appelons à l’instauration d’une garantie universelle des loyers.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même si j’ai été rapporteur lors de l’examen d’une proposition de ce type au Sénat, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 41
(article 24 de la loi  89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Précision des mentions obligatoires du commandement de payer
transmis à la commission de coordination des actions de prévention
des expulsions locatives

1.   L’état du droit

Selon le quatrième alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le commandement de payer est signifié par l’huissier de justice, pour le compte du bailleur personne physique ou d’une société civile « familiale » à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX). Le premier alinéa de l’article 24 de la même loi impose la saisine de la CCAPEX par les bailleurs personnes morales autres que les sociétés civiles « familiales », au moins 2 mois avant tout assignation aux fins de constat de résiliation du bail. Dans ce cadre, c’est la plupart du temps le commandement de payer qui est également transmis à la CCAPEX.

Les procédures prévues aux alinéas 1 et 4 ont toutes deux pour objectif dinformer le plus en amont possible la CCAPEX des incidents de paiement de loyer, pour éviter les expulsions et assurer une prise en charge des personnes menacées d’expulsion pour impayées de loyer ou de charges.

Le deuxième alinéa de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précise le contenu du commandement de payer, qui doit notamment mentionner la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement. Toutefois, en létat actuel du droit, les mentions obligatoires pour le commandement de payer ne sont pas suffisamment précisées et ne permettent pas toujours aux CCAPEX de disposer de l’ensemble des informations utiles pour traiter de façon efficace les situations de menace d’expulsion. Dans ce cadre, la jurisprudence est intervenue pour préciser le contenu minimal du commandement de payer. Ainsi, dans une décision du 1er mars 2000 Cass. Civ. 3 n° 98-15.244, la Cour de cassation a considéré imprécis un commandement de payer qui donne le montant des sommes demandées à titre de charges, mais ne comporte aucun décompte permettant au locataire d’apprécier la nature ou le bien-fondé de la demande. En l’espèce, le juge a estimé qu’un commandement de payer imprécis ne saurait constituer le fondement d’une procédure de résiliation de plein droit en vertu de la clause résolutoire.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 41 du présent projet de loi modifie le quatrième alinéa du I de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précitée, afin de renvoyer à un décret les conditions de signalement et de saisine de la CCAPEX. Lobjectif est que le décret en question précise les mentions obligatoires du commandement de payer, afin que celui-ci reproduise le montant mensuel du loyer et des charges, et le décompte de la dette. Ainsi, la CCAPEX disposera des informations utiles pour orienter les personnes concernées vers le dispositif dapurement adapté, avec pour enjeu final d’assurer autant que possible le maintien du locataire dans le logement et le remboursement de la dette pour le bailleur.

Par ailleurs, l’article supprime certaines dispositions devenues obsolètes, comme la référence aux dates d’entrées en vigueur des obligations de signalement et de saisine de la CCAPEX issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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La commission se saisit de l’amendement CE2129 de M. François Ruffin.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement vise à ce que l’ensemble des commandements à payer soient signalés aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX), sans condition de montant de la dette locative.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est totalement défavorable à cet amendement. La CCAPEX est très utile pour la prévention mais si on lui défère tous les commandements à payer délivrés chaque année, elle en mourra… C’est une question de bon sens.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE209 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Actuellement, les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions ne s’intéressent qu’aux expulsions locatives, mais les accédants à la propriété sont également menacés de perdre leurs logements en raison de leur situation fragile, particulièrement les ménages en accession à la propriété en zone tendue car le bénéfice de l’APL accession a été restreint aux zones détendues. Les pertes de logement risquent de se multiplier. L’objectif de vente de 1 % du parc social en accession à la propriété rend également nécessaire une action de prévention des situations d’insolvabilité comme dans le parc locatif.

L’objectif de cet amendement est que les ménages en accession à la propriété en difficulté puissent être pris en compte dans les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement. Des dispositifs spécifiques existent pour aider les accédants à la propriété qui rencontrent des difficultés financières pouvant compromettre le remboursement de leur prêt, et certains dispositifs s’adressent aussi bien aux locataires qu’aux propriétaires en difficulté.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. À la mission de prévention des expulsions de la CCAPEX, vous voudriez ajouter le traitement des difficultés financières des accédants à la propriété. Je ne crois pas que cela soit de nature à améliorer la situation…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 41 sans modification.

Article 42
(articles L. 353-15-2 et L. 442-6-5 du code de la construction et de l’habitation)
Autorisation du protocole de cohésion sociale
en cas d’absence de dette locative

1.   L’état du droit

L’article 98 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a créé le protocole de cohésion sociale qui a pour but de donner dans le parc social une seconde chance à un locataire dont le bail a été résilié pour dette locative. Les articles L. 353-15-2 et L. 442-6-5 du code de la construction et de l’habitation (CCH) en précisent les modalités, respectivement pour les logements appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) conventionnés et non conventionnés. Ainsi, l’occupant d’un logement HLM dont le bail a été résilié par décision judiciaire pour défaut de paiement de loyer et de charges peut signer un protocole d’accord avec l’organisme bailleur qui vaut titre d’occupation et lui donne droit au versement des aides au logement. En contrepartie, l’occupant s’engage au paiement régulier de l’indemnité d’occupation et des charges telles que fixées dans la décision judiciaire ainsi qu’au respect d’un plan d’apurement de sa dette envers le bailleur.

En l’état actuel du droit, la condition du respect du plan d’apurement empêche la signature de protocole pour les cas où la dette locative a été effacée dans le cadre d’une procédure de surendettement.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 42 du présent projet de loi modifie les articles L. 353-15-2 et L. 442 6-5 du CCH afin d’ouvrir le protocole de cohésion sociale en l’absence de dette locative. Ainsi, loccupant dont la dette a fait lobjet dun effacement dans le cadre dune procédure de surendettement mais dont le bail a été résilié pour dette locative pourra signer un protocole tel que prévu à l’article 98 de la loi du 18 janvier 2005 précitée. Cette disposition participe donc à l’objectif d’éviter l’expulsion du logement de l’occupant de bonne foi.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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La commission examine l’amendement CE2130 de Mme Mathilde Panot.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à notre proposition d’interdire les expulsions sans relogement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’exécution d’une décision judiciaire de résiliation du bail ne saurait être conditionnée à la formulation par le bailleur d’une proposition de relogement. Je suis donc défavorable à votre amendement

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 42 sans modification.

Article 43
(articles L. 313-4, L. 313-9, L. 313-11, L. 313-11-2 [nouveau], L. 313-14-1, L. 314-7, L. 315-12, L. 315-15, L. 345-2-2 ; L. 345-2-4 du code de laction sociale et des familles,
article L. 301-5-1 du code de la construction et de lhabitation)
Renforcement du pilotage de la politique daccueil, dhébergement
et de logement des personnes défavorisées

1.   L’état du droit

a.   Le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD)

Prévu à l’article 2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) comprend les mesures visant à permettre aux personnes éprouvant des difficultés particulières pour se loger, « daccéder à un logement décent et indépendant ou de sy maintenir ». Issu de la fusion des anciens plans d’action pour le logement des personnes défavorisées et plan d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile, initiée par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, le PDALHPD, dont les modalités sont précisées à l’article L. 312-5-3 du code de l’action sociale et des familles (CASF), est l’outil de planification conjoint des politiques du logement et de lhébergement des personnes défavorisées à léchelle départementale.

Le PDALHPD nest pas mentionné par larticle L. 313-4 du CASF qui fixe les conditions de délivrance des autorisations accordées aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Ainsi, les projets d’établissements d’accueil et d’hébergement des personnes en difficulté tels que prévus au 8° de l’article L. 312-1 du CASF peuvent obtenir une autorisation sans que leur conformité au PDALHPD ne soit vérifiée, ce qui peut limiter l’efficacité du pilotage des politiques concernées. De même, l’inadéquation du projet de l’ESSMS avec le PDALHPD ne fait pas partie des motifs pouvant justifier le retrait dune habilitation à laide sociale, qui sont prévus à l’article L. 313-9 du CASF. Il s’agit là d’une exception dans la mesure où les différents schémas sanitaires et sociaux sont généralement opposables à la demande d’autorisation formulée par les ESSMS concernés, et peuvent également servir de motifs au retrait d’une habilitation à l’aide sociale.

b.   Le régime juridique des structures d’hébergement

Les structures d’hébergement destinées aux personnes sans domicile répondent aujourd’hui à deux types de régimes juridiques :

Dans un contexte où les établissements relevant du régime de l’autorisation font face à une situation d’engorgement, les places relevant du régime de la déclaration sont développées. Or, la coexistence de ces deux régimes est régulièrement remise en question. En effet, le régime de l’autorisation permet plus facilement d’assurer le respect des normes standards d’organisation et de fonctionnement et de contrôler l’impact financier des projets. Les places subventionnées offrent une qualité d’accueil et d’accompagnement moindre. En ce sens, des mesures ont déjà été prises afin de favoriser la mise sous statut des places subventionnées pour mieux garantir la lisibilité, la cohérence et la qualité de lintervention sociale dans ce secteur.

En l’état actuel du droit, la délivrance de l’autorisation est soumise à une procédure spécifique, qui peut allonger les délais de création ou d’extension des établissements relevant de ce régime. En effet, larticle L. 313-1-1 du CASF prévoit que lautorisation est délivrée par le biais dune procédure dappel à projet, qui aux termes de l’article D. 313-2 du CASF, vaut pour les projets de création, de transformation et d’extension au-delà de 30 % des capacités d’accueil de ces établissements.

c.   Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM)

Introduits par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, les CPOM sont prévus à l’article L. 313-11 du CASF. Conclus pour une durée maximale de 5 ans entre les gestionnaires d’établissement et les autorités chargées de l’autorisation, leur signature doit favoriser « la réalisation des objectifs retenus par le schéma d’organisation sociale et médico-sociale dont ils relèvent » et « la mise en œuvre du projet d’établissement ». Les CPOM participent à la modernisation du pilotage et du financement des politiques publiques concernées. En effet, en contrepartie de perspectives financières pluriannuelles, les établissements s’engagent sur des objectifs de qualité et d’efficience. La contractualisation sur la base dun CPOM reste en létat actuel du droit une simple possibilité et non une obligation pour les établissements daccueil et dhébergement mentionnés au 8° du I de l’article L. 312-1 du CASF.

d.   Les missions de veille sociale

Introduit par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, le dispositif de veille sociale est précisé à l’article L. 345-2 du CASF. Mis en place à l’échelon départemental, ce dernier est chargé « d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale psychique et sociale et de les orienter vers les structures et services qu’appelle leur état ». Dans ce cadre, les services intégrés daccueil et dorientation (SIAO), créés par la circulaire du 8 avril 2010, et portés au niveau législatif par l’article 30 de la loi ALUR, ont pour mission, selon l’article L. 345-2-4 du CASF de recenser les places d’hébergement et de logement disponibles, de gérer le service d’appel téléphonique du 115, de suivre le parcours des personnes ou familles prises en charge, et de coordonner les acteurs concourant à la veille sociale. Créés par le biais d’une convention entre l’État et une personne morale, ils contribuent à assurer un meilleur traitement de lensemble des demandes dhébergement et de logement formulées par les personnes défavorisées ainsi quà lamélioration de la fluidité entre ces deux secteurs.

Plusieurs dispositions visent à encourager la coordination interdépartementale des SIAO. Ainsi, selon l’article L. 345-2-5 du CASF, la convention doit contenir des engagements en matière de coopération avec les SIAO des autres départements. L’article L. 345-2-9 du CASF prévoit que le préfet de région détermine les modalités de coordination des SIAO. Pour l’Île-de-France, l’article L. 345-2-1 rend possible la possibilité d’un dispositif unique de veille sociale à l’échelle francilienne, à la demande et sous l’autorité du préfet de région. Si la coopération entre SIAO est permise, elle reste, dans les faits, assez peu développée. Exception faite de l’Île-de-France, en létat actuel du droit, il nest pas possible de mettre en place un SIAO compétent à léchelle de plusieurs départements.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 43 du présent projet de loi modifie l’article L. 313-4 du CASF afin de rendre opposable le PDALHPD pour la délivrance des autorisations dactivités des ESSMS qui mettent en œuvre la politique du logement et de l’hébergement des personnes défavorisées. L’article L. 313-9 du CASF est également modifié afin de permettre la possibilité du retrait de lhabilitation à laide sociale pour des motifs fondés sur l’évolution des objectifs et besoins fixés par le plan.

Le III de l’article 43 du présent projet de loi vise à permettre une exonération temporaire de la procédure dappel à projet prévue à l’article L. 313-1-1 du CASF, d’une part pour les projets dextension inférieurs ou égaux à 100 % d’augmentation de la capacité d’une structure d’hébergement relevant du 8° du I de l’article L. 312-1 et, d’autre part, pour les projets dautorisation d’un établissement qui, à la date du 30 juin 2017, relève du régime de la déclaration prévu à l’article L. 322-1 du CASF. Cette exonération vaut jusqu’au 31 décembre 2022 et sa validité est conditionnée à la conclusion d’un CPOM. En réduisant la charge administrative liée à la procédure dappel à projet, lobjectif est de favoriser la transition vers le régime de lautorisation pendant la durée du plan quinquennal pour le logement d’abord. Le régime de la déclaration reste inscrit à l’article L. 322-1, mais doit rester une solution de dernier recours pour faire face à des situations d’urgence.

Un nouvel article L. 313-11-2 est créé afin de rendre les CPOM obligatoires pour les structures daccueil et dhébergement prévues au 8° du I de l’article L. 312-1. Une dérogation à l’article L. 314-7, qui fixe les règles concernant la tarification annuelle des établissements, est prévue. Ainsi, le CPOM fixe les éléments pluriannuels des établissements concernés, et peut prévoir une modulation du tarif en fonction d’objectifs d’activité définis dans le contrat. L’article prévoit une montée en charge progressive du dispositif, les CPOM devant être conclus au plus tard le 1er janvier 2023, selon une programmation pluriannuelle établie par le préfet de région. Ces dispositions s’inscrivent dans la logique de modernisation de l’organisation et de la planification de la politique de l’hébergement. Dans le cadre du plan quinquennal pour le logement d’abord, le déploiement de ce nouveau dispositif permet de renforcer le pilotage de l’offre. En outre, l’article L. 313-11 du CASF est modifié afin de permettre à l’autorité de tarification, et non celle de l’autorisation, d’être signataire du contrat.

Enfin, l’article L. 345-2-4 du CASF est complété afin de permettre lexercice des missions de veille sociale à léchelon de plusieurs départements, par le biais d’une convention conclue en ce sens entre une personne morale et les préfets de plusieurs départements. Ces mutualisations pourront permettre d’offrir aux personnes sans-abri des solutions plus adaptées à leur situation, et favoriser, le cas échéant, les mesures de logement plutôt que les mesures d’hébergement en mobilisant les solutions existantes aux départements limitrophes, en cohérence avec le plan du Gouvernement pour le Logement d’abord.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure se félicite de l’amélioration du pilotage des dispositifs de logement et d’hébergement pour les personnes défavorisées, qui permettra de mieux répondre aux objectifs fixés dans le plan du Gouvernement pour le Logement d’abord. Certaines clarifications ont pu être apportées en ce sens en commission.

Votre rapporteure partage la volonté exprimée par plusieurs membres de la commission d’assurer la bonne articulation des différents plans de programmation des politiques sociales et sanitaires à destination des personnes défavorisées. En ce sens, une solution pourrait être d’annexer le programme régional d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS) au PDALHPD pour s’assurer de leur cohérence, comme c’est le cas pour d’autres documents de programmation (schéma de domiciliation ou schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile). Le Gouvernement s’est également exprimé en faveur de cette évolution, qui sera retravaillée pour la séance publique.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté trois amendements sur cet article.

Le premier amendement adopté est un amendement de votre rapporteure, qui permet de préciser qu’un cahier des charges, contenant notamment un modèle de CPOM, sera établi par voie réglementaire.

L’objectif poursuivi par cet amendement est d’apporter une aide et un gain de temps aux structures d’accueil et d’hébergement concernées par la préparation du CPOM, désormais rendu obligatoire par l’article 43 du présent projet de loi. Ce cahier des charges permettra de donner des lignes directrices communes dans la rédaction des CPOM, au bénéfice de la cohérence globale du dispositif.

Le deuxième amendement adopté est un amendement de M. Nicolas Démoulin, sous-amendé par votre rapporteure. Il complète l’article L. 345-2-2 du CASF afin de préciser que les conditions d’accueil des personnes sans domicile doivent assurer la sécurité des biens et des personnes.

Dans le cadre de la lutte contre le sans-abrisme, il a en effet semblé important aux yeux de la commission d’affirmer dans la loi que l’hébergement d’urgence doit assurer la sécurité des biens et des personnes. Cette mesure est d’autant plus légitime que l’article R. 311-35 du CASF, qui prévoit que le règlement des structures d’accueil précise les mesures relatives à la sûreté des personnes et des biens, concerne uniquement les établissements sociaux et médico-sociaux et non l’ensemble des structures d’accueil pouvant relever d’un autre régime juridique.

Si votre rapporteure et le Gouvernement ont exprimé leur souhait de voir les services numériques à destination des personnes sans domicile se développer, il n’est pas apparu pertinent de prévoir la création d’un service public numérique obligatoire dans la loi. Ce point a fait l’objet du sous-amendement déposé par votre rapporteure.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE850 de Mme Véronique Riotton et CE1155 de M. Vincent Rolland.

Mme Véronique Riotton. Il s’agit de mettre de la cohérence entre le département et la région. Les projets régionaux de santé (PRS) et les programmes relatifs au maintien dans le logement et d’accès au logement et à l’hébergement accompagné prennent en compte les souffrances psychiques des individus et les contraintes spécifiques qu’elles engendrent en matière de logement.

L’amendement CE850 vise à permettre la même prise en compte dans le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).

M. Thibault Bazin. Je profite de l’examen de l’amendement CE1155 pour lancer un appel. Monsieur le ministre, vous avez en charge la cohésion des territoires et les députés votent le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Or il y a comme un trou dans la raquette en matière de concertation sur les projets régionaux de santé : les parlementaires n’y sont pas associés. Il faudrait pourtant que nous puissions non seulement recevoir ces projets – envoyés à la terre entière, sauf aux députés – mais aussi évaluer les expérimentations, d’autant que bon nombre d’entre elles sont lancées par la ministre de la santé. La cohésion des territoires passe aussi par le respect des parlementaires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je partage votre volonté d’améliorer l’efficacité et la cohérence des politiques publiques, d’associer les parlementaires en amont à toute expérimentation et de veiller à la bonne articulation des différents plans de programmation dans le champ des politiques sociales et sanitaires.

Toutefois, le PDALHPD comporte déjà une analyse des besoins d’accompagnement sanitaire, social et médico-social. En outre, le PRS, tout comme le programme relatif au maintien dans le logement et d’accès au logement et à l’hébergement accompagné, n’a pas le même périmètre d’intervention que le PDALHPD. Ces dispositifs concernent des échelons territoriaux différents, ce qui rend leur articulation particulièrement complexe.

Une solution pourrait être d’annexer le Programme régional d’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS) au PDALHPD pour s’assurer de leur cohérence, comme cela se fait avec d’autres documents de programmation, comme le schéma de domiciliation ou le schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile.

Je vous propose de retirer ces amendements, de façon à y retravailler, éventuellement sur le fondement d’une expertise.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je souscris aux remarques de Mme la rapporteure : les périmètres et les objectifs ne sont pas les mêmes. Effectivement, une solution pourrait consister à annexer le PRAPS au PDALHPD.

Monsieur le député Bazin, j’ai toujours défendu la présence des parlementaires dans toutes les commissions, et je sais que vous ne demandez qu’à travailler davantage…

M. le président Roland Lescure. Pour cette semaine, ça va. (Sourires.)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. En tout cas, j’ai toujours défendu la même position ; je ne peux donc que souscrire à votre remarque.

Mme Véronique Riotton. Je retire l’amendement CE850 pour y retravailler.

M. Thibault Bazin. Je retire l’amendement CE1155, mais, puisque vous dites, madame la rapporteure, monsieur le ministre, que les périmètres ne sont pas les mêmes, j’en profite pour le dire : la France souffre précisément de politiques qui se déclinent sur des périmètres différents, sans forcément se parler. Et puis, je veux bien qu’on y retravaille mais… qui, « on » ? Le ministère va-t-il nous indiquer comment il faut rédiger ces amendements ? À la suite de quelle réunion pourrons-nous le faire ? Mardi matin, mardi après-midi, mercredi matin ? Le risque est que nous nous retrouvions en séance publique dans la même situation, à nous redire qu’il faut y retravailler. Il faudrait déjà que nous finissions cet examen en commission pour pouvoir retravailler.

M. le président Roland Lescure. C’est « open bar » au ministère de la cohésion des territoires à partir de mardi matin ! Vous pourrez en reparler tout à l’heure.

Les amendements CE850 et CE1155 sont retirés.

La commission se saisit de l’amendement CE2322 de
M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Défendu.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements CE1690 de la rapporteure et CE2676 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Par l’amendement CE1690, au profit duquel j’invite M. Pupponi à retirer l’amendement CE2676, il s’agit, afin d’harmoniser tout le dispositif réglementaire, de prévoir un cahier de charges comprenant notamment un modèle de contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).

M. François Pupponi. Je le retire.

L’amendement CE2676 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE1690.

Elle se saisit ensuite de l’amendement CE1933 de M. Nicolas Démoulin, qui est l’objet d’un sous-amendement CE2837 de la rapporteure.

M. Nicolas Démoulin. Il s’agit des centres d’hébergement des sans-abri, notamment de la sécurité des biens et des personnes. J’ai constaté, depuis quelques années, que de nombreux sans-abri ne veulent pas y être hébergés en raison de violences et de vols incessants – des vols de sacs à dos, de pièces d’identité… Ce serait adresser un message fort à ces publics que d’inscrire dans la loi l’exigence de sécurité dans ces centres d’hébergement financés par l’État. Nous leur devons le logis, nous leur devons l’hygiène, mais il leur faut aussi de la sécurité pour se reconstruire.

Et, puisque ce projet de loi porte aussi sur l’évolution du numérique, n’oublions pas que ces personnes sont privées des outils numériques, auxquelles il leur faudra bien pouvoir accéder pour sortir de leur situation. Accompagnons-les donc et donnons-leur accès, dans ces centres d’hébergement, à ces moyens numériques.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il ne nous paraît pas nécessaire de créer obligatoirement un service numérique. Mon sous-amendement CE2837 vise donc à retrancher de l’amendement cette exigence.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est favorable à ce sous-amendement, et à l’amendement sous‑amendé.

Mme Laure de La Raudière. En fait, votre sous-amendement, madame la rapporteure, supprime complètement le quatrième alinéa et donc l’obligation, pour les centres, d’avoir un service numérique permettant de sauvegarder les données personnelles.

L’enjeu est réel. Les personnes concernées ont besoin d’être accompagnées, d’autant que toutes les démarches sont dématérialisées – et elles devront évidemment pouvoir accéder à internet. Il faut trouver une solution. Peut-être la rédaction de cet alinéa de l’amendement ne convenait-elle pas, mais qu’en est-il du fond, madame la rapporteure ?

Mme Véronique Hammerer. S’il s’agit d’assurer la sécurité des biens et des personnes au sein des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), cher collègue Démoulin, qui va le faire ? Va-t-on demander aux CHRS de mettre en place des moyens ? Et lesquels ?

M. le président Roland Lescure. Peut-être Mme la rapporteure et le Gouvernement seront-ils mieux placés pour répondre à ces questions, chère collègue.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Si je propose, chère collègue de La Raudière, la suppression du quatrième alinéa de l’amendement, c’est parce que la création des coffres‑forts numériques est déjà possible et que la rendre obligatoire ne ferait que poser problème. On peut évidemment rédiger différemment l’amendement pour que soit conseillée à tous les centres d’hébergement la création d’un coffre-fort numérique, sans que cela soit obligatoire, mais le sous-amendement permet d’écarter cette difficulté tout en conservant le reste de l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le droit à la sécurité figure déjà dans la Charte des droits et libertés de la personne accueillie, mentionnée à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous nous sommes beaucoup investis sur ce sujet, et je veux saluer l’action des associations. C’est un problème auquel elles sont confrontées depuis longtemps. Nous continuons évidemment d’en parler, car c’est un enjeu majeur, mais les associations ont énormément fait pour améliorer la situation en de nombreux endroits.

Par ailleurs, le mot « sécurité » figure déjà, comme l’a dit M. le ministre, dans la charte des droits et libertés de la personne accueillie. Je voudrais simplement que nous vérifiions que l’amendement ne crée pas un problème juridique avec les associations qui interviennent dans les centres ; il ne faudrait pas que cette disposition leur soit opposable. Faisons cette analyse juridique avant l’examen du texte en séance publique.

M. Nicolas Démoulin. L’amendement change la définition de l’hébergement d’urgence. Ayons à l’esprit le texte de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.

« Cet hébergement d’urgence doit lui permettre, dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, etc. »

Pourquoi insérer après le mot « humaine » les mots « et assurant la sécurité des biens et des personnes » ? Tous les centres d’hébergement ne respectent pas les exigences édictées, mais cela permet de leur adresser un message fort. Ces centres d’hébergement sont financés par l’État !

La commission adopte le sous-amendement CE2837.

Puis elle adopte l’amendement CE1933 sous-amendé.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE212 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Il est nécessaire d’améliorer les moyens des systèmes d’information des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), qui jouent un rôle de coordination de très nombreux centres sociaux. De nombreuses structures existent, qui œuvrent séparément. Même si des efforts de coordination ont été réalisés, il reste des progrès à faire. Cet hiver, une handicapée sur chaise roulante a été mise dehors par l’hôpital, en plein froid, sans solution de relogement. La loi précise les missions du SIAO, notamment sa mission de coordination. Il serait utile de préciser cet article en indiquant qu’il est chargé d’une mission de coordination et d’anticipation visant à éviter les ruptures d’hébergement et qu’il est chargé de collecter des données. Cela permettra de conforter cette mission.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement, dont l’esprit est déjà satisfait par l’état du droit et les pratiques des SIAO sur le terrain. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le droit en vigueur permet déjà au SIAO d’engager les partenariats visant à la prévention des ruptures de parcours. Il serait inopportun d’édicter de nouvelles obligations.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE213 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Les structures d’accueil des personnes en difficulté sont nombreuses. Il est donc nécessaire d’organiser la centralisation des informations afin de mieux orienter les demandeurs vers les places disponibles. Actuellement, la loi demande aux organismes qui bénéficient d’un financement de l’État de transmettre aux SIAO les informations sur leurs logements vacants et d’examiner les propositions d’orientation des SIAO. En revanche, elles ne sont pas tenues de transmettre les informations sur les demandes d’hébergement ou de relogement qui leur sont faites directement.

Or il serait très important qu’elles le fassent, afin que les SIAO puissent dresser un état des lieux complet de la demande et des offres disponibles.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le SIAO recense déjà les demandes d’hébergement et de logement. Obliger les structures de logement adapté financées par l’État à informer le SIAO de toutes les demandes de logement ou d’hébergement qui leur sont adressées risque d’alourdir excessivement leur charge administrative. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE2323 de M. François Pupponi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement 849 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. L’article 43 permet à des établissements assurant l’accueil et l’accompagnement social des personnes en situation de détresse de déroger temporairement à la procédure d’appel à projets. Le présent amendement prévoit d’étendre cette dérogation temporaire aux appartements de coordination thérapeutique (ACT), institutions médico-légales financées par l’assurance maladie. Le nombre de places est d’environ 2 300, alors que le nombre de demandes d’admission est supérieur à 10 000. Il s’agit de faciliter l’extension des établissements existants et d’y offrir plus de places.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement, satisfait puisque les projets d’extension des ACT ne dépassant pas 30 % peuvent déjà être exonérés de la procédure d’appel à projets.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Effectivement, c’est ce que prévoit, certes à titre expérimental, un décret du 29 décembre 2017.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement CE2677 de M. François Pupponi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine de l’amendement CE2678 de M. François Pupponi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE2679 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement CE1952 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. Il s’agit d’un amendement d’appel sur la prise en charge des mères isolées. La situation est complètement ubuesque. Une femme isolée avec un enfant de moins de trois ans, souvent dans cette situation la suite de violences conjugales, est prise en charge par le département. Au troisième anniversaire de l’enfant, l’enfant est pris en charge par l’État. Si elle a un autre enfant peu après, l’un est donc pris en charge par l’État et l’autre par le département. C’est une espèce de partie de ping-pong entre les services de l’État et ceux du département qui se joue, mais il s’agit de situations dramatiques ! Ce n’est peut-être pas, j’en suis conscient, le bon véhicule législatif mais ne pourrait-on se pencher sur ce problème, que je n’ai moi-même découvert que récemment ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement, non que je sois en désaccord avec vous sur le fond, cher collègue, mais parce que supprimer la compétence départementale de prise en charge des mères isolées avec un enfant de moins de trois ans nuirait à la cohérence globale de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et irait à l’encontre du mouvement de décentralisation.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Peut-être les conseils départementaux seraient-ils favorables à votre amendement, compte tenu des charges induites par la compétence qui leur a été reconnue, mais la prise en charge des publics en question relève incontestablement d’une logique de protection de l’enfance, compétence reconnue, en l’état actuel du droit régissant les collectivités territoriales, par toutes les juridictions aux conseils départementaux.

Tout en comprenant les raisons pour lesquelles vous avez présenté cet amendement, je vous demande de le retirer.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE1923 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. Lorsque les sans-abri sont prêts à se réinsérer dans la société, il faut, à mon sens, leur dérouler le tapis rouge. Beaucoup de sans-abri ont des droits, mais ils ne le savent pas ou ne veulent pas en entendre parler. Cela commence par une domiciliation.

Aujourd’hui, le délai – certes, réglementaire – dans lequel l’organisme compétent pour attribuer une domiciliation ouvre les droits des personnes sans domicile stable ou fixe est de deux mois. Il arrive donc souvent qu’un sans-abri n’ait toujours pas obtenu de réponse un mois après sa demande. Cela pourrait pourtant se faire en quarante-huit heures ! Je propose donc de disposer que ce délai est de sept jours ouvrables. Il s’agit non pas de « mettre la pression » sur ces centres mais d’adresser un message fort à ces personnes en difficulté, qu’elles n’aient pas à attendre aussi longtemps une domiciliation qu’il est assez simple d’accorder, et qui est une passerelle grâce à laquelle elles pourront sortir de leur situation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cher collègue, vous l’avez dit : la fixation de ce délai relève du pouvoir réglementaire. Je suis donc défavorable à cet amendement, même s’il soulève une question importante.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis, pour la même raison. Par ailleurs, l’accès à une domiciliation, avec les avantages que cela comporte évidemment, ne préjuge pas de l’éligibilité des personnes domiciliées aux droits et prestations.

M. Nicolas Démoulin. Serait-il du moins possible que la loi renvoie au décret le soin de fixer un « délai raisonnable » ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je ne pense pas que ce soit la bonne formule. Mieux vaut travailler sur le décret lui-même plutôt que multiplier les dispositions législatives prévoyant des décrets, même si nous avons tous eu cette tentation.

M. le président Roland Lescure. Nous essayons de changer cela, monsieur le ministre.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE2190 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. L’amendement CE2190 touche à la vie quotidienne des sans-abri et notamment à leur rapport avec leur animal de compagnie.

M. le président Roland Lescure. Je précise que ce n’est pas un amendement Mézard. (Sourires.)

M. Nicolas Démoulin. Des légendes urbaines courent encore selon lesquelles les sans-abri ont des chiens parce que cela leur garantit de ne pas aller en prison… C’est proprement insupportable. Si un sans-abri a un chien, c’est pour se protéger, pour avoir de la compagnie, pour s’occuper de quelqu’un : c’est aussi pour lui un moyen de revenir dans la société.

Ce serait un signal très fort que d’inscrire dans la loi une prise en charge systématique des animaux de compagnie dans les centres d’hébergement. Cela permettrait une prise de conscience des conditions de vie concrètes des sans-abri, même si je sais bien que cela nécessitera des aménagements.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Vous avez raison, monsieur Démoulin, de souligner l’importance des animaux pour les sans-abri. Toutefois, votre exposé sommaire évoque une généralisation de la prise en charge des animaux dans les centres d’hébergement. La rendre obligatoire me paraît compliqué. Je vous suggère donc de retirer votre amendement pour le réécrire.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le ministre va passer le relais au secrétaire d’État…

M. le président Roland Lescure. Le ministre fait jouer son droit de réserve. (Sourires.)

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Une telle prise en charge ne me paraît pas devoir figurer dans la loi. Comme vous l’avez souligné, de multiples raisons expliquent l’attachement des sans-abri à un animal de compagnie. Nous avons eu l’occasion d’en discuter avec les travailleurs sociaux.

Ce qui importe, c’est d’accompagner les structures d’hébergement pour leur permettre d’ouvrir de plus en plus de places d’accueil pour les animaux de compagnie et leurs maîtres. Et c’est ce que nous faisons. Nous pourrions trouver une autre façon d’intégrer cet aspect de la vie quotidienne des sans-abri, peut-être en précisant que la personne doit être accueillie en prenant en compte toutes ses spécificités.

M. Nicolas Démoulin. J’aimerais tellement pouvoir dire aux sans-abri que la loi prévoit de prendre en charge leur animal de compagnie dans les centres d’hébergement. Ce serait leur envoyer un message d’une immense portée.

Mme Véronique Hammerer. C’est en effet une question cruciale. La compagnie d’un animal est un réel support pour les SDF. J’ai travaillé pendant longtemps auprès d’eux et je sais d’expérience que l’animal permet souvent d’établir un premier contact.

Il ne me paraît pas possible de rendre obligatoire la prise en charge des animaux de compagnie dans la loi, mais il est nécessaire d’inciter les structures d’hébergement à les accueillir en les accompagnant, y compris financièrement. On peut en sourire, mais cela représente pour ces personnes une béquille vitale. Nous savons que le Président de la République s’est engagé à augmenter le nombre de places dans les pensions de famille. Je sais, pour avoir travaillé longtemps avec les sans-domicile fixes, que la première approche passe souvent par l’animal.

Mme Emmanuelle Ménard. La question est cruciale, en effet, mais je ne suis pas sûre non plus que la loi soit un bon vecteur car la présence des animaux dans les centres pose des problèmes pratiques qu’il est extrêmement difficile de résoudre. Je citerai le cas d’un centre d’hébergement acceptant les animaux de compagnie qui se trouve confronté à des situations totalement ubuesques du fait que les hommes viennent avec leur chien alors que les femmes fichues dehors par leur compagnon… arrivent avec leur chat. On peut en rire, mais ce sont des situations de détresse terriblement compliquées.

M. François Pupponi. C’est effectivement un réel sujet, mais nous ne le réglerons pas au détour d’un amendement. Je partage la position de Nicolas Démoulin : nous devons trouver un article dans ce projet de loi pour évoquer d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que symboliquement, l’accueil des animaux de compagnie sans pour autant imposer des obligations, des réquisitions, obliger à des travaux, etc. Il doit être possible de diffuser progressivement une petite musique un peu partout pour inciter à faire des efforts, et à les reconnaître.

Mme Bénédicte Taurine. Nous pourrions peut-être retenir la suggestion de M. le secrétaire d’État en mentionnant que « la personne doit être accueillie en prenant en compte toutes ses spécificités ».

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement CE2215 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. Les sans-abri sont victimes de nombreux vols, notamment de leurs pièces d’identité et de leurs documents administratifs dont le renouvellement s’apparente à un très long chemin de croix.

Cet amendement propose d’octroyer aux personnes accueillies en centre d’hébergement un casier personnel. J’ai déjà pu constater quel plaisir les sans-abri éprouvaient à disposer d’un tel équipement : c’est pour eux un véritable petit chez-soi où ils peuvent loger sac à dos, pièces d’identité, documents divers et souvenirs personnels.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La mise en place de casiers personnels dans les centres d’hébergement n’est pas une mesure qui relève du domaine de la loi mais plutôt de dispositions réglementaires voire de bonnes pratiques mises en œuvre directement par les structures d’accueil et d’hébergement. Quant aux coffres-forts numériques, nous les avons déjà évoqués.

Je vous demanderai de retirer votre amendement, monsieur Démoulin.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cela ne relève pas du domaine législatif. Des expérimentations sont en cours et le Gouvernement les suit de près, notamment pour ce qui est du développement des coffres-forts numériques qui constitue un plus incontestable. Je vous demanderai moi aussi de retirer votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous ne manquerons pas de vous transmettre les résultats de l’expérimentation qui sont pour l’heure très positifs. Outre le casier personnel et le coffre-fort numérique, je sais qu’autre sujet essentiel vous tient à cœur : la possibilité de disposer d’une adresse non discriminante. En ce domaine aussi, des expérimentations sont en cours et je pense que nous pourrons aller plus loin dans nos échanges.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE2056 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. Nous le savons, 48 % des appels aux 115 se soldent par une réponse négative et le « taux de décrochage » du téléphone est tombé à un niveau lamentable, ce qui dénote un grand amateurisme. Or appeler le 115 peut être assimilé à un appel au SAMU ou aux pompiers. Il est nécessaire d’inscrire dans la loi un objectif de résultat.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Prévoir une obligation de résultat pour la gestion du service d’appel téléphonique est une disposition trop floue, qui ne permettrait pas de renforcer l’efficacité concrète du dispositif. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’accès à tout moment à un dispositif d’hébergement d’urgence pour les personnes en situation de détresse est déjà inscrit dans la loi. L’amendement que vous proposez ne garantirait ni un accès à tous ni un accès systématique à une solution d’hébergement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE2195 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. Cet amendement vise à assurer aux personnes sans-abri un accès à des moyens de communication électronique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous opposerai les mêmes arguments que pour le casier personnel : nous ne pouvons pas inscrire une telle obligation dans la loi. Mieux vaut favoriser les bonnes pratiques et les valoriser pour les diffuser. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La charte des droits et libertés de la personne accueillie définie par un arrêté du 8 septembre 2003 pourrait être complétée par voie réglementaire. Le principe est louable et nous en sommes tout à fait d’accord ; mais, comme vous le savez, les centres d’hébergement peuvent recourir à solutions très variées, notamment pendant la période hivernale – les gymnases par exemple. Je ne pense pas que nous soyons à même, en l’état, de régler définitivement ce problème.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement 43 modifié.

Article 43 bis (nouveau)
(article L. 313-1-1 du code de laction sociale et des familles)
Exonération de la procédure dappel à projet pour les maisons daccueil rural pour les personnes âgées (MARPA)

La commission a adopté l’amendement de Mme Véronique Hammerer, qui permet une exonération de la procédure d’appel à projet prévue à l’article L.313-1-1 du CASF pour les projets de création, d’extension, et de transformation des maisons d’accueil rural pour les personnes âgées (MARPA).

Cette exonération s’inscrit dans un cadre limité, permettant de concilier la nécessité de faire aboutir plus rapidement les projets de création ou d’extension de MARPA, tout en assurant la qualité du projet et le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement. Ainsi, cette exonération est valable lorsque sa nécessité est recensée par le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale, et qu’une commission – composée de l’agence régionale de santé, du conseil départemental, des représentants d’établissements médico-sociaux, des élus, et des représentants de la société civile – rend dans un délai de 4 mois un avis conforme favorable.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE2251 de
M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Afin d’héberger les familles bénéficiaires d’une prestation d’aide sociale, les conseils généraux ou les centres communaux d’action sociale (CCAS) sont souvent amenés, en particulier en Île-de-France, à louer des hôtels dans d’autres départements, notamment en grande couronne. Notre amendement vise à les obliger à informer les maires des communes concernées de leur décision, ce qu’ils ne font pas aujourd’hui.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cela me paraît de bon aloi. Maintenant, faut-il aller jusqu’à inscrire cette obligation dans la loi, je ne le crois pas : elle risque de complexifier la procédure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il serait bon en effet d’instaurer une telle obligation mais pas dans la loi. Nous devons trouver une autre méthode, qui relève sans doute du niveau réglementaire.

M. François Pupponi. Cela ne fait jamais que vingt ans que nous demandons en vain au centre communal d’action sociale de la Ville de Paris (CCASVP) d’informer les communes de banlieue de la venue de familles dans des structures d’hébergement. Alors qu’il suffit d’envoyer un simple mail au maire de la commune concernée, personne ne le fait. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu instaurer une telle obligation. Cela dit, j’accepte de retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE735 de Mme Véronique Hammerer.

Mme Véronique Hammerer. Il a pour objet d’alléger les procédures administratives pour les maisons d’accueil rural pour les personnes âgées (MARPA) qui dépendent de la Mutualité sociale agricole (MSA). Depuis une circulaire de 2014, la création, la transformation et l’extension de ces structures d’accueil pour personnes âgées autonomes doivent obligatoirement être soumises à appel à projets alors qu’auparavant seul l’agrément du département était nécessaire. Cela augmente considérablement les délais. Nous observons des retards d’un voire de deux ans pour des projets pourtant prêts. C’est d’autant plus regrettable que ces structures s’inscrivent dans une logique de co-construction : elles prennent en compte le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale existant et font l’objet de diagnostics partagés de la part de la MSA.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avant de donner mon avis, j’aimerais savoir si votre amendement a une incidence financière sur la demande d’agrément au niveau du département.

Mme Véronique Hammerer. Absolument aucune car ces structures ne reposent ni sur les aides sociales, ni sur le forfait autonomie. Cela permettrait au contraire d’épargner aux services départementaux du temps et de l’argent puisqu’ils n’auraient plus d’appels à projets à examiner.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je suis favorable au principe de cet amendement mais j’aimerais avoir une autre précision. La commission que vous évoquez dans votre exposé sommaire est-elle une structure existante ou une structure nouvelle ?

Mme Véronique Hammerer. Les départements traitaient déjà ces procédures sur un mode allégé, avec chacun sa façon de faire. Je reviens toujours à l’accent mis par le Président de la République sur l’intelligence des territoires. Nous demandons simplement que les MARPA puissent déroger à la procédure d’appel à projets. Chaque département pourra ensuite donner un agrément dans le cadre qu’il aura choisi, en créant ou non une commission.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Dans ces conditions, je donne un avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Pour ma part, je maintiens un avis défavorable. Ce n’est pas, vous vous en doutez, parce que je ne suis pas partisan de faire confiance à l’intelligence territoriale, credo que je répète à longueur de journée, mais parce votre amendement propose une procédure dont je ne suis pas convaincu qu’elle soit complètement finalisée.

En outre, les MARPA, au nombre de 160, ne relèvent pas d’une catégorie d’établissements spécifiques. Il s’agit de petites unités de vie ou de résidences qui, selon la catégorie à laquelle elles appartiennent, peuvent recevoir des financements publics. La situation n’est donc aussi simple que cela.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE1695 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos. Il s’agit de donner la possibilité aux services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) d’inscrire les personnes sans domicile dans le logiciel de gestion du contingent préfectoral SYPLO (système priorité logement).

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le 5° de l’article L. 345-2-4 du code de l’action sociale et des familles précise que, parmi les missions du SIAO, figure celle de « contribuer à l’identification des personnes en demande d’un logement, si besoin avec un accompagnement social ». La rédaction de votre amendement est donc moins précise et moins prescriptive que le droit actuel.

D’autre part, les objectifs que vous fixez sont pris en compte dans une circulaire qui prévoit l’intervention du SIAO dans la labellisation SYPLO.

Je vous demanderai donc de le retirer, madame la rapporteure.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement CE1697 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement vise à interdire la requalification par la commission de médiation (COMED) d’une demande de logement vers une solution d’hébergement sans l’accord du demandeur.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’acceptation des personnes qui ont formulé une demande au titre du droit au logement opposable (DALO) en cas d’orientation vers un hébergement proposé par la commission de médiation. Or, depuis la loi Égalité et citoyenneté, les réorientations se font au vu d’une évaluation sociale, ce qui offre une garantie suffisante pour éviter les requalifications inadaptées, qui du reste peuvent être contestées devant le juge. En outre, si une personne est réorientée vers l’hébergement, c’est que la COMED l’a jugée inapte à l’occupation d’un logement. Il ne faudrait pas cela conduise à des rejets de dossiers au motif que la personne souhaiterait accéder à un logement mais n’en serait pas capable au moment de la demande.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE210 et CE211 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Depuis la mise en œuvre du droit au logement opposable, les préfectures ont la responsabilité de gérer le dispositif permettant de proposer un logement aux personnes concernées par le droit au logement opposable. Or, les retours de terrain et les rapports du Comité national de suivi de la loi DALO indiquent que nombre de ces personnes n’ont reçu aucune proposition de logement depuis plusieurs années.

Il existe un comité de suivi de la loi DALO et la loi demande aux préfectures d’établir un état des décisions prises mais cela ne permet pas de connaître les suites qui leur sont données ainsi que les moyens concrètement mis en œuvre en vue de leur application dans chaque département.

Il serait utile de mieux connaître le fonctionnement du dispositif au sein de chaque préfecture. Un bilan précis et public permettrait de se rendre compte de la réalité du terrain et de rechercher des pistes d’amélioration.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous demanderai de retirer vos deux amendements. Il ne paraît pas souhaitable d’ajouter de nouvelles obligations car elles risquent d’alourdir inutilement la charge de travail des services de l’État.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

D’une part, il existe déjà un bilan national de la mise en œuvre du droit au logement qui comprend des chiffres déclinés par département et qui est présenté aux membres du Comité national de suivi de la loi DALO.

D’autre part, ces dispositions relèvent non pas de la loi mais au mieux d’une circulaire.

Les amendements sont successivement retirés.

La commission est saisie des amendements identiques CE1803 de M. Stéphane Peu et CE2320 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Cet amendement institue un parallélisme de formes entre l’hébergement d’urgence et le dispositif d’aide au logement temporaire (ALT).

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le logement social est une solution de logement à vocation pérenne, qui ne saurait être attribué à un couple dont l’un des membres attend l’octroi d’un titre de séjour. En effet, dans l’hypothèse où ce titre ne serait pas accordé, tant le ménage que le bailleur en subiraient les conséquences négatives. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Deux conditions sont requises pour accéder au logement social : respecter un certain plafond de ressources et être en situation régulière. Il ne nous semble pas pertinent de revenir sur cette dernière condition même si des difficultés se posent lorsque l’un des membres du ménage demandeur attend un titre de séjour. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

La commission en vient à l’amendement CE1156 de M. Vincent Rolland.

M. Thibault Bazin. Nous voulons saisir l’occasion de clarifier et de simplifier le statut fiscal des opérations de construction ou de rénovation des structures affectées aux personnes en situation d’exclusion requérant des soins et un accompagnement, notamment des lits d’accueil médicalisés, menées par des organismes d’intérêt général ou pour leur compte. La lisibilité du dispositif est en effet particulièrement complexe. Les structures comportant des lits d’accueil médicalisés ne font l’objet d’aucune disposition explicite.

Il est proposé soit de compléter la disposition réglementaire du décret de 2009, soit de procéder à une modification du code général des impôts.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous propose d’en rester à la première solution, d’ordre réglementaire.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même observation.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE1540 de M. Christophe Blanchet.

M. Benoit Potterie. Cet amendement vise à exonérer du paiement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) les propriétés mises gratuitement à la disposition des associations reconnues d’utilité publique qui se consacrent à l’accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette proposition a l’avantage d’encourager le développement de ce type d’initiatives mais comme l’impôt sur la fortune immobilière vient d’être créé par la loi de finances pour 2018, il convient d’attendre d’apprécier ses effets avant de prévoir des exonérations. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE1539 de M. Christophe Blanchet.

M. Benoit Potterie. Cet amendement propose le même mécanisme pour l’exonération des taxes foncières.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. C’est la même demande de retrait.

M. François Pupponi. Il est étonnant que ces amendements n’aient pas été jugés irrecevables au titre de l’article 40.

M. le président Roland Lescure. Tel n’a pourtant pas été le cas car il s’agit de diminution de recettes, pouvant être gagées.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE2545 de Mme Ericka Bareigts.

M. François Pupponi. Il s’agit de transférer une quote-part du dépôt de garantie à la Caisse des dépôts et consignations pour le financement d’opérations de construction sociale.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable pour deux raisons.

D’une part, l’objet du dépôt de garantie locatif est de garantir l’exécution des obligations locatives du locataire, c’est-à-dire prioritairement les réparations nécessaires en fin de bail et, le cas échéant, un impayé de loyer ou de charges.

D’autre part, confier l’emploi de ces fonds privés réglementés à la seule Caisse des dépôts pourrait être source de contentieux au titre du droit européen de la concurrence.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. Ce serait une procédure très compliquée.

M. Thibault Bazin. Nous nous rejoignons souvent mais sur cet amendement, je ne peux aller dans le sens de mon collègue Pupponi : la Caisse des dépôts ne saurait faire main basse sur les dépôts de garantie dont la finalité est de financer les réparations consécutives aux dégradations.

Le système actuel fonctionne. Il faut imaginer qu’il y a des garanties financières pour couvrir les risques de détournement et des frais liés à l’assurance en responsabilité civile pour les fautes commises dans la gestion des fonds. Imposer un tel dispositif aux professionnels dont l’activité est réglementée serait inapproprié. Rappelons qu’un pouvoir de contrôle a déjà été conforté par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

Enfin, le coût pour l’État serait très élevé, notamment pour élaborer de nouveaux systèmes d’information qui reviendraient à créer une usine à gaz.

On sent derrière cet amendement le retour de la garantie des risques locatifs, qui est vraiment un exemple à ne pas reproduire.

Il serait contre-productif que l’État s’arroge le pouvoir de capter des fonds qui n’ont le statut ni d’impôt, ni de taxe et dont l’existence résulte d’une relation contractuelle privée déjà très encadrée.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je fais écho au débat que nous avons eu hier sur les outils financiers que nous pouvions donner aux bailleurs sociaux. Un tel transfert ne constituerait pas un avantage financier pour les bailleurs sociaux puisque la Caisse des dépôts ne souffre d’aucun problème de liquidités.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE2550 de Mme Ericka Bareigts.

Article 44
(article L. 111-8 du code de la construction et de lhabitation)
Suppression de lobligation dautorisation en cas de réalisation de travaux conduisant à la perte de la qualité détablissement recevant du public
pour la totalité de limmeuble

1.   L’état du droit

La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a introduit une disposition nouvelle à l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoyant la délivrance dune autorisation administrative préalable à la réalisation de travaux conduisant à la création, laménagement ou la modification dun établissement recevant du public (ERP). Cette autorisation a pour but d’assurer la conformité des travaux aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2 qui portent sur les normes techniques d’accessibilité et de sécurité que doivent respecter les établissements recevant du public.

Cette autorisation doit donc, en l’état actuel du droit, être délivrée y compris lorsque les travaux ont pour objet de faire perdre à l’établissement sa qualité d’établissement recevant du public. Ce cas de figure se présente notamment lorsquun hôtel souhaite effectuer des travaux dans le but de devenir une résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS).

En effet, si les hôtels font partie de la catégorie des ERP telle que prévue à l’article R. 123-2 du CCH, les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) n’en relèvent pas en principe, comme le précise la circulaire du 8 avril 2008 relative aux résidences hôtelières à vocation sociale du ministère du logement et de la ville et du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, et des collectivités territoriales.

Les RHVS ont été introduites par l’article 73 de la loi du 13 juillet 2006 précitée, dans le but d’offrir à un public aux revenus faibles une alternative au recours à des hôtels meublés, souvent inadaptés, et coûteux pour les finances publiques. L’article L. 631-11 du CCH dispose que « la résidence hôtelière à vocation sociale est un établissement commercial d’hébergement agréé » par le préfet, « constitué d’un ensemble homogène de logements meublés, offerts en location pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois ». Depuis leur création, les pouvoirs publics ont cherché à encourager le développement de ce mode d’accueil, à l’image de l’article 141 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui a notamment élargi le public des RHVS aux personnes sans-abri et aux demandeurs d’asile.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 44 du présent projet de loi vise à supprimer l’obligation de délivrer l’autorisation prévue à l’article L. 111-8 du CCH, lorsque les travaux prévus au sein d’un établissement recevant du public ont pour objet de lui faire perdre cette qualité pour la totalité de l’immeuble.

La suppression de cette autorisation administrative n’exempte pas les RHVS du dépôt d’une autorisation d’urbanisme, suivant la nature des travaux.

Il s’agit d’une mesure de simplification, qui aura notamment pour effet d’accélérer la transformation d’hôtels en locaux d’habitation, dont font partie les résidences hôtelières à vocation sociale. En cohérence avec le plan quinquennal pour le Logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme, cet article vise donc à favoriser le développement de ce type d’hébergement, dans l’objectif de réduire la part des crédits d’hébergement consacrée aux nuitées hôtelières, au profit de modes d’accueil plus adaptés, comme ceux proposés dans les RHVS.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

La commission examine l’amendement CE2280 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’article 44 facilite la transformation d’hôtels en résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) en supprimant l’obligation de délivrance d’une autorisation d’urbanisme pour la réalisation de certains travaux. Nous considérons que le maire doit conserver cette prérogative alors qu’il n’est déjà pas tenu informé de l’implantation de telles structures et qu’il subit une perte de recettes fiscales du fait de l’article 1384 D du code général des impôts. Rappelons que celui-ci prévoit que depuis le 1er janvier 2000, les locaux acquis, aménagés ou construits en vue de la création de structures d’hébergement temporaire ou d’urgence sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant une durée de quinze ans et que cette durée est portée à vingt-cinq ans lorsque la décision d’octroi d’aide de l’État intervient entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2022.

Autrement dit, une même commune sera pénalisée d’une part par la nécessité de recevoir les populations les plus fragiles sans que le maire puisse donner son avis sur les travaux effectués dans les RHVS, d’autre part par la diminution de ressources fiscales. Ça commence à faire un peu beaucoup !

Mon amendement de suppression est avant tout un amendement d’appel. En séance, je déposerai un amendement au champ plus limité tendant à maintenir l’autorisation pour les seuls RHVS implantées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) afin d’éviter d’accroître la ghettoïsation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’article 44 du présent projet vise à supprimer l’obligation de délivrer l’autorisation prévue à l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation lorsque les travaux prévus au sein d’un établissement recevant du public ont pour objet de lui faire perdre cette qualité pour la totalité de l’immeuble.

Il s’agit d’une mesure de simplification qui aura notamment pour effet d’accélérer la transformation d’hôtels en locaux d’habitation. Cette mesure de simplification permettra le développement plus rapide des résidences hôtelières à vocation sociale en cohérence avec le plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme.

Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, en toute objectivité, je dois dire que vous marquez un point. Lorsque nous avons rédigé cet article dans l’optique de simplifier la transformation d’hôtels en locaux d’habitation, nous n’avons pas pris en compte les effets de l’article 1384 D du code général des impôts, je le reconnais volontiers.

Je vous propose que nous fassions une étude d’impact. Je ne devrais pas le dire comme ça mais ce sont les hôtels de type « Formule 1 » qui sont le plus facilement transformables et il faudrait voir combien se trouvent dans les QPV pour mesurer précisément le montant de la perte de recettes de TFPB que cette transformation entraîne. Je ne suis pas sûr qu’il soit si élevé que cela mais vous avez raison sur le fond.

M. François Pupponi. Un Formule 1 en QPV a fait l’objet d’une opération ADOMA. La Caisse des dépôts, qui a quand même bien fait les choses, a consulté les maires concernés et la plupart de ceux qui comptaient des QPV dans leur commune ont répondu : « même pas en rêve » mais ils ont tout de même accepté dans un climat de bonne entente et de dialogue.

Demain, d’autres structures vont peut-être se lancer dans de telles opérations et les préfets seront susceptibles de réquisitionner. C’est la raison pour laquelle j’aimerais déposer un amendement en séance pour maintenir l’autorisation pour les RHVS qui se situent dans les QPV. Ces transformations ne doivent pas se faire aux dépens des communes, qui n’ont pas à perdre de l’argent. Comme cela ne concerne que quelques établissements, nous devrions trouver un accord.

M. Stéphane Peu. Une fois n’est pas coutume, j’ai une divergence avec François Pupponi. Elle ne concerne pas le fond mais les chiffres. Rien que dans ma circonscription, il y a deux hôtels qui ont été transformés par ADOMA dans des QPV.

ADOMA est un institutionnel qui apporte certaines garanties mais la plupart des hôtels meublés qu’on appelait les hôtels de préfecture sont aujourd’hui transformés par les marchands de sommeil pour lesquels l’hébergement d’urgence constitue un jackpot : de vraies fortunes se créent à partir de ces opérations. C’est un scandale !

Je suis défavorable à la suppression de cette autorisation car elle prive les maires d’un droit de regard minimum sur des opérations qui leur sont bien souvent imposées. Il faut bien voir que les personnes qui sont logées dans ces résidences sont ensuite laissées à elles‑mêmes et qu’il n’y a que les communes pour les prendre en charge.

M. Mickaël Nogal. L’article 44 ne vise la suppression que de l’obligation d’autorisation pour les travaux opérés sur les structures d’hébergement. Je suis favorable à son maintien.

M. François Pupponi. La politesse voudrait que le préfet, lorsqu’il procède à des réquisitions ou qu’il décide de transformer un hôtel en RHVS, en informe le maire. Or, ce n’est pas toujours le cas. L’obliger à le faire serait un minimum.

Mme Emmanuelle Ménard. Absolument !

M. François Pupponi. Il me paraît normal de vouloir maintenir l’autorisation du maire pour les travaux. Cela lui permettrait au moins d’être informé et de discuter. Ce que nous demandons n’a rien d’extraordinaire !

En outre, comme je le disais, se pose un problème fiscal qu’il faudra régler pour que ces transformations ne se fassent pas aux dépens des communes.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 44 sans modification.

Article 44 bis (nouveau)
(articles 1414 et 1461 du code général des impôts)
Exonération d’impôts locaux pour les résidences hôtelières
à vocation sociale (RHVS)

La commission a adopté un amendement de votre rapporteure qui vise à accorder aux résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) accueillant exclusivement des personnes en grande difficulté une exonération de la contribution économique territoriale (CET) et un dégrèvement de taxe d’habitation (TH).

L’objectif poursuivi par cet amendement est d’encourager, en cohérence avec le plan quinquennal pour le logement d’abord, le développement des RHVS.

Il faut noter que la CET est composée de deux impôts, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et la cotisation foncière des entreprises (CFE). Dans ce cadre, les exonérations de plein droit de la CFE prévues à l’article 1461 du CGI s’appliquent également pour la CVAE. L’amendement déposé par M. Mickaël Nogal est donc satisfait par l’adoption de l’amendement de votre rapporteure.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1698 de la rapporteure et CE2054 de M. Mickaël Nogal.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE1698 reprend un amendement qui avait été déposé dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2018 et qui avait été renvoyé au présent projet de loi. Il prévoit une exonération de la contribution foncière des entreprises (CFE) et un dégrèvement de taxe d’habitation (TH) pour les résidences hôtelières à vocation sociale.

M. Mickaël Nogal. Petite différence : mon amendement accorde aux RHVS une exonération non pas de CFE mais de contribution économique territoriale (CET).

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Mon amendement me paraît préférable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable à l’amendement de Mme la rapporteure.

M. Thibault Bazin. Je m’interroge. Quand c’est nous qui faisons des propositions fiscales, elles sont refusées. Et quand elles proviennent de la majorité, elles sont acceptées. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures. Nous avons tenté à plusieurs reprises de vous tendre des perches pour vous alerter sur les moyens financiers nécessaires. Soit on commence à entrer dans les dispositifs fiscaux, et il faut y aller carrément, soit on ne le fait pas. C’est un sujet de fond.

M. François Pupponi. Si je puis permettre, je vous invite à bien analyser ce qu’impliquent ces amendements. L’État va labelliser des résidences hôtelières à vocation sociale sans l’accord des maires. Or, ces résidences sont déjà exonérées de TFPB à la suite d’une décision prise en loi de finances. Par ces amendements, vous demandez en plus que les communes concernées perdent les recettes fiscales liées à la CFE et à la taxe d’habitation.

Mme Laure de La Raudière. Ce sera compensé !

M. François Pupponi. Cela ne sera en rien compensé ! Aucun article ne le prévoit. Il s’agit d’une perte nette de recettes pour les communes qui voient déjà le nombre de personnes fragilisées qu’elles accueillent augmenter. Arrêtons avec cette logique ! Réservez ces dispositions aux villes riches et ne les appliquez pas aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Tout le propos du rapport Borloo est de dire qu’il faut redonner des moyens aux communes en difficulté et vous, vous leur en enlevez. Les bras m’en tombent !

M. Stéphane Peu. J’ajoute que les RHVS ne sont pas systématiquement gérées par le secteur public ou par le secteur de l’économie sociale et solidaire, elles le sont aussi par le secteur privé. Elles sont l’une des sources de plus forte rentabilité pour un propriétaire. Le SAMU social vous paie à la fin de l’année, il n’y a jamais de vacances, pas de turn over, c’est le jackpot pour des propriétaires souvent indélicats et le fait que des communes, toujours les mêmes, se voient privées de recettes alors que personne ne va s’occuper des gens qui font la queue auprès des services sociaux des villes, c’est une prime pour les marchands de sommeil et une pénalité pour les villes vertueuses.

M. Mickaël Nogal. J’ai bien entendu la remarque de notre collègue Bazin, seulement, l’amendement que je défends avait initialement été déposé par le rapporteur général Joël Giraud lors de l’examen de la loi de finances ; or le Gouvernement, qui y était favorable, lui avait toutefois demandé de le retirer afin qu’il soit à nouveau présenté à l’occasion de l’examen de la loi ELAN. Je suis donc ici les recommandations du Gouvernement.

La commission adopte l’amendement CE1698.

En conséquence, l’amendement CE2054 tombe.

Article 45
(articles L. 353-22, L. 442-8-5 [nouveaux], L. 472-1-2
et L. 481-2 du code de la construction et de lhabitation)
Ouverture de la colocation dans le parc social
pour les personnes en situation de handicap adultes

1.   L’état du droit

a.   Les possibilités limitées de colocation au sein du parc social

Larticle 1er de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour laccès au logement et un urbanisme rénové a précisé le régime juridique de la colocation, en introduisant un article 8-1 dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986. La colocation est définie comme « la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur, à l’exception de la location consentie exclusivement à des époux ou à des partenaires liés par un pacte civil de solidarité au moment de la conclusion initiale du contrat ».

La colocation est un dispositif largement réservé au parc privé. En effet, aux termes de l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 précitée, la colocation n’est pas autorisée pour les logements non conventionnés à l’aide personnalisée au logement (APL) appartenant aux organismes HLM et pour les logements conventionnés à l’APL de tous les bailleurs. L’article L. 442-8 du CCH complète ces dispositions en prévoyant que les organismes HLM ne peuvent louer en meublé, ou sous-louer un logement, meublé ou non.

Des dérogations à cette interdiction ont toutefois été introduites pour un public restreint et sous des conditions particulières, par l’article 61 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Ainsi, l’article L. 442-8-4 du CCH ouvre la possibilité de colocation au sein du parc social pour les étudiants, les personnes de moins de trente ans ou les personnes titulaires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Ils ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux, et le contrat de location a une durée d’un an.

b.   Le développement de l’habitat inclusif

Lhabitat inclusif vise à proposer aux personnes en perte dautonomie des solutions de logement en milieu ordinaire, qui s’accompagnent des services adaptés et s’inscrivent dans une dimension collective. Selon le guide de l’habitat inclusif des personnes âgées et handicapées ([100]), les projets d’habitat inclusif peuvent prendre des formes variées, de l’installation d’espaces communs proches de plusieurs logements individuels à la mise en place de colocations.

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a introduit plusieurs dispositions visant à permettre le développement de l’habitat inclusif. Elle prévoit notamment à son article 20, qui modifie l’article L. 441-2 du CCH, une priorité dans lattribution des logements sociaux pour les personnes en perte dautonomie liée à l’âge ou au handicap, lorsque ces logements sont construits ou aménagés spécifiquement pour cet usage, et agréés en ce sens par le préfet.

En létat actuel du droit, la possibilité de développement de lhabitat inclusif au sein du parc social reste toutefois limitée dans la mesure où il n’est pas possible de prévoir des colocations au sein des logements sociaux spécialement construits ou aménagés pour les personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 45 du présent projet de loi crée un nouvel article L. 442-8-5 dans le CCH, qui prévoit une dérogation aux interdictions posées par l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 et par l’article L. 442-8 du CCH. Ce nouvel article dispose que les organismes HLM peuvent louer, meublés ou non meublés, les logements construits ou aménagés pour les personnes en perte d’autonomie et agréés en ce sens à plusieurs personnes en situation de handicap, dans le cadre dune colocation.

L’objectif est, en cohérence avec la démarche nationale pour lhabitat inclusif promue par le Gouvernement, de favoriser le développement de la colocation pour les personnes en situation de handicap, y compris au sein du parc social, sur le modèle de la multiplication de projets de ce type au sein du parc privé. Le dispositif s’adresse aux personnes en situation de handicap bénéficiant d’une autonomie suffisante pour vivre en milieu ordinaire, qui ne souhaitent pas vivre seules, et qui peuvent dès lors bénéficier de la mise en commun des dispositifs d’appui et d’accompagnement.

Les dispositions prévues saccompagnent de garanties pour les futurs colocataires. En premier lieu, le développement de ce dispositif repose sur le libre choix des personnes concernées. Lors de la demande de logement social, qui se déroule dans les conditions ordinaires d’attribution prévues à l’article L. 441-2 du CCH, le futur locataire précise, le cas échéant, s’il souhaite bénéficier du dispositif de la colocation. En second lieu, un contrat de location distinct est prévu pour chaque colocataire, afin de les protéger financièrement.

En outre, l’article 45 prévoit également que les colocataires ne peuvent être plus de cinq.

L’alinéa 3 étend le dispositif de la colocation à tous les logements conventionnés à l’APL, y compris aux logements appartenant à des SEM ou à des collectivités publiques.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure souhaite encourager le développement de l’habitat inclusif dans le parc social. Elle estime important que les projets de colocation puissent être possibles non seulement entre personnes en situation de handicap, comme le prévoit l’article, mais également entre personnes en perte d’autonomie liées à l’âge et entre personnes en situation de handicap et personnes valides, dans la dynamique plus générale d’inclusion des personnes handicapées au sein de la société. Dans le même esprit, le Gouvernement a exprimé son souhait de voir le dispositif de la colocation dans le parc social ouvert à l’ensemble des publics éligibles. Votre rapporteure est favorable à cette évolution. En effet, l’ouverture à la colocation de l’ensemble du parc social permettra le développement de projets d’habitat inclusif, tout en assurant, de façon plus générale, la possibilité de colocation entre l’ensemble des publics au sein du logement social. Le Gouvernement s’est engagé à proposer des modifications en ce sens en vue de la séance publique.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

La commission examine l’amendement CE1850 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Le présent amendement vise à supprimer l’article, en effet assez éloigné des intentions exprimées dans l’exposé des motifs du texte. Nous sommes certes d’accord pour favoriser la colocation, notamment avec les personnes handicapées ; mais l’article prévoit de telles restrictions et présente de telles fragilités que les publics visés sont beaucoup trop restreints. En outre, il ne garantit pas le maintien dans les lieux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. L’article 45, que vous voulez supprimer, apporte une amélioration à la situation actuelle. La colocation n’est en principe pas permise dans le secteur social ; or, il s’agit ici de la rendre possible pour les personnes en perte d’autonomie liée au handicap. Le dispositif sur la colocation prévoit bien le bénéfice du droit au maintien dans les lieux qui pourrait ne pas être réservé à ces seules personnes. Je vous invite donc à retirer votre amendement afin de travailler à l’élargissement du dispositif de colocation.

L’amendement est retiré.

La commission en vient, en discussion commune, aux amendements CE1687 de la rapporteure et CE1807 de M. Stéphane Peu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je retire l’amendement CE1687.

M. Stéphane Peu. J’ai, à l’invitation du ministre, retiré mon amendement visant à supprimer l’article. Celui que je défends ici vise par conséquent à améliorer et à élargir le dispositif envisagé. Restreindre la colocation à des logements construits ou aménagés spécifiquement à l’usage des personnes en perte d’autonomie est en effet discriminant car cela revient à interdire aux personnes en perte d’autonomie de vivre avec des personnes valides dans un logement sans aménagement spécifique. En outre, le dispositif envisagé est contraire à la volonté du Gouvernement qui promeut des politiques publiques visant à l’inclusion des personnes handicapées. L’adoption de cet amendement de bon sens permettra d’éviter d’éventuels recours juridiques légitimes de la part de personnes en perte d’autonomie et de la part d’associations mobilisées pour défendre leurs droits. Pour me résumer : il s’agit de permettre aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie de vivre avec leurs proches.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement CE1807 dans la mesure où l’article 45 va être retravaillé en vue de l’examen du texte en séance.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’en demande également le retrait. Il va dans le bon sens et je m’engage à prendre en compte votre proposition. L’article 45 concerne les personnes en situation de handicap ; or nous travaillons, j’y insiste, à l’élargissement du dispositif. Reste la question, notamment, de savoir ce qui se passera à la fin du bail : devons-nous passer par les conventions d’occupation temporaire ? Nous nous employons donc à répondre, techniquement, à votre préoccupation, monsieur le député, que j’estime parfaitement légitime.

M. Stéphane Peu. Nous avons déposé une proposition de loi pour lutter contre les marchands de sommeil et une autre concernant les aidants familiaux que nous souhaitions rémunérer ; au-delà, nous prévoyions des mesures en matière de logement, en particulier de bail, pour faciliter leur tâche. Le présent amendement, d’une certaine manière, prolonge cette réflexion. Toutefois, compte tenu de l’engagement du secrétaire d’État que l’article 45 sera retravaillé, je retire mon amendement.

Les amendements CE1687 et CE1807 sont successivement retirés

L’amendement CE1689 de la rapporteure est retiré.

La commission adopte l’article 45 sans modification.

Après l’article 45

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1138 de M. Gilles Lurton, CE906 de M. Emmanuel Maquet, CE2446 de M. Jean-Noël Barrot, CE861 de M. Éric Woerth, CE2325 de M. François Pupponi, CE29 de M. Thibault Bazin, CE2541 de M. Bruno Millienne, et CE803 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. La demande de logement n’est pas la même partout. Aussi l’amendement CE1138 vise-t-il à moduler la construction de logements sociaux à la réalité des territoires en organisant le taux de construction à l’échelle du bassin de vie. Autrement dit, il s’agit de tenir compte de la réalité de la demande dans chaque territoire pour organiser l’offre.

M. Robin Reda. L’amendement CE906 a pour objet de limiter aux zones A et A bis, les plus tendues, le quota obligatoire de 25 % de logements sociaux et ainsi en dispenser les zones non tendues.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CE2446 propose de tenir compte de la situation des communes rurales de l’Île-de-France qui s’apparentent à de nombreux égards aux communes rurales d’autres régions et qui sont confrontées à des difficultés alors même qu’elles souhaiteraient parfois construire des logements sociaux. Elles doivent en effet trouver des bailleurs pour investir dans des petits lots et créer les infrastructures en matière éducative, de transport… Il est par conséquent proposé d’atténuer le caractère abrupt du seuil de 1 500 habitants, au-delà duquel ces petites communes, notamment dans la grande couronne et à l’extérieur, sont assujetties aux obligations de la loi pour la solidarité et le renouvellement urbain, dite « loi SRU ».

M. Thibault Bazin. Les communautés de communes de 50 000 habitants qui comprennent une commune de plus de 15 000 habitants sont soumises à la loi SRU. Du fait de l’évolution de l’intercommunalité, des communes qui n’étaient pas concernées par cette loi doivent désormais en respecter les obligations et d’autres qui le devraient, afin d’y échapper, refusent de former une intercommunalité. Aussi l’amendement CE861 vise-t-il à porter la taille de la commune principale de 15 000 à 20 000 habitants.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CE2541 vise à laisser en partie au représentant de l’État l’appréciation de la situation locale pour aménager le logement social à l’échelle des bassins de vie plutôt qu’à celle des communes, notamment là où l’urbanisme est géré à l’échelon supra-communal.

M. Thibault Bazin. Loin d’être encouragées dans la construction de logements en accession à la propriété, correspondant pourtant aux besoins de la population, les communes ne voient pas leurs efforts récompensés en ce que ces logements ne sont pas pris en compte dans le calcul des 20 ou 25 % de logements aidés. En effet, l’État ne retient pour ledit calcul que les logements à la location.

Aussi, afin d’encourager les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à vendre des logements, il convient de modifier l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, afin d’inclure les logements en accession à la propriété dans le calcul des logements sociaux.

Tel est l’objet de l’amendement CE803.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le présent projet de loi n’a jamais eu vocation à modifier l’équilibre de la loi SRU qui, depuis plus de quinze ans, fait partie de notre pacte républicain. Cette loi est efficace : elle a permis à la fois la construction de logements sociaux et de rééquilibrer leur implantation. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous n’avons pas l’intention de détricoter la loi SRU.

Mme Emmanuelle Ménard. Quel courage !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. En matière de courage, personne n’a de leçon à donner à quiconque : il y a des constats à faire, des responsabilités à prendre. Je répète qu’en l’état actuel des choses, je ne souhaite pas qu’on détricote la loi SRU dont on peut considérer globalement qu’elle a eu un impact positif sur la construction de logements sociaux.

Nous verrons, ultérieurement, si des adaptations mineures pourront être retenues parmi celles proposées par les amendements en discussion dont j’ai pu mesurer la diversité. Ainsi un amendement prévoit-il de porter le taux de logements du secteur locatif de 25 à 30 %…

Mme Marie Lebec. Je ne pense pas qu’il y ait de velléité de remettre en cause les indéniables bénéfices de la loi SRU. Néanmoins, et c’est pourquoi je souscris tout à fait à l’amendement de Jean-Noël Barrot, des modifications marginales peuvent sans doute être apportées dans la perspective, en particulier, d’une approche plus « territoriale ». En effet, par exemple, dans ma circonscription, où nous manquons de logements sociaux, le foncier est très cher, si bien que les promoteurs ne sont pas intéressés et reportent leur activité sur le logement intermédiaire. Par ailleurs, les maires tendent à limiter la construction du logement privé pour ne pas accroître leur retard dans la construction de logements sociaux.

M. Mickaël Nogal. Je souscris pleinement aux propos de la rapporteure et à ceux du ministre. Je rappelle que la loi SRU, adoptée en 2000, a permis de doubler le nombre de logements sociaux. Or, tout le monde s’est accordé, précédemment, pour considérer qu’on manquait de ce type de logements. Quelque 1,8 million de Français attendent en effet un logement social. Aussi, toute tentative de détricotage de la loi SRU n’est pas la bienvenue et nous nous y opposerons.

Reste que j’entends bien, par ailleurs, les préoccupations du terrain ; la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté a d’ores et déjà apporté des aménagements destinés à réduire certaines contraintes. À mon sens il ne faut pas aller plus loin et le taux de 25 % de logements sociaux reste pertinent. Nous avons souvent évoqué la responsabilité des élus : il est important que chaque maire prenne sa part en matière de logement social.

M. François Pupponi. L’article 55 de la loi SRU a permis la construction de logements sociaux, c’est un fait. Reste que quand on analyse, avec un peu de recul, la manière dont cette loi a été appliquée, il y a sûrement des aménagements à y apporter pour qu’elle soit plus efficace. Nous avions d’ailleurs d’emblée émis une critique, considérant comme identiques le prêt locatif social (PLS) et le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). Si les communes en déficit de logements sociaux mettent l’accent sur les logements financés par des PLS, elles récupèrent les populations les moins fragiles des QPV, renforçant par-là le phénomène de ghettoïsation. Paradoxalement, en effet, si l’on n’y prend pas garde, l’application de la loi SRU, qui avait vocation à favoriser la construction de logements sociaux, peut aggraver la ghettoïsation de certains quartiers. Il faut donc que les communes qui n’ont pas beaucoup de logements sociaux construisent des logements financés par des PLAI, que celles qui en sont pourvues construisent des logements financés par des PLS et PLI (prêts locatifs intermédiaires) et s’il est nécessaire, éventuellement, pour améliorer le dispositif, de lâcher un peu de PLI et de PLS dans les communes en déficit de logements sociaux, il faut le faire. Car on construit, certes, des logements sociaux, mais on voit qu’on est arrivé au bout d’une certaine logique et qu’il faut affiner le dispositif pour le rendre plus efficace. Je comprends la position du Gouvernement qui a des scrupules à toucher à un totem, mais si on peut améliorer la loi SRU sans en modifier la philosophie, il ne faut pas se gêner.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous ferons le tour de l’ensemble des propositions, monsieur Pupponi ; nous verrons si des adaptations sont souhaitables car en effet des questions de bon sens se posent. Je partage en tout cas votre avis sur le fait qu’il ne faut pas remettre en cause l’architecture générale de la loi SRU.

La commission rejette successivement les amendements en discussion commune.

Elle examine l’amendement CE1982 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Le présent amendement vise à aider les petites communes qui entrent dans le champ d’application de la loi SRU, à savoir celles de plus de 3 500 habitants. Devant parfois construire énormément de logements sociaux, elles peuvent se trouver démunies, ne plus savoir ce qu’elles doivent faire. En outre, la construction massive de logements sociaux peut briser une certaine harmonie.

Nous proposons par conséquent que toute commune qui vient de passer le seuil de 3 500 habitants établisse un contrat d’objectifs et de moyens avec le préfet, de manière à adapter la construction de logements sociaux afin de parvenir, à terme, à la proportion de 25 % prévue par la loi. Nous proposons même de ne pas attendre que le seuil des 3 500 habitants soit franchi, et de donner à la commune qui le souhaite, pour se préparer, la possibilité de conclure ce contrat.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Je rappelle par ailleurs que la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoit une exonération triennale pour certaines communes.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable pour les raisons précédemment exposées. Je connais la situation autour de Toulouse, décrite par le député Lagleize. Nous examinerons, au cours du débat, les adaptations à éventuellement apporter au dispositif.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE860 de M. Éric Woerth.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement propose de laisser le choix aux élus de déterminer l’assiette territoriale du calcul du quota SRU, soit au niveau de l’intercommunalité, soit au niveau local.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Le député Bazin connaît bien l’importance de la commune, je sais qu’il y est attaché…

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE1992 de Mme Béatrice Piron et CE2211 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Notre collègue Piron avait déposé son amendement du fait de la situation particulière de la commune de la Celle Saint-Cloud. L’amendement CE2211, identique, vise les logements des sociétés d’économie mixte (SEM). Dans le cas d’espèce, il s’agit de logements de la Ville de Paris présentant des caractéristiques grâce auxquelles on pourrait les apparenter à des logements sociaux mais qui sont détenus par des SEM et qui, donc, ne sont pas pris en compte dans le quota prévu par la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Vous n’en n’êtes est plus au détricotage de la loi SRU : vous voulez en faire une guenille.

Les logements en question, je les connais bien, ce ne sont pas des logements sociaux. Il y a la même différence entre les deux qu’entre le beurre salé et le beurre doux.

M. le président Roland Lescure. Il y a du beurre demi-sel également.

M. Stéphane Peu. Le demi-sel, ce sont les logements financés par le PLS. (Sourires.) Un logement est social ou il ne l’est pas. Et ce n’est pas parce qu’il appartient à la Ville de Paris tout en étant situé dans une autre commune qu’il doit être assimilé à un logement social. Or, les logements de la Celle Saint-Cloud en question ne sont pas des logements sociaux.

M. Jean-Noël Barrot. Il ne s’agit pas de réduire arithmétiquement et mécaniquement la construction de logements sociaux mais de tenir compte du fait qu’un parc de logements ne peut être converti en logements sociaux parce que la commune ne dispose, à cette fin, d’aucune marge pour préempter voire exproprier. Il faut tenir compte de la réalité qui s’impose aux maires qui essaient de construire des logements sociaux.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE853 de Mme Véronique Riotton et CE2312 de M. François Pupponi.

Mme Véronique Riotton. Le présent amendement concerne les logements intermédiaires dans les zones tendues où l’écart entre l’offre de logement social et le marché privé est très important. Il vise à exclure des résidences principales comptabilisées sur le territoire des communes soumises à la loi SRU, les logements intermédiaires neufs construits à partir du 1er janvier 2019. Ce mécanisme encouragera la production de logements intermédiaires, sans effet sur les obligations existantes et leur volume en matière de construction de logements sociaux.

L’amendement CE2312 est retiré et, suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE853.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, elle rejette l’amendement CE687 de M. Robin Reda.

Elle examine l’amendement CE864 de M. Éric Woerth.

M. Thibault Bazin. La référence actuelle au stock de résidences principales existantes et son application uniforme traduit une méconnaissance de la réalité de chaque territoire. L’objectif fixé par la loi SRU ne doit pas être une sanction pour la non-construction dans le passé, mais une incitation à une politique équilibrée de construction pour l’avenir. La notion de flux est donc primordiale car plus respectueuse des équilibres territoriaux.

Le présent amendement propose par conséquent de circonscrire les prescriptions de la loi aux flux, et non aux stocks, en prévoyant que les communes où le taux de logements aidés reste inférieur à l’objectif déterminé par la loi SRU et qui décident d’en construire, sont obligées, dans leur flux de construction de logements collectifs, de prévoir au moins 25 %, ou 20 %, de logements aidés.

L’amendement vise à corriger le dispositif en vigueur afin de mieux l’adapter à la diversité des territoires en laissant une grande liberté aux élus. On ne construit pas des logements avec des slogans, monsieur le ministre.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Monsieur Bazin, vous entend ici détricoter pour de bon la loi SRU – de manière habile, comme d’habitude. Le Gouvernement ne cédera pas à votre proposition.

M. Thibault Bazin. Êtes-vous passé à l’opposition ?

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE714 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Je vais tâcher de ne pas donner dans le slogan, mais mon amendement relève un peu de la même logique que le précédent. Je souhaite me faire le porte‑parole de tous ces maires qui, très majoritairement, acceptent la loi SRU et qui sont les garants de sa réussite sur le terrain. Vous le savez, de nombreux maires élus lors des dernières élections municipales ont hérité de communes en fort déficit de logements sociaux. Seulement ces maires sont, eux, des bâtisseurs et ils en ont assez d’être stigmatisés chaque année, notamment dans les médias, du fait du très bas taux de logements sociaux dans leur commune, sans qu’on mette en avant leurs efforts de construction.

Je souhaite qu’on fasse référence à une période triennale, qui est déjà prévue par la législation en vigueur, et que les 25 % de logements sociaux imposés aux communes soient calculés sur le nombre de logements totaux construits en trois ans. Voilà qui encouragerait les maires bâtisseurs et refléterait mieux la réalité du respect de la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. En effet, je le répète, vous entendez vraiment détricoter la loi SRU : appliquer ses dispositions en flux et non en stock est très séduisant mais en change totalement la portée. Or, vous savez que la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté a modifié plusieurs dispositions ; des commissions régionales et une commission nationale ont été créées sur le déficit de logements sociaux ; en ce qui concerne l’évaluation de la construction de logements sociaux entre 2014 et 2016, j’ai fait en sorte que mes positions soient équilibrées par rapport aux conclusions des travaux de la commission nationale et par rapport à ce qu’ont constaté les préfets sur le terrain – j’ai donc également tenu compte de situations particulières. Il faut juger tout cela avec le maximum de bon sens. J’y insiste, votre amendement reviendrait à chambouler la construction du logement social. Je comprends l’idée qui sous-tend votre proposition, certes, mais je n’en partage ni l’esprit, ni la lettre.

M. Thibault Bazin. Je ne voudrais pas que nous apparaissions comme des anti-SRU, donc comme des anti-mixité sociale. Seulement, quand on examine ce qui a été réalisé dans certains territoires, on a voulu davantage de densité ; des zones d’aménagement concerté (ZAC) ont été constituées où les maires ont du mal à attirer les promoteurs privés ; aussi des monteurs d’opérations procèdent-ils à des ventes en bloc à des offices HLM. Et l’on se retrouve, in fine, sans vouloir faire du Pupponi dans le texte, à favoriser de fait la ghettoïsation de ces quartiers : dans certains endroits, on en vient à ne construire que du logement aidé. On a par ailleurs parfois du mal à stimuler l’accession à la propriété ou les investissements privés. Garantir la mixité, lors des grandes opérations, dans les zones où l’on construit, est un vrai problème.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il ne s’agit pas de stigmatiser l’ensemble des maires. Vous avez d’ailleurs rappelé que de nombreuses municipalités avaient vécu une alternance politique et que les choix des conseils municipaux successifs étaient différents. Globalement, des efforts considérables ont été réalisés et nous en avons tenu compte, l’été dernier, en réalisant l’évaluation donnant suite aux propositions de la commission nationale SRU. Il n’en reste pas moins qu’il est très difficile d’appliquer un dispositif national à toutes les communes tant elles sont diverses. Nous tâchons de faire preuve de bon sens dans l’application de la loi. Vous savez aussi, parce que c’est une réalité, que des maires ne jouent pas le jeu : certains m’adressent des courriers pour demander des exemptions alors qu’ils refusent systématiquement de construire des logements sociaux. D’autres maires veulent au contraire en construire énormément, pour d’autres raisons.

Nous devons donc maintenir l’architecture globale de la loi SRU et nous verrons, je le répète, au cours de l’examen du texte, si des adaptations de bon sens se révèlent nécessaires. Reste, encore une fois, qu’il ne saurait être question de stigmatiser le travail réalisé par les élus locaux, tant nous savons que la matière est difficile et que les situations locales sont différentes.

M. Stéphane Peu. Des maires qui font campagne en se vantant de ne pas respecter la loi, cela existe et nous en connaissons. D’autre part, autant que je me souvienne de nos délibérations en comité régional de l’habitat, pour les villes qui comptent moins de 25 % de logements sociaux, des conventions triennales de réalisation sont prévues et on évoque le carencement seulement quand les objectifs contractualisés ne sont pas réalisés du fait de la mauvaise volonté de la ville concernée. Aussi, quand une commune est « carencée », c’est que, vraiment, elle le mérite. Et si on y ajoute le fait que les préfets n’appliquent pas les pénalités prévues par la loi parce qu’ils ont souvent une bonne raison de ne pas le faire
– j’ai le département des Hauts-de-Seine bien à l’esprit –, la seule chose qu’on peut regretter, c’est que la loi SRU ne soit pas appliquée avec plus de sévérité pour être encore plus efficace.

M. Robin Reda. Je suis très tranquille, monsieur le ministre, étant élu dans une ville à laquelle j’ai fait atteindre le taux de 25 % de logements sociaux. Je vois autour de moi des maires de toutes les tendances politiques qui tous envisagent la loi SRU dans un état d’esprit bâtisseur et, c’est le cas de le dire, constructif. Il y a certes des cas isolés mais, malheureusement, la loi en vigueur stigmatise davantage les bons élèves qui s’efforcent de parvenir au taux prévu, que ceux qui dérogent à la loi.

Néanmoins, compte tenu de ce que vous venez d’indiquer, monsieur le ministre, je vous fais totalement confiance et je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE854 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. La législation en vigueur prévoit que des communes peuvent être exemptées des obligations de la loi SRU par le préfet sur le fondement de plusieurs critères : insuffisance du réseau de transports en commun, éloignement du bassin économique… Nous souhaitons ajouter à la liste de ces critères le fait que la commune soit soumise à des contraintes géographiques et urbanistiques particulières, prévues par la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une exemption automatique puisqu’elle doit rester du ressort du préfet.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoit un troisième critère d’exemption concernant les communes inconstructibles. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Les décisions que nous avons prises l’été dernier montrent que nous parvenons à tenir compte de difficultés particulières de constructibilité.

M. Alain Perea. Dans le département de l’Aude, toutes les communes soumises à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, alors qu’elles font des efforts importants, n’ont pas du tout été exemptées et ont été sanctionnées au niveau national. Je regrette que cette disposition ne soit pas parvenue jusque dans l’Aude. C’est d’ailleurs pourquoi j’avais déposé un amendement d’appel sur la loi Littoral, que j’ai ensuite retiré.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, elle rejette l’amendement CE728 de M. Raphaël Schellenberger.

Elle examine l’amendement CE2231 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Je rappelle que les députés du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés sont très attachés à la loi SRU et qu’ils considèrent que si elle n’avait pas fixé ce seuil de 25 % au niveau national, la construction de logements sociaux n’aurait pas été possible. Ils saluent par ailleurs la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté qui a apporté des aménagements à la loi SRU pour en adapter l’application à certaines réalités du territoire, qu’il s’agisse de prendre en compte les difficultés ou l’absence de desserte par les transports en commun ou de veiller à l’articulation avec les autres politiques de l’État, notamment quand des parties d’une commune sont frappées d’inconstructibilité.

Par le biais du présent amendement, nous entendons poursuivre dans ce sens en proposant que les communes dont plus de la moitié de la surface est constituée de sites classés, bénéficient du même type d’exemption que les communes dont je viens de citer le cas. En effet, si les sites classés ne sont pas inconstructibles au sens strict, l’obtention d’un permis de construire y nécessite une autorisation délivrée par le ministre, après avis de la commission des sites classés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis : on ne peut pas multiplier les cas dérogatoires. Vous venez d’ailleurs de rappeler, monsieur Barrot, que la protection du patrimoine n’entraîne pas l’inconstructibilité.

M. Mickaël Nogal. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait en tête que l’article 55 de la loi SRU ne s’applique pas aux 36 000 communes de France mais à un peu moins de 2 000 d’entre elles, dont 200 sont considérées comme « carencées », soit 0,7 % du total. La question n’est donc pas de savoir quelle dérogation ajouter – et des amendements que nous allons examiner prévoient la prise en compte, dans le calcul du taux de logements sociaux, des aires concédées aux gens du voyage, des places d’hébergement… – mais plutôt d’accompagner les élus sur le terrain, dans une démarche vertueuse, pour les inciter à construire des logements sociaux.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE35 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement a pour objet d’intégrer les maisons d’enfant à caractère social aux quotas de logements locatifs sociaux imposés par la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je rappelle que la loi SRU vise à garantir la présence d’un parc locatif social suffisamment important pour les ménages modestes. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE2220 de M. Vincent Ledoux.

Mme Laure de La Raudière. Le présent amendement vise à intégrer dans le taux de logements sociaux les logements acquis dans le cadre d’opérations d’accession sociale à la propriété réalisées par des organismes de foncier solidaire.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE1595 de M. Stéphane Testé.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CE851 de Mme Véronique Riotton et CE1604 de M. Stéphane Testé, ainsi que de l’amendement CE30 de M. Thibault Bazin.

Mme Véronique Riotton. La loi égalité et citoyenneté a déjà permis que les terrains locatifs familiaux soient pris en compte à l’inventaire des logements sociaux retenus en application de la loi SRU. L’amendement CE851 vise à accorder le même traitement aux terrains communaux, afin de remédier à la faible appétence des communes pour la construction et l’entretien d’aires d’accueil des gens du voyage, essentiels dans notre territoire.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Les aires d’accueil des gens du voyage ne sont pas considérées comme des logements, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements CE851 et CE1604 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CE30.

Elle examine l’amendement CE31 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Le présent amendement a pour objet d’intégrer les logements intermédiaires dans les quotas de logements locatifs sociaux imposés par la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette mesure dénaturerait la loi SRU et permettrait à certains maires de s’engouffrer dans la brèche pour ne faire que du logement intermédiaire, et réduire ainsi leurs prélèvements. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE32 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il a pour objet d’intégrer dans les quotas de logements locatifs sociaux imposés par la loi SRU les logements en accession sociale maîtrisée.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE416 de M. Thierry Benoit.

L’amendement identique CE2045 de M. Jean-Luc Lagleize est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE33 de M. Thibault Bazin et CE1053 de Mme Geneviève Levy.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’intégrer dans les quotas de logements locatifs sociaux imposés par la loi SRU les logements mis à la disposition des personnels militaires. À l’heure où nous parlons beaucoup du moral des troupes, notamment en raison des problématiques liées au logement, il nous semble intéressant de faire en sorte que les territoires soient associés à cette dynamique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Si ces logements sont conventionnés, ils sont de fait pris en compte ; dans le cas contraire, ils sont hors plafond, et ne peuvent donc l’être. Je suis défavorable à ces amendements.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suis tout à fait d’accord avec Mme la rapporteure et émets donc un avis défavorable.

M. Mickaël Nogal. Il convient de saluer la créativité de nos collègues…

La commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement CE34 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Si ces amendements constituent effectivement une série, ils n’en sont pas moins importants : chacun d’eux constitue une réponse attendue à un problème se posant dans les territoires.

En l’occurrence, l’amendement CE34 a pour objet d’intégrer dans les quotas de logements locatifs sociaux imposés par la loi SRU les hébergements d’urgence pour personnes sans abri.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je rappelle que la loi SRU inclut déjà dans son quota les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), j’émets donc un avis favorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

M. Mickaël Nogal. Les amendements proposés par M. Bazin portent sur des sujets qu’il convient de prendre au sérieux. Cela dit, l’hébergement est une chose et le logement en est une autre, et adopter cet amendement serait un mauvais signal vis-à-vis de la construction de logements sociaux, qui vont justement permettre de sortir les gens de l’hébergement. Le groupe La République en Marche votera donc contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE637 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

M. Jean-Luc Lagleize. Le présent amendement vise à inclure les logements mis en location par les centres communaux d’action sociale (CCAS) dans le quota de 25 % de logements sociaux prévu par la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Si ces logements sont déjà conventionnés, ils sont de fait pris en compte ; dans le cas contraire, ils sont hors plafond, et ne peuvent donc être pris en compte. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE862 de M. Éric Woerth.

Elle est saisie de l’amendement CE1182 de Mme Valérie Lacroute.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à faire preuve de créativité en élargissant le quota SRU à l’accession sociale à la propriété et à tous les logements étudiants.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Inclure l’accession sociale dénaturerait la loi SRU. Par ailleurs, ces logements ne sont pas durablement affectés à des ménages modestes. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE2198 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Pour défendre l’amendement CE2198, je vais vous raconter ce que peut être l’une de mes journées de député en circonscription. Rencontrant le maire d’une grande ville de mon département, carencée en logement social, je lui conseille de préempter les ventes privées pour faire du logement social, mais il me répond qu’il n’y a pas suffisamment de transactions. Quand je lui dis qu’il peut exproprier et faire du logement social, comme cela a d’ailleurs déjà été fait dans sa ville, il me répond que plusieurs milliers de logements de son parc sont des logements d’État. Inspiré peut-être par
Mme la rapporteure, je lui dis qu’il n’a qu’à faire conventionner les logements, mais il me répond qu’il n’y parvient pas, parce que la foncière d’État qui les détient ne veut pas conventionner. Je me rends alors auprès de la foncière d’État, qui me dit en toute bonne foi que si elle conventionne ces logements, cela va avoir un effet désastreux sur son bilan…

Cet amendement vise donc à inclure les logements d’État dans le décompte des logements sociaux. S’il était rejeté par la commission, j’aimerais que M. le ministre m’indique si la foncière d’État ne pourrait pas accepter de conventionner les logements dans certains cas, afin de favoriser le logement social.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Article 46
(articles L. 302-5 et L. 443-15-7 du code de la construction et de lhabitation)
Allongement de la durée de prise en compte des logements sociaux
vendus dans le quota SRU

1.   L’état du droit

L’article L. 302-5 du CCH, tel qu’issu de l’article 55 de la loi n° 2000‑1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite « loi SRU »), impose aux communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France), comprises dans un EPCI ou une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, de disposer, au sein de leur parc de résidences principales, d’au moins 20 % ou 25 % de logements sociaux.

Les communes dont le taux de logement social est inférieur à cet objectif sont soumises à un prélèvement annuel sur leurs ressources et doivent respecter des objectifs de rattrapage de production de logements sociaux, calculés tous les trois ans, afin d’atteindre le taux légal d’ici 2025.

Les logements qui sont décomptés pour apprécier le taux de logement social de chaque commune (dit « quota SRU ») sont énumérés limitativement au IV de l’article L. 302-5 du CCH. Sont ainsi principalement décomptés :

– l’ensemble des logements conventionnés à l’APL ;

– la totalité du parc des organismes HLM construit avant 1977 ;

– les logements ou les lits des logements-foyers, ainsi que les places des centres d’hébergement et de réinsertion sociale ;

– les terrains locatifs familiaux destinés à l’installation des gens du voyage ;

– les logements du parc privé faisant l’objet d’un dispositif d’intermédiation locative.

Par ailleurs, afin de ne pas décourager les ventes de logements sociaux à leurs locataires et de laisser le temps à la commune de reconstituer son parc de logement social, l’article L. 443-15-7 du CCH prévoit que les logements sociaux vendus à leurs locataires, et dont la vente a fait l’objet d’une autorisation préfectorale, continuent à être décomptés dans le quota SRU de la commune pendant une durée de 5 ans. En application du IV de l’article L. 302-5, les logements dont la convention APL est venue à échéance continuent également à être décomptés pendant la même période de 5 ans.

2.   Les dispositions du projet de loi

En l’état actuel du droit, les communes déficitaires au titre de la loi SRU sont réticentes à toute vente de logement HLM sur leur territoire et émettent donc des avis défavorables à de telles ventes, de crainte de ne pas parvenir à reconstituer le parc de logements sociaux correspondants et de se voir appliquer des pénalités financières supplémentaires.

En cohérence avec l’article 29 du présent projet de loi, dont l’objectif est d’encourager les ventes de logements sociaux pour favoriser l’accession sociale à la propriété et permettre aux organismes HLM de dégager de nouvelles ressources, le présent article vise à lever cette réticence en allongeant la durée de prise en compte des logements sociaux vendus dans le quota SRU.

L’alinéa 3 prévoit ainsi que les logements sociaux vendus à leurs locataires, conformément aux nouvelles procédures d’autorisation prévues à l’article 29, seront décomptés dans le quota SRU de la commune pendant une période de 10 ans, au lieu de 5 ans.

Dans un souci de clarification du droit, les alinéas 3 et 4 intègrent cette disposition à l’article L. 302-5 du CCH qui définit toutes les catégories de logements pris en compte dans le quota SRU.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure souligne le fait que cet article adapte le dispositif de la loi SRU, en cohérence avec les dispositions de l’article 29 facilitant la vente de logements sociaux, sans toutefois toucher aux grands équilibres de cette loi.

Le présent projet de loi n’a jamais eu vocation à modifier les équilibres de la loi SRU qui, depuis plus de quinze ans, fait partie de notre pacte républicain. La loi SRU est une loi efficace qui a permis à la fois de produire du logement social et de rééquilibrer son implantation entre les territoires.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques de suppression CE1809 de M. Stéphane Peu et CE2281 de M. François Pupponi.

M. Stéphane Peu. Si le Gouvernement a, jusqu’à l’article 45, semblé déterminé à faire en sorte que la loi SRU ne soit pas détricotée, force est de constater que l’article 46 a pour conséquence d’affaiblir le dispositif SRU, en permettant que les logements HLM qui vont être vendus restent comptabilisables dans le pourcentage de logements HLM – non pas pendant cinq ans, mais pendant dix ans. Comme l’a très justement souligné Mme la rapporteure, l’habitat SRU consiste en du logement locatif conventionné pour des ménages – c’est ce qui explique qu’il ne puisse inclure les structures d’hébergement, par exemple. Quand un logement HLM est vendu, ce n’est plus du logement locatif pour les ménages modestes, et il n’y a donc aucune raison qu’il reste comptabilisé dans les ratios de la loi SRU.

On m’a transmis aujourd’hui le compte rendu de la délibération du conseil d’administration d’un organisme HLM départemental qui s’est tenu hier et qui, sans même attendre la présente loi, a déjà autorisé la vente de logements HLM. Cet organisme, qui gère environ 20 000 logements, a décidé d’en mettre 500 en vente. Bien sûr, les logements qu’il va proposer à la vente sont situés dans les villes les plus attractives du département, là où il pourra vendre le plus cher. Ainsi, dans un département dont les deux tiers des villes comportent plus de 25 % de logements sociaux, les appartements mis en vente seront principalement situés dans les villes situées sous le seuil de 25 %.

Une telle pratique va avoir pour conséquence tout ce que François Pupponi et moi‑même n’avons de cesse de dénoncer : elle va aggraver le séparatisme social en parquant les plus modestes dans certains quartiers. Si nous ne pouvons l’éviter, évitons au moins de comptabiliser les logements vendus comme des logements HLM – en tout cas, pas pendant dix ans !

M. François Pupponi. Vous ne pouvez pas affirmer votre volonté de ne pas toucher à la loi SRU et, dans le même temps, déroger à la règle des cinq ans. Le Gouvernement souhaite qu’il y ait des ventes, ce que je peux admettre, mais comme vient de l’expliquer M. Peu, les premiers logements vendus seront les mieux placés, ceux situés dans les communes les moins en difficulté.

Dès lors, j’estime qu’il y a deux solutions. Soit on interdit la vente de logements sociaux dans ces communes, en particulier dans les communes carencées ; soit on l’autorise, mais dans ce cas les communes concernées doivent reconstituer l’offre dans un délai de cinq ans. En tout état de cause, l’atteinte, même symbolique, portée à l’article 55 de la loi SRU constitue un message très négatif à l’égard de cette loi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je précise que les logements comptabilisés dans le cadre des ventes sont uniquement ceux qui sont vendus à leurs locataires, et non ceux qui pourraient être vendus à des personnes situées au-dessus des plafonds de ressources de l’accession sociale à la propriété : dès lors, l’argument selon lequel ce sont les logements les mieux situés qui vont être vendus perd de sa pertinence.

Par ailleurs, l’article 46 du projet de loi fait écho à l’article 29, et au fait de favoriser – et non d’imposer – la vente de logements sociaux pour encourager l’accession et le parcours résidentiel auquel aspirent bon nombre de nos concitoyens, qui ne peuvent pas accéder au logement privé.

Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Si je comprends parfaitement les objections de M. Peu et de M. Pupponi, je veux défendre notre choix politique de favoriser la vente de logements HLM – un choix qui ne vise évidemment pas à détruire le modèle de logement social, puisque nous avons pour objectif de parvenir à 1 % du parc locatif. Il y a déjà 7 000 à 8 000 logements HLM vendus chaque année, et plusieurs des gouvernements précédents ont montré leur volonté d’augmenter ces ventes. En 2009, c’est même un objectif de 40 000 ventes de logements sociaux par an qui a été fixé, mais les dispositions administratives, législatives et réglementaires n’étaient pas réunies pour l’atteindre.

À l’heure actuelle, les logements sociaux vendus restent décomptés dans l’inventaire des logements sociaux pendant cinq ans, et toute la question est de savoir s’ils doivent l’être pendant dix ans – je ne vous ai pas entendus demander qu’ils ne le soient pas du tout. Il me semble que, dans ces conditions, vous pouvez difficilement nous accuser de détricoter la loi SRU !

On peut ne pas être d’accord sur le fondement politique de notre souhait de favoriser les ventes de logements sociaux, mais il est incontestable que ces opérations permettent la construction de nouveaux logements sociaux. C’est donc bien un dispositif vertueux, et il ne s’agit en rien de brader le patrimoine HLM : l’objectif consistant à atteindre 40 000 ventes par an, soit 1 % du parc, d’ici à la fin du quinquennat, me semble tout à fait mesuré et ne saurait être assimilé à une tentative de détruire le modèle social.

Mme Marie Lebec. L’article 46 me paraît tout à fait aller dans le bon sens – à l’inverse de la série de mesures proposée précédemment par M. Bazin, qui revenait à légiférer par exceptions. Cet article va permettre aux maires de disposer d’une plus grande visibilité afin de reconstituer leur stock de logements sociaux, mais aussi leur apporter une bouffée d’oxygène car, dans les zones où le foncier coûte très cher, les moyens des petites communes sont souvent insuffisants pour favoriser véritablement la construction de nouveaux logements sociaux.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas opposés par principe aux ventes de logements sociaux, surtout quand elles se font aux locataires ou à d’autres organismes, et non au détriment des communes – l’essentiel étant de ne pas favoriser les marchands de sommeil.

Cela dit, si nous n’avons effectivement pas déposé d’amendements visant à ce que les logements sociaux vendus ne soient plus du tout comptabilisés dans le parc social, nous sommes convaincus qu’il ne faut pas autoriser ces ventes dans les communes carencées. Si vous tenez à ce que ce soit le cas, ces communes comprenant peu de logements sociaux – souvent uniquement du PLS (prêt locatif social) –, et qui vont vendre le peu qu’elles ont, doivent au moins se voir imposer des engagements en contrepartie.

Vous dites qu’un logement social vendu permet d’en construire deux, mais si les communes carencées vendent leur PLS pour aller construire du PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) dans les QPV, je ne crois pas qu’elles fassent beaucoup progresser le logement social ! On ne peut pas se contenter de faire des cadeaux à ces communes-là : si vous voulez que les logements sociaux soient désormais comptabilisés durant dix ans, il faut qu’il y ait des contraintes en contrepartie, et qu’en cas de vente d’un PLS, deux PLAI soient reconstitués.

M. Stéphane Peu. Sur des sujets aussi importants, on ne peut se payer de mots : il faut savoir être concret. Quand on comptabilise les logements sociaux dans le quota SRU pendant dix ans, on ne s’adresse pas à Sarcelles, à Saint-Denis ou à toute autre commune située au-dessus du seuil de 25 %. Dans ces communes-là, il y a de la marge : même si elles vendent une grande quantité de logements sociaux, elles resteront au-dessus du seuil, sans même avoir besoin de continuer à comptabiliser dans leur parc social les logements vendus !

En réalité, on s’adresse aux villes encore situées sous le seuil de 25 %, ou l’atteignant tout juste. Ce faisant, on aggrave la ségrégation territoriale et sociale. La délibération dont je viens de vous parler est très révélatrice : je suis persuadé que, la loi à peine votée, les bailleurs sociaux vont se précipiter pour vendre des logements sociaux là où il faudrait au contraire les conforter… On va donc avoir encore moins de logements sociaux dans les villes riches, d’un niveau sociologique élevé, et continuer à les concentrer dans les villes populaires.

M. Alain Perea. À vous entendre, monsieur Peu, on pourrait avoir l’impression qu’on vend très facilement des quantités phénoménales de logements sociaux, en particulier dans les communes situées au seuil de 25 % ou juste en dessous. Or, je sais par expérience que les logements sociaux ne se vendent pas si facilement, ce qui justifie que l’on s’efforce de favoriser et d’accompagner cette pratique.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire M. Perea. Actuellement, 8 000 logements sociaux sont vendus chaque année ; nous souhaitons que ce chiffre passe à 20 000 à moyen terme, et à 40 000 à plus long terme. Comme vous le voyez, cela reste infime par rapport au stock de 4,5 millions de logements sociaux.

Par ailleurs, pour ce qui est du fait de comptabiliser pendant dix ans plutôt que cinq les logements sociaux vendus, je crois qu’à l’échelle nationale, chaque locataire reste en moyenne dix ans dans le logement qu’il occupe. Le fait de retenir une durée de dix ans n’a donc aucune incidence sur la durée d’occupation du logement par une personne dans une commune donnée.

Enfin, il me semble que la question essentielle est celle consistant à se demander comment faire pour s’assurer de l’efficacité du cercle vertueux que nous souhaitons créer, afin que chaque vente de logement social permette bien la construction de deux ou trois logements sociaux neufs : en d’autres termes, il ne faut pas que l’investissement se fasse au détriment du territoire où a eu lieu la vente. Pour cela, faut-il inscrire dans la loi le principe du fléchage de l’investissement vers son territoire d’origine, ou réutiliser – en revitalisant pour cela les documents censés le prévoir – les plans stratégiques de patrimoine (PSP) les conventions d’utilité sociale (CUS), ainsi que le rôle des préfets ? Nous avons largement débattu de cette question hier, et je pense que nous devons continuer à travailler en ce sens.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Dans la grande majorité des cas, les exécutifs de nos collectivités font preuve de bon sens. Ainsi, je discutais hier avec le maire d’une ville préfecture, qui vend beaucoup de logements sociaux afin de dédensifier sa commune en quartiers prioritaires et de réaliser des logements sociaux en centre-ville – une stratégie qui se révèle efficace.

Il est normal que chacun défende ses convictions, et je n’ai aucun doute sur la sincérité des vôtres, monsieur Peu. Cependant, dès lors qu’on protège les intérêts des locataires et que la vente de logements sociaux permet d’en mettre d’autres sur le marché, je pense qu’on alimente un système vertueux. Nous n’avons pas la même approche, et le vote nous départagera, mais je vous assure que c’est à la réalisation de cet objectif que nous travaillons.

M. Stéphane Peu. En octobre dernier, quand j’entendais Jean-Louis Borloo affirmer à Grigny, dans le cadre des états généraux de la politique de la ville, que la politique des quartiers populaires et des banlieues était un angle mort de la politique du gouvernement actuel, je trouvais l’expression un peu bizarre. Aujourd’hui, après quelques jours de débat sur ce projet de loi, j’ai pris conscience du fait qu’il est impossible de vous faire prendre en compte les questions de la mixité sociale et de la ségrégation territoriale, et je comprends mieux ce que Jean-Louis Borloo voulait dire.

Indépendamment du débat idéologique sur le principe même des ventes de logements sociaux, que je mets de côté, je considère d’un point de vue purement pragmatique que ces ventes vont avoir pour conséquence d’accroître la ségrégation sociale – les délibérations des organismes de HLM vont nous en faire une démonstration éclatante dans les semaines qui viennent. Malheureusement, vous ne voulez pas voir que si on continue de creuser les écarts et de pratiquer la ségrégation, on se dirige tout droit vers une République explosive.

M. Thibault Bazin. Je ne voterai pas ces amendements de suppression, car l’article 46, qui vise à favoriser l’accession et le parcours locatif, me paraît intéressant – même s’il mériterait sans doute d’être amendé –, mais je vous avoue être mal à l’aise.

En effet, c’est justement là où les logements sociaux se vendent le plus facilement qu’il ne faudrait pas les vendre, en tout cas pas sans un engagement de l’opérateur de réinvestir dans le même territoire. Dans un cadre stratégique, des opérateurs quittent parfois un territoire, et il est alors difficile pour les communes concernées d’en faire venir d’autres, car elles ne se trouvent pas dans le bon zonage.

À l’inverse, c’est là où les ventes de logements sociaux seraient intéressantes qu’il est le plus difficile de les réaliser, car ceux qui habitent dans les communes concernées ont très peu de moyens, et les logements présentent peu d’attractivité pour les personnes venant de l’extérieur. Enfin, certaines communes craignent de se trouver pénalisées en passant sous le seuil de 25 %.

Votre mesure me paraît aller dans le bon sens, mais je pense qu’elle nécessiterait d’être encadrée en faisant en sorte de rendre plus vertueux ce qui mérite de l’être, et d’éviter les externalités négatives qui peuvent se présenter.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Si j’ai l’habitude des procès, je n’ai jamais aimé les procès d’intention, monsieur Peu, et vous conviendrez que personne n’a le monopole de la réussite. Si le système auquel vous vous référez avait été une réussite, cela se saurait depuis longtemps, or ce n’est pas le cas.

M. Stéphane Peu. La loi SRU est une réussite !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Vous n’avez pas parlé que de cette loi, me semble-t-il.

Pour ma part, je considère qu’à certains moments, il faut des nouvelles structures et des nouvelles méthodes pour améliorer la situation. Vous êtes libre de penser que notre solution n’est pas la bonne, et je respecte votre point de vue, mais je rappelle tout de même que nous avons besoin de faciliter la construction de logements sociaux et que, sur ce point essentiel, vous vous bornez à évoquer la mixité sociale, en semblant mettre en doute les choix faits par les élus locaux. Certes, toutes les pratiques locales ne sont pas vertueuses, mais il me semble que le dispositif et les objectifs raisonnables que nous proposons ne constituent pas la remise en cause, que vous dénoncez, du modèle du logement social, mais au contraire un moyen de le favoriser – et certainement pas un angle mort pour le Gouvernement.

M. François Pupponi. Je crois que vous déformez nos propos, monsieur le ministre. Ce que nous essayons de dire depuis le début du débat sur ce texte, c’est que quand on fait un texte sur le logement, on risque toujours d’aggraver la ghettoïsation. Tout l’enjeu d’un projet de loi dans ce domaine est là : il faut trouver les moyens de régler la question du logement des Français sans aggraver le ghetto.

Pour bien marcher, il faut se tenir sur deux jambes : or, en favorisant la vente de logements sociaux, l’article 46 marche sur une seule jambe, avec tous les risques de chute que cela implique, car l’équilibre est précaire.

La commission rejette les amendements identiques CE1809 et CE2281.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE1812 de M. Stéphane Peu.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CE36 de M. Thibault Bazin, CE804 de M. Éric Pauget, CE1461 de M. Robin Reda et CE1851 de M. Stéphane Peu.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE36 a pour objet de comptabiliser la totalité des logements sociaux vendus dans les quotas de logements sociaux imposés aux communes par la loi SRU, sans limitation de durée. Considérant que vous êtes centriste, monsieur le ministre, je me suis dit qu’en demandant beaucoup, vous accepteriez peut-être un peu. Vous l’avez compris, il ne s’agit que d’un amendement d’appel, que je vais retirer au profit de ceux de mes collègues, qui constituent des propositions plus raisonnables.

M. Robin Reda. Avec l’amendement CE804, M. Pauget propose de comptabiliser les logements sociaux vendus durant une période de vingt-cinq ans ; mon amendement CE1461 retenant plutôt quinze ans.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE1851 vise à réduire la période de comptabilisation des logements vendus de dix ans à un an.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’émets un avis défavorable à ces amendements.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Ces amendements ont beau aller de l’éternité à un an, aucun ne trouve grâce à mes yeux : je préfère m’en tenir à une position non pas centriste – je ne l’ai jamais véritablement été, monsieur Bazin –, mais de bon sens, et j’émets donc un avis défavorable.

L’amendement CE36 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE804, CE1461 et CE1851.

Elle adopte l’article 46 sans modification.

Après l’article 46

La commission examine l’amendement CE2516 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Luc Lagleize. Les logements de fonction, propriété de l’État et de ses établissements publics, ne sont pas considérés comme des logements sociaux, ce qui pénalise de manière injustifiée les communes accueillant un parc important de logements de fonction de l’État, notamment celles ayant des grandes casernes militaires ou de gendarmerie. Dans un souci d’équité, cet amendement vise à exclure ces logements du décompte des résidences principales, sans pour autant les comptabiliser comme des logements sociaux.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE169 et CE171 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. L’amendement CE169 a pour but d’intégrer dans les quotas de logements sociaux, pour les communes qui y sont soumises, les logements en accession sociale à la propriété.

Ce dispositif serait encadré pour ne viser que les logements occupés par des personnes aux revenus modestes. Ainsi, plusieurs conditions devraient être réunies : primo‑accession, conditions de ressources des bénéficiaires, aide à l’accession sociale à la propriété attribuée par une ou plusieurs collectivités territoriales.

De façon similaire, l’amendement CE171 propose d’intégrer dans le décompte les logements neufs acquis à compter du 1er janvier 2019 grâce à un prêt à taux zéro ou un prêt d’accession sociale.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements CE169 et CE171.

Elle est saisie de l’amendement CE272 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE272 vise à prévoir un délai de rattrapage pour les communes rentrant dans les intercommunalités suite à des fusions, lorsque leur taux de logements sociaux est bien inférieur à celui exigé.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le problème soulevé par cet amendement est réel, et nous aurons d’autres occasions de l’évoquer. En l’état actuel, je suis défavorable à votre proposition.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE688, CE689 et CE690 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Je m’engouffre dans la brèche ouverte tout à l’heure par M. le ministre, en évoquant pour ma part dans cette série d’amendements les maires qui construisent trop de logements sociaux.

Près de vingt ans après que la loi SRU a imposé un plancher dans ce domaine, je me demande s’il ne serait pas opportun de réfléchir à la mise en place d’un plafond. En effet, il me semble qu’il n’est pas forcément sain que certaines villes affichent un ratio de 50 % ou 60 % de logements sociaux pour des raisons historiques, ou aspirent à atteindre ces taux. Un tel déséquilibre entre l’offre privée et l’offre sociale ne favorise pas la mixité sociale par le logement, mais contribue au contraire à la constitution de véritables ghettos urbains.

Les amendements CE688 et CE689 proposent que le nombre total de logements locatifs sociaux ne puisse pas excéder respectivement 30 % et 40 % des résidences principales d’une commune.

Quant à l’amendement CE690, il vise à ce que le nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d’intégration ne puisse pas excéder 30 % des résidences principales d’une commune. Cette proposition s’inspire d’un dispositif mis en place par la région Île-de-France qui avait, me semble-t-il, été approuvé en son temps par M. Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

M. Thibault Bazin. Ces amendements ont trait à la ghettoïsation, qui est un vrai problème. Sans vouloir jeter la pierre aux maires ni aux opérateurs concernés, force est de constater que l’habitude a été prise de concentrer la construction de logements sociaux dans certaines villes et certains quartiers. En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d’empêcher la constitution de ghettos, c’est pourquoi j’invite tous nos collègues à soutenir ces amendements.

M. Jean-Luc Lagleize. Ces amendements manquent un peu de finesse, car il existe de diverses sortes de logements sociaux, notamment le PLAI, le PLS et le prêt locatif à usage social (PLUS), et ce n’est pas parce qu’une commune affiche plus de 50 % de logements sociaux qu’elle contient des ghettos. En revanche, le fait qu’il y ait plus de 70 % de PLAI dans un quartier, par exemple, peut susciter des problèmes – je rappelle d’ailleurs que l’ANRU proposait de ne pas dépasser les 50 % en termes de reconstruction. En tout état de cause, ces amendements sont trop généralistes pour être retenus.

M. François Pupponi. Le nouveau règlement de l’ANRU, voté alors que j’étais président de l’agence, prévoyait que la destruction d’un PLAI dans un quartier donné ne pouvait pas, sauf dérogation, donner lieu à la reconstruction d’un nouveau PLAI : cela montre qu’on avait déjà compris qu’il ne fallait pas concentrer trop de logements sociaux au même endroit.

En fait, ce n’est pas tant le type des logements qui pose problème que leur attribution : si seules les personnes en grande difficulté peuvent obtenir ces logements, la ghettoïsation va très vite se mettre en place. Pour éviter cela, il faut à la fois jouer sur le nombre de logements et modifier les conditions d’attribution.

M. Stéphane Peu. Le logement HLM en France est généraliste et doit le rester car, en dépit de la loi Boutin qui a abaissé les plafonds de 10 %, on compte toujours 75 % de Français éligibles au logement social en raison de leurs ressources. Il n’y a donc pas de fatalité à ce que les quartiers HLM deviennent des ghettos, à condition d’appliquer certaines règles en matière d’attribution.

Les villes où 90 % à 95 % des demandeurs de logement disposent de ressources inférieures au plafond HLM ne peuvent pas dire à ces personnes d’aller voir ailleurs. En revanche, il convient de veiller à ne pas importer dans ces villes, par le biais des mécanismes d’attribution évoqués tout à l’heure, encore davantage de personnes modestes.

Il y a en France, depuis plusieurs années, la tentation de faire du logement HLM le logement résiduel pour les plus défavorisés. Pour éviter que les ghettos ne s’installent définitivement, nous devons résister à cette tendance et faire en sorte que les HLM restent le logement généraliste de la majorité du salariat français.

M. Robin Reda. Je vais retirer les amendements CE688 et CE689, qui font référence à des plafonds bruts et avaient surtout vocation à lancer le débat pour recueillir la position du Gouvernement – ce qui n’a pas vraiment fonctionné, le ministre ayant exprimé son avis de façon très laconique.

En revanche, je maintiens l’amendement CE690, en précisant bien qu’il ne vise pas à interdire le dépassement d’un plafond de 30 % de logements sociaux – les communes qui souhaiteront le faire en auront la possibilité –, mais à prévoir que l’État ne financera plus le logement très aidé dans les communes construisant plus de 30 % de logements PLAI.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. M. Peu a eu raison de rappeler que le logement social concerne 75 % de nos concitoyens, et qu’il nous appartient de faire le choix qu’il en reste ainsi.

Je ne suis pas favorable à la multiplication de plafonds et planchers – sur ce point, la loi SRU a montré que lorsque les quotas sont posés, il est souvent très difficile de les modifier pour s’adapter à l’évolution des situations – et j’estime que la mise en œuvre de votre proposition serait très compliquée et obligerait le législateur à réintervenir régulièrement afin d’effectuer des mises au point.

Les amendements CE688 et CE689 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CE690.

Elle examine l’amendement CE2018 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Nous souhaitons inciter les maires à construire du logement intermédiaire. Aujourd’hui, aucun dispositif ne les y incite : il existe des aides à la construction de logements sociaux et des promoteurs privés peuvent construire des logements classiques, mais, globalement, le logement intermédiaire est un problème qui n’est pas traité.

Nous proposons d’inciter à leur construction en incluant le logement intermédiaire dans le calcul du taux imposé par la loi SRU, en modulant toutefois cette prise en compte : un logement financé par un PLS serait comptabilisé comme 0,5 logement et un logement financé par un PLAI pour 1,2.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Ce serait un moyen d’atteindre le taux demandé par la loi SRU et d’obtenir plus de mixité et de PLAI, mais il y aurait au total moins de logements.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE846 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. Dans de nombreuses communes, en particulier dans les zones tendues, le coût du foncier ne leur permet pas de se porter acquéreuses de terrains pour construire des logements sociaux. Elles ont alors recours aux services de portage des établissements publics fonciers locaux.

La loi permet déjà de diminuer les prélèvements effectués sur les communes déficitaires en logements sociaux d’un certain nombre de coûts : travaux de viabilisation, dépollution, désamiantage ou fouilles de terrains mis ensuite à disposition pour réaliser des logements sociaux.

Le présent amendement vise à élargir cette possibilité aux frais de portage foncier permettant l’acquisition de terrains en vue de construire de nouveaux logements sociaux.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE1810 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. C’est un excellent amendement, sans doute l’un des dix meilleurs que j’ai déposés : il est dans mon top ten. (Sourires.)

Alors que la loi SRU est en vigueur depuis plus de quinze ans, on constate que les amendes qu’elle fixe ne sont pas dissuasives. On voit même des maires se vanter de les payer pour mieux protéger ainsi leurs administrés contre des constructions de logements sociaux… Quant aux préfets, ils habitent eux-mêmes dans des villes carencées en logements sociaux et sont peu enclins à prononcer les amendes.

Je propose donc l’instauration d’un permis à points, analogue au permis de conduire, sur lequel serait imputé le comportement délictueux des maires. Lorsqu’ils n’auraient plus de points, ils deviendraient inéligibles. Vous m’avez bien entendu : aucun stage de formation ne leur permettrait d’éviter la sanction de l’inégalité.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Cet amendement qui figure en haut de votre palmarès n’est pas constitutionnel.

M. Stéphane Peu. Mais une révision constitutionnelle est prévue prochainement !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Vous défendrez alors les modifications nécessaires pour que ce type d’amendement puisse être retenu… (Sourires.)

Les dispositions punitives à l’encontre des maires sont aujourd’hui utilisées. On peut considérer que ce n’est pas suffisant, mais laissez-moi tout de même vous donner quelques chiffres. Dans notre pays, 1 997 communes sont concernées par la loi SRU. À l’issue du bilan triennal, 1 219 communes devant construire davantage encore de logements sociaux ne sont pas à jour avec les objectifs de la loi, tandis que 259 ont fait l’objet d’un arrêté de carence.

Certaines d’entre elles encourent des sanctions financières relativement importantes. Je vous accorde, monsieur Peu, que certains maires préfèrent payer des amendes que construire des logements sociaux : dans ces cas, il faut être extrêmement ferme. Mais, plutôt que d’instaurer un permis à points, il faut accélérer la vitesse de construction des logements. Or, pour ce faire, il faut entre autres accélérer la vente de logements sociaux. Ne stigmatisons donc pas systématiquement le comportement des maires.

Cet été, j’ai considéré que les premières propositions de déclarations de carence que m’avaient faites les préfets n’étaient pas suffisantes. Je leur ai écrit pour qu’ils revoient la liste. Elles ont donc été revues de telle sorte qu’elles soient plus nombreuses et que les sanctions soient plus fortes. C’était justifié et cela n’a d’ailleurs guère soulevé de contestation. Cette appréciation a globalement été considérée comme juste.

Il faut persévérer dans cette voie. Des efforts ont déjà été faits par certains maires, comme en témoigne la signature de contrats de mixité. Nous sanctionnerons les autres. Mais ne prenons pas de mesure excessive vis-à-vis des élus locaux.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CE863 de M. Éric Woerth, les amendements identiques CE339 de M. Thibault Bazin et CE805 de M. Éric Pauget et l’amendement CE338 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Pour renforcer la crédibilité et l’efficacité de la loi, l’amendement CE863 propose de fixer l’objectif de construction dans un délai de vingt ans à compter de la notification par le préfet du déficit de la commune et de son obligation à construire, afin d’introduire davantage de souplesse dans le dispositif.

Un tel dispositif doit permettre aux communes devenues éligibles à la loi SRU un rythme de construction réaliste et adapté à leurs différentes contraintes.

Imaginez, messieurs les ministres, que, du jour au lendemain, pour cause d’adhésion de sa commune à une intercommunalité ou pour tout autre raison, un maire la voit devenir éligible à la loi SRU. Par application du taux prévu par cette dernière, il se trouve en face d’obligations impossibles à remplir. À peine élu, un maire peut ainsi se trouver aux prises avec un défi énorme, dont la non-réalisation est immédiatement assortie d’une sanction.

Je pense qu’une notification impartissant des délais offrirait le moyen d’échapper aux discours démagogiques. Les maires seraient plutôt accompagnés pour donner une réponse à ces enjeux de mixité.

Quant à l’amendement CE339, le dispositif qu’il propose permet de lisser la progression de construction de logements sociaux pour atteindre les seuils légaux, tout en maintenant l’effort : progression de 15 % environ par période triennale, puis 10 % lors de la dernière.

Ces points sont évoqués par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) dans son rapport en avril 2016 sur le thème : « Expertise de l’application de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ».

Enfin, prenant en compte la création de nombreuses intercommunalités, l’amendement CE338 allonge de 2025 à 2034 le délai dans lequel les communes doivent se conformer aux dispositions de la loi SRU.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. On a beaucoup travaillé sur ce sujet.

Il y a deux cas de figure de nouvelle éligibilité aux seuils de la loi SRU : soit une commune adhère à une intercommunalité, soit elle connaît une évolution démographique, qui n’apparaît certes pas du jour au lendemain. Dans ce cas, la loi SRU prévoit d’ailleurs un accompagnement de la commune concernée dans les trois années qui précèdent son changement potentiel de catégorie.

De surcroît, tous ces amendements sont formulés comme s’ils n’existaient pas ces contrats de mixité sociale dont votre collègue Stéphane Peu parlait tout à l’heure. Ces contrats visent pourtant à offrir cet accompagnement. Ayons en tête que toutes les solutions ne passent pas par une loi fixant des objectifs, mais qu’il y aussi des dispositifs légaux incluant des mesures de mixité sociale. Nous devons porter également notre attention sur eux, pour voir s’ils fonctionnent et, dans le cas contraire, comment les améliorer.

M. Thibault Bazin. Reconnaissons que le ministre Mézard est vraiment malin. Jusqu’où nous emmènera-t-il sur ces sujets ? J’ai beaucoup d’espérance, et j’imagine qu’il y en a encore plus chez les partisans de la République en Marche. J’aimerais y croire !

Mais, par suite de l’adoption de la loi de finances pour 2018, les opérateurs ont vu fragiliser leur capacité d’investissement à court terme. Même si les mesures que vous prenez semblent pouvoir porter leurs fruits d’ici 2020, une séquence de trois ans s’ouvre, qu’il sera délicat de passer. Les communes confrontées, durant cette période, à l’obligation d’agir, auront beau avoir passé des contrats, si les opérateurs connaissent des difficultés pour investir, elles peineront à parvenir à des résultats.

Il est donc important de pouvoir desserrer l’étau.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je ne sais pas si je dois me réjouir d’être qualifié de « malin ». Il est cependant essentiel que nous trouvions des solutions permettant d’éviter de détricoter un dispositif législatif qui, malgré ses imperfections, rend possible la construction de logements sociaux. En vertu des critères qui les définissent, ceux-ci, nous l’avons rappelé, intéressent les trois quarts de la population.

Par la diversité des amendements qui nous sont soumis, amendements qui vont parfois dans des sens totalement contradictoires, nous pouvons prendre conscience qu’il ne faut pas remettre en cause l’architecture du dispositif légal.

Au demeurant, je fais confiance au travail des élus locaux et des préfets. Le secrétaire d’État a rappelé à juste titre que les contrats de mixité sociale servent à quelque chose : en effet, ils ont fait avancer, par la persuasion et par la concertation, la construction de logements sociaux.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CE270 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement propose de remplacer la notion de stock par celle de flux dans la loi SRU.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE271 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Là encore, il s’agit d’essayer d’adapter notre législation aux besoins locaux.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE866 de M. Éric Woerth.

M. Thibault Bazin. Cet amendement supprime deux obligations. Les communes auraient toujours leur objectif de construction sur trois ans, mais elles seraient totalement libres du choix des logements pour l’atteindre.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE2285 de M. François Pupponi et, en discussion commune, des amendements CE2284 et CE2283 de M. François Pupponi, ainsi que de l’amendement CE1871 de M. Stéphane Peu.

M. François Pupponi. L’idée est la suivante : soit on augmente le PLAI pour doper la construction de logements de ce type, soit on fait sortir le PLS du champ de la loi SRU, soit on n’introduit du PLAI dans le champ de la loi SRU qu’en l’assortissant d’un coefficient minoré de 0,5, les autres logements étant assortis d’un coefficient majoré.

Nous cherchons ainsi à doper le PLAI sans pénaliser les communes. Dans les communes carencées, les logements de type PLS ne seraient en revanche plus pris en compte. Il s’agit de faire évoluer l’article 55 de la loi SRU pour être plus efficaces : construire du logement là où il le faut et inciter les communes à le faire.

Cette série d’amendements rejoint donc ceux qui ont été défendus tout à l’heure par notre collègue Jean-Luc Lagleize.

M. Stéphane Peu. Mon amendement CE1871 tend à ce que les logements financés par un PLS ne soient pas comptabilisés dans les villes où le taux de logements sociaux est inférieur à 25 %. Je rappelle que cette loi a pour objectif de répondre, de manière massive, mais équilibrée, à la question du logement des ménages modestes.

Or le plafond annuel de ressources du PLS, pour un couple avec un enfant, soit un foyer de trois personnes, s’établit à 60 000 euros. Ce niveau est bien supérieur au niveau de revenu médian et du revenu moyen des Français. Les logements financés par un PLS ne permettent donc pas un rééquilibrage.

La loi SRU vise pourtant à bénéficier aux plus modestes. L’un des moyens de la contourner est de construire des logements pour les personnes âgées, logements ensuite comptabilisés comme logements sociaux. Mais le logement financé par des PLS est aussi l’un des autres moyens utilisés. En définitive, on fait tout sauf du logement familial pour les personnes modestes.

Pour atteindre enfin cet objectif, nous devons exclure du champ des logements comptabilisés comme logements sociaux le logement financé par des PLS.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Il est difficile, monsieur Peu, de changer les règles de manière aussi considérable en pleine application de la loi SRU. Conservons-lui sa colonne vertébrale actuelle, sans trop la faire bouger dans un sens ou dans un autre.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Si j’ai bon souvenir, la loi Duflot avait déjà fixé des objectifs triennaux de rattrapage, en fixant, comme vous le suggérez, monsieur Pupponi, des objectifs de logements en PLS et en PLAI. Il serait bon d’évaluer leur réalisation avant de voir si des adaptations sont, le cas échéant, nécessaires.

La commission rejette successivement l’amendement CE2285 et les amendements en discussion commune.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE2248 de M. François Pupponi.

Elle examine l’amendement CE1183 de Mme Valérie Lacroute.

M. Robin Reda. L’amendement de ma collègue reprend celui que j’ai précédemment défendu, mais en interdisant cette fois le financement de logements très sociaux, de type PLAI, dans les communes qui disposent de plus de 50 % de logements sociaux.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE2507 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Je voudrais appeler votre attention sur l’application de la loi SRU dans certains cas, notamment à Paris, où on observe une disparité très importante : le XVIe arrondissement ne compte que 6 % de logements sociaux, le VIIe 2,1 %, tandis que, dans le XIIIe, ce taux atteint 37,6 % dans certains quartiers.

Cela pose de grands problèmes. La mixité que nous souhaitons se trouve finalement corrompue, car les écoles des quartiers concernés sont désertées par les familles. Les logements réquisitionnés par la préfecture vont à des familles en grande difficulté, alors qu’ils étaient destinés à des familles plus aisées, mais ayant néanmoins besoin de logements sociaux.

C’est un vrai souci. Je souhaiterais qu’on puisse prendre en compte le taux de logements sociaux non ville par ville, mais arrondissement par arrondissement, voire quartier par quartier. Rappelons tout de même que le treizième arrondissement compte 186 000 habitants, soit un total bien supérieur à la population moyenne d’une ville française.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. François Pupponi. Je trouve cet amendement tout de même osé quand on sait que les véhicules du Samu social ne cessent de transporter tous les jours les populations les plus fragiles de Paris vers la banlieue.

Je vais prendre un arrêté municipal interdisant aux véhicules du centre d’action sociale de la ville de Paris (CAS-VP) d’entrer à Sarcelles, nous mettrons des PV, je vous les enverrai et vous verrez combien il y en a ! Quand on ne veut plus voir les réfugiés à Paris, Porte de la Chapelle ou au bord du canal Saint‑Martin, le préfet de police réquisitionne des cars pour les envoyer en banlieue. Il en est un jour arrivé pas moins de 800 en Seine-Saint-Denis en vingt‑quatre heures !

Continuez donc plutôt à prendre votre part dans l’effort de solidarité.

M. Buon Tan. Le treizième accueille le quart des logements d’urgence de Paris !

M. Stéphane Peu. C’est nous, en banlieue, qui fournissons la moitié de l’effort !

M. Buon Tan. On voit émerger, dans mon arrondissement, de mini-ghettos en devenir. Nous risquons donc de connaître des difficultés. Je suis prêt à retirer cet amendement, mais je demande que le ministre s’engage à examiner ce problème de près pour trouver une solution.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’ai noté, monsieur Pupponi, que vous pouviez encore prendre des arrêtés municipaux. (Sourires.)

M. François Pupponi. Je me suis rendu compte que je disais une bêtise…

M. Roland Lescure, président de la commission. Monsieur le ministre, j’espère que, de votre côté, vous ne continuez pas à voter les lois au Sénat. (Rires)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous regarderons la situation, monsieur Tan, mais je ne prends aucun engagement de vous donner satisfaction.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements CE2433 de
M. François Pupponi, CE1817 de M. Stéphane Peu et CE173 de M. Alain Ramadier.


 

Chapitre III
Améliorer les relations locataires bailleurs et favoriser la production de logements intermédiaires

Avant l’article 47

La commission examine l’amendement CE1556 de M. Jacques Marilossian.

M. Jacques Marilossian. La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté avait modifié les trois articles du code de la construction et de l’habitation concernant la présentation des listes aux élections des représentants des locataires au conseil d’administration des organismes d’HLM.

Ces modifications ont instauré une obligation d’affiliation des associations de locataires aux organisations nationales siégeant à la Commission nationale de concertation, au Conseil national de l’habitat et au Conseil national de la consommation.

Ces modifications ne figuraient pas à l’origine dans le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté, mais y avaient été introduites par voie d’un amendement présenté au motif très contestable qu’avec cette obligation d’affiliation, « ces associations locales [seraient] renforcées dans leurs connaissances et leurs outils pour défendre l’intérêt des locataires du parc social ».

Comment peut-on défendre l’intérêt des locataires, améliorer les relations entre locataires et bailleurs, et renforcer la démocratie dans le logement social, en empêchant que des associations de locataires puissent présenter leurs propres listes aux élections de représentants dans le parc HLM ?

Je rappelle que les conditions de participation des associations de locataires à ces élections, qui ont lieu tous les quatre ans et concernent aujourd’hui plus de quatre millions de locataires HLM, ont été fixées par un décret de 1983.

Il convient donc de revenir à l’esprit initial d’égalité et de citoyenneté, mais aussi de garantir le pluralisme et la liberté d’expression, en permettant aux associations locales de locataires de participer librement à ces élections.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

Cette règle est en effet très récente, puisqu’elle date de 2017, et vise à limiter le développement d’associations communautaires, dont certaines se constituent en faisant appel à des financements tendancieux.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Je souscris à l’argumentation de la rapporteure et j’en comprends le principe. Toutefois, si on veut renforcer et conforter les corps intermédiaires, il faut des confédérations nationales auxquelles les associations locales puissent s’affilier et auprès desquelles elles puissent se former et trouver un appui juridique. Elles éviteront ainsi l’écueil de s’enfermer dans des problématiques locales.

Mais cela permettra surtout d’éviter des dérives dangereuses que je vois poindre ici ou là, notamment une tendance à communautariser l’organisation des locataires. C’est un sujet très important. Je souscris aux dispositions actuelles de la loi.

M. Jacques Marilossian. J’entends les arguments de la rapporteure, mais je maintiens mon amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je souscris aussi à l’argumentation de la rapporteure, mais souhaiterais faire deux remarques.

Premièrement, la participation à ces élections diminue très fortement. Sur le terrain, combien nous disent ne pas se sentir représentés par les associations nationales ! Certes, il faut qu’elles continuent à apporter un appui en termes de formation, mais constatons qu’il y a de moins en moins de participation citoyenne au vote.

Deuxièmement, si cet amendement était adopté, il y aurait chevauchement entre la mise en application de la présente loi et les prochaines élections des représentants de locataires, prévues à l’automne. Il faudrait donc attendre les élections suivantes, prévues dans quatre ans, pour que le débat ait lieu.

M. Stéphane Peu. Je partage l’inquiétude du ministre. En échange de ces dispositions, les confédérations doivent faire des efforts. Comme pour les associations de parents d’élèves, la situation est cependant très variable d’un endroit à l’autre.

Pour jouer leur rôle pleinement, les corps intermédiaires, qu’ils s’agissent des syndicats, des associations de parents d’élèves ou des associations de locataires, doivent être plus représentatifs de la diversité des populations, mais sans provoquer de balkanisation.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Pour avoir siégé pendant plusieurs années au conseil d’administrations d’offices HLM, je puis dire qu’imposer que les représentants des locataires ne puissent plus faire de mandats successifs changerait considérablement la donne. Nous sentons que le fossé s’est de plus en plus creusé entre les locataires et leurs représentants. Parfois, dans certains secteurs, cette représentativité est devenue très faible.

M. Jacques Marilossian. Peut-on obtenir du Gouvernement l’engagement qu’il s’emploie à permettre un vote plus massif à ces élections ? Il pourrait inciter les bailleurs eux‑mêmes à développer un programme d’information et d’éducation en ce sens. Le contact risque sinon de se perdre entre les associations locales et les associations nationales.

M. Stéphane Peu. Je partage cette remarque. Les bailleurs ne créent pas toujours les conditions favorables à une bonne participation. Ces élections, étant nationales, devraient faire l’objet d’une campagne nationale qui inciterait au vote et braquerait les projecteurs sur elles. Il y en a déjà eu par le passé. Elle pourrait s’appuyer sur des spots diffusés à la télévision, par exemple.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous m’enlevez les mots de la bouche. J’ai déjà commencé à y travailler avec les associations de bailleurs. Je vous associerai donc à cet effort avec grand plaisir.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE1729 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il vise à généraliser les pratiques de certains bailleurs en créant un échelon de concertation de proximité, afin d’assurer une meilleure réactivité dans le champ de la gestion locative, notamment de la gestion de proximité.

Depuis le début de nos débats, nous avons en effet beaucoup parlé des HLM, mais les offices HLM ne sont pas seulement des constructeurs ; ils sont aussi des bailleurs, qui doivent mieux gérer leur logement. La gestion de proximité constitue donc un enjeu, tout comme la concertation locative et l’association des locataires à la gestion quotidienne. Il n’est pas de meilleure garantie d’un bon fonctionnement que de mettre autour de la table les experts techniques et les experts du quotidien.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement est en effet satisfait. La loi de 1986 autorise, en effet, déjà les bailleurs à mettre en place plusieurs conseils de concertation locative s’ils le souhaitent. À défaut de retrait de l’amendement, je serai obligée d’exprimer un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même observation.

M. Stéphane Peu. Je le vérifierai ! Je maintiens en tout cas mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE1730 de M. Stéphane Peu.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il est satisfait.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1731 de M. Stéphane Peu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. L’amendement se trouve satisfait du fait de l’adoption des articles 25 et 26.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Article 47
(article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Suppression de lobligation du caractère manuscrit de lacte de cautionnement

1.   L’état du droit

Une personne se portant caution d’un locataire s’engage envers le bailleur à exécuter les obligations incombant au locataire en cas de défaillance de ce dernier et à payer ses dettes locatives.

En raison de la portée de cet engagement, l’article 22-1 de la loi de 1989 oblige la personne physique se portant caution d’un locataire à faire précéder sa signature de la reproduction manuscrite :

– du montant du loyer et des conditions de sa révision ;

– de la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte ;

– et de l’avant-dernier alinéa de l’article 22-1 précité, qui précise les modalités de résiliation de ce cautionnement.

Ces formalités sont prescrites à peine de nullité de l’acte de cautionnement.

Depuis la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, cette obligation ne s’applique plus qu’aux personnes physiques, l’exigence des mentions manuscrites ayant été supprimée pour les personnes morales se portant caution, afin de faciliter le développement dématérialisé du dispositif Visale mis en place par Action Logement.

2.   Les dispositions du projet de loi

Dans un souci de simplification des démarches administratives, l’article 47 du présent projet de loi harmonise les règles applicables aux personnes physiques et aux personnes morales, en supprimant toute obligation de mentions manuscrites dans les actes de cautionnement signés par des personnes physiques.

Afin de maintenir le même niveau d’information pour la personne se portant caution, l’article 47 précise toutefois que les informations devant auparavant faire l’objet d’une reproduction manuscrite devront obligatoirement figurer dans l’acte de cautionnement signé par la personne physique.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

La commission examine l’amendement CE37 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La mention manuscrite d’acceptation participe à rappeler à celui qui se porte caution qu’il s’engage pour le compte d’autrui. Le cautionnement est un acte important. Ceux qui l’ont déjà pratiqué savent combien il est long à rédiger, mais supprimer l’obligation de son caractère manuscrit est peut-être une fausse bonne idée, bien qu’elle soit poussée par un certain nombre de gens.

Il ne faut pas enlever au cautionnement les formes qui font que personne n’oublie qu’il en a contracté un, parce que l’événement est marquant. Je serais donc partisan d’assouplir ces formes, mais sans les supprimer totalement. Faute de solution intermédiaire, je propose la suppression de l’article 47.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Je suis étonnée par votre proposition.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Monsieur Bazin, vous avez bien vu que nous sommes animés par un souci de simplification. Je connais les conséquences d’un cautionnement. Souvent, ceux qui en signent un n’en sont quant à eux pas conscients. Néanmoins, il en va de même de tous les engagements à caractère civil et contractuel.

Nous avons seulement voulu simplifier une opération dans un domaine où c’est indispensable. Même sans connaître les statistiques de mise en jeu du cautionnement, je pense que nous allons dans le bon sens.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE1957 de Mme Valéria Faure-Muntian.

Mme Valéria Faure-Muntian. L’article 47 vise à supprimer la rédaction manuscrite du cautionnement. Mais je voudrais ajouter une mention de l’usage des outils numériques. Même si la possibilité d’un recours à ces outils semble évidente, il vaut mieux, à mon sens, apporter cette précision.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En supprimant la nécessité d’un acte de cautionnement manuscrit, le code civil et tous ses articles relatifs à la dématérialisation des actes ont vocation à s’appliquer sans qu’il soit nécessaire de le préciser.

Dès lors, votre amendement est satisfait. C’est pourquoi j’en demande le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il s’agit d’un sujet important. Sans considérer que la dématérialisation constitue une fin en soi, il faut constater que le suivi des données relatives aux baux de location fait aujourd’hui défaut, en ce qui concerne l’évolution des prix, de la demande, de l’offre, territoire par territoire…

C’est l’une des difficultés massives auxquelles se heurte l’Observatoire des loyers. Grâce à la dématérialisation des baux de location, nous disposerons de ces données. Elles permettront ensuite aux élus locaux de mieux piloter la politique du logement.

Mme Valéria Faure-Muntian. Effectivement, le code civil apporte satisfaction à certaines des préoccupations exprimées par mon amendement, car il sous-entend qu’il est autorisé d’utiliser les outils numériques. Cependant, on se rend compte qu’en pratique il y a tellement de règlements différents que la signature électronique et l’identification numérique restent très peu utilisées en France. Même si elles existent depuis quelque temps déjà, l’usage n’en paraît pas encore certain.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 47 sans modification.

Article 47 bis (nouveau)
(article L. 623-1 du code de la consommation)
Application de laction de groupe dans le domaine du logement

Cet article additionnel résulte de l’adoption d’un amendement de M. Peu.

L’action de groupe, introduite en France par la loi n° 2014-344 du
17 mars 2014
relative à la consommation, est une procédure de poursuite collective qui permet à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel, de se regrouper et d’agir en justice.

Lors des débats relatifs à la loi précitée, le Gouvernement avait précisé que « dans le cas de préjudices subis du fait du manquement d’un bailleur professionnel ou d’un syndic à leurs obligations légales ou contractuelles, le locataire est un consommateur qui peut parfaitement faire valoir ses droits par une action de groupe ». Or, certaines juridictions ont pu méconnaître le champ d’application exact de l’action de groupe en refusant que celle-ci s’applique au domaine du logement.

Cet article clarifie donc le champ d’application de l’action de groupe en précisant que celui-ci inclut le domaine du logement.

*

*     *

La commission examine l’amendement CE1349 M. Stéphane Peu.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable. Le présent amendement vise à clarifier le champ d’application de l’action de groupe en précisant qu’elle s’applique au domaine du logement.

J’avais une petite préférence pour l’amendement CE1928, très proche, de Mme Melchior, qui n’est pas là pour le présenter. La différence avec le présent amendement est qu’il se limite à l’unique question des rapports locatifs.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Je me rapprocherai donc de Mme Melchior en vue de la séance publique.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement CE379 de M. Jean-François Mbaye est retiré.

La commission examine l’amendement CE2503 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il est proposé de maintenir la gratuité des seuls frais de première relance en cas de non-paiement du loyer au terme prévu par le bail.

Au-delà de la première, il est juste que le locataire débiteur supporte le coût des relances ultérieures. Ainsi, le locataire de bonne foi n’est pas pénalisé
– puisqu’il paie à la première relance –, et les débiteurs de mauvaise foi ne pourront plus provoquer des frais de relance supportés par le bailleur.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Actuellement, aucun frais ne peut être imputé au locataire.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE1421 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à modifier les modalités de résiliation du bail et la reprise des lieux abandonnés.

Les délais de procédure, lorsqu’un bien d’habitation est abandonné par le locataire, sont trop longs. L’abandon porte préjudice au propriétaire qui ne peut plus louer le bien jusqu’à l’ordonnance du juge. À Lunéville, dans ma belle Lorraine, je connais des situations de ce type.

Cet amendement vise à s’assurer que le Gouvernement puisse prendre un nouveau décret, afin que les procédures pour résiliation du bail et reprise des lieux abandonnés soient allégées. Ainsi, les propriétaires pourront louer leur bien d’habitation au plus vite, et éviter une perte importante de revenus locatifs.

Les situations que j’évoque sont scandaleuses. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez lancé un appel aux propriétaires. Par mon amendement, ce sont eux qui vous en lancent un : allez-vous les entendre ?

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit déjà un décret d’application. Dès lors, il inutile d’en prévoir un nouveau dans la loi. Votre amendement est donc satisfait et j’en demande le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis ravi, monsieur Bazin, que mon appel ait été entendu. J’ai la même position que la rapporteure.

M. Thibault Bazin. Les témoignages que je recueille me font craindre que la loi ne soit pas correctement mise en œuvre. Ces dernières semaines, j’ai pris connaissance de plusieurs situations où le lancement de procédures de recours ne permettait pas d’avancer.

Je vais donc retirer mon amendement, mais en attendant des éléments de votre part sur ce point où il est possible de progresser.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1864 de M. Stéphane Peu et CE720 de M. Alexandre Holroyd.

M. Stéphane Peu. Il s’agit d’un amendement d’appel. Dans le secteur social comme dans le secteur privé, des garanties doivent être déposées. Or, cet argent stocké est dormant, puisqu’il est destiné à être restitué. Nous voudrions rendre plus dynamiques ces fonds assez considérables, en les faisant gérer par la Caisse des dépôts et consignations.

Mme Anne Genetet. Il s’agit aussi d’un amendement d’appel, visant à engager la réflexion sur les dépôts de garantie. Le mécanisme proposé laisserait le choix de verser le dépôt de garantie soit au propriétaire, soit à la Caisse des dépôts.

Le locataire se trouverait ainsi protégé contre un propriétaire qui ne restituerait pas la caution, et le propriétaire contre les aléas de la vie qui peuvent le mener à ne pas disposer des fonds nécessaires à la restitution d’une caution.

Par ailleurs, dans le cas de personnes qui rentrent de l’étranger, notamment du Royaume-Uni, qu’elles soient françaises ou non, ce mécanisme qui s’inspire d’un mécanisme britannique serait rassurant lorsqu’elles découvrent les formalités d’un bail locatif.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il y a deux sujets différents : la centralisation des dépôts de garantie et l’aide à apporter à nos concitoyens expatriés qui reviennent en France et cherchent à s’y loger.

Je suis convaincu qu’un mécanisme impliquant la Caisse des dépôts ne nous met pas sur la voie de solutions simples, souples et habiles. D’autres dispositifs de garantie sont déjà applicables dans ces cas, notamment quand les locataires concernés sont jeunes. Le dispositif Visale est ainsi proposé aux moins de trente ans.

C’est dans cette voie qu’il nous faut travailler davantage. Nous sommes prêts à échanger avec vous sur ce point, mais sans nous concentrer sur un dispositif lourd faisant intervenir la Caisse des dépôts.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement CE2506 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi Molle » a introduit l’interdiction de cumuler l’assurance loyers impayés et la caution. Un bailleur ne peut souscrire d’assurance loyers impayés en présence d’un locataire couvert par Visale. Or, Visale ne couvre pas les dégradations locatives. Le bailleur n’est donc pas couvert, à cause de l’article 22-1 de la loi de 1989, pour tous les risques.

Il existe une autre situation incompréhensible : quand un professionnel, pour l’ensemble des bailleurs de son portefeuille et avec leur accord, souscrit une garantie des loyers impayés (GLI) négociée par effet de masse, il ne peut la suspendre pour l’un de ces biens et le proposer à un candidat aux faibles ressources même si celui-ci est détenteur d’un cautionnement. Ce candidat est donc ainsi privé d’un accès à un logement à cause du non‑cumul de mécanismes.

Je me permets d’y revenir car le cumul est un véritable sujet. Il conviendrait d’y apporter des solutions, ainsi que pour Visale, pour répondre aux attentes des propriétaires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Il est interdit de cumuler les dispositifs de garantie et de caution.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le constat que vous dressez est terrible et juste. Nous sommes face à deux sujets. Le premier est celui que nous évoquions hier : on ne peut cumuler la caution et la garantie Visale parce qu’on a créé Visale pour remplacer les cautions. Dès lors que nous remettons un système de caution, c’est comme si Visale ne servait plus à rien. L’enjeu est donc plutôt de faire en sorte que les propriétaires aient confiance dans le dispositif Visale, derrière lequel il y a le 1 % logement et qui est donc d’une sûreté absolue.

Le second sujet, tout aussi important, que je prendrais non par le bas comme vous mais par le haut, c’est la GLI privée. Les agences sont aujourd’hui nombreuses à ne cesser de demander de pouvoir compléter la GLI avec des cautions ou des dépôts de garantie, mais c’est créer un système qui va de plus en plus exclure du marché du logement tous ceux qui n’ont pas la possibilité de donner une caution ou une garantie. Si on a créé la GLI et Visale, c’est précisément pour tous ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un grand-père, une grand-mère, un cousin, une cousine qui puisse se porter garant… Le sujet n’est donc pas, selon moi, d’ouvrir la vanne par le bas mais au contraire de montrer à tout le monde que ces dispositifs sont sûrs et doivent être employés sans requérir d’autres sûretés. Nous avons un important travail à conduire et un discours de vérité à tenir, notamment auprès des agences.

M. Thibault Bazin. Il faut tout de même regarder le sujet des dégradations locatives. Les cautions existent ; on peut rêver que Visale emporte l’adhésion de tous mais il y a tout de même des cautions dans le système. Vous ne pouvez pas forcer tout le monde à passer à Visale. C’est un point d’inquiétude et de blocage pour résorber les logements vacants.

La commission rejette cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE1139 de M. Gilles Lurton.

Article 48
(articles 3, 16, 17, 17-2, 24-2 et 25-9 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Mesures destinées à favoriser lagrément des observatoires locaux des loyers

1.   L’état du droit

L’article 16 de la loi de 1989 prévoit que des observatoires locaux des loyers peuvent être créés à l’initiative des collectivités territoriales, des EPCI compétents en matière d’habitat ou de l’État. Ces observatoires ont notamment pour mission de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée et de mettre à la disposition du public des résultats statistiques représentatifs sur ces données. Les études réalisées par ces observatoires sont des outils déterminants dans l’élaboration des politiques locales de l’habitat.

Le troisième alinéa de l’article précité dispose que ces observatoires sont agréés par le ministre chargé du logement, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), sous réserve du respect de deux conditions :

– la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires de logements ainsi que la présence de personnalités qualifiées au sein de leurs organes dirigeants ;

– le respect des prescriptions méthodologiques émises par une instance scientifique indépendante chargée de conseiller le ministre chargé du logement : le comité scientifique de l’observation des loyers.

L’agrément octroyé par le ministre chargé du logement crée, pour les professionnels de l’immobilier, une obligation de transmission des informations relatives au logement et au contrat de location, sur lesquels ils interviennent à quelque titre que ce soit, aux observatoires agréés (article 5 de la loi de 1989).

À la fin de l’année 2017, le réseau des observatoires comptait 28 organismes opérationnels couvrant 30 agglomérations. Dans la pratique, ces observatoires sont portés par les agences départementales d’information sur le logement (ADIL), les agences d’urbanisme ou des associations. Toutefois, sur ces 28 observatoires locaux, seuls quatre d’entre eux ont reçu un agrément. Deux blocages juridiques empêchent aujourdhui lagrément de la plupart de ces observatoires.

D’une part, la condition relative à la gouvernance partagée des observatoires est incompatible avec les statuts des agences durbanisme qui, en tant que personnalités morales de droit public, doivent disposer d’organes dirigeants composés exclusivement d’organismes de droit public (État, collectivités territoriales, établissements publics).

D’autre part, l’article 17 de la loi de 1989, tel que modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014, lie obligatoirement, dans les zones tendues, lagrément de lobservatoire à la mise en place de lencadrement des niveaux de loyers. La plupart des collectivités territoriales, comprises dans ces zones, n’ont donc pas sollicité l’agrément de leur observatoire, car elles ne souhaitaient pas la mise en place de l’encadrement des loyers. Sur les quatre observatoires aujourd’hui agréés, deux correspondent à des agglomérations ayant mis en place le dispositif d’encadrement des loyers (Paris et Lille), tandis que les deux autres ne se situent pas dans les zones tendues concernées (Alençon et Rennes).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 48 du présent projet de loi vise à lever les deux blocages juridiques qui empêchent aujourd’hui de nombreux observatoires des loyers existants de recevoir un agrément du ministre chargé du logement.

a.   Permettre aux agences d’urbanisme d’être agréées comme observatoire des loyers

L’alinéa 7 modifie les règles relatives à la gouvernance des observatoires agréés afin de prendre en compte les spécificités des agences d’urbanisme. La condition d’une représentativité équilibrée des bailleurs, des locataires et des professionnels de l’immobilier dans la gouvernance des observatoires est maintenue. Toutefois, celle-ci peut être obtenue soit au niveau des organes dirigeants de l’observatoire, soit au sein d’une instance de consultation ad hoc, créée au sein de l’observatoire candidat à l’agrément. Cette seconde solution est spécifiquement pensée pour permettre aux agences d’urbanisme abritant en leur sein un observatoire des loyers d’être agréées. Cette instance de consultation, dont les modalités de fonctionnement seront précisées par décret, sera chargée de valider le dispositif d’observation des loyers.

b.   Dissocier l’agrément d’un observatoire de la mise en place de l’encadrement des loyers

Le reste de l’article 48 vise à supprimer de la loi de 1989 toutes les dispositions relatives à l’encadrement des loyers, introduites par la loi ALUR, afin de rendre ce dispositif expérimental et de le dissocier de l’agrément des observatoires locaux des loyers.

L’alinéa 9 maintient l’obligation, déjà prévue à l’article 17 de la loi de 1989, de mettre en place un observatoire local des loyers agréé dans les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants caractérisées par un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements. La liste des communes comprises dans ces zones sera définie par décret. Celles-ci devraient correspondre aux 28 agglomérations où s’applique la taxe sur les logements vacants, conformément au zonage précédemment appliqué à cette mesure.

L’alinéa 10 supprime, en revanche, l’intégralité du dispositif d’encadrement des loyers qui aurait dû être mis en œuvre dans ces mêmes zones et rétablit le principe de liberté dans la fixation du loyer des logements mis en location. Les dispositions ainsi supprimées de la loi de 1989 sont toutefois reproduites à larticle 49 du présent projet de loi, pour permettre à certaines agglomérations de continuer à expérimenter le dispositif d’encadrement des loyers.

Tous les autres alinéas de l’article 48 traitent des coordinations relatives à la suppression de l’encadrement des loyers au sein de la loi de 1989 :

– les alinéas 2 à 4 suppriment les mentions relatives aux loyers de référence dans les contrats de location des logements soumis à l’encadrement ;

– les alinéas 11 à 19 suppriment les dispositions relatives aux règles de réévaluation du montant du loyer dans les zones soumises à l’encadrement ;

– l’alinéa 20 supprime la référence aux loyers de référence pour le calcul des aides de la garantie universelle des loyers (GUL) ;

– l’alinéa 21 supprime le dispositif d’encadrement des loyers pour les logements meublés.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 48 sans modification.

Article 49
Caractère expérimental et optionnel du dispositif dencadrement des loyers

1.   L’état du droit

L’article 6 de la loi ALUR a créé, en sus de l’encadrement des loyers à la relocation déjà prévu à l’article 18 de la loi de 1989, un nouveau dispositif d’encadrement du niveau des loyers dans les zones tendues.

Ce dispositif, décrit à l’article 17 de la loi de 1989, repose sur la définition, par un arrêté préfectoral annuel, de loyers de référence exprimés par un prix au mètre carré. Ces loyers de référence correspondent aux loyers médians du marché locatif du territoire concerné, calculés à partir des données de l’observatoire des loyers agréé par le ministre chargé du logement. Dans les zones où s’applique l’arrêté préfectoral d’encadrement des loyers, le loyer des logements mis en location ne peut pas excéder le loyer de référence majoré de 20 %. Un complément de loyer peut toutefois être appliqué au-delà du loyer de référence majoré si le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort particuliers.

Si le loyer prévu dans le contrat de location est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature du contrat, le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation des litiges locatifs ou contester son loyer devant le juge. À défaut de résolution amiable du litige, le juge, qui constate que le loyer est surévalué, fixe le montant du loyer et peut condamner le bailleur au versement du trop-perçu.

Depuis la promulgation de la loi ALUR en 2014, ce dispositif n’a été mis en œuvre que dans deux communes (Paris à partir d’août 2015 et Lille à partir de février 2017), alors qu’il était initialement destiné à être appliqué dans les 28 agglomérations assujetties à la taxe sur les logements vacants. En outre, l’encadrement mis en place dans ces deux villes-centre a été annulé en novembre 2017 par les tribunaux administratifs de Paris et de Lille, au motif que la loi obligeait les arrêtés préfectoraux à appliquer l’encadrement des loyers sur toute l’agglomération et non sur une partie de celle-ci uniquement.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 49 du présent projet de loi vise à tirer les enseignements des difficultés rencontrées dans l’application du dispositif d’encadrement du niveau des loyers depuis 2014.

Dans la mesure où ce dispositif n’a pas rencontré le soutien d’une majorité des collectivités territoriales initialement concernées, celui-ci est tout d’abord rendu optionnel. L’alinéa 1 précise ainsi que, dans les zones tendues où s’applique l’obligation de mettre en place un observatoire des loyers agréé, le dispositif d’encadrement des loyers peut être mis en œuvre à la demande :

– des EPCI compétents en matière d’habitat ;

– de la commune de Paris ;

– des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris ;

– de la métropole de Lyon ;

– de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Par ailleurs, afin de prendre en compte les décisions des tribunaux administratifs de Paris et de Lille, l’alinéa 2 précise que l’encadrement des loyers peut s’appliquer sur une partie seulement du territoire de lintercommunalité volontaire. Le périmètre de ce territoire est défini par décret et doit réunir quatre conditions, mentionnées aux alinéas 3 à 6, ayant principalement trait au niveau élevé des loyers et aux faibles perspectives de production de logements à l’intérieur de ce périmètre.

Conformément aux engagements du Président de la République, ce dispositif est, en outre, rendu expérimental pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi. L’alinéa 8 prévoit la remise d’un rapport d’évaluation au plus tard six mois avant le terme de cette expérimentation qui, pour être poursuivie ou pérennisée, devra faire l’objet d’une nouvelle disposition législative.

Pour tenir compte de ce caractère expérimental, les alinéas 9 à 41 reproduisent, à droit constant, les dispositions législatives auparavant contenues dans les articles 3, 17, 17-2 et 25-9 de la loi de 1989.

Une seule modification relative aux modalités de fonctionnement de l’encadrement des loyers est introduite par le présent article. Afin d’améliorer le respect du dispositif d’encadrement dans les territoires où celui-ci sera mis en place, les alinéas 42 à 44 prévoient la possibilité pour le préfet de département de prononcer une amende administrative contre le bailleur mettant en location un logement dont le loyer de base est supérieur au loyer de référence majoré. Cette amende, dont le montant ne peut excéder 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, ne pourra être prononcée qu’à l’issue d’une mise en demeure du bailleur restée infructueuse.

L’alinéa 44 précise que cette sanction ne fait pas obstacle à ce que le locataire saisisse la commission départementale de conciliation ou le juge pour que le loyer soit mis en conformité avec l’encadrement et que le bailleur soit condamné à rembourser le trop-perçu.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure salue le pragmatisme de cet article. La loi ALUR avait, en effet, prévu d’appliquer l’encadrement des loyers dans 28 agglomérations qui allaient de Paris à Ajaccio, alors même que la situation du marché locatif n’est pas la même partout sur le territoire. Dans de nombreuses métropoles, les loyers ont légèrement baissé ces dernières années.

Toutefois, dans certaines agglomérations très tendues, comme à Paris et à Lille, cet outil peut être adapté à la situation locale et contribuer à limiter les abus, notamment concernant les loyers des petites surfaces. Ces agglomérations pourront donc continuer à expérimenter ce dispositif, selon un périmètre qui sera défini conjointement par la collectivité et l’État. À l’issue de cette expérimentation, le législateur sera amené à se prononcer à nouveau, en fonction d’une étude de l’impact de ce dispositif à la fois sur les loyers et sur l’évolution du marché locatif.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

La commission examine l’amendement CE2424 de M. François Pupponi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement qui est satisfait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE2434 de M. François Pupponi.

Elle adopte l’article 49 sans modification.

Après l’article 49

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE2389 de M. François Pupponi.

Article 50
(article L. 632-1 du code de la construction et de lhabitation et article 8-1
de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Adaptation des règles de décence dans les hôtels meublés
et en cas de colocation à baux multiples

1.   L’état du droit

L’article 6 de la loi de 1989 dispose que tout bailleur est tenu de louer un logement décent. Les caractéristiques de décence sont définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. Ainsi, pour être qualifié de décent, le logement mis en location :

Afin d’éviter les colocations abusives, notamment au regard de la superficie dont bénéficie chaque colocataire, l’article 8-1 de la loi de 1989 prévoit qu’un décret en Conseil d’État adapte aux logements loués en colocation les caractéristiques applicables aux conditions de décence.

Toutefois, ce même article précise également qu’une colocation formalisée par la conclusion de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur (dite « colocation à baux multiples ») constitue une division du logement tenue au respect de l’article L. 111-6-1 du CCH. Or, cet article impose la mise à disposition de locaux d’une superficie et d’un volume habitables supérieurs, respectivement, à 14 m² et à 33 m3, soit les normes applicables à la construction neuve. Les superficies minimales prévues par le décret relatif à la décence et par larticle L. 111-6-1 du CCH sont donc incompatibles entre elles. Cette incompatibilité explique la raison pour laquelle le décret en Conseil d’État prévoyant d’adapter les règles de la décence aux colocations n’est toujours pas paru depuis 2014.

De la même manière, l’article 20 de la loi ALUR a prévu qu’un décret en Conseil d’État adapte les caractéristiques de la décence aux locaux meublés constituant la résidence principale du preneur, situé dans un établissement recevant du public aux fins d’hébergement. Cette disposition vise principalement les hôtels meublés non classés qui sont une source importante de l’offre d’hébergement en faveur des personnes sans-abri. Les nuitées hôtelières représentaient, en 2015, 35 % des places dans le parc d’hébergement généraliste. Bien que ces locaux ne soient pas destinés à constituer des logements pérennes, certains occupants deviennent avec le temps des locataires.

Toutefois, ce décret na pas non plus été publié depuis la promulgation de la loi ALUR en 2014. D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, les travaux préparatoires à la rédaction de ce décret ont, en effet, mis en évidence la difficulté de définir des règles différentes de celles déjà applicables à tous les logements.

2.   L’état du droit

L’article 50 du présent projet de loi vise à lever les difficultés d’application de la loi ALUR précédemment décrites.

Ainsi, les alinéas 1 à 3 suppriment la disposition de l’article L. 632-1 du CCH prévoyant la publication d’un décret en Conseil d’État chargé d’adapter les caractéristiques de la décence aux locations situées dans un hôtel meublé. En conséquence, ce sont donc les règles de décence de droit commun qui seront applicables à ces logements dès lors qu’ils constituent la résidence principale du locataire.

De la même manière, les alinéas 4 à 6 suppriment l’adaptation par décret des caractéristiques de décence dans le cas des colocations à baux multiples. Afin de mettre fin aux incompatibilités relatives à la définition de la surface minimale, l’alinéa 5 précise que ce sont la surface et le volume habitable minimaux (9 m² et 20 m3), prévus dans les critères de décence de droit commun, qui priment sur les règles relatives à la division de logement (14 m² et 33 m3).

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE216 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. De plus en plus de colocations se font sous le régime du bail multiple parce que c’est plus sécurisant, pour le locataire comme pour le propriétaire. Cependant, la réglementation qui encadre actuellement ces contrats n’est pas très cohérente. Les normes de décence permettent un logement de neuf mètres carrés, tandis que les règles sur la division de logement imposent une surface de quatorze mètres carrés. Or un bail multiple correspond à une division de logement. C’est pourquoi le projet ELAN aligne la surface minimum de la colocation à bail multiple sur la réglementation concernant un logement décent, soit neuf mètres carrés. Mais ce faisant, il cite les chiffres directement, sans renvoyer à un décret. Or, il est préférable qu’une loi renvoie à un décret pour l’établissement des chiffres précis. En effet, si un ajustement était nécessaire, il faudrait, si on laisse ELAN tel quel, recourir à une nouvelle loi, ce qui n’est pas commode.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Sur le fond, la surface et le volume indiqués par l’article 50 correspondent à ce qui est prévu dans le décret relatif à la décence. Il est d’usage de ne pas faire référence à une règle de niveau inférieur dans la loi ; c’est pour cela que les seuils ont été directement indiqués dans le texte du projet. Je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE214 et CE215 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. La colocation est devenue un moyen commode permettant de mieux utiliser les logements existants et, lorsque celle-ci se déroule dans de bonnes conditions, elle permet de satisfaire les locataires, notamment ceux qui sont en quête de mobilité. Cependant, il est nécessaire d’encadrer cette pratique afin qu’elle ne permette pas à des marchands de sommeil de légitimer une sur-occupation ou une division abusive.

C’est ainsi que la loi ALUR est venue réglementer la colocation, notamment la colocation à bail multiple. Il est précisé que celle-ci correspond à une division de logement et doit respecter le code de la construction et de l’habitation, qui encadre cette pratique. Ce dernier interdit qu’un logement divisé fasse moins de quatorze mètres carrés. Mais dans le même temps, le décret de janvier 2002 qui définit les normes de décence est plus souple et impose une surface minimum de neuf mètres carrés. Ainsi, un logement isolé pourrait avoir une surface de neuf mètres carrés, tandis qu’un logement en colocation à bail multiple, avec des équipements supplémentaires, devrait avoir une surface d’au moins quatorze mètres carrés. C’est pourquoi ELAN modifie cet article en permettant que la surface minimale soit réduite à neuf mètres carrés. Mais il supprime également le renvoi à un décret définissant la décence pour une colocation, et se contente d’indiquer que les critères de décence devront être examinés pour l’ensemble du logement, sur la base des règles en vigueur dans le cas général.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le décret d’application de la loi ALUR visant à adapter les règles de décence aux cas de colocations à baux multiples n’est jamais paru car il se heurtait à de nombreuses incompatibilités. Ces incompatibilités sont levées par l’article 50, qui prévoit que les règles de droit commun, notamment en matière de surface par colocataire et confort, s’appliqueront à ces colocations. Il n’y a donc plus lieu de prévoir un décret spécifique. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 50 sans modification.

Article 51
(articles L. 324-1-1 et L. 324-2-1 du code du tourisme)
Encadrement des locations meublées touristiques

1.   L’état du droit

La loi ALUR du 24 mars 2014 et la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ont progressivement encadré le phénomène de la location d’appartements entre particuliers par l’intermédiaire d’une plateforme de réservation, dont la plus connue est Airbnb. Dans certaines agglomérations touristiques, l’essor considérable des locations saisonnières entre particuliers entraîne une diminution du parc locatif privé disponible pour les résidents et une hausse des niveaux de loyers.

Le code du tourisme et le code de la construction et de l’habitation prévoient ainsi un ensemble de règles destinées à permettre aux collectivités territoriales de réguler cette offre et d’empêcher la transformation de logements occupés par des résidents en locations touristiques. L’article L. 631-7 du CCH dispose que, dans toutes les communes de plus de 200 000 habitants, ainsi que dans les départements limitrophes de Paris, ce type de location constitue une activité économique dont le local est soumis à une autorisation préalable de changement dusage délivrée par la commune. Une exception est toutefois prévue pour les locaux constituant la résidence principale du loueur, à la condition que celui-ci occupe le logement au moins 8 mois par an. Cette règle entraîne l’application d’un plafond de 120 jours par an de location, au-delà duquel une autorisation de changement d’usage est nécessaire pour les résidences principales.

En outre, l’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que les communes souhaitant réguler cette offre peuvent mettre en place un système denregistrement de chaque local pratiquant une location meublée touristique, dont l’objectif est de pouvoir contrôler le respect du plafond des 120 jours précédemment décrit. Dans ce cas, les plateformes de réservation ont lobligation de faire figurer le numéro denregistrement sur leur annonce et de transmettre à la commune qui en fait la demande le décompte des nuitées réservées sur leur site. L’article L. 324-2-1 du code du tourisme précise, par ailleurs, qu’au-delà de 120 jours de location, un logement déclaré comme résidence principale ne peut plus faire l’objet d’une offre de location par l’intermédiaire d’une plateforme jusqu’à la fin de l’année en cours.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 51 du présent projet de loi vise à améliorer l’application des règles encadrant la location meublée touristique, issues de la loi ALUR et de la loi pour une République numérique, en responsabilisant davantage les plateformes et les loueurs.

Les alinéas 1 à 12 procèdent, tout d’abord, à une clarification de la définition des meublés de tourisme visés par l’encadrement précédemment décrit. L’alinéa 3 précise ainsi ces locations sont réalisées à la journée, à la semaine ou au mois. Par ailleurs, l’alinéa 12 inscrit, dans le code du tourisme, le plafond légal de 120 jours, issu du code de la construction et de l’habitation, applicable aux résidences principales des communes où la règle sur le changement d’usage est mise en place.

Afin de responsabiliser directement le loueur, les alinéas 13 à 16 créent un système de sanctions contre les propriétaires ne procédant pas à l’enregistrement de leur logement ou refusant de transmettre à une commune, qui le demande, le décompte du nombre de jours au cours desquels un meublé a été loué. Ces sanctions prennent la forme d’amendes civiles allant de 5 000 à 10 000 euros, prononcées par le président du tribunal de grande instance (TGI), statuant en la forme du référé.

Par ailleurs, afin de rendre opérationnelles les obligations applicables aux plateformes de réservation depuis la loi pour une République numérique, les alinéas 26 à 31 lient ces obligations à un système de sanctions, sous la forme d’amendes civiles. Ces amendes, prononcées par le président du TGI statuant en la forme du référé, s’élèvent à :

– 12 500 € par meublé de tourisme, si la plateforme n’affiche pas sur ses annonces le numéro d’enregistrement du meublé ;

– 50 000 € par meublé de tourisme, si la plateforme refuse de transmettre à la commune le décompte des nuitées réservées sur son site ;

– 50 000 € par annonce, si la plateforme continue de proposer sur son site des résidences principales ayant déjà été réservées plus de 120 jours dans l’année.

3.   L’avis de la rapporteure

Votre rapporteure salue les dispositions introduites par cet article qui permettront aux collectivités territoriales volontaires de s’assurer du respect des obligations des plateformes et des loueurs de meublés de tourisme.

Grâce aux amendes civiles ainsi crées, le cadre juridique paraît complet et équilibré. Il permet aux agglomérations dont le marché locatif est particulièrement tendu de réguler le développement de cette nouvelle offre pour que celle-ci ne contribue pas à la hausse des loyers et à la disparition durable de logements.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté cet article, en n’y apportant qu’une modification rédactionnelle proposée par Mme Do.

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*     *

La commission est saisie de l’amendement CE1915 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. L’objectif de cet amendement est de simplifier les procédures qui encadrent les locations de meublés et ainsi de permettre aux communes de mieux qualifier le parc de logements dans un premier temps, puis, une fois cette qualification opérée, d’enclencher, si besoin, une procédure de changement d’usage plus forte car ayant force de régulation. Pour une meilleure visibilité qui réponde aux besoins des communes, cet amendement propose donc de dissocier la procédure de changement d’usage de celle de l’enregistrement. Ainsi, nous proposons que le numéro d’enregistrement soit fourni lors de la procédure de déclaration, qui est à ce jour obligatoire, et non plus suite au changement d’usage. Par ce mécanisme, nous permettons à toutes les communes d’avoir une meilleure visibilité de leur parc de logements, ce qui leur permettra aussi de mieux recouvrir leur taxe d’habitation, puis de mieux évaluer dans le temps si le recours au changement d’usage devient nécessaire. Le changement d’usage, par ailleurs, se voit renforcé dans sa logique de régulation utile pour les communes situées en zones tendues.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Le service de télédéclaration ne saurait être imposé à toutes les communes. Si certaines peuvent l’intégrer sans difficulté, d’autres, de petite taille, auraient de grandes difficulté. Par ailleurs, il semble inadapté d’interdire la location en meublé de tourisme pour plus de 120 jours dans toutes les communes, y compris celles détendues, pour lesquelles la location en meublé de tourisme ne pose pas de problème. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Frédérique Lardet. La réponse ne correspond pas du tout à ce qui est proposé : je parle de dissociation du changement d’usage et du numéro d’enregistrement, ce qui n’a rien à voir avec le téléservice. Nous vous présenterons une autre rédaction en séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE117 de Mme Émilie Bonnivard, CE1934 de M. Daniel Fasquelle, CE116 de Mme Émilie Bonnivard et CE374 de M. Vincent Descoeur.

M. Thibault Bazin. Depuis le 1er décembre 2017, la Ville de Paris applique la nouvelle procédure d’enregistrement en ligne des meublés de tourisme, rendue possible par la loi pour une République numérique. Plusieurs autres villes françaises l’ont également fait. C’est une bonne avancée. Ce nouveau téléservice apporte de la simplicité à la démarche administrative du loueur, est plus léger à gérer pour les mairies et a été intégré sans difficulté par les plateformes de mise en relation. L’amendement CE117 vise à généraliser ce téléservice pour toutes les villes visées par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire celles de plus de 200 000 habitants et celles de la petite couronne parisienne. Pour les autres villes, mettre en place le numéro d’enregistrement reste une possibilité offerte par la loi.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Il me paraît plus pertinent de laisser cet outil à la main des communes qui estiment en avoir besoin car elles sont soumises à une forte tension du marché locatif.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis totalement défavorable à l’amendement. Il faut maintenir ce service sur une base incitative. C’est aux communes de décider si elles souhaitent y recourir.

M. François Pupponi. On parle beaucoup de Paris et de la petite couronne mais toutes les zones touristiques connaissent de la concurrence illégale dans l’hôtellerie. Les situations sont parfois apocalyptiques.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE1934 rend obligatoire l’enregistrement, afin de mettre fin à l’anonymat des loueurs dans ces communes, de rendre efficace une mesure votée en 2016 avec la loi pour une République numérique et d’assurer le respect de la règlementation existante.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Même avis : il est plus pertinent de laisser cet outil aux communes qui estiment en avoir besoin.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État chargé de la cohésion des territoires. Défavorable. La réglementation n’impose pas aujourd’hui les 120 jours à toutes les communes ; ce serait donc inutile.

La commission rejette successivement ces amendements.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE118 de Mme Émilie Bonnivard.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CE340 de M. Thibault Bazin, CE1936 de M. Daniel Fasquelle et CE1615 de M. Éric Bothorel.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La procédure de changement d’usage et celle d’enregistrement sont nécessairement liées car l’enregistrement a pour objectif de vérifier le respect du plafond des 120 jours pour les résidences principales, qui ne s’applique que dans les communes ayant adopté le changement d’usage. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Éric Bothorel. Le numéro d’enregistrement complexifie le processus d’enregistrement des annonces de meublés de tourisme. Potentiellement, il s’ajoutera au numéro d’identifiant fiscal que la direction générale des finances publiques juge nécessaire pour la déclaration automatique des revenus par les plateformes à partir du 1er janvier 2019. La procédure d’enregistrement des annonces de meublés de tourisme sur les plateformes en France sera la plus compliquée du monde.

C’est pourquoi les villes qui n’ont pas de problème de logement, les villes visées à l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation, qui sont très nombreuses et pour lesquelles l’attractivité touristique est une source essentielle de développement économique, ne devraient pas avoir la possibilité d’opter pour le dispositif du numéro d’enregistrement.

Ce numéro d’enregistrement, tel qu’il a été rendu obligatoire à Paris depuis le 1er décembre 2017, est, semble-t-il, un échec. La mairie de Paris a elle‑même reconnu que seules 15 à 20 % des annonces de meublés de tourisme ont obtenu un numéro d’enregistrement à ce jour.

Sur un autre sujet, madame la rapporteure, j’ai procédé à l’analyse d’un amendement que j’ai retiré hier au profit du vôtre : il faudra que nous en reparlions avant la séance publique.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Nous en reparlerons, pas de souci.

Avis défavorable aux amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine l’amendement CE835 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Thibault Bazin. Sans toucher à la définition de la résidence principale, le présent amendement vise à permettre aux municipalités, par délibération du conseil municipal, de moduler la durée maximale de location autorisée pour les résidences principales, en fonction de leur politique de logement. Cela va dans le sens de l’accompagnement des territoires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. La limite des 120 jours n’est pas arbitraire et découle directement de la définition de la résidence principale explicitée par la loi de 1989. L’équilibre des 120 jours, validé par le Conseil d’État, crée ainsi une situation stable mais comprenant peu de marges de manœuvre : descendre en dessous du seuil des 120 jours risquerait d’entrer en contradiction avec le droit de propriété et remettrait en cause tout l’équilibre du dispositif actuel. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Juste une précision. Il ne faut pas se tromper de débat, ce n’est pas les 120 jours ; le véritable enjeu est d’empêcher que des logements destinés à la location sortent du marché de la location dans les zones tendues parce que des personnes ne seraient propriétaires de ces logements que pour aller sur les plateformes collaboratives. C’est ce qu’on observe dans beaucoup de villes tendues et c’est ce contre quoi nous devons lutter. Moduler les 120 jours comme vous le proposez ne permet pas de répondre efficacement à ce problème.

Mme Laure de La Raudière. Il existe une situation que la loi ne traite pas, et c’est dommage. Une personne peut avoir à louer un appartement quatre ou cinq jours par semaine à Paris alors que sa résidence principale est en province, car elle a été obligée d’accepter un poste en région parisienne. C’est fréquent. Il serait intéressant que cette personne puisse sous‑louer son appartement parisien les jours où il est inoccupé, en général le week-end, là où il y a une forte demande. Cela augmenterait son pouvoir d’achat et favoriserait en outre les mobilités. J’aimerais que l’on y réfléchisse d’ici à la séance.

La commission rejette cet amendement.

La commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement CE2185 de M. Mickaël Nogal ainsi que des amendements CE630, CE247 et CE652 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Mes amendements ayant été pris en considération par l’amendement de M. Nogal, je les retire.

Les amendements CE630, CE247 et CE652 sont retirés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CE2185, qui est un amendement de précision.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’en demande le retrait car, selon moi, il ne s’agit pas d’un amendement de précision et nous voudrions revoir cela.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE248 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Cet amendement vise à supprimer une mention afin de clarifier le texte et de rendre les modifications ultérieures plus simples et plus sûres.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission adopte cet amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE698 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à porter de 120 à 90 le nombre de jours de location d’un logement via une plateforme de réservation et de location d’appartements, pour coller à la durée d’un visa touristique dans l’espace Schengen.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements CE370 et CE373 de M. Vincent Descoeur.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CE599 de M. Vincent Descoeur, CE1914 de Mme Frédérique Lardet et CE2196 de M. Mickaël Nogal.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement CE697 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Les raisons de santé constituent des motifs qui permettent au locataire de se maintenir dans les lieux au-delà des 120 jours prévus par la loi. Je propose d’assortir cette condition d’une déclaration avec un certificat médical ou une attestation d’employeur.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En cas de contestation devant le juge, la fourniture de ces justificatifs sera nécessaire, sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Robin Reda. Pour éviter d’aller jusqu’aux procédures contentieuses et s’en tenir à des rapports normaux, je pense qu’il faut adopter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE806 de M. Éric Pauget.

Puis elle examine l’amendement CE696 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Il s’agit d’aligner l’amende pour non-déclaration de la mise en location à la commune de résidence sur l’amende pour non-respect du nombre maximum de jours de location, soit 10 000 euros.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. Nous augmentons déjà significativement les amendes.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette cet amendement.

L’amendement CE2757 de la rapporteure est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CE1613 de M. Éric Bothorel et CE1916 de Mme Frédérique Lardet.

M. Éric Bothorel. Cet amendement ne vise qu’à préciser dans l’article 51 du présent projet de loi, une disposition existante adoptée dans la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, qui établit que les plateformes en ligne jouant le rôle d’intermédiaire de la location meublée, informent à leur demande les communes du décompte des nuits faisant l’objet d’une occupation dans un logement spécifique se situant dans leur territoire. Nous ajoutons le terme « annuellement » à l’alinéa 26.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis défavorable. Actuellement, les textes ne prévoient pas de fréquence particulière. L’argument de la difficulté de transmission pour les plateformes invoqué pour justifier l’amendement n’est absolument pas avéré. Par ailleurs, une seule transmission annuelle irait à l’encontre de la philosophie des dispositions de l’article 51 du projet ELAN.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous évoquez un sujet important. Je vous demande toutefois de retirer l’amendement pour vérifier qu’en limitant la fréquence d’information on ne nuise pas à la fluidité du système.

Mme Laure de La Raudière. Toutes les 36 000 communes de France ne sont pas dans le dispositif mais nous avons besoin de quelque chose de plus simple, peut-être d’ailleurs à prévoir par décret plutôt que dans la loi. Un système où chacun peut demander ce qu’il veut, à son bon vouloir, n’est pas très raisonnable.

M. Éric Bothorel. Si nous n’encadrons pas les choses, nous serons face à une profusion qui ne sera jamais exploitée, on croulera sous des data qui ne seront jamais analysées.

Je retire l’amendement.

L’amendement CE1613 est retiré.

Mme Frédérique Lardet. Il faut en effet absolument simplifier les choses et déterminer une fréquence.

L’amendement CE1916 est retiré.

La commission examine l’amendement CE1846 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement, d’une part, précise le rôle du procureur de la République dans le dispositif prévu à l’article L. 324-2-1 du code du tourisme et, d’autre part, prévoit une astreinte de 1 000 euros par jour et par annonce pour compléter l’arsenal législatif.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’alinéa 16 prévoit déjà que les amendes créées par le projet de loi seront prononcées par le président du TGI statuant en la forme du référé, ce qui garantit la rapidité de la décision de justice. Ce dispositif me semble suffisamment coercitif. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le projet de loi dit clairement que nous sommes favorables à l’utilisation des plateformes mais que ce n’est la loi de la jungle, qu’il y a des règles à respecter. Nous ne modifions pas les règles mais nous les assortissons de sanctions, dont je pense qu’elles sont déjà suffisamment fortes. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

L’amendement CE2758 de la rapporteure est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE1838 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Les locations de courte durée entraînent parfois des troubles de voisinage, tels que des beuveries de groupe. Cet amendement vise à permettre aux copropriétaires de modifier le règlement de copropriété à une majorité assouplie afin d’interdire l’exercice de toute activité professionnelle ou commerciale dans les lots d’habitation.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Permettre la modification de la destination de l’immeuble à la majorité simple pose un problème de constitutionnalité car c’est une atteinte au droit de propriété.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. La réalité du terrain montre que les nuisances peuvent être considérables, mais passer de l’unanimité à la majorité simple est difficile constitutionnellement eu égard au droit de propriété. Cela peut par ailleurs entraîner d’autres difficultés : un copropriétaire ayant la majorité pourrait, pour des raisons commerciales, imposer des choix qui seront difficiles à vivre pour les autres copropriétaires.

M. Stéphane Peu. Tant que nous resterons à la règle de l’unanimité, nous ne pourrons résoudre ces problèmes. Le plus souvent, il s’agit d’une majorité de propriétaires qui vivent dans leurs logements et d’un ou deux locataires qui « bordélisent » l’immeuble. Les gens ne peuvent plus dormir et les parties communes sont souvent malpropres parce que les locataires y font moins attention. S’il y a des problèmes constitutionnels, ils doivent pouvoir être surmontés.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La loi de 1965 et le décret de 1967 prévoient d’autres systèmes de majorité ; il faudrait voir si les majorités intermédiaires, dont les doubles majorités, peuvent être utilisées et seraient conformes aux règles constitutionnelles, mais ce n’est pas évident.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine l’amendement CE2436 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit de faire en sorte que les agents assermentés du service municipal du logement puissent travailler dans de bonnes conditions.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je vous invite à retirer votre amendement car j’avais déposé le même et l’ai retiré il y a quelques instants dans la mesure où nous avons encore besoin d’expertiser quelques éléments.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 51 modifié.

Article 51 bis (nouveau)
(article L. 134-3 du code de la construction et de lhabitation, L. 125-5 du code de lenvironnement
et L. 1334-7 du code de la santé publique)
Dérogations à lobligation de communiquer certains diagnostics techniques pour les locations saisonnières

Cet article additionnel résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Riotton.

Afin de simplifier les formalités relatives aux locations saisonnières, cet article dispense ces locations de l’obligation :

– de tenir à la disposition de tout candidat locataire le diagnostic de performance énergétique (DPE) ;

– de fournir au locataire l’état des risques naturels et technologiques si le logement est situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ;

– d’annexer au contrat de location de locaux construits avant le
1er janvier 1949 un constat de risque d’exposition au plomb.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE852 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. Cela concerne les locations saisonnières. La législation prévoit l’obligation d’annexer aux baux des locations un certain nombre de diagnostics obligatoires. Sans remettre en cause la réalisation de ces diagnostics par les propriétaires, le présent amendement vise à ce qu’ils ne soient plus obligatoirement annexés aux baux pour les locations saisonnières. On peut en effet s’interroger sur la pertinence pour le locataire, le temps d’une semaine de vacances, d’un appartement dans un chalet de montagne, de recevoir les documents complets d’un diagnostic de performance énergétique.

Mme Christelle Dubos. Par cohérence avec un amendement adopté à l’article 34 qui a appliqué au bail mobilité le respect des diagnostics de droit commun, je suis opposée à ce que les locations saisonnières échappent également à ces diagnostics de sécurité. Je suis cependant favorable à l’amendement s’il vise juste le fait de ne pas annexer les diagnostics, tout en demandant qu’ils soient réalisés au moment où ils doivent l’être.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

Mme Véronique Riotton. La réalisation de ces diagnostics par le propriétaire n’est en effet pas remise en cause par l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE965 de Mme Catherine Osson et CE1842 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à élargir le périmètre de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, qui soumet la location répétée pour des courtes périodes à des personnes qui n’y élisent pas domicile à l’accord de la collectivité au titre de changement de destination de ces mêmes locaux.

Il propose que soient prises en compte les collectivités de plus 100 000 habitants, au lieu de 200 000 aujourd’hui, et les communes comprises dans l’aire urbaine de Paris au lieu de la stricte petite couronne.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’amendement CE965 est satisfait, je demande qu’il soit retiré.

À M. Peu, je répondrai que les seuils de population ont été fixés pour prendre en compte toutes les grandes agglomérations principalement concernées par le phénomène des plateformes. Mais les autres villes peuvent également, de manière facultative, adopter la procédure de changement d’usage. Ce caractère facultatif me semble plus approprié, la situation du marché locatif pouvant beaucoup varier d’une ville à une autre.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable à ces deux amendements.

L’amendement CE965 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE1842.

Elle étudie l’amendement CE1843 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement propose de limiter le nombre maximal de nuitées, là où la location de la résidence principale est permise, à 90 jours par an contre 120 jours aujourd’hui ; je rappelle que la moyenne usuelle à Paris est de 33 nuitées. Cette mesure n’est donc pas pénalisante pour ceux qui se livrent habituellement à cette activité.

Par ailleurs, dans d’autres capitales confrontées à ces problèmes, la réglementation est beaucoup plus stricte : 30 nuitées à Amsterdam et 60 nuitées à Londres.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Au regard du débat que nous venons d’avoir, mon avis est défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE1137 de M. Gilles Lurton.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est important, il tend à imposer au propriétaire l’obtention de l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires préalablement à la demande de changement d’usage des locaux dont il dispose.

En effet, la location d’un logement pour une courte durée à une clientèle de passage au titre de meublé touristique est toujours susceptible d’avoir des conséquences sur la tranquillité des habitants de l’immeuble. On imagine aisément le bruit, la dégradation des parties communes, le non-respect des règles de la copropriété par les locataires de passage.

Il est donc important de recueillir l’assentiment des copropriétaires pour un tel changement d’usage ; car notre rôle est aussi de veiller à la qualité de vie au sein des copropriétés.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. J’entends bien vos préoccupations, mais une telle disposition a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel à l’occasion de la loi ALUR, car elle portait une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires.

Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cette proposition relève du droit de la propriété ; mon avis est défavorable.

M. Stéphane Peu. Cet amendement est très proche d’un de mes amendements précédents ; mais il renverse la problématique. Pour ma part, je proposais la majorité simple, mais cela est inconstitutionnel, car c’est l’unanimité qui est exigée. Dans la proposition de notre collègue Lurton c’est l’accord de la copropriété qui est recherché. Je ne vois pas quel peut être l’obstacle constitutionnel à cette deuxième solution.

M. Thibault Bazin. La Constitution, c’est ce qui se situe au-dessus de toutes les autres règles. Notre problématique n’est pas celle de la propriété, mais de son usage.

Si on ne responsabilise pas les propriétaires au sujet de ce qu’ils autorisent en termes d’occupation des logements, nous contreviendrons au droit des autres. Chacun doit rester dans ses droits, le droit de propriété ne signifie pas être intempestif ni causer des nuisances. Et les droits des uns s’arrêtent ou commencent ceux des autres.

Il est de notre responsabilité de faire quelque chose.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Peu, votre proposition de réduire le nombre des nuitées de 120 à 90 se situait dans le régime de « droit commun ». En revanche, l’encadrement de l’autorisation proposé par M. Lurton transforme complètement la destination du logement vers un usage susceptible d’être entièrement tourné vers la location touristique, et même au-delà de 120 jours.

La commission rejette cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE1844 de M. Stéphane Peu.

Elle examine l’amendement CE841 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Thibault Bazin. Quelque 30 % à 40 % des cinq millions de lits touristiques des stations françaises sont occupés moins de quatre semaines par an et sont devenus des « lits froids. »

Reconquérir les « lits froids » en stations de montagne devient une priorité, car le foncier disponible est rare et coûteux. Au lieu de vouloir construire toujours plus, il faut privilégier la rénovation, et cet amendement de notre collègue, Émilie Bonnivard, membre de la commission des finances, propose un dispositif fiscal propre à l’encourager.

Je m’attends à ce que Mme la rapporteure me renvoie au projet de loi de finances…

Mme Christelle Dubos, rapporteure. En effet, cette question relève du projet de loi de finances ; avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette cet amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE1845 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous souhaitons à la fois encadrer cette activité de plateforme et lutter contre l’évasion fiscale. C’est par le biais d’une taxe assise sur le chiffre d’affaires réalisé par les personnes physiques ou morales se livrant à cette activité qu’il nous semble le mieux possible de le faire.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cette question relève du PLF, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Cette mesure existe déjà pour les personnes physiques, et la transmission numérisée des données rendra le dispositif automatique.

Quant aux plateformes, elles incarnent la lutte que ce Gouvernement mène contre l’évasion fiscale, mais aussi pour la fiscalisation des géants du Web, dits GAFA, pour Google, Apple, Facebook et Amazon, ainsi que tous les débats que nous connaissons à l’échelon européen dans ces matières. Cela montre que nous partageons vos objectifs.

La commission rejette l’amendement.

Article 52
(article L. 302-1 du code de la construction et de lhabitation)
Inscription dobjectifs de production de logements intermédiaires
dans les programmes locaux de lhabitat

1.   L’état du droit

Le programme local de l’habitat (PLH) est le document par lequel un EPCI définit, pour une durée de six ans, sa politique en faveur du logement. À ce titre, le PLH fixe les objectifs de production de logements sur son territoire.

Depuis l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire, qui a donné une définition et un régime fiscal au logement intermédiaire institutionnel, l’article L. 302-1 du CCH précise que le PLH peut fixer des objectifs de production de logements intermédiaires. À l’inverse des objectifs de production de logements locatifs sociaux, cet élément n’est toutefois pas obligatoire.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 52 du présent projet de loi vise à rendre obligatoire l’inscription d’objectifs de production de logements intermédiaires dans les PLH couvrant les communes où s’applique la taxe sur les logements vacants (TLV). La liste de ces communes est définie par le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 et correspond aux 28 agglomérations de France où la tension sur le marché locatif est la plus forte.

Dans ces zones très tendues, l’écart entre les loyers du parc locatif libre et ceux du parc locatif social justifie en effet la production de logements locatifs intermédiaires destinés aux classes moyennes.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

La commission a adopté un amendement du Gouvernement permettant, pendant une durée d’un an, que les projets de PLUIH, qui sont au stade de l’arrêt ou de l’approbation au moment de l’entrée en vigueur du présent article, puissent être rendus exécutoires, même s’ils n’intègrent pas des objectifs de productions de logements intermédiaires. Toutefois, ceux-ci devront être adaptés pour prévoir des objectifs de production de logements intermédiaires, dans un délai de deux ou trois ans, selon que cette mise en compatibilité implique ou non une révision du document.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE2653 du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement vise à ce que les plans locaux d’urbanisme intercommunal valant programme local de l’habitat (PLUIH), dont certains seront au stade de la promulgation, de l’arrêt ou de l’approbation au moment de l’entrée en vigueur de la mesure prévue par l’article 52 du présent projet de loi – soit la prise du décret listant les communes concernées par l’obligation de production de logements intermédiaires dans le cadre des programmes locaux de l’habitat (PLH) – puissent être rendus exécutoires bien que n’intégrant pas encore les objectifs de développement de logements intermédiaires.

Dans ce cas, ces plans devront être adaptés afin de prévoir les objectifs de production de logements intermédiaires dans un délai de deux ou trois ans selon que cette mise en compatibilité implique ou non une révision du document.

L’article 52 dispose que les EPCI, via leur PLH ou leur PLUIH, devront prévoir une offre de logements intermédiaires à développer dans les communes de leur territoire dont la liste sera fixée par décret.

En l’état, le cas des PLUIH en cours d’adoption n’était pas traité, ce qui justifie cet amendement. La mesure proposée permet que les PLUIH au stade de l’arrêt ou de l’approbation au moment de l’entrée en vigueur de cette mesure puissent être rendus exécutoires dans le délai d’un an après la prise du décret listant les communes soumises à l’obligation programmée d’une offre de logements intermédiaires.

Ils devront être adaptées dans les deux ou trois ans si cette mise en compatibilité implique une révision des PLU (plans locaux d’urbanisme). Les procédures d’élaboration des PLUIH, lourdes puisque soumises à enquête publique, pourront ainsi se poursuivre normalement, sans que l’introduction de cette mesure contraigne à les reprendre, voire à les recommencer.

Elle est spécifique aux PLUIH, car la procédure applicable aux PLH, plus souple, peut permettre la prise en compte de la mesure de manière immédiate dans les documents en cours d’élaboration. Par cette mesure transitoire, il s’agit d’éviter que les procédures qui sont en cours soient remises en cause.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Il n’est jamais agréable pour les députés que le Gouvernement présente un amendement qu’ils n’ont pas eu le temps d’étudier, d’autant que la délégation pour les collectivités locales a étudié le texte et qu’elle aurait dû être saisie de ce sujet.

Je suis embarrassé : soit il s’agit d’une solution n’apportant aucune contrainte aux collectivités, ce qui serait une bonne chose, soit il s’agit d’une obligation déguisée. Je crains que certains, venant d’élaborer des PLH, se voient contraints de les rendre compatibles ; on dit que la chose est simple, mais il faut toujours payer une étude, un document, des employés intercommunaux, de l’énergie…

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je vous rassure : il n’y a aucune contrainte, au contraire. Il s’agit d’éviter des difficultés pour des procédures en cours.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous nous contentons d’allonger le délai.

M. Stéphane Peu. Faut-il comprendre que cette mesure ne s’applique qu’au seul logement intermédiaire ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Dans le cadre de l’élaboration du PLUIH.

M. Stéphane Peu. Cela signifie-t-il que, dans les zones tendues, il faut contraindre les PLH ou le PLUIH à poursuivre des objectifs de production de logements intermédiaires ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Par rapport à l’article 58 que nous examinerons ultérieurement, cette mesure permet de façon transitoire à des PLUIH en cours d’élaboration de ne pas être fragilisés par l’évolution procédurale que nous proposons.

Il n’y a aucune contrainte supplémentaire ; ce sont des mesures transitoires qui visent des situations en cours.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Nous débattrons bientôt de la possibilité d’ajouter dans les PLH un objectif de logements intermédiaires.

La question ici est de donner des délais supplémentaires pour s’assurer que les PLU qui seraient aujourd’hui des PLUIH puissent avoir le temps de s’adapter.

M. François Pupponi. Si je comprends bien la rédaction de l’amendement, si la collectivité ne le fait pas, le PLH n’est pas exécutoire.

Je cite : «…ne comportant pas d’objectifs de développement d’une offre de logement intermédiaire, tels que prévus au même septième alinéa, peuvent être rendus exécutoires dans le délai d’un an à compter de cette publication. » Je ne comprends pas !

M. Stéphane Peu. Faut-il lire cet amendement comme rendant obligatoires les objectifs de logements intermédiaires dans les PLH ? C’est ainsi que je le comprends.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’article 52 propose que, dans les PLH, une stratégie obligatoire de logements intermédiaires soit incluse.

L’amendement du Gouvernement assouplit la mise en œuvre de cette nouvelle obligation en aménageant les délais.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 52 ainsi modifié.

Article 53
(article L. 615-4-2 du code de la construction et de lhabitation, articles 8-3, 13-1, 13-2 et 13-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions dexercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et article 5 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Recentrage des missions du Conseil national de la transaction
et de la gestion immobilières (CNTGI)

1.   L’état du droit

Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI) a été créé par la loi ALUR du 24 mars 2014. Le CNTGI est une instance composée majoritairement de représentants des professionnels de l’immobilier, dont la mission est de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités exercées par les professionnels de l’immobilier, titulaires d’une carte professionnelle au titre de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet ».

À ce titre, le CNTGI est chargé de formuler des propositions au Gouvernement préalablement à la publication de plusieurs décrets relatifs aux conditions d’accès aux professions immobilières et aux obligations de formation continue de ces professionnels. Par ailleurs, le CNTGI est consulté pour avis sur l’ensemble des textes législatifs et réglementaires relatifs à l’activité des professionnels de l’immobilier.

La loi ALUR avait, par ailleurs, prévu la création d’une autre instance : la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières. Cette commission avait pour objet de prononcer des sanctions disciplinaires contre les professionnels de l’immobilier coupables de manquement aux lois, aux règlements et aux obligations fixées par un code de déontologie défini par décret.

La commission de contrôle na toutefois jamais été créée. En effet, les premiers travaux préparatoires à la rédaction du décret précisant le fonctionnement de cette commission ont fait apparaître de réels obstacles au sujet de son financement. Pour remédier à cette difficulté, la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a procédé à l’intégration de la commission de contrôle au sein du CNTGI, transformé en autorité publique dotée de la personnalité morale. Le financement de cette nouvelle autorité devait être assuré par des cotisations des professionnels de l’immobilier.

2.   Les dispositions du projet de loi

Les travaux préparatoires à la mise en place du CNTGI, tel que réformé par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté ont, de nouveau, fait apparaître de graves difficultés au sujet de son financement. Le montant maximal de la cotisation fixé par la loi, 50 €, s’avère très insuffisant pour assurer l’installation et le fonctionnement du CNTGI.

L’article 53 du présent projet de loi vise à donc à supprimer la commission de contrôle et à recentrer le CNTGI sur ses missions initiales, telles que prévues par la loi ALUR. Lalinéa 8 prévoit que le CNTGI est une commission consultative à caractère administratif, qui n’est pas dotée de la personnalité morale.

En conséquence, le code de déontologie et les sanctions disciplinaires créées par la loi ALUR, notamment en cas de refus de transmission des données à l’observatoire local des loyers agréés (alinéa 22), sont supprimés.

3.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

À l’initiative de votre rapporteure, la commission a adopté un amendement créant, en remplacement de la sanction disciplinaire supprimée par le présent article, une amende administrative contre les professionnels de l’immobilier ne respectant pas l’obligation, prévue à l’article 5 de la loi de 1989, de transmettre leurs données aux observatoires locaux des loyers agréés.

Sans l’existence d’une sanction, cette obligation risque, en effet, de demeurer théorique.

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*     *

La commission examine les amendements identiques CE699 de M. Robin Reda et CE1348 de M. Stéphane Peu.

M. Robin Reda. Cet amendement demande la suppression de cet article 53 qui propose d’abandonner la fonction disciplinaire du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), organisme qui conseille les professionnels et apporte une certaine déontologie à la profession.

Cette fonction disciplinaire disparaîtrait pour des raisons financières, or, le montant de la cotisation des titulaires de la carte professionnelle s’élève à 50 euros, et pourrait donc être facilement augmenté. Ces difficultés semblent donc surmontables.

M. Stéphane Peu. Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières a été créé afin de garantir un contrôle des pratiques des professionnels de l’immobilier, dans un secteur qui en a besoin.

C’est pourquoi nous demandons la suppression d’un article qui ferait disparaître cet organe de contrôle des professionnels de l’immobilier par eux-mêmes.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette ces amendements.

Elle examine l’amendement CE219 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Afin de garantir l’objectif initial du CNTGI de moralisation de la profession de l’immobilier tout en respectant les objectifs budgétaires et financiers qui conduisent à la révision de ses missions, cet amendement vise à faire respecter par les professionnels de l’immobilier les règles de déontologie promues par le Conseil. Pour cela, il rétablit le rôle d’alerte et de transmission à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) des infractions et manquements au code de la consommation susceptibles d’être imputables aux professionnels de l’immobilier.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. L’article 53 supprime tout rôle disciplinaire au Conseil et ne lui conserve qu’un rôle consultatif.

Par ailleurs, des professionnels en exercice peuvent être membres du Conseil, représentant les professionnels de l’immobilier, ce qui est le cas aujourd’hui. L’amendement pourrait ainsi conduire à une situation malsaine avec notamment des possibilités de conflit d’intérêts. Pour ces raisons l’avis est défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE218 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Actuellement, le CNTGI n’est pas consulté pour les projets de loi relatifs aux activités visées par la « loi Hoguet » de 1970. Le présent amendement vise à renforcer l’information et les études préparatoires concernant ces projets, afin d’accompagner les pouvoirs publics. En raison de sa composition – représentants des professionnels de l’immobilier et associations de consommateur –, le CNTGI est qualifié pour apporter une réelle expertise sur ces sujets.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Votre amendement est entièrement satisfait, je demande son retrait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même observation.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette les amendements identiques CE469 de M. Vincent Descoeur et CE1288 de M. Thibault Bazin.

Elle examine l’amendement CE1704 de la rapporteure.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement a pour objet de créer une amende administrative en cas de refus d’un professionnel de transmettre ses données à un observatoire agréé.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 53 modifié.

Après l’article 53

La commission étudie l’amendement CE2024 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Il vise à assurer la cohérence entre les orientations politiques traduites par les PLH et les stratégies des bailleurs en mettant en place une convention territoriale de coopération.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. De très nombreux plans, conventions et projets partenariaux entre les bailleurs et les EPCI existent déjà : PLH, plan partenarial de gestion de la demande, convention intercommunale d’attribution. Il ne me semble pas nécessaire d’en créer de nouveaux.

Je demande le retrait, à défaut mon avis sera défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, il existe déjà beaucoup de dispositifs et de procédures dans ce domaine. Une telle création nous paraît superfétatoire, car le PLH permet d’atteindre les objectifs prévus.

La commission rejette cet amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE2039 de M. Jean-Luc Lagleize.

Elle examine ensuite l’amendement CE839 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Thibault Bazin. Cet amendement propose d’introduire un élément de souplesse sous la forme de procédure locale de dérogation en ouvrant le bénéfice de la réduction d’impôts à des logements situés dans la zone dite C dès lors que le programme immobilier a fait l’objet d’un agrément ad hoc par le préfet, après avis du maire ou du président de l’EPCI compétent.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ce sujet a été tranché par la loi de finances pour 2018 ; avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel ; avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Monsieur le ministre, vous savez que la zone C connaît des problèmes de couverture par le réseau numérique. Nous avons parfois du mal à émettre les appels, mais si vous les recevez c’est génial ! (Sourires.)

La commission rejette cet amendement.

Elle en vient à l’amendement CE172 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Les classes moyennes trop riches pour le parc social, trop pauvres pour accéder au logement du marché libre, quittent nos villes et banlieues populaires.

Pour relever le défi du logement intermédiaire, du maintien de ces classes moyennes dans les villes et banlieues populaires, cet amendement propose d’appliquer un taux de TVA réduit à 5,5 % pour la construction de logements intermédiaires dans les quartiers prioritaires de la ville. Je rappelle que ce taux s’applique aux livraisons de logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession ou à la réalisation d’hébergements temporaires.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Ce sujet fiscal relève de la loi de finances ; avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mon avis est défavorable pour les mêmes raisons ; en outre cette disposition reviendrait à appliquer un taux de TVA plus faible pour le logement intermédiaire que pour le logement social.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE1828 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous sommes plusieurs dans cette salle à avoir, depuis le début de nos débats, défendu des amendements tendant à faire régner un minimum de discipline et de respect de la vie commune dans les immeubles, qu’il s’agisse de logements sociaux ou de la pratique de Airbnb.

Dans le même esprit, cet amendement vise à rendre obligatoire la communication par les bailleurs au syndic de copropriété ou au gestionnaire de l’immeuble de l’identité et des coordonnées de leurs locataires. Car ce sont souvent des locataires qui causent du trouble dans les immeubles et, si personne ne peut contacter les fautifs, il est impossible de leur adresser les rappels d’usage pour faire respecter la vie commune.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Il n’existe aucun lien juridique, aucun contrat, entre le syndic de copropriété et le locataire occupant le logement d’un copropriétaire. Le locataire n’a de lien juridique qu’avec le copropriétaire bailleur à qui il revient en conséquence d’intervenir en cas de mauvais comportement de son locataire, notamment de non-respect du règlement de copropriété. Il n’y a donc aucune raison d’exiger du copropriétaire bailleur qu’il transmette au syndic l’identité et les coordonnées de son locataire.

Avis défavorable

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Thibault Bazin. Je soutiens pleinement cet amendement. Vous faites, madame la rapporteure, une réponse que je comprends parce qu’elle est technique et juridique.

Pour notre part, nous sommes confrontés à des problèmes pratiques, la connaissance de se qui se passe dans les immeubles serait donc utile. J’ai bien conscience qu’il n’existe aucune des relations que vous mentionnez, mais, parfois, il est bon d’en avoir.

M. Stéphane Peu. Une fois n’est pas coutume, je souhaiterais adresser une remarque à Mme la rapporteure, qui jusqu’à présent nous a apporté des réponses assez précises.

Nous sommes ici pour fabriquer la loi aussi, nous rappeler l’état du droit est certes utile, mais n’aide pas à le faire évoluer ; or, c’est ce que propose cet amendement, précisément parce que le droit est insuffisant.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le fait que le contrat est passé entre le propriétaire et son locataire. Le problème est que, lorsqu’on habite dans un immeuble, que l’on soit propriétaire ou locataire, on doit se soumettre à des règles de vie commune ; ce n’est donc pas parce que l’on a contracté avec le propriétaire et non avec la copropriété que l’on peut s’exonérer de ses responsabilités. Quand on sait le temps qu’il faut pour passer par le propriétaire, qui est éloigné de l’immeuble, je pense que le droit peut évoluer.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous allons reconsidérer la question ; je militerai pour qu’un avis favorable soit donné à cette proposition lors de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE2466 de M. Denis Sommer.

M. Denis Sommer. Cet amendement consiste à préciser dans l’état des lieux la date des équipements et des derniers travaux réalisés. Le projet de loi prévoit que la nature et le montant des derniers travaux réalisés dans le logement doivent être signalés au moment de l’état des lieux et figurer dans le contrat de bail. Cet amendement vise à ce que soit également mentionnée la date de réalisation des travaux, ce qui pourrait aider à faire reconnaître l’état de vétusté de tel ou tel équipement.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Cet amendement demande effectivement la mention des éléments que vous avez indiqués dans le contrat de location.

L’état des lieux est, quant à lui, destiné à indiquer dans quel état se trouvent les équipements au moment de l’entrée et de la sortie du logement. Votre amendement alourdit la procédure sans véritablement apporter de nouvelles informations ; et la date d’installation de l’équipement ne présage pas de sa qualité. Pour ces raisons mon avis est défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

M. Denis Sommer. Préciser la date des derniers travaux réalisés ne me paraît pas particulièrement de nature à alourdir la procédure. Il s’agit simplement d’offrir une garantie supplémentaire au locataire sans réclamer du bailleur un effort supplémentaire considérable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le contrat de location mentionne les travaux ayant été réalisés, mais la date de leur réalisation ne constitue pas vraiment une information. Ce qui importe c’est l’état réel de la chose, je comprends votre point de vue, mais crains que votre proposition ne donne aucune assurance supplémentaire.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CE1164 de M. Vincent Rolland et CE2468 de M. Denis Sommer.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est d’autant plus important que nous avons évoqué les violences conjugales cette semaine ; il vise à mettre fin à la clause de solidarité en cas de violences conjugales.

Si les bailleurs sont incités depuis 2007 à lever la clause de solidarité, cette pratique repose uniquement sur la base du volontariat. Malheureusement, il semblerait qu’à plusieurs reprises des femmes battues ont été contraintes par leur bailleur de s’acquitter des dettes de leur ancien conjoint, nées pourtant après leur départ.

Vous n’êtes pas sans savoir, Messieurs les ministres, que nous connaissons parfois des phénomènes de ce qu’en économie on appelle les « passagers clandestins », une revanche de la part du coupable des violences.

C’est un sujet extrêmement sensible et, même si beaucoup de bailleurs font déjà ce que nous proposons, l’inscrire dans la loi me semble très important.

M. Denis Sommer. Cet amendement procède de situations vécues dans certains quartiers. Il ne s’agit pas de cas isolé, car il arrive que des couples se déchirent dans des conditions extrêmement difficiles, où l’épouse est obligée de partir, et où des constats de violence sont dressés. Pourtant, lorsque la dette s’accumule après son départ, l’épouse est solidaire de son conjoint.

Mme Christelle Dubos, rapporteure. Je comprends tout à fait l’intention de votre amendement qui soulève un vrai sujet.

Toutefois, la rédaction est trop imprécise et présente un risque de fraudes. Il faut, en effet, que la situation de violences conjugales fasse l’objet d’un document opposable au bailleur. Il faudrait a minima justifier d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ou d’une condamnation pénale de l’auteur des violences sur la personne qui s’en prévaut.

Pour ces raisons je souhaite le retrait au profit d’une nouvelle rédaction.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. J’entends l’objection, mais je soutiens pleinement l’esprit de cet amendement. Il serait souhaitable qu’une solution soit recherchée car c’est un problème d’ampleur nationale.

M. Thibault Bazin. Je retire l’amendement, et je suis très heureux des réactions des uns et des autres.

Au demeurant, si nous additionnons tous les sujets que nous devons reprendre dans le délai de la semaine prochaine, il nous faudra un autre projet de loi…

M. Denis Sommer. Si nous travaillons à construire des solutions plus respectueuses des personnes, et à condition que nous le fassions vraiment, c’est bien volontiers que je retire l’amendement.

Les amendements sont retirés.

La commission étudie l’amendement CE275 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’aligner la durée du préavis de départ du locataire sur le délai de restitution du dépôt de garantie.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission rejette cet amendement.

 

 


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TITRE IV
AMéLIORER LE CADRE DE VIE

Chapitre Ier
Revitalisation des centres-villes

Article 54
(articles L. 303-2 [nouveau] et L. 304-1 [abrogé] du code de la construction et
de lhabitation et article L. 752-2 du code de commerce)
Opérations de revitalisation de territoire

1.   L’état du droit

a.   La lutte contre la dévitalisation des centres des villes moyennes

La question de la perte d’attractivité des centres-villes, processus qui s’est aggravé au point d’évoquer leur « dévitalisation », a fait l’objet de plusieurs rapports qui ont conduit à l’adoption d’un programme gouvernemental « Action Cœur de ville » et à l’élaboration des dispositions du présent article.

Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’Inspection générale des finances (IGF) ont remis, en octobre 2016, un premier rapport sur la « revitalisation commerciale des centres-villes » ([101]), faisant le constat d’un taux de vacance commerciale en hausse dans les centres des villes moyennes. Leur conclusion est que « si le commerce est d’abord l’affaire des commerçants, il revient aux élus, responsables de la ville et de l’intercommunalité, d’engager et de mettre en œuvre une stratégie globale adaptée à la situation de leur territoire et de leurs centralités. Les expériences réussies de certaines communes montrent que la reconquête commerciale du centre-ville nécessite de concevoir un projet politique reposant sur une action volontariste à toutes les échelles de territoire ».

Le rapport de la « mission Marcon » de février 2018 ([102]) fait le constat plus général que « nombreux centres de villes moyennes sont aujourd’hui en danger, avec une baisse de la population, un taux de vacance commerciale croissant et une paupérisation des centres ». Le rapport plaide pour le recours à un plan global, « qui agit sur le commerce et sur les aménités qui créent les facteurs favorables à son développement » et pour le recours à la contractualisation, comme méthode de gouvernance souple pour mobiliser les efforts des acteurs publics comme privés.

Enfin, le programme « Action Cœur de ville », lancé par le ministre de la cohésion des territoires en mars 2018, vise à faire bénéficier 222 villes moyennes, réparties dans toutes les régions, d’une convention de revitalisation de 5 ans pour redynamiser leur centre-ville. L’objectif du programme est de mobiliser plus de 5 milliards d’euros sur 5 ans, dont 1,7 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations (1 milliard d’euros en fonds propres et 700 millions d’euros en prêts), 1,5 milliard d’euros d’Action Logement et 1,2 milliard d’euros de l’Agence nationale pour le logement (ANAH).

En guise de synthèse de ces initiatives, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi définit, à partir d’exemples concrets, une typologie des situations qui peuvent conduire à la dévitalisation des centres-villes et qui, le plus souvent, se conjuguent : la vacance des logements, encouragée par la périurbanisation (où l’accession à la propriété est marquée par des prix généralement plus abordables et de meilleures surfaces) et par la dégradation du bâti ; le déclin des activités économiques, notamment commerciales, qui souffrent de la concurrence de grands ensembles installés en bordure de ville (des galeries commerciales qui entourent un hypermarché, où le stationnement n’est pas un problème) ; une trajectoire démographique défavorable, puisque la perte d’attractivité d’une ville moyenne se traduit généralement par un départ des jeunes générations, ce qui affecte en premier lieu leur centre-ville ; des difficultés économiques, notamment lorsque la fermeture ou le départ d’une activité industrielle riche en emplois enclenche la spirale de perte d’attractivité ; une dégradation des services publics de proximité en centre-ville, avec la diminution des équipements et services de soins, d’éducation, de loisirs ou de culture.

Plusieurs outils existent déjà, dans le droit existant, pour répondre à ces enjeux de politique publique.

b.   Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat

Définies par l’article L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation, les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) sont d’origine ancienne (les premières ont eu lieu en 1978) et ont pour objet la réhabilitation du parc immobilier bâti, c’est-à-dire la rénovation des logements anciens, ce qui cible donc particulièrement les centres-villes. Comme leur nom l’indique, elles se concentrent sur l’évolution de l’offre de logements, mais portent également sur le maintien ou le développement de services de proximité.

Les principaux acteurs des OPAH sont la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) s’il dispose de la compétence en matière d’habitat, l’État et l’ANAH. Les principales modalités d’une OPAH sont la définition d’un périmètre d’intervention, les aides octroyées par l’État et l’ANAH, et la participation des acteurs publics ou privés intéressés à l’opération, notamment en matière d’ingénierie de projet. Les aides publiques se justifient par le niveau d’ambition élevé de l’OPAH, qui vise à favoriser les usages locatifs sociaux (construction de logements sociaux, ou adaptation des logements aux personnes en situation de dépendance, par exemple), le respect de la diversité de la population et leur maintien sur place ou encore l’implantation de services commerciaux ou artisanaux de proximité. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une opération d’aménagement urbain.

L’OPAH peut se décliner en conventions spécifiques, comme l’OPAH renouvellement urbain (OPAH-RU), revitalisation rurale (OPAH-RR) ou l’OPAH copropriété dégradée (OPAH-CD, à ne pas confondre avec les opérations de requalification des copropriétés dégradées – ORCOD, commentées à l’article 59). Elle s’inscrit en cohérence avec les objectifs du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) ainsi que, s’il existe, du programme local de l’habitat (PLH).

c.   Les opérations de requalification des quartiers dégradés

Les opérations de requalification des quartiers dégradés (ORQAD) ont été créées par la loi « ALUR » du 24 mars 2014, précitée. Elles ont été conçues avec les objectifs des programmes nationaux de requalification des quartiers dégradés (PNRQAD, créés en 2009) et la gouvernance et les moyens plus modernes des ORCOD (voir le commentaire de l’article 59 : il s’agit, par exemple, de pouvoir utiliser le portage foncier ou le droit de préemption urbain renforcé). La création des ORQAD avait, déjà, pour principal objet de lutter contre la dégradation urbaine des centres-bourgs, contre les poches d’habitat indigne qui s’y développent et contre leur dévitalisation commerciale.

d.   Les autorisations d’exploitation commerciale

En application de l’article L. 752-1 du code de commerce, tout projet de création ou d’extension d’un commerce de détail ou d’un ensemble commercial de plus de 1 000 m², est soumis à une autorisation d’exploitation commerciale (AEC), indépendamment de la demande, éventuelle, de permis de construire. Certains projets en sont exclus (pharmacies, concessions automobiles, halles et marchés de détail, etc.) et d’autres bénéficient de dérogations sur le calcul de la surface de vente (horticulteurs, points de retraits – drives – intégrés à un commerce déjà autorisé, etc.).

L’AEC s’obtient après l’avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). La demande d’autorisation est enregistrée par le maire de la commune d’implantation ou par le représentant de l’État dans le département, qui préside la CDAC. Cette dernière dispose d’un délai de 2 mois, à compter de sa saisine, pour rendre son avis et délivrer l’autorisation ou le refus d’exploiter, à la majorité absolue des voix. Le refus d’exploiter entraîne le refus de délivrance du permis de construire, le cas échéant.

La décision de la CDAC peut faire l’objet d’un recours devant la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), dans le délai d’un mois après la publication de cette décision. Le droit de recours est ouvert au porteur du projet, au représentant de l’État dans le département, au maire, au président de l’EPCI du territoire d’implantation et à toute personne qui peuvent prouver leur intérêt à agir (par exemple, un exploitant dont l’activité est située dans la zone de chalandise du projet commercial). La CNAC émet son avis dans un délai de 4 mois, et sa décision est elle-même susceptible d’un recours, devant la cour administrative d’appel compétente sur le territoire d’implantation du projet.

Tout comme les CDAC, la CNAC rend son avis en tenant compte des dispositions de l’article L. 750-1 du code de commerce qui fixe trois critères pouvant justifier un refus d’exploiter. Cet article dispose que « les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine ». Des critères économiques existaient auparavant (densité commerciale, effet sur l’emploi) mais leur application a été jugée comme portant une atteinte disproportionnée au principe de libre concurrence, et ils ont donc été supprimés.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Modification du code de la construction et de l’habitation

Le I de cet article substitue aux opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD), prévues au chapitre IV du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l’habitation, les opérations de revitalisation de territoire (ORT), prévues au chapitre III du même titre qui porte aujourd’hui uniquement sur les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH).

Le 2° du I crée donc un nouvel article L. 303-2 qui définit les objectifs et les acteurs de ces ORT (alinéas 4 à 8), les actions qu’elles peuvent mettre en place (alinéas 9 à 19) et certains moyens supplémentaires (alinéas 20 et 21).

i.   Objectifs

L’objet des ORT est « la mise en œuvre d’un projet global de territoire ». Ce caractère global conduit à intégrer dans les ORT un ensemble d’objectifs très divers comme des objectifs urbanistiques (adapter et moderniser le parc de logements, valoriser le patrimoine bâti), économiques (améliorer l’attractivité du territoire et lutter contre la vacance des commerces), sociaux (lutter contre l’habitat indigne) et transversaux (promotion de l’innovation et du développement durable).

Les acteurs des ORT sont nécessairement l’État, au moins un de ses établissements publics intéressés, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) et au moins une partie de ses communes membres. Mais la fonction rassembleuse des ORT justifie que « toute personne publique ou tout acteur privé » puissent également s’associer aux ORT, s’ils sont susceptibles d’apporter un soutien ou de prendre part à ces opérations. La seule condition posée à la participation à l’ORT est l’absence de conflit d’intérêts susceptible d’apparaître, ensuite, dans sa mise en œuvre.

Ces acteurs se lient par une convention, qui comporte, par souci de souplesse, un nombre limité de mentions obligatoires :

– la définition du « projet urbain, économique et social de revitalisation du territoire » ;

– le périmètre des secteurs d’intervention, qui comprend, au moins, le centre-ville de la ville principale du territoire concerné ;

– la répartition des actions dans ces secteurs d’intervention ;

– le plan de financement de ces actions ;

– la durée de la convention et son calendrier.

ii.   Actions

Le présent article prévoit neuf catégories d’actions qu’une ORT peut mettre en œuvre :

1° Un dispositif d’intervention immobilière et foncière, qui doit permettre de revaloriser des îlots d’habitat vacant ou dégradé, par des opérations d’acquisition ou de portage fonciers et des opérations de travaux ;

2° Un plan de relogement des occupants d’un quartier dégradé objet d’une intervention, avec accompagnement social et perspective de maintien au sein de ce même quartier, une fois requalifié ;

3° L’utilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l’habitat indigne ;

4° La promotion de la transition énergétique du territoire visé, notamment l’efficacité énergétique des immeubles ;

5° Un « projet social », qui comporte des actions en matière de mixité sociale et d’adaptation des services et des logements aux situations de perte d’autonomie ;

6° Des actions d’aménagement foncier, contribuant aux espaces et équipements publics de proximité, à la mobilité, à l’accessibilité et à la desserte des commerces, pour encourager la localisation de ces commerces en centre-ville ;

7° La création et la modernisation d’activités économiques, commerciales, artisanales ou culturelles : pour ces actions, un coordinateur devra être nommé ;

8° La création, l’extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales ou artisanales, notamment en centre-ville ;

9° L’engagement pris par les autorités compétentes de mettre en compatibilité les documents d’urbanisme lorsque cela est nécessaire à la mise en œuvre des actions de l’ORT.

iii.   Facultés complémentaires

L’alinéa 9 prévoit que l’ORT, en plus des neuf catégories d’actions spécifiques mentionnées ci-dessus, peut mettre en œuvre les actions prévues dans le cadre des opérations d’amélioration de l’habitat (OPAH), mentionnées à l’article L. 303-1 (voir ci-dessus). Lorsque la convention d’ORT comprend l’ensemble des actions prévues par une OPAH, cette convention vaut convention d’OPAH – ce qui permet de cumuler les effets des dispositions prévues pour ces deux types d’opérations, notamment les aides de l’ANAH (voir ci-dessus).

L’alinéa 20 prévoit que l’ORT peut bénéficier de l’application du droit de préemption urbain renforcé, qui permet de préempter davantage d’acquisitions que le DPU simple (par exemple des immeubles construits il y a moins de quatre ans), ainsi que du droit de préemption commercial, prévu aujourd’hui uniquement lorsqu’est défini par une commune un périmètre de sauvegarde du commerce de proximité.

L’alinéa 21 prévoit que les actions de l’ORT peuvent également être inscrites dans les contrats de plan conclus entre l’État, les régions et les autres acteurs concernés par ces contrats.

b.   Modification du code de commerce

Le II du présent article modifie l’article L. 752-2 du code de commerce qui porte sur les autorisations d’exploitation commerciale (AEC).

L’alinéa 23 prévoit que les projets de création, d’extension de commerces de détail ou d’ensembles commerciaux dont la surface dépasse, après l’opération, 1 000 m2 et dont l’implantation se situe dans le centre-ville de la ville principale qui fait l’objet d’une ORT, ne sont pas soumis à une AEC.

L’alinéa 24 prévoit que le représentant de l’État dans le département peut suspendre les demandes d’AEC (au stade de leur enregistrement ou de leur examen en commission département d’aménagement commercial) pour des projets de création de commerces de détail ou d’ensemble commerciaux de plus de 1 000 m2 dont l’implantation se situe sur le territoire de communes signataires d’une ORT mais en dehors des secteurs d’intervention de cet ORT. Ce moratoire est décidé en fonction des caractéristiques du projet et de certains critères économiques et sociaux (taux de logements vacants, taux de vacance commerciale et taux de chômage des territoires concernés par ce projet). Cette décision fait l’objet d’un avis préalable de l’EPCI-FP et des communes signataires de la convention d’ORT.

L’alinéa 25 prévoit, en miroir la même disposition, mais pour les projets d’implantation sur le territoire de communes membres de l’EPCI-FP qui n’ont pas adhéré à la convention d’ORT relevant de cet EPCI, ainsi que pour les projets d’implantation situés sur le territoire d’un EPCI limitrophe de l’EPCI-FP signataire de la convention. Dans ce cas, le représentant de l’État dans le département peut suspendre les demandes d’AEC lorsque ces projets d’implantation « sont de nature à compromettre gravement l’objectif de l’opération ». Cette décision fait l’objet d’un avis préalable de l’EPCI-FP et des communes signataires de la convention d’ORT ainsi que des EPCI et des communes sur le territoire desquels le projet vise à s’implanter.

Dans ces trois situations, la décision de moratoire des AEC dure au plus trois ans, possiblement prorogée d’un an après avis de l’EPCI-FP et des communes signataires de la convention d’ORT. Les conditions et modalités d’application de ces alinéas 24 et 25 font l’objet d’un décret en Conseil d’État.

Le III du présent article prévoit que les conventions d’ORQAD existantes demeurent valides après l’entrée en vigueur de la présente loi, mais peuvent être transformées, par voie d’avenant, en convention d’ORT.

Le IV prévoit que les projets d’implantation dont la maîtrise d’ouvrage est confiée à l’établissement public national pour l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), en application de l’article 28 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, sont également concernés par les décisions préfectorales de moratoire.

3.   L’avis du rapporteur

Votre rapporteur salue la mise en place d’un outil souple et efficace, à la disposition des collectivités territoriales, de l’État, de ses établissements publics, des acteurs privés (opérateurs, aménageurs, investisseurs, etc.), au service de la revitalisation des centres-villes. L’outil contractuel semble, en effet, être le plus pertinent pour conjuguer les efforts et mutualiser les objectifs d’acteurs aux intérêts divers.

Votre rapporteur a proposé à votre commission plusieurs amendements de fond. Tout d’abord, il s’agit d’assurer que la mise en œuvre d’une ORT entraîne, selon la procédure intégrée réformée par l’article 3 du présent projet de loi (voir le commentaire supra), la nécessaire révision des documents d’urbanisme qui pourraient, autrement, gêner le bon déroulement des opérations. Cette mise en compatibilité s’effectue dans un délai de deux ans après la signature de la convention.

En second lieu, votre rapporteur a souhaité préciser que la décision du représentant de l’État dans le département de suspendre les demandes d’autorisations d’exploitation commerciale s’effectuait secteur géographique par secteur géographique, une précision qui permet d’éviter le risque d’une décision de moratoire général qui n’est pas proportionnée à l’objectif suivi par l’article 54.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet article avec plusieurs modifications de fond.

À l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, plusieurs précisions juridiques ont été ajoutées aux objectifs des ORT, pour y inclure explicitement la revitalisation des activités artisanales et la réhabilitation des friches urbaines. Une nouvelle précision indique qu’une concertation publique peut être organisée par l’EPCI signataire de la convention d’ORT, préalablement à sa conclusion.

À l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, a été explicitée la mission du représentant de l’État d’assurer l’information des parlementaires sur la mise en œuvre et le déroulement des opérations de revitalisation de territoire menées dans le département. En outre, la lutte contre les friches industrielles fait désormais l’objet d’une action spécifique des conventions d’ORT, avec l’objectif de rendre les villes plus attractives et d’assurer une meilleure économie dans l’allocation de nouvelles emprises foncières.

À l’initiative de M. Mickaël Nogal et des membres du groupe La République en Marche, deux amendements ont été adoptés. Le premier, qui a fait l’objet d’un sous-amendement par votre rapporteur, prévoit que les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) peuvent explicitement être désignées comme opérateurs de certaines actions prévues par la convention d’ORT. Le second vise à intégrer aux conventions d’ORT des actions visant à renforcer les animations de centre-ville (notamment les animations touristiques).

À l’initiative de Mme Annaïg Le Meur et de plusieurs membres du groupe La République en Marche, a été adopté un amendement prévoyant que le représentant de l’État dans le département, préalablement à sa décision de suspension de demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, tienne compte des données économiques et démographiques relatives à la zone de chalandise des projets d’implantation examinés.

Enfin, à l’initiative de votre rapporteur, plusieurs amendements de nature rédactionnelle ont été adoptés. Un amendement, adopté à son initiative à l’article 3 du présent projet de loi, avait déjà permis d’intégrer les ORT dans la procédure intégrée de révision des documents d’urbanisme.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques CE66 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et CE1624 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement ajoute à la liste des objectifs qui peuvent être poursuivis par les opérations de requalification du territoire, la modernisation des locaux artisanaux.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle en vient à l’amendement CE67 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Il s’agit cette fois-ci d’ajouter la modernisation des espaces publics à la liste des objectifs.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement est satisfait puisque, dans le projet de loi qui vous est soumis, les opérations de revitalisation des territoires ont pour objet la mise en œuvre d’un projet global, pour adapter et moderniser le parc de logements et de commerces, ainsi que le tissu urbain de ce territoire, ce qui comprend l’aménagement des espaces publics. Cette précision me semble donc redondante.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE1673 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Benoit Potterie. L’objectif de cet amendement est d’intégrer de manière spécifique la lutte contre l’étalement urbain parmi les objectifs des opérations de revitalisation de territoire, dans la philosophie des dispositions déjà établies par la loi ALUR. En effet, le renouvellement et la revitalisation des centres-villes constituent l’option la plus durable et la plus efficace contre l’étalement urbain aussi bien dans les métropoles que dans les plus petites agglomérations.

Limiter l’étalement urbain contribue à la lutte contre le phénomène de péri‑urbanisation responsable de l’allongement des déplacements au quotidien, de la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de l’artificialisation croissante des sols.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Les ORT se concentrent plutôt sur les centres-villes dévitalisés et ont déjà vocation à rééquilibrer les centres et la périphérie urbaine, aussi votre amendement n’aurait-il que peu de prise sur les projets qui seront adoptés.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement ne paraît ni nécessaire ni efficient, d’autant que certains centres‑villes ne pourront être densifiés. Je vous propose donc de le retirer.

L’amendement CE1673 est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements CE437 de M. Thibault Bazin et CE702 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Cet amendement propose d’intégrer aux objectifs poursuivis par les opérations de revitalisation du territoire, l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement est satisfait par le projet de loi, qui mentionne que les ORT ont vocation à « adapter et moderniser le parc de logements et de commerces ». En outre, l’alinéa 16 du présent article fait explicitement référence à la question de l’accessibilité. J’en demande le retrait.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements CE437 et CE702 sont retirés.

La commission examine l’amendement CE68 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Il s’agit de rajouter à la liste des objectifs qui peuvent être poursuivis par les opérations de requalification, la réhabilitation des friches urbaines.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CE1006 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CE69 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement propose d’étendre l’objectif de promotion du développement durable, limité dans la rédaction du projet de loi au secteur du commerce et de l’artisanat, à l’ensemble des domaines des politiques publiques menées dans le cas des opérations de revitalisation.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE701 et CE700.

M. Robin Reda. J’ai cru comprendre que dans le plan « Action cœur de ville » le Gouvernement se limitait, dans ses choix, aux communes de plus de vingt mille habitants pour définir ce qu’est une ville moyenne. Je souhaitais donc poser la question du choix de ce seuil et proposer par ces amendements que les opérations de revitalisation soient ouvertes aux communes de plus de quinze mille habitants ou, à défaut, aux communes qui appartiennent à un ensemble intercommunal de plus de cinquante mille habitants. En effet, dans les agglomérations denses, on a parfois des communes en situation de centre-bourg mais qui peuvent être plus petites que les autres villes de l’agglomération, tout en ayant autant besoin d’être aidées.

M. Richard Lioger, rapporteur. Vos amendements ne sont pas opportuns : il faut associer toutes les communes d’un EPCI qui le souhaitent à une ORT. Le centre-ville de la ville principale de l’EPCI est le cœur de l’ORT, mais l’opération peut avoir des effets sur l’ensemble du tissu communal. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Nous n’avons en outre nullement retenu de seuil.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1007 du rapporteur.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CE2546 de M. Mickaël Nogal, qui fait l’objet d’un sous-amendement CE2829 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à permettre aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) d’être un outil opérationnel de mise en œuvre des opérations de revitalisation des territoires. Nous proposions une expérimentation, mais le rapporteur propose de modifier la rédaction pour rendre la mesure pérenne.

M. Richard Lioger, rapporteur. C’est en effet l’objet de mon sous-amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable à la condition que cela soit limité au secteur du commerce et de l’artisanat.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement ainsi sous-amendé.

Elle passe à l’examen des amendements identiques CE261 de M. Stéphane Peu, CE404 de M. Vincent Descoeur et CE2337 de M. François Pupponi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ces amendements réduisent le projet d’ORT à un projet urbain, alors que la rédaction initiale prévoit bien qu’il s’agit d’un projet urbain, économique et social. En outre, votre objectif d’inclure la valorisation du patrimoine sera satisfait par un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement CE70 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’alinéa 4 prévoit que la valorisation du patrimoine peut être un des objectifs de l’ORT. Par cohérence cet amendement complète l’alinéa 7 pour prévoir que le projet défini par la convention d’ORT doit favoriser la valorisation du patrimoine.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte les amendements.

Elle examine l’amendement CE71 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. C’est un amendement de conséquence de l’amendement CE69. Il prévoit que l’objectif de promotion du développement durable prévu par le projet d’ORT, limité dans la rédaction du projet de loi au secteur du commerce et de l’artisanat, est étendu à l’ensemble des domaines et des politiques publiques menées dans le cadre de ces opérations.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1009 et CE1010 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CE1453 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. L’objectif de cet amendement est d’associer explicitement les chambres de commerce et d’industrie (CCI) à la délimitation du périmètre des ORT. Dans le cadre de l’opération « Action cœur de ville », les CCI ont une expertise reconnue de la revitalisation commerciale, elles sont en lien avec les principaux intéressés, disposent d’observatoires et, surtout, d’un maillage très fin, qui devrait leur permettre d’éclairer le choix du périmètre par les autorités.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Cela alourdit la procédure, en particulier si les CCI ont besoin de temps pour répondre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Votre amendement vise en fait à soumettre le projet de délimitation du périmètre de la convention à l’avis de la CCI locale. Or, nous essayons d’appliquer des procédures souples et nous ne souhaitons pas inscrire dans la loi des dispositifs aussi figés, surtout s’ils sont synonymes de délais supplémentaires. J’ajoute que les CCI peuvent déjà être associées à l’élaboration de ces conventions.

L’amendement CE1453 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE72 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement prévoit qu’avant sa signature le projet de revitalisation du territoire et le périmètre envisagé doivent faire l’objet d’un débat devant l’EPCI concerné, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les plans d’aménagement et de développement durable (PADD) inclus dans les PLU et les PLUi.

La définition des contours de la convention d’opération de revitalisation de territoire doit ainsi impliquer l’ensemble des communes de l’EPCI concerné, de manière à favoriser la coordination des dynamiques territoriales, à éviter une concurrence des initiatives qui serait préjudiciable à l’ensemble du territoire et à permettre aux représentants des différentes collectivités de s’exprimer.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. On imagine mal un EPCI ne pas organiser de lui-même un débat sur un sujet aussi important.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE73 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement propose que l’élaboration du projet d’opération de revitalisation puisse faire l’objet d’une concertation publique à l’initiative de l’EPCI concerné. Il est indispensable en effet que les habitants soient associés au processus, pour éviter qu’ils ne se sentent dépossédés de leur ville ou de certains quartiers, que les opérations de revitalisation doivent au contraire leur permettent de se réapproprier.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE2791 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement concerne la définition du périmètre des signataires de la convention, le texte mentionnant d’ailleurs les éventuels conflits d’intérêts. Nous souhaitons qu’un décret en Conseil d’État fixe et délimite davantage les conditions de signature.

M. Richard Lioger, rapporteur. C’est aux autorités locales de déterminer les conditions dans lesquelles les acteurs publics et privés pourront être associés à l’ORT. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. J’ajoute que la rédaction actuelle est issue des échanges avec le Conseil d’État.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE2792 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’assurer l’information des parlementaires, de la même manière que pour la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), et de faire en sorte que cette information soit la plus complète possible.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE2642, CE1011 et CE1013 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CE1884 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. L’alinéa 14 prévoit « des actions en faveur de la transition énergétique du territoire, notamment de l’amélioration de la performance énergétique du parc immobilier » ; nous proposons d’y ajouter des actions en faveur de la végétalisation urbaine et des immeubles, afin d’éviter les îlots de chaleur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les objectifs de transition écologique sont prévus par le projet de loi et renforcés par un amendement que nous venons d’adopter sur la préservation de la biodiversité. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. J’ajoute que l’ORT n’a pas vocation à lister dans le détail toutes les actions qui pourront être menées en faveur du développement durable, parmi lesquelles la végétalisation urbaine. Nous devons, autant que faire se peut, aller vers la simplification et faire confiance, une fois encore, aux élus locaux.

M. Jean-Luc Lagleize. Je veux bien faire confiance aux élus locaux, mais c’est vous qui appelez cette énumération, monsieur le ministre, un usant dans l’alinéa de l’adverbe « notamment ».

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1014 et CE1015 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE74 de la commission du développement durable et CE2752 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement vient compléter l’amendement CE66 qui a été précédemment adopté.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte les amendements.

Elle examine l’amendement CE262 de M. Stéphane Peu.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Les précisions apportées au projet d’aménagement des ORT ne relèvent pas du domaine de la loi : elles sont soit déjà comprises dans le projet de loi, soit trop spécifiques.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je considère de surcroît que l’amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE2807 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Si les ORT concernent essentiellement les centres-villes, il est important aussi que la périphérie soit prise en compte. La commission des lois a donc adopté cet amendement qui prévoit un dispositif d’intervention immobilière et foncière visant à la reconversion et à la réhabilitation des sites industriels et commerciaux vacants, et ce afin de limiter l’allocation de nouvelles emprises foncières.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE2191 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Il vise à intégrer les animations touristiques aux animations de centre-ville encouragées dans les ORT.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE2594 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CE807 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Les propriétaires de locaux commerciaux situés dans les centres-villes de communes à forte attractivité touristique ne délivrent pour les activités saisonnières que des contrats de location de courte durée ou d’une durée n’excédant pas six mois, ce qui est, dans certains lieux, trop court pour couvrir l’intégralité de la saison touristique. En effet, ces propriétaires préfèrent parfois la vacance de leurs locaux à la location qui peut conduire à la requalification en bail commercial.

Aussi conviendrait-il, afin de pourvoir à l’occupation de ces locaux et pour favoriser l’attractivité des centres-villes des communes touristiques, d’encourager, par la promotion et l’accompagnement, la délivrance de ces baux saisonniers redoutés à tort, pour une durée ne pouvant excéder neuf mois. Cette durée permettrait de couvrir une large période de l’activité d’une station touristique, sans contrevenir aux dispositions du bail dérogatoire telles que prévues par le code de commerce.

M. Richard Lioger, rapporteur. La convention d’ORT n’a pas pour objet de promouvoir certaines formes de contrats de location ou d’organiser des dérogations au droit existant. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1016 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CE1664 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement a pour objet de réécrire l’alinéa 19 pour préciser que la mise en œuvre d’une ORT entraîne, selon la procédure intégrée réformée par l’article 3 du projet de loi, la nécessaire révision des documents d’urbanisme, qui pourraient, autrement, gêner le bon déroulement des opérations. Cette mise en compatibilité s’effectue dans un délai de deux ans après la signature de la convention.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous souhaitons le retrait de cet amendement au profit de l’amendement CE2706.

L’amendement CE1664 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE1528 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Cet amendement a pour objectif de lutter contre le départ en périphérie des services publics. Concrètement, il prévoit que, lors de la signature de la convention ORT, les collectivités contractantes s’engagent à maintenir en centre-ville les lieux d’accueil des services publics qui dépendent de son autorité. La dévitalisation des centres‑villes est en effet un phénomène global qui ne peut être résolu que par une action volontariste de la part de tous les acteurs concernés. On peut agir sur la fiscalité, sur les normes, sur la mise en relation des acteurs mais, avant toute chose, il faut que les collectivités donnent des raisons aux gens de rester en centre-ville.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement introduit de la complexité lorsque ce n’est pas nécessaire. On voit mal comment un EPCI qui signerait une ORT ne ferait pas objectivement tout à ce qu’il faut pour garder ses services publics en centre-ville.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Il n’est pas possible d’inclure un tel engagement dans l’article 54 en l’inscrivant comme un objectif général, applicable à tous les territoires.

L’amendement CE1528 est retiré.

La commission examine l’amendement CE1555 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Il s’agit de rendre le stationnement gratuit et à durée limitée dans le périmètre des zones concernées par les opérations de revitalisation de territoire.

Sans doute connaissez-vous l’adage « No Parking, no Business » : le coût du stationnement constitue parfois un frein pour les personnes qui désirent faire leurs courses en voiture, ce qui les conduit à se détourner des commerces de centre-ville au profit des commerces de périphérie ou encore du e-commerce. En imposant que le stationnement dans ces zones soit gratuit et à durée limitée, cet amendement vise donc à renforcer l’attrait des commerces de centre-ville.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cette disposition relève de la libre appréciation des acteurs qui négocieront les conventions ORT : il n’est pas utile de le prévoir dans la loi. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. De grâce, faisons confiance aux acteurs locaux qui savent ce qu’ils ont à faire pour améliorer et dynamiser leurs collectivités. Les ORT sont faites pour donner des moyens supplémentaires aux villes ou aux intercommunalités pour redynamiser leurs commerces. Si nous commençons à expliquer aux élus comment réguler le stationnement, pourquoi ne pas leur tenir la main pour toutes les décisions qu’ils ont à prendre ?

L’amendement CE1555 est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE1977 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. L’élaboration des ORT va prendre un certain temps et, s’il faut modifier les documents d’urbanisme, cela peut encore retarder la procédure de plusieurs années, en particulier s’il faut revoir le PLU. L’objet de cet amendement et donc de permettre aux ORT d’être opérationnelles aussi vite que possible pour répondre aux besoins, des commerces comme des habitants, notamment quand il s’agit d’éradiquer l’habitat indigne.

C’est la raison pour laquelle nous proposons que, de manière très encadrée et pendant une durée n’excédant pas vingt-quatre mois, l’autorité en charge de la signature des documents d’urbanisme puisse, après avis du préfet et lorsque l’ORT est suffisamment précise, signer des autorisations d’urbanisme à partir de cette ORT, sans attendre que la révision des documents d’urbanisme ait été finalisée.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis d’accord avec votre amendement, mais il est déjà satisfait par l’article 3, tel que nous l’avons adopté.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement CE1977 est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1018 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CE 2793 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. La délégation du droit de préemption étant une procédure particulièrement sensible au regard des éventuels conflits d’intérêts, il nous paraît opportun, afin de sécuriser les opérations, d’en préciser les contours par un décret en Conseil d’État.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Faisons confiance à l’intelligence des acteurs. Défavorable

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1019 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CE263 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Le prêt social location-accession (PSLA) est un dispositif d’accession à la propriété qui bénéficie d’une TVA réduite et d’un abattement de TFPB. Il est réservé aux logements neuf. Cet amendement vise, dans la perspective de la requalification des centres anciens, notamment dans les villes moyennes, à expérimenter le même dispositif pour la rénovation de l’ancien.

M. Richard Lioger, rapporteur. Comme je l’ai indiqué, l’article 3 doit permettre, dans le cadre défini par la convention d’ORT, de déroger aux documents d’urbanisme le temps qu’ils soient mis en conformité. Votre amendement va trop loin : il prévoit une dérogation générale, non limitée aux opérations de revitalisation, et manque donc de mesure. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable. Votre amendement permettrait de déroger à de nombreuses règles du PLU et pas uniquement à celles en faveur de la mixité sociale. Il aurait donc une portée beaucoup plus large, qui n’est pas justifiée par les objectifs de l’ORT, et pour une durée de cinq ans, qui dépasserait les délais de la convention.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE2794 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Nous avons beaucoup entendu parler, lors de nos auditions, du e-commerce, dont le développement a de fortes conséquences, en particulier sur le commerce de centre-ville. Le e‑commerce a beau être virtuel, il a besoin, pour se développer, d’entrepôts où stocker et préparer ses marchandises. Nous considérons donc qu’il serait normal que ces entrepôts fassent l’objet d’une autorisation d’exploitation commerciale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Au regard de la loi, il me paraît compliqué de qualifier ces entrepôts de locaux commerciaux. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement vise à réguler l’implantation d’établissements qui relèvent du e‑commerce, que vous voulez soumettre, au même titre que les commerces physiques de plus de 1 000 mètres carrés, à une autorisation d’exploitation commerciale. Cette solution n’est pas la bonne car non seulement elle est source de complexification mais elle s’appliquerait, selon votre rédaction, à tout le territoire, sans considération des critères pris en compte par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), qui sont détaillés à l’article L. 752-6 du code de commerce.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement CE1625 de M. Bruno Duvergé.

M. Jean-Luc Lagleize. La commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) examine toujours l’intérêt de l’arrivée de nouveaux commerces au regard de l’existant. La CDAC doit donc pouvoir donner son avis quand une moyenne ou grande surface souhaite s’installer en centre-ville. C’est la raison pour laquelle notre amendement supprime l’alinéa 23.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. La dérogation prévu à l’alinéa 23 vise à encourager les porteurs de projets commerciaux à revenir en centre-ville et à contribuer à leur revitalisation. C’est un marqueur fort de l’intérêt des opérations de revitalisation de territoire (ORT) pour les acteurs privés.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Également défavorable.

M. Jean-Luc Lagleize. Les acteurs en question ont envie de revenir en centre-ville, mais cela ne doit pas les dédouaner d’un passage devant la CDAC !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE75 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement prévoit que la dérogation prévue à l’alinéa 23 ne pourra être accordée que si la convention d’opération de revitalisation de territoire le prévoit.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. Dans le cas contraire, j’y serai défavorable car, comme pour l’amendement précédent, cela risque de rallonger significativement la durée d’obtention de l’autorisation commerciale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je n’avais pas compris cela puisque la dérogation est accordée si la convention d’ORT le prévoit. Nous pouvons le retravailler ensemble d’ici la séance, si Mme Marsaud en est d’accord, mais il me paraissait clair…

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE824 de M. Éric Pauget.

M. Robin Reda. Cet amendement vise à limiter aux locaux commerciaux existants – sans construction nouvelle – la dérogation d’obtention d’une autorisation d’exploitation commerciale prévue au présent article pour les commerces de plus de 1 000 mètres carrés, afin de limiter l’arrivée de promoteurs immobiliers qui chercheraient à construire ou à agrandir des grandes surfaces existantes au-delà de 1 000 mètres carrés, sans droit de regard des collectivités.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable car cette dérogation se veut incitative : un commerce de 2 500 mètres carrés est une aubaine pour un centre-ville.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CE341 de M. Thibault Bazin, CE808 de M. Éric Pauget et CE2559 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Elle en vient à l’amendement CE1922 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Dans un périmètre de vingt kilomètres – recoupant parfois une autre intercommunalité – autour du secteur de l’ORT, nous souhaitons que les porteurs de projet qui passent en CDAC présentent une note d’impact de leur projet sur l’ORT, afin que la décision soit prise en connaissance.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Dans un esprit différent des précédents, cet amendement s’insère mal à l’alinéa 23, qui a précisément pour objet d’éviter les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) dans les zones d’ORT.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Je vous propose de retirer l’amendement, afin que nous puissions réfléchir à une nouvelle rédaction pour la séance.

L’amendement est retiré.

Elle examine l’amendement CE76 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement ouvre la possibilité à l’EPCI et aux communes signataires d’une convention d’ORT de demander au préfet la suspension par arrêté de l’enregistrement et de l’examen en CDAC d’une demande d’AEC.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1020 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CE1953 de M. Benoît Potterie.

M. Benoît Potterie. Cet amendement suit la recommandation du Conseil d’État concernant la possibilité pour le préfet d’ordonner la suspension de l’enregistrement et de l’examen des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre demande est déjà satisfaite. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission aborde l’amendement CE2795 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Dans un précédent amendement, nous avons abordé la question du e-commerce, élément fondamental de la compréhension de la situation des centres-villes des villes moyennes. Dans le même esprit, même si nous avons bien compris l’argumentation du Gouvernement, notre amendement vise cette fois l’e-commerce et les « drives », dont on connaît l’impact sur le commerce de centre-ville. Dans ce dernier cas de figure, il y a bien un rapport physique entre le client et le magasin – même si c’est à la porte du magasin.

Nous souhaiterions sous-amender cet amendement de façon à exclure le 8°, et ne conserver que le 7° qui vise les « drives ».

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Nous avons déjà débattu de ce sujet.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. Votre sous-amendement me semble une bonne idée. Nous pourrions y réfléchir d’ici la séance.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Je le maintiens pour les raisons déjà évoquées, mais réfléchissons d’ici à la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1662 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la décision du préfet de suspendre l’enregistrement ou l’examen des demandes d’AEC fait bien l’objet d’autant d’arrêtés qu’il y a de secteurs d’implantation visés par la demande d’AEC. Il ne s’agit donc pas de prévoir un moratoire général, mais de s’assurer, conformément à l’avis du Conseil d’État, que la décision du préfet soit prise secteur par secteur.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis gêné par cette modification – en apparence rédactionnelle – car elle est plus restrictive que celle admise par le Conseil d’État. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE956 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Annaïg Le Meur. Cet amendement vise à rajouter la zone de chalandise comme critère d’appréciation de l’impact du projet commercial. Cela permet d’évaluer ses conséquences sur la situation économique du périmètre de l’ORT, mais également du bassin de vie.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite à l’amendement CE1319 de M. Julien Dive.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

L’amendement CE1021 du rapporteur est retiré.

La commission aborde l’amendement CE342 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à autoriser les préfets à suspendre l’enregistrement des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale sur la base de données fiables et indépendantes, y compris économiques.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Considérer la protection des centres-villes comme raison impérieuse d’intérêt général conduirait à ôter toute marge de manœuvre aux préfets.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

La commission en vient à la discussion commune des amendements CE1661 du rapporteur et CE77 de la commission du développement durable.

L’amendement CE1661 est retiré.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’amendement CE77 est de coordination avec notre précédent amendement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il pose problème au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement CE77.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1022 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CE344 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à supprimer la faculté pour le préfet de suspendre les projets de surfaces commerciales de plus de 1 000 mètres carrés situés sur le territoire d’une commune membre d’un EPCI limitrophe d’un EPCI signataire d’une ORT. Cette mesure s’appliquant à des territoires non-signataires d’une ORT est disproportionnée, surtout avec des intercommunalités qui ont désormais des grands périmètres : elle porterait une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre et à la libre administration des collectivités territoriales.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Comme vous l’indiquez, votre amendement porte atteinte à la liberté d’entreprendre, à laquelle je sais que vous êtes très attaché.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Il est nécessaire que la disposition concerne également l’EPCI limitrophe.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1024 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CE1320 de M. Julien Dive.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Le seul critère que devrait prendre en compte le préfet pour suspendre une demande d’AEC sur le territoire de communes ou d’EPCI non-signataires de l’ORT, et donc non concernés par l’opération, est celui du risque de compromettre gravement l’objectif de l’ORT.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis pour ma part favorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine en discussion commune les amendements CE1460 de M. Benoît Potterie et CE1623 de M. Bruno Duvergé.

M. Benoît Potterie. L’objectif de l’amendement CE1460 est d’associer les chambres de commerce et d’industrie (CCI) aux décisions préfectorales de suspension de l’enregistrement des demandes d’AEC. Cela permettrait aux préfets de prendre en compte l’ensemble des données pouvant éclairer sa décision, et notamment les données économiques d’études d’impact préalables.

Les CCI produisent déjà ce type d’études, elles disposent d’observatoires du commerce et collectent beaucoup de données sur les entreprises du territoire. Leur avis serait d’autant plus pertinent qu’il serait indépendant de celui des porteurs de projet d’implantation ou d’extension commerciale.

M. Jean-Luc Lagleize. L’amendement CE1623 propose que le préfet prenne en compte des critères économiques et concurrentiels dans sa décision de suspension.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable car l’amendement de la commission des lois nous paraît préférable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable également.

L’amendement CE1460 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE1623.

Elle en vient aux amendements identiques CE348 de M. Thibault Bazin et CE741 de M. Sébastien Leclerc.

L’amendement CE348 est retiré.

M. Robin Reda. L’amendement CE741 prévoit un réexamen au bout de deux ans – au lieu de trois – de la mesure permettant au préfet de suspendre des projets de création de surface commerciale de plus de 1 000 mètres carrés situés sur le territoire d’une commune membre d’un EPCI signataire d’une convention d’ORT.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Une durée de deux ans compromet l’intérêt de cette disposition, et donc les ORT.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement CE741.

Puis elle examine l’amendement CE2796 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Nous souhaitons que les documents d’urbanisme prennent mieux en compte les enjeux de planification des installations commerciales, et notamment celles liées au stockage et à la logistique.

Notre amendement s’inspire des préconisations du rapport sur la revitalisation des centres-villes rédigé conjointement par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui estime qu’il est urgent de mieux organiser l’offre commerciale en développant un dispositif de planification territoriale articulé entre le niveau régional, le bassin de vie et le niveau intercommunal.

Il est proposé de compléter le contenu des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU) afin qu’ils intègrent la dimension commerciale de l’aménagement du territoire.

Ces modifications interviendraient à l’occasion de la révision des documents, afin que les collectivités concernées n’aient pas à les renégocier à cette seule fin.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. Il ouvre en effet la voie à la renégociation de tous les documents d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) pour ajouter un volet relatif aux entrepôts, sans que l’on saisisse totalement les effets du dispositif.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE2797 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE1025 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 54 modifié.

Article 54 bis (nouveau)
(article L. 752-1 du code de commerce)
Seuil dautorisation commerciale pour les réouvertures de magasins

Cet article additionnel relève de 1 000 m² à 2 500 m² le seuil à partir duquel la réouverture au public d’un local non-exploité depuis trois ans ou plus est soumise à une autorisation d’exploitation commerciale donnée par la commission départementale d’aménagement commerciale.

Adopté à l’initiative de M. Benoît Potterie, cet article s’appuie sur le constat que l’obligation d’engager une procédure complète d’autorisation d’exploitation commerciale n’encourage guère la reprise ou la rénovation des bâtiments existants. Le relèvement de ce seuil doit donc permettre d’accélérer la réouverture de commerces, notamment dans les centres-villes subissant une forte vacance commerciale.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE703 et CE704 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. La taxe foncière est l’impôt des propriétaires. L’amendement CE703 consiste donc, dans le respect de la liberté contractuelle, à interdire sa refacturation aux commerçants. Mon second amendement, de repli, limite cette disposition aux bailleurs sociaux, qui doivent, de par leurs missions, participer à la revitalisation de nos centres-villes et donc veiller à ce que nos commerçants ne soient pas étranglés de taxes et d’impôts.

Je dédicace cet amendement à ma boulangère qui me parle de ce sujet tous les matins ! (Sourires.)

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. S’agissant des taxes, impôts et redevances, un point d’équilibre a été trouvé par le décret en Conseil d’État du 3 novembre 2014. La contribution économique territoriale doit rester à la charge du bailleur mais « peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière » car le locataire a bien l’usufruit du local et ne subit pas de double imposition.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Malgré une pensée chaleureuse pour Mme la boulangère de M. le député, mon avis sera également défavorable !

M. le président Roland Lescure. Nous la remercions pour ce qu’elle fait pour votre bien-être tous les matins, monsieur Reda !

Mme Laure de La Raudière. M. Reda pourrait peut-être nous faire découvrir les qualités gustatives de ses croissants lors de la séance publique. Nous aurons du temps !

M. Thibault Bazin. Juvisy n’est pas très loin et nous savons tenir nos promesses !

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CE1417 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement propose diverses mesures visant à permettre le retour sur le marché des logements des locaux inhabités en étages de commerce. La problématique est réelle dans nos cœurs de villes, du fait de l’interdiction des baux tout immeuble ou de l’interdiction de condamner les issues aux étages.

Cet amendement s’inspire des mesures contenues dans la proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, fruit d’un travail transpartisan au Sénat.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Cet amendement contient de nombreuses mesures de nature très différente.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Par principe, je suis toujours très favorable aux travaux du Sénat… Mais pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, je suis défavorable à votre amendement.

M. le président Roland Lescure. Nous le dirons à M. Mézard !

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement CE1419 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je crains que cet amendement ne subisse le même sort que le précédent… Il propose d’expérimenter un nouveau contrat de mise à disposition de local commercial, révolutionnaire mais très encadré : plus souple que le bail commercial – sa durée est négociée entre les parties –, sans droit au bail et dont la redevance serait proportionnelle au chiffre d’affaires, ce contrat permettrait une gestion plus active de locaux commerciaux dans le cadre d’une redynamisation commerciale et fournirait un cadre adapté pour de nouveaux commerçants souhaitant s’installer dans une zone fragile. Il s’agirait donc d’un dispositif gagnant-gagnant.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je n’en ai pas la même lecture que vous : il n’est pas sûr que ce nouveau bail soit plus souple que le bail commercial. Certes, vous supprimez le droit au bail, mais les relations financières entre bailleur et locataire sont particulièrement complexifiées.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis toujours intéressé par les idées disruptives et les propositions d’expérimentation de M. Bazin. Mais, en l’état, je suis défavorable à son amendement. Nous devons au préalable évaluer l’impact de ces nouvelles dispositions sur les commerces existants.

Mme Laure de La Raudière. Je ne me prononcerai pas sur la rédaction de l’amendement, mais la proportionnalité du loyer au chiffre d’affaires est un excellent système dans les villes et les communes en désertification commerciale. Une commune de ma circonscription verse une subvention aux propriétaires durant les six premiers mois du bail. C’est intéressant : cela permet d’attirer des commerces dans les centres-bourgs, de réduire les locaux vacants et d’éviter aux commerçants une trop grande prise de risque au démarrage du projet, tout en assurant au bailleur un loyer proportionnel au chiffre d’affaires – plafonné – lorsque l’activité démarre.

M. Stéphane Peu. Nous avons également expérimenté un dispositif de ce type par le biais d’une société d’économie mixte (SEM) gestionnaire de baux commerciaux. C’est effectivement intéressant. En effet, le pas-de-porte dissuade beaucoup de commerçants de s’installer, d’autant plus que les banques qui ne jouent pas leur rôle et ne prêtent qu’aux commerçants disposant de toutes les garanties. Cette solution permet de compenser l’absence de prise de risque des banques.

M. le président Roland Lescure. Ce n’est pas ma conception des banques, mais c’est peut-être votre pratique.

M. Thibault Bazin. Ce sujet est d’une importance majeure et mérite que l’on y réfléchisse. Il fait consensus au Sénat et sera donc probablement intégré à la proposition de loi précitée. En commission mixte paritaire (CMP), je suis sûr que les administrateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat auront à cœur de trouver une solution !

M. le président Roland Lescure. Je vous remercie de nous préparer à la CMP !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE1179 de Mme Célia de Lavergne et CE1391 de M. Benoît Potterie.

Mme Célia de Lavergne. L’amendement CE1179 fait suite aux débats qui ont occupé notre commission lors de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable. Nous avons constaté qu’avant 2008, l’autorisation préalable de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) pour l’installation d’une surface commerciale était requise dès 300 mètres carrés. La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie l’a fait passer à 1 000 mètres carrés.

Or la guerre des prix entre grands distributeurs a créé un système préjudiciable à nos agriculteurs. Nous vous proposons de revenir à ce seuil de 300 mètres carrés, de manière à mieux contrôler l’implantation de surfaces commerciales – en particulier de la grande distribution – et, en conséquence, l’implantation commerciale dans les centres-villes, afin d’assurer leur revitalisation.

M. Benoît Potterie. Notre amendement CE1391 vise à faciliter la réouverture au public des locaux commerciaux non exploités depuis trois ans ou plus, en relevant le seuil d’autorisation préalable de la CDAC pour l’installation d’une surface commerciale.

J’y vois deux avantages : d’une part, lutter contre l’extension parfois démesurée des surfaces commerciales en périphérie des villes au détriment des surfaces agricoles – il est souvent plus simple pour un commerçant d’intégrer un programme neuf que de rénover une surface existante ; d’autre part, lutter contre la vacance commerciale dans les centres-villes, ce qui contribuera à la fois à la lutte contre leur désertification mais aussi contre la dégradation du bâti.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les deux amendements sont complètement différents, mais je suis défavorable aux deux.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable à l’amendement CE1179, qui abaisse le seuil d’intervention de la CDAC, mais favorable au CE1391, qui l’augmente.

M. Benoît Potterie. Mon amendement vise à éviter les « dents creuses » en centre-ville et la construction de nouvelles surfaces commerciales en périphérie, alors que des surfaces vacantes existent.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je me range à l’avis du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement CE1179.

Elle adopte l’amendement CE1391.

Puis elle examine l’amendement CE1561 de M. Benoît Potterie.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement comporte une importante difficulté : il ne vise que les entrepôts destinés à la vente électronique – entrepôts d’Amazon, par exemple – et non les autres – comme ceux de Darty –, qui ont pourtant le même besoin d’espace urbain.

L’amendement est retiré.

Article 54 ter (nouveau)
Expérimentation autorisant létablissement public national daménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) à intervenir dans les opérations de revitalisation de territoire

Cet article additionnel, adopté à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, a pour objet de permettre à l’établissement public national pour l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) d’intervenir, après accord des collectivités territoriales concernées et sous une forme expérimentale, au titre de la maîtrise d’ouvrage de projets urbains commerciaux réalisés dans le cadre d’une opération de revitalisation de territoire (ORT).

Cette extension du champ d’intervention de l’EPARECA, actuellement limité aux quartiers relevant de la politique de la ville (QPV), permettrait aux collectivités ne disposant pas de compétences en ingénierie de projet de disposer d’une expertise technique et opérationnelle.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1612 de M. Benoît Potterie et CE2800 de la commission des lois.

M. Benoît Potterie. L’amendement CE1612 a pour objectif de permettre à l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) d’intervenir dans les territoires concernés par les opérations de revitalisation de territoire, lorsque cela s’avère nécessaire. Le travail de l’EPARECA a permis de redonner de la vie aux quartiers concernés par son action.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. L’amendement CE2800 a été déposé dans le même esprit, mais nous proposons une expérimentation. Des moyens seront probablement débloqués pour opérer des restructurations commerciales en centre-ville, mais l’expertise de ces moyens n’est pas forcément présente sur l’ensemble du territoire. L’EPARECA dispose de cette expertise ; il serait dommage de ne pas en faire profiter les centres-villes concernés par les ORT.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement CE2800 propose une expérimentation et le CE1612 une mesure générale. Je suis favorable à ce dernier.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable aux deux amendements.

M. François Pupponi. Je peux comprendre la logique de ces amendements, mais cette disposition sera-t-elle mise en œuvre à budget constant pour l’EPARECA ? Si on lui demande de travailler trois fois plus à budget constant, il n’aura plus aucun moyen pour personne ! Cet organisme a déjà du mal à travailler dans les quartiers…

Mme Laure de la Raudière. Il n’y a pas d’argent !

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’est la raison pour laquelle une expérimentation nous a semblé préférable, d’autant que nous souhaitions éviter le couperet de l’article 40 de la Constitution. Notre but n’est pas simplement de faire intervenir l’EPARECA, mais qu’il aide à l’émergence d’outils locaux.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je vais me ranger à la sagesse de M. Pupponi. L’expérimentation serait sans doute préférable.

M. Benoît Potterie. C’est une question de volonté politique : si l’on veut dynamiser les centres-villes et favoriser le commerce grâce aux ORT, il faut s’en donner les moyens ! Je maintiens mon amendement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. M. Pupponi a raison. C’est pourquoi je suis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette l’amendement CE1612.

Elle adopte l’amendement CE2800.

Article 54 quater (nouveau)
(article L. 425-4 du code de lurbanisme)
Demande séquencée dautorisation commerciale et dautorisation durbanisme

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de votre rapporteur. Aujourd’hui, les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) qui requièrent un permis de construire bénéficient d’un guichet unique : le porteur de projet ne dépose qu’un seul dossier, portant à la fois sur la demande de permis de construire et sur la demande d’autorisation d’exploitation commerciale.

Lorsque la commission départementale d’aménagement commerciale (CDAC) émet un avis favorable sur la demande de permis de construire (sur son volet commercial), cette dernière est ensuite examinée dans les conditions de droit commun par le maire ou par le président de l’EPCI, sur son volet urbanistique : en cas d’avis favorable, le permis de construire vaut également autorisation d’exploitation commerciale.

Cependant, en cas d’avis défavorable de la CDAC sur la demande de permis, ni l’AEC ni le permis ne sont accordés (sous réserve du recours devant la commission nationale – CNAC). Cela peut être source d’une précieuse perte de temps et de ressources pour le porteur de projet : il aura dû réunir toutes les pièces d’une demande de permis de construire, alors que sa demande risque d’être rejetée par la CDAC, qui ne porte que sur le volet commercial.

Dans un souci de souplesse, cet amendement a pour objet, sans remettre en cause le guichet unique, de prévoir que la CDAC (et, le cas échéant, la CNAC), ne se prononce qu’à partir des pièces nécessaires à l’exercice de ses fonctions. En cas d’avis favorable, le porteur de projet produit les autres pièces nécessaires à la fin de l’instruction de sa demande de permis de construire.

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*     *

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1659 du rapporteur et CE1506 de M. Benoit Potterie.

M. Richard Lioger, rapporteur. Les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) qui requièrent un permis de construire bénéficient d’un guichet unique : le porteur de projet ne dépose qu’un seul dossier, portant à la fois sur la demande de permis de construire et sur la demande d’autorisation commerciale. Lorsque la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) émet un avis favorable sur la demande de permis de construire, celle-ci est ensuite examinée dans les conditions de droit commun par le maire ou par le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sous son angle urbanistique. Le permis de construire vaut alors également autorisation d’exploitation commerciale. En cas d’avis défavorable de la CDAC, ni le permis de construire ni l’AEC ne sont accordés. Cela peut conduire à perdre un temps précieux, ainsi que des ressources. On doit réunir toutes les pièces de la demande de permis de construire, y compris en matière d’utilisation des sols, alors que le dossier risque de ne pas franchir l’étape de la CDAC. Dans un souci de souplesse, et sans remettre en cause l’existence d’un guichet unique, l’amendement CE1659 prévoit que la CDAC ne se prononce que sur la base des pièces requises pour l’exercice de ses missions. En cas d’avis favorable, le porteur de projet produira celles qui sont nécessaires pour la fin de l’instruction de la demande de permis de construire.

M. Benoit Potterie. L’objet de mon amendement est de créer un permis séquencé. Concrètement, on déposera dans un premier temps la demande d’AEC, puis l’intégralité du dossier si la première étape est couronnée de succès. Cette mesure de simplification permettra un gain de temps et d’argent pour tous les acteurs. Les services des collectivités gagneront du temps, car ils auront moins de dossiers à étudier : ils n’auront à se prononcer que sur ceux déjà validés par la CDAC ou par la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), en cas de recours. Grâce à cette mesure, les demandeurs éviteront d’investir à fonds perdus dans des études et la constitution du volet urbanistique des dossiers de permis de construire pour des projets rejetés après examen de leur volet commercial.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je propose le retrait de l’amendement CE1506, puisqu’il sera satisfait si le mien est adopté.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis défavorable aux deux amendements. Je pense que l’on rallongerait plutôt les délais en revenant sur ce qui a été fusionné en 2014.

La commission adopte l’amendement CE1659.

En conséquence, l’amendement CE1506 tombe.

Article 54 quinquies (nouveau)
(article L. 214-2-1 [nouveau] du code de lurbanisme et article 19 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à lartisanat, au commerce et aux très petites entreprises)
Pérennisation des contrats de revitalisation artisanale et commerciale

Cet article additionnel, adopté à l’initiative de votre rapporteur, a pour objet de pérenniser le dispositif expérimental des contrats de revitalisation artisanale et commerciale (CRAC), lancé par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

Le CRAC permet en particulier aux autorités compétentes de désigner un opérateur unique (société d’économie mixte, société publique locale, par exemple) afin de procéder au rachat de fonds de commerce, à leur rénovation, à leur location et, in fine, à leur vente au locataire. Cet opérateur peut également se voir déléguer, si nécessaire, le droit de préemption ou d’expropriation des fonds de commerce.

Les premières utilisations réussies de cet outil contractuel justifient sa pérennisation.

*

*     *

La commission examine l’amendement CE1660 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je vous propose de pérenniser le dispositif expérimental des contrats de revitalisation artisanale et commerciale. Ils ont pour objet de favoriser la diversité, le développement et la modernisation des activités dans des secteurs se caractérisant soit par une disparition progressive des activités commerciales, soit par un développement de la mono-activité au détriment des commerces et des services de proximité, soit par une dégradation de l’offre commerciale, et de contribuer à la sauvegarde et à la protection du commerce de proximité.

Ces contrats précisent les obligations de chacune des parties. Doivent ainsi être mentionnés l’objet du contrat, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé ou modifié, le périmètre géographique d’intervention de l’opérateur, les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par la collectivité territoriale ou le groupement ainsi que les conditions financières de réalisation de l’opération.

L’élaboration du projet de contrat de revitalisation artisanale et commerciale fait l’objet d’une concertation dans les conditions prévues à l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme. La chambre de commerce et d’industrie territoriale et la chambre de métiers et de l’artisanat dont le ressort correspond au périmètre géographique d’intervention qui est envisagé pour l’opérateur, ainsi que le président de l’établissement public ou du syndicat mixte mentionné à l’article L. 122-4, sont associés à l’élaboration du contrat de revitalisation artisanale et commerciale.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je vous propose de retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE2799 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement concerne le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), qui a notamment pour mission d’apporter à l’État et aux acteurs territoriaux un appui en matière d’ingénierie et d’expertise technique pour les projets d’aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire ou une forme de solidarité. Comme l’a souligné un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), cet établissement souffre d’un manque d’informations fiables et actualisées en provenance des territoires. C’est pourquoi nous proposons que le CEREMA s’appuie davantage sur les données produites par un réseau d’observatoires des évolutions socio-économiques et environnementales dans les bassins de vie. L’article 40 de la Constitution ne nous permet pas d’aller plus loin, mais nous espérons que le Gouvernement soutiendra l’objectif et complètera éventuellement cette mesure qui constituera déjà une première avancée pour assurer une meilleure information au niveau local et au plan national.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Thibault Bazin. Le CEREMA est en grande difficulté : il y a une grave inquiétude sur sa gouvernance, et les moyens votés dans le cadre du dernier projet de loi de finances étaient en régression. Il y a là une expertise indéniable qu’il ne faudrait pas perdre, surtout si l’on veut de l’efficacité dans l’utilisation des deniers publics, mais je ne vois pas en quoi cet amendement va aider le CEREMA et ses employés.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Vous avez raison de souligner que le CEREMA réalise un travail formidable – c’est d’autant plus vrai que nous avons introduit beaucoup de modifications dans son champ d’activité. Je réitère néanmoins mon avis défavorable à l’amendement.

M. François Pupponi. Il y a tout de même quelque chose qui me gêne. Si le Gouvernement ne crée pas une structure spécifique pour accompagner les projets, faire de l’ingénierie et aider les élus locaux, et qu’il faut se tourner vers diverses structures qui sont déjà à bout de souffle et connaissent des difficultés financières, que ce soit l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), on n’y arrivera pas. Je pense qu’il faudrait, à terme, créer un outil d’aide à la décision pour les collectivités locales. On doit s’y prendre autrement qu’en décidant, un vendredi soir à 22 heures 30, de ponctionner le travail des uns ou des autres.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le cas : nous avons préalablement étudié cette disposition en commission des lois. Je ne sais pas ce que voudra faire le Gouvernement afin de créer, éventuellement, un outil intégré, mais il existe déjà une expertise et il faut la renforcer. C’est l’objet de l’amendement, conformément à ce que préconisait le rapport conjoint de l’IGF et du CGEDD.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je voudrais répondre à la très judicieuse intervention de François Pupponi. Lors des auditions, des directeurs d’offices HLM nous ont dit qu’ils sont tout à fait prêts à nous aider à faire des opérations de revitalisation des centres‑villes lorsqu’ils peuvent être chefs de file. D’autres structures ont également une compétence reconnue, comme les sociétés d’économie mixte. Les collectivités locales ne sont donc pas dépourvues d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le Président de la République a annoncé au mois de juillet dernier la création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, que nous en sommes en train de mettre sur pied – une préfiguration est en cours. Elle aura pour mission de travailler en mode projet et d’être au service des élus locaux, auxquels elle apportera l’ingénierie nécessaire. Je crois que cela répond à l’inquiétude exprimée par M. Pupponi.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1580 de M. Benoit Potterie.

M. Benoit Potterie. Je propose que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la pertinence d’une extension du dispositif dit « Pinel » aux cœurs des villes moyennes. La fin de la défiscalisation liée à ce dispositif dans les zones B2 a contribué à bloquer beaucoup de chantiers dans les centres des villes moyennes, ce qui participé à leur dévitalisation. C’est un enjeu de société, et l’absence de tension sur le marché ne signifie pas qu’il n’y a pas de besoins : les projets de construction dans les villes moyennes ne sont pas abandonnés faute de demande mais plutôt en raison des contraintes financières et normatives. Par cet amendement d’appel, je demande une correction des déséquilibres grâce une incitation fiscale qui reposerait sur une extension du dispositif « Pinel » aux zones classées B2 et situées dans le périmètre des opérations de revitalisation de territoire (ORT) prévues à l’article 54.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable. Un rapport de la Cour des comptes a souligné que le dispositif « Pinel » est insuffisamment ciblé et n’a pas fait la preuve de son efficacité.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je souhaite le retrait de cet amendement. Nous avons largement débattu du dispositif « Pinel » à l’occasion de la dernière loi de finances : c’est un sujet qui fait l’objet d’un suivi très attentif de notre part. Nous sommes en train de refaire le zonage de tout le dispositif.

L’amendement est retiré.

La commission en vient ensuite à l’amendement CE1581 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Luc Lagleize. Je crois que je vais me tailler un beau succès en vous proposant qu’un autre rapport nous soit remis par le Gouvernement (Sourires) : il porterait sur le guichet unique pour toutes les demandes d’autorisation d’urbanisme et les formalités de contrôle relatives à l’exploitation d’activités commerciales.

M. Richard Lioger, rapporteur. Un tel rapport a déjà été réalisé par l’Association des maires de France (AMF) et l’Assemblée des communautés de France (ADCF) : il s’intitule « Instruction des autorisations d’urbanisme, les enjeux d’une nouvelle organisation locale ». Je vous suggère donc de retirer votre amendement, qui est satisfait.

M. Jean-Luc Lagleize. Est-ce un rapport régulier ou ponctuel ?

M. Richard Lioger, rapporteur. Il est ponctuel à ma connaissance.

M. Jean-Luc Lagleize. Nous aurons besoin d’un rapport sur l’application de la présente loi.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE1622 de M. Bruno Duvergé.

M. Jean-Luc Lagleize. Je vous propose la remise d’un autre rapport au Parlement, cette fois sur la revitalisation des bourgs-centres et des villes rurales, dans un délai d’un an après la publication de la loi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ces zones font déjà fréquemment l’objet de rapports. Par ailleurs, le Gouvernement travaille sur un plan national de revitalisation des territoires ruraux. Des expérimentations sont en cours, notamment dans la Creuse.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je reviens un instant sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), car on sait ce qui s’est passé ces dernières années. Nous avons rectifié la situation avec l’aide du Parlement en remédiant à des dispositions votées en 2015 avec effet au 1er juillet 2017 : un peu plus de 3 000 communes avaient été sorties des ZRR, et un nombre équivalent avait été ajouté à la liste, selon des critères extrêmement contestables. Nous avons tout remis à plat. J’attire quand même l’attention de votre assemblée sur le fait que plus de 16 000 communes se trouvent en ZRR à l’heure actuelle, sur un total d’environ 35 000. Il est important qu’il y ait un travail et une réflexion – mais pas nécessairement sous la forme d’un rapport du Gouvernement, cela peut être une mission d’information – pour redéfinir les critères et mieux cibler ce que doivent être les ZRR.

M. Jean-Luc Lagleize. Je remercie le ministre de nous avoir parlé des ZRR, même si, pour ma part, je n’y ai absolument pas fait référence. Je demande simplement qu’un rapport nous soit remis sur l’action prévue dans les cœurs de ville, notamment après le refus opposé par le Gouvernement sur la question de la CDAC.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous n’allons pas faire un rapport sur une action qui n’est pas encore enclenchée.

La commission rejette l’amendement.


 

Chapitre II
Rénovation énergétique

Article 55
(article L. 111-10-3 du code de la construction et de lhabitation)
Rénovation énergétique des bâtiments

Cet article a fait lobjet dune délégation au fond à la commission du développement durable et de laménagement du territoire, saisie pour avis (voir lavis n° 881).

*

*     *

M. le président Roland Lescure. Je rappelle que cet article a fait l’objet d’une délégation au fond à la commission du développement durable. Nous devons quand même voter sur ces amendements, mais aucun autre ne pouvait être déposé au sein de notre commission.

La commission examine l’amendement CE40 de la commission du développement durable.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement vise à préciser que les objectifs de réduction de la consommation d’énergie des bâtiments à usage tertiaire fixés par le présent article portent sur l’énergie finale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. C’est bien de l’énergie finale qu’il est question.

Mme Célia de Lavergne. Ne pourrions-nous pas suivre la même méthode que celle suivie par la commission du développement durable lors de l’examen de la loi n° 2017-1839 dite loi « Hulot » en examinant en bloc les amendements de la commission ayant reçu délégation au fond, au lieu de les prendre un par un ? Cela nous permettrait d’avancer plus vite, si la rapporteure pour avis et tous les députés ici présents en sont d’accord.

M. le président Roland Lescure. Nous devrons les voter les uns après les autres, mais je vais demander globalement au rapporteur puis au Gouvernement s’il y a des amendements adoptés par la commission du développement durable auxquels ils sont défavorables.

M. Richard Lioger, rapporteur. En ce qui me concerne, il n’y en a pas.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable à tous ces amendements, sauf le CE52, dont je souhaiterais le retrait. C’est celui qui vise à développer la récupération et la réutilisation de la chaleur produite par les bâtiments. Vous savez que les objectifs fixés à l’heure actuelle ne concernent que les émissions, et non la production.

La commission adopte successivement les amendements CE40 à CE60 de la commission du développement durable.

Puis elle adopte l’article 55 modifié.

Article 55 bis (nouveau)
(article L. 111-9 du code de la construction et de lhabitation)
Caractéristiques énergétiques et environnementales des bâtiments neufs

La législation actuelle ne prévoit pas les objectifs auxquels doit répondre la réglementation environnementale du bâtiment neuf et se limite à une approche prescriptive renvoyant à un texte réglementaire.

L’amendement adopté par la commission fixe les critères dont l’administration devra tenir compte dans la production réglementaire. Il précise notamment que le décret devra déterminer les exigences en matière de qualité de l’air intérieur des bâtiments ainsi qu’en matière de recours à des matériaux renouvelables d’origine biosourcée ou d’incorporation de matériaux issus du recyclage.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE2438 de M. François Pupponi.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable. Cet amendement, qui vise à faciliter l’isolation par l’extérieur, porterait atteinte au droit de propriété privée.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je comprends qu’un décret est paru en 2016, mais je n’ai pas en tête le retour sur expérience. Je vous propose donc de retirer l’amendement afin que l’on puisse expertiser la question et en reparler en séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1324 et CE1326 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. L’amendement CE1324 vise à conditionner le démarchage des consommateurs en vue de réaliser des opérations éligibles aux certificats d’économie d’énergie (CEE) à la conclusion d’une convention avec une plateforme territoriale de la rénovation énergétique ou, à défaut, une collectivité territoriale, afin qu’une information complète soit systématiquement délivrée sur ce sujet. Il existe des entreprises intermédiaires extrêmement vertueuses, qui réalisent un travail d’information neutre en s’efforçant d’être exhaustives dans leurs propositions de rénovation. D’autres entreprises intermédiaires pourraient en revanche préconiser des solutions orientées et partiales. Avec l’augmentation du nombre de CEE délivrés, il existe un risque réel. Afin de s’en prémunir, il serait intéressant qu’il y ait une contractualisation avec les collectivités, suivant une logique qui n’est pas celle de la contrainte mais du partage d’informations, au service de l’efficacité des politiques publiques.

L’amendement CE1326 porte sur le même sujet. Un professionnel contactant un consommateur pour lui proposer un contrat de vente d’un bien ou de fourniture d’un service permettant de bénéficier d’un CEE devra préciser qu’il existe une structure chargée de délivrer une information gratuite et indépendante dans ce domaine. L’objectif est d’utiliser la force de communication du secteur privé afin de promouvoir le service public de la performance énergétique de l’habitat. C’est un peu comme le message « parlez-en à votre médecin », en ce qui concerne les médicaments. Cet amendement permettra, de manière très pragmatique, d’éviter de dépenser des sommes colossales pour informer nos concitoyens de l’existence de ce service public tout en augmentant considérablement son activité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je souhaiterais le retrait de cet amendement. Le plan de rénovation énergétique des bâtiments qui a été présenté par le Gouvernement me paraît davantage de nature à garantir que les ménages bénéficieront d’une information neutre et gratuite.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis sur ces deux amendements.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je voudrais dire au rapporteur que mes amendements visent à assurer un renvoi vers le service public créé par la loi. Les entreprises privées devront dire qu’une information neutre est proposée par l’État – elles-mêmes ne le font pas nécessairement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’objectif de votre premier amendement est louable, mais demander à chaque entreprise de passer une convention avec l’État me paraît disproportionné. Le deuxième amendement prévoit que les entreprises informent les particuliers de l’existence d’un dispositif qui est en cours d’évolution : cela me paraît hasardeux.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Pardon d’insister, mais la contractualisation pourrait simplement prendre la forme d’une prise de contact entre les entreprises privées et les collectivités. Les entreprises s’efforcent déjà de le faire : en réalité, l’amendement vise plutôt à inciter les collectivités à les recevoir, ce qui n’est pas nécessairement le cas. L’idée est de combiner l’action des uns et des autres. Appeler les gens pour leur dire qu’il est bien de rénover, c’est positif par principe, mais on pourrait mieux territorialiser la prospection téléphonique afin d’assurer une meilleure coordination. Par exemple, des travaux massifs de rénovation peuvent avoir été réalisés dans un quartier, avec des crédits publics, tandis que les bâtiments alentour restent délabrés : les voisins ont envie de rénover, eux aussi, et il faut les informer sur les moyens existants.

M. le président Roland Lescure. Merci de veiller à la concision de vos interventions : essayons de nous en tenir à une minute par amendement défendu.

M. Thibault Bazin. Je comprends bien les intérêts en jeu, mais je ne vois pas le rapport entre l’amendement et ce projet de loi. Par ailleurs, chacun doit se contraindre à ne pas s’exprimer cinq minutes à chaque fois… Nos collègues Pupponi et Peu le font notamment.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE2838 du rapporteur.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement précise les intentions du législateur, dont l’administration devra tenir compte, en ce qui concerne la réglementation environnementale des bâtiments neufs. Il faudra notamment déterminer par décret les exigences à respecter pour la qualité de l’air intérieur.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE1322 de Mme Marjolaine MeynierMillefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Le décret sur le logement décent n’a pas défini concrètement ce qui l’est ou non. Mon amendement vise à y contribuer en lien avec l’objectif d’éradication des « passoires thermiques » d’ici dix ans, qui figure dans le plan de rénovation énergétique des bâtiments.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Je préférerais que l’on renforce le diagnostic de performance énergétique (DPE).

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Article 55 ter (nouveau)
(article L. 111-10-5 du code de la construction et de lhabitation)
Carnet numérique dinformation, de suivi et dentretien du logement

L’article 11 de loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([103]) a institué un premier outil de suivi et d’information sur l’état du logement, rendu obligatoire pour toute construction neuve soumise au statut de la copropriété dont le permis de construire a été déposé à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation à compter du 1er janvier 2025.

L’amendement adopté par la commission rend opérationnel ce dispositif. Il prévoit que le carnet numérique est un service en ligne (site internet, application...) dont l’objectif est d’assurer le suivi et l’entretien du bâtiment dans le temps et le maintien de la connaissance relative aux modifications qui interviennent sur le bâti. En outre, il étend le champ des travaux visés par le texte initial à l’ensemble des travaux structurants pour le bâtiment et non plus seulement à ceux qui permettent une amélioration de la performance énergétique.

*

*     *

La commission est ensuite saisie de l’amendement CE2194 de M. Mickaël Nogal.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. La loi de transition énergétique pour la croissance verte a créé un « carnet numérique » dont l’application doit faire l’objet d’un décret. Les onze expérimentations qui ont été engagées ont porté leurs fruits : elles montrent que ce dispositif fonctionne. Nous devons maintenant le mettre en œuvre de manière effective afin d’assurer la transition énergétique des bâtiments et leur rénovation.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je souhaite le retrait de l’amendement. C’est un sujet qui fait l’objet de débats juridiques sur lesquels nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’échanger, madame la députée.

M. Mickaël Nogal. Il s’agit d’une très belle avancée qui permettra d’améliorer le logement sur le plan énergétique en constituant un vrai historique, grâce à une sorte carnet de vie. Les membres du groupe La République en Marche voteront cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE312 de M. Vincent Descoeur.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable. La charte des bâtiments connectés, qui a été récemment conclue, permet déjà un suivi.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. J’en suis d’autant plus fier que c’est moi qui l’ai signée pour le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CE1597 de M. André Chassaigne, CE2182 de Mme Isabelle Florennes, CE2426 de M. François Pupponi et CE2555 de Mme Isabelle Florennes.

M. le président Roland Lescure. Vous direz à M. Chassaigne que je suis un peu déçu qu’il ne soit pas venu défendre lui-même son amendement – il nous avait fait cet honneur pour la loi sur l’alimentation. (Sourires.)

M. Stéphane Peu. Je vais essayer d’être à la hauteur. André Chassaigne est très sensible à la problématique des colonnes montantes, qui est très importante sur le plan de la sécurité. L’amendement CE1597 propose une alternative : soit les colonnes montantes restent dans le cadre des copropriétés, qui doivent alors réaliser les travaux de mise aux normes, soit elles font l’objet d’un conventionnement avec une société gestionnaire de réseaux de transport d’électricité, ce qui permettra d’alléger la charge financière de la rénovation.

Mme Isabelle Florennes. L’amendement CE2182 propose une définition des branchements collectifs d’électricité et un cadre très clair pour leur prise en charge, leur entretien et leur rénovation dans les immeubles d’habitation. Cette question fait l’objet d’un contentieux croissant depuis plusieurs années. Certains ouvrages se trouvent en effet dans un état de vétusté avancée et présentent un véritable danger. Le schéma qui vous est proposé doit permettre d’assurer un transfert global vers les autorités organisatrices de la distribution d’électricité. Selon une analyse réalisée par le CGEDD et un inventaire d’Enedis, il existe 1,6 million de colonnes montantes, dont environ 50 % sont hors concession. Selon le CGEDD, 90 % des colonnes peuvent être considérées comme étant en bon état de fonctionnement : seuls 10 % nécessiteraient donc des travaux de mise en sécurité, que l’on peut chiffrer, sur la base d’un coût unitaire de 10 000 euros et d’un volume annuel de 16 000 colonnes traitées, à environ 160 millions par an, ce chiffre étant à rapprocher des 13,5 milliards d’euros de recettes d’ENEDIS.

À titre de repli, l’amendement CE2555 demande que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er janvier prochain, un rapport sur les modalités de mise en œuvre de la rénovation des colonnes montantes.

M. Richard Lioger, rapporteur. Tous ceux qui connaissent cette question comprennent bien la nécessité d’y travailler. Je vous demande de retirer ces amendements afin de les expertiser.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’ai été très sensible à l’argumentation de M. Peu. Nous souhaitons néanmoins le retrait de ces amendements, car un travail interministériel doit être conduit dans les jours qui viennent pour évaluer les diverses options qui s’offrent à nous en vue de vous proposer une solution en séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CE1081 de M. Anthony Cellier.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un outil de mesure de la classe énergétique des biens immobiliers qui a été créé en 2007, c’est-à-dire il y a un peu plus de dix ans, ce qui nous permet d’avoir un certain recul. L’intérêt de ces diagnostics est limité puisqu’ils n’ont qu’une valeur informative, alors qu’ils pourraient servir d’outil pour valoriser les biens et pour inciter les bailleurs, ou les propriétaires, à engager des travaux visant à accroître la performance énergétique des logements. Le rôle des DPE est presque contre-productif : compte tenu de leur valeur seulement informative, il peut y avoir des différences considérables entre les évaluations, et il arrive même que certains diagnostics soient réalisés par téléphone. L’amendement CE1081 vise à responsabiliser les acteurs de la vente et de la location de logements en rendant les DPE opposables et en les fiabilisant.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement. Une démarche de fiabilisation est déjà en cours.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position. Il y a en effet une revue de ce dispositif – vous y participez d’ailleurs, madame la députée.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Puisqu’une démarche de fiabilisation a été engagée, il est dommage que les DPE restent purement informatifs.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les travaux devraient être finalisés courant 2019 : il me paraît préférable de légiférer à ce moment-là.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je retire l’amendement, mais nous reviendrons plus tard sur ce sujet.

L’amendement est retiré.

Article 55 quater (nouveau)
(article L. 302-1 du code de la construction et de lhabitation)
Programme local de lhabitat (PLH) et performance énergétique

L’amendement, proposé par le rapporteur, prévoit que le programme local de l’habitat (PLH) définit les objectifs et les principes d’une politique visant à améliorer la performance énergétique de l’habitat. Il précise que le PLH devra indiquer les actions à mener en vue de l’amélioration et de la réhabilitation, notamment énergétique, du parc existant.

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M. Richard Lioger, rapporteur. Je propose que les programmes locaux de l’habitat (PLH) définissent, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d’une politique visant à améliorer la performance énergétique de l’habitat.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE1266 de Mme Marjolaine MeynierMillefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Cet amendement tend à reprendre les conclusions de la mission conduite par Michel Piron et Benoît Faucheux sur le service public de la performance énergétique de l’habitat. Dans le contexte du plan de rénovation lancé par le Gouvernement, qui doit massifier l’information délivrée à nos concitoyens, nous devons définir plus clairement dans la loi ce qu’est ce service public. L’amendement demande aussi au Gouvernement de nous présenter un rapport sur le modèle économique et le financement du dispositif. Il faut travailler sur ces deux points avant l’examen du projet de loi de finances afin de rendre cette mesure réellement effective.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ce serait aller un peu trop loin que d’associer ce service public au contrôle des règles de la construction. Par conséquent, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Nous en reparlerons lors de la discussion du prochain projet de loi de finances. Je ne pense pas que cela doit figurer dans le texte que vous examinez aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement.

Article 55 quinquies (nouveau)
(article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013)
Prolongation de lexpérimentation sur la tarification sociale de l’eau potable

Cinquante collectivités ont été volontaires pour mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau potable proposée par la loi du 15 avril 2013 dite « loi Brottes » ([104]). Cette expérimentation doit s’achever le 15 avril 2018.

La commission a jugé que certains éléments justifiaient une prorogation de l’expérimentation. D’une part, les délais d’établissement d’une telle tarification, compte tenu de l’existence de nombreux tarifs, ont pu amener pour certains un retard dans la mise en œuvre de cette expérimentation. D’autre part, la mise en place dans les EPCI d’une convergence vers un tarif unique de l’eau rend plus complexe l’évaluation de la tarification solidaire.

L’amendement, déposé par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, adopté proroge donc l’expérimentation jusqu’en 2021 pour laisser aux collectivités territoriales volontaires toute la latitude nécessaire pour mener à bien une expérimentation particulièrement utile.

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Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. La loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite « loi Brottes », a permis aux collectivités territoriales de mener une expérimentation sur la tarification sociale de l’eau potable, qui devait s’achever le 15 avril 2018. Une cinquantaine de collectivités se sont engagées dans une telle démarche, mais du retard a été pris. C’est pourquoi le présent amendement vise à prolonger cette expérimentation très intéressante jusqu’au 15 avril 2021.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement CE1318 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Mon amendement a pour objet de préciser le décret sur le logement décent. Je l’ai dit : on ne sait toujours pas ce qui constitue un logement indécent.

M. Richard Lioger, rapporteur. J’émets un avis défavorable. Depuis le 1er janvier 2018, les propriétaires ne peuvent plus louer un logement s’il présente des défauts importants d’étanchéité et de déperdition thermique ou si l’une des pièces ne présente aucun moyen d’aération.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement, sinon je donnerai un avis défavorable. C’est un sujet complexe, notamment parce que des centaines de milliers de logements sortiraient du marché. Dans la situation actuelle, votre amendement ne peut pas être adopté.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je le retire afin de le préciser en tenant compte des explications du ministre.

L’amendement CE1318 est retiré.

Article 55 sexies (nouveau)
Expérimentation dune stratégie territoriale de résorption de la précarité énergétique

La commission a adopté un amendement, sous-amendé par le rapporteur, permettant aux collectivités territoriales volontaires de mettre en place, à titre expérimental, une stratégie territoriale de résorption de la précarité énergétique. L’amendement adopté vise à coordonner les actions existantes pour lutter contre la précarité énergétique et massifier les opérations de rénovation. Un programme spécifique de certificats d’économie d’énergie pourrait éventuellement être mis en place, comme c’est actuellement le cas pour les territoires lauréats de l’appel à projets « Territoires à énergie positive pour la croissance verte ».

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*     *

La commission examine l’amendement CE1330 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, qui fait l’objet du sous-amendement CE2836 du rapporteur.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, 5,6 millions de ménages sont concernés par ce problème. Le rythme de rénovation des logements reste insuffisant pour atteindre l’objectif qui a été fixé : l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a réalisé 50 000 opérations en 2017 alors qu’il en faudrait 160 000 par an. Nous devons donc passer à une étape supérieure. Dans cette perspective, l’amendement propose de lancer un appel à projets pour désigner plusieurs territoires pilotes où une stratégie de résorption de la précarité énergétique serait expérimentée au plus près du terrain avant une généralisation au plan national.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le sous-amendement que j’ai déposé précise que toutes les collectivités territoriales volontaires pourront participer à l’expérimentation et supprime la demande de rapport au Gouvernement. J’émets un avis favorable à l’amendement de Mme Meynier-Millefert s’il est ainsi sous-amendé.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement sous-amendé.

Chapitre III
Lutte contre lhabitat indigne et les marchands de sommeil

Avant l’article 56

La commission est saisie de l’amendement CE706 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Nous allons arriver au chapitre du projet de loi qui est consacré à la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil. C’est un sujet attendu. M. Peu et moi-même avons fait des propositions au sein de nos groupes politiques respectifs, et nous nous sommes retrouvés d’une manière assez œcuménique pour défendre la proposition de loi déposée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Le problème soulevé par l’amendement est qu’il n’y a pas de définition des marchands de sommeil dans notre droit. À moins, bien sûr, que vous ne préfériez adopter un amendement que j’ai déposé plus loin dans le texte afin d’introduire une définition pénale, je vous propose de supprimer les mots : « et les marchands de sommeil » dans l’intitulé du chapitre III. L’effet aurait été le même si vous aviez écrit : « marchands de rêves » ou « marchands de sable ».

M. Richard Lioger, rapporteur. Ce titre ayant une portée politique plutôt que juridique, il n’est pas gênant de ne pas avoir de définition légale des marchands de sommeil. L’article 56 du projet de loi a clairement pour objet de lutter contre eux.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Vous avez raison de souligner qu’il n’y a pas de définition légale, mais le terme de marchands de sommeil n’est employé que dans le titre du chapitre et il est alors entendu dans son sens usuel. Je pense que cela peut passer.

La commission rejette l’amendement.

Article 56
(article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts)
Présomption de revenus tirés des délits en matière dhabitat indigne

1.   L’état du droit

L’article 1649 quater-0 B bis permet aujourd’hui à l’administration fiscale d’imposer certains revenus présumés au titre de l’impôt sur le revenu. Plus précisément, il s’agit d’une construction juridique qui assimile à un revenu imposable les sommes d’argent tirées du produit direct de certaines infractions répréhensibles et qui, de ce fait, sont présumées dissimulées. Sont également concernés les biens qui sont directement l’objet de ces infractions ou les biens meubles qui ont servi à les commettre ou étaient destinés à les commettre (comme des véhicules acquis pour transporter des substances illicites ou de la contrebande). Ces biens sont alors évalués à leur valeur vénale.

Les infractions concernées, dans le droit existant, sont les crimes et délits de trafic de stupéfiants, les crimes en matière de fausse monnaie (fabrication, falsification, transport, mise en circulation, etc.), les crimes et délits de trafic d’armes, les délits de contrebande d’alcools et de tabac et le délit de contrefaçon. Cette disposition est conçue pour accroître la pression financière sur les personnes coupables de ces infractions, en surcroît des dispositions pénales applicables.

Selon les données de la direction générale des finances publiques, citées par l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le montant des sommes présumées imposables sur le fondement de cette disposition du code général des impôts s’élève en moyenne à 23 millions d’euros par an, correspondant à plusieurs centaines d’affaires recensées entre 2012 et 2016.

Par ailleurs, la loi prévoit plusieurs délits en matière d’habitat indigne. Les dispositions ci-dessous précisent les seuls délits qui relèvent de l’inexécution de mesures de police prescrites par les autorités compétentes (maire, représentant de l’État dans le département, président de l’établissement public de coopération intercommunale), étant donné le champ d’application du présent article. Il convient de noter, d’emblée, que l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que le loyer ou toute somme versée en contrepartie de l’occupation de locaux soumis à de telles mesures de police cessent d’être dus, le cas échéant le temps de la régularisation.

En application de l’article L. 1337-4 du code de la santé publique :

– est un délit le fait de ne pas déférer à une injonction de rendre salubre un local ou le fait de refuser, sans motif légitime et après une mise en demeure, d’exécuter les mesures prescrites pour empêcher l’accès et l’usage temporaires d’un immeuble déclaré insalubre avec possibilité de remédier à l’insalubrité. Plus généralement, sont des délits le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d’habiter ou de remettre à disposition des locaux rendus vacants pour des motifs d’insalubrité, d’insécurité ou de risque de ruine (voir ci-dessous) ;

– est un délit le fait de ne pas déférer à une mise en demeure pour faire cesser une mise à disposition de locaux aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux, dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation, ou une mise à disposition de locaux par nature impropres à l’habitation, comme des caves, sous-sols, combles ou pièces dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ;

– est également un délit le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l’habitation de quelque façon que ce soit dans le but d’en faire partir les occupants, lorsque ces locaux sont visés par des mesures visant à les rendre salubres. Ces faits sont également délictuels lorsque ces locaux sont visés par des mesures de lutte contre une insécurité manifeste ou par un arrêté de péril (voir ci-dessous).

En application de l’article L. 123-3 du code de la construction et de l’habitation, est un délit le refus délibéré et sans motif légitime, constaté après mise en demeure, d’exécuter les travaux prescrits pour mettre fin à une situation d’insécurité manifeste (risque incendie, notamment).

En application de l’article L. 511-6 du code de la construction et de l’habitation, est un délit le refus délibéré et sans motif légitime, constaté après mise en demeure, d’exécuter les travaux prescrits pour mettre fin durablement au péril d’un bâtiment menaçant ruine ou, selon les prescriptions de l’arrêté de péril, les travaux de démolition.

Enfin, en application de l’article L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation, sont également des délits le fait de contraindre une personne à renoncer aux droits dont il dispose lorsqu’il occupe un habitat faisant l’objet d’une mesure de police de lutte contre l’habitat indigne (relogement, droits du bail en dehors du paiement du loyer, non-expulsion, etc.), le fait de le menacer, de commettre à son égard tout acte d’intimidation, de percevoir un loyer ou toute autre somme en contrepartie de l’occupation du logement le temps de sa régularisation ou de refuser de procéder à l’hébergement ou au relogement de l’occupant, bien qu’étant en mesure de le faire.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article étend le champ d’application de l’article 1649 quater‑0 B bis du code général des impôts à certains délits en matière d’habitat indigne, dont la liste a été dressée dans la sous-partie précédente.

Plus précisément, le de cet article étend l’application de trois alinéas de cet article aux délits susmentionnés :

– une personne ayant eu libre disposition d’une somme d’argent, produit direct d’un délit d’inexécution d’une mesure de lutte contre l’habitat indigne (perception d’un loyer alors que l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation l’interdit dans cette circonstance), sera présumée avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l’année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. Les dispositions relatives aux biens objet du délit ou aux biens meubles ne sont pas applicables, car les biens concernés sont des biens immeubles ;

– cette présomption peut être combattue par tout moyen : la personne visée peut montrer l’absence de libre disposition des sommes mentionnées ci-dessus, ou montrer qu’elle a effectivement déclaré ces sommes à l’administration fiscale ;

– enfin, lorsque plusieurs personnes ont la libre disposition de la somme mentionnée ci-dessus, la base du revenu imposable est, sauf preuve contraire, répartie proportionnellement entre ces personnes.

L’ensemble des délits en matière d’habitat indigne ne sont donc pas concernés par les dispositions du présent article. Cela résulte de la prise en compte de l’avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi, qui a relevé qu’une présomption trop générale de revenus dissimulés à l’administration fiscale, portant sur les revenus tirés d’une activité de location, par nature non illégale, à la différence des mesures visées initialement par l’article 1649 quater‑0 B bis du code général des impôts, méconnaissait les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garanties par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

En revanche, comme, en application de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation, précité, le loyer cesse d’être dû dès qu’une mesure de police de lutte contre l’habitat indigne s’applique, le fait de ne pas respecter ces mesures de police permet d’induire que les loyers versés sont illégaux, et donc présumés dissimulés.

3.   L’avis du rapporteur

Votre rapporteur salue les évolutions du projet de loi afin de prendre en compte les remarques du Conseil d’État sur le champ d’application du présent article. Plus généralement, il est favorable au renforcement des moyens juridiques à la disposition des autorités publiques pour accentuer la pression sur les marchands de sommeil.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

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La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1026 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 56 modifié.

Article 56 bis (nouveau)
(article L. 111614 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Requalification en habitat collectif

Cet article additionnel, adopté à l’initiative de M. François Pupponi et des membres du groupe Nouvelle Gauche, vise à requalifier la nature juridique des immeubles, résidences ou appartements ayant été divisés par lots, en habitat collectif. Cette requalification doit permettre au maire d’exercer les pouvoirs de police qui lui sont conférés pour ce type d’habitat, afin de renforcer la lutte contre l’habitat indigne ou insalubre.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE175 de M. Alain Ramadier et CE71 de M. Robin Reda.

M. Alain Ramadier. Cet amendement tend à renforcer les pouvoirs des élus locaux en leur permettant de refuser de délivrer une autorisation préalable aux travaux à quiconque est directement ou indirectement lié à une personne physique ou morale condamnée comme marchand de sommeil ou au titre de l’article 225-14 du code pénal.

M. Robin Reda. Je voudrais vraiment insister sur ces amendements : aujourd’hui, les maires sont saisis de permis de construire et de permis d’extension, mais ne sont plus saisis, depuis la loi ALUR, des déclarations de travaux portant sur les modifications intérieures des bâtiments et, en particulier, de divisions de logements visant à créer, à l’intérieur de ceux-ci, de nouveaux logements. Il conviendrait d’instaurer des permis de diviser, comme il y a des permis de construire : in fine, cela a le même effet, à savoir l’apparition de logements dans la ville, et donc de besoins nouveaux pour les habitants.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le droit actuel autorise les présidents d’EPCI à signer. Ce que vous nous proposez aboutirait à un doublon de compétences. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. Stéphane Peu. Je n’ai pas très bien compris. Les deux amendements sont en discussion commune, mais leur nature est un peu différente :

Le premier amendement vise à permettre au maire, en plus du président de l’EPCI, de délivrer ou de refuser de délivrer une autorisation de travaux à une personne déjà condamnée, même si le permis est conforme.

Aujourd’hui, les marchands de sommeil agissent en toute impunité. Si la loi ne devient pas un peu plus sévère, cela continuera. Il y a de tels profits à la clé ! On connaît tous dans nos villes des personnes condamnées qui redéposent des permis sans limite. Si ce permis est conforme, on ne peut pas refuser de le lui délivrer. Eh bien, s’il est multirécidiviste, avec cet amendement, ce sera possible.

Le second amendement, celui de M. Reda, n’est pas complètement couvert par la loi. Je pense que c’est une précision utile.

M. François Pupponi. C’est très bien de renforcer l’arsenal juridique et les sanctions applicables aux marchands de sommeil. Il faut les mettre hors d’état de nuire et les sanctionner. Mais si on pouvait les empêcher de repasser à l’acte, ce serait encore mieux.

On voit venir les marchands de sommeil. Quand on nous demande une autorisation pour créer cinq ou six pièces dans une maison, on sait que ce sont des travaux de division, et qu’à la fin, ils vont louer. Mais comment intervenir de façon préventive ? Là, cela devient très compliqué.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, vous avez bien compris que, juridiquement, c’est très compliqué.

Permettre au maire de refuser de délivrer une autorisation préalable de travaux à quiconque est directement ou indirectement lié à une personne physique ou morale condamnée comme marchand de sommeil pose un réel problème constitutionnel. Il y aura forcément des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), ne serait-ce parce qu’une telle mesure suppose de donner aux collectivités territoriales la possibilité d’accéder au casier judiciaire, ce qui pose un vrai problème de protection de la vie privée.

Je comprends parfaitement l’objectif des auteurs de ces amendements. Mais, de toutes les façons, tels qu’ils sont rédigés, on court à l’échec. C’est la raison de notre avis défavorable. Nous n’en contestons pas le fond. Vous le savez, nous nous efforçons de trouver des solutions permettant de bloquer ce type d’initiative.

M. Alain Ramadier. Monsieur le ministre, j’entends bien ce que vous dites, mais il faut se mettre un peu à la place des maires de villes comme les nôtres, où cela commence vraiment à poser un problème. À un moment ou à un autre, je ne sais pas comment, il faut qu’on travaille ensemble pour trouver des solutions. Vous nous dites que la loi ne permet pas de faire ce qui est proposé. Mais notre rôle est de faire bouger les lignes. Je compte sur vous.

M. Stéphane Peu. Je ne néglige pas du tout la complexité du problème. Mais revenons à l’amendement de M. Ramadier. Évidemment, on ne va pas demander à un maire qui instruit un permis de construire d’avoir accès au casier judiciaire. En revanche, quand un individu, condamné sur plainte de la ville, revient, une fois sa peine exécutée, déposer une nouvelle demande de permis de construire, point n’est besoin d’accéder à son casier judiciaire. Il suffit de reprendre les procédures antérieures engagées par la municipalité elle-même.

M. François Pupponi. Certes, il y a des risques. Mais si, depuis des années, on n’arrive pas à trouver la solution, c’est parce qu’on n’ose pas prendre des décisions qui pourraient être un peu limite, y compris au niveau constitutionnel. On sera peut-être censurés, il y aura peut-être une QPC, mais on verra bien. L’idée est tout de même de réfléchir au problème.

On ne peut pas assimiler permis de conduire et permis de construire. Mais j’observe que si un conducteur fait une faute, on lui retire son permis de conduire. Ne pourrait-on refuser un permis de construire à ceux qui ont été condamnés deux fois, trois fois, quatre fois ou plus comme marchands de sommeil ?

Si on ne tape pas fort, et je crois que vous en avez la volonté, et si on ne donne pas au maire des outils pour intervenir de manière préventive, on continuera à courir après les marchands de sommeil, qui sauront toujours trouver le moyen d’échapper aux textes que l’on aura votés. Il y a un moment où il faut taper fort, quitte à prendre un risque juridique !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, nous sommes au-delà du risque juridique. Ce qui est proposé de permettre au président de l’EPCI compétent ou au maire de refuser l’autorisation qui est mentionnée, dans deux cas : « lorsque les locaux à usage d’habitation créés sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité des occupants ou à la salubrité publique », et là, je pense que c’est jouable ; « ou lorsque leur propriétaire est directement ou indirectement lié à une personne physique ou morale condamnée… » et là, c’est beaucoup plus délicat.

M. François Pupponi. Si la grand-mère dépose un permis de construire, on ne peut pas le lui refuser.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Et même si c’était voté par le Parlement, je vois mal comment une telle disposition pourrait prospérer, en cas de recours devant les tribunaux – sans parler du Conseil constitutionnel.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CE2249 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement va un peu dans le même sens : requalifier la nature juridique des immeubles, résidences ou appartements ayant été divisés par lot en habitat collectif, afin de permettre au maire de recourir aux pouvoirs de police qui lui sont conférés pour ce type d’habitat, notamment pour lutter contre l’habitat indigne ou insalubre.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE2026 de M. Serge Letchimy.

M. François Pupponi. Les communes doivent, dans le cadre de leur programme local pour l’habitat (PLH), beaucoup travailler sur l’habitat indigne, y compris en outre-mer où des dispositions particulières s’appliquent : ils doivent mettre en place un plan local spécifique de lutte contre l’habitat indigne. On voit bien que cela pose un certain nombre de difficultés juridiques. L’objet de cet amendement est d’apporter quelques modifications et de renforcer les PLH, pour que le problème de l’habitat indigne y soit davantage pris en compte.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ces précisions, trop nombreuses et trop denses, relèvent du domaine réglementaire. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Article 56 ter (nouveau)
(article L. 30220 [nouveau] du code de la construction et de lhabitation)
Plans locaux de lutte contre lhabitat indigne dans les collectivités ultramarines

L’article 22 de la loi n° 20151268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer a introduit, dans les régions et collectivités de Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin, l’obligation d’adopter des plans locaux de lutte contre l’habitat indigne, dont les modalités sont détaillées aux articles L. 30217 et L. 30218 du code de la construction et de l’habitation.

Comme beaucoup de communes ou intercommunalités n’ont pas mis en application ces articles, le présent article additionnel, adopté à l’initiative de M. Serge Letchimy et des membres du groupe Nouvelle Gauche, vise à fixer une date butoir dans la loi pour la mise en œuvre de ces plans, au 31 décembre 2019, repoussé au 31 décembre 2020 par un sous-amendement de votre rapporteur.

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La commission examine ensuite l’amendement CE2025 de
M. Serge Letchimy, qui fait l’objet du sous-amendement CE2828 du rapporteur.

M. François Pupponi. L’article 22 de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer a introduit, dans les régions et collectivités de Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin, l’obligation d’adopter des plans locaux de lutte contre l’habitat indigne dont les modalités sont détaillées aux articles L. 302-17 et L. 302‑18 du code de la construction et de l’habitation. Cependant, de nombreuses communes ou intercommunalités n’ont pas mis en application ni adopté de tels plans, malgré l’ampleur du phénomène dans ces régions et collectivités.

L’amendement a donc pour objet de rendre effectives, en pratique, les dispositions en cause, tout en laissant un délai aux collectivités concernées pour s’y conformer.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

Par ailleurs, mon sous-amendement vise à laisser un délai supplémentaire aux acteurs locaux concernés pour se mettre en conformité avec la loi.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable à l’amendement et au sous-amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

Elle aborde ensuite l’amendement CE220 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Il s’agit de permettre à des ménages propriétaires occupants aux ressources très modestes de rénover leur habitat indigne.

M. Richard Lioger. Cet amendement revient sur une mesure votée dans le cadre du PLF pour 2018. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Défavorable également, d’autant plus que nous nous sommes engagés hier à y travailler de concert avant le prochain PLF.

L’amendement CE220 est retiré.

Article 56 quater (nouveau)
(articles L. 634-1, L. 634-3, L. 635-1 et L. 635-3 du code de la construction et de lhabitation)
Modification des régimes de déclaration ou dautorisation préalable de mise en location

Les deux régimes de déclaration ou d’autorisation préalable de mise en location, qui peuvent être mis en place dans un périmètre sensible par le maire ou le président de l’EPCI, sont des régimes préventifs, afin de mieux déceler les risques d’habitat indigne. Ils ressortent de la compétence du président de l’EPCI lorsque cet établissement détient la compétence en matière d’habitat.

Deux amendements ont modifié le cadre juridique de ces régimes. Un premier amendement, proposé par Mme Stéphanie Do, exclut les bailleurs sociaux et les acteurs mettant à disposition des logements conventionnés des régimes précités, afin d’éviter des contraintes administratives inutiles. En effet, ils bénéficient déjà de modalités de contrôle et de certification qui assurent que cette dimension de prévention du développement de l’habitat indigne est bien prise en compte.

En second lieu, pour renforcer l’efficacité du dispositif, notamment par rapport aux ressources humaines et techniques disponibles, un amendement défendu par M. Mickaël Nogal, M. Alain Perea et les membres du groupe La République en Marche, autorise, le cas échéant, la délégation de cette compétence du président de l’EPCI aux maires qui le souhaitent, sur les secteurs définis par l’EPCI.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1552 et CE1553 de Mme Stéphanie Do et l’amendement CE2427 de M. François Pupponi.

Mme Stéphanie Do. La demande d’autorisation ou la déclaration de location est un dispositif permettant de lutter contre l’habitat indigne. Ce dispositif est obligatoire dans certaines zones, sur décision du maire ou de la collectivité locale concernée. Cependant, il nous parait inutile d’exiger cette procédure administrative des bailleurs sociaux ou pour les logements disposant d’un conventionnement APL.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis favorable au premier amendement, qui, s’il était adopté, ferait tomber les deux autres.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable aux trois. Les bailleurs sociaux sont déjà contrôlés en parallèle.

M. Robin Reda. Je suis évidemment d’accord pour exclure le logement conventionné du dispositif.

Je voudrais revenir sur la question du permis de louer. La loi ALUR instaure effectivement un permis de louer, celui-ci se fonde sur la qualité du logement et son degré d’indécence, et jamais sur la qualité du bailleur, et éventuellement sur son passé de marchand de sommeil. On en revient toujours au même point. Il nous faut adopter un dispositif qui nous permette d’identifier, au niveau local, celles et ceux qui se sont prêté à des pratiques peu avouables en la matière.

La commission adopte l’amendement CE1552.

En conséquence, les amendements CE1553 et CE2427 tombent.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE1931 de M. Alain Perea et CE2193 de M. Mickaël Nogal.

M. Alain Perea. La loi ALUR avait instauré un système innovant de prévention en permettant la mise en place, par les collectivités, d’un système d’« autorisation préalable de mise en location » sur des secteurs concentrant les problématiques d’habitat indigne.

Pour des raisons de flexibilité, mais aussi pour des raisons liées aux compétences des services et à la connaissance des territoires, il serait préférable que ce soient les communes qui puissent en disposer – sur délibération, en fonction des territoires, et pas de manière générale.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je suis toujours très circonspect vis-à-vis de ce type de redélégation. L’intercommunalité fonctionne grâce à un transfert de compétences de la commune vers l’intercommunalité, soit obligatoire, ordonné par la loi, soit facultatif, en fonction des options. Vous proposez de mettre en place un système dans lequel, ensuite, l’EPCI redélègue une compétence aux communes qui en font la demande, avec la possibilité que les communes de la même intercommunalité adoptent une position différente. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite loi « NOTRe » a déjà largement compliqué la situation, et je ne sais pas s’il est opportun d’en « rajouter une couche », si j’ose dire. Donc, sagesse.

Les amendements sont adoptés.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CE966 et CE962 de Mme Catherine Osson.

M. Benoit Potterie. Lorsqu’un bailleur garde le même locataire sur une longue période, le logement peut être en bon état lorsqu’il est mis en location, puis se dégrader avec le temps et finir par être loué dans un état franchement dégradé sans que les autorités ne s’en rendent compte.

Concrètement, l’objectif de ces deux amendements est de renforcer les outils à disposition des maires et présidents d’EPCI compétents, afin d’assurer dans la durée un contrôle et un suivi plus fréquents de la qualité de l’habitat dans des zones identifiées et définies en amont par le conseil municipal comme davantage touchées par l’habitat indigne et dégradé.

M. Richard Lioger, rapporteur. On comprend l’idée et on peut y souscrire. Néanmoins, avis défavorable : cela introduit trop de lourdeurs.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La commission examine alors l’amendement CE442 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Cet amendement vise propose de corréler l’autorisation de mise en location, dite permis de louer, à l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’habitat indigne, indécent ou insalubre. En effet, aujourd’hui, le droit encadrant cette autorisation de mise en location dispose que « celle-ci est sans incidence sur la qualification du logement, au regard des caractéristiques de décence ou de caractère indigne de l’habitat » Si bien que dans les faits, un bailleur peut tout à fait obtenir un permis de louer pour un bien indécent et insalubre. Cette situation n’est pas tenable au regard de notre volonté de lutter contre l’habitat indigne et contre les marchands de sommeil.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ce sont des contraintes trop lourdes, qui vont prendre du temps, engorger les services et retarder la délivrance d’autorisation. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable aussi, car les textes et procédures actuels sont suffisants. S’engager dans un formalisme supplémentaire serait inutile.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Ce n’est pas ce type de mesures qui permet de lutter efficacement contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil. Je crois beaucoup plus au débat que nous avons eu tout à l’heure sur la façon d’identifier et d’attraper ce genre de personnages. Ceux-ci savent très bien détourner de telles mesures qui, par leur lourdeur, se retourneraient contre ceux qui sont de bonne foi.

L’amendement est rejeté.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2440 et CE2250 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Lorsque le maire prend la décision d’interdire l’occupation ou la location d’un bien, il faut évidemment protéger le locataire, qui est souvent de bonne foi. L’idée est donc que, sitôt l’arrêté du maire pris, le bail soit suspendu. Ainsi, le locataire ne continuera pas à payer pour un local qu’il ne peut plus occuper.

M. Richard Lioger, rapporteur. Dans l’absolu, s’il était mieux encadré, votre amendement serait intéressant, mais c’est l’objet de l’article 58 que de mieux articuler, par voie d’ordonnance, police générale et police spéciale.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. On peut se demander s’il est excessif ou non d’accorder au maire cette même prérogative lorsqu’il intervient au titre de sa police générale. Aujourd’hui déjà, le loyer est suspendu lorsque l’arrêté est prononcé par des polices administratives spéciales compétentes au titre de la lutte contre l’habitat indigne (LHI).

En fait, l’objet de l’article 58 est d’harmoniser les cinq, six, sept procédures différentes qui existent, et de clarifier les choses. Ainsi, ce ne sera pas forcément au maire d’aller faire la police pour arrêter les loyers, il s’adressera au service compétent, qui prendra la décision.

M. François Pupponi. Que ce soit le pouvoir de police du maire ou d’une autre autorité qui s’exerce, il faut que l’interdiction de louer mette un terme au bail. Si l’on prend une interdiction de louer et que le locataire continue à payer son loyer parce que le bail ne s’arrête pas, il subit une double injustice.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je parle sous votre contrôle, mais il me semble qu’aujourd’hui, quand un arrêté est pris au titre de la police spéciale de la LHI, les loyers s’arrêtent.

M. François Pupponi. Il faudra vérifier que, dans le cadre de toutes les procédures, dès qu’il y a un arrêté et quelle que soit l’autorité, la sanction est bien la même.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. C’est l’objet de l’ordonnance…

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CE2801 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Mes chers collègues, beaucoup d’entre nous ont en mémoire des procédures d’expropriation pour logement indigne et insalubre, qui donnent lieu à des indemnités pour le moins agaçantes, si vous me permettez cette litote.

Cet amendement a pour objet de permettre de déduire les frais estimés des travaux préconisés par le préfet du montant de l’indemnité versée au propriétaire d’un logement insalubre de façon non irrémédiable, jusqu’à atteindre, le cas échéant, la valeur du terrain nu. En effet, le droit en vigueur ne prévoit la possibilité d’une indemnité égale à la valeur du terrain nu que si le bien est insalubre à titre irrémédiable, ou s’il a fait l’objet d’un arrêté de mise en péril accompagné d’une obligation de démolition. Or, trop souvent, les indemnités versées au titre des terrains et des biens insalubres sont importantes et empêchent les collectivités de recourir à des expropriations, qui constituent parfois la seule solution pour mettre un terme à la situation d’insalubrité.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement. Nous sommes bien d’accord, mais le Gouvernement envisage un certain nombre de mesures qui portent sur ce sujet précis, et qui seront examinées en séance.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. La situation évoquée est tout simplement inacceptable. Il arrive – on pourrait citer des exemples récents – que les propriétaires marchands de sommeil se fassent indemniser à hauteur de plusieurs millions d’euros, sans que l’on y puisse rien. Parfois, l’État doit même prendre certains travaux à sa charge, qu’il faut ensuite essayer de se faire rembourser. On marche sur la tête !

Les propriétaires se font indemniser sur la base de l’acte d’expropriation, et à hauteur de la valeur du bien. Nous sommes en train de travailler sur cette question avec la Chancellerie, mais vous avez mille fois raison : il ne faut rien lâcher.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Je ne peux retirer l’amendement, mais je souscris à l’idée d’y travailler ensemble.

M. Stéphane Peu. Il va le falloir, car c’est un véritable scandale. Et, au-delà même de cette question morale, les collectivités se trouvent mises en difficulté.

Je pense qu’il faudrait prendre comme base la valeur d’origine du bien, plutôt que sa valeur vénale. En effet, le modus operandi du marchand de sommeil est d’acheter très peu cher et de vendre très cher, avec un enrichissement sans cause, selon des mécanismes liés à l’évolution du marché alentour. C’est un sujet extrêmement important auquel nous devons être très attentifs, et j’approuve totalement l’esprit de cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Peu, je vous confirme que nous sommes en train de travailler avec la Chancellerie pour atteindre l’objectif que nous partageons. J’ai déjà eu l’occasion de vous en parler à plusieurs reprises, y compris au cours du débat sur votre proposition de loi.

Je suis convaincu que nous allons trouver des solutions pour limiter les indemnités d’expropriation. C’est faisable. Nous allons également trouver une formule pour interdire la participation à des ventes par adjudication à des marchands de sommeil condamnés de manière définitive. Là-dessus, il faudra être intraitable. Ce qui se passe devant certains tribunaux, notamment en Île-de-France, et vous aviez parfaitement raison de le souligner, est indigne. Sachez que nous sommes totalement en phase avec vos propositions, et que je ne doute pas que nous allons réussir.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE176 de M. Alain Ramadier, CE705 de M. Robin Reda, CE177 de M. Alain Ramadier, CE709 et CE710 de M. Robin Reda.

M. Alain Ramadier. L’amendement CE176 vise à créer une définition du marchand de sommeil et l’érige en délit pénal, et il entend améliorer le fichage des marchands de sommeil et des actionnaires de sociétés civiles immobilières (SCI) qui servent de support à leurs activités.

M. Robin Reda. J’ajoute qu’il y a une grande disparité dans les profils des marchands de sommeil, et je pense qu’il faut cibler tout particulièrement ceux qui abusent réellement d’une situation de vulnérabilité connue pour réaliser des profits anormaux.

Une définition juridique de la notion rendrait cohérente la partie du projet de loi qui vise à lutter contre les marchands de sommeil et, surtout, faciliterait l’action pénale. N’oublions pas que nous sommes face à des trafiquants qui commettent un délit, à l’instar de ceux qui font des trafics de drogue ou d’armes, voire d’êtres humains quand on voit la manière dont sont traitées les personnes logées dans ces conditions.

L’amendement CE709 propose de rendre systématique la confiscation des biens utilisés par un marchand de sommeil, et de l’intégrer dans le code pénal.

L’amendement CE710 est un amendement de repli, qui propose de rendre systématique la confiscation des biens utilisés par un marchand de sommeil en état de récidive.

M. Richard Lioger, rapporteur. La création d’une incrimination supplémentaire ne serait pas de nature à améliorer la lutte contre l’habitat indigne : le droit existant fournit déjà un arsenal suffisant. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes défavorables, non pas à l’objectif que vous poursuivez, mais à la notion de « profit anormal », impossible à définir et à prouver, ce qui est contradictoire avec le principe constitutionnel de précision de la loi pénale. En outre, ce nouveau délit ferait doublon avec l’article L. 225-14 existant. Je propose le retrait.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. La question de la définition du marchand de sommeil revient régulièrement en discussion. Aujourd’hui, on arrive à réprimer tous les délits dans le cadre du droit existant. Il n’est donc pas nécessaire de définir autrement le marchand de sommeil, dans la mesure où l’on peut d’ores et déjà l’appréhender. Mais il faut que nous arrivions à nous mettre d’accord d’ici à la séance, car il nous serait désagréable de devoir vous opposer un refus, alors que nous voulons tous réprimer le plus sévèrement possible ce type de criminels.

M. Stéphane Peu. Je ne mets pas en doute la volonté des ministres et du Gouvernement d’agir fermement et de renforcer la lutte contre les marchands de sommeil. Pour autant, il me semble que certaines des propositions qui viennent d’être faites, qui sont simples, pourraient être directement intégrées dans la loi – même si d’autres doivent être travaillées ou renvoyées à l’ordonnance. Attention, d’ailleurs, à ne pas tout renvoyer à une ordonnance qui, par la suite, pourrait s’avérer compliquée à rédiger.

M. le président Roland Lescure. Chers collègues, maintenez-vous vos amendements ?

M. Robin Reda. Je les maintiens, avec l’espoir que l’on aura clarifié les choses d’ici la séance.

Je comprends qu’il pourrait y avoir une disparité dans les jugements qui seront rendus, en fonction des délits commis par la personne que l’on appellerait « marchand de sommeil » sous un terme générique qui recouvre différents types d’infractions. Je pense qu’il faut creuser le sujet. Mais j’observe que, si les marchands de sommeil sont médiatiquement condamnés, très peu le sont par la justice.

M. Jean-Luc Lagleize. Le texte de votre amendement CE705, monsieur Reda, va dans le bon sens, mais on ne peut en utiliser que la première partie, c’est-à-dire : « Est qualifié de marchand de sommeil quiconque abuse soit directement, soit par un intermédiaire, de la situation de vulnérabilité… », etc. La suite, qui fait référence à « l’intention de réaliser un profit anormal », est inopérante. Il faudrait donc que vous le retiriez pour le récrire.

M. Robin Reda. Je le maintiens, mais le retravaillerai en vue de la séance.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CE2439 de M. François Pupponi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je crois que le Gouvernement envisage, pour la séance publique, d’instaurer, à l’encontre des marchands de sommeil, une peine complémentaire de confiscation des biens. Je demande donc à M. Pupponi de retirer son amendement.

L’amendement est retiré.

Article 56 quinquies (nouveau)
(article 225-19 du code pénal, article L. 1337-4 du code de la santé publique, articles L. 123-3 et L. 511-6 du code de la construction et de lhabitation)
Allongement de la durée dinterdiction dacheter un bien immobilier en cas de condamnation pour des délits dhabitat indigne

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de M. Stéphane Peu et des membres du groupe Gauche démocrate et républicaine. En cas de condamnation pour plusieurs délits d’habitat indigne, le juge peut l’assortir d’une peine complémentaire d’interdiction d’acheter un bien, pour une durée allant jusqu’à cinq ans. Cette interdiction s’applique tant aux acquisitions à titre personnel qu’aux acquisitions en tant qu’associé ou mandataire social d’une société civile immobilière ou en nom collectif.

Le présent article additionnel porte à dix ans la durée encourue de la peine complémentaire d’interdiction d’acheter.

*

*     *

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CE1785 de M. Stéphane Peu, CE707 et CE708 de M. Robin Reda.

M. Stéphane Peu. Nous proposons de porter de cinq à dix ans la durée de l’interdiction d’achat par des personnes qui ont été condamnées. Nous proposons également que le notaire puisse vérifier si l’acquéreur fait l’objet d’une condamnation en interrogeant le casier judiciaire national.

M. Robin Reda. L’objectif de nos amendements est de rendre systématique l’interdiction pour les marchands de sommeil d’acheter un bien immobilier à titre personnel, en tant que gérant d’une SCI ou de toutes autres manières, pendant une durée de dix ans, à d’autres fins que son occupation à titre personnel.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement de M. Peu. La durée prévue dans la loi correspond aux pratiques normales du principe de proportionnalité des peines. Ce que vous proposez aboutirait à assimiler les délits d’habitat indigne à des crimes, ce qu’ils ne sont pas. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. J’émets pour ma part un avis favorable. Le rapporteur a raison de se référer à l’échelle des peines : cinq ans au maximum pour les délits, dix ans pour les crimes. En effet, il ne s’agit pas d’un crime. Mais il a déjà été dérogé à ces maxima, et je pense que c’est jouable.

M. Stéphane Peu. Il s’agit d’en faire sinon un crime, du moins un délit majeur. Je précise que, pour la seule ville de Saint-Denis, de 2002 à 2015, 27 personnes sont mortes, dont des enfants. Cela ressemble à un crime !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je vous comprends parfaitement, monsieur Peu, mais le qualificatif de « délit majeur » n’existe pas en droit : celui-ci ne connaît que la contravention, le délit et le crime. En l’occurrence, il s’agit d’un délit. Mais comme il existe déjà, dans les textes, des dérogations par rapport à l’échelle des peines – qui mériterait d’ailleurs d’être revue totalement –, je pense que l’on peut tenter de porter la sanction à dix ans.

La commission adopte l’amendement CE1785.

En conséquence, les amendements CE707 et CE708 tombent.

La commission examine l’amendement CE2802 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Le problème est que les marchands de sommeil sont souvent condamnés trop légèrement, et que les peines de confiscation sont très peu mises en œuvre. Nous proposons de rendre obligatoires la confiscation des biens utilisés et l’interdiction d’acquérir un nouveau bien, sauf décision motivée du juge.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Il faut laisser au juge une marge d’appréciation.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même observation, mais la proposition est extrêmement intéressante. Peut-être l’objectif pourrait-il être atteint d’une autre manière.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE667 de M. Dimitri Houbron.

M. Richard Lioger, rapporteur. La disposition proposée est d’application trop large. Elle ne concerne pas uniquement les marchands de sommeil, mais tout fait de divulgation de l’identité d’un témoin, et aggrave trop substantiellement l’amende encourue.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE1937 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Les quelques amendements que j’ai déposés vont tous dans le sens d’une simplification. Toutefois, la lutte contre l’habitat indigne impose parfois certaines contraintes. Depuis quelque temps, on constate en effet la recrudescence des espèces nuisibles dans les locaux d’habitation et à proximité.

Aujourd’hui, aucun suivi des nuisibles n’est obligatoire dans les biens privés. Je pense qu’il serait nécessaire de mettre en place un constat d’exposition, comme cela existe pour la présence de plomb ou d’amiante. Au-delà des aspects sanitaires, ces nuisibles coûtent des sommes folles aux collectivités territoriales qui essaient de les combattre. S’ils vont trouver refuge dans l’habitat privé, on ne s’en sortira jamais.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement crée une charge importante sur l’ensemble des bailleurs et des propriétaires. Un tel diagnostic existe d’ailleurs déjà pour les termites, qui font peser un réel risque sur les fondations des habitations. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE603 de M. Alain Ramadier.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements CE1788 de M. Stéphane Peu, CE2576 de M. Mickaël Nogal et CE174 de M. Alain Ramadier.

M. Stéphane Peu. Artisans d’une délinquance dite astucieuse, les marchands de sommeil ont souvent « un coup d’avance », ce qui oblige la loi à s’adapter en permanence.

Nous proposons que, dans les déclarations d’intention d’aliéner (DIA) qui sont portées à la connaissance des mairies, il soit obligatoire de mentionner le nom des acquéreurs, pour essayer de savoir qui achète. Car un maire sait qui sont les « nuisibles », et qui sont les personnes de bonne foi.

Nous proposons également que, lorsque ce sont des parts majoritaires de SCI qui sont vendues, la vente ait lieu obligatoirement devant notaire, avec communication de la DIA, avec le nom des membres de la SCI dans la DIA, pour empêcher certains d’utiliser ces sociétés comme écran.

M. Mickaël Nogal. Je propose pour ma part que, pour les SCI, l’extrait Kbis tel qu’enregistré au registre du commerce et des sociétés devra être joint à la déclaration.

M. Alain Ramadier. Mon amendement est similaire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ma préférence va à l’amendement de M. Nogal, qu’il convient toutefois de sous-amender pour en améliorer la rédaction, si le Gouvernement est d’accord sur le fond.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement partage l’objectif poursuivi. Il l’a d’ailleurs déjà exprimé, monsieur Peu, lors du débat de la PPL que votre groupe avait soutenue. Mais je vous répéterai aujourd’hui que je vous avais déjà dit alors.

Vous demandez qu’on rende obligatoire la mention du nom de l’acquéreur dans les DIA transmises à la commune afin de permettre à celle-ci d’exercer, le cas échéant, le droit de préemption. Aujourd’hui, l’indication du nom est une faculté, mais elle n’est pas une obligation. La difficulté juridique qui se pose tient au fait que le droit de préemption n’est pas un outil pour s’opposer à une vente dans le but d’empêcher une transaction, même quand il s’agit de lutter contre les marchands de sommeil. Aux termes de la loi, c’est un outil qui permet de réaliser dans l’intérêt général des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, en application de l’article L. 210-1 du même code. Ainsi, votre amendement, dont je comprends parfaitement l’objectif, pourrait aboutir à un détournement de la loi. Nous sommes donc, comme je vous l’avais déjà expliqué, à un véritable problème juridique.

M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur Peu, je vous avais dit, lors de l’examen de votre proposition de loi, que la mesure que vous proposiez était totalement inopérante. Demander que l’identité de l’acquéreur figure dans la DIA ne sert à rien. En effet, vous pouvez annoncer que vous allez acquérir ce bien pour votre compte propre ou pour celui de toute autre personne physique ou morale, et finalement l’acquérir avec votre épouse en indivision ou dans le cadre d’une société civile, voire vous faire substituer un autre acquéreur.

M. François Pupponi. Ces analyses m’étonnent. L’intérêt de la DIA, c’est de pouvoir préempter lorsqu’on voit qui veut acheter. Si c’est un marchand de sommeil que l’on connaît, je peux vous assurer qu’on préempte !

M. Richard Lioger, rapporteur. Parfois, les marchands de sommeil sont plus malins !

M. François Pupponi. Mais parfois ils ne le sont pas, et c’est comme ça qu’on les attrape ! On aurait plus de mal s’ils étaient tous intelligents !

Quand on connaît le nom de celui qui veut acheter, on peut faire une enquête et décider de préempter ou non. Voilà comment ça fonctionne dans toutes les collectivités.

M. Stéphane Peu. Nous sommes sans doute quelques-uns ici à savoir, par expérience, que ce système n’est pas inopérant.

Pour ma part, j’ai été hors-la-loi pendant vingt ans.

M. le président Roland Lescure. J’espère qu’il y a prescription, parce qu’on vous aime bien et qu’on voudrait vous garder ! (Sourires.)

M. Stéphane Peu. Visiblement, je ne suis pas le seul à avoir été hors-la-loi…

Quand vous êtes face à quelqu’un qui vous a déjà « pourri » cinq immeubles et qui arrivent avec une DIA, vous ne vous demandez pas quelle est la motivation d’intérêt public : vous faites une préemption dissuasive, quatre fois en dessous du prix si besoin est. Comme ces gens-là ne sont généralement pas des premiers prix de vertu, il est rare qu’ils vous emmènent au tribunal. Il y en a un qui a poursuivi l’un de mes collègues maires pour préemption abusive. Il s’agissait de Jean-Pierre Brard, qui était maire de Montreuil. Et il a gagné !

M. le président Roland Lescure. Pour l’anecdote, c’est lui qui m’a marié ! (Sourires.)

M. Stéphane Peu. Il y a donc une jurisprudence sur le sujet, qui montre que l’on n’est pas forcé de justifier la préemption par un intérêt public.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Peu, ce que vous venez de nous expliquer démontrerait à l’évidence qu’il n’est point besoin de modifier la loi ! (Sourires.)

M. François Pupponi. Cela évite de la violer !

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Nous sommes bien d’accord sur le constat et sur la nécessité de faire évoluer les choses. Mais vous savez bien que ce que vous proposez ne tient pas juridiquement : quand on fait usage du droit de préemption, il faut que la motivation soit en adéquation avec l’objectif défini à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.

J’entends bien que certains maires exercent parfois leur droit de préemption parce qu’ils connaissent bien leur commune et ce qui s’y passe. Mais, tel qu’il est rédigé, je ne peux pas être favorable à votre amendement. Je ne peux pas vous dire ce soir l’inverse de ce que je vous avais dit il y a un mois et demi.

M. François Pupponi. Beaucoup de maires sont obligés de violer la loi pour empêcher les marchands de sommeil de s’implanter. On sait bien dans quelle rue ils achètent et dès qu’une annonce paraît on préempte. Et on a la chance de ne pas être attaqués. Mais si on l’était, on pourrait être battus. Il faut donc permettre aux maires de préempter légalement dans de bonnes conditions.

L’amendement CE2576 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE1788 et CE174.

Article 56 sexies (nouveau)
Signalement de revenus présumés illicites à Tracfin

Cet article additionnel a été adopté à l’initiative de M. François Pupponi et des membres du groupe Nouvelle Gauche, et contre l’avis de votre rapporteur. Il vise à obliger les syndics de copropriété à signaler auprès de la cellule de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin), les opérations financières réalisées par les propriétaires, dont les syndics ont connaissance et dont ils ont des raisons de suspecter qu’elles proviennent d’une activité de marchand de sommeil. Cette obligation ne s’applique pas aux syndics non professionnels.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2245 et CE2244 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous proposons, par l’amendement CE2245, d’obliger les syndics de copropriété à rendre des comptes à la cellule de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dite TRACFIN, en lui signalant d’éventuelles anomalies.

Les syndics de copropriété sont en effet souvent au cœur de trafics et d’opérations de blanchiment, mais ils ne sont pas tenus de les signaler aux autorités. Lors des auditions, ils étaient plutôt favorables à un élargissement de la liste des professions réglementées qui doivent rendre des comptes et signaler à TRACFIN la moindre anomalie.

L’amendement CE2244, de repli, limite cette obligation aux syndics professionnels.

M. Richard Lioger, rapporteur. Ce n’est pas le rôle de TRACFIN, qui se concentre sur la lutte contre le blanchiment. De plus, au vu du nombre de copropriétés potentiellement concernées, cela lui demanderait trop de travail.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. François Pupponi. Quand un syndic sait qu’un propriétaire encaisse ses loyers en espèces, ce qui est illégal, qu’il paye éventuellement les charges en espèces, ce qui est illégal aussi, et que l’on a une suspicion de blanchiment, c’est bien le rôle de TRACFIN que de vérifier s’il y a ou non un problème.

M. Stéphane Peu. Les marchands de sommeil sont l’un des grands acteurs du blanchiment de l’argent issu du trafic de stupéfiants. Le rapport que nous venons de remettre sur la Seine-Saint-Denis qui fait la une des journaux aujourd’hui traite ce sujet. Il faut un outil comme TRACFIN au service de la lutte contre le blanchiment car certains individus perçoivent des loyers en liquide, émargent à des revenus minables et envoient tout l’argent à l’étranger.

M. le président Roland Lescure. Monsieur le ministre, si vous deviez retenir, dans le cadre de votre appel à notre sagesse, l’un des deux amendements, lequel choisiriez-vous ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Plutôt le second.

L’amendement CE2245 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE2244.

Puis elle étudie l’amendement CE179 de M. Alain Ramadier.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il est inopportun de renvoyer à des critères définis par le règlement, en l’occurrence l’article D. 542-14-2 du code de la sécurité sociale. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE1550 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Isabelle Florennes. Nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement en vue d’une définition claire et objective de la notion de marchand de sommeil.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Vous pourrez vous référer au rapport que produira le Gouvernement lorsqu’il déposera son projet de ratification de l’ordonnance relative à la lutte contre l’habitat indigne.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Article 57
(articles L. 123-3, L. 129-2, L. 511-2, L. 541-1 et L. 543-1
du code de la construction et de lhabitation, articles L. 1331-22 à L. 1331-25, article L. 1331-28,
L. 1331-29, L. 1331-29-1 [nouveau] et L. 13342 du code de la santé publique, article 2374 du code civil, articles 10-1 et 248 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis)
Généralisation des astreintes administratives en cas de non-respect de mesures de police de lutte contre lhabitat indigne

1.   L’état du droit

La lutte contre l’habitat indigne est une politique publique majeure, qui mobilise les efforts de nombreux acteurs publics comme privés. La définition de l’habitat indigne est inscrite dans l’article 1‑1 de la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement : « constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».

Au fil des années, le législateur a renforcé les outils dont disposent les autorités compétentes pour lutter contre l’habitat indigne et pour sanctionner les propriétaires indélicats, voire les marchands de sommeil. Le commentaire de l’article 56 du présent projet de loi a mis en évidence certains de ces outils. La lutte contre l’habitat indigne prend en effet de nombreuses facettes : lutte contre l’insalubrité des immeubles, contre le saturnisme, comme les situations d’insécurité des locaux d’habitation face au risque d’incendie, aux besoins d’évacuation ou au risque d’écroulement, lutte contre la mise à disposition abusive de certains locaux (par nature impropres à l’habitation ou suroccupés). La gamme des mesures que peuvent prendre ces autorités est également étendue : mesures de mise en conformité, prescription de travaux, obligation de relogement, interdiction temporaire ou définitive d’habiter, voire d’accéder ou d’utiliser les locaux, démolition, etc. Les personnes visées par ces mesures sont, selon les situations, le propriétaire du local ou de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires ou l’exploitant d’un fonds de commerce (un hôtel, par exemple).

Une des difficultés auxquelles se confrontent les autorités compétentes (maire, représentant de l’État dans le département, président d’établissement public de coopération intercommunale), outre l’identification des situations à risque, est l’application des mesures, préventives ou curatives, qu’elles ordonnent pour mettre fin à la défaillance constatée. Dans la plupart des situations relevant de délits d’habitat indigne, ces autorités ont la faculté de prévoir, dans leur décision notifiée à la personne défaillante, l’exécution d’office des mesures ou des travaux requis, aux frais du propriétaire, des copropriétaires ou de l’exploitant, lorsqu’il n’est pas mis fin à la carence dont ils sont à l’origine dans un certain délai.

La menace d’une exécution d’office des travaux n’est cependant pas suffisante pour inciter les personnes défaillantes à corriger d’elles-mêmes la situation d’indignité. Aussi, la loi « ALUR » du 24 mars 2014, précitée, notamment son article 79, a mis en place un système d’astreinte administrative, qui vise à accroître la pression financière sur les responsables qui tardent à exécuter les travaux prescrits.

Le III de l’article L. 1331-29 du code de la santé publique ou l’article L. 129-2 du code de la construction et de l’habitation fixent les conditions d’application des astreintes pour, respectivement, certaines polices de lutte contre l’insalubrité, et la police de sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation. L’astreinte fonctionne comme une amende applicable par jour de retard. En dehors de quelques paramètres mineurs, ces conditions d’application sont similaires.

Ainsi, l’astreinte fonctionne comme une amende à payer par jour de retard à effectuer les travaux prescrits. Elle est plafonnée à 1 000 euros par jour, dans une limite maximale de 50 000 ou de 100 000 euros, et modulée en fonction de l’ampleur des travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution (par exemple, si l’immeuble est vide ou non). Elle est notifiée par un arrêté séparé de l’arrêté prescrivant les travaux et court jusqu’à l’exécution complète de ces travaux. Sauf exception, le produit de l’astreinte est attribué au budget de la commune, pour les travaux prescrits par le maire, ou à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), pour les mesures prescrites par le représentant de l’État dans le département.

Toutefois, ce mécanisme d’astreinte n’a pas eu les effets escomptés. En premier lieu, il a été ciblé sur les mesures de police pour lesquelles il y a des prescriptions de travaux, alors que la non-exécution des autres mesures de police (maintien de la suroccupation de locaux, non relogement des occupants, non‑respect de l’interdiction d’usage ou d’accès, par exemple), d’une gravité équivalente, ne justifie a priori pas cette distinction. En outre, selon une jurisprudence récente en matière de lutte contre l’insalubrité, le propriétaire d’un logement rendu inoccupé (résiliation du bail, par exemple) après la notification de l’arrêté de police prescrivant des travaux, n’est plus tenu de réaliser les travaux prescrits, et n’est donc plus redevable de l’astreinte. Dans cette situation, comme l’observe l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le propriétaire choisit souvent de laisser son logement vacant plutôt que de procéder aux travaux.

En deuxième lieu, l’astreinte relève de la décision discrétionnaire de l’autorité compétente, qui peut la prévoir dans son arrêté de police. Selon l’étude d’impact, ce caractère facultatif a pu « constituer un frein pour sa mise en œuvre, notamment en raison du risque de contentieux lié à la nécessaire appréciation par les services de la situation particulière de chaque propriétaire et aux motivations à apporter pour justifier la décision ».

Des ajustements étaient donc à prévoir, ce qui est l’objet du présent article.

2.   Les dispositions du projet de loi

a.   Modification du code de la construction et de l’habitation

Le 1° du I modifie l’article L. 123-3, qui porte sur les mesures de police prises par le maire pour mettre fin à une situation d’insécurité (risques d’incendie et de panique) au sein d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement (un hôtel, par exemple).

L’alinéa 3 précise que, lorsque le maire prescrit à l’exploitant de cet établissement et à son propriétaire des mesures et des travaux pour mettre fin à la situation d’insécurité manifeste, son arrêté précise que leur non-exécution après un certain délai, fixé par ce même arrêté, entraîne le paiement d’une astreinte par jour de retard. Dans le droit existant, pour mémoire, l’astreinte est facultative 
– l’exploitant et le propriétaire n’y sont qu’exposés – et ne porte que sur la non‑exécution des travaux prescrits, et non sur les mesures que le maire exige à l’encontre de l’exploitant et du propriétaire de prendre pour faire cesser la situation d’insécurité.

Les alinéas 5 à 8 précisent les conditions d’application de cette astreinte, qui fait l’objet d’un arrêté séparé. En dehors de son caractère obligatoire et de son extension à toutes les mesures prises par l’arrêté du maire, peu de modifications de fond sont apportées : l’astreinte est toujours d’un montant maximal de 1 000 euros par jour, modulée en fonction de l’ampleur des mesures et des travaux et du niveau de risque qu’entraîne la non-exécution de l’arrêté du maire, et plafonnée à 100 000 euros. Elle court à compter de la notification de l’arrêté d’astreinte jusqu’à la complète exécution de l’arrêté du maire, et est recouvrée par trimestre.

Un allègement des conditions dans lesquelles le redevable de l’astreinte peut être partiellement ou complètement exonéré de son paiement est prévu par l’alinéa 8. Cette décision d’exonération intervient lorsque les circonstances qui ne sont pas du fait du redevable empêchent l’exécution de l’arrêté du maire, tandis que le droit existant mentionne qu’elle n’est possible que lorsque le retard est « exclusivement dû à des circonstances indépendantes de sa volonté ». En outre, cette exonération peut être consentie par le maire tous les trimestres, au moment de la liquidation de l’astreinte, et non uniquement lors du dernier trimestre de paiement de l’astreinte (lorsque les travaux ont été exécutés).

L’alinéa 9 précise, de façon explicite, que dans la situation où le maire doit, malgré tout, prescrire l’exécution d’office des mesures et des travaux car l’exploitant ou le propriétaire restent défaillants, l’astreinte prend fin à la date de notification de cette exécution d’office.

Le 2° du I modifie l’article L. 129-2, qui prévoit les mêmes dispositions pour la police de sécurité des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation, également exercée par le maire en application de l’article L. 129-1. Les personnes visées par l’arrêté du maire et par l’arrêté d’astreinte sont le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires.

Les alinéas 11 à 17 emportent donc, en miroir, les mêmes modifications que celles commentées pour le 1° du I.

Le 3° du I modifie la destination du produit de l’astreinte lorsque certaines polices spéciales sont exercées, par transfert de la compétence des maires du territoire concerné ou par délégation de la compétence du représentant de l’État dans le département, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (voir le commentaire de l’article 58 du présent projet de loi). L’exception valant jusqu’alors pour les mesures de police concernant l’insalubrité d’immeubles à titre irrémédiable, qui permettait d’affecter le produit des astreintes au budget de cet EPCI-FP et non au budget de l’ANAH, devient la règle pour l’ensemble des polices spéciales de lutte contre l’insalubrité et de la lutte contre le saturnisme relevant du code de la santé publique ([105]). Il s’agit donc d’inciter financièrement ces EPCI-FP à exercer efficacement leurs pouvoirs de police en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Le 4° du I modifie l’article L. 511-2, qui porte sur la police de péril exercée par le maire sur des immeubles menaçant ruine. Lorsque cet immeuble est à usage principal d’habitation, l’arrêté de péril signifie au propriétaire et, le cas échéant, à l’exploitant, qu’ils sont exposés à une astreinte en cas de non-exécution des mesures prescrites. Les alinéas 20 à 35 apportent des modifications équivalentes à celles commentées aux 1° et 2° du I : automaticité de l’astreinte, extension de l’astreinte à toutes les mesures prescrites par le maire, conditions d’exonération, date de fin de l’astreinte en cas de mesures d’exécution d’office.

Le nombre important d’alinéas du 4° du I ne reflète donc pas une modification normative d’ampleur : la plupart d’entre eux sont la stricte reprise du droit existant de l’article L. 511-2, mais réagencé et toiletté, lorsque nécessaire. Par exemple, l’alinéa 35, qui porte sur les conditions d’exécution d’office de mesures pour faire cesser le péril, récrit le V de l’article L. 511-2 pour prévoir une mise en demeure du propriétaire avant l’exécution d’office. Cette mise en demeure était déjà prévue au premier alinéa du IV, mais se coordonnait mal avec les autres dispositions de l’article (l’objet de la mise en demeure n’était pas précisé, par exemple).

Le 5° du I effectue une mesure de coordination juridique entre l’article L. 541-1 et les dispositions du 3° du I.

Le 6° du I modifie l’article L. 543-1 pour prévoir l’adaptation des dispositions du présent article en matière d’astreinte lorsque les mesures de police concernées portent sur les parties communes d’un immeuble soumis à la loi n° 65557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (voir le commentaire de l’article 59 du présent projet de loi). Les personnes redevables de l’astreinte restent les copropriétaires.

L’alinéa 39 précise que les polices spéciales en matière d’insalubrité et de saturnisme sont également concernées par l’application du mécanisme d’astreinte automatique décrit ci-dessus, pour les parties communes d’une copropriété. Le droit existant ne prévoit l’astreinte – facultative – que pour la police de péril et la police de sécurité des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation.

Les alinéas 40 à 42 suppriment la mise en demeure de procéder aux mesures de police dont l’exécution est réclamée par l’autorité compétente, mise en demeure qui pouvait s’accompagner d’une astreinte. Cette astreinte étant désormais automatique, après l’expiration d’un délai qui demeure en vigueur, la mise en demeure n’a plus de pertinence.

Les alinéas 44 et 45 comportent des dispositions de coordination juridique, respectivement avec le 3° du I du présent article et avec l’alinéa 39 du présent 6° du I.

b.   Modification du code de la santé publique

Les modifications commentées ci-dessous ont principalement pour objet d’étendre le mécanisme d’astreinte déjà applicable aux polices du code de la construction et de l’habitation, susmentionnées, aux polices de lutte contre l’insalubrité et à la police de lutte contre le saturnisme, qui n’étaient pas concernées par ce mécanisme, à l’exception des mesures portant sur des situations d’insalubrité remédiable.

Le 1° du II prévoit donc le même dispositif d’astreinte automatique en ce qui concerne la non-exécution de mesures prescrites par le représentant de l’État dans le département pour faire cesser la mise à disposition de locaux (gratuitement ou non) par nature impropres à l’habitation, comme des caves ou des combles. L’astreinte court à l’issue d’une mise en demeure adressée à la personne qui met ces locaux à disposition, et vaut en cas de poursuite de cette mise à disposition ou de non-respect des autres mesures de police exigées. Les conditions d’application de cette astreinte sont fixées par le 7° du II (voir ci-dessous).

Les 2°, 3°, 4° et 5° du II effectuent les mêmes modifications pour d’autres situations d’insalubrité, respectivement dans les cas de mise à disposition de locaux conduisant à leur suroccupation manifeste, dans les cas d’utilisation de locaux présentant un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, dans les cas de déclaration de périmètre insalubre, valant interdiction définitive d’habiter et d’utiliser les locaux, dans les cas de déclaration d’immeuble insalubre à titre irrémédiable, valant également interdiction définitive d’habiter et d’utiliser les locaux.

Le 6° du II modifie l’article L. 1331-29 pour apporter, à l’alinéa 62, une précision juridique : la mise en demeure d’un mois prévue avant l’exécution d’office de mesures portant sur des immeubles insalubres est notifiée au propriétaire ; et à l’alinéa 62, une coordination juridique avec le 7° du II. Plus précisément, les dispositions abrogées par l’alinéa 62 sont reprises, sous réserve de l’application du nouveau dispositif d’astreinte automatique, dans un nouvel article créé par le 7° du II.

Ce 7° du II crée le nouvel article L. 1331-29-1, portant sur les conditions d’application du nouveau régime d’astreinte pour les polices spéciales de lutte contre l’insalubrité.

En dehors des dispositions nouvelles et déjà commentées pour les astreintes qui accompagnent les mesures de police relevant du code de la construction et de l’habitation, répliquées ici sans changement (automaticité de l’astreinte, extension de l’astreinte à toutes les mesures prescrites par le maire, conditions d’exonération, date de fin de l’astreinte en cas de mesures d’exécution d’office, transfert du produit de l’astreinte au président de l’EPCI-FP, s’il dispose de la compétence), les autres conditions d’application demeurent inchangées par rapport au droit existant. Par exemple, et à la différence des mesures de police du relevant du code de la construction et de l’habitation, le montant maximal de l’astreinte est fixé à 50 000 euros et l’astreinte est recouvrée et liquidée par l’État, qui reverse son produit à la personne publique compétente, net des frais de recouvrement fixés à 4 % du produit brut.

Plus précisément, le régime prévu au III de l’article L. 1331-29 pour l’exécution de mesures prescrites pour les immeubles à usage d’habitation déclarés insalubres à titre irrémédiable (article L. 1331-28), et transféré dans ce nouvel article, est étendu aux autres polices de lutte contre l’insalubrité, puisqu’elles bénéficient désormais du régime d’astreinte (1° à 5° du II).

Les alinéas 74 et 75 emportent, quant à eux, des apports normatifs. Ils prévoient une fin d’application de l’astreinte dans certaines situations où elle ne se justifie plus : lorsque les occupants de l’immeuble insalubre ont quitté les lieux, que l’insalubrité ne menace pas la santé ou la sécurité des voisins et que, le cas échéant, les mesures pour empêcher tout accès ou toute occupation des lieux ont été prises par le propriétaire.

Le 8° du II modifie l’article L. 1334-2, qui porte sur les mesures de police de lutte contre le saturnisme. Les alinéas 82, 86, 87 et 98 sont déjà mentionnés par cet article, et font l’objet d’un toilettage ou d’un réagencement.

Les alinéas 83 à 85 créent une astreinte automatique dans le cas de non‑exécution des travaux nécessaires pour supprimer le risque d’exposition au plomb. En outre, au vu des délais particulièrement courts qui sont fixés par la loi pour réaliser ces travaux avant leur réalisation d’office (un mois si les occupants sont présents, trois mois si les occupants sont temporairement relogés), une première astreinte commence à courir 10 jours à compter de la notification de l’arrêté préfectoral, si le propriétaire ne s’est pas engagé à effectuer les travaux, sauf contestation de fond sur la nature de ces travaux. Si l’engagement à réaliser les travaux n’est pas tenu, l’astreinte reprend dans les conditions habituelles, à l’issue du délai fixé par le représentant de l’État dans le département pour achever les travaux.

Les alinéas 88 à 97 correspondent aux mêmes conditions d’application de l’astreinte que ce qui est prévu au 7° du II pour les astreintes dues en cas de non-exécution des mesures de police de lutte contre l’insalubrité. La principale différence tient à l’extension de l’astreinte au non-respect du délai de 10 jours pendant lequel le propriétaire doit s’engager à réaliser les travaux.

c.   Modifications d’autres dispositions législatives

Le III modifie l’article 2374 du code civil, qui liste les personnes qui disposent d’un droit de préférence en matière de créance sur les immeubles. L’État et la commune bénéficient déjà d’un tel droit de préférence pour la garantie des créances formées par les astreintes de non-exécution de certaines mesures de police. Le champ des astreintes applicables étant étendu par le présent article, il convenait d’effectuer la nécessaire coordination juridique dans le code civil.

En outre, l’EPCI-FP qui exerce les compétences de police de lutte contre l’habitat indigne qui lui sont déléguées ou transférées, devient également un créancier privilégié pour les créances nées des astreintes que son président arrête.

Le IV modifie la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, précitée.

Le 1° du IV effectue les coordinations juridiques nécessaires pour les situations dans lesquelles le paiement d’une astreinte n’est imputable qu’aux seuls copropriétaires concernés (non-paiement de l’appel de fonds pour réaliser des travaux prescrits, par exemple).

Le 2° du IV effectue également des coordinations juridiques pour tenir compte de la création du nouvel article L. 1331-29-1 (7° du II).

Le V prévoit que les dispositions du présent article sont applicables à compter du premier jour du quatrième mois suivant la publication de la présente loi.

3.   L’avis du rapporteur

Le rapporteur soutient également ces dispositions qui ont pour objet d’assurer la bonne exécution des mesures de polices prescrites par les autorités compétentes, grâce à l’accentuation de la pression financière sur les propriétaires indélicats.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels et de coordination juridique de votre rapporteur.

*

*     *

La commission adopte successivement l’amendement de coordination CE1027, l’amendement rédactionnel CE1028, l’amendement de coordination CE1029 et les amendements rédactionnels CE1030, CE1031 et CE1032 du rapporteur.

Elle étudie l’amendement CE178 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. Richard Lioger, rapporteur. Lorsque l’EPCI n’a pas de pouvoir de police en matière de lutte contre l’insalubrité, le produit des astreintes ne va pas aux communes mais à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), comme c’est le cas dans le droit existant. Ce n’est donc pas un amendement de simple précision. Avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1033, CE1034, CE1036, CE1037 et CE1038 du rapporteur, puis son amendement de coordination CE1039.

Elle adopte ensuite l’article 57 modifié.

Article 57 bis (nouveau)
(article 11-1 [nouveau] de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers dhabitat informel et à la lutte contre lhabitat indigne dans les départements et régions doutre-mer)
Lutte contre lexpansion des bidonvilles à Mayotte et en Guyane

Cet article additionnel, adopté à l’initiative du Gouvernement, part du constat que les territoires de Mayotte et de Guyane sont confrontés à une expansion des constructions illicites par des occupants sans droit ni titre, dans un contexte de pression migratoire sans comparaison avec la métropole et les autres territoires ultramarins.

Cette extension de l’habitat informel en Guyane et à Mayotte est à l’origine de troubles graves à l’ordre public. Si les dispositions prévues aux articles 9, 10 et 11 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat informel, sont adaptées pour résorber des poches d’habitat informel résiduel aux Antilles et à La Réunion, elles ne le sont pas pour des bidonvilles en pleine expansion. Elles ne permettent qu’une centaine de démolitions par an dans chacun de ces territoires, soit un rythme très inférieur à l’expansion des bidonvilles.

Cet article additionnel complète donc la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, pour permettre aux représentants de l’État à Mayotte et en Guyane de procéder aux démolitions de locaux et installations par ensemble homogène d’habitat informel, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir préalablement une ordonnance du juge. Pour garantir les droits des occupants, il prévoit un délai minimal d’un mois pour procéder à l’évacuation et une obligation pour le représentant de l’État de proposer à chaque occupant une solution de relogement ou d’hébergement d’urgence.

*

*     *

La commission examine l’amendement CE1837 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Je vous fais grâce des exemples scandaleux que je relate dans l’exposé sommaire de l’amendement.

Je propose que, lorsqu’un bien fait l’objet d’un arrêté en vertu d’un article du code de la santé publique et que les mesures prescrites par cet arrêté n’ont pas été réalisées, le montant de l’expropriation soit réduit.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement, qui fixe un plafond strict et inconditionnel de l’indemnisation pour expropriation d’un logement insalubre, risque fort de constituer une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je vous demande le retrait de cet amendement, car nous sommes en train de travailler globalement sur ce sujet.

M. Stéphane Peu. Je le retire afin que nous retravaillions cette question. Il faut cesser d’opposer le droit de propriété à la lutte contre l’habitat insalubre. Ce sont les droits de l’homme et non le droit de propriété qui doivent prévaloir dans cette affaire.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE181 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Cet amendement vise à faciliter la possibilité pour le maire d’exécuter d’office les mesures d’urgence nécessaires pour supprimer le danger résultant de la défaillance du propriétaire, puis de recouvrer auprès de ce dernier les dépenses ainsi engagées par la commune.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il me semble que l’amendement n’est pas recevable juridiquement. La confiscation des biens est une peine complémentaire prononcée, le cas échéant, par le juge qui apprécie chaque situation. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE2808 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement rejoint une préoccupation exprimée par le ministre lors du débat. Il vise à étendre l’interdiction d’acquérir, instaurée par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), aux ventes aux enchères immobilières. Il est en effet illogique d’interdire l’achat aux personnes condamnées sur le fondement de l’article 225-14 du code pénal dans une vente de gré à gré, mais pas dans le cadre d’une vente aux enchères.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit de rendre une peine automatique sans contrôle du juge, ce qui paraît contraire à la Constitution. De manière générale, nous essayons aussi de protéger le caractère juridique des choses. Le droit de propriété est protégé par la Constitution. Peut-être faudrait-il la modifier pour aller vers un droit de l’être humain ?

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Je demande le retrait de cet amendement. Comme je l’ai dit tout à l’heure, un travail est en cours avec la Chancellerie, qui, je l’espère, aboutira dans les jours qui viennent sans qu’il soit nécessaire de modifier la Constitution.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. J’essaierai d’y travailler avec vous.

M. Stéphane Peu. Il conviendrait de mettre sur un pied d’égalité les ventes entre particuliers et les ventes par adjudication, car les ventes par adjudication échappent à toute une série de contraintes qui existent pour les ventes entre particuliers. Je suis d’accord pour que cette question soit intégrée dans le travail en cours avec la Chancellerie.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE2804 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de s’assurer que le juge vérifie si l’adjudicateur n’est pas soumis à une peine d’interdiction d’acquérir un bien immobilier dans le cadre d’une vente aux enchères par adjudication.

M. Richard Lioger, rapporteur. Mêmes arguments que précédemment.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même position que précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement CE1786 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Lorsqu’un immeuble est frappé par un arrêté d’insalubrité ou de péril et qu’il faut réaliser des travaux, il convient que la cession par adjudication soit assortie d’une obligation de faire les travaux.

M. Richard Lioger, rapporteur. Comme tout à l’heure, je vous renvoie au travail effectué par le Gouvernement pour aboutir à une meilleure rédaction. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement est déjà satisfait par l’état actuel du droit.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l’amendement CE1789 de M. Stéphane Peu.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE1787 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Je retire cet amendement, car un travail est engagé sur le sujet.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CE2655 du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement vise à compléter la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, afin de permettre aux préfets de Mayotte et de Guyane de procéder aux démolitions de locaux et installations par ensemble homogène d’habitat informel, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Pour garantir les droits des occupants, il prévoit un délai minimal d’un mois pour procéder à l’évacuation et une obligation pour le préfet de proposer à chaque occupant une solution de relogement ou d’hébergement d’urgence.

Cet amendement prévoit également une procédure plus courte en cas d’édification en cours d’une construction illégale pour permettre aux préfets d’interrompre les travaux, ce que ne permet pas le droit actuel.

En fait, il y a à Mayotte et en Guyane une situation spécifique qui justifie des mesures d’exception compte tenu de l’urgence actuelle.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Stéphane Peu. Il n’y a pas qu’à Mayotte et en Guyane que des problèmes se posent.

M. François Pupponi. À la Porte de la Chapelle, par exemple !

M. Stéphane Peu. Je suis preneur d’une extension de ce droit à la Seine-Saint-Denis, et peut-être même au Val-d’Oise…

La commission adopte l’amendement.

Article 58
Habilitation à prendre par ordonnances toute mesure visant à aménager les différentes polices administratives en matière de lutte contre lhabitat indigne

1.   L’état du droit

Comme cela a été vu ci-dessus, la lutte contre l’habitat indigne mobilise des politiques publiques très diverses : urbanisme et habitat, santé des personnes, salubrité et sécurité des bâtiments, ou encore lutte contre la précarité et la criminalité.

Aussi, au gré des nombreuses lois qui ont renforcé les mesures de lutte contre l’habitat indigne, les compétences des acteurs publics se sont progressivement étendues, sans que leurs actions soient bien coordonnées. Ce constat est particulièrement valable en matière de compétences de police : selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « il existe actuellement treize régimes de police spéciale de lutte contre l’habitat indigne, dont cinq régimes d’urgence. Huit régimes sont prévus dans le code de la santé publique et cinq dans le code de la construction et de l’habitation. Selon le régime de police concerné, la procédure varie sur de nombreux aspects : délais, modalités de mise en œuvre du principe du contradictoire, avis et consultations préalables, décision de réaliser les mesures et travaux d’office, etc. »

Les différentes autorités compétentes en matière de lutte contre lhabitat indigne

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Source : Agence nationale pour linformation sur le logement (ANIL).

L’autorité responsable de la mise en œuvre de ces polices administratives varie également : il s’agit du représentant de l’État dans le département en matière de mesures de salubrité et de lutte contre le saturnisme ; du maire, soit comme autorité de l’État (police des équipements communs des immeubles collectifs d’habitation), soit au nom de la commune (arrêtés de péril). Le pouvoir de police générale du maire se confronte, en outre, à des situations dans lesquelles les compétences en matière de logement ont été déléguées au niveau intercommunal, ce qui affaiblit la capacité du maire à agir efficacement, notamment à titre préventif.

L’étude d’impact cite également une autre situation de complexité : « la mise en œuvre d’office des mesures prescrites (…) peut, à l’intérieur d’une même police, incomber à un acteur différent de celui qui a le pouvoir d’édicter les mesures ». Enfin, la multiplicité des polices et donc des procédures à suivre engendre des difficultés pratiques à se saisir du bon outil face à chaque situation, ce qui se double d’une difficulté juridique : le risque contentieux est aggravé lorsque les procédures ne sont pas correctement suivies.

Sous l’effet de deux lois récentes, un premier mouvement de rationalisation a eu lieu. La loi « ALUR » du 24 mars 2014, précitée, a permis au président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) d’assurer le rôle d’autorité compétente unique en matière de police spéciale de l’habitat, par transfert volontaire de la compétence du maire : police du péril, police de sécurité des établissements recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement et police de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d’habitation.

La loi « ALUR » et la loi « Égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017, précitées, ont également prévu la délégation au président de l’EPCI-FP des polices spéciales exercées par le représentant de l’État dans le département, en matière de lutte contre l’insalubrité et le saturnisme et en matière de danger sanitaire ponctuel, à trois conditions : que l’EPCI-FP dispose de la délégation de gestion des aides à la pierre, que son président ait bénéficié du transfert des polices spéciales du maire mentionnées ci-dessus et qu’il dispose d’un service intercommunal d’hygiène et de santé.

Ces mesures de rationalisation sont toutefois limitées dans leur périmètre et dans leurs modalités d’application. En particulier, le transfert des polices spéciales concernées des maires vers les présidents d’EPCI-FP reste volontaire : les maires peuvent s’y opposer explicitement. Lorsqu’au moins un maire s’oppose au transfert, le président de l’EPCI-FP dispose également de la prérogative de renoncer à exercer ce pouvoir de police. Selon les données fournies par l’étude d’impact, dans le cadre de l’enquête annuelle sur l’habitat indigne de 2015, portant sur 73 % des départements, 302 présidents d’EPCI-FP exerçaient effectivement les pouvoirs de police spéciale en lieu et place des maires, soit 24 % des présidents potentiellement concernés à l’époque (9 % sur l’intégralité du territoire de l’EPCI, 5 % sur une partie des communes membres seulement).

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 58 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans les 18 mois qui suivent la publication de la présente loi, trois catégories de mesures de rationalisation.

Le prévoit l’harmonisation, la mise en cohérence et la simplification des polices administratives suivantes : police du péril, police de sécurité des établissements recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement, police de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d’habitation, police de l’insalubrité, police de lutte contre le danger sanitaire ponctuel urgent et, enfin, police de lutte contre le saturnisme.

Le vise à accroître les pouvoirs de police générale du maire en matière d’urgence, sur deux volets : la visite des logements signalés dangereux et le recouvrement des dépenses engagées, en particulier pour travaux ou démolition d’un immeuble menaçant péril, comme cela est déjà possible pour certaines polices spéciales. Le prévoit également l’articulation entre cette police générale et les différentes polices spéciales.

Le vise à favoriser l’organisation intercommunale des outils et moyens de lutte contre l’habitat indigne, y compris dans la métropole du Grand Paris :

– stabiliser les compétences transférées du maire vers le président de l’EPCI-FP en matière de lutte contre l’habitat indigne, notamment lorsque plusieurs présidents se succèdent ou lorsque l’EPCI-FP fait l’objet d’un changement de périmètre ;

– favoriser la création de services intercommunaux mutualisés de lutte contre l’habitat indigne et les immeubles dangereux (dans les EPCI-FP et dans la métropole de Lyon), correctement dotés ;

– faciliter les conditions de délégation de certaines polices spéciales exercées par le représentant de l’État dans le département (insalubrité, saturnisme, danger sanitaire ponctuel) au président de l’EPCI-FP, en prévoyant toutefois que le service intercommunal d’hygiène et de santé déjà prévu par la loi dans le cas d’une telle délégation soit transformé en service intercommunal mutualisé (voir ci-dessus).

3.   L’avis du rapporteur

Toutes les mesures d’harmonisation et de simplification du droit existant en matière de police administrative sont pertinentes, dans la mesure où la lisibilité de l’action publique est aussi un gage de son efficacité. Votre rapporteur soutient donc le mouvement déjà engagé de rationalisation des compétences exercées par le maire et par le président de l’EPCI en matière de lutte contre l’habitat indigne.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté deux modifications d’ordre rédactionnel, à l’initiative de votre rapporteur.

*

*     *

La commission est saisie de l’amendement CE1790 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Je suis opposé à ce que l’on recoure à une ordonnance pour régler ce type de problèmes, et je propose par conséquent la suppression de l’article.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1152 de M. Vincent Rolland.

Elle en vient à l’amendement CE1532 de Mme Sophie BeaudouinHubiere.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Si l’intention du Gouvernement est bien de vouloir simplifier, il convient d’écrire clairement que l’ordonnance visera bien à moderniser et à simplifier les procédures de lutte contre l’habitat indigne, les choses allant sans dire mais allant encore mieux en le disant.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet amendement modifierait l’intitulé d’une loi. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CE345 de M. Thibault Bazin et CE809 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Mon amendement vise à écarter toute disposition réservant à l’intercommunalité l’entière compétence en matière de lutte contre l’habitat indigne, ainsi que les moyens financiers y afférents alors même que le maire sera tenu en cas d’urgence d’intervenir sur le fondement de son pouvoir de police générale. Toutes nos discussions depuis des heures montrent que les maires doivent être au contact et présents. Ils utilisent d’ailleurs tous les moyens, même ceux qui ne sont pas prévus par le législateur, pour y faire face.

Je vous demande vraiment, messieurs les ministres, de revoir ce sujet.

M. Robin Reda. Tout à l’heure, nous avons examiné très rapidement un amendement de M. Ramadier qui était au milieu d’amendements rédactionnels du rapporteur, sur le transfert du montant des astreintes, soit à l’ANAH, soit à l’intercommunalité, qui seraient confisquées aux marchands de sommeil.

Il y a, dans ce projet de loi comme dans d’autres textes, une tendance à l’intercommunalisation qui ne me semble pas être le fait d’une vraie volonté politique ni d’une volonté des élus locaux. L’intercommunalité est importante en matière d’habitat, d’aménagement, et c’est souvent à cet échelon que les maires ont la possibilité de mettre en place une ingénierie qui demande du temps, des compétences et un repérage très fin. Mais ce sont les maires qui ont le pouvoir de police et qui sont les mieux à même de repérer et de sanctionner, le cas échéant, les contrevenants. Il faut donc plutôt veiller à une bonne coordination entre les communes et leur intercommunalité.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’ordonnance ne prévoit pas de transfert automatique des pouvoirs de police. Pour nous, il s’agit de gagner en efficacité et, dans 99 % des cas, le travail est effectué en étroite collaboration entre le président de l’intercommunalité et le maire.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je partage les propos du rapporteur.

Monsieur Reda, l’exercice des pouvoirs de police peuvent donner lieu à des astreintes, donc à des financements. Lorsque ces astreintes sont prononcées par les préfets, les sommes vont vers l’ANAH. Nous voulons que ceux qui détectent récupèrent l’astreinte pour renforcer leur entité de détection. Lorsque l’EPCI prononce les astreintes, il récupère l’argent et lorsque c’est le préfet, il va à la commune si c’est elle qui a procédé à la détection, à l’EPCI si c’est lui. Ce système, très fluide, permet de donner l’argent à celui qui détecte.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE2749 de M. Thibault Bazin et CE2750 de M. Éric Pauget.

M. Richard Lioger, rapporteur. Mêmes arguments que précédemment. Défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’ordonnance vise uniquement à simplifier les onze polices différentes qui existent, et en aucun cas à transférer toutes les compétences à l’EPCI.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1040 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CE2805 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement a pour objet de permettre au Gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour clarifier le régime des pouvoirs de police du maire et du préfet et d’en tirer les conséquences dans le cadre de leur transfert, le cas échéant, au président de l’EPCI. Mais il revient sur la possibilité pour le Gouvernement de modifier, par voie d’ordonnance, les conditions de transfert à l’EPCI.

Il convient de savoir quels seront ces pouvoirs à l’issue des travaux de l’ordonnance avant de modifier leur répartition au sein du bloc communal. Ce n’est pas une demande des intercommunalités ni, a fortiori, des maires. Il n’est pas nécessaire de prévoir cette mesure avant d’avoir redéfini les outils de lutte contre l’habitat indigne.

M. Richard Lioger, rapporteur. Si cette clarification demande une modification de certaines conditions de délégation des compétences, il ne faut pas l’empêcher dès l’habilitation mais y revenir si nécessaire sur le texte de l’ordonnance. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1041 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 58 modifié.

Article 58 bis (nouveau)
(article L. 635-4 du code de la construction et de l’habitation)
Gratuité du traitement des demandes d’autorisation préalable à la mise en location

Cet article additionnel, adopté à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, part du constat que, si la plupart des collectivités territoriales qui mettent en œuvre la procédure d’autorisation préalable à la mise en location le font à titre gratuit, d’autres appliquent des frais de dossier aux propriétaires. Afin d’éviter les effets pervers, garantir la gratuité de ces procédures est un levier utile pour assurer le maintien des mises en location de logements vacants dans les zones concernées.

*

*     *

La commission étudie l’amendement CE2806 de la commission des lois.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous proposons que le permis de louer soit gratuit.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Chapitre IV
Améliorer le droit des copropriétés

Article 59
(articles L. 441-1, L. 615-6, L. 741-1 du code de la construction et de lhabitation et
article L. 522-1 du code de lexpropriation pour cause dutilité publique)
Copropriétés dégradées

1.   L’état du droit

a.   La lutte contre la dégradation en spirale

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la dégradation des copropriétés peut être considérée comme un « processus de déqualification qui affecte un ensemble immobilier placé sous le régime de la copropriété avec des symptômes de différents ordres qui se cumulent le plus souvent : dégradation de l’état du bâti, des espaces extérieurs et des équipements, difficultés de gestion ou d’administration de la copropriété, difficultés financières et juridiques, paupérisation et spécialisation de l’occupation, et dépréciation des logements et de la copropriété sur le marché du logement ».

Les situations de dégradation sont donc diverses, à des stades plus ou moins avancés, mais généralement marquées par une forme de cercle vicieux où plus la dégradation se prolonge, plus la copropriété se dévalorise sur le marché et attire des occupants modestes, qui ne sont pas en mesure d’assumer des charges de rénovation susceptibles d’enrayer cette spirale voire, tout simplement, d’assumer les charges courantes d’une copropriété surendettée : dans le cas de l’ensemble Grigny 2, pourtant sous administration provisoire (voir ci-dessous) depuis 2011, ces charges s’élèvent environ à 300 euros par mois.

L’intervention publique se justifie donc, comme la mise sous tutelle du syndicat des copropriétaires, avec la désignation par les autorités compétentes d’un administrateur provisoire chargé de gérer la copropriété le temps de procéder aux travaux nécessaires et, le cas échéant, d’assurer le redressement financier de la copropriété.

Mais, dans le cas des copropriétés particulièrement dégradées, une procédure judiciaire de carence peut être déclenchée, dans des conditions facilitées par l’article 72 de la loi « ALUR » du 24 mars 2014, précitée. L’article L. 615-6 du code de la construction et de l’habitation dispose ainsi que, lorsque « le syndicat des copropriétaires (…) est, en raison de graves difficultés financières ou de gestion et de l’importance des travaux à mettre en œuvre, dans l’incapacité d’assurer la conservation de l’immeuble ou la sécurité et la santé des occupants », une expertise peut être diligentée par le tribunal de grande instance, à la demande du maire ou, le cas échéant, du président de l’EPCI s’il dispose de la compétence en matière d’habitat. Après accord du maire ou du président de l’EPCI, cette saisine du juge peut également être de l’initiative de l’administrateur provisoire, s’il a été désigné, du syndic ou du représentant de l’État dans le département.

Cette expertise est essentielle : ses conclusions motivent la décision du juge de déclarer l’état de carence, préalable à l’expropriation de l’immeuble. Elle porte sur « l’importance du déséquilibre financier du propriétaire, du syndicat ou de la société assurant la gestion de l’immeuble, la répartition des dettes par copropriétaire ainsi que la nature et l’état des parties communes et, conséquemment, la nature et le coût des travaux à mettre en œuvre pour garantir la santé et la sécurité des occupants ». L’expertise est rendue dans un délai de 3 mois, qui peut être étendu par le juge à six mois. Dans les faits, depuis 2010 et selon l’étude d’impact, la procédure de carence est rarement utilisée (une trentaine de cas par an) et le constat de carence n’a été ordonné qu’à trois reprises.

La loi « ALUR », précitée, a également prévu que, lorsque le maire ou le président de l’EPCI compétent saisissent le juge pour enclencher la procédure de carence, ils doivent conjointement proposer un projet simplifié d’acquisition publique : il s’agit d’acquérir les lots dégradés, souvent par des opérations de portage foncier, préalablement à leur rénovation. Le recours au portage foncier est permis dans le cadre des opérations de requalification des copropriétés dégradées.

b.   Les opérations de requalification des copropriétés dégradées

L’opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) a été créée par l’article 65 de la loi « ALUR », précitée, et codifiée à l’article L. 741-1 du code de la construction et de l’habitation. L’ORCOD, qui peut être d’intérêt national lorsque les projets sont d’une particulière ampleur (ORCOD-IN), est lancée dans les situations de très grande difficulté des copropriétés, par exemple lorsque les plans de sauvegarde mentionnés ci-dessus ne suffisent pas à les redresser.

Les ORCOD sont conçues comme des opérations globales, qui permettent de « repartir de zéro » : elles contiennent un dispositif d’intervention immobilière et foncière (notamment les opérations d’acquisition publique susmentionnées) ainsi que des opérations d’aménagement ; un plan de relogement, d’accompagnement social des occupants et de mobilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l’habitat indigne (les copropriétés dégradées étant particulièrement utilisées par les marchands de sommeil) ; la mise en œuvre des actions prévues pour les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH, voir le commentaire de l’article 54). Par exemple, pour l’ORCOD-IN de Clichy-sous-Bois, une des ambitions de l’opération est de créer un véritable centre-ville au sein des barres d’immeubles rénovées.

Les ORCOD peuvent également prévoir la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde, lancé par le représentant de l’État dans le département et suivi par une commission ad hoc, conçu lorsqu’un groupe d’immeubles en copropriété « est confronté à de graves difficultés sociales, techniques et financières résultant notamment de complexités juridiques ou techniques et risquant à terme de compromettre leur conservation », en application de l’article L. 615-1 du code de la construction et de l’habitation. Ces plans de sauvegarde, d’une durée de cinq ans, permettent de financer les travaux de conservation les plus urgents ou conduisant à réduire les charges courantes de la copropriété, et de redresser la situation financière, juridique et sociale de la copropriété, si besoin par le biais d’un administrateur provisoire (voir ci-dessus).

Les ORCOD-IN sont des ORCOD déclarés d’intérêt national par décret en Conseil d’État, en application de l’article L. 741-2 du code de la construction et de l’habitation. Dans ce cas-là, l’ORCOD doit être confiée à un établissement public foncier (EPF), qui effectue les opérations de portage foncier, est le concessionnaire des aménageurs et le coordinateur de l’ensemble des actions mentionnées ci-dessus (projet urbain, opérations de relogement, accompagnement social, plan de sauvegarde).

En outre, plusieurs conditions sont posées par la loi : l’habitat est particulièrement dégradé, d’où le besoin de lourds investissements, le site concerné comporte au moins une copropriété couverte par un plan de sauvegarde, et le droit de préemption urbain renforcé (voir le commentaire de l’article 54) a été instauré et délégué à l’EPF en charge de l’opération.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I de cet article modifie le code de la construction et de l’habitation pour améliorer les conditions de requalification des copropriétés dégradées dans le cadre d’ORCOD.

Le 1° du I (alinéa 2) prévoit que les personnes qui doivent être relogées dans le cadre d’une ORCOD font partie des personnes à qui sont réservées la part de 25 % des attributions de logements sociaux hors des quartiers politiques de la ville, sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale tenus de se doter d’un programme local de l’habitat (PLH), en application de l’article L. 441-1.

Le 2° du I (alinéas 4 à 9) modifie l’article L. 615-6 qui porte sur l’encadrement de la procédure judiciaire pouvant conduire à la déclaration de l’état de carence de gestion d’un immeuble. Sont notamment visées les conditions de désignation par le juge d’un expert qui constate, en particulier, la nature et le coût des travaux à mettre en œuvre pour garantir la santé et la sécurité des occupants.

L’alinéa 4 allège les conditions de saisine du juge pour lancer une procédure d’expertise pouvant conduire à une ordonnance de carence. Cet alinéa prévoit que le juge agit uniquement en référé et non plus, alternativement, sur requête. La voie du référé semble la plus efficace, dans la mesure où elle permet au juge de prendre rapidement une ordonnance et garantit d’obtenir un jugement au fond, après la remise des conclusions de l’expertise.

L’alinéa 6 prévoit que les conclusions de l’expertise mentionnée ci-dessus sont également notifiées aux copropriétaires, là où le droit existant prévoit uniquement la notification, en ce qui concerne les occupants de l’immeuble, au propriétaire et au syndicat des copropriétaires (qui dispose d’une personnalité juridique propre). La décision de référé qui diligente cette expertise est également notifiée. En outre, cet alinéa précise que cette notification vaut intervention forcée à l’instance, ce qui signifie que l’ensemble des personnes notifiées sont, du seul fait de cette notification, parties à la procédure judiciaire de carence qui, rappelons-le, peut conduire à l’expropriation des occupants.

Cette double précision juridique découle d’un arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2015 ([106]), qui considère que, bien qu’étant représentés par le syndicat des copropriétaires, déjà partie à la procédure, les copropriétaires sont fondés de recourir contre la décision du juge, en application du principe d’accès au juge. Avec la nouvelle rédaction proposée par cet alinéa, les copropriétaires deviennent parties à la procédure : ils pourront toujours déposer certains recours mais pas en tant que tiers à la procédure (ce qui ouvre, notamment, le droit à un recours de tierce opposition, lorsque le tiers peut prouver que la décision lui fait grief, ce qui est manifestement le cas dans ce type d’instance).

Les alinéas 8 et 9 tirent les conséquences juridiques des dispositions précédentes : les copropriétaires peuvent également être entendus (à titre individuel, donc) par le juge préalablement à sa décision au fond sur la carence, et, le cas échéant, l’ordonnance de carence est également notifiée aux copropriétaires.

Le 3° du I facilite les conditions de relogement des occupants de copropriétés faisant l’objet d’une ORCOD, en conférant au maire et au président de l’EPCI le même pouvoir dont ils disposent en matière de relogement pour cause d’insalubrité : désigner ces occupants à un organisme bailleur aux fins qu’il les loge et, en cas de refus du bailleur, procéder à l’attribution d’un logement, sur leurs droits à réservation (leur « quota ») propres.

Le 4° du I prévoit que le déclenchement d’une ORCOD d’intérêt national ne comporte plus la condition que le territoire concerné comprenne une ou plusieurs copropriétés faisant l’objet d’un plan de sauvegarde. Cette condition s’est révélée bloquante dans les faits, notamment pour les copropriétés dont l’état de dégradation avait, d’emblée, découragé les autorités compétentes de lancer un tel plan de sauvegarde, ou lorsque le processus de dégradation évolue à un rythme tel qu’il est plus pertinent d’éviter cette étape.

Le II de cet article modifie l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui prévoit aujourd’hui une situation exceptionnelle de prise de possession anticipée (donc plus rapide qu’une expropriation par voie ordinaire) par l’État de terrains non bâtis situés sur l’emprise d’ouvrages de travaux publics d’intérêt public (autoroute, voies de chemin de fer). Cette forme d’expropriation accélérée correspond à un usage exorbitant des prérogatives de puissance publique de l’État : pour cette raison, elle n’est autorisée qu’après avis conforme du Conseil d’État.

Le présent II prévoit une nouvelle situation de prise de possession anticipée, dans les mêmes conditions juridiques, cette fois d’immeubles dégradés entrant dans le cadre d’une ORCOD-IN. Trois conditions sont toutefois posées : leur acquisition devait au préalable être prévue dans le cadre d’une opération d’aménagement faisant l’objet d’une déclaration d’intérêt public ; la dégradation des immeubles concernés pose des risques sérieux pour la sécurité des occupants ; et un projet de plan de relogement des occupants a été établi.

Selon l’étude d’impact, cette disposition se justifie, en effet, pour « assurer le relogement des occupants rapidement afin d’éviter d’être confronté à une dégradation non contrôlée (fissures des façades par exemple) qui obligerait à évacuer l’immeuble en urgence (…). Lorsque l’expropriant a pris possession du bien, la maîtrise des opérations de relogement est bien meilleure : le relogement est effectué, puis le logement vide est sécurisé et condamné dans l’attente de travaux lourds ou d’une démolition. Toute réoccupation sauvage est donc évitée ». Tandis que la procédure d’expropriation classique dure, selon les estimations de l’étude d’impact, environ 18 mois, la prise de possession anticipée assure une réduction importante de ce délai, qui n’est cependant pas quantifiée par l’étude d’impact.

Le III du présent article précise que les dispositions du 2° du I s’appliquent aux procédures de carence ouvertes à compter de la date de publication de la présente loi.

3.   L’avis du rapporteur

Les ORCOD sont des outils puissants et efficaces à la disposition des pouvoirs publics. Le présent article a pour objet d’améliorer leurs conditions de mise en œuvre, et notamment de faciliter le lancement d’ORCOD-IN. Dans cette mesure, votre rapporteur salue cette disposition.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté plusieurs modifications d’ordre rédactionnel, à l’initiative de votre rapporteur.

*

*     *

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1042 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CE491 de M. Alain Ramadier et CE634 de M. Pierre Cordier.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1043 et CE1044 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 59 modifié.

Après l’article 59

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CE1283 de M. Thibault Bazin et CE2300 de M. François Pupponi.

Puis elle examine les amendements identiques CE463 de M. Vincent Descoeur et CE1282 de M. Thibault Bazin.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable. Je précise que je serai défavorable à tous les amendements relatifs aux copropriétés, étant favorable au recours à l’ordonnance sur cette question.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement CE509 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Les copropriétaires, en assemblée générale, votent la plupart du temps le fonds travaux au taux légal minimum de 5 % et ne sont pas incités à verser davantage, en raison du caractère non remboursable de leur cotisation en cas de vente. Les copropriétaires estiment qu’ils auront cotisé à perte et qu’une négociation favorable avec leur acheteur pour récupérer cette épargne n’est pas garantie.

Pour dynamiser ce fonds travaux, il vous est proposé de donner plus de lisibilité aux copropriétaires en rattachant les fonds travaux aux copropriétaires et non à la copropriété, ce qui leur garantit que ce fonds leur sera remboursé par le syndicat en cas de vente de leur lot.

M. Richard Lioger, rapporteur. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CE2298 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Monsieur le rapporteur, j’ai bien compris que vous souhaitiez émettre un avis défavorable sur tous les amendements afin d’y travailler dans le cadre des ordonnances.

Je retire donc tous mes amendements portant articles additionnels après l’article 59.

L’amendement est retiré, ainsi que les amendements CE2299, CE2296, CE2301, CE2295, CE2294, CE2302, CE2292, CE2303, CE2293 et CE2297 du même auteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE461 de M. Vincent Descoeur CE512 de M. Alain Ramadier et CE1278 de M. Thibault Bazin.

Elle examine ensuite l’amendement CE1280 de M. Thibault Bazin.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Pupponi, pour éviter tout malentendu, je vous précise que l’ordonnance porte sur les copropriétés et non sur les syndics.

M. le président Roland Lescure. Voilà une précision bienvenue !

M. Thibault Bazin. Nos amendements portant sur la matière des ordonnances sont des amendements d’appel. Et il faudra discuter ceux qui ont trait à d’autres sujets.

M. François Pupponi. Mes amendements sont liés directement aux copropriétés.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je le répète, l’ordonnance porte sur les copropriétés. De facto les syndics ont un lien avec les copropriétés.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements identiques CE458 de M. Vincent Descoeur et CE1275 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques CE464 de M. Vincent Descoeur, CE513 de M. Alain Ramadier et CE1284 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques CE457 de M. Vincent Descoeur et CE1273 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques CE455 de M. Vincent Descoeur et CE1272 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques CE466 de M. Vincent Descoeur et CE1286 de M. Thibault Bazin, l’amendement CE450 de M. Vincent Descoeur, l’amendement CE1269 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques CE468 de M. Vincent Descoeur et CE1287 de M. Thibault Bazin, l’amendement CE454 de M. Vincent Descoeur, l’amendement CE1271 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques CE460 de M. Vincent Descoeur et CE1276 de M. Thibault Bazin.

Elle examine ensuite l’amendement CE1779 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement prévoit que les représentants des locataires peuvent devenir membres du conseil syndical.

M. Richard Lioger, rapporteur. Une consultation est en cours entre le Gouvernement et les associations de locataires. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE1526 de M. Benoit Potterie.

L’amendement CE1523 de M. Benoit Potterie est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE182 de M. Alain Ramadier.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE119 de M. Charles de La Verpillière.

M. Thibault Bazin. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n’oblige pas les syndicats de copropriété à mettre aux normes d’accessibilité les parties communes des immeubles ne comportant que des logements. Dès lors, certains copropriétaires peuvent être conduits à proposer de prendre en charge des travaux d’accessibilité dans les parties communes pour eux-mêmes ou leurs locataires.

Le législateur a déjà voulu les aider en facilitant l’obtention de l’autorisation requise de l’assemblée générale : la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés suffit alors que la majorité des voix de tous les copropriétaires est normalement requise pour les travaux effectués par certains copropriétaires dans les parties communes.

Mais, à l’expérience, cela s’avère insuffisant. De nombreux propriétaires souffrant d’un handicap ou à mobilité réduite, ou ayant des locataires dans ce cas, ne réussissent pas à obtenir, par exemple, l’installation d’un monte-escalier électrique dans un immeuble dépourvu d’ascenseur. Il est donc proposé d’inverser le processus juridique : l’autorisation sera de droit, elle ne pourra être refusée qu’à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix. Le refus ne pourra être fondé que sur l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou de ses éléments d’équipements essentiels, ou sur leur non-conformité à la destination de l’immeuble.

Il est également prévu que les contestations soient portées dans un délai de quinze jours devant le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en la forme des référés, afin d’allier les avantages de la procédure de référé et de la procédure au fond.

Bien entendu, ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront pas lorsque les travaux d’accessibilité sont obligatoires et incombent au syndicat en vertu de la loi ou du règlement.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il nous semble que votre proposition porte atteinte à la disproportionnalité des droits de propriété entre les propriétaires. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis. Vous proposez que l’autorisation ne puisse être refusée qu’à la majorité des membres du syndicat – c’est l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 –, ce qui pose un problème pour ce type de décision.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE511 de M. Alain Ramadier.

M. Alain Ramadier. Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), créé par la loi ALUR, est un simple organe de consultation. Le projet de loi ELAN prévoit l’abandon de son rôle disciplinaire. Or nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation dans laquelle des syndics mal intentionnés, qui nuisent à l’image de la profession de syndic et participent à la méfiance des copropriétaires, notamment des plus petits, ne risquent pas de sanctions de la part de leurs pairs. Nous proposons donc de créer un conseil de l’ordre des gestionnaires de copropriété.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’ampleur d’une telle réforme est précisément la raison pour laquelle le Gouvernement, et plus spécifiquement le ministère de la justice, engage une importante concertation. Nous vous demandons donc d’attendre. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l’amendement CE1778 de M. Stéphane Peu.

Article 60
Habilitation à procéder par ordonnances à ladoption de la partie législative dun code relatif à la copropriété des immeubles bâtis et des mesures damélioration de la gestion des immeubles et de la prévention de contentieux en matière de copropriété

1.   L’état du droit

Autour de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui est le principal socle juridique des dispositions relatives à la copropriété, gravitent plusieurs dispositions codifiées portant sur le même sujet, ce qui entraîne un véritable manque de lisibilité et de clarté juridiques, pour les professionnels mais aussi pour les copropriétaires. Par exemple, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, qui évoque une « inflation normative désordonnée », mentionne que certaines dispositions issues de la loi « ALUR » du 24 mars 2014, précitée, spécifiquement conçues pour s’appliquer aux immeubles en copropriétés, ont été intégrées au code de la construction et de l’habitation (articles L. 711-1 sur le registre d’immatriculation des copropriétés, L. 721-1 sur l’information des acquéreurs de lots, L. 731-1 relatifs à l’entretien, la conservation et l’amélioration des immeubles relevant du statut de la copropriété).

En outre, la loi de 1965 a elle-même fait l’objet de très nombreuses modifications (toujours selon l’étude d’impact, son volume a été multiplié par cinq en 25 ans), sans que son intelligibilité d’ensemble soit toujours respectée.

La perspective d’une codification de l’ensemble de ces dispositions relève donc à la fois d’objectifs juridiques manifestes et de réponse à une attente sociétale grandissante.

Enfin, le droit existant en matière de copropriété fait l’objet de nombreuses critiques, de deux ordres principaux : son manque de clarté a conduit à une hausse sensible du contentieux, lui-même source de solutions jurisprudentielles nombreuses qui devraient être stabilisées dans la loi ; la gouvernance « triangulaire » des copropriétés (syndicat de copropriétaires, syndic et conseil syndical) fait l’objet de lourdeurs qui doivent être aménagées pour limiter la primauté des intérêts personnels sur l’intérêt de la copropriété.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 60 habilite le Gouvernement à prendre deux ordonnances : dans les 24 mois qui suivent la publication de la présente loi, l’adoption de la partie législative d’un code relatif à la copropriété des immeubles bâtis (I) ; dans les 12 mois à partir du même délai, des mesures visant à améliorer la gestion des immeubles et à prévenir les contentieux en matière de copropriété (II).

Le I porte, plus précisément, sur la codification de l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété, en particulier la loi du 10 juillet 1965, précitée. La codification n’aurait pas lieu à droit strictement constant car l’habilitation autorise le Gouvernement à apporter les modifications rendues nécessaires, à assurer le respect de la hiérarchie des normes, à remédier aux éventuelles erreurs et à abroger les dispositions devenues sans objet.

Le II vise à redéfinir le champ d’application de la loi du 10 juillet 1965, précitée, en fonction des caractéristiques des immeubles, de leur destination, de la taille de la copropriété, puis de modifier les règles d’ordre public qui y sont applicables (1° du II).

Le 2° du II vise à clarifier, moderniser et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété pour tenir compte des difficultés qui peuvent aujourd’hui être constatées en matière de prise de décision, de droits et d’obligation des différents acteurs concernés (syndicat de copropriétaires, copropriétaires, conseil syndical, syndic). Par exemple, pour fluidifier la prise de décisions dans les assemblées générales, sont évoquées par l’étude d’impact les pistes suivantes : possibilité d’adresser certaines notifications par voie d’extranet, facilitation des procurations, autorisation de procéder à un vote par correspondance ou recours à la visioconférence. Dans la foulée de plusieurs réformes récentes, les seuils de majorité nécessaires à la prise de certaines décisions (en matière de travaux, par exemple), pourront être aménagés.

Ces deux ordonnances auront également pour effet de réduire le contentieux, en clarifiant le droit applicable dans les matières suivantes, mentionnées par l’étude d’impact : les parties communes spéciales, les parties communes à jouissance privative, les lots transitoires, le droit de construire et le droit d’affichage définis comme accessoires aux parties communes et, enfin, la valeur de l’état descriptif de division.

3.   L’avis du rapporteur

La préparation de ces ordonnances, sur un sujet aussi sensible, va réclamer la mise en place d’une concertation de grande ampleur, associant toutes les parties concernées. À la suite de ses échanges avec la Chancellerie, votre rapporteur est rassuré sur le fait que le Gouvernement compte bien adopter cette méthode de dialogue pour identifier tous les éléments utiles à une meilleure lisibilité des dispositions encadrant la gestion des copropriétés – une meilleure lisibilité qui est urgente, d’où la pertinence de recourir aux ordonnances.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet amendement avec une précision rédactionnelle apportée par Mme Sophie Beaudoin-Hubiere.

*

*     *

La commission étudie l’amendement CE1541 de Mme Sophie BeaudouinHubiere.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Ma marotte étant la simplification, je demande que le principe en soit inscrit dans cet article au regard de l’inflation normative, parfois désordonnée, de ces dernières années.

M. Richard Lioger, rapporteur. Favorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE356 de M. Thibault Bazin.

Puis elle adopte l’article 60 modifié.


 

Chapitre V
Numérisation du secteur du logement

Article 61
Habilitation à prendre par ordonnance toute mesure
visant à la création dun bail numérique

1.   L’état du droit

a.   L’existence d’un bail type : les apports de la loi « ALUR »

Avant 2014, l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, précitée, faisait état de certaines mentions obligatoires dans le contrat de location, qui devait être établi par écrit avec les mentions suivantes : nom du bailleur ainsi que son domicile (ou le siège social), les coordonnées éventuelles du mandataire, la date de prise d’effet du bail et sa durée, la consistance et la destination de la chose louée, la désignation des locaux et équipements d’usages privatifs dont le locataire a la jouissance exclusive et, le cas échéant, la liste des parties ou équipements de l’immeuble faisant l’objet d’un usage commun, le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle, le montant du dépôt de garantie, si celui-ci est prévu. Enfin, il était précisé que le contrat de location indique la surface habitable de la chose louée.

La loi « ALUR » du 24 mars 2014, précitée, a significativement augmenté la précision de ces mentions obligatoires ([107]), ainsi que les documents devant être annexés au bail, comme les documents relatifs à l’exposition au plomb, à la sécurité de l’installation électrique ou encore à la performance énergétique du bien immobilier, mais aussi une notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes afin de régler leurs litiges. En outre, en application de la loi, le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale prévoit, dans ses annexes, un contrat type qui garantit le respect des dispositions de la loi de 1989.

b.   L’Agence nationale pour l’information sur le logement et les observatoires locaux des loyers

En application de l’article L. 366-1 du code de la construction et de l’habitation, des associations d’information sur le logement peuvent être créées au niveau territorial ou national : l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), avec son réseau de 82 agences départementales (ADIL), effectue les missions précisées à cet article. Il s’agit « d’informer gratuitement les usagers sur leurs droits et obligations, sur les solutions de logement qui leur sont adaptées, notamment sur les conditions d’accès au parc locatif et sur les aspects juridiques et financiers de leur projet d’accession à la propriété ». Le site internet de l’ANIL constitue une base d’informations juridiques et statistiques complète à destination du public, notamment en matière de garanties locatives, de rénovation énergétique ou de niveau moyen des loyers selon les zones géographiques.

Pour cette dernière mission, l’ANIL et les ADIL bénéficient des statistiques recensées et transmises par les observatoires locaux des loyers, prévus à l’article 16 de la loi de 1989, précitée, enrichi de nombreuses dispositions par la loi « ALUR ». Ces observatoires publics, agréés par le ministre chargé du logement, associent de façon équilibrée les bailleurs, les locataires et les gestionnaires locatifs. Il convient de noter que l’ensemble du territoire n’est pas couvert par des observatoires locaux des loyers : selon l’étude d’impact, 27 observatoires locaux couvrent environ la moitié du parc locatif. Les données transmises à l’ANIL par ces observatoires sont donc, mécaniquement, partielles.

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 18 mois, toute mesure relevant du domaine de la loi pour organiser la création d’un « bail numérique ».

Plus précisément, le 1° du I prévoit que l’ordonnance mettra en place un régime d’agrément des personnes morales qui assistent les propriétaires bailleurs et les locataires, comme les agences immobilières ou certaines plateformes numériques, dont les plus utilisées sont PAP, Le Bon coin ou SeLoger.

Ces personnes morales seront agréées si elles sont en mesure de proposer à leurs clients un contrat de location qui, d’une part, doit être numérisé et, d’autre part, respecte les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, précitée. En particulier, l’article 3 de cette loi dispose que « le contrat de location est établi par écrit et respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’État » (voir ci-dessus).

La délivrance de l’agrément sera donc conditionnée à la capacité des entreprises de location de proposer un bail numérique type, conforme aux dispositions législatives en vigueur. La sécurité juridique des propriétaires bailleurs et des locataires qui recourent aux contrats de location d’entreprises agréées sera donc renforcée.

En second lieu, le 2° du I du présent article dispose que l’ordonnance aura pour objet « d’améliorer la connaissance des données relatives aux contrats de location relevant de la loi du 6 juillet 1989 », précitée. C’est la troisième condition d’obtention de l’agrément : la capacité des personnes morales visées, grâce à leurs outils numériques utilisés pour organiser la conclusion des contrats de location de leurs clients, à « assurer la transmission automatique des données relatives à ces contrats ». Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la collecte de ces données vise à une meilleure connaissance statistique des marchés locatifs – en particulier l’évolution du prix des biens immobiliers par zone géographique et dans le temps. Sont également mentionnées les données relatives à certains contrats résultant de dispositifs fiscaux visant à encourager l’investissement locatif, afin d’assurer le suivi et de mesurer l’efficacité de ces dispositifs.

Les données seront transmises à l’État et à l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), dans des conditions prévues par l’ordonnance, qui fixera les « obligations et modalités de transmission », les « sanctions applicables en cas de non-respect » de ces dernières, les « modalités de conservation et d’utilisation de ces données » par l’État et l’ANIL et, enfin, les « conditions de la mise à disposition du public des résultats des traitements effectués sur ces données ».

Les contrats en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance seront concernés. Des dispositions spécifiques pourront être mises en place pour les contrats d’investissement locatif, qui ouvrent droit à certains avantages fiscaux (« loi Cosse », « loi Pinel », par exemple).

Le II prévoit qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans les trois mois suivant la publication de l’ordonnance.

3.   L’avis du rapporteur

Votre rapporteur a été attentif, dans ses échanges avec le Gouvernement, à ce que la mise en place de ces outils permettant de proposer un service de bail numérique ne conduise pas à la collecte de données pour des usages tiers à la seule information statistique sur les niveaux de loyers. Cette précaution prise, il est favorable à cette disposition, qui a pour principal effet d’apporter une meilleure facilité d’accès et une meilleure sécurité juridique aux contrats de location, côté locataires comme côté bailleurs.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE1154 de M. Vincent Rolland.

Elle en vient à l’amendement CE358 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’obligation de transmission des données prévue à l’alinéa 4 est hyper-centralisatrice et démontre la volonté de l’État de tout contrôler. De ce fait, la suppression de cet alinéa s’impose.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cette disposition s’inscrit dans la politique de transparence et d’ouverture des données du Gouvernement. Il ne faut donc pas la supprimer. Défavorable.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Défavorable. Il faut, au contraire, renforcer la transparence de l’information des ménages.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 61 sans modification.

Chapitre VI
Simplifier le déploiement des réseaux de communication électronique
à très haute capacité

Avant l’article 62

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE1045 du rapporteur.

Article 62
(article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques)
Simplification du déploiement des réseaux de télécommunications mobiles

1.   L’état du droit

a.   La protection du public contre les ondes électromagnétiques

La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a créé l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, qui prévoit qu’un décret fixe la définition des valeurs que ne doivent pas dépasser les champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de communications électroniques, lorsque le public y est exposé, comme les télévisions, les relais wifi, les portables – GSM ou smartphones –, mais également les infrastructures de communications, comme les antennes-relais de téléphonie mobile. Le contrôle du respect des valeurs limites d’exposition est confié à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), dont le rôle en la matière a été renforcé par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite loi « Grenelle II »).

Toutefois, les débats scientifiques et citoyens autour de la question des effets sanitaires de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques ont conduit le législateur à renforcer de dispositif de protection. En conséquence, l’article L. 34-9-1 a été sensiblement renforcé au fil des années, et plus particulièrement en 2015.

b.   Les dispositions de la loi dite « Abeille »

La loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information, à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (dite loi « Abeille ») a fixé un objectif législatif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, pour lutter contre le « bain d’ondes » – pour reprendre les dispositions de la rapporteure de cette loi – dans lequel le public est quotidiennement plongé.

La mise en œuvre de cet objectif porte, en particulier, sur les conditions d’installation et de modification des installations radioélectriques – les antennes-relais – qui ont concentré les inquiétudes de la population ces dernières années. D’importantes mesures d’information et de concertation ont été mises en place, au travers d’un approfondissement des compétences de l’ANFR (par exemple, elle a été chargée de tenir un comité national de dialogue relatif aux niveaux d’exposition du public aux champs électromagnétiques), de l’intervention du représentant de l’État dans le département (il réunit une instance de concertation s’il identifie un besoin de médiation au sujet de l’installation d’une antenne) et, surtout, de la place centrale que le maire ou le président de l’intercommunalité sont amenés à jouer dans ce dispositif.

L’article L. 34-9-1, précité, prévoit ainsi à son B que tout opérateur souhaitant construire en vue d’exploiter une installation radioélectrique soumise à l’accord ou l’avis de l’ANFR doit présenter un dossier d’information auprès du maire (DIM) de la commune où se localise le projet, ou auprès du président de l’intercommunalité concernée, deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme. Au préalable, il aura pris soin d’informer, par écrit, ces autorités de ses intentions dès la phase de recherche d’un site approprié sur leur territoire.

Conformément à l’arrêté du 12 octobre 2016 pris en application des A et B du II de l’article L. 34-9-1, précité, le DIM comprend notamment, pour chaque antenne, des éléments relatifs à la motivation du projet, les documents élaborés par l’État synthétisant l’état des connaissances scientifiques sur les radiofréquences et la réglementation relative aux installations radioélectriques ; un plan de situation à l’échelle permettant la localisation précise de l’installation radioélectrique ; diverses caractéristiques d’ingénierie, notamment la puissance isotrope rayonnée et la puissance apparente rayonnée ; l’engagement de l’exploitant à respecter les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques réglementaires pour l’installation concernée ; le cas échéant, la liste des crèches, établissements scolaires et établissements de soins situés à moins de 100 mètres de l’installation radioélectrique concernée, leur adresse et l’estimation du niveau maximum de champs reçu en volts par mètre et sous la forme d’un pourcentage par rapport à la valeur limite d’exposition en vigueur. Ce DIM est rendu public.

Aux termes de la loi, ce dossier d’information peut également comprendre, à la demande du maire, une simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques générée par l’installation. Les opérateurs sont alors tenus, avant d’effectuer les travaux, de mesurer les effets potentiels de leur installation en matière d’émission d’ondes : les résultats de cette simulation permettent d’améliorer l’information de la population et donc, les conditions de la concertation.

Enfin, un dossier d’information similaire doit être remis au maire ou au président de l’intercommunalité par l’exploitant d’une installation radioélectrique existante pour toute modification substantielle nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’ANFR, au moins deux mois avant le début des travaux.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 62 supprime le délai de deux mois prévu entre le moment du dépôt du dossier d’information auprès du maire et la demande d’autorisation d’urbanisme.

Cette mesure de simplification se justifie, selon le Gouvernement, par le caractère superflu de ce délai. Aux termes de l’étude d’impact, « il convient de noter que les maires sont informés par les opérateurs dès la phase de recherche d’un site (obligation prévue au B du II de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques). Pendant toute la période d’étude préalable, qui dure de 7 à 8 mois, le maire peut donc informer ses administrés, sans attendre le DIM ». L’information et la sensibilisation de la population peuvent également intervenir au moment de la « la période d’instruction des autorisations d’urbanisme (trois mois pour les permis de construire ou un mois pour les déclarations préalables) ». En somme, l’existence de ce délai légal est un frein aux déploiements des infrastructures de téléphonie mobile et n’est pas une condition nécessaire de l’information de la population aux risques que l’exposition aux ondes émises par ces infrastructures fait peser sur elle.

Le I réduit, en outre, de deux mois à un mois ce même délai lorsque les travaux entrepris, bien que portant sur des installations radioélectriques existantes, entraînent leur modification substantielle (comme l’installation de nouvelles antennes ou la modernisation des équipements existants). Le dépôt d’un DIM reste obligatoire.

Le II prévoit que le présent article s’applique aux DIM transmis à compter de la publication de la présente loi.

3.   L’avis du rapporteur

Cet article est un premier pas vers la simplification administrative nécessaire à une rapide accélération des déploiements de nouvelles antennes de radiotéléphonie mobile. Il faut le saluer, mais aussi aller plus loin : votre rapporteur a ainsi proposé cinq amendements après l’article 62 afin de sécuriser le cadre juridique des déploiements et d’accentuer le mouvement de simplification administrative engagé par cet article.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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*     *

La commission examine les amendements identiques CE388 de M. Stéphane Peu et CE2282 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. La loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, dite loi « Abeille », avait prévu une information des maires sur l’implantation de stations radioélectriques. Or le présent article prévoit de revenir sur cette disposition. C’est pourquoi notre amendement tend à le supprimer. Il ne faut pas oublier que l’implantation de ces antennes pose ou peut poser un problème de santé publique.

Nous avions travaillé sur ce texte avec notre ancienne collègue Laurence Abeille, qui en est à l’origine. Il est recommandé d’éloigner les ondes et les éléments radioélectriques des enfants, en particulier des écoles, des crèches. On n’a pas encore la preuve que ce soit cancérigène, mais tous les médecins préconisent de faire attention. La loi Abeille avait permis que le maire soit informé et que tout le monde travaille ensemble. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement décide de supprimer quelque chose qui était plutôt efficace. Je sais bien que les opérateurs veulent passer plus vite et en force, mais il faut aussi penser aux populations, aux élus et à la santé.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons dit que nous ne toucherions pas à la loi « Abeille ». Les concertations et l’information du maire sont préservées et le public sera toujours tenu au courant des risques d’exposition aux ondes. Je pense que les maires y veilleront particulièrement.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je le dis clairement, il ne s’agit pas du tout de toucher à la loi « Abeille », mais seulement à la durée du délai d’information. La durée qui paraît la plus importante est celle avant les travaux. Nous pensons que le délai prévu suffit à la concertation.

Dès le départ, nous avons pris le parti de conserver l’esprit de la loi « Abeille ».

La commission rejette les amendements.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements CE347 de M. Thibault Bazin et CE810 de M. Éric Pauget.

M. Thibault Bazin. Je suis sensible aux propos de M. Pupponi. Il faut assortir de conditions la possibilité qui est ouverte. Je propose de limiter la suppression du délai de deux mois aux seules installations radioélectriques situées dans les zones rencontrant des problèmes de couverture mobile du territoire.

M. Richard Lioger, rapporteur. Votre amendement peut être une source de contentieux, donc de ralentissement des procédures.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. En général, on installe ce type d’infrastructure en cas de problème de couverture du territoire. Comme l’a dit le rapporteur, la rédaction que vous proposez créerait d’infinies difficultés.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 62 sans modification.

Article 62 bis (nouveau)
(article L. 2122-1-3-1 [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques)
Dérogation à la procédure de mise en concurrence et de publicité en matière dutilisation du domaine public par des réseaux de communications électroniques

Cet article additionnel, issu de trois amendements identiques de M. Éric Bothorel, Mme Laure de La Raudière et M. Mickaël Nogal et les membres du groupe La République en Marche, effectue une précision juridique. L’ordonnance n° 2017‑562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques impose, en effet, une procédure de publicité et mise en concurrence avant délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public. Selon une jurisprudence du Conseil d’État, le périmètre de cette procédure exclut les réseaux de communications électroniques : il s’agit d’expliciter cette exclusion dans la loi.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2591 du rapporteur et CE98 de M. Vincent Descoeur ainsi que les amendements identiques CE883 de M. Éric Bothorel, CE972 de Mme Laure de La Raudière et CE2228 de M. Mickaël Nogal.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Bothorel.

L’amendement CE2591 est retiré.

M. Éric Bothorel. Les obligations résultant de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) apparaissent inadaptées au déploiement des réseaux très haut débit. En outre, le Conseil d’État confirmé que les dispositions du CGPPP n’avaient pas vocation à s’appliquer aux installations de communications électroniques. Ainsi, afin de clarifier le droit, il convient d’insérer dans le code une dérogation sectorielle dispensant expressément ces installations de mesures de publicité et de mise en concurrence.

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement étant identique, je regrette que ce ne soit pas à lui que le rapporteur a choisi de lui apporter son soutien...

M. le président Roland Lescure. L’un et l’autre seront adoptés le cas échéant.

Mme Anne-Laurence Petel. Il s’agit effectivement du même amendement, qui a été travaillé avec la Fédération française des télécoms afin de simplifier le déploiement des installations de communications électroniques. L’ordonnance du 19 avril 2017 impose la délivrance de titres d’occupation du domaine public à des fins d’exploitation économique. Ces titres étant normalement soumis à une procédure de mise en concurrence, nous souhaitons expliciter le fait que les opérateurs ne sont pas astreints à cette procédure.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable également.

M. le président Roland Lescure. J’en déduis que l’avis du rapporteur comme du Gouvernement est défavorable à l’amendement CE98.

La commission rejette l’amendement CE98.

Puis elle adopte les amendements identiques CE883, CE972 et CE2228.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE834 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. De par la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, les opérateurs ont l’obligation de déposer un dossier d’information en mairie deux mois avant la demande d’autorisation d’urbanisme. Ce dossier vise essentiellement à divulguer des informations relatives à l’exposition aux ondes. Le présent amendement a donc pour effet de supprimer le délai de deux mois entre le dépôt de la demande d’information en mairie et le dépôt de l’autorisation d’urbanisme.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’article 62.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE97 de M. Vincent Descoeur, CE836 de M. Éric Bothorel, CE978 de Mme Laure de La Raudière et CE1578 de M. Xavier Roseren.

M. Éric Bothorel. Je propose de ne soumettre à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques que les constructions de nouveaux sites et non les ajouts de technologies ou d’opérateurs qui ne nécessitent pas de travaux importants.

Mme Laure de La Raudière. Nous saluons tous ici l’engagement du Gouvernement de densifier la couverture mobile et de déployer la 4G. Notre amendement vise à répondre à cet objectif. Il ne s’agit pas de prévoir des dérogations pour de nouveaux sites, mais simplement d’éviter des procédures très lourdes en cas de transformation d’installations 3G existantes en installations 4G. Nous souhaitons vraiment que cet objectif soit atteint sur tous nos territoires ruraux.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CE1578 vise également à répondre à l’objectif du Gouvernement de couvrir l’ensemble du territoire national en haut débit et en très haut débit. Il allège, pour ce faire, les procédures administratives lors de travaux d’aménagement réalisés sur une construction existante dans le but d’améliorer la couverture du territoire. Ces allégements concerneront uniquement les travaux sur un équipement existant dont le support ne fait pas l’objet d’une extension ou d’une rehausse substantielle.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable à tous les amendements qui touchent à la loi « Abeille ».

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. On ne peut pas m’accuser de ne pas vouloir simplifier le droit, mais ce serait, me semble-t-il, aller un peu trop loin. L’information sur la rehausse des installations avait été débattue lors de l’examen de la loi « Abeille » et avait été considérée comme un point important de ce texte. Or, comme je le disais tout à l’heure à M. Pupponi, nous ne souhaitons pas revenir sur les dispositions de cette loi.

Mme Christine Hennion. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut accélérer la couverture mobile du territoire. Cela étant, il faut continuer à informer un tant soit peu les maires, car ces modifications techniques impliquent des changements de périmètre de sécurité – les périmètres n’étant pas tous équivalents d’une génération d’antennes à une autre.

Mme Laure de La Raudière. J’aimerais, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d’État, que, d’ici à la séance publique, puisse se tenir une réunion avec les parlementaires ayant travaillé sur ces sujets, le président et le bureau de l’Association des maires de France (AMF) et vous-mêmes – sans les services de l’association. Si l’on n’associe pas les représentants des maires à l’étude de dérogations à la loi « Abeille », je ne vois pas comment pourront être tenus les objectifs ambitieux que vous avez annoncés au mois de janvier, et qui correspondent à une attente très forte de nos concitoyens. Il ne s’agit pas de refuser la concertation avec les maires – qui est essentielle – mais les procédures administratives prévues par la loi « Abeille » nous semblent trop lourdes, inutiles et redondantes. Nous avons le droit de revenir sur ce texte – nous sommes bien revenus sur énormément de dispositions de la loi ALUR.

M. Éric Bothorel. J’abonde dans le sens de la demande de ma collègue Laure de La Raudière. L’exposition aux ondes et l’hyper-électrosensibilité sont de vrais sujets mais on devrait aussi pouvoir laisser s’exprimer ceux qui ont porté un regard scientifique sur ceux-ci. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui est une institution sérieuse, a rendu un rapport sur ces sujets il y a quelques semaines à peine, indiquant qu’on ne pouvait établir de lien direct entre l’hyper‑électrosensibilité et l’émission d’ondes électromagnétiques. La proposition de ma collègue Laure de La Raudière me paraît sensée. Il ne s’agit pas de remettre en cause la loi « Abeille » mais de garantir notre capacité à déployer au plus vite la 4G.

M. François Pupponi. Nous avons reçu tous les scientifiques ayant travaillé sur le sujet, et aucun n’est capable de dire avec certitude que ces ondes sont dangereuses. Tous disent que dans le doute, il faut éloigner les plus jeunes enfants des ondes – en particulier celles des « babyphones », qui doivent être interdits –, recommander aux gens de porter des oreillettes quand ils téléphonent, de ne pas téléphoner dans le TGV car c’est là qu’on s’en prend le plus dans la figure, et qu’on est paradoxalement moins exposé aux ondes au pied d’une antenne que quand on en est éloigné. Personne ne peut dire que les ondes sont dangereuses, mais personne ne peut non plus dire qu’elles ne le sont pas. Il faut donc prendre des précautions et ne pas mettre des antennes n’importe où.

Mme Anne-Laurence Petel. N’étant pas une assemblée de scientifiques, nous ne pouvons parler des ondes ici. Nous ne pouvons que nous référer à l’ANSES et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui affirment avec certitude qu’il n’est pas dangereux de vivre à proximité d’une station de base. Cela étant, il me semble important, lorsqu’il s’agit de modifications substantielles, que le maire soit informé de l’installation de technologies sur les toits de sa commune. Je suis donc plutôt contre cet amendement. Comme le disait Christine Hennion, un changement de technologie implique un changement de périmètre de sécurité autour des antennes. Le dossier d’information à déposer en mairie n’est d’ailleurs pas seulement relatif aux ondes : il doit aussi être conforme à la déclaration d’urbanisme et comporte, pour ce faire, des plans d’élévation.

Mme Laure de La Raudière. Pourquoi ne pas, en effet, fournir un dossier au maire ? Il faudrait cependant que ce dossier soit beaucoup plus simple que ne le prévoit la loi s’il s’agit d’une simple modification technologique ? Il ne s’agit pas de supprimer la concertation avec les maires, mais de pouvoir aller plus vite dans le déploiement des installations car cela correspond à une attente de nos concitoyens.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame de La Raudière, nous avons parlé de ce sujet avec les responsables de l’AMF.

Notre position a toujours été de dire qu’il ne faut pas rouvrir le débat de la loi « Abeille ». Dès lors, comment accélérer au maximum le déploiement des antennes ? Il y a deux solutions possibles. L’amendement dont nous sommes en train de discuter vise à supprimer l’obligation de déposer un dossier en mairie. Or, ce dépôt n’est encadré par aucun délai. Maintenir cette obligation ne nous empêchera donc pas d’accélérer le déploiement des installations. Ensuite, d’autres amendements visent à modifier les délais de réalisation des installations, sujet dont nous devons discuter avec les maires. Ces derniers ont notamment la possibilité de demander des études d’impact aux opérateurs. Si la réalisation de ces études d’impact est rendue facultative, ne risque-t-on pas de parvenir à un effet contraire à l’objectif recherché et à retarder encore davantage l’obtention de permis de construire ?

Je vous propose en effet d’organiser une réunion, à laquelle je m’engage à participer, avant le passage du texte dans l’hémicycle. En attendant, je vous demanderai de retirer l’ensemble des amendements à venir sur le sujet.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient aux amendements identiques CE830 de M. Éric Bothorel et CE980 de Mme Laure de La Raudière.

M. Éric Bothorel. Je vais retirer mon amendement, compte tenu de l’échange que nous venons d’avoir avec M. le secrétaire d’État.

Mme Laure de La Raudière. Lorsqu’une nouvelle installation est située à plus de 200 mètres d’une habitation, on pourrait s’exonérer de faire une simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable. Cette simulation, même si elle entraîne des coûts pour les opérateurs, est un facteur important d’information. Ces données contribuent à l’acceptabilité sociétale des nouvelles antennes-relais. C’est donc une disposition qu’il convient de maintenir.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Comme précédemment, je vous propose de retirer ces amendements.

Les amendements sont retirés.

Les amendements identiques CE832 de M. Éric Bothorel et CE981 de Mme Laure de La Raudière sont également retirés, de même que les amendements identiques CE99 de M. Vincent Descoeur, CE870 de M. Éric Bothorel et CE979 de Mme Laure de La Raudière.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE2668 du rapporteur et CE96 de M. Vincent Descoeur ainsi que les amendements identiques CE1448 de M. Éric Bothorel et CE2498 de M. Mickaël Nogal.

M. Richard Lioger, rapporteur. Le principe d’urbanisation en continuité est un frein à l’implantation de réseaux de communication électronique dans les communes littorales. Il convient donc, pour suivre les nouveaux objectifs gouvernementaux en matière de couverture numérique, de lever ce frein.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Lorsque nous avons discuté de la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi « Littoral », nous avons vu à quel point le débat était sensible. J’émets donc un avis défavorable.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons ces discussions depuis plusieurs mois. On nous propose un compromis qui fasse avancer les choses, et notamment de permettre aux gens d’aménager les dents creuses. Vous faisant confiance, je vais retirer cet amendement mais on ne voit guère d’avancée pour le moment.

Mme Christine Hennion. L’amendement de M. Nogal, qui consiste, comme celui du rapporteur, à prévoir une dérogation à la loi « Littoral », est retiré.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je retire mon amendement et, en conséquence, je souhaite le retrait de l’ensemble des amendements.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même position.

Les amendements CE2668, CE1448 et CE2498 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CE96.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE94 de M. Vincent Descoeur, CE837 de M. Éric Bothorel et CE1564 de M. Xavier Roseren, les amendements identiques CE1436 de M. Éric Bothorel, CE1589 de M. Xavier Roseren et CE2494 de M. Mickaël Nogal, ainsi que les amendements CE974 et CE973 de Mme Laure de La Raudière.

M. Éric Bothorel. L’amendement CE837 a pour objet d’ajouter les communications électroniques à la liste des dérogations au principe de construction en continuité prévues à l’article L. 122-3 du code de l’urbanisme.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CE1564 vise à insérer les communications électroniques dans la liste des dérogations au principe de construction en continuité. Les territoires de montagne sont soumis à ce principe afin de limiter l’expansion de l’urbanisation sur ces territoires. Des dérogations sont déjà admises pour certaines constructions, comme celles relatives à la défense nationale, à la recherche ou à l’exploitation des ressources minérales et à la protection des risques naturels. Cet amendement tend à ajouter à cette liste les constructions relatives aux communications électroniques afin de permettre à ces territoires de sortir des zones blanches et afin de respecter l’engagement du Gouvernement en la matière. La fracture numérique existe encore beaucoup en montagne, ce qui est préjudiciable à ces territoires.

M. Éric Bothorel. L’amendement CE1436 a pour objet de faire déroger les installations destinées aux communications électroniques au principe de construction en continuité dans les zones rurales et de montagne.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CE1589 a le même objet, mais est un peu différent dans sa forme : au lieu d’ajouter les réseaux de communication à la liste des dérogations existantes au principe de construction en continuité, il est proposé d’introduire dans le code de l’urbanisme un nouvel article précisant que les constructions destinées aux communications électroniques ne sont pas concernées par ce principe. Cette dérogation permettrait de lutter efficacement contre les zones blanches en montagne.

Mme Laure de La Raudière. Mes amendements visent le même objectif : prévoir une dérogation à l’obligation de construire en continuité au profit des installations destinées aux communications électroniques. Il est indispensable de trouver un mécanisme juridique dérogatoire pour atteindre un double objectif : assurer la couverture numérique du territoire par 20 000 antennes et apaiser les débats qui agitent certains territoires concernant les ondes, puisque ces installations dérogatoires seront, par définition, plus éloignées des habitations. On ne peut quitter cette réunion de commission sans avoir réglé ce problème. Il y a forcément un amendement, parmi tous ceux qu’on vous propose, qui satisfait à cet objectif ou alors proposez-nous une rédaction alternative.

M. Richard Lioger, rapporteur. Nous avons travaillé à la rédaction d’un amendement qui nous semble répondre à cet enjeu : l’amendement CE2593, qui vient ensuite et qui tend à créer une dérogation au principe d’urbanisation en continuité prévalant dans les espaces nécessaires au maintien du développement des activités agricoles, pastorales et forestières. L’autorisation de construire sera toujours requise et sera délivrée après l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). C’est un facteur important de simplification.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je ne voudrais pas donner le sentiment que nous n’essayons pas de mettre les bouchées doubles dans l’installation des antennes et infrastructures numériques. Vu l’énergie que nous dépensons dans ce but, je serais profondément frustré que quiconque ressorte de cette salle en disant que le Gouvernement ne fait pas le maximum.

Nous nous sommes fixé l’objectif de veiller au respect de la loi « Abeille ». Sur ce point, je me suis engagé tout à l’heure à ce que nous nous réunissions dans les tous prochains jours. Mais nous sommes ici sur un autre sujet, qui est celui des territoires de montagne : notre analyse nous conduit à penser que vos amendements sont satisfaits. Je vous propose donc de les retirer. Si jamais nous nous apercevons après vérification que notre analyse est erronée, nous ferons les modifications nécessaires.

Enfin, l’amendement du rapporteur sur les activités agricoles, pastorales et forestières nous semble également satisfait.

Mme Laure de La Raudière. Il y a selon nous une incertitude juridique, qu’il convient de dissiper dans la loi. Cela étant, je veux bien retirer mes amendements pour les retravailler d’ici à la séance publique.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’engage, si incertitude juridique il y a et que notre analyse n’est pas suffisante, à modifier le projet de loi en séance.

Les amendements sont retirés.

L’amendement CE2593 du rapporteur ainsi que les amendements identiques CE95 de M. Vincent Descoeur et CE1577 de M. Xavier Roseren sont également retirés.

Article 62 ter (nouveau)
(article L. 4245 du code de lurbanisme)
Dérogation à la procédure de retrait dune décision administrative de nonopposition en matière de déploiement dantennes de radiotéléphonie

Le présent article additionnel, adopté à l’initiative de M. Mickaël Nogal et des membres du groupe La République en Marche, vise à déroger au droit de l’autorité administrative de retirer ses décisions d’autorisation ou de non‑opposition aux déclarations préalables et à la délivrance de permis de construire, dès lors que ces décisions concernent l’établissement d’antennes‑relais de téléphonie mobile, et uniquement jusqu’au 31 décembre 2022.

Cette dérogation permet aux opérateurs de télécommunications de gagner trois mois (le délai pendant lequel le retrait est possible dans le droit existant) dans le déploiement de leurs réseaux mobiles.

*

*     *

La commission aborde, en discussion commune, les amendements CE977 de Mme Laure de La Raudière, CE2592 du rapporteur, CE1434 de M. Éric Bothorel et CE2480 de M. Mickaël Nogal.

Mme Laure de La Raudière. Aux termes du V de l’article 134 de la loi ALUR, le maire peut retirer, en cas d’illégalité, un permis ou une décision de non-opposition à une déclaration préalable dans un délai de trois mois. Ce délai gelant les initiatives des opérateurs, je propose de le ramener à un mois.

M. Éric Bothorel. L’amendement CE1434 va un peu plus loin que celui de Mme de La Raudière : il supprime la faculté donnée au maire de retirer sa décision.

Mme Anne-Laurence Petel. La loi ALUR a introduit dans le code de l’urbanisme la faculté pour le maire de retirer sa décision d’autorisation d’urbanisme en cas d’illégalité, dans les trois mois suivant sa délivrance. L’amendement de M. Nogal tend à supprimer ce droit de retrait pour les décisions de non-opposition aux déclarations préalables et les décisions de délivrance de permis de construire relatives aux constructions destinées aux communications électroniques, jusqu’au 31 décembre 2022.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je suis défavorable aux amendements CE977 et CE1434, au profit de l’amendement CE2480, et je retire le mien.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je suis favorable à ces trois amendements, mais donne ma préférence à l’amendement CE2480, qui va plus loin en précisant que la mesure est valable jusqu’au 31 décembre 2022, soit jusqu’à la fin de la période d’installation des antennes.

Les amendements CE977, CE2592 et CE1434 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE2480.

Article 63
(article L.48 du code des postes et des communications électroniques)
Simplification des procédures dautorisation de servitude pour accélérer
les déploiements de réseaux de communications électroniques fixes

1.   L’état du droit

Pour déployer les réseaux de communications électroniques, notamment fixes (cuivre, câble, fibre optique), les opérateurs de télécommunications bénéficient, depuis la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, d’un droit de passage sur le domaine public routier et dans certains réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, en application de l’article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques. Cela leur permet, indépendamment d’autres autorisations comme les permissions de voirie accordées par le maire, d’effectuer les opérations de génie civil (creusement des tranchées, installation des câbles, raccordement aux poteaux existants pour les déploiements aériens) ou d’entretien (élagage ou débroussaillage des abords) qui permettent d’assurer la continuité de leurs réseaux.

Les réseaux de communications électroniques étant par ailleurs assez capillaires, les opérateurs disposent également, dans certaines conditions, de servitudes sur les propriétés privées, prévues à l’article L. 48 du même code. Les servitudes ou droits de passage sur les propriétés privées ne sont pas aisément admises, dans la mesure où il s’agit d’une atteinte – modérée – au droit de propriété. Elles sont cependant nécessaires : en matière de déploiement de fibre optique, le choix de la France a été de privilégier un raccordement jusqu’à la maison (fiber to the home – FttH), ce qui accentue le besoin de capillarité de ce réseau. C’est pourquoi l’encadrement des servitudes sur les propriétés privées a dû évoluer ces dernières années.

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, précité, a effectué une première simplification de l’octroi de ces servitudes « sur et au-dessus » des propriétés privées (murs et façades explicitement mentionnés) afin d’accélérer le déploiement du très haut débit fixe (lorsque la fibre optique n’est pas enterrée mais déployée en aérien). Ainsi, cette loi a permis aux opérateurs de télécommunications de bénéficier de la servitude de passage sur les murs et façades qui avait été octroyée à France Télécom avant 1996, cette dernière disposant, en qualité d’exploitant public, de prérogatives de puissance publique. Par extension, les servitudes ou conventions de passage octroyées à l’opérateur du réseau de distribution d’électricité (Enedis, ex‑ERDF), sont également concernées. La contrainte pour les propriétaires ou copropriétaires concernés est limitée, dans la mesure où les opérateurs accrochent le câble de fibre optique en suivant, au mieux, le cheminement des câbles électriques ou en cuivre existants sur les immeubles, sur les murs ou façades.

Cette simplification repose sur le fait que l’opérateur n’a alors plus à obtenir l’accord formel du propriétaire ou, en cas de copropriété, du syndicat de copropriétaires de l’immeuble concerné, facteur de lenteurs et de coûts supplémentaires, pour bénéficier de la servitude ou de la convention de passage déjà consentie. L’article L. 48, précité, prévoit toutefois que l’opérateur doit, d’une part, obtenir une autorisation délivrée au nom de l’État par le maire et, d’autre part, attendre trois mois pendant lesquels les propriétaires ou copropriétaires concernés, informés des motifs qui justifient l’institution de la nouvelle servitude, peuvent présenter leurs observations sur le projet de déploiement.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le 1° du I prévoit que la condition d’obtention d’une servitude instituée pour permettre des opérations portant sur et au-dessus des propriétés privées est étendue à l’utilisation de toute installation existante d’un tiers, indépendamment du fait que ce tiers bénéficie lui-même d’une servitude ou soit lié par une convention de passage. Les autres conditions d’institution de cette servitude (non compromission de la mission de service public potentielle de ce tiers, autorisation du maire) ne sont pas affectées par cette disposition. Cette dernière constitue donc un pas supplémentaire par rapport à la simplification prévue par la loi pour une République numérique, précitée.

Selon l’étude d’impact, la suppression de la condition d’existence d’une servitude ou d’un droit de passage antérieurs se justifie doublement : d’une part, il faut que les opérateurs prouvent qu’une telle servitude ou convention de passage existe, ce qui dépend des efforts entrepris en la matière par Enedis et surtout – au vu de sa position sur le marché concerné – par Orange, ex-France Télécom. D’autre part, il apparaîtrait que « de nombreuses installations existantes ayant appartenu à France Télécom n’auraient jamais bénéficié de servitudes ou de droit de passage avant 1996 », situation qui met les opérateurs dans une impasse juridique.

Le 2° du I prévoit de réduire à deux mois, au lieu de trois, le délai dont disposent les propriétaires ou les copropriétaires pour présenter leurs observations sur le projet de déploiement nécessitant la mise en œuvre de la servitude réclamée par les opérateurs, avant l’autorisation du maire. L’étude d’impact analyse le délai actuel comme un facteur de ralentissement disproportionné avec les nouveaux objectifs de couverture numérique du Gouvernement.

Le II prévoit l’entrée en vigueur de cette dernière disposition pour les seules demandes d’autorisation formulées après la publication de la présente loi.

3.   L’avis du rapporteur

Cet article encourage également les déploiements, cette fois pour les réseaux à très haut débit fixe. Il est donc bienvenu, et votre rapporteur y est favorable.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet article avec l’ajout d’une précision juridique, à l’initiative de M. Richard Ferrand et de plusieurs de ses collègues.

*

*     *

La commission étudie l’amendement CE1598 de M. André Chassaigne.

M. Stéphane Peu. La réduction proposée d’un mois du délai prévu au cinquième alinéa de l’article L. 48 du code des postes et des communications électroniques obéit à un motif fallacieux et n’aura aucun impact direct sur l’avancée des travaux. Nous proposons donc de supprimer l’article 63 du projet de loi.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE811 de M. Éric Pauget.

Puis elle adopte l’article 63 sans modification [pour des raisons légistiques, l’amendement CE2556, portant article additionnel après l’article 63, a été intégré à l’article 63 dans le texte adopté par la commission].

Article 63 bis (nouveau)
(article L. 33-6 du code des postes et des communications électroniques)
Accès aux parties communes des copropriétés pour le déploiement
de la fibre optique

Cet article additionnel, adopté à l’initiative de M. Eric Bothorel, vise à garantir l’accès des opérateurs de télécommunications qui déploient la fibre optique aux parties communes des immeubles en copropriété, dès lors qu’une convention a été signée avec le syndicat des copropriétaires pour autoriser ce déploiement. Les refus d’accès, non motivés, freinent en effet l’adduction de la fibre dans les immeubles, en particulièrement en zone très dense.

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*     *

La commission est saisie de l’amendement CE976 de Mme Laure de La Raudière.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable, pour une raison précise : c’est un bon amendement sur le fond mais nous sommes en train de finaliser l’identification cartographique des sites à venir, ce qui répond, d’une autre manière, à votre objectif.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE1715 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Cet amendement vise à garantir l’accès des opérateurs aux parties communes des immeubles. Les refus d’accès freinent considérablement l’adduction de la fibre dans les immeubles en zone très dense ainsi que les opérations de brassage de ligne ou le raccordement des clients.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE662 de M. Dimitri Houbron.

Puis elle étudie l’amendement CE2556 de M. Richard Ferrand.

Mme Annaïg Le Meur. Cet amendement vise à simplifier les démarches et à lever les contraintes administratives et techniques, notamment en renforçant les servitudes d’utilité publique.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement [dans le texte adopté par la commission, cet amendement a été intégré dans le texte de l’article 63].

L’amendement CE1530 de M. Éric Bothorel est retiré.

Article 63 ter (nouveau)
(article L. 332-8 du code de l’urbanisme)
Prise en charge de l’extension du réseau électrique nécessaire au déploiement des réseaux de communications électroniques

Le droit existant prévoit que, lorsque l’extension du réseau public d’électricité est rendue nécessaire par l’installation d’une infrastructure (industrielle, artisanale, agricole, par exemple), le branchement et l’extension du réseau située sur le terrain de l’opération sont à la charge du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme.

Le droit existant prévoit également que la part de contribution correspondant à l’extension située hors du terrain de l’opération, normalement due par la commune mais pouvant atteindre des sommes très importantes, peut également être prise en charge par le porteur de projet. Pour cela, il faut que le maire prenne un arrêté fixant la participation exceptionnelle qui peut être exigée du porteur de projet.

Toutefois, cette dernière disposition, prévue par l’article L. 332-8 du code de l’urbanisme, ne mentionne, parmi les projets qui peuvent être couverts par cet arrêté, que les installations à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal. Comme le flou subsiste sur le caractère « industriel » d’un réseau de communications électroniques, le présent article additionnel, adopté à l’initiative de votre rapporteur, mentionne explicitement les installations de tels réseaux dans le champ d’application de cet article.

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*     *

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE2590 du rapporteur, les amendements identiques CE831 de M. Éric Bothorel, CE975 de Mme Laure de La Raudière et CE2505 de M. Mickaël Nogal, ainsi que l’amendement CE1529 de M. Éric Bothorel.

M. Richard Lioger, rapporteur. L’article L. 332-8 du code de l’urbanisme ne mentionne que les installations à caractère industriel agricole, commercial ou artisanal. Afin de rassurer les maires, il apparaît utile d’inscrire expressément les installations relatives aux communications électroniques dans le champ d’application de cet article.

Mme Laure de La Raudière. Le droit actuel prévoit que le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme a à sa charge jusqu’à 100 mètres de raccordement électrique. La part restante est, quant à elle, à la charge de la commune, ce qui peut dissuader certains maires d’accepter une antenne électrique s’ils refusent de prendre en charge ces frais. Cet amendement permet à la commune de décider que le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme prend en charge la totalité du raccordement.

M. Éric Bothorel. L’article L. 332-8 du code de l’urbanisme permet au maire de prendre un arrêté fixant la participation exceptionnelle qui peut être exigée du bénéficiaire d’une autorisation de construire ayant pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal. Cette participation exceptionnelle permettrait aux opérateurs de prendre à leur charge le raccordement électrique de leurs installations. Afin de sécuriser ce dispositif, très peu utilisé par les maires en pratique quand il s’agit d’installations de communications électroniques, il apparaît utile d’inscrire expressément ces installations dans le champ d’application de cet article et d’en garantir l’utilisation lorsque toutes les autorisations administratives ont été délivrées.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je souhaite le retrait des amendements CE831, CE975 et CE2505, et suis défavorable à l’amendement CE1529.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable à l’amendement CE2590 et défavorable aux autres amendements. Je précise qu’il s’agit de sécuriser le cadre juridique des installations pour permettre aux opérateurs de financer les raccordements, chose qui était extrêmement complexe jusqu’à présent.

La commission adopte l’amendement CE2590.

En conséquence, les amendements CE831, CE975, CE205 et CE1529 tombent.

Article 63 quater (nouveau)
(article L. 242 de la loi n° 65557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis)
Délai de mise à lordre du jour de lassemblée générale des copropriétaires de lexamen dune proposition de convention pour le déploiement de la fibre optique

Cet article additionnel, adopté à l’initiative de M. Éric Bothorel, précise que l’obligation de tenir une assemblée générale ordinaire pour évoquer la proposition de convention de déploiement de la fibre optique par un opérateur de télécommunications s’effectue, au plus tard, dans un délai de douze mois après la présentation de cette proposition de convention.

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*     *

La commission examine l’amendement CE868 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Pour que ces déploiements soient couronnés de succès, il est nécessaire d’accélérer également les délais de raccordement final jusqu’à l’abonné. Or, il peut s’écouler plus d’un an entre deux assemblées générales ordinaires de copropriété, ce qui ralentit d’autant le choix que fait un opérateur d’immeuble de déployer la fibre jusqu’à l’abonné.

La présente rédaction implique que, dès lors qu’il y a une proposition de convention émanant d’un opérateur d’immeuble, l’obligation de tenir une assemblée générale ordinaire dans un délai encadré accélérera le déploiement de la fibre optique.

M. Richard Lioger, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 64
(article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques)
Sanctions relatives au non-respect dengagements de déploiements
de réseaux de communications électroniques

1.   L’état du droit

En sa qualité d’autorité de régulation, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) peut, aux termes de l’article L. 36-11 du code des postes et des télécommunications électroniques, « sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des exploitants de réseau, des fournisseurs de services de communications électroniques, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des gestionnaires d’infrastructures d’accueil ».

Aux termes d’une procédure contradictoire, qui comprend notamment la notification des griefs, la consultation du dossier relatif aux manquements suspectés et la présentation d’observations écrites, la formation restreinte de l’ARCEP peut prononcer des sanctions.

Dans le cas d’un manquement, par un opérateur, à des obligations contractuelles de couverture (consenties en contrepartie de l’autorisation à utiliser certaines bandes de fréquences), une sanction pécuniaire est prévue, « dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard du nombre d’habitants ou de kilomètres carrés non couverts ou de sites non couverts, sans pouvoir excéder un plafond fixé à 130 euros par habitant non couvert ou 3 000 euros par kilomètre carré non couvert ou 80 000 euros par site non couvert lorsque la personne en cause ne s’est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de couverture de la population prévues par l’autorisation d’utilisation de fréquences qui lui a été attribuée » (huitième alinéa du III de l’article L. 36-11, précité).

Il existe, en outre, une sanction d’ordre général, prévue au sixième alinéa du même III, en cas de non-respect de tout engagement pris par les opérateurs en matière de déploiement de réseaux fixes et mobiles, par exemple pris sur le fondement de l’article L. 33-13 (voir l’encadré ci-dessous) : son montant, proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, est plafonné à 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelles violations de la même obligation. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation. Toutefois, le droit existant précise qu’une seule sanction peut être adoptée par la formation restreinte de l’ARCEP : il n’est pas possible de cumuler les sanctions.

 

Larticle L. 33-13 : un outil juridique innovant pour formaliser les engagements de couverture numérique du territoire

L’article 78 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a créé l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. Cet article dispose que « le ministre chargé des communications électroniques peut accepter, après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l’aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l’accès des opérateurs à ces réseaux ».

Ce dispositif prévoit donc, de façon assez innovante, que les opérateurs peuvent prendre des engagements volontaires en matière de couverture fixe comme mobile, et leur reconnaît une valeur juridique contraignante. Il convient donc de distinguer ces engagements – par exemple résultant de l’accord du 12 janvier 2018 entre l’État et les quatre principaux opérateurs sur la densification des réseaux mobiles – des engagements contractuels pris en contrepartie d’autorisations d’utilisation de bandes de fréquences.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article récrit le huitième alinéa du III de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques pour améliorer la combinaison des modalités des sanctions applicables, notamment pour les opérateurs défaillants en matière de déploiement du très haut débit fixe, sans toutefois les durcir – ces sanctions restant non cumulables.

Aux termes de cet alinéa, les obligations de couverture dont le non-respect peut donner lieu à sanctions sont, désormais, également celles résultant d’engagements pris en application de l’article L. 33-13, à la fois pour les réseaux fixes et mobiles, alors que cet article n’est, dans le droit existant, que le fondement de sanction d’ordre général mentionnée au sixième alinéa du III de l’article L. 36-11, précité. C’est un premier élément de combinaison des modalités des sanctions : la base juridique applicable.

En outre, ces sanctions peuvent désormais faire référence à une unité cohérente pour la couverture fixe : le nombre de locaux non raccordables, avec un plafond fixé à 1 500 euros par local. Les unités déjà utilisées pour sanctionner les carences de couverture mobile (sites radioélectriques, habitants et nombre de kilomètres carrés non couverts) demeurent inchangées. Par ailleurs, les sanctions, qu’elles soient motivées par le non-respect d’obligations de couverture fixe ou mobile, peuvent désormais également être fixées en référence au même plafond que celui de la sanction générale, fixé, pour mémoire, à 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos de l’opérateur concerné, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. Il s’agit de la deuxième combinaison des modalités des sanctions : leurs modalités de calcul en référence à plusieurs plafonds.

Comme dans le droit existant, les sanctions demeurent non cumulables. De même, si les différents plafonds définis par cet alinéa sont combinés, leur utilisation demeure d’application alternative : les sanctions peuvent donc être calculées à partir de l’unité permettant d’infliger l’amende la plus sévère, mais ne peuvent excéder le plafond prévu pour cette unité.

3.   L’avis du rapporteur

Votre rapporteur valide l’harmonisation du cadre législatif dans lequel l’ARCEP établit ses sanctions à l’égard des opérateurs qui ne respectent pas leurs engagements pris avec l’État ou avec les collectivités territoriales.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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La commission adopte l’article 64 sans modification.

Article 64 bis (nouveau)
(articles 33 et 35 de lordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics)
Facilitation des marchés publics de conception-réalisation passés pour le déploiement de réseaux de communications électroniques

Cet article additionnel, adopté à l’initiative de M. Éric Bothorel et de Mme Annaïg Le Meur, vise à permettre aux personnes publiques délégantes de recourir de façon plus souple au marché de conception-réalisation pour la réalisation d’infrastructures de réseaux, notamment les réseaux d’initiative publique (RIP).

D’une part, il ne sera plus nécessaire d’établir l’existence « de motifs d’ordre technique » pour y recourir, car cette notion ouvre la voie à un risque de contentieux administratif important, donc à un risque d’insécurité juridique. D’autre part, il s’agit d’expliciter, dans la loi, la possibilité offerte aux personnes publiques délégantes de confier aux délégataires un marché global qui, en plus de la conception et de la réalisation des infrastructures et réseaux de communications électroniques, porte également sur leur exploitation et sur leur maintenance (marchés dits « CREM »).

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La commission est saisie de l’amendement CE1875 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Cet amendement vise à remettre en cause certains freins au développement du numérique et du très haut débit sur tout le territoire en encadrant, sans l’interdire par principe, l’atterrage de nouveaux câbles sous-marins sur le littoral français. Le dispositif proposé s’inscrit pleinement dans le cadre de l’engagement gouvernemental de résorption de la fracture numérique.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet atterrage est déjà possible. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Il est déjà possible, mais pas en toutes circonstances. Nous sommes en train de travailler sur le sujet. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE1628 de M. Éric Bothorel.

M. Éric Bothorel. Cet amendement vise à faciliter le recours au marché de conception-réalisation pour l’établissement de réseaux en dispensant de démontrer qu’ils remplissent les conditions énoncées au I de l’article 33 de l’ordonnance du 23 juillet 2015. Cette dispense contribuera à atteindre l’objectif, fixé par l’État, de couverture intégrale du territoire en très haut débit en 2022 au plus tard, et serait limitée dans le temps aux seuls contrats conclus au plus tard le 31 décembre 2022.

L’amendement vise un deuxième objectif : donner aux personnes publiques intervenant au titre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales la possibilité de confier une mission globale pouvant porter non seulement sur la conception et la réalisation des infrastructures et réseaux de communications électroniques, mais aussi sur leur exploitation et leur maintenance. Pour ce faire, nous proposons de compléter l’article 35 de l’ordonnance précitée, relatif aux marchés publics globaux sectoriels, en ajoutant une hypothèse visant les infrastructures et réseaux de communications électroniques établis en application de l’article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE1151 de M. Vincent Rolland.

Chapitre VII
Diffusion par voie hertzienne de données horaires du temps légal français

Article 65
(article L. 43 du code des postes et des communications électroniques)
Compétence de lAgence nationale des fréquences
en matière de diffusion du temps légal français

1.   L’état du droit

L’existence d’une référence unique pour définir le temps horaire légal, le « top horaire », en France est un enjeu plus critique qu’il n’y paraît de prime abord. Comme le rappelle l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, cette référence est utilisée par « certains opérateurs d’importance vitale (OIV), pour gérer leurs services, leurs équipements ou leurs infrastructures. Des secteurs critiques sont concernés comme le réseau radioélectrique, le trafic aérien, le transport ferroviaire, l’éclairage public ou encore le fonctionnement de centrale nucléaire ».

Aujourd’hui, la diffusion du temps horaire légal est effectuée par la voie hertzienne terrestre, par ondes radio, à partir du site d’Allouis, qui est un des rares sites en France disposant d’antennes d’une hauteur telle qu’elles sont capables de couvrir l’ensemble du territoire français métropolitain (il est également capté de l’Afrique du nord jusqu’en Finlande, ainsi qu’en sous-sol).

La fréquence utilisée était celle de la radio publique France Inter, qui émettait à 162 kHz. Toutefois, fin 2016, France Inter a cessé d’émettre sur grandes ondes, pour des raisons de coût : un marché ad hoc a donc été passé, en urgence et selon des modalités dérogatoires au droit de la commande publique, entre l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et la société TDF, qui dispose des infrastructures du site d’Allouis, pour maintenir cette diffusion sur cette même fréquence en 2017. Cette solution transitoire n’était légalement pas satisfaisante, dans la mesure où il ne relevait pas de la compétence de l’ANFR de passer et de gérer ce marché, en raison du principe de spécialité des établissements publics. À partir de 2018 et pour cinq ans, un nouveau marché a été passé entre l’État et la société TDF, en attendant de pouvoir habiliter, par la loi, l’ANFR à exercer effectivement cette compétence.

Enfin, il convient de noter que d’autres acteurs sont également concernés par les marchés et conventions qui permettent de marquer le « top horaire » partout en France : en dehors de la diffusion, la mesure même du temps horaire est effectuée en lien avec la chambre française de l’horlogerie et de la microtechnologie (CFHM) ainsi qu’avec le laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE).

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I de cet article crée une nouvelle compétence de l’ANFR : la gestion de la diffusion de données horaires par voie hertzienne terrestre, donc l’heure légale en France. Plus précisément, elle pourra passer les « actes, contrats ou marchés nécessaires » à cette mission, c’est-à-dire déléguer à un ou plusieurs opérateurs privés la gestion technique de cette diffusion.

Cette compétence se décline en deux autres missions. Il s’agit d’abord d’assurer l’optimisation du système technique de diffusion et l’information des utilisateurs, ce qui passe par une collaboration entre les services de l’ANFR et les opérateurs délégataires de la mission de diffusion.

Il s’agit ensuite d’évaluer le dispositif de diffusion au regard des évolutions techniques à venir afin de maintenir son optimalité. Le cas échéant, l’ANFR aura la capacité d’effectuer une migration technologique et donc, d’éteindre la diffusion des données horaires par la voie hertzienne terrestre.

Le II de cet article organise les modalités d’application de cet article, et en particulier le transfert de compétence de l’État vers l’ANFR. Le I entrera en vigueur à une date fixée par arrêté ministériel, au plus tard deux ans après la publication de la présente loi. L’ANFR deviendra à cette date co-contractante des opérateurs chargés de gérer la diffusion des données horaires, pour l’ensemble des marchés et conventions auparavant gérés par l’État, à conditions contractuelles constantes : l’exécution des contrats se poursuit sans autre changement, sauf accord des parties, et cette substitution de l’ANFR à l’État ne constitue pas un motif de résiliation ou d’indemnisation.

3.   L’avis du rapporteur

Cet article est un ajustement technique nécessaire, bien que son lien avec le texte ne soit pas immédiatement évident. Votre rapporteur est favorable au transfert de compétence vers l’ANFR que ces dispositions permettent.

4.   Les modifications apportées par la commission des affaires économiques

Votre commission a adopté cet article avec une modification rédactionnelle de votre rapporteur.

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La commission examine l’amendement CE389 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5 qui prévoit, le cas échéant, l’extinction par l’Agence nationale des fréquences de la diffusion par voie hertzienne des données horaires. L’émetteur concerné est celui d’Allouis dans le Cher. Jusqu’au 31 décembre 2016, il diffusait, outre les signaux horaires, les programmes de France Inter en grandes ondes. Pour des raisons budgétaires, il a été mis un terme à cette diffusion, ce qui a suscité un vif émoi dans la population. Cet émetteur stratégique assure aussi l’émission d’un signal horaire calé sur l’Observatoire de Paris qu’utilisent de nombreuses applications civiles et militaires. Il répond ainsi à un objectif de service public et assure une véritable continuité territoriale ; cette émission de l’heure permet en effet de synchroniser efficacement et gratuitement les bases de temps dans des secteurs aussi stratégiques que le contrôle du trafic aérien, le transport ferroviaire, les centrales nucléaires ou encore le contrôle du trafic routier, entre autres.

L’émetteur d’Allouis est le dernier dispositif d’émission et de synchronisation par voie hertzienne dont la France conserve la maîtrise intégrale, et possède donc un intérêt stratégique dans de nombreux domaines. C’est pourquoi nous proposons de ne pas nous séparer de cette possibilité de contrôle.

M. Richard Lioger, rapporteur. Cet émetteur diffusait en effet les programmes de France Inter en grandes ondes et fixait l’horaire pour de nombreux secteurs comme le transport aérien, mais les spécialistes que nous avons auditionnés nous ont assuré que cette émission ne serait bientôt plus nécessaire car de nouveaux systèmes de triangulation prendront le relais, notamment le futur GPS européen qui, nous l’espérons, sera bientôt mis en service. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1046 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 65 modifié.

Chapitre VIII
Dispositions spécifiques à la Corse
(Division et intitulé nouveaux)

Article 66 (nouveau)
(articles L. 4425-28 du code général des collectivités territoriales)
Extension du programme exceptionnel dinvestissement pour la Corse

Cet article additionnel, adopté à l’initiative du Gouvernement, repousse l’échéance du programme exceptionnel d’investissement pour la Corse (PEI) de fin 2018 à fin 2020.

Le PEI vise à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité », et à « résorber son déficit en équipements et services collectifs ». Institué par l’article 53 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, le PEI, initialement prévu pour quinze ans (2002-2017), avait déjà été prolongé de deux ans en 2015.

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*     *

La commission examine l’amendement CE2716 du Gouvernement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Cet amendement concerne la Corse.

M. François Pupponi. Enfin un bon amendement ! (Rires.)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Il vise à allonger de deux ans la durée du programme exceptionnel d’investissement (PEI) pour l’île – un objectif dont je ne doutais pas qu’il recueillerait l’assentiment de M. Pupponi…

La loi du 22 janvier 2002 a institué un PEI pour la Corse initialement prévu pour quinze ans. La fameuse loi NOTRe a déjà prolongé sa durée d’exécution de deux années supplémentaires. Ce PEI est extrêmement important par son ampleur – il est doté de 1,96 milliard d’euros – et produit un effet d’accélération sur des investissements indispensables au développement de l’île et à la résorption de son retard par rapport au continent. Piloté par le préfet en lien étroit avec la collectivité de Corse, ce PEI se caractérise par une forte dynamisation et des opérations programmées au titre de chacun de ses trois axes, qui contribuent à remplir les conditions de construction de logements et améliorent le cadre de vie des habitants en renforçant les infrastructures de base, en améliorant les services collectifs et en mettant en œuvre la première phase du schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN) qui vise à la couverture intégrale du territoire par les réseaux de très haut débit. Ce PEI porte également sur le foncier dans le cadre d’une convention entre le préfet, la collectivité et l’Office foncier de Corse.

Il faut décaler l’échéance de programmation de deux ans car tous les projets ne sont pas achevés – de mémoire, il reste quelque 430 millions d’euros à utiliser, d’où l’opportunité de proroger ce PEI, conformément au discours que le Président de la République a prononcé le 7 février 2018 à Bastia, où il a annoncé qu’un autre programme prendrait le relais.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. C’est un sujet explosif, si j’ose dire,…

M. le président Roland Lescure. Je crois avoir déjà entendu cette blague !

M. Thibault Bazin. …et un sujet sérieux. J’aime beaucoup la Corse et je suis plutôt favorable à ce dispositif d’incitation, mais je m’interroge tout de même. Aujourd’hui, je pensais surtout entendre parler de la Corse dans l’actualité, puisqu’un match de football est décalé en raison d’incidents.

Chaque fois, cependant, que nous avons proposé un mécanisme de la sorte, il nous a été demandé de le défendre plutôt dans le cadre du projet de loi de finances. Nous nous sommes regardés les yeux dans les yeux : si nous parlons de dispositifs d’incitation assortis de moyens, alors allons-y ! Je dis cela en vue du débat en séance publique. Une politique d’aménagement et de logement sans moyens et sans programmation pluriannuelle n’est pas sérieuse. On peut certes entendre les arguments du Gouvernement sur l’amendement en question, mais il faudra alors entendre les nôtres sur d’autres dispositifs. Le rapporteur a rejeté certaines de nos propositions au motif qu’il vaudrait mieux les présenter lors de l’examen du projet de loi de finances ; soit. Il me semble important que nous définissions des règles communes de bonne gestion.

M. François Pupponi. L’amendement en question n’ajoute pas de moyens supplémentaires à l’enveloppe votée et budgétée qui devait être dépensée avant 2018 – et qui ne le sera pas. Le Gouvernement propose, en accord avec la collectivité de Corse, de décaler de deux ans la période de programmation de ces dépenses décidées il y a déjà quelques années. Pas un euro supplémentaire n’est engagé ; il s’agit juste de permettre à l’île de ne pas perdre 400 millions d’euros qu’elle n’a pas encore dépensés pour diverses raisons, dont le cycle électoral.

M. Thibault Bazin. Dans ce cas, je soutiens l’amendement.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Sans doute ne me suis-je pas exprimé assez clairement, monsieur Bazin. Il s’agit en effet d’un PEI prévu pour une durée initiale de quinze ans, les financements requis n’ayant pas encore toujours atteint le plafond autorisé de 70 % des montants sollicités. Il n’est pas question d’accorder de nouveaux fonds, mais simplement de prolonger de deux ans la période d’utilisation des fonds du PEI, précisément pour permettre la consommation de ces crédits.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE1636 de M. Nicolas Démoulin.

M. Nicolas Démoulin. La trêve hivernale correspond à la saison d’hiver, du 1er novembre au 31 mars. Il conviendrait, par pragmatisme, de tenir compte des réalités climatiques, notamment dans les départements et territoires d’outre-mer, en laissant aux départements la possibilité de décaler les dates de la trêve.

M. Richard Lioger, rapporteur. Il s’agit d’un cavalier législatif. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Les dates de la trêve hivernale sont entrées dans les esprits ; il est important que chacun connaisse le jour où elle prend fin. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CE12 de M. Fabrice Brun.

M. Thibault Bazin. Notre excellent collègue Fabrice Brun a eu une idée dont je veux faire la publicité en cette fin de débat : créer une contribution de solidarité numérique pour financer le fonds d’aménagement numérique territorial (FANT). Dans le cas où vous échoueriez, messieurs les ministres, parce que vous faites confiance aux opérateurs qui investissent prioritairement depuis vingt ans, nous avons une solution.

M. Richard Lioger, rapporteur. Avis défavorable, car cette mesure relève du PLF… (Sourires.)

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je perçois une certaine constance dans vos propositions, monsieur Bazin. Il me semble que votre majorité a voté il y a quelques années une mesure semblable qui n’a jamais été financée. En concluant un accord contraignant avec les opérateurs, nous avons choisi une autre solution qui, je l’espère, fonctionnera.

M. Thibault Bazin. À l’époque, je devais être à l’école primaire, voire maternelle !

M. le président Roland Lescure. C’était pourtant la dernière fois que vous avez eu la majorité…

Mme Laure de La Raudière. Vous me vieillissez terriblement…

M. Thibault Bazin. Quoi qu’il en soit, c’est une solution à envisager si les opérateurs font défaut.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements CE691 et CE692 de M. Robin Reda.

M. Robin Reda. Ces amendements visent à accroître la prévisibilité de la fiscalité locale, qui est un élément essentiel de l’attractivité d’un territoire.

M. Richard Lioger, rapporteur. C’est un sujet qui relève de la loi de finances.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement CE829 de Mme Constance Le Grip.

L’amendement CE1626 de M. Nicolas Démoulin est retiré, de même que les amendements CE1535 et CE1536 de M. Christophe Blanchet.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE1390 de M. Fabrice Brun.

M. le président Roland Lescure. Nous avons terminé l’examen des amendements. Je vais donner la parole à ceux qui souhaitent dire un mot avant que nous ne votions sur l’ensemble du texte.

M. Thibault Bazin. Étant un peu un « touriste » dans cette commission (Sourires), je tiens à souligner la qualité des débats et à vous remercier, monsieur le président, pour votre manière de les animer. Je souhaite aussi remercier les ministres pour la qualité des échanges que nous avons eus avec eux. J’imagine la tâche qui vous attend pour nous faire des propositions sur tous les amendements que vous nous avez demandé de retirer et de retravailler en vue de la séance. Nos moyens étant limités, nous attendons beaucoup du Gouvernement en la matière. Quoi qu’il en soit, nous serons tout aussi présents dans l’hémicycle pour défendre nos arguments et nous assurer des avancées promises. Notre pays compte sur nous.

Mme Laure de La Raudière. Mon intervention aura un peu la même tonalité. Je voudrais aussi remercier M. le président pour l’animation des débats, les deux ministres pour leur écoute, leur volonté de creuser les sujets. Au Parlement, cette confrontation entre nos visions de terrain et votre travail avec l’administration est très importante. Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Je vous remercie aussi, mes chers collègues. Nous avons eu de bons moments d’échanges avec des très bonnes interventions de la part de tous les groupes. Nous avons fait un travail vraiment constructif, comme on l’aime dans mon groupe UDI, Agir et Indépendants, qui est un groupe constructif.

M. Stéphane Peu. À cette heure avancée, je ne vais pas faire un discours sur ce que je pense du texte. Nous aurons l’occasion d’en reparler en séance. Étant moi aussi une personnalité extérieure à la commission des affaires économiques, je voudrais dire que j’ai trouvé l’ambiance de travail plutôt agréable. J’ai apprécié l’écoute et la qualité du dialogue avec les membres du Gouvernement et avec le président de séance. Il ne vous aura pas échappé que nous avions des convictions, et nous avons pu défendre nos arguments.

M. François Pupponi. J’ai été vraiment très heureux de revenir à la commission des affaires économiques, au sein de laquelle j’avais siégé pendant dix ans. C’est une commission très particulière où il y a toujours une bonne ambiance, où l’on fait un travail de fond et où les gens s’écoutent. Ce n’est pas le cas dans toutes les commissions.

Lors des débats sur le logement, on est toujours confronté à la même difficulté : on veut tellement en faire qu’on multiplie les textes et le nombre d’articles. Il faut dire que le sujet est tellement important pour nos concitoyens, que l’on y passe du temps en y mettant de la passion.

Je voudrais vraiment remercier le président, les rapporteurs, les ministres et les collègues ici présents. On sort toujours de ces réunions de commission avec le sentiment que l’on a participé à un travail qui peut servir à quelque chose. On n’obtient pas tout, ce qui est normal, mais on a au moins le sentiment d’avoir fait avancer des sujets importants pour nos concitoyens.

M. Mickaël Nogal. Au nom du groupe La République en Marche, je voudrais vous remercier, monsieur le président, pour la tenue de nos débats. Je voudrais aussi remercier les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail et le temps qu’ils ont pris à chaque fois pour justifier leur avis sur les 2 437 amendements. Je voudrais aussi remercier les ministres pour leur présence permanente pendant ces quatre jours et pour le caractère constructif des échanges que nous avons eu avec eux sur ce texte depuis l’été dernier.

Monsieur le président, je voudrais remercier les personnes qui sont à vos côtés et derrière vous, ainsi que les collaborateurs qui se trouvent derrière moi. C’est grâce à ces collaborateurs que nous pouvons faire tout ce travail. M. Bazin disait que nous n’avions pas beaucoup de moyens, mais nous avons des collaborateurs qui ne comptent pas leurs heures. Je remercie les personnes qui nous regardent encore à cette heure tardive et auxquelles je donne rendez-vous à la séance où nous continuerons à améliorer ce texte.

M. Jean-Luc Lagleize. Monsieur le président, je voulais vous remercier pour la qualité de votre écoute, au nom de mes collègues du groupe du Mouvement démocrate et apparentés qui sont venus ponctuellement me rejoindre et qui m’ont envoyé des messages pour me dire qu’ils étaient agréablement surpris de l’ambiance constructive qui règne dans cette commission.

Je voulais aussi dire la surprise et le bonheur que j’ai éprouvés à travailler avec les ministres, qui m’ont épaté par leur écoute, leur résistance, leur volonté de ne laisser aucun point non éclairci. Quand nous n’étions pas d’accord, ils n’ont eu de cesse de nous donner des explications pour ne rien laisser dans l’ombre. C’est une qualité extraordinaire.

J’ai découvert des collègues que je ne connaissais que de vue, dont certains viennent d’autres bancs. Je pense que nos relations futures vont en être modifiées. Je voulais dire tout le plaisir que j’ai eu à travailler avec vous jusqu’au bout.

M. le président Roland Lescure. Dans les premières pages d’Astérix et Cléopâtre, on indique la quantité de papier et d’encre de Chine consommée pour la publication de l’album. (Sourires.) Pour ma part, je vais vous donner des chiffres concernant ce texte qui nous a fait battre des records en termes de durée des débats et de nombre d’amendements : 2 437 amendements ont été examinés à un rythme moyen de soixante à l’heure, ce qui n’est pas mal ; les débats, y compris la discussion générale, ont duré quarante heures alors que le projet de loi sur l’agriculture n’avait duré que trente-huit heures trente ; 401 amendements ont été adoptés. Nous avons adopté des amendements venant de diverses autres commissions – affaires culturelles, lois, développement durable – et de presque tous les groupes, à l’exception d’un qui a été moins présent que les autres.

Je vous félicite pour ce travail. J’ai vraiment eu l’impression de participer à la mécanique de la loi, d’être un acteur privilégié – un peu en hauteur et finalement assez peu actif sur le fond – d’un travail extraordinaire. Nous pouvons en être fiers. Une pièce qui réussit comprend plein d’acteurs et je pense qu’il y a eu un sans-faute.

J’adresse des remerciements particuliers à MM. les ministres qui n’ont compté ni leur temps ni leurs efforts pour vous écouter et pour vous répondre. Je félicite nos rapporteurs. J’ai une pensée particulière pour les agents que l’on n’entend jamais mais qui sont toujours là pour s’assurer que l’on a chaud, que l’on a froid, que l’on a à boire, que l’on a les documents, que la vidéo fonctionne.

Merci à tout le monde, et en particulier à nos administrateurs qui, entre le texte sur l’agriculture et celui sur le logement, n’ont pas eu de ponts au mois de mai. Ils ont passé tous leurs week-ends à travailler et je pense que leur lundi de Pentecôte va être assez occupé…

Messieurs les ministres, avant de passer au vote de la loi, je vous donne la parole.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Je m’associe naturellement à tous les remerciements. Merci à vous, cher président, aux rapporteurs avec lesquels nous avons beaucoup travaillé en amont, et à l’ensemble des députés.

Je voudrais avoir une pensée toute particulière pour nos collaborateurs qui travaillent depuis de longs mois. Ces dernières semaines ont été terribles pour eux et je crois qu’ils vont aller se coucher ce soir en se disant que les dix prochains jours vont être un calvaire, voyant que des députés comme M. Bazin ont décidé de tout leur déléguer, ce qui n’est pas complètement le sens de la co-construction. Il est vrai que, pendant cette dernière séance, nous avons découvert que M. Peu a participé au programme du groupe La République en Marche et que les amendements du député Bazin étaient rédigés par nos équipes… (Sourires.)

En tout cas, j’espère que ces débats ont permis de montrer quel était l’esprit de ce texte. Il y a un point que j’ai trouvé admirable : en soixante-cinq articles sur le logement, l’aménagement et le numérique, nous n’avons ajouté quasiment aucune contrainte à part celle de pouvoir réquisitionner des bureaux vacants pour faire de l’hébergement d’urgence. Je ne sais pas si c’est fréquent pour un projet de loi touchant à autant de sujets dans des domaines comme le logement, l’aménagement et le numérique. Tous ensemble et quelles que soient les couleurs politiques, nous avons su garder l’esprit de la loi : faciliter, aller plus vite, améliorer les choses.

L’examen de ce texte a donné lieu à des échanges d’une grande sincérité. Les dix prochains jours vont être extrêmement utiles pour renforcer et compléter certaines mesures ou pour permettre de lever des inquiétudes. En tout cas, soyez assurés que nous allons conserver cette dynamique, la même sincérité dans nos propos et dans nos relations, pendant tout le reste des débats.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président, je voulais vous remercier car dans le cadre d’un travail législatif entre les parlementaires et le Gouvernement, vous avez démontré votre capacité à créer une ambiance de travail constructif, d’écoute. Il a aussi fallu aller vite, tout en donnant le temps nécessaire pour que les uns et les autres puissent s’exprimer et s’écouter. Merci donc, monsieur le président.

Je tiens aussi à remercier tous les députés de tous les groupes. Je suis très attaché, et M. Denormandie l’est aussi, au travail parlementaire. Je ne suis pas choqué qu’il y ait eu 2 437 amendements. La multiplication des amendements est assez souvent décriée, mais le rôle du parlementaire est justement de préparer la loi et de la voter. Il faut qu’il y ait des échanges, des amendements très différents, et cela a été le cas sur un certain nombre de sujets. Les diverses sensibilités ont pu s’exprimer, et le rôle des ministres est d’écouter, de donner des explications, et parfois de dire que nous allons essayer d’améliorer encore la qualité du texte législatif.

Monsieur Bazin, je trouve que c’est une bonne chose que nous répondions à des observations qui sont directement pertinentes, ou qui justifient que l’on améliore encore le travail, et que nous nous engagions à y retravailler en vue de la séance publique. Vous y avez pris part, puisque vos amendements ont souligné que des améliorations étaient encore possibles.

Merci de cette ambiance et de la qualité du travail. On peut exprimer des oppositions et des sensibilités diverses, dans le respect des uns et des autres. C’est cette façon de travailler que nos concitoyens attendent. Ils n’attendent pas que nous soyons tous d’accord, je crois même que cela les inquiéterait, ils attendent que nous puissions exprimer ces différences sur des sujets importants puisqu’ils touchent à leur quotidien. La loi ELAN concerne le logement, le numérique, des dossiers extrêmement prégnants et préoccupants pour nos concitoyens. Voir et faire apprécier l’intérêt des parlementaires et du Gouvernement sur ces sujets est une bonne façon de montrer que notre système démocratique n’est pas en aussi mauvais état que certains se plaisent à le dire.

J’ajoute, comme l’a dit le secrétaire d’État, que ce texte se veut simplificateur. J’entends aussi les critiques, qui sont respectables, et les convictions qui se sont exprimées. Mais nous avons eu la volonté de présenter un texte simplificateur, qui n’ajoute pas de contraintes supplémentaires, qui permette de lutter contre certains excès, comme ceux qui ont été décrits pour lutter contre les marchands de sommeil, mais qui apporte aussi des moyens nouveaux au service de nos concitoyens. Merci encore, monsieur le président, et mesdames et messieurs les députés.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 


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   Liste des personnes auditionnées

Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI)

M. Bernard Vorms, président

Habitat réuni

M. Pierre Quercy, président

Mme Florence Tastet, secrétaire générale

Agence nationale de lhabitat

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale

Mme Soraya Daou, responsable du service, coordination des pôles d’expertise

Mme Judith Herpe, cheffe de cabinet

Conseil supérieur notariat (CSN)*

Me Hubert Derrien, membre du bureau du CSN chargé des affaires juridiques

Me Éliane Fremeaux, présidente de la section de droit immobilier de l’institut d’études juridiques du CSN

Mme Christine Mandelli, chargée des relations institutionnelles

Délégation interministérielle à lhébergement et à laccès au logement (DIHAL)

M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel

M. Benoît Linot, chef de projet « hébergement/logement »

Fédération des entreprises publiques locales

M. Thierry Durnerin, directeur général

M. Pierre de La Ronde, responsable du département logement et développement économique

M. Camille Roccaserra, responsable du département aménagement

Fondation Abbé Pierre

M. Christophe Robert, délégué général

M. Manuel Domergue, directeur des études

Mme Noria Derdek, chargée d’études

Réseau Cosi

M. Joachim Pasquet, directeur

Union nationale de la propriété immobilière (UNPI)

M. Pierre Hautus, directeur

Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM)

M. Alain Cartraud, vice-président

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) *

Mme Alexandra Francois-Cuxac, présidente

M. Alexis Rouque, délégué général

Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

Union nationale des aménageurs (UNAM)

Mme Pascale Poirot, présidente

M. Yann Le Corfec, directeur juridique

Confédération de lartisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

M. Alain Chouguiat, directeur du pôle économique

Mme Ingrid Bigot-Facon, responsable de projet au pôle économique

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

Conseil national de lordre des architectes (CNOA)

M. Denis Dessus, président

Mme Valérie Flicoteaux, vice-présidente

Mme Lydia Di Martino, directrice juridique

Association des établissements publics fonciers locaux (AEPFL)

M. Alphonse Bellonte, président de l’AEPFL, président de l’EPF Auvergne

M. Arnaud Portier, secrétaire général de l’AEPFL, directeur de l’EPF Pays Basque

Consommation logement et cadre de vie (CLCV)

M. David Rodrigues, juriste secteur habitat

M. Clément Allègre, chargé de mission logement

 

Association Force Ouvrière consommateurs (AFOC)

M. François Schmitt, secrétaire général adjoint

Mme Jessica Keshlaf, juriste sur le secteur du logement

Union nationale des locataires indépendants (UNLI)

M. Michel Veneau, président

M. Franck Vermeulen, président du collectif Camille Claudel à UNLI-Clichy

Mme Corinne Duguer, animatrice Ecolocataires

Confédération syndicale des familles (CSF)

M. Romain Biessy, secrétaire confédéral

Confédération générale du logement

M. Michel Frechet, président

M. Stéphane Pavlovic, directeur

Confédération nationale du logement (CNL)

Mme Laurette Galichet, présidente

M. Nicolas Lemoine, chargé de mission

Observatoire des loyers de lagglomération parisienne (OLAP)

Mme Geneviève Prandi, directrice

Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et linsertion par le logement (FAPIL)

M. Sébastien Cuny, délégué général

M. Romain Bernard, chargé de mission

Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO)

M. Gilles Desrumaux, délégué général

Fédération Soliha

M. Xavier de Lannoy, président


Fédération française du bâtiment (FFB) *

M. Jacques Chanut, président

M. Benoît Vanstavel, directeur des relations parlementaires

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques

Mme Sarah Cougny, chargée de mission relations institutionnelles

Assemblée des départements de France (ADF)

M. Jean-Léonce Dupont, président du département du Calvados

M. Arnaud Jayet, conseiller

Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseiller relations avec le Parlement

Action Logement *

M. Bruno Arcadipane, président

M. Jean-Baptiste Dolci, vice-président

M. Bruno Arbouet, directeur général

M. Valérie Jarry, directrice des relations institutionnelles

M. Benoist Apparu, président du Directoire d’IN’LI, groupe Action Logement

Association des maires de France (AMF)

M. Olivier Pavy, maire de Salbris (41)

Mme Isabelle Kerkhof, maire de Coudekerque et vice-présidente de la communauté urbaine de Dunkerque

Mme Nathalie Fourneau, conseillère urbanisme

Mme Nelly Jacquemot, responsable du service action sociale

M. Sylvain Bellion

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Conseil dÉtat

Mme Christine Maugüé

Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS) *

M. Florent Gueguen, directeur général

Mme Ninon Overhoff, chargée de mission


Association des paralysés de France (APF)

M. Prosper Teboul, directeur général

M. Nicolas Mérille, conseiller national

Direction générale des entreprises (DGE)

Mme Isabelle Richard, sous-directrice du commerce, de l’artisanat et de la restauration

M. Christophe Ravier, adjoint du chef du service de l’économie numérique

Mme Florine Haghighat-Lagardère, chargée de mission au bureau de la réglementation des communications électroniques

Commissariat général à légalité des territoires (CGET)

M. Philippe Matheron, conseiller auprès de la directrice du développement des capacités des territoires

Airbnb *

Mme Juliette Langlais, directrice des affaires institutionnelles pour Airbnb France, Belgique et institutions européennes

Mme Sarah Prot, responsable des affaires institutionnelles pour Airbnb France, Belgique et institutions européennes

Foncière Publique Solidaire (FPS)

M. Christophe Caresche, président

M. Didier Le Brazidec, directeur général délégué

Association des responsables de copropriétés (ARC)

M. Gérard Andieux, président

M. Emile Hagège, directeur général

M. Claude Pouey, directeur technique

UFC Que choisir ?

Mme Karine de Crescenzo, responsable des relations institutionnelles

M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles


Caisse des dépôts et consignations

Mme Marianne Laurent, directrice des prêts et de l’habitat

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

M. Hakim Lahlou, responsable de la coordination et du suivi des objectifs stratégiques – direction des prêts du fonds d’épargne

CDC Habitat (anciennement Groupe SNI)

Mme Anne Frémont, directeur des relations institutionnelles et des études

M. Vincent Mahé, secrétaire général de la SNI

M. Thierry Laget, directeur général adjoint de la SNI

Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

M. Philippe Joguet, directeur développement durable, RSE, questions financières

Mme Cécile Rognoni, directrice des affaires publiques

Mme Sophie Amoros, responsable des affaires publiques

Ministère de la justice - direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

Mme Pascale Compagnie, sous-directrice du droit économique

Mme Claire Berger, adjointe au chef du bureau du droit immobilier et du droit de l’environnement

Mme Marie-Albanie Terrier, rédactrice au sein du bureau du droit immobilier et de l’environnement

Direction de limmobilier de lÉtat

Mme Nathalie Morin, directrice

M. Philippe Bauchot, adjoint à la directrice

Délégation à laction foncière et immobilière (DAFI)

M. Michel Vermeulen, délégué-adjoint

M. Gilles Liautard, chef du département foncier

Fédération des offices publics de lhabitat (OPH) *

M. Laurent Goyard, directeur général

M. Jean-Christophe Margelido, directeur général adjoint


Fédération nationale des sociétés coopératives dHLM

M. Daniel Chabod, vice-président

Mme Isabelle Roudil, chargée de mission auprès de Marie-Noëlle Lienemann

Procivis

M. Philippe Petiot, directeur général

M. Julien Pontier, directeur délégué aux relations institutionnelles et aux missions locales

M. Yannick Borde, président

Chambre nationale des huissiers de justice (CNHJ)

M. Patrick Sannino, président

M. Gabriel Mecarelli, directeur des affaires juridiques

M. Samuel Bouteiller, conseiller

Les entreprises sociales pour lhabitat (ESH)

Mme Valérie Fournier, présidente

M. Didier Poussou, directeur général

Grand Paris Aménagement

M. Thierry Lajoie, directeur général

M. Thierry Repentin, président du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) et de la commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF)

M. Thomas Welsch, chef du bureau des acteurs, des produits et de l’innovation dans la construction (DGALN/DHUP/QC3)

Union sociale pour lhabitat (USH)

Mme Marianne Louis, secrétaire générale

Fédération nationale des associations régionales dorganismes dhabitat social (FNAR)

M. François Salzgeber, directeur

Confédération des commerçants de France (CDF)

M. Francis Palombi, président

Mme Sophie Lombard, déléguée générale

Mairie de Paris

Mme Blanche Guillemot, directrice du logement et de l’habitat de la Ville de Paris

M. Stanislas Degroote, directeur de cabinet de M. Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris, en charge du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence

Mme Jeanne Jattiot, conseillère logement et hébergement au cabinet de la maire de Paris

Mairie de Lille

Mme Estelle Rodes, adjointe au maire en charge de la politique de l’habitat

Mme Audrey Linkenheld, ancienne députée, conseillère municipale

Mme Caroline Lucats, directrice du service habitat

M. Thomas Peeters, chargé de l’observatoire de l’habitat

Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) *

M. Philippe Bauer, directeur des relations institutionnelles d’HomeAway

M. Alix Tafflé, président fondateur de Morning Croissant

M. Arthur Gachet, consultant chez Interel France, conseil de l’UNPLV

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

M. Akim Taïrou, directeur général adjoint en charge du contrôle et des suites

Union des syndicats de limmobilier (UNIS)

M. Christophe Tanay, président

M. Éric Brico, président-adjoint

M. Géraud Delvolvé, délégué général

Fédération nationale de limmobilier (FNAIM)

M. Jean-Marc Torrollion, président

M. Loic Cantin, 1er vice-président

Plurience *

M. Olivier Nivault, président, directeur général du Crédit Agricole Immobilier

Jean Michel Camizon, vice-président, président de Dauchez Immobilier


Assemblée des communautés de France (AdCF)

Mme Corinne Casanova, vice-présidente de l’AdCF et vice-présidente de la communauté Grand Lac (Auvergne-Rhône-Alpes)

M. Jean-Paul Bret, membre du conseil d’administration et président de la communauté du Pays Voironnais (Auvergne-Rhône-Alpes)

M. Nicolas Portier, délégué général

M. Philippe Schmit, secrétaire général

Mme Montaine Blonsard, chargée des relations parlementaires

Mme Claire Delpech, responsable habitat-logement

Association France urbaine

M. Olivier Carré, maire d’Orléans et président d’Orléans métropole

M. Emmanuel Heyraud, directeur du développement urbain de France urbaine

M. Philippe Angotti, délégué général adjoint de France urbaine

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

Mme Cécile Dubarry directrice générale

M. Guillaume Mellier, directeur « Fibre, infrastructures et territoires »

Association Droit au Logement (DAL)

M. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole

M. Jean-Baptiste Lecerf, juriste

Le Réseau de lhabitat partagé et accompagné (HAPA)

Mme Hélène Leenhart, présidente

Mme Florence Delisle Errard, vice-présidente

M. Guillaume Boutterin, secrétaire

Fédération des industriels des réseaux dinitiative publique (FIRIP)

M. Étienne Dugas, président

M. Hervé Rasclard, délégué général

M. Julien Delmouly, délégué général adjoint


Agence nationale des fréquences (ANFR)

M. Gilles Brégant, directeur général

M. Yann Maigron, directeur de la gestion des fréquences

M. Jean-Marc Salmon, directeur général adjoint

Fédération française des télécoms

M. Michel Combot, directeur général de la fédération française des télécoms

M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques

Bouygues Télécom *

M. Anthony Colombani, directeur des affaires publiques

Groupe Iliad Free *

Mme Ombeline Bartin, responsable des relations institutionnelles

Orange *

M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques

SFR *

Mme Marie-Georges Boulay, secrétaire générale adjointe

Association Centre-ville en mouvement

M. Patrick Vignal, président, député

 

M. André Marcon, auteur du rapport sur la revitalisation commerciale des villes petites et moyennes, accompagné de :

M. Bernard Morvan, président de la Fédération nationale de l’habillement

M. Gontran Thuring, représentant du CNCC

M. Vincent Ferat, directeur général de SCC (Shopping Center Company)

M. Jean-Louis Coutarel, chargé de mission architecture et urbanisme au CGET du Massif central

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Voir l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi : http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Avis/Selection-des-avis-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Projet-de-loi-portant-evolution-du-logement-de-l-amenagement-et-du-numerique

([2]) Voir l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi : http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Avis/Selection-des-avis-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Projet-de-loi-portant-evolution-du-logement-de-l-amenagement-et-du-numerique

([3]) Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine

([4]) Article L.102-12 du code de l’urbanisme

([5]) Les ZAC sont les zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux qui seront acquis en vue d’être cédés ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés.

([6]) Les droits de préemption et de priorité sont d’importantes prérogatives de puissance publique qui reconnaissent la possibilité à une collectivité publique d’acquérir, par priorité, un bien qui lui est nécessaire pour mener sa politique d’aménagement. En cas d’exercice d’un droit de préemption, le prix de vente peut être fixé par le juge de l’expropriation s’il y a désaccord entre le vendeur et l’acquéreur.

([7]) Les associations foncières urbaines sont des associations syndicales constituées entre propriétaires intéressés pour l’exécution des travaux et opérations énumérés à l’article L. 322-2 du code de l’urbanisme.

([8]) Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine

([9]) Article L.321-14 du code de l’urbanisme

([10]) Article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, alinéa 2

([11]) Article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, alinéa 4

([12]) Voir le commentaire de l’article 5 du projet de loi

([13]) Article L. 321-3 du code de l’urbanisme

([14]) Article L. 321-16 du code de l’urbanisme

([15]) Article L. 311-1 du code de l’urbanisme

([16]) Article L. 122-1 du code de l’environnement

([17]) Article R*311-7 du code de l’urbanisme

([18]) La mise à disposition par voie électronique des études d’impact devant être organisée par l’autorité compétente pour autoriser le projet (article L. 123-19 du code de l’environnement).

([19]) Article L. 311-4 du code de l’urbanisme, premier et deuxième alinéas

([20]) Article L. 311-4 du code de l’urbanisme, quatrième alinéa

([21]) Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée

([22]) Le concours consiste à mettre en compétition des entrepreneurs pour l’exécution de prestations déterminées par le règlement du concours et à les sélectionner après avis d’un jury.

([23]) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics

([24]) Cf. article L. 300-4 du code de l’urbanisme.

([25]) Le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par convention, l’exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d’ouvrage : définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté ; préparation du choix du maître d’œuvre, signature du contrat de maîtrise d’œuvre, après approbation du choix du maître d’œuvre par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d’œuvre ; approbation des avant-projets et accord sur le projet ; préparation du choix de l’entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de travaux ; versement de la rémunération de la mission de maîtrise d’œuvre et des travaux ; réception de l’ouvrage.

([26]) Circ. UHC/DU/16 n° 2001-56, 27 juill. 2001, titre II, chap. I, sect. 3

([27]) Article 3 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée

([28]) Article L.3211-6 du code général de la propriété des personnes publiques

([29]) Référé de la Cour des comptes « Évaluation du dispositif de la décote sur le foncier public en faveur du logement social » du 26 octobre 2017

([30]) Article R. 3211-14 du code général de la propriété des personnes publiques

([31]) Décisions n° 86-207 DC du 26 juin 1986, n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010

([32]) Articles L. 255-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation

([33]) Loi n° 2017-257 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain

([34]) Article L. 211-2 du code de l’urbanisme

([35]) Article L. 3211-7-1 du code de la construction et de l’habitation

([36]) La décision 2012/21/UE de la Commission européenne énonce les conditions en vertu desquelles les aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l’obligation de notification.

([37]) Renommée Foncière publique solidaire par la suite.

([38]) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain

([39]) Article L. 211-1 du code de l’urbanisme

([40]) Article L. 5219-2 du code de l’urbanisme

([41]) Article L. 151-41 du code de l’urbanisme

([42]) Article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation

([43]) Article L. 5219-1 du code de l’urbanisme

([44]) Article L. 3211-7 du code de l’urbanisme

([45]) Article L. 230-3 du code de l’urbanisme

([46]) Article L. 151-15 du code de l’urbanisme.

([47]) Loi n°2009323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion

([48]) Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions

([49]) Institué par la loi d’orientation foncière n° 67-1253 du 30 décembre 1967

([50]) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains

([51]) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové

([52]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt

([53]) Le RNU a pour objet d’encadrer l’acte de construire dans les communes dites « sous RNU » c’est-à-dire qui ne sont pas couvertes par un PLU ou un document en tenant lieu.

([54])  Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové

([55]) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

([56]) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([57]) Loi n° 84-747 du 2 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion

([58]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

([59]) Article R*423-67 du code de l’urbanisme

([60]) Article R*423-68 du code de l’urbanisme

([61]) Article L. 422-1 du code de l’urbanisme

([62]) Ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d’une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([63]) Étude d’impact, page 99

([64]) La plupart de ces règles figurant à l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme

([65]) Décret n° 2016-1491 du 4 novembre 2016 relatif aux exceptions à l’application du droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique concernant les démarches effectuées auprès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou des établissements publics de coopération intercommunale

([66]) Étude d’impact, page 105

([67])  Article 6 de la Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

([68]) Article R*111-18-2 du code de la construction et de l’habitation, issu du décret n° 2015-1770 du 24 décembre 2015 (article 4)

([69]) https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2015/12/24/ETLL1511145A/jo/texte

([70]) Article R. 111-5 du code de la construction et de l’habitation

([71]) Article L. 231-4 du code de la construction et de l’habitation.

([72]) Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée

([73]) Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion

([74]) De telles dérogations ont également été accordées par des lois ou ordonnances, autorisant l’État ou les établissements publics de santé à recourir à la conception-réalisation pour certains types d’immeubles : immeubles affectés aux armées, établissements pénitentiaires, hôpitaux.

([75]) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics

([76]) Étude d’impact, page 124

([77]) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics

([78]) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics

([79]) http://www.senat.fr/amendements/commissions/2015-2016/105/Amdt_COM-18.html.

([80]) Article R. 433-6 du code de la construction et de l’habitation

([81]) Article 27 du décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 portant diverses dispositions en matière de commande publique

([82]) Article L.261-3 du code de la construction et de l’habitation

([83]) Article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation

([84]) Article L. 261-10-1 du code de la construction et de l’habitation

([85]) Elle résultait de conditions propres à remplir par le vendeur, notamment de l’existence de fonds propres ou de l’existence de ventes déjà conclues.

([86]) Aux termes de l’ordonnance n° 2013-890 du 3 octobre 2013 (abrogeant les articles R. 261-18 à R. 261-20 du code de l’habitation et de la construction)

([87]) Cass. 3e civ., 26 nov. 2014, n° 13-25.534, n° 1404 FS

([88]) L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement par le juge dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

([89]) Article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation

([90]) Article 8 du code de procédure pénale

([91]) Ne sont cependant pas concernées les actions en démolition visant les constructions sans permis, ne respectant pas le permis accordé ou fondées sur la violation d’une règle de droit privé.

([92]) L’article L. 600-3 du code de l’urbanisme prévoit un régime spécifique pour les demandes de référé-suspension de l’État, la commune ou l’EPCI relatives à un permis de construire ou d’aménager : suppression de la condition d’urgence ; effet suspensif du permis si la demande de suspension est présentée dans un délai de 10 jours ; délai d’un mois pour l’obtention de la décision du juge.

([93]) D’après la mission d’inspection des juridictions administratives (MIJA) sur l’évaluation des effets des dispositions législatives et réglementaires relatives au contentieux de l’urbanisme mises en œuvre en 2013.

([94]) Le permis d’aménager est un acte qui permet à l’administration de contrôler les aménagements affectant l’utilisation du sol d’un terrain donné.

([95]) CE, 27 juillet 2001, Commune de Meudon, n° 231991, T. p. 1115.

([96]) Article L. 600-8 du code de l’urbanisme

([97]) « Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace », rapport au ministre de la cohésion des territoires présentés par le groupe de travail présidé par Mme Christine Maugüé, conseillère d’État

([98]) D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, le nombre de bailleurs sociaux a diminué de 6 % entre 2009 et 2014.

([99]) http://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cgedd/010267-01_rapport.pdf

([100]) Guide élaboré par la direction générale de la cohésion sociale, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

([101]) Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Inspection générale des finances (IGF), « La revitalisation commerciale des centres-villes », octobre 2016.

([102]) Rapport de la mission prospective sur la revitalisation commerciale des villes petites et moyennes, animée par M. André Marcon, février 2018.

([103]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

([104]) Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

([105]) D’autres dispositions encadrant des mesures de police, ne relevant pas du code de la santé publique, comme la police de péril, prévoient déjà des règles d’affectation équivalentes.

([106])  Cour de cassation, civ.3°, 13-19080, 13 janvier 2015.

([107]) En particulier, le nom ou la dénomination du locataire, les moyens de connexion au réseau internet, le loyer médian de référence majoré, lorsqu’il existe, le montant du dernier loyer acquitté par le précédent locataire, la nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis fin du dernier contrat de location ou le dernier renouvellement.