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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
ratifiant l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017
étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions
du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence (n° 859)
PAR Mme Catherine KAMOWSKI
Députée
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Voir les numéros :
Sénat : 334, 394, 395 et T.A. 91 (2017‑2018)
Assemblée nationale : 859
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SOMMAIRE
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Pages
introduction......................................................... 5
I. La procédure de l’article 74‑1 de la Constitution
II. Le droit de la concurrence en Polynésie française
1. Une compétence de la Polynésie française
2. Une autorité administrative indépendante
a. Une composition conforme aux exigences d’indépendance et de compétence
b. Des compétences et un fonctionnement comparables à ceux de l’Autorité de la concurrence nationale
c. Une autorité encore trop jeune pour dresser un bilan
3. Un droit en pleine évolution
III. Adapter les règles nationales à la Polynésie française : l’ordonnance du 9 février 2017
1. Un complément nécessaire au développement d’un droit polynésien autonome
2. Des dispositions procédurales et techniques
IV. Un projet de loi MoDIFIé par le Sénat
V. Des dispositions complétées par la commission des Lois
Article 1er Ratification de l’ordonnance
Liste des personnes entendues ()
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Mesdames, Messieurs,
Par une loi du pays du 23 février 2015, l’assemblée de la Polynésie française a créé une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs de sanctions, l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC). Les dispositions prévues à cet effet sont entrées en vigueur le 1er février 2016.
Toutefois, pour que la mise en place de cette autorité s’effectue correctement, il convenait que l’État légifère à son tour dans les matières que lui attribue le statut organique de la Polynésie française, à savoir la procédure pénale et la protection des libertés publiques. Pour ce faire, le Gouvernement a choisi la procédure de l’article 74–1 de la Constitution, sur le fondement duquel il a pris l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence. Ce mécanisme n’a pas nécessité la sollicitation d’une habilitation auprès du Parlement ; en contrepartie, il impose à peine de caducité de l’ordonnance une ratification dans les deux ans, soit avant le 10 août 2017.
Tel est l’objet du présent projet de loi, qui a été déposé sur le bureau du Sénat le 28 février 2018. Les sénateurs l’ont adopté en première lecture le 10 avril après l’avoir enrichi d’un article 2, précisant les voies de recours judiciaires contre les décisions de l’APC, et d’un article 3 assujettissant ses membres – mais aussi ceux de l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie (ACNC) – à une obligation de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Le 13 juin, la commission des Lois a adopté à son tour ce projet de loi. Outre des améliorations légistiques, elle a inclus dans le périmètre des obligations déclaratives les rapporteurs généraux des deux autorités visées par le Sénat à l’article 3, ceux-ci disposant de prérogatives significatives en termes de levée du secret des affaires notamment. Elle a également étendu à la Nouvelle-Calédonie les nouveaux dispositifs d’enquête (informatique notamment) dont bénéficient aujourd’hui l’autorité nationale de la concurrence et son homologue polynésienne.
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I. La procédure de l’article 74‑1 de la Constitution
L’ordonnance qu’il est proposé de ratifier a été prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 74-1 de la Constitution.
Cet article 74‑1 a été intégré à la loi fondamentale à l’occasion de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ([1]). Sa rédaction d’origine prévoyait :
« Dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 ([2]) et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. – Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié cette rédaction pour étendre la possibilité d’adaptation aux « dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée ([3]) ».
L’article 74‑1 a été conçu par le constituant dans un objectif précis : « accélérer l’actualisation du droit applicable dans les collectivités d’outre-mer par rapport à celui applicable en métropole en évitant l’étape de l’habilitation législative et toutes les procédures qui en sont le corollaire ([4]) ». Les divergences entre les dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités régies par l’article 74, d’une part, et le droit commun, d’autre part, tendaient à s’aggraver, certes du fait de la décentralisation réalisée au bénéfice de ces territoires mais aussi de la combinaison involontaire de trois éléments distincts :
– la dévolution de compétences spécifiques aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie régie par son article 77, qui permettait que le droit ultramarin s’éloignât de la loi nationale ;
– la jurisprudence du Conseil d’État relative à la portée du principe de la spécialité législative, ce principe voulant que le droit commun ne soit applicable dans les collectivités d’outre-mer qu’à la condition d’une mention expresse. La juridiction administrative avait jugé que la modification d’une loi applicable à une collectivité d’outre-mer ne devait entrer en vigueur dans ladite collectivité qu’en vertu d’une nouvelle disposition expresse le prévoyant ([5]) ;
– le caractère aléatoire de la ratification des ordonnances d’adaptation et d’extension du droit national aux collectivités d’outre-mer, jusqu’alors prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. Les projets de loi de ratification étaient bien déposés, ce qui évitait à ces ordonnances d’être frappées de caducité, mais plus rarement adoptés par le Parlement : les ordonnances restaient des actes de valeur réglementaire. Il en résultait une « confusion qui affecte la hiérarchie des normes » alors que les ordonnances « deviennent vulnérables car elles peuvent être contestées devant le juge administratif » ([6]).
La conjonction de ces éléments rendait excessive l’insécurité juridique dans laquelle s’opéraient les adaptations de la loi aux collectivités d’outre-mer au moyen des ordonnances prévues à l’article 38 de la Constitution.
La procédure de l’article 74-1 se distingue du mécanisme de l’article 38 :
– alors que l’habilitation de l’exécutif à prendre des mesures relevant du domaine de la loi est conférée de façon limitative par une loi sous le régime de l’article 38, elle est permanente et découle directement de la Constitution dans l’article 74‑1 ;
– si la ratification par le Parlement donne valeur législative aux mesures contenues dans les ordonnances, qui ont auparavant valeur réglementaire, cette ratification doit intervenir dans un délai fixe de dix-huit mois dans le cadre de l’article 74‑1 tandis que le temps imparti est fixé par la loi d’habilitation dans la mise en œuvre de l’article 38 ;
– alors que la caducité de l’ordonnance découle du défaut de dépôt d’un projet de loi de ratification dans le délai fixé par la loi d’habilitation dans le cadre de l’article 38, elle vient sanctionner, aux termes de l’article 74-1, « l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication ».
La procédure de l’article 74‑1 de la Constitution impose donc une double vigilance pour prix de l’habilitation permanente à empiéter sur le domaine de la loi qu’elle confère au Gouvernement. D’une part, il incombe au Parlement et au Gouvernement de veiller à ce que la ratification de l’ordonnance intervienne avant la forclusion du délai constitutionnel de dix-huit mois ; le constituant les charge de se montrer « particulièrement vigilants pour procéder dans les temps à la ratification des ordonnances concernées et éviter qu’elles deviennent caduques » ([7]). D’autre part, l’absence de contrôle parlementaire au stade de l’habilitation suppose une vigilance accrue au moment de la ratification des mesures afin que soit correctement exercée la fonction de contrôle des initiatives du Gouvernement ([8]).
Ces contraintes sont significatives, notamment la condition de ratification dans un délai impératif de dix-huit mois, au point qu’il soit déjà arrivé au Gouvernement de recourir à divers expédients pour atténuer les effets d’une caducité :
– soit en prenant une nouvelle ordonnance strictement identique à la précédente ([9]) ;
– soit en donnant valeur législative à une ordonnance postérieurement à sa caducité ([10]).
Le risque de caducité explique que la procédure prévue à l’article 74‑1 de la Constitution demeure relativement peu utilisée par le Gouvernement. Comme le soulignait en 2014 le vice-président du Conseil d’État, « c’est la raison pour laquelle l’article 38 demeure l’instrument privilégié de la législation déléguée pour l’outre-mer. De 2008 à 2013, 71 ordonnances ont ainsi été publiées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, contre seulement 22 sur la base de l’article 74-1 ([11]). » Cette désaffection est aussi relevée par la rapporteure du Sénat sur le présent projet de loi : « depuis le 1er janvier 2012, 7 ordonnances ont été prises sur ce fondement contre 58 prises sur le fondement de l’article 38 et concernant l’outre-mer, dont 17 concernant le seul périmètre des dispositions pouvant relever de l’article 74-1 ([12]) ».
II. Le droit de la concurrence en Polynésie française
1. Une compétence de la Polynésie française
Comme l’indiquent les quatre premiers alinéas de l’article 74 de la Constitution, le statut des collectivités d’outre-mer prend la forme d’une loi organique qui détermine notamment les compétences transférées par l’État et exercées par les institutions locales. Pour ce qui concerne la Polynésie française, ces règles figurent dans la loi organique n° 2004‑192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, modifiée à plusieurs reprises depuis sa promulgation.
La Polynésie française bénéficie d’une autonomie très large puisqu’elle jouit d’une compétence de principe ([13]) alors que les attributions de l’État sont limitativement énumérées. Les règles qu’elle arrête prennent la forme de « lois du pays » délibérées par l’assemblée de la Polynésie française, conformément à l’article 139 de la loi organique précitée. Elles peuvent ensuite faire l’objet d’un contrôle spécifique du Conseil d’État, en premier et dernier ressort, suivant les modalités prévues aux articles 176 à 180 de la loi organique et à l’article L. 311‑7 du code de justice administrative ([14]).
En vertu de la répartition dressée par le statut organique du territoire, il revient aux autorités polynésiennes d’édicter les normes applicables en droit de la concurrence ([15]). En conséquence, les acteurs économiques locaux n’étaient pas soumis aux règles nationales ([16]). De plus, le droit de la concurrence de l’Union européenne leur était également étranger dans la mesure où la Polynésie française, en tant que pays et territoire d’outre-mer ([17]), ne fait pas partie intégrante de l’Union européenne ([18]).
Le code de la concurrence de Polynésie française a été institué par la loi du pays n° 2015‑2 du 23 février 2015 relative à la concurrence ([19]) dont les dispositions ont été intégralement validées par le Conseil d’État ([20]). Il a été complété peu après par la loi du pays n° 2015‑4 du 14 avril 2015 portant réglementation des pratiques commerciales.
2. Une autorité administrative indépendante
La rédaction du code de la concurrence de la Polynésie française s’est inspirée des dispositions nationales, qui définissent comme suit le rôle de l’Autorité de la concurrence : « Elle veille au libre jeu de la concurrence. Elle apporte son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international » ([21]). Elle a probablement bénéficié également de l’expérience de la Nouvelle-Calédonie, au statut d’autonomie comparable et qui venait, l’année précédente, de se doter d’une instance du même type ([22]). Ainsi l’article LP. 610‑1 du code de la concurrence de la Polynésie française crée-t-il une Autorité polynésienne de la concurrence (APC) dont la fonction consiste à veiller « au libre jeu de la concurrence et au bon fonctionnement du marché ».
Cette initiative se fonde sur l’article 30-1 de la loi organique précitée qui permet à la Polynésie française, « pour l’exercice de ses compétences, [de] créer des autorités administratives indépendantes (...) aux fins d’exercer des missions de régulation dans le secteur économique ». Suivant le même article, l’autorité doit être instituée par une loi du pays définissant ses garanties d’indépendance, d’expertise et de continuité. Elle peut disposer d’un pouvoir réglementaire ainsi que de prérogatives d’investigation, de contrôle, de recommandation, de règlement des différends et de sanction.
a. Une composition conforme aux exigences d’indépendance et de compétence
L’article LP. 610‑2 du code de la concurrence de la Polynésie française dispose que l’Autorité polynésienne de la concurrence se compose d’un collège de cinq membres, dont un président, nommés en conseil des ministres du gouvernement de la Polynésie française. La procédure de désignation du président exige un avis de la commission de contrôle budgétaire et financier de l’assemblée de la Polynésie française.
La durée du mandat des membres est fixée à quatre ans renouvelables une fois. Des règles spécifiques régissent la fonction de président de l’APC, lequel ne peut être renouvelé dans ses fonctions à l’issue d’un mandat de six ans qu’il est seul à exercer à temps plein ([23]). L’article LP. 610‑3 du même code édicte des exigences en matière de déontologie et d’incompatibilités, notamment à travers un contrôle interne des membres sous la responsabilité du président, afin que leur indépendance ne puisse être mise en défaut. La démission d’office sanctionne tout manquement d’un membre à la déontologie, mais aussi toute condamnation définitive pour une infraction économique ou financière passible d’emprisonnement, et tout absentéisme dépourvu de justification ([24]).
L’article LP. 610‑6 du même code attache à l’APC un service d’instruction composé d’agents de l’administration, affectés pour trois ans renouvelables et assermentés ([25]). Disposant des diplômes requis pour postuler à des concours de catégorie A de la fonction publique, ils assurent les fonctions de rapporteur sous l’autorité d’un rapporteur général nommé pour quatre ans par arrêté pris en conseil des ministres du gouvernement de la Polynésie française après avis du collège de l’Autorité. Il peut être renouvelé une fois.
Les fonctions d’instruction des affaires et de sanction sont donc distinctes conformément au principe de séparation dont le juge constitutionnel impose le respect. En effet, selon une jurisprudence constante, « le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait [pas] obstacle à ce qu’une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission, dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu’en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent également être respectés les principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ([26]) ». En conséquence, « des dispositions qui n’assurent pas la séparation entre, d’une part, les fonctions de poursuite et d’instruction des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, méconnaissent le principe d’impartialité ([27]) ».
La présidence de l’APC a été confiée le 9 juillet 2015 à M. Jacques Mérot, magistrat des chambres régionales et territoriales des comptes. Les autres membres du collège ont été nommés le 30 septembre 2015, le rapporteur général – ancien agent de l’Autorité de la concurrence nationale – le 23 décembre 2015, et plusieurs agents dans les premiers mois de l’année 2016. La mise en place a été accompagnée par l’Autorité de la concurrence nationale avec laquelle une convention d’assistance technique a été établie le 23 juillet 2015 pour concourir, notamment, à la formation des membres du collège et des agents de l’APC.
b. Des compétences et un fonctionnement comparables à ceux de l’Autorité de la concurrence nationale
Le rôle assigné à l’APC est très proche de celui que joue l’Autorité de la concurrence nationale. Ses missions consistent en :
– une fonction de conseil au bénéfice des autorités politiques locales (Président de la Polynésie française, président de l’assemblée de la Polynésie française), le cas échéant d’initiative, et des juridictions ([28]) ;
– une fonction d’aide à l’appréhension du droit de la concurrence par les acteurs économiques à travers la publication de « lignes directrices » opposables, destinées à instruire les opérateurs sur « le champ d’application et les modalités de déroulement des procédures engagées devant elle et, dans ce cadre, les définitions et critères d’analyse des situations qui lui sont soumises, ainsi que les méthodes de détermination des sanctions susceptibles d’être prononcées » ([29]) ;
– une compétence d’autorisation des créations et extensions de surfaces commerciales à compter de 300 mètres carrés ([30]) ;
– une mission de contrôle et de sanction des pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante et de dépendance économique) ([31]) ;
– une évaluation des projets de concentration en vue de leur autorisation préalable ([32]).
Dans le cadre de sa mission de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, l’APC dispose de prérogatives comparables à celles conférées spécifiquement à l’Autorité de la concurrence nationale dans les départements et régions d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution et dans les trois collectivités d’outre-mer de l’Atlantique ([33]). L’APC peut ainsi :
– sanctionner les droits exclusifs d’importation, sauf à ce que leur intérêt pour le consommateur soit prouvé ([34]) ;
– enjoindre à des entreprises en position dominante sur un marché de remédier à des « préoccupations de concurrence » qui résulteraient de cette situation, selon un mécanisme d’« injonction structurelle » applicable en l’absence d’abus de position dominante, donc d’infraction au droit de la concurrence et de pratique fautive ([35]).
Les faits susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles sont portés à la connaissance de l’APC par le président de la Polynésie française ou le président de l’assemblée de la Polynésie française, un maire ou un président d’établissement public de coopération intercommunale, une entreprise, une organisation professionnelle ou syndicale ou une association de consommateurs. Elle peut également se saisir d’office sur la proposition de son rapporteur général. La procédure est contradictoire et son déroulement respecte les droits de la défense.
c. Une autorité encore trop jeune pour dresser un bilan
L’APC a pu débuter ses activités en juin 2016 et rendre sa première décision le 6 juillet de la même année sur une opération de concentration dans le secteur de l’hôtellerie. Comme le note la rapporteure du Sénat dans son rapport, « l’essentiel des décisions rendues depuis en matière de concentration concerne d’ailleurs le secteur du tourisme et de l’hôtellerie ». Au 31 décembre 2017, l’APC avait rendu, depuis sa création, 11 décisions de concentration, 2 décisions en matière de surfaces commerciales et aucune à propos de pratiques anticoncurrentielles ; 11 avis avaient été formulés dont un d’initiative ([36]).
Cette activité relativement faible trouve son explication dans le délai de publication de l’ordonnance du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence, que le présent projet de loi propose de ratifier. En l’absence de dispositions nationales précisant la procédure applicable et les modalités de l’enquête de concurrence, l’APC ne pouvait mettre pleinement en œuvre les prérogatives que lui avaient confiées les autorités polynésiennes pour assurer le contrôle des pratiques anticoncurrentielles.
Les premières décisions en matière de pratiques anticoncurrentielles devraient finalement intervenir en 2018, au terme d’une phase d’instruction, par nature plus longue, qui n’a pas réellement pu commencer avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
Toutefois, les entretiens menés par votre rapporteure permettent déjà de recueillir un premier sentiment positif sur l’action de l’APC. La dimension restreinte du marché polynésien – moins de 300 000 habitants – et son caractère archipélagique posent des obstacles structurels à l’épanouissement de la concurrence, de sorte que la diversification des opérateurs économiques ne pourra atteindre logiquement le degré que connaît l’Europe. La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles les plus préjudiciables au consommateur, en mettant un terme aux positions monopolistiques abusives, devrait cependant produire ses effets et attirer les investisseurs en capacité de se confronter aux coûts d’entrée élevés sur le territoire.
Enfin, il convient de souligner que l’institution d’une autorité administrative indépendante en charge de la régulation de la concurrence dans l’activité économique est un processus de long terme. L’Autorité de la concurrence nationale est l’héritière de plus de trente années d’évolution commencées avec la création du Conseil de la concurrence par l’ordonnance n° 86‑1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. De nombreuses réformes ont depuis modifié le code de commerce pour adapter les mécanismes juridiques aux besoins de l’économie et déterminer les bonnes pratiques à perpétuer. Il n’est pas anormal qu’en Polynésie française, aussi, un processus similaire soit nécessaire pour déterminer la meilleure architecture institutionnelle et juridique.
3. Un droit en pleine évolution
Récent, le droit polynésien de la concurrence est également en voie d’être réformé. Le 14 mars 2018, l’assemblée de la Polynésie française a adopté une loi du pays portant modification de la partie législative du code de la concurrence ([37]).
Les principales orientations sont la suppression de la sanction de l’abus de dépendance économique, de l’interdiction spécifique des droits exclusifs d’importation et du mécanisme d’injonction structurelle. Une procédure de clémence est instituée, prévoyant la minoration des sanctions pécuniaires prononcées par l’APC à l’encontre d’un opérateur économique en cas de dénonciation d’une pratique anticoncurrentielle à laquelle il a pris part.
Par ailleurs, le président de la Polynésie française acquiert une prérogative d’évocation des affaires de concentration soumises à l’APC, sur le modèle du pouvoir dont est investi en métropole le ministre de l’économie vis-à-vis des décisions de l’Autorité de la concurrence nationale aux termes de l’article L. 430‑7‑1 du code de commerce ([38]). Cette modification témoigne d’une volonté de souligner le rôle de l’appréciation politique dans les décisions relatives à la concurrence, et de diminuer en conséquence le poids des seules analyses financières.
Comme la rapporteure du Sénat, votre rapporteure regrette la simultanéité de l’adoption de cette loi du pays et de l’examen du présent projet de loi, les deux dispositifs étant susceptibles de contradiction. Toutefois, alors que le Conseil d’État est saisi d’une requête à l’encontre du texte voté par l’assemblée de la Polynésie française, les délais d’examen de l’Assemblée nationale ne permettent pas d’attendre que l’arrêt soit rendu pour procéder à d’éventuelles coordinations de conséquence sur l’ordonnance du 9 février 2017. Tant le Gouvernement que les représentants de la Polynésie française ont cependant considéré qu’aucun problème de compatibilité ne devrait se poser.
III. Adapter les règles nationales à la Polynésie française : l’ordonnance du 9 février 2017
1. Un complément nécessaire au développement d’un droit polynésien autonome
Si le droit de la concurrence compte parmi les compétences de la Polynésie française, la loi du pays instituant un code de la concurrence local ne pouvait cependant ni inclure des dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête des agents de l’APC, ni préciser les voies de recours applicables à l’encontre de ses décisions. En effet, aux termes du 2° de l’article 14 de la loi organique n° 2004‑192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, l’État demeure seul à même d’édicter les prescriptions relatives aux domaines suivants : « garantie des libertés publiques ; justice : organisation judiciaire, aide juridictionnelle, (…) droit pénal, procédure pénale, commissions d’office, (…) procédure administrative contentieuse » ([39]).
Le premier alinéa de l’article 133 de la loi organique précitée indique : « Dans les matières de la compétence de l’État, l’assemblée de la Polynésie française ou sa commission permanente peut adopter des résolutions tendant soit à étendre des lois ou règlements en vigueur en métropole, soit à abroger, modifier ou compléter les dispositions législatives ou réglementaires applicables en Polynésie française. » Cette procédure a été appliquée par l’assemblée de la Polynésie française dans une résolution du 27 novembre 2014 ([40]) afin que les mesures nécessaires à la bonne mise en œuvre du code de la concurrence local puissent être prises de concert.
Le Gouvernement national a répondu – dans un délai de deux ans – à la demande polynésienne en sollicitant l’avis de l’assemblée de la Polynésie française, en novembre 2016, sur un projet d’ordonnance pris sur le fondement de l’article 74‑1 de la Constitution. Cette consultation est en effet obligatoire en vertu du troisième alinéa de l’article 9 de la loi organique précitée. Le sixième alinéa du même article prévoit : « L’assemblée dispose d’un délai d’un mois pour rendre son avis. Ce délai est réduit à quinze jours, en cas d’urgence, à la demande du haut-commissaire de la République. Le délai expiré, l’avis est réputé avoir été donné. »
Alors qu’un projet d’avis favorable avait été préparé par la commission de l’économie, des finances, du budget et de la fonction publique de l’assemblée de la Polynésie française, et tandis qu’un avis de l’APC était attendu, le Gouvernement national a estimé les délais excessifs. L’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence a été publiée au Journal officiel du 10 février 2017, l’avis de l’assemblée de la Polynésie française étant réputé favorable. Il est vrai que l’APC était opérationnelle depuis juillet 2016 et que ses membres attendaient depuis lors le parachèvement de son architecture juridique.
2. Des dispositions procédurales et techniques
L’ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 compte 14 articles relatifs au droit pénal, aux procédures pénale et administrative, à l’organisation judiciaire. Ses prescriptions sont nécessaires à la bonne exécution des missions de contrôle et de sanction de l’APC. Elles ne sont pas codifiées, ce qui semble à votre rapporteure la meilleure option en termes de lisibilité : faisant référence au code de la concurrence de Polynésie française, leur inclusion dans le code de commerce n’aurait apporté qu’un supplément de confusion.
L’article 1er édicte les règles de compétence des juridictions pour l’engagement de la responsabilité des auteurs de pratiques anticoncurrentielles que réprime le code de la concurrence de la Polynésie française. Le tribunal mixte de commerce de Papeete connaît des litiges impliquant un commerçant ou un artisan ; les autres affaires relèvent du tribunal de première instance de Papeete ([41]).
L’article 2 prévoit les règles de prescription de l’action publique. La prescription peut être suspendue en cas de consultation de l’APC par une juridiction ([42]). Elle peut également être interrompue, sur le modèle de ce que prévoit au niveau national l’article L. 462‑6 du code de commerce :
– lorsque l’APC estime que les faits dont elle a connaissance justifient des sanctions pénales et transmet l’affaire au procureur de la République ([43]) ;
– lorsque les faits dont est saisie l’APC susceptibles de constituer une pratique anticoncurrentielle font l’objet d’un « acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction » ([44]) ;
– lorsque lesdits faits dont est saisie l’APC font l’objet d’un acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction par l’Autorité de la concurrence au niveau national ([45]).
L’article 3 autorise les agents de l’APC à effectuer les contrôles nécessaires à l’accomplissement de leur mission dans des lieux utilisés à des fins professionnelles. Lorsque les lieux visités sont également à usage d’habitation, ils peuvent y accéder, sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD), entre huit heures et vingt heures seulement. Un procès-verbal retrace les opérations ([47]).
L’article 4 ordonne aux agents de l’APC de requérir un officier de police judiciaire pour obtenir l’identité d’une personne dans le cadre de leurs opérations de contrôle ([48]).
L’article 5 permet aux agents de l’APC, entre six heures et vingt et une heures, sur autorisation du JLD, de visiter tous lieux, de saisir tous documents et d’apposer des scellés.
L’article 6 ouvre un recours – non suspensif – devant le premier président de la cour d’appel de Papeete contre l’ordonnance du JLD et contre les opérations elles-mêmes ([49]).
L’article 7 garantit aux agents de l’APC un accès à tout document détenu par les services de l’État, de la Polynésie française et des autres personnes publiques, sans que leur soit opposable le secret professionnel ([50]). L’article 8 autorise les juridictions d’instruction et de jugement à communiquer à l’APC, sur demande, toute pièce de l’instruction pénale ayant un lien avec une affaire dont elle est saisie ([51]).
L’article 9 réprime de deux ans d’emprisonnement et de 35 millions de francs CFP d’amende – soit un peu moins de 300 000 euros – le fait de s’opposer aux opérations de visite et saisie par les agents de l’APC ([52]).
L’article 10 énonce la possibilité d’un recours en annulation ou en réformation devant une cour d’appel désignée par décret contre les décisions de rejet des saisines irrecevables (art. LP. 620-9), de sanction (arts. LP. 641‑2 à LP. 641‑4) et de non-lieu (LP. 641‑6) ainsi que contre les mesures conservatoires (LP. 641‑1). Le recours n’est pas suspensif sauf sursis à exécution décidé par le premier président de la cour d’appel en raison des conséquences excessives qui résulteraient de l’exécution ([53]).
L’article 11 ouvre un recours devant le premier président de la cour d’appel mentionnée à l’article précédent contre les décisions de levée du secret des affaires prises par le rapporteur général de l’APC au cours de l’instruction (art. LP. 630‑4) ([54]).
L’article 12 permet au procureur de la République de proposer une composition pénale ([55]) à une personne morale ayant commis un délit prévu par le code de la concurrence de la Polynésie française au regard des règles en matière de transparence et de loyauté des relations commerciales ([56]).
L’article 13 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de l’ordonnance, notamment son entrée en vigueur prévue au plus tard le 30 juin 2017. Ce règlement d’exécution n’avait pas été publié lors de l’examen du présent projet de loi par le Sénat, et ne l’a pas davantage été à la date de la rédaction du présent rapport.
L’article 14 désigne les membres du Gouvernement responsables de l’application de l’ordonnance : le Premier ministre, le ministre de l’économie et des finances, le garde des Sceaux, ministre de la justice, et la ministre des outre-mer, chacun en ce qui le concerne.
IV. Un projet de loi MoDIFIé par le Sénat
Le projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 a reçu un large soutien de la part des sénateurs. Si le texte a fait l’objet de deux amendements en commission des Lois à l’initiative de la rapporteure Mme Catherine Troendlé, aucune modification n’a été suggérée – ni a fortiori adoptée – en séance publique.
L’article unique du projet de loi initial, valant ratification de l’ordonnance précitée, a été adopté. Le Sénat a jugé les dispositions de l’ordonnance utiles à la Polynésie française et au bon fonctionnement de son autorité de la concurrence. La rapporteure a cependant déploré sa mauvaise articulation avec la réforme de la loi de pays qui, selon elle, aurait dû être l’occasion d’introduire dans le code de la concurrence de la Polynésie française les pouvoirs d’enquête ordinaires des agents de l’APC, qui relèvent selon le Conseil d’État de la compétence polynésienne. Tel n’a pas été le cas : les agents de l’APC ont donc pour seuls pouvoirs d’enquête ceux qui leur sont attribués par l’ordonnance.
Par ailleurs, la rapporteure du Sénat indique dans son rapport voir dans la modification de la loi du pays actuellement pendante devant le Conseil d’État « la marque d’une relative contestation de l’action de l’APC en matière de contrôle des concentrations et d’une certaine défiance envers l’impact du droit de la concurrence sur le tissu économique local ». Elle a également souligné l’avis défavorable sur le projet de loi du pays émis, en janvier 2018, par le Conseil économique, social et culturel (CESC) de la Polynésie française, qui a considéré que « ce texte réduisait de façon trop importante les prérogatives de l’APC et pouvait porter atteinte à son indépendance », tout en concluant qu’il « appartient aux seules autorités compétentes de la Polynésie française de décider des évolutions qu’elles souhaitent en matière de droit de la concurrence ».
Les deux amendements adoptés par le Sénat modifient le droit applicable à l’autorité polynésienne de la concurrence :
– le premier amendement, devenu l’article 2 du projet de loi, tire les conséquences du retard du Gouvernement dans l’édiction du décret d’application de l’ordonnance en élevant au niveau législatif des dispositions relatives aux voies de recours. En outre, il organise la coopération en matière d’enquête de concurrence entre l’APC et, au niveau national, l’Autorité de la concurrence et les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;
– le second amendement, devenu l’article 3 du projet de loi, soumet les membres et les agents les plus élevés des autorités de la concurrence de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie à des obligations de déclaration d’intérêts et de patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), de façon à renforcer le contrôle déontologique dans ces institutions.
V. Des dispositions complétées par la commission des Lois
La commission des Lois a approuvé le projet de loi qui lui était soumis, la totalité des groupes politiques présents lors de son examen se prononçant résolument en sa faveur.
Outre des améliorations de nature rédactionnelle apportées à l’article 2, elle a également adopté trois amendements :
– à l’article 3, à l’initiative de la rapporteure, elle a souhaité que les obligations de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soient étendues aux membres du collège des autorités polynésienne et calédonienne, ainsi qu’il était prévu dans la rédaction issue du Sénat, mais aussi à leurs rapporteurs généraux dès lors que ceux-ci disposent de prérogatives significatives lors de l’instruction des affaires. Cette précision est rendue nécessaire par l’existence de sanctions pénales en répression d’un manquement à l’obligation de déclaration ; d’interprétation stricte, leur application ne peut découler d’une rédaction approximative ;
– deux amendements identiques présentés par la rapporteure et par M. Philippe Gomès ont abouti à l’insertion dans le projet de loi d’un nouvel article 4 portant extension de techniques d’enquête dont bénéficie l’Autorité nationale de la concurrence, mais pour lesquelles le législateur n’avait pas prévu l’application à la Nouvelle-Calédonie depuis 2009. Cette extension, qui demeure dans le champ du projet de loi puisqu’il s’agit de sanctionner des manquements au droit de la concurrence dans les deux territoires ultramarins autonomes, concerne principalement les procédures en rapport avec les nouvelles technologies – saisies informatiques, identité d’emprunt.
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Lors de sa première réunion du mercredi 13 juin 2018, la Commission examine le projet de loi, modifié par le Sénat, ratifiant l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence (n° 859) (Mme Catherine Kamowski, rapporteure).
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Il me revient la charge et l’honneur de rapporter le troisième texte de cette matinée, et je souhaite en premier lieu vous dire un mot du contexte dans lequel s’inscrit la procédure que nous avons à avaliser aujourd’hui.
Ce projet de loi ratifie une ordonnance. Ce n’est pas aussi banal qu’on pourrait le penser, car c’est une ordonnance au titre de l’article 74-1 de la Constitution, et le Parlement n’en examinera pas beaucoup au cours de cette législature : c’est en effet un instrument juridique qui, en termes de temps, présente un petit avantage et un gros inconvénient.
L’avantage, c’est que le Gouvernement peut publier une ordonnance de ce type sans habilitation du Parlement, du moment qu’elle ne concerne que des adaptations du droit commun aux spécificités des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie. L’inconvénient, c’est que l’ordonnance devient caduque dix-huit mois après sa publication si elle n’a pas été ratifiée. La procédure s’achève donc dans une forme de course contre la montre.
C’est précisément la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, puisque l’ordonnance en question, qui porte sur le droit de la concurrence en Polynésie française, a été prise le 9 février 2017. Les plus agiles parmi vous en mathématiques en auront déduit que la ratification doit être promulguée avant le 10 août prochain. Je coupe donc court à tout suspense en recommandant instamment un vote positif de la Commission ce matin, et de l’Assemblée nationale dans quelques semaines.
L’ordonnance dont il est question porte sur le droit de la concurrence, ou plutôt sur une partie du droit de la concurrence en Polynésie française. En effet, le statut organique de ce territoire lui donne compétence pour régir cette matière de façon autonome. Les autorités polynésiennes s’en sont saisies, puisqu’une loi du pays du 25 février 2015 a créé un code local de la concurrence et institué une Autorité polynésienne de la concurrence (APC) afin de le faire respecter.
Je précise tout de suite, pour prévenir d’éventuelles polémiques, que ce code local de la concurrence fait actuellement l’objet d’une réforme. L’un des objectifs poursuivis consiste à retirer certains pouvoirs très forts qui avaient été attribués à l’APC, notamment l’injonction structurelle qui permet d’imposer la vente d’une partie de ses installations ou de ses droits à un acteur en position dominante sur un marché. Le Sénat a été assez surpris de cette initiative. Pour ma part, je me bornerai à une position de principe : on décentralise ou on ne décentralise pas. À partir du moment où la France a fait le choix de faire confiance à ses territoires, ici ultramarins, ce n’est pas pour que des institutions au niveau central viennent remettre en cause les appréciations portées au niveau local. Les Polynésiens décident pour eux ; ce qu’ils décident est bien décidé.
Vous vous demanderez alors : pourquoi une ordonnance prise par l’État si la Polynésie est compétente ? Parce que l’enquête et la répression des infractions au droit de la concurrence, puisqu’elles concernent les libertés publiques et le droit pénal, sont pour leur part demeurées une compétence de l’État. Nous venons donc en complément de ce qu’a fait la loi du pays, pour permettre à l’APC de disposer de facultés comparables à celles de l’Autorité de la concurrence nationale.
Le Sénat s’est déjà saisi de ce texte, qui ne comportait à l’origine qu’un seul article. Il a évidemment approuvé le principe d’une ratification, mais a ajouté deux articles additionnels.
Le premier ajout, l’article 2, découle d’une réaction d’humeur, à mon sens parfaitement compréhensible. En effet, pour s’appliquer correctement, la procédure contentieuse prévue par l’ordonnance renvoie à un décret. Celui-ci, depuis la publication de l’ordonnance, n’a toujours pas été pris par le Gouvernement. Le Sénat en a pris ombrage. Il a constaté que certaines dispositions manquantes, comme les délais de recours ou la compétence juridictionnelle de la cour d’appel de Paris, figuraient déjà dans la loi pour ce qui concerne la procédure très voisine applicable en Nouvelle-Calédonie. Les sénateurs ont donc décidé d’inclure dans la loi, sans attendre le règlement, les dispositions applicables pour la Polynésie. Le Gouvernement en a pris acte. Je vous proposerai de faire de même et de n’apporter à l’article 2 qu’une modification légistique.
Le second ajout, l’article 3, fait suite à une recommandation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui surveille les déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale des élus et des politiques, mais aussi celles des membres et des agents les plus haut placés des autorités administratives indépendantes. La raison est évidente : quand on régule un secteur, on doit être transparent sur ses liens éventuels avec les acteurs dudit secteur. Or, si l’autorité nationale de la concurrence figure bien dans le périmètre de surveillance de la HATVP, les autorités calédonienne et polynésienne ont été oubliées.
Le Sénat a voulu rectifier cette erreur en soumettant au contrôle de la HATVP les membres du collège de ces autorités, ainsi que les directeurs généraux, secrétaires généraux et leurs adjoints. Je précise que les présidents des deux autorités se sont montrés très favorables à cette initiative. Seul problème : il n’existe pas actuellement dans les deux autorités concernées de directeur général mais un rapporteur général nanti de pouvoirs appréciables, comme la possibilité de lever ou de maintenir le secret des affaires dans les affaires qu’il instruit. Ne pas le mentionner est problématique : la violation des obligations auprès de la HATVP est pénalement sanctionnée, or le droit pénal s’interprète strictement. Je vous proposerai donc d’ajouter cette référence aux rapporteurs généraux.
Enfin, j’ai déposé un amendement identique à celui de nos collègues calédoniens et de leur groupe pour que ce projet de loi répare une imperfection. Depuis 2009, le législateur n’a pas étendu à la Calédonie les nouvelles techniques d’enquête de concurrence dont bénéficient l’autorité nationale et l’autorité polynésienne. Il s’agit notamment de prendre en compte les évolutions technologiques en matière d’enquête sur internet, ou encore d’autoriser le recours à une identité d’emprunt. Nous établissons ainsi un parallélisme de forme déjà utilisé à l’alinéa 2 de l’article 3 par le Sénat, qui a inclus dans l’obligation de déclaration de patrimoine et d’intérêts aussi bien l’autorité de Polynésie française que celle de la Nouvelle‑Calédonie.
Les entretiens que j’ai menés me laissent penser que ce projet de loi ne soulève pas de difficulté. Je vous invite donc à le soutenir.
Mme Nicole Dubré-Chirat. L’ordonnance du 9 février 2017 a été prise pour répondre aux attentes et aux besoins de l’autorité polynésienne de concurrence créée en 2015, en la dotant des pouvoirs d’enquête nécessaires à la réalisation de ses missions. Si la Polynésie a pu, par les lois du pays, créer cette autorité administrative indépendante et adopter des réglementations de la concurrence et des pratiques commerciales, elle a dû, conformément à son statut, solliciter l’intervention de l’État pour que ce dispositif soit complété pour les matières relevant de la compétence de ce dernier en ce qui concerne le droit pénal, la procédure pénale et les voies de recours.
Les mesures adoptées par cette ordonnance reprennent largement les règles du livre IV du code de commerce, en les adaptant toutefois à la situation polynésienne. Conformément à l’article 74-1 de la Constitution, sur le fondement duquel elle été prise, cette ordonnance doit nécessairement être ratifiée sous dix-huit mois, soit avant le 10 août prochain. Ce projet de loi satisfera cette obligation.
Le Sénat a adopté en première lecture, dans le courant du mois d’avril, deux amendements. Le premier s’inspire des règles applicables à l’Autorité de la concurrence nationale et apporte des précisions au régime de voies de recours à l’encontre des décisions de l’Autorité polynésienne de concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles. Il précise de la sorte la compétence des juridictions judiciaires et celle de la cour d’appel de Paris, et fixe les délais de recours à un mois, ou à dix jours par exception pour certaines mesures.
Le second amendement établit l’obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts à la Haute autorité de la transparence de la vie publique pour les membres des autorités administratives indépendantes créées par la Polynésie mais également pour celles créées par la Nouvelle-Calédonie.
Cette obligation avait été introduite par la loi sur la transparence de la vie publique en octobre 2013, avant de disparaître malencontreusement dans la nouvelle rédaction, expresse et limitative, issue de la loi de décembre 2016. Outre la correction rédactionnelle qui était nécessaire pour adapter le texte de l’amendement à la situation des autorités polynésiennes, on ne peut donc que soutenir ces deux amendements.
Je voudrais également souligner que, si les délais nous imposent de voter ce projet de loi, le contexte politique doit également nous y inciter, puisque la Polynésie française a récemment procédé à l’élection de son président et au renouvellement de son assemblée pour cinq ans et qu’il est inutile d’ajouter des difficultés à sa gestion. C’est également une nécessité géographique, compte tenu de la situation de ce territoire insulaire, composé de cent dix-huit îles très éloignées de la métropole et doté de l’autonomie administrative.
Ce texte répond aux demandes de la Polynésie. Il respecte la complémentarité de l’État et de la collectivité en matière de droit de la concurrence. C’est pourquoi le groupe La République en Marche votera pour son adoption.
M. Philippe Gosselin. Vous avez eu raison, madame la rapporteure, de rappeler le statut spécifique de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, qui va nous occuper cet automne. Il ne s’agit pas de gouverner ici en reprenant l’ancienne pratique des décrets-lois formalisée dans l’article 38 de la Constitution : l’ordonnance dont il est question est toute différente.
Elle impose aujourd’hui d’accélérer le processus, et nous n’y voyons pas de difficulté particulière. Ce qui est proposé va dans le bon sens et poursuit les modifications apportées, sous l’impulsion de M. Philippe Gomès au cours de la précédente législature, à l’organisation de la Nouvelle-Calédonie. Le groupe Les Républicains soutiendra donc ce projet de loi.
Mme Isabelle Florennes. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est bien entendu favorable à ce projet de loi. La très jeune Autorité polynésienne de la concurrence, installée par une loi du pays de 2015, souffre en effet de certaines carences qui entament la portée de sa décision et son pouvoir de sanction, et auxquelles il était nécessaire de remédier.
Si cette autorité administrative indépendance possède des attributions et doit remplir des missions similaires à son homologue métropolitaine, l’APC ne peut, dans les faits, pas encore exercer l’ensemble de ses fonctions. C’est la raison pour laquelle l’ensemble de ces mesures vont dans le bon sens, puisqu’elles permettront de doter l’APC de véritables moyens d’action lui permettant d’exercer pleinement ses missions.
Plus largement, il est nécessaire que la Polynésie française puisse s’appuyer sur un tel outil pour parachever son arsenal juridique et coercitif en matière de concurrence.
Nous soutiendrons donc ce texte et les amendements proposés par la rapporteure.
Mme Maina Sage. Je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteure, qui a pris le temps d’entendre toutes les parties et de consulter également ses collègues de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.
Depuis le statut de 2004, la collectivité polynésienne dispose d’une clause générale de compétence, à l’exception des compétences régaliennes édictées à l’article 14 de notre statut organique, qui demeurent à l’État.
La Polynésie a donc créé son propre droit de la concurrence, ce qui aura pris une décennie, du fait notamment de l’instabilité politique qu’a connu notre territoire entre 2004 et 2013, avec treize gouvernements en dix ans. Nous avons néanmoins réussi à produire un texte à la hauteur des enjeux, dans un territoire complexe, sans doute unique du fait de son isolement et de son éclatement territorial, puisque la Polynésie est composée de cent dix-huit îles éparpillées sur une surface grande comme l’Europe.
Cet éparpillement a un lien direct avec le sujet d’aujourd’hui car, lorsque les bassins de population sont aussi petits et aussi isolés, la taille des marchés est réduite d’autant, ce qui a des incidences en matière de dépendance économique et de concurrence, dans tous les secteurs.
Dotée de la compétence économique, la Polynésie française veille en permanence au développement équilibré d’un service public et d’activités privées sur l’ensemble du territoire. Elle a mis en place pour cela un grand nombre de mesures de péréquation, qui passent inévitablement par des délégations de service public et peuvent entraîner des situations de monopole.
Il faut prendre en compte le fait que le modèle économique de la Polynésie est construit en fonction de toutes ces contraintes, ce qui en fait un système unique dans la République : lorsque la population se concentre pour les deux tiers sur l’île de Tahiti, tandis que le dernier tiers se répartit sur une surface grande comme l’Europe, la question de la concurrence se pose tous les jours.
Le second élément contextuel sur lequel je voudrais insister, ce sont les états généraux qui se sont tenus outre-mer à la suite de la crise sociale de 2008 aux Antilles. En Polynésie, la question du coût de la vie a occupé une place centrale dans les débats, lesquels ont servi de catalyseur et poussé les pouvoirs publics comme les acteurs de la société civile à envisager la mise en place d’un droit de la concurrence.
Cela n’a pas été une mince affaire, et pas moins de quatre projets de loi ont été élaborés, mais dois-je vous rappeler que le droit de la concurrence nationale ne s’est pas fait non plus en un jour ? La création de l’Autorité de la concurrence a suscité de nombreuses discussions et fut d’abord un Conseil de la concurrence, simplement autorisé à rendre des avis.
Mais notre droit de la concurrence évolue, et je suis confiante sur son avenir, car les Polynésiens sont unanimes à vouloir lutter contre les abus de position dominante. Les ajustements auxquels nous procédons aujourd’hui sont ainsi nécessaires pour nous aider à poursuivre sereinement cette marche.
Nous sommes donc favorables aux modifications apportées par le Sénat et par notre rapporteure. Je défendrai pour ma part un amendement au nom de MM. Philippe Gomès et Philippe Dunoyer.
Mme Danièle Obono. Nous sommes favorables à ce projet de loi qui va dans le sens de la volonté du peuple polynésien, et sur lequel nous défendrons deux amendements concernant le secret des délibérés, sujet qui a fait récemment débat en Polynésie.
Nous approuvons le rapport et considérons que les situations de monopole doivent être combattues parce qu’elles nuisent à la population. Dans ces conditions, il est souhaitable que l’Autorité de la concurrence puisse être pleinement opérationnelle le plus rapidement possible.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Je tiens à remercier Mme Sage de nous avoir décrit aussi finement qu’elle l’a fait les enjeux autour desquels s’organise la vie économique et administrative en Polynésie.
Il est vrai que c’est un territoire lointain dont nous ne percevons pas nécessairement le fonctionnement. Les images de carte postale ne doivent pas cacher les hommes et les femmes. Nous devons, comme nous le faisons aujourd’hui, nous employer à leur permettre de vivre selon les lois de la Polynésie et de la République.
La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.
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Article 1er
Ratification de l’ordonnance
Résumé du dispositif et effets principaux :
L’article 1er ratifie l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence.
Modifications apportées par le Sénat :
Le Sénat a adopté l’article 1er sans modification.
Position de la commission des Lois :
La Commission a adopté l’article 1er sans modification.
Constituant l’article unique du projet de loi au moment de son dépôt sur le bureau du Sénat le 28 février 2018, l’article 1er ratifie l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence. Il clôt la procédure de l’article 74‑1 de la Constitution en élevant au niveau législatif les dispositions de l’ordonnance et en évitant sa caducité au 10 août prochain, dix-huit mois après sa publication.
La probable réforme de la loi du pays portant code de la concurrence de la Polynésie française, actuellement en instance devant le Conseil d’État, ne devrait provoquer aucune difficulté formelle dans l’application de l’ordonnance.
L’article 1er n’a fait l’objet d’aucun amendement au Sénat, ni en commission des Lois de l’Assemblée nationale.
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La Commission adopte l’article 1er sans modification.
Article 2
(art. 9 bis [nouveau], 10 et 11 de l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence)
Voies et délais de recours contre les décisions de l’Autorité et coopération avec les instances nationales compétentes
Résumé du dispositif et effets principaux :
L’article 2 résulte d’un amendement de la rapporteure du Sénat adopté en commission des Lois. Il apporte des précisions à l’ordonnance du 9 février 2017 en matière de voies de recours. Il permet également que des enquêtes soient conduites en coopération entre l’Autorité polynésienne de la concurrence et les services nationaux compétents – Autorité de la concurrence et direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Position de la commission des Lois :
La Commission a adopté à l’article 2 un amendement de la rapporteure de nature légistique.
L’article 2 résulte d’un amendement présenté par la rapporteure du Sénat, Mme Catherine Troendlé, adopté en commission des Lois. Il n’a pas fait l’objet de modification en séance publique.
1. La détermination de la cour d’appel compétente
Alors que les articles 10 et 13 de l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017, étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence, appellent la publication d’un décret d’application pour leur entrée en vigueur, celui-ci n’a pas été pris par le Gouvernement près d’un an et demi après sa publication. Ainsi la cour d’appel compétente pour connaître des recours à l’encontre des décisions de l’Autorité polynésienne de la concurrence n’a-t-elle toujours pas été désignée, faisant peser sur les justiciables polynésiens le risque d’une violation de leur droit à un procès équitable et à une voie de recours juridictionnelle.
La rapporteure du Sénat a observé, par ailleurs, que la cour d’appel compétente pour connaître des recours contre les décisions de l’autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie est mentionnée dans l’ordonnance elle-même et non dans un règlement d’application ([57]). Enfin, pour ce qui concerne le droit national, le code de commerce désigne lui aussi dans sa partie législative la cour d’appel chargée de juger les recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence ([58]). Il s’agit, dans les deux cas, de la cour d’appel de Paris.
En conséquence, la commission des Lois du Sénat a précisé le régime des voies de recours à l’encontre des décisions de l’APC en matière de pratiques anticoncurrentielles. En cohérence avec les règles prévues pour les Autorités de la concurrence nationale et calédonienne, elle a prévu la compétence de la cour d’appel de Paris. Les délais de recours en appel ont été établis à un mois et, par exception, à dix jours pour les mesures conservatoires décidées par l’APC (2°) ainsi que pour les décisions de son rapporteur général en matière de protection du secret des affaires (3°). Le Sénat a également prévu les modalités du pourvoi en cassation.
Les voies de recours à l’encontre des décisions de l’APC en matière de contrôle des opérations de concentration et des surfaces commerciales n’ont, en revanche, pas été inscrites dans l’ordonnance : relatives à la procédure administrative contentieuse, la fixation de leurs modalités relève pleinement du pouvoir réglementaire.
2. La possibilité d’une coopération avec les autorités nationales
Le 1° permet une coopération en matière d’enquête de concurrence entre l’Autorité polynésienne de la concurrence et, au niveau national, l’Autorité de la concurrence et les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour la conduite d’enquêtes, la réalisation d’actes d’enquête et la transmission d’informations, par analogie avec le dispositif prévu pour la coopération entre l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne ou les autorités étrangères de régulation de la concurrence ([59]).
Le code de la concurrence de la Polynésie française prévoit, en son article LP. 620‑11, que « l’Autorité peut solliciter l’appui et l’expertise technique d’une autre autorité, française européenne ou étrangère, dans le cadre [de ses] consultations ». Il est probable que cette disposition ne permette pas, dans cette rédaction, une coopération dans le cadre d’une enquête.
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* *
La Commission examine l’amendement CL2 de M. Ugo Bernalicis.
Mme Danièle Obono. Cet amendement propose de supprimer le secret du délibéré pour les séances de l’Autorité polynésienne de concurrence et que celles-ci se déroulent au vu au su de tous les citoyens et citoyennes intéressées.
Dans le strict respect des compétences réparties entre l’État et la collectivité de la Polynésie selon la loi organique du 27 février 2004, nous proposons de supprimer ce secret afin que l’ensemble de la population puisse avoir connaissance des raisons motivant les décisions de l’APC, lesquelles ont un impact direct sur leur vie quotidienne.
Cette mesure qui participe de la lutte contre la vie chère répond au fait que le fonctionnement de l’APC et le secret du délibéré de ses décisions ont récemment fait l’objet de débats dans la société polynésienne, et ce alors que le bilan de l’institution est contesté.
Nous estimons que, eu égard à l’importance de l’APC pour briser les monopoles privés, empêcher la concentration du pouvoir économique et instaurer, dans l’intérêt de la population, une concurrence entre les acteurs privés, il est nécessaire de garantir la transparence des séances.
Mme Maina Sage. Dans l’exposé des motifs de cet amendement, il est bien précisé qu’une telle décision relève du code de la concurrence de la Polynésie française et donc de sa compétence. J’ajoute qu’en ce qui concerne l’Autorité de la concurrence nationale, le code du commerce précise, en son article L. 463-7, que ses séances ne sont pas publiques.
Cela étant, ce ne serait pas la première fois que les territoires d’outre-mer seraient utilisés comme sites pilotes pour lancer de nouvelles idées. À titre d’exemple, nous avons ainsi, depuis 1996, un prélèvement à la source avec la contribution de solidarité territoriale (CST). Je ne suis donc pas hostile à votre proposition et je la soumettrai au gouvernement de Polynésie, qui a compétence aujourd’hui pour proposer son adoption à l’assemblée de Polynésie. En l’état cependant, il n’est pas possible au Parlement de l’adopter.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Je vais à mon tour recommander le rejet de cet amendement.
En premier lieu, je ne pense pas que le secret du délibéré entre dans le champ des libertés publiques, donc dans la compétence de l’État. Dans un arrêt de 1922, le Conseil d’État l’a qualifié, après la Cour de cassation, de principe général du droit, mais jamais de liberté publique.
En second lieu, on peut également se poser la question du respect du secret des affaires dans l’exposé d’une décision de ce type.
Enfin, si le secret du délibéré peut se discuter dans le droit français, je trouverais malvenu de commencer par l’Autorité de la concurrence de Polynésie française. Vous savez que le Président de la République a ouvert la porte à une publication des opinions dissidentes dans les décisions de nos cours faîtières – Cour de cassation, Conseil d’État et Conseil constitutionnel. Ce sera un des enjeux de la révision constitutionnelle qui nous occupera prochainement. C’est dans ce cadre qu’il conviendra d’en discuter.
Mme Danièle Obono. Nous avions déjà proposé, lors de l’examen du projet de loi sur les données personnelles, de lever le secret des délibérés. Cette proposition relève donc d’une démarche générale de notre part, et ne vise pas uniquement la Polynésie française.
Cela étant, nous pensons en effet que, dans un certain nombre de domaines, les territoires d’outre-mer peuvent jouer un rôle précurseur.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL3 de Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Il s’agit d’un amendement de repli, qui renforce la transparence, en permettant l’expression publique d’opinions différentes par les membres du collège de l’APC. Cela passe par la consécration de la possibilité d’opinions dites « dissidentes » que nous proposons d’entériner dès à présent.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Avis défavorable.
Mme Maina Sage. Même avis avec cependant une nuance. Cet amendement n’est pas à mes yeux un amendement de repli. Il s’agit d’un sujet connexe, mais différent. Selon moi en effet, la publication des avis dissidents n’a de sens que si les débats de l’APC sont publics. J’y suis personnellement favorable et je soumettrai cette proposition, qui doit s’inscrire dans une réforme globale, au gouvernement de Polynésie française.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient ensuite à l’amendement rédactionnel CL6 de la rapporteure.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. C’est une précision légistique.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3
(art.11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Obligations déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Résumé du dispositif et effets principaux :
L’article 3 résulte d’un amendement de la rapporteure du Sénat adopté en commission des Lois. Il prévoit d’assujettir à l’obligation de déclaration de leur situation patrimoniale et de leurs intérêts les membres des autorités de la concurrence de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie ainsi que leurs directeurs généraux et secrétaires généraux.
Position de la commission des Lois :
La Commission a étendu l’obligation de déclaration aux rapporteurs généraux des deux autorités de la concurrence ultramarine.
1. L’état du droit
La loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que les membres des autorités administratives indépendantes (AAI) remettent une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale au président de l’AAI en question et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ([60]).
L’article 29 de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a précisé cette disposition. Sont désormais également concernés, le cas échéant, les « membres des commissions investies de pouvoirs de sanction, ainsi que les directeurs généraux et secrétaires généraux et leurs adjoints ». En outre, l’obligation ne vise désormais plus les « autorités administratives indépendantes », mais un nombre d’autorités expressément et limitativement énumérées – parmi lesquelles les autorités de la concurrence de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie ne figurent pas, alors même qu’elles auraient été soumises à la rédaction précédente, et que l’Autorité de la concurrence nationale est naturellement concernée.
La prescription de telles obligations déclaratives est bien de la compétence du législateur national au titre de la « garantie des libertés publiques » ([61]).
2. Les dispositions adoptées par le Sénat
Considérant que la garantie de l’indépendance et de la déontologie des membres et des agents de direction des autorités polynésienne et calédonienne de la concurrence est consubstantielle à la crédibilité de leurs décisions ([62]), le Sénat a jugé opportun de profiter du présent projet de loi pour les réintroduire dans le périmètre de surveillance de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il a adopté en commission un amendement de la rapporteure insérant un nouveau paragraphe à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 précitée.
Seules seraient concernées l’autorité polynésienne de la concurrence et l’autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie :
– aucune autre autorité administrative indépendante n’a été créée à ce jour par ces deux collectivités ;
– aucune autre collectivité d’outre-mer ou de métropole n’a la capacité d’instituer une autorité administrative indépendante.
Le I prévoit que les membres des collèges et, le cas échéant, les membres des commissions investies du pouvoir de sanction, ainsi que les directeurs généraux et secrétaires généraux et leurs adjoints des autorités administratives indépendantes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie soient assujettis aux obligations de déclaration auprès de la HATVP. Le II octroie six mois aux personnes concernées pour s’acquitter de leurs obligations.
3. La position de la commission des Lois
L’extension du principe de transparence aux autorités administratives indépendantes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie suscite un consensus général, y compris au sein desdites autorités, comme a pu le constater votre rapporteure. La production auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) d’une déclaration d’intérêts et d’une déclaration de situation patrimoniale permettra de garantir que l’exercice des pouvoirs d’organisation de la vie économique locale dont disposent ces autorités ne donne lieu à aucun conflit d’intérêt.
Votre rapporteure relève que l’adoption du présent article 3 par le Sénat a étendu, de fait, le périmètre du projet de loi. Le texte soumis à l’Assemblée nationale ne concerne donc plus la seule ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence : il embrasse désormais les deux autorités de la concurrence ne relevant pas du législateur national – celle de Polynésie française et celle de Nouvelle-Calédonie. Cette initiative était bienvenue car elle permet d’apporter les corrections nécessaires au fonctionnement de ces deux autorités administratives indépendantes, sans pour autant constituer un cavalier puisque l’ensemble des dispositions continuent de relever d’une même orientation : apporter par la loi les compléments nécessaires à la mise en œuvre des droits de la concurrence des territoires ultramarins bénéficiant d’une totale autonomie en la matière.
En l’état actuel, seules deux institutions seraient concernées par le dispositif issu du Sénat : les autorités de la concurrence polynésienne et calédonienne. Or, votre rapporteure observe qu’il existe dans ces deux structures un rapporteur général investi de prérogatives significatives : c’est notamment lui qui propose à l’autorité de s’autosaisir d’un dossier et qui peut décider la levée du secret des affaires sur les données dont il dispose. Cependant, la rédaction adoptée par le Sénat, calquée sur la disposition applicable en droit commun à l’ensemble des autorités administratives indépendantes, ne s’applique pas, faute de mention, aux rapporteurs généraux. Cette situation est d’autant plus préjudiciable que le manquement aux obligations de transparence est pénalement répréhensible ([63]) ; d’interprétation stricte, les prescriptions de cette nature ne peuvent être sous-entendues par déduction et doivent être clairement formulées par le législateur.
En conséquence et conformément à l’objectif de transparence, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que le rapporteur général des autorités administratives indépendantes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie soit, comme les membres du collège, assujetti aux obligations de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale sous la supervision de la HATVP.
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La Commission examine l’amendement CL7 de la rapporteure.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Cet article, introduit par le Sénat, établit que, dans un souci de transparence, les directeurs généraux et secrétaires généraux des autorités de concurrence doivent faire leur déclaration d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Nous proposons d’y ajouter les rapporteurs généraux, car il n’existe pas pour l’heure de directeurs généraux au sein des autorités de concurrence calédonienne et polynésienne mais bien des rapporteurs généraux.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 4 (nouveau)
(art. L. 934‑5 du code de commerce)
Extension à la Nouvelle-Calédonie de prérogatives d’enquête en matière de droit de la concurrence
Résumé du dispositif et effets principaux :
L’article 4 résulte d’un amendement adopté par la commission des Lois sur proposition de votre rapporteure. Il emporte application en Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions relatives à des techniques et des procédures d’enquête en matière de concurrence figurant dans le code de concurrence, mais que le législateur n’avait pas étendu à la suite de leur création.
L’article 4 résulte de l’adoption en commission des Lois de deux amendements identiques présentés par M. Philippe Gomès et par votre rapporteure. Il actualise et étend les dispositions du code de commerce relatives aux pouvoirs d’enquête en matière de concurrence aux agents assermentés de la direction des affaires économiques et de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie afin qu’ils disposent de tous les moyens nécessaires à la constatation des infractions prévues par le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie.
Comme en Polynésie française, l’article 22 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a confié au territoire la compétence en matière de concurrence, répression des fraudes, droit de la concentration économique, réglementation des prix et organisation des marchés. L’État demeure compétent en matière de garantie des libertés publiques et de procédure pénale ([64]). Le dernier alinéa de l’article 86 de la même loi précise que « les agents assermentés de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes peuvent constater les infractions aux réglementations de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes dans les conditions fixées par la loi ».
Il appartient donc au législateur national de déterminer les conditions d’intervention des agents de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre de la constatation des infractions à la réglementation économique dans la mesure où les pouvoirs d’enquête conférés affectent la liberté individuelle – visites, saisies – et sont susceptibles d’aboutir au prononcé d’une sanction pénale.
Depuis 2009, diverses dispositions du code de commerce sont applicables en Nouvelle-Calédonie ([65]). Les avancées du droit national postérieures à cette date n’ont cependant pas été étendues par le législateur, de sorte que les agents de la direction des affaires économiques et de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie ne disposent pas des mêmes pouvoirs que les agents assermentés en métropole pour la constatation des infractions à la règlementation économique.
En conséquence, l’article 4 prévoit que sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction la plus récente, les articles suivants du code de commerce :
– l’article L. 450‑3 sur le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique ;
– l’article L. 450‑3‑1 sur le relevé d’identité des personnes et la procédure à suivre en cas de refus de déclaration ;
– l’article L. 450‑3‑2 sur la possibilité d’user d’une identité d’emprunt pour le contrôle de la vente de biens et de la fourniture de services sur internet ;
– l’article L. 450‑4 sur l’audition libre dans le cadre d’une enquête de concurrence ;
– l’article L. 450‑8 sur le quadruplement de la peine encourue en cas d’obstacle à l’exercice des pouvoirs d’enquête des agents habilités – 300 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement contre 7 500 euros d’amende et six mois d’emprisonnement dans la version restée applicable à la Nouvelle-Calédonie.
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La Commission examine les amendements identiques CL4 de la rapporteure et CL1 de M. Philippe Gomès.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Alors que les prérogatives des autorités de la concurrence de droit commun et de Polynésie française ont été accrues au cours des dernières années, l’absence de disposition d’extension expresse dans les lois successives n’a pas permis aux agents calédoniens de bénéficier des avancées du droit intervenues depuis 2009. Il en va ainsi du contrôle des opérations faisant appel à l’informatique et de la possibilité de faire usage d’une identité d’emprunt sur internet.
Le présent amendement, répond à une sollicitation des autorités calédoniennes et, dès lors que le Sénat a déjà introduit dans le projet de loi un article qui concerne aussi la Nouvelle-Calédonie, je ne vois aucune raison de ne pas satisfaire cette attente, ce qui permettra aux deux autorités de disposer exactement des mêmes moyens pour agir, chacune sur son territoire et avec son statut particulier.
Mme Maina Sage. Compte tenu du temps qu’il a fallu pour mettre en place le droit de la concurrence en Polynésie, les Calédoniens ont évidemment souhaité profiter de ce véhicule législatif pour bénéficier de ces mêmes avancées. La Nouvelle-Calédonie est, comme la Polynésie, compétente en matière de concurrence, de répression des fraudes, de concentration économique, de réglementation des prix et d’organisation des marchés, l’État conservant la main en matière de garantie des libertés publiques et de procédure pénale.
Cet enchevêtrement de compétences est problématique, et les amendements que nous défendons apportent une partie de la réponse. L’adopter serait également un bon signal en faveur du droit à la différenciation à adresser aux Calédoniens dans la perspective de la réforme constitutionnelle. Cela témoignerait de la capacité de notre nation à adapter le droit aux exigences et aux besoins de ses collectivités.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Défendre ces amendements en séance nous donnera l’occasion, à l’une et à l’autre, d’exposer devant l’ensemble de nos collègues une partie du fonctionnement des institutions polynésiennes. Ils auront, pour certains d’entre eux, beaucoup à apprendre.
La Commission adopte ces amendements identiques. L’article 4 est ainsi rédigé.
La Commission est saisie de l’amendement CL5 de la rapporteure.
Mme Catherine Kamowski, rapporteure. Ce texte ne se référant pas seulement à la Polynésie française, je vous propose de mentionner dans le titre la Nouvelle-Calédonie, de façon à clarifier les territoires auxquels il s’applique.
La Commission adopte l’amendement. Le titre est ainsi rédigé.
Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi (n° 859) ratifiant l’ordonnance n° 2017‑157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
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Liste des personnes entendues ([66])
M. Jacques Mérot, président
Mme Aurélie Zoude-Le Berre, présidente
([1]) Article 11 de la loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.
([2]) L’article 72‑3 de la Constitution, créé par l’article 8 de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 précitée, place sous le régime de l’article 74 de la Constitution les collectivités de Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, habituellement désignées comme les « collectivités d’outre-mer » par opposition aux « départements et régions d’outre-mer » relevant de l’article 73 de la Constitution.
([3]) Article 39 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
([4]) Rapport n° 27 (2002-2003) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, 23 octobre 2002.
([5]) Conseil d’État (Ass.), 9 février 1990, Élections municipales de Lifou, n° 107400.
([6]) Rapport de M. René Garrec, op. cit.
([7]) Rapport n° 376 de M. Pascal Clément, fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, déposé le 13 novembre 2002.
([8]) Les adaptations opérées par ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution montraient toutefois que le Parlement ne modifiait jamais le périmètre de l’habilitation sollicitée par le Gouvernement, comme le soulignait en 2002 le rapport sénatorial précité.
([9]) L’ordonnance n° 2007‑1134 du 25 juillet 2007 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions relatives aux communes et aux sociétés d’économie mixte locales, publiée au Journal officiel le 27 juillet 2007, est devenue caduque au 28 janvier 2009 faute de ratification. L’ordonnance n° 2009‑538 du 14 mai 2009 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions relatives aux communes et aux sociétés d’économie mixte locales est venue se substituer à elle (Pascal Mbongo, « Caducité des ordonnances de l’article 74-1 de la Constitution et légistique », AJDA 2009, p. 2267).
([10]) Le 7 avril 2009, l’ordonnance n° 2007‑1434 du 5 octobre 2007 modifiée portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics, est devenue caduque. Un amendement portant ratification avait pourtant été adopté dans la loi n° 2009‑323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, mais le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, jugée cavalière, dans sa décision n° 2009‑578 DC du 18 mars 2009. Pourtant, la loi n° 2009‑594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, « bien qu’intervenu[e] après [la] date à laquelle ladite ordonnance est devenue caduque, a donné force de loi à toutes les dispositions de l’ordonnance du 5 octobre 2007 à compter de sa publication », ce qu’a admis le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014‑2 LOM du 26 juin 2014 (cons. n° 6).
([11]) Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, intervention à l’occasion du colloque organisé par le centre d’études constitutionnelles et politiques, l’institut Cujas et la société de législation comparée, 6 juin 2014.
([12]) Rapport n° 394 (2017-2018) de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, 4 avril 2018.
([13]) « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’État [et] aux communes », indique l’article 13 de la loi organique du 27 février 2004.
([14]) Une loi du pays peut être déférée au Conseil d’État par le haut-commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l’assemblée de la Polynésie française ou six représentants à l’assemblée de la Polynésie française, ainsi que par toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt à agir. Le Conseil d’État se prononce sur la conformité des lois du pays au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit. Il statue dans les trois mois suivant sa saisine.
([15]) L’État exerce en Polynésie française les compétences qui peuvent être qualifiées de régaliennes. Aux termes du 7° de l’article 14 de la loi organique précitée, son action dans le domaine économique est limitée : « monnaie ; crédit ; change ; Trésor ; marchés financiers ; obligations relatives à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux ».
([16]) « Considérant, surtout, que l’article 5 de la loi organique n° 96‑312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie Française a conféré une compétence de droit commun aux autorités de ce territoire ; qu’aux termes de l’article 6, l’État ne dispose plus désormais que de compétences d’attribution dans des matières limitativement énumérées, au rang desquelles figure simplement la "communication audiovisuelle dans le respect de l’identité culturelle polynésienne", mais non la concurrence ; Qu’en conséquence, [le demandeur] ne peut utilement soutenir que l’article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, dérogeant ainsi aux dispositions d’une loi organique, donnerait compétence au Conseil de la concurrence pour veiller, en Polynésie, au respect de la Concurrence dans le secteur de la communication audiovisuelle » (Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, section H, 26 juin 2001, n° 2000/23379).
([17]) « Les États membres conviennent d’associer à l’Union les pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés « pays et territoires », sont énumérés à la liste qui fait l’objet de l’annexe II. Le but de l’association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l’établissement de relations économiques étroites entre eux et l’Union dans son ensemble. Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l’association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu’ils attendent » (Article 198 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne signé à Lisbonne le 13 décembre 2007).
([18]) « Il ne résulte pas des stipulations des articles 199 et 203 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, combinées aux dispositions de l’article 60 de la décision n° 2013/755/UE du conseil du 25 novembre 2013 relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne, que les principes généraux du droit de l’Union européenne relatif à la concurrence seraient applicables, en tant que tels, en Polynésie française » a jugé le Conseil d’État (10ème / 9ème SSR) dans un arrêt du 19 décembre 2014, Fédération générale du commerce et Société d’étude et de gestion commerciale, n° 383318, cons. n° 30.
([19]) Le code de la concurrence de la Polynésie française est consultable sur l’adresse internet suivante : http://lexpol.cloud.pf/LexpolAfficheTexte.php?texte=451002
([20]) Conseil d’État, Fédération générale du commerce et Société d’étude et de gestion commerciale, op. cit.
([21]) Article L. 461-1 du code de commerce.
([22]) Loi du pays n° 2014‑12 du 24 avril 2014 portant création de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et modifiant le livre IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. Des retards dans la nomination de ses membres ont cependant conduit l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie à ne commencer ses travaux qu’au début de l’année 2018, soit postérieurement aux premières décisions de l’Autorité polynésienne de la concurrence pourtant créée plus tardivement.
([23]) Ces dispositions sont plus précises que les règles nationales qui ne distinguent pas entre président et membre de l’Autorité de la concurrence, tous étant nommés pour cinq années renouvelables une fois (article L. 461-1 du code de commerce).
([24]) Article LP. 620‑4 du code de la concurrence de la Polynésie française.
([25]) D’application spécifique aux collectivités du Pacifique, le II de l’article 809 du code de procédure pénale dispose : « Les agents assermentés des territoires et, en Nouvelle-Calédonie, des provinces, peuvent constater par procès-verbal des infractions aux réglementations édictées par les territoires ou, en Nouvelle-Calédonie, les provinces, lorsqu’ils appartiennent à une administration chargée de contrôler la mise en œuvre de ces réglementations. Ces agents sont commissionnés par l’autorité administrative compétente après qu’ils ont été agréés par le procureur de la République. Ils prêtent serment devant le tribunal de première instance. »
([26]) Décisions n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre, cons. n° 16 ; n° 2013‑331 QPC du 5 juillet 2013, Société Numéricâble SAS et autre, cons. n° 10 ; n° 2013-359 QPC du 13 décembre 2013, Société Sud Radio Services et autre, cons. n° 3.
([27]) Décision n° 2013-331 QPC précitée, cons. n° 12.
([28]) Articles LP. 620‑1 à LP. 620‑4 du code de la concurrence de la Polynésie française.
([29]) Article LP. 630-1 du même code.
([30]) Article LP. 620‑10 du même code. En droit commun, cette prérogative est exercée par les commissions départementales d’aménagement commercial prévues aux articles L. 751‑1 et suivants du code de commerce.
([31]) Articles LP. 620‑5 et LP. 620‑7 du code de la concurrence de la Polynésie française.
([32]) Article LP. 620‑10 du même code.
([33]) La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion bénéficient d’un statut régi par l’article 73 de la Constitution, qui admet l’adaptation de la loi nationale aux particularités ultramarines, mais confère une autonomie bien moindre que l’article 74 régissant, notamment, la Polynésie française.
([34]) Article LP 200-3 du code de la concurrence de la Polynésie française, qui fait écho à l’article L. 420‑2‑1 du code de commerce issu de la loi n°2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite « Lurel ».
([35]) Article LP 641-3 du code de la concurrence de la Polynésie française, qui fait écho à l’article L. 752‑27 du code de commerce également issu de la loi « Lurel ». L’injonction structurelle permet, au terme d’une procédure contradictoire, d’ordonner à une entreprise de renoncer à certains contrats à l’origine de sa puissance économique ou de céder des surfaces commerciales. L’Autorité de la concurrence ne l’a jamais utilisée pour l’heure. Le Conseil constitutionnel n’avait pas admis qu’un mécanisme si attentatoire au droit de propriété soit instauré en métropole (décision n° 2015‑715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. n° 27 à 32), mais il l’avait toléré en Nouvelle-Calédonie en raison de l’étroitesse du marché local (décision n° 2013‑3 LP du 1er octobre 2013, Loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie). Le Conseil d’État l’a accepté par analogie en Polynésie française dans son arrêt du 19 décembre 2014 précité.
([36]) L’APC rend compte de son activité sur son site internet : http://www.autorite-concurrence.pf/
([37]) http://lexpol.cloud.pf/document.php?document=335016&deb=867&fin=872&titre=VGV4dGUgYWRvcHTDqSBMUCBuwrAgMjAxODE1IExQL0FQRiBkdSAxNC8wMy8yMDE4
([38]) Issu de la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ce mécanisme autorise le ministre à « évoquer l’affaire et statuer sur l’opération (...) pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence » par décision motivée. Ces motifs d’intérêt général peuvent être notamment « le développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale ou la création ou le maintien de l’emploi ». Cette disposition n’a cependant jamais été appliquée.
([39]) La Nouvelle-Calédonie étant régie par un statut comparable à celui de la Polynésie française, la loi du pays n° 2014-12 du 24 avril 2014 portant création de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et modifiant le livre IV de la partie législative du code du commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, avait également dû être complétée par l’ordonnance n° 2014‑471 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l’État en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions, concernant l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Cette ordonnance, ratifiée par la loi n° 2014‑1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, avait été prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
([40]) http://lexpol.cloud.pf/document.php?document=317749&deb=14672&fin=14673&titre=UsOpc29sdXRpb24gbsKwIDIwMTQyIFIvQVBGIGR1IDI3LzExLzIwMTQ
([41]) Cette disposition est comparable à l’article L. 420‑7 du code de commerce.
([42]) L’article L. 462‑3 du code de commerce le prévoit au niveau national.
([43]) Article LP. 620-7 du code de la concurrence de Polynésie française.
([44]) Article LP. 620-8 du même code.
([45]) La prescription devant l’Autorité de la concurrence nationale est interrompue en cas d’acte réalisé par la Commission européenne ou par l’autorité d’un autre État membre de l’Union européenne.
([46]) Comme le relève la rapporteure du Sénat, la transposition est réalisée a minima. En effet, dans son avis préalable à la publication de l’ordonnance, le Conseil d’État a privilégié une approche restreinte de la compétence de l’État, estimant qu’une partie des prérogatives des agents de l’APC en matière d’enquête devait leur être attribuée par la Polynésie française et non par le législateur national. La Polynésie française n’a pas fait le choix de modifier la loi du pays pour prendre en compte cette position.
([47]) Ces dispositions correspondent aux articles L. 450-2 et L. 450‑3 du code de commerce, mais elles ne mentionnent pas les contrôles sur la voie publique ni la prise de copie de tout document, non plus que l’accès aux moyens de transport et aux locaux en cas d’activité en dehors des horaires habituels. La Polynésie française est compétente pour légiférer sur ces points.
([48]) Cette disposition équivaut à l’article L. 450‑3‑1 du code de commerce.
([49]) Ces dispositions équivalent à l’article L. 450‑4 du code de commerce, mais elles imposent la présence de l’occupant des lieux et d’un officier de police judiciaire.
([50]) Cette disposition équivaut à l’article L. 450‑7 du code de commerce.
([51]) Cette disposition équivaut à l’article L. 463‑5 du code de commerce.
([52]) Cette disposition équivaut à l’article L. 450‑8 du code de commerce pour les éléments de l’infraction relevant de la compétence de l’État, à l’exclusion de ceux pour lesquels il revient à la Polynésie française de fixer les sanctions en cas d’entrave aux autres missions de contrôle des agents de l’APC.
([53]) Cette disposition équivaut aux articles L. 464‑7 et L. 464‑8 du code de commerce, sans mention toutefois des délais de recours.
([54]) Cette disposition équivaut à l’article L. 464‑8‑1 du code de commerce. La sanction de la divulgation du fait d’un tiers ou d’une des parties est laissée au libre choix des autorités polynésiennes.
([55]) Prévue à l’article 41-2 du code de procédure pénale, la composition pénale est une mesure alternative aux poursuites dans laquelle le procureur propose une sanction (amende, stage, remise en état, confiscation) à une personne ayant commis une infraction de faible gravité. L’auteur des faits dispose de dix jours francs pour accepter la proposition.
([56]) Sont sanctionnés le fait d’imposer un prix minimal de revente, les remises commerciales sur les produits de première nécessité ou de grande consommation, et tout manquement aux obligations de facturation, de communication des conditions générales de vente, de délai de règlement ou de coopération commerciale. Cette disposition équivaut à l’article L. 490‑6 du code de commerce.
([57]) Articles 4 et 5 de l’ordonnance n° 2014-471 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l’État en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions, modifiée par la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer. À l’initiative de l’Assemblée nationale et sur amendement proposé par M. Philippe Gomes, la compétence a été attribuée à la cour d’appel de Paris et non à celle de Nouméa, en raison de l’expérience acquise depuis près de trente ans par la cour d’appel de Paris dans le domaine du droit de la concurrence.
([58]) Articles L. 464‑7 à L. 464‑8‑1 du code de commerce.
([59]) L’article L. 462‑9 du code de commerce permet à l’Autorité de la concurrence nationale de coopérer avec la Commission européenne et les autorités des autres États exerçant des compétences analogues. Mais la Polynésie française, qui n’est pas un État, ne semble pas pouvoir prétendre à ce dispositif.
([60]) Cette prescription figure au 6° et au pénultième alinéa du I de l’article 11 de la loi mentionnée.
([61]) Articles 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française et 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
([62]) L’article 30-1 de la loi organique n° 2004‑192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française précise d’ailleurs que la loi du pays instituant une autorité administrative indépendante veille à protéger ladite indépendance. L’article 27‑1 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie contient des prescriptions similaires.
([63]) L’article 26 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique réprime de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, pour une personne assujettie à l’obligation de déclaration, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine.
([64]) Article 21 de la loi organique précitée.
([65]) Article 10 de l’ordonnance n° 2009‑537 du 14 mai 2009 portant extension et adaptation à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie de diverses dispositions de nature législative. Il s’agit notamment des articles L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce.
([66]) Auditions par visioconférence.