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N° 1287

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à la création d’un répertoire des maladies rares ou orphelines,

 

 

 

 

 

 

Par M. Pierre VATIN,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  833.


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

I. Les maladies rares et orphelines, un enjeu de prise en charge médicale mais également sociale

A. Les maladies rares et orphelines, une galaxie de pathologies touchant un nombre limité de personnes

1. Les notions de maladie rare et de maladie orpheline

2. Une organisation spécifique de prise en charge a été développée en France

B. Les « plans nationaux maladies rares », un effort français pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes

1. Une mobilisation des acteurs médicaux autour de trois plans successifs

2. Un troisième plan national maladies rares 2018 – 2022 axé vers le diagnostic et le traitement

3. Un accompagnement dans les démarches administratives et la vie sociale qui reste le parent pauvre de la démarche

II. Une proposition de loi pour faciliter les démarches des personnes atteintes de maladies rares et orphelines et des administrations auxquelles elles s’adressent

A. Le constat : les personnes atteintes de maladies rares peinent à faire reconnaître leurs droits et les adaptations nécessaires face à des administrations ne connaissant pas toutes les pathologies

B. La solution proposée : une base de données des maladies rares et des dérogations prévues par la réglementation ou pouvant être accordées par les administrations

C. Les solutions techniques permettant d’envisager une mise en œuvre dans des délais rapprochés

D. La possibilité d’expérimenter un droit à adaptation des réglementations et formalités administratives applicables aux personnes atteintes de maladies rares

Commentaires d’articles

Article 1er Recensement et mise en place d’un fichier des dérogations administratives liées à une maladie rare ou orpheline

Article 2 Gage de recevabilité

ANNEXE :

I. Personnes auditionnées par le rapporteur

II. Contributions reçues par le rapporteur

Comptes-rendus des débats sur l’examen des articles


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   Avant-propos

La France peut s’enorgueillir d’avoir, depuis une vingtaine d’années, mis en place une politique cohérente et ambitieuse pour recenser et identifier les maladies rares et orphelines, mais également pour accompagner le diagnostic et la prise en charge des 3 millions de personnes qui en sont atteintes.

Trois plans nationaux maladies rares ont été successivement élaborés et mis en œuvre ; pour réduire l’errance et l’impasse diagnostique, 109 centres de référence multi-sites pour la prise en charge des maladies rares (CRMR) ont été labellisés ; pour développer la recherche et les traitements, 23 filières de santé maladies rares (FSMR) sont également actives depuis 2015.

Cependant, il reste impossible à une même personne de connaître, comprendre et prendre en compte les problèmes spécifiques des personnes atteintes par chacune des 7 000 maladies rares répertoriées.

Aussi les administrations peinent à accorder les droits et dérogations, pourtant prévues par les lois et règlements, au profit de ces très rares cas.

Trop souvent, les personnes atteintes qui demandent l’application d’une réglementation prévue pour quelques dizaines de malades se retrouvent confrontées à un parcours du combattant : il faut prouver l’existence de la dérogation, le diagnostic médical, la nécessité d’avoir recours à cette règle dérogatoire…

La présente proposition de loi vise à simplifier la vie des personnes atteintes de maladies rares ou orphelines, mais aussi des administrations auxquelles elles doivent s’adresser, en mettant en place un répertoire des maladies rares et orphelines à destination des organismes publics et parapublics.

Ce répertoire listera pour chaque maladie les dérogations à la réglementation du fait des effets de ces affections. Il sera également déterminé les modalités d’enrichissement du répertoire au vu de l’évolution de la médecine, d’une part, et des nouveaux cas concrets rencontrés par les personnes souffrant desdites affections, d’autre part.

Ce fichier a pour but de soulager les familles des difficultés administratives qui s’ajoutent aux difficultés liées à la maladie rare ou orpheline.

Il permettrait également de sensibiliser les auteurs de réglementations de la nécessité de prévoir ces dérogations, lorsque les conséquences de l’application d’une norme conduisent à des résultats disproportionnés au détriment des quelques personnes atteintes d’une maladie rare.

Si les maladies rares et orphelines sont un enjeu de prise en charge médicale, elles représentent également un enjeu dans l’accueil et l’accompagnement des personnes atteintes.

Cette proposition de loi a donc une visée sociale, applicable dans la vie quotidienne des malades. Aussi elle vise à permettre la création d’une base de données recensant les dérogations et droits spécifiques prévus par les lois et règlement pour prendre en compte la situation particulière des personnes atteintes de maladies rares, afin de faciliter leurs démarches administratives et celles des administrations auxquelles elles s’adressent.


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I.   Les maladies rares et orphelines, un enjeu de prise en charge médicale mais également sociale

A.   Les maladies rares et orphelines, une galaxie de pathologies touchant un nombre limité de personnes

Une maladie rare touche un nombre limité de personnes, ce qui rend nécessaire une organisation adaptée de la prise en charge.

1.   Les notions de maladie rare et de maladie orpheline

Dans l’Union européenne, la définition d’une maladie rare résulte de cette retenue par le programme d’action communautaire relatif aux maladies rares, y compris celles d’origine génétique, pour la période 1999 – 2003 ([1]). Sur le plan de la prévalence, ce programme définissait une maladie rare comme une maladie ne touchant pas plus de cinq personnes sur 10 000. Le règlement (CE) n° 141/2000 du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins dispose qu’un médicament obtient la désignation de « médicament orphelin » s’il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement d’une affection entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de cinq personnes sur 10 000 dans la Communauté au moment où la demande est introduite.

Cette définition a été notamment reprise pour l’élaboration de la base Orphanet sur les maladies rares, essentielle à l’amélioration de la visibilité des maladies rares dans les systèmes d’information de santé et de recherche.

D’autres pays ont fixé des taux de prévalence différents. Aux États-Unis, la définition des maladies rares fixée par le Rare Disease Act de 2002 inclut toute maladie ou condition de santé qui affecte moins de 200 000 personnes sur le territoire américain, soit moins de une personne atteinte pour 1 500 habitants. Au Japon, la limite est fixée à 50 000 personnes sur le territoire, soit une personne atteinte pour 2 500 habitants.

Aussi le rapporteur propose de retenir comme définition qu’une maladie rare est une maladie chronique ou potentiellement mortelle dont la prévalence est inférieure à un cas pour 2 000 personnes et qui nécessite un effort particulier pour développer un traitement. Une maladie orpheline est une pathologie rare ne bénéficiant pas de traitement efficace.

En France, elles représentent un enjeu majeur de santé publique car les 7 000 maladies rares identifiées à ce jour atteignent plus de 3 millions de personnes soit 4,5 % de la population. Elles concernent dans la moitié des cas des enfants de moins de 5 ans et sont responsables de 10 % des décès entre les âges d’un et de cinq ans.

80 % des maladies rares sont d’origine génétique. Le plus souvent, elles sont sévères, chroniques, d’évolution progressive et affectent considérablement la qualité de vie des personnes malades. Elles entrainent un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel dans 50% des cas et une perte totale d’autonomie dans 9 % des cas ([2]).

2.   Une organisation spécifique de prise en charge a été développée en France

Aujourd’hui, seule une personne atteinte d’une maladie rare sur deux dispose d’un diagnostic précis, qui met en moyenne cinq ans à être posé pour plus d’un quart des personnes. Cette « errance diagnostique » représente la première difficulté. L’impasse diagnostique résulte de l’échec à définir la cause précise d’une maladie, après avoir mis en œuvre l’ensemble des investigations disponibles. Elle concerne souvent des formes atypiques de maladies connues ou de maladies dont la cause génétique n’est pas identifiée.

Pour réduire l’errance et l’impasse diagnostique, 109 centres de référence multi-sites pour la prise en charge des maladies rares (CRMR) ont été labellisés pour la période 2017-2022 par les ministères chargés de la santé, de la recherche et de l’innovation. Ils sont composés de centres de compétence (ou de ressources et de compétences) et de centres de référence, qui assurent la prise en charge et organisent les parcours de santé des personnes concernées ou atteintes de maladies rares. À travers leurs projets régionaux de santé, les agences régionales de santé s’assurent que les professionnels de santé – notamment de ville – connaissent ces ressources.

Pour offrir des prises en charge d’excellence, dynamiser l’offre d’enseignement et de formation et impulser le développement de la recherche et de l’innovation dans les CRMR, 23 filières de santé maladies rares (FSMR) sont également actives depuis 2015. Chaque FSMR réunit tous les acteurs impliqués dans une maladie rare ou un groupe de maladies rares : professionnels de santé, laboratoires de diagnostic, unités de recherche, universités, structures éducatives, sociales et médico-sociales, associations de personnes malades, ainsi que tout autre partenaire public ou privé apportant une valeur ajoutée à l’action collective. Ces FSMR interagissent avec les réseaux européens de référence sur les maladies rares, mis en place en 2017.

B.   Les « plans nationaux maladies rares », un effort français pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes

1.   Une mobilisation des acteurs médicaux autour de trois plans successifs

Depuis une vingtaine d’années, la France joue un rôle pionnier dans le domaine des maladies rares : ainsi, elle est le premier pays européen à avoir élaboré et mis en œuvre un plan national.

Sous l’impulsion du mouvement associatif, les maladies rares sont devenues une préoccupation de santé majeure, avec le soutien constant des pouvoirs publics. Dès 1995, la ministre des affaires sociales, de la santé et de la Ville, Mme Simone Veil, a créé la mission des médicaments orphelins. En 2003, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Jean-François Mattei, a prévu, dans le cadre du rapport d’objectifs de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, la mise en œuvre d’un plan stratégique pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de maladies rares.

Le premier plan national maladies rares (PNMR) 2005 – 2008 a permis la mobilisation de l’ensemble des acteurs du domaine des maladies rares et l’identification des centres de référence et de compétence. Les médicaments orphelins disponibles ont été rendus accessibles aux patients. L’information à destination des personnes malades, des professionnels et du grand public s’est imposée grâce au développement du portail Orphanet.

L’évaluation de ce premier PNMR a été confiée au haut conseil de santé publique (HCSP), afin de dresser un bilan des actions engagées dans les 10 axes du plan et de faire des propositions pour un programme d’actions à engager à partir de 2010.

Un travail de synthèse de ces différentes contributions a permis de proposer des axes et des actions pour l’élaboration du deuxième PNMR, annoncé par le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, en octobre 2009.

Le deuxième plan national maladies rares 2011 – 2014 a amplifié les mesures adoptées dans le cadre du premier plan, en renforçant la qualité de la prise en charge des personnes malades, la recherche sur les maladies rares et la coopération européenne et internationale.

En janvier 2015, le deuxième PNMR a été prolongé jusqu’à fin 2016. Ces deux années supplémentaires ont été mises à profit pour poursuivre les actions majeures en cours, dont le renouvellement de la labellisation des centres de compétence et de référence et la montée en charge des filières de santé maladies rares.

Le comité de suivi et de prospective (COSPRO) présidé par le ministère chargé de la santé, rassemblant notamment professionnels et associations, a veillé à la bonne exécution du deuxième PNMR et a été force de proposition pour ses évolutions. Fin 2016, le PNMR a fait lui aussi l’objet d’une évaluation du HCSP d’une part et du haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) d’autre part.

2.   Un troisième plan national maladies rares 2018 – 2022 axé vers le diagnostic et le traitement

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ont lancé en juillet 2018 le troisième plan national 2018 – 2022, dont l’ambition est de « partager l’innovation, un diagnostic et un traitement pour chacun ».

Onze axes structurent ce troisième PNMR, dont les priorités portent sur :

– la réduction de l’errance et de l’impasse diagnostiques avec l’objectif de dépister plus précocement les maladies, de débuter les prises en charge au plus tard un an après la première consultation par un spécialiste (au lieu de cinq ans aujourd’hui pour plus d’un quart des personnes atteintes) et de faciliter l’accès aux traitements utiles ;

– une prévention élargie des maladies rares en facilitant la mise en place de nouveaux dépistages néonataux validés par la haute autorité de santé (HAS) et en priorisant, en lien avec le plan France médecine génomique 2015, l’accès aux plateformes de séquençage à très haut débit pour la réalisation de diagnostics de certitude ;

– le rôle accru des filières de santé maladies rares pour coordonner les actions des multiples acteurs concernés (équipes de soins, médico-sociales et éducatives, de dépistage et de recherche, partenaires associatifs, réseaux européens de référence…), accompagner certaines étapes-clés comme l’annonce du diagnostic, la transition adolescent-adulte, les situations d’urgence et promouvoir la recherche et l’innovation sur les maladies rares ;

– un parcours plus lisible pour les personnes malades et leur entourage par une information renforcée sur des ressources parfois encore méconnues (Orphanet, Maladies rares info services, associations…) et la création de plateformes de coordination en outre-mer, d’expertise dans les centres hospitaliers universitaires ;

– le partage des données pour renforcer la recherche et l’émergence et l’accès à l’innovation avec notamment la création d’entrepôts de données de qualité, interopérables et réutilisables pour les maladies rares ;

– l’accompagnement plus étroit des personnes atteintes de handicaps liés à une maladie rare (d’intensité et de types divers) et de leurs aidants en facilitant leur accès aux dispositifs, droits et prestations dédiés et en formant mieux les professionnels de santé et sociaux à les prendre en charge ;

– une dynamique européenne soutenue par le rôle moteur de la France en amplifiant l’élan actuel de la recherche sur les maladies rares, via en particulier le lancement d’un programme français de recherche sur les impasses diagnostiques en lien avec les initiatives européennes et internationales.

3.   Un accompagnement dans les démarches administratives et la vie sociale qui reste le parent pauvre de la démarche

Un des axes du troisième PNMR prévoit « l’accompagnement plus étroit des personnes atteintes de handicaps liés à une maladie rare (d’intensité et de types divers) et de leurs aidants en facilitant leur accès aux dispositifs, droits et prestations dédiés et en formant mieux les professionnels de santé et sociaux à les prendre en charge ».

Cette action comprend six actions distinctes, qui ne disposent d’aucun moyen financier et humain particulier.

Il s’agit de « faciliter l’accès aux dispositifs, droits et prestations dédiés aux personnes handicapées et à leurs aidants » :

– en « développant des outils spécifiques, par chaque FSMR ou en inter-filières, pour la transmission des informations spécifiques au handicap » ;

– en « complétant l’information des équipes pluridisciplinaires des MDPH sur les situations de handicap découlant de maladies rares » ;

– en « améliorant l’information des FSMR sur l’évolution des dispositifs et de l’offre médico-sociale » ;

– en « améliorant les modalités d’accompagnement pour mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap du fait de maladies rares ».

Il s’agit donc essentiellement de mobiliser les acteurs en charge de la prise en charge et de la compensation du handicap, et notamment les maisons départementales des personnes handicapées, pour les sensibiliser aux problématiques propres des personnes atteintes de maladies rares.

Cependant, cette démarche ne prévoit pas d’améliorer la prise en compte des maladies rares et orphelines et de leurs conséquences par les autres administrations. Les personnes concernées se retrouvent souvent obligées d’exposer leur problématique particulière et leurs pathologies à des administrations qui n’en connaissent ni l’existence, ni les conséquences et difficultés induites dans la vie quotidienne.

II.   Une proposition de loi pour faciliter les démarches des personnes atteintes de maladies rares et orphelines et des administrations auxquelles elles s’adressent

La présente proposition de loi vise à apporter une aide concrète aux personnes atteintes de maladies rares ou orphelines qui peinent à se voir reconnaître les droits prévus par les lois et règlements dans le cadre de démarches administratives.

A.   Le constat : les personnes atteintes de maladies rares peinent à faire reconnaître leurs droits et les adaptations nécessaires face à des administrations ne connaissant pas toutes les pathologies

Souvent les personnes concernées doivent justifier de leurs droits et de leurs pathologies face à des administrations qui ne sont pas sensibilisés à l’existence de dérogations applicables aux quelques personnes atteintes d’une pathologie concernée.

La délivrance de l’autorisation administrative peut alors être un parcours du combattant : les personnes concernées doivent sans cesse prouver l’existence d’une dérogation qui ne concerne qu’un nombre très limité de personnes.

Ainsi, l’article 27 du décret n° 2016-448 du 13 avril 2016 modifiant certaines dispositions du code de la route relatives aux véhicules a interdit la mise en place de vitres surteintées à l’avant des véhicules automobiles, en application de la mesure n° 23 du plan d’action pour la sécurité routière du 26 janvier 2015. Il s’agissait aussi de lutter plus efficacement contre le surteintage des vitres avant des véhicules et faire ainsi appliquer la réglementation relative à l’équipement des véhicules, en faveur de la sécurité routière et des forces de l’ordre. Le taux de transparence des vitres latérales avant des véhicules au moment de leur homologation est en effet fixé par une disposition internationale ([3]).

L’arrêté du 18 octobre 2016 relatif à l’homologation des vitrages et à leur installation dans les véhicules précise les dérogations pouvant être accordées à cette règle de transparence. Elles sont accordées aux véhicules blindés construits et destinés à la protection des personnes et/ou des marchandises qui ont fait l’objet d’une réception. Elles sont également accordées pour les seules trois maladies rares mentionnées en annexe de cet arrêté : certains types de porphyries, les protoporphyries érythropoïétiques et les porphyries érythropoïétiques congénitales, mais également les xeroderma pigmentosum.

Or l’obtention de l’autorisation nécessaire pour l’installation dérogatoire de ces vitres surteintées, nécessaires au transport des personnes atteintes de ces maladies rares, peut relever du parcours du combattant, l’intéressé étant en butte à une administration qui n’a pas connaissance de possibilités de dérogation et qui, de ce fait, met des mois voire plus à donner une réponse pourtant médicalement évidente.

En outre, ce dispositif laisse de côté certaines pathologies, qui ne sont actuellement pas prévues par l’arrêté du 18 octobre 2018 : ainsi comme l’a présenté Mme Dominique Godard, présidente de l’Association des sclérodermiques de France, les malades atteints de sclérodermie systémique sont parfois également confrontés au syndrome de Gougerot-Sjögren, autre maladie auto-immune systémique, rendant la luminosité insupportable et provoquant une sécheresse oculaire. Faire reconnaître la nécessité d’une adaptation de la norme leur est encore plus compliqué.

Une fois l’autorisation obtenue, il n’est pas rare que les véhicules des personnes concernées se fassent verbaliser lorsqu’ils sont en stationnement ou en circulation, par des agents de police ignorants l’existence de ces dérogations.

Les familles des personnes atteintes se trouvent généralement démunies face aux incompréhensions qu’elles rencontrent, alors qu’elles vivent une maladie handicapante depuis la naissance de leur enfant.

B.   La solution proposée : une base de données des maladies rares et des dérogations prévues par la réglementation ou pouvant être accordées par les administrations

Aussi la présente proposition de loi se propose de faciliter la vie quotidienne des personnes atteintes de maladies rares, dans leurs relations avec les administrations publiques – que ce soient les administrations de l’État, des organismes de sécurité sociale, des collectivités territoriales et des personnes publiques qui leur sont rattachées.

Le premier alinéa de l’article 1er enjoint aux services de l’État sous l’autorité du ministre en charge des questions de santé de procéder à un recensement de l’ensemble des dérogations liées à une maladie rare ou orpheline s’agissant de formalités administratives.

Le second alinéa du même article prévoit de mettre à disposition ces informations dans une base de données à destination des administrations publiques, qui pourraient s’y référer lorsqu’une personne atteinte d’une maladie rare souhaiterait faire valoir une dérogation prévue spécifiquement pour les personnes souffrant de sa pathologie.

Mais en application des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, les données de cette base seraient librement accessibles, communicables et librement réutilisables par le public.

C.   Les solutions techniques permettant d’envisager une mise en œuvre dans des délais rapprochés

Ce traitement automatisé ne recenserait que des pathologies et des références juridiques et donc aucune donnée à caractère personnel.

Ce recensement pourra utiliser la nomenclature mise en place par Orphanet pour répertorier et classifier les maladies rares.

Orphanet

Orphanet est une base de données recensant et regroupant les connaissances disponibles sur les maladies rares, afin de rassembler les trop peu nombreuses connaissances disponibles sur les maladies rares pour améliorer le diagnostic, le soin et le traitement des patients.

Créée en 1997 et pilotée par l’unité de service 14 de l’Inserm, cette initiative est devenue un effort européen à partir de 2000, financée par la Commission européenne. Orphanet est désormais un consortium de 40 pays répartis en Europe et à travers le monde ; sa base de données est progressivement traduite en sept langues.

Au cours des vingt dernières années, Orphanet est devenu la source d’information de référence sur les maladies rares.

Le travail d’Orphanet comprend trois objectifs principaux :

– Améliorer la visibilité des maladies rares dans les domaines du soin et de la recherche en développant la nomenclature d’Orphanet pour les maladies rares (codes ORPHA), en fournir un langage commun permettant à tout un chacun de se comprendre dans le domaine des maladies rares. Chaque maladie reçoit un numéro de nomenclature ORPHA unique. Cette nomenclature est alignée sur d’autres terminologies internationales. Ce référencement croisé est une étape clé vers l’interopérabilité des bases de données ;

– Fournir des informations de haute qualité sur les maladies rares et de l’expertise afin de permettre le même accès à la connaissance pour toutes les parties prenantes en orientant  les utilisateurs et les acteurs du domaine des maladies rares (centres d’expertise, laboratoires, tests diagnostiques, associations de patients, projets de recherche et essais cliniques), à travers la masse d’information en ligne ;

– Contribuer à la production de connaissances sur les maladies rares afin de mieux les comprendre : Orphanet fournit des standards pour l’identification des maladies rares, notamment via la nomenclature d’Orphanet, un outil fondamental pour l’interopérabilité. Orphanet fournit des données intégrées et réutilisables, essentielles pour la recherche sur la plateforme www.orphadata.org, et qui forment un vocabulaire structuré pour les maladies rares, l’Ontologie Orphanet des maladies rares (Orphanet Rare Disease Ontology – ORDO).

Dans le cadre d’un partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, Orphanet a entrepris de recenser et de documenter les conséquences fonctionnelles de certaines maladies rares.

Le portail Orphanet propose ainsi :

– une classification des maladies rares,

– des résumés sur les maladies rares, sur la base du consensus validé par des experts internationaux,

– des articles d’information grand public pour certaines maladies rares ;

– des recommandations destinées aux professionnels de santé comme les « Fiches Orphanet Urgences »,  pour les urgentistes ;

– des textes « Focus handicap » utiles au secteur médico-social (par exemple aux équipes des maisons départementales des personnes handicapées).

Le rôle essentiel joué par Orphanet dans les domaines de la recherche et des soins a conduit à sa reconnaissance en tant que ressource reconnue par l’International Rare Diseases Research Consortium (IRDiRC) et à son intégration dans le nœud français d’ELIXIR, un Consortium européen pour une infrastructure de recherche réunissant les meilleures organisations européennes dans le domaine des sciences de la vie.

Il s’agirait ainsi, pour un coût limité, d’établir et de maintenir une base de données des dérogations existantes, à partir de la base de données et de la nomenclature mise en place par Orphanet.

Un décret en Conseil d’État fixerait les modalités de recensement et d’établissement de la base de données envisagée.

D.   La possibilité d’expérimenter un droit à adaptation des réglementations et formalités administratives applicables aux personnes atteintes de maladies rares

Après avoir auditionné les représentants des associations de personnes atteintes de maladies rares, votre rapporteur a observé que de nombreuses normes réglementaires ou formalités administratives aboutissaient à des conséquences disproportionnées pour les quelques personnes atteintes d’une certaine maladie rare.

Il est également illusoire d’espérer que le pouvoir réglementaire puisse, de sa propre initiative, prendre en compte 7 000 maladies rares différentes, qui concernent néanmoins de l’ordre de 3 millions de Français.

Un amendement présenté par le rapporteur proposait de mettre en place, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, un dispositif encadré permettant de mettre en place les dérogations nécessaires lorsque l’application d’une norme réglementaire (décret, arrêté, circulaire, référentiel, etc.) aurait des effets disproportionnés contraires à la volonté du législateur ou du pouvoir réglementaire.

Il s’inspirait du décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet, dont le principe a été acté par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance et autorisé par un avis du Conseil d’État du 7 décembre 2017, pour mettre en place un dispositif encadré d’adaptation des normes réglementaires et des démarches administratives.

La personne concernée pourrait saisir une commission nationale, regroupant représentants du corps médical, des personnes atteintes et de l’administration, qui serait chargé de proposer au ministre en charge des adaptations de la réglementation applicable, sans qu’il y ait besoin que celle-ci le prévoie expressément.

Le ministre chargé de l’application de cette norme réglementaire pourrait approuver cette dérogation, applicable à la personne, aux personnes atteintes de la même maladie ou de maladies rares semblables, par un arrêté, publié au Journal Officiel et mis en ligne dans le répertoire créé par la présente proposition de loi.

À l’issue du délai de cinq ans et après évaluation de l’application de ce dispositif, il pourrait être élargi à d’autres catégories de personnes.

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   Commentaires d’articles

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

Article 1er
Recensement et mise en place d’un fichier des dérogations administratives liées à une maladie rare ou orpheline

Rejeté par la commission

Le présent article prévoit le recensement de toutes les dérogations liées à une maladie rare ou orphelines dans le cadre des formalités administratives et les modalités d’établissement et de gestion du fichier en résultant.

1.   Le recensement des dérogations existantes pour les personnes atteintes de maladies rares

Le premier alinéa du présent article enjoint aux services de l’État sous l’autorité du ministre en charge des questions de santé de procéder à « l’enregistrement de toutes les dérogations liées à une maladie rare ou orpheline s’agissant de formalités administratives ».

Il s’agirait donc de procéder à un recensement de toutes les dérogations prévues par les textes législatifs ou réglementaires, mais également les règlements européens ou les textes internationaux applicables, qui prévoient des régimes dérogatoires pour les personnes atteintes de maladies rares lorsqu’elles ont à accomplir des formalités administratives.

Ce recensement pourra utiliser la nomenclature mise en place par Orphanet pour répertorier et classifier les maladies rares.

D’une manière pratique, trois directions d’administration centrale relevant des ministères sociaux pourraient être impliquées dans ce recensement :

– la direction générale de la cohésion sociale (DGCS),

– la direction des affaires juridiques (DAJ),

– la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

2.   La mise en place d’un fichier permettant de connaître les dérogations existantes

Le second alinéa du présent article prévoit que les données qui résulteront du recensement opéré feront l’objet d’un traitement automatisé.

Elles constitueront donc une base de données, s’appuyant sur la base de données et la nomenclature d’Orphanet.

Cette base de données sera à la disposition de l’ensemble des administrations publiques, que ce soient les administrations de l’État, des organismes de sécurité sociale, des collectivités territoriales et des personnes publiques qui leur sont rattachées, qui pourront s’y référer lorsqu’une personne atteinte d’une maladie rare souhaiterait faire valoir une dérogation prévue spécifiquement pour les personnes ayant sa pathologie.

Mais en application des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, les données de cette base seront librement :

– accessibles (article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration),

– communicables (article L. 321-1 du même code),

–  et librement réutilisables par le public (article L. 300-4 du même code).

Ce traitement automatisé ne recenserait que des pathologies et des références juridiques et donc aucune donnée à caractère personnel.

Un décret en Conseil d’État fixerait les modalités de recensement et d’établissement de la base de données envisagée.

Article 2
Gage de recevabilité

Rejeté par la commission

Le présent article prévoit de gager les éventuelles pertes de recettes fiscales et sociales, liées à la mise en place du fichier des dérogations administratives liées à une maladie rare ou orpheline, par une majoration des droits perçus sur les produits du tabac.

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En conséquence aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi


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   ANNEXE :
 

(Par ordre chronologique)

I.   Personnes auditionnées par le rapporteur

       Table ronde du monde associatif :

 Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon) – M. Christophe Duguet, directeur des affaires publiques

 Alliance Maladies Rares – Mme Nathalie Triclin-Conseil, présidente

 Maladies Rares Info Services – M. Bernard Delorme, président

 Fondation Maladies Rares – Mme Nadège Ta Trinh Begle, responsable du partenariat et de la philanthropie

       Orphanet – Mme Ana Rath, directrice de l’unité de service 14 de l’Inserm (équipe coordinatrice Orphanet), M. Marc Hanauer, directeur adjoint d’Orphanet, et Mme Annie Olry, responsable de la nomenclature et de la base de données scientifiques d’Orphanet

II.   Contributions reçues par le rapporteur

       Association des sclérodermiques de FranceMme Dominique Godard, présidente

       Vaincre les Maladies LysosomalesM. Michel Babec, responsable de l’antenne Picardie

       Centre de référence maladies rares pour les porphyriesPr Laurent Gouya, coordonnateur du centre de référence maladies rares pour les porphyries, chef de service de biochimie métabolisme et nutrition (CHU Paris Nord-Val de Seine – Hôpital Louis Mourier)


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   Comptes-rendus des débats sur l’examen des articles

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6676277_5bb4cca240c72.commission-des-affaires-sociales--consolidation-du-modele-francais-du-don-du-sang--creation-d-un-r-3-octobre-2018

 

La Commission procède à l’examen des articles du projet de loi lors de sa séance du mercredi 3 octobre 2018.

M. Pierre Vatin, rapporteur. La proposition de loi que j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui devant vous vise à soulager les familles des difficultés administratives qui s’ajoutent aux difficultés liées aux maladies rares ou orphelines.

Selon la définition retenue par les institutions européennes, une maladie rare est une maladie chronique ou potentiellement mortelle dont la prévalence est inférieure à un cas pour 2 000 personnes, et qui nécessite un effort particulier pour développer un traitement. Une maladie orpheline est une pathologie rare ne bénéficiant pas de traitement efficace.

En France, elles représentent un enjeu majeur de santé publique car les 7 000 maladies rares identifiées à ce jour et répertoriées par l’équipe d’Orphanet – Orphanet est l’organisme, dépendant de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui répertorie et classifie les maladies rares et orphelines – atteignent plus de 3 millions de nos concitoyens, soit 4,5 % de la population. Elles concernent dans la moitié des cas des enfants de moins de 5 ans et sont responsables de 10 % des décès entre les âges d’un et de cinq ans. Quelque 80 % des maladies rares sont d’origine génétique. Le plus souvent, elles sont sévères, chroniques, d’évolution progressive et affectent considérablement la qualité de vie des personnes malades. Seule une personne atteinte d’une maladie rare sur deux dispose d’un diagnostic précis, qui met en moyenne cinq ans à être posé pour plus d’un quart des personnes. L’impasse diagnostique résulte de l’échec à définir la cause précise d’une maladie, après avoir mis en œuvre l’ensemble des investigations disponibles. Les maladies rares entraînent un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel dans 50 % des cas et une perte totale d’autonomie dans 9 % des cas.

Depuis une vingtaine d’années, la France a mis en place une politique cohérente et ambitieuse pour recenser et identifier les maladies rares et orphelines, et pour accompagner le diagnostic et la prise en charge des personnes atteintes.

Dès 1995, la ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, Mme Simone Veil, a créé la mission des médicaments orphelins. En 2003, le programme a été poursuivi, et le premier plan national maladies rares (PNMR) a été mis en place. Le deuxième PNMR, couvrant la période 2011-2014, a amplifié les mesures adoptées en renforçant la qualité de la prise en charge des personnes malades, la recherche sur les maladies rares et la coopération européenne.

Grâce à ces plans, pour réduire l’errance et l’impasse diagnostique, 109 centres de référence multisites pour la prise en charge des maladies rares ont été labellisés. Pour développer la recherche et les traitements, vingt-trois filières de santé maladies rares sont également actives depuis 2015.

Le troisième plan national 2018-2022 est en cours. Son ambition est de « partager l’innovation  un diagnostic et un traitement pour chacun ».

Onze axes structurent ce troisième PNMR, dont les priorités portent sur la réduction de l’errance et de l’impasse diagnostiques ; la prévention élargie ; le rôle accru des filières de santé maladies rares ; un parcours plus lisible pour les personnes malades et leur entourage ; le partage des données pour renforcer la recherche et l’accès à l’innovation ; mais également l’accompagnement plus étroit des personnes atteintes de handicaps liés à une maladie rare et de leurs aidants. L’accompagnement dans les démarches administratives et la vie sociale reste cependant le parent pauvre de ce plan.

Si les maladies rares et orphelines sont un enjeu de prise en charge médicale, elles représentent en effet également un enjeu dans l’accueil et l’accompagnement des personnes atteintes.

C’est l’objet de cette proposition de loi : la création d’une base de données des maladies rares et des dérogations prévues par la réglementation ou pouvant être accordées par les administrations.

En effet, il reste impossible à une même personne de connaître, comprendre et prendre en compte les problèmes spécifiques des personnes atteintes par chacune des 7 000 maladies rares répertoriées.

Aussi, les administrations, qu’elles soient d’État, parapubliques ou locales, peinent à accorder les droits et dérogations, pourtant prévues par les lois et règlements, au profit de ces très rares cas.

Trop souvent, les personnes atteintes qui demandent l’application d’une réglementation prévue pour quelques dizaines de malades se retrouvent confrontées à un parcours du combattant : il faut prouver l’existence de la dérogation, le diagnostic médical, la nécessité d’avoir recours à cette règle dérogatoire.

Cette proposition de loi vise à simplifier la vie des personnes atteintes de maladies rares ou orphelines, mais aussi des administrations auxquelles elles doivent s’adresser, en mettant en place un répertoire des maladies rares et orphelines à destination des organismes publics et parapublics.

Le répertoire énumérerait pour chaque maladie rare les dérogations à la réglementation du fait des effets de ces affections. Ce recensement pourrait utiliser la nomenclature mise en place par Orphanet pour répertorier et classifier les maladies rares.

Le traitement automatisé ne recenserait que des pathologies et des références juridiques, à l’exclusion de toute donnée à caractère personnel.

La base de données serait à la disposition de l’ensemble des administrations publiques, qui pourront s’y référer lorsqu’une personne atteinte d’une maladie rare souhaiterait faire valoir une dérogation prévue spécifiquement pour les personnes ayant sa pathologie. En application de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, les données de cette base seront librement accessibles, communicables et réutilisables par le public.

Le dispositif pourrait également être enrichi par l’expérimentation d’un droit à l’adaptation des normes. Après avoir auditionné les représentants des associations de personnes atteintes de maladies rares, j’ai constaté que de nombreuses normes réglementaires ou formalités administratives aboutissaient à des conséquences disproportionnées pour les quelques personnes atteintes d’une certaine maladie rare.

Il est également illusoire d’espérer que le pouvoir réglementaire puisse, de sa propre initiative, prendre en compte 7 000 maladies rares différentes, qui concernent néanmoins près de 3 millions de Français.

Ainsi, comme me le confiait la présidente de l’Association des sclérodermiques de France, les malades atteints de cette maladie auto-immune ont parfois d’autres affections rendant la luminosité insupportable et provoquant une sécheresse oculaire, et pourtant leur pathologie n’est pas prévue par l’arrêté permettant d’installer des vitres surteintées dans un véhicule, pris en complément de l’interdiction générale des vitres surteintées. Faire reconnaître la nécessité d’une adaptation de la norme leur est encore plus compliqué.

Je vous propose donc de mettre en place, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, un dispositif encadré permettant de créer les dérogations nécessaires lorsque l’application d’une norme réglementaire aurait des effets disproportionnés et contraires à la volonté du législateur ou du pouvoir réglementaire.

Cette proposition s’inspire du décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale, pour mettre en place un dispositif encadré d’adaptation des normes réglementaires et des démarches administratives.

La personne concernée pourrait saisir une commission nationale, regroupant représentants du corps médical, des personnes atteintes et de l’administration, qui serait chargée de proposer des adaptations de la réglementation applicable au ministre en charge, sans qu’il y ait besoin que celle-ci le prévoie expressément.

Le ministre chargé de l’application de cette norme réglementaire pourrait approuver par arrêté cette dérogation, applicable à la personne, aux personnes atteintes de la même maladie ou de maladies rares semblables.

À l’issue du délai de cinq ans et après évaluation de l’application de ce dispositif, il pourrait être élargi à d’autres catégories de personnes.

En conclusion, cette proposition de loi a bien une vocation sociale, celle de soulager les familles des difficultés administratives qui s’ajoutent aux difficultés liées à la maladie rare ou orpheline dans leur vie quotidienne.

Elle permettrait également de sensibiliser les auteurs de réglementations à la nécessité de prévoir ces dérogations.

C’est pourquoi je vous propose de faire un premier pas et un premier geste, pour faciliter la vie quotidienne des personnes atteintes de maladies rares ou orphelines.

Mme Delphine Bagarry. Cette proposition de loi vient après les annonces du plan national maladies rares lancé le 4 juillet 2018 qui comporte plusieurs mesures pour améliorer la qualité de vie et l’accompagnement des personnes atteintes de maladie rare.

Elle consiste à créer des dérogations spécifiques à certaines maladies visées dans un répertoire, et non en fonction des incapacités réelles de la personne. Ce faisant, elle s’éloigne des objectifs d’inclusion des personnes, affirmés par les politiques publiques de ces dernières années, notamment ceux de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité́ des droits et des chances, car elle tend à inscrire des dérogations en fonction d’une maladie, et non d’un handicap. Or c’est le rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de déterminer les mesures compensatoires d’un handicap.

Il existe un cas de dérogation administrative liée à une maladie rare, qui a fait l’objet d’un arrêté ministériel. Les associations auditionnées n’ont pas exprimé de besoin de dérogation administrative pour les maladies rares, et les administrations n’ont pas non plus ce besoin.

Nous comprenons bien que cette proposition de loi part d’un sentiment louable et partagé, notamment de simplification administrative, mais elle ne correspond pas à la nécessité d’universalité pour toute forme de handicap, ni aux demandes des associations.

Vous avez rappelé que le rôle d’Orphanet est non seulement d’informer les patients et les professionnels, mais aussi de recenser les conséquences fonctionnelles de ces maladies rares et de les lister.

Même si le but de votre démarche est d’améliorer la qualité́ de vie et l’accompagnement des personnes atteintes de maladie rare, elle ne répond pas vraiment aux demandes des associations, qui souhaitent plutôt des efforts sur le diagnostic, les traitements et la recherche, qui sont des objectifs dans le plan maladies rares.

Nous ne comprenons pas vraiment d’où vient cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Door. Cette proposition de loi a pour objet de créer un répertoire. C’est une idée intéressante et pragmatique, puisque vous souhaitez que ce répertoire officialise ces maladies et facilite le parcours administratif des patients atteints de maladies rares ou orphelines.

Il est vrai que l’organisme Orphanet, créé par l’INSERM, publie une ou deux fois par an une liste des maladies rares ou orphelines. Cette liste est longue, nous n’allons pas la détailler. Une maladie rare en particulier m’a toujours intéressé : le déficit congénital en plasminogène, qui risque d’entraîner des problèmes de coagulation. D’autre part, les maladies orphelines sont celles pour lesquelles on ne trouve pas de traitement, et pour lesquelles il n’y a pas de solution. Ici même, lors de la législature précédente, nous avons mené une commission d’enquête sur la fibromyalgie. Chacun connaît des personnes autour de soi qui parlent de cette affection, et les médecins n’arrivent pas à déterminer l’origine des symptômes ; or, ils rendent presque invalides certaines personnes. La fibromyalgie fait partie des maladies orphelines.

Il est donc vrai que ces deux types de pathologies posent des problèmes. Orphanet est un site d’information destiné au grand public, mais je ne sais pas s’il est très consulté. Pour les personnes atteintes, c’est tout un parcours du combattant, et elles s’entendent parfois dire que leur maladie n’est pas connue. Le parcours hospitalier aussi peut être compliqué, parce que tous se renvoient parfois la balle. Cette proposition est assez pragmatique, et nous la soutiendrons.

M. Philippe Berta. En préambule, il ne faut pas confondre maladies rares et maladies orphelines. La fibromyalgie n’est pas une maladie rare, mais une maladie orpheline, au même titre que la maladie d’Alzheimer, en ce qu’il n’existe pas de traitement.

Un répertoire des maladies rares existe déjà : Orphanet. Créé en 1997 par l’INSERM et la direction générale de la santé, il fait autorité à l’échelon international. J’en profite pour saluer sa conceptrice, qui est toujours très active, Ségolène Aymé.

Pour chaque maladie rare – il en recense environ 8 000 –, Orphanet donne accès, entre autres, aux symptômes, aux déficits et handicaps générés, aux centres pour le diagnostic et le soin. Il est consulté 50 000 fois par jour.

Les spécificités des maladies rares sont bien identifiées et ont fait l’objet de trois plans nationaux. L’organisation des soins est construite en 23 filières coordonnant 387 centres de référence, 1 757 centres de compétence et 83 centres de ressources. Grâce à ces plans, l’expertise maladies rares s’est développée, organisée et est accessible et identifiable.

L’information des professionnels non-experts sur les maladies rares, dont les services administratifs, est prise en compte. Maladies Rares Info Service et Orphanet en sont les piliers. Ils ont créé, avec d’autres tels que l’Association française contre les myopathies (AFM) et le ministère, la « plateforme maladies rares » qui assure depuis 2001 l’information des professionnels, notamment ceux du service public.

Les maladies rares peuvent entraîner ou non un handicap. Pour une même pathologie, les situations de handicap sont de types et d’intensité variables, et souvent très évolutives. On parle en génétique de pénétrance variable.

Certaines maladies conduisent à des handicaps très spécifiques dus à la rareté des déficiences qui se combinent, les handicaps rares. Pour répondre à leurs besoins liés au handicap, les personnes atteintes de maladie rare ont accès aux réponses spécifiques du champ du handicap, en particulier celles relevant des MDPH.

Les mesures engagées dans les plans nationaux, ainsi que les améliorations en cours des dispositifs destinés aux personnes handicapées, doivent permettre de répondre aux difficultés rencontrées par les personnes atteintes d’un handicap lié à une maladie rare. Des actions doivent encore être menées pour améliorer la sensibilisation des intervenants de proximité, la connaissance des dispositifs mobilisables, la simplification ses démarches. Elles sont prévues.

La France est le pays qui a le mieux organisé le champ des maladies rares au monde. Si certaines personnes se heurtent encore à des méconnaissances, cela ne justifie pas une nouvelle loi qui déstabiliserait les acteurs travaillant actuellement à une meilleure information des professionnels. La demande exprimée par cette proposition n’a, d’ailleurs, jamais été évoquée lors des consultations des professionnels de santé et des 220 associations de patients atteints de maladies rares.

Le groupe Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM) ne votera donc pas en faveur de cette proposition de loi.

M. Paul Christophe. Puisque chacun y va de son petit couplet sur la fibromyalgie, je peux vous faire le point sur les travaux menés avec mon collègue Arnaud Viala. Vous parlez de maladie, mais aujourd’hui il est question de syndrome, et c’est bien ce qui pose problème. L’INSERM a validé une feuille de route statistique qui devrait permettre de nous éclairer sur la question.

Permettez-moi de saluer la qualité du travail du rapporteur sur un sujet, celui des maladies rares ou orphelines, qui mérite toute notre attention. Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique puisque ces quelque 7 000 maladies rares identifiées concernent en France près de 3 millions de personnes, soit 4,5 % de la population.

Notre pays joue un rôle moteur au niveau européen dans la recherche et la meilleure prise en charge des personnes atteintes de maladies rares ou orphelines, avec l’adoption de trois plans nationaux, le dernier ayant été présenté par la ministre des solidarités et de la santé en juillet dernier.

Avec cette proposition de loi, le rapporteur vise à faciliter les relations entre les personnes atteintes d’une maladie rare ou orpheline et les administrations, celles-ci étant trop souvent peu au fait des spécificités de leurs maladies et des dérogations auxquelles celles-ci donnent droit.

Le dispositif proposé vise donc à recenser les dérogations existantes pour les personnes atteintes de maladie rare et à mettre en place un fichier à l’intention des administrations publiques. Il sera ainsi loisible à ces dernières de s’y référer en cas de demande de dérogation prévue en raison d’une pathologie spécifique.

C’est une mesure de simplification, mais également le signe d’une reconnaissance accrue par la puissance publique des difficultés particulières rencontrées par les personnes atteintes de maladies rares ou orphelines, déjà très éprouvées par des situations d’errance diagnostique ou par un fort isolement.

Nous y sommes donc très favorables. Nous soutiendrons également les modifications apportées par amendements du rapporteur, qui enrichissent utilement le dispositif.

Mettre en place une expérimentation sur la possibilité d’accorder une dérogation et d’adapter en conséquence la réglementation à la demande des personnes concernées nous paraît pertinent et permettrait une meilleure prise en compte de leurs besoins spécifiques. Aucune maladie n’est trop rare pour ne pas mériter attention.

Mme Gisèle Biémouret. Je remercie notre collègue Vatin d’avoir mis en exergue la douloureuse problématique des personnes atteintes de maladies rares ou orphelines dans notre pays.

Si la plupart des maladies rares ne touchent que quelques milliers, centaines ou dizaines de personnes selon le type de maladies, elles sont extrêmement nombreuses, 7 000, et touchent plus de 3 millions de nos concitoyens.

Ces malades et leurs familles portent un fardeau psychosocial considérable. Vivre avec une maladie affecte tous les aspects de la vie quotidienne, car à la souffrance due à la maladie s’ajoutent le manque d’espoir thérapeutique et l’absence de soutien pratique dans la vie de tous les jours : il s’agit d’un parcours du combattant quotidien. On peut d’ailleurs saluer le travail des associations de malades et de familles qui accompagnement les patients et sensibilisent l’opinion publique à leurs difficultés.

Vous proposez, pour faciliter la vie de ces malades et leurs familles, de créer un registre des dérogations légales pour les personnes atteintes de maladies rares ou orphelines que les malades pourraient opposer à l’administration. Nous voterons cette proposition de loi, car nous pensons que face à ces pathologies, les malades et leurs familles sont particulièrement isolés et vulnérables.

M. Pierre Dharréville. L’émergence de maladies rares ou orphelines a mis en évidence les nombreux obstacles – sociaux, psychologiques, professionnels – auxquels sont confrontées les victimes de ces maladies et leurs familles. La difficulté est d’autant plus grande que, pour les maladies orphelines, les malades ne peuvent bénéficier d’aucun traitement. Les pouvoirs publics ont donc une responsabilité importante : contribuer à amoindrir les difficultés du quotidien et développer la recherche scientifique sur ce sujet. Au passage, je veux signaler le cas particulier des cancers pédiatriques et des maladies de l’enfant, pour lesquels les budgets débloqués sont, aux yeux de nombreuses associations – je pense à l’association « César Gibaud, enfance sans cancer » – très insuffisants. Ces associations pointent notamment la question de l’accompagnement des familles.

Cette proposition de loi peut être une étape. Elle a pour ambition de créer un répertoire listant, pour chaque maladie, les dérogations auxquelles pourraient avoir droit les malades, de mieux orienter les malades dans leur parcours de vie et de soin, d’éviter l’isolement social et professionnel. Il s’agit bien d’une question de droits.

Divers plans nationaux ont permis des avancées, des centres de référence ont été créés, mais nous comprenons l’inquiétude des patients, de leurs familles et des spécialistes. Les responsables de filières ont pointé le fait que certaines directions hospitalières prélevaient sur les frais de structure pour pallier leur manque de moyens. On ne peut accepter que les choix budgétaires se fassent entre telle ou telle maladie, il y a donc urgence à poursuivre et amplifier les réponses aux besoins des malades et leurs familles, à développer les politiques de recherche publique pour mieux les connaître et les prévenir. C’est un défi que nous devons et pouvons relever, je suis donc plutôt sensible à cette proposition de loi.

Mme Martine Wonner. Il faut toujours être extrêmement prudent lorsque l’on souhaite cataloguer ou catégoriser certaines personnes, surtout lorsqu’elles sont en situation de handicap et nécessitent des dérogations. Si nous dressons une liste, je crains qu’elle ne produise l’effet inverse de celui recherché et que cela n’aboutisse à exclure certains malades. Nous savons malheureusement que, parfois, au sein des MDPH, par méconnaissance de ce type de pathologies, les personnes appelées à statuer sur une dérogation sont tentées d’exclure les demandeurs chez qui elles ne retrouvent pas tout à fait le descriptif de la dérogation. N’oublions pas que la médecine est une science inexacte, et que les maladies rares peuvent s’exprimer d’une façon différente d’une personne à l’autre.

Mme Josiane Corneloup. Je remercie notre collègue Pierre Vatin de s’être saisi de ce problème majeur que sont les maladies rares ou orphelines. Cette proposition de loi vise à atténuer une partie des grandes difficultés que doivent affronter les personnes atteintes de maladies rares ou orphelines en leur facilitant la vie dans leurs parcours administratifs.

En créant un répertoire des maladies rares ou orphelines, nous aiderons l’administration à accorder plus rapidement les dérogations, sur simple présentation d’un certificat médical attestant la pathologie. Ces dérogations d’ordre pratique sont parfois indispensables à la vie quotidienne, et le parcours du combattant administratif nécessité par leur obtention constitue une double peine pour les malades.

Ce répertoire est l’outil moderne attendu par les 3 millions de Français concernés, qui ne peuvent se permettre le luxe d’une sinuosité administrative. Les personnes atteintes de maladies rares et leurs familles sont isolées, vulnérables, il est donc tout à fait important que nous votions cette disposition.

M. Bernard Perrut. Nous rencontrons régulièrement, dans nos permanences, des personnes atteintes de maladies rares qui peinent à faire reconnaître leurs droits. Elles viennent nous voir car elles ont besoin d’adaptation face à des administrations qui ne connaissent pas toutes les pathologies.

Le but de cette proposition de loi est de simplifier la vie des personnes atteintes de maladies rares ou orphelines, et cette seule raison m’amène à soutenir ce texte, qui va dans le bon sens. Le futur fichier, chers collègues, a pour but de soulager les familles des difficultés qu’elles rencontrent et qui s’ajoutent à toutes les autres difficultés liées à la maladie. Sachant que 5 000 à 8 000 maladies rares sont dénombrées, on comprend l’importance du sujet qui concerne près de 3 millions de Français, on n’en parle peut-être pas assez.

Trois plans nationaux ont été élaborés et mis en place. Seulement, allons-nous assez loin dans le développement de la recherche, dans le développement des traitements ? Le plan 2018-2022 a récemment été lancé par la ministre des solidarités et de la santé. Or, j’y insiste, il faut élargir la prévention des maladies rares, définir un parcours plus lisible pour les personnes malades et pour leur entourage ; il faut un accompagnement plus étroit ; il faut renforcer le rôle des filières de santé concernant les maladies rares afin de coordonner les actions.

Enfin, il faut aider les personnes touchées à lutter contre l’isolement. Il existe certes un réseau social « Maladies rares », un forum « Maladies rares », un service de formation, un observatoire des maladies rares… mais il faut sans doute aller plus loin encore, au plus proche du terrain, parce que ces personnes qui viennent nous voir se retrouvent en effet souvent seules, ne savent pas à qui s’adresser et c’est aussi notre rôle de faire évoluer cette situation.

M. Pierre Vatin, rapporteur. Je vous remercie de vos remarques et réflexions. Évidemment j’ai une affection particulière pour ceux qui soutiennent mon texte…

Il y a toutefois, sans doute, un malentendu : ma volonté est bel et bien de mettre fin à l’exclusion dont ces personnes sont victimes et qui viennent dans nos permanences – M. Perrut y a fait allusion – pour nous expliquer les difficultés qu’elles rencontrent. La MDPH n’a pas vocation à demander au préfet telle dérogation si elle existe déjà. Ensuite, tout le monde n’adhère pas à une association, et les associations, au demeurant, n’ont pas forcément les moyens nécessaires.

J’ai à l’esprit le cas d’une dame qui a mis un an pour obtenir de la préfecture de l’Oise une dérogation que la réglementation prévoyait déjà. Il a fallu que j’écrive au préfet pour l’informer de ce qui se passait ! Cette proposition a une vocation sociale.

Le site Orphanet, mentionné par certains d’entre vous, a une vocation médicale. Or il faut bien faire la différence entre l’aspect médical de la question – consultations de multiples médecins dans de nombreux hôpitaux – et son côté social – indication aux personnes concernées des endroits où se renseigner. Reste que c’est un vrai parcours du combattant. Aussi, permettre aux administrations de consulter le fichier de dérogations à la réglementation pour chaque maladie revient à faciliter les démarches du malade.

À l’idée d’exclusion qui a été avancée, j’oppose celle de vulgarisation : on doit savoir ce qui existe. Je suis ainsi toujours choqué d’entendre, à la télévision ou à la radio, un aveugle, par exemple, raconter qu’on lui a refusé l’accès au restaurant ou à la boulangerie parce qu’il était avec son chien. C’est pourquoi il faut que les administrations, j’y insiste, aient accès au fichier afin de lancer la procédure d’examen du cas qui leur est soumis. De toute façon, un malade, pour faire reconnaître ses droits, quels qu’ils soient, ou pour essayer de trouver le médecin qui diagnostiquera sa maladie, sera malheureusement obligé d’en parler autour de lui, à des inconnus qui lui apprendront qu’ « ils ont entendu dire que... », qu’« il y a peut-être tel médecin qui… » La vulgarisation que j’appelle de mes vœux pourra par conséquent aider ces personnes et le fichier prévu permettra à l’administration quelle qu’elle soit – organisme public ou parapublic, sécurité sociale – de connaître l’existence de maladies dont elle ignorait tout.

M. Philippe Berta. Je n’ai pas dû me faire bien comprendre. Déjà, l’intitulé de la proposition de loi ne va pas car, je le répète, il y a un distinguo très net entre maladie rare et maladie orpheline. D’ailleurs, certaines maladies rares – et c’est la bonne nouvelle de cette dernière décennie – ne sont plus orphelines puisqu’on a pu leur trouver des médicaments, on pense à la thérapie génique, assez lourde en effet. Par contre, la maladie d’Alzheimer, elle, reste une maladie orpheline qui, malheureusement pour nous tous, est très loin d’être rare.

Ensuite, la plus grande partie des maladies rares, 80 % d’entre elles, sont d’ordre génétique et de type syndromique, ce qui signifie qu’elles ne se réduisent pas à un trait particulier présent chez tous les patients, mais à un trait auquel s’ajoute une grande diversité de phénotypes – certains souffriront ainsi d’un désordre musculaire, d’autres non ; certains seront affectés d’un désordre auditif, d’autres non… Ainsi, à chaque patient, et non à chaque pathologie, sa vérité. Vous n’êtes en outre pas sans savoir qu’il existe déjà pour chaque patient ce qu’on appelle la carte de soins, et qui résume toutes les spécificités, essentiellement cliniques, de son détenteur – seul élément qui compte au moment d’une nouvelle hospitalisation.

Quant aux patients qui viennent vous voir dans vos permanences, le vrai problème des quelque 8 000 pathologies dont nous parlons est ce que nous appelons l’errance diagnostique : il s’agit en effet de trouver la pathologie. Or le travail que nous devons faire collectivement consiste surtout à former nos étudiants en médecine aux pathologies génétiques, aux pathologies rares, parce que la majorité d’entre eux, encore aujourd’hui, sortent d’un cursus complet de médecine sans les connaître. J’ai commencé à poser des affiches dans des cabinets de confrères médecins généralistes – et même dans celui de ma femme – qui entendaient parler pour la première fois des maladies rares ! C’est ce travail, j’y insiste, que nous devons mener.

M. Pierre Vatin, rapporteur. En fait, il y a un malentendu des deux côtés. Vous avez en effet une vision médicale du problème. Je comprends parfaitement vos propos sur la carte contenant tous les détails dont les gens ont besoin pour une hospitalisation. Mais ma proposition de loi vise à pallier, précisément, les difficultés administratives liées à cette malheureuse errance diagnostique qui contraint les gens à attendre ; or leurs besoins peuvent ne concerner en rien la médecine et toucher à la vie de tous les jours. Je ne suis pas médecin et l’aspect médical de la question n’est pas du tout ma partie. Le texte s’adresse donc à ceux qui viennent me dire qu’ils ont au quotidien un problème qui ne requiert pas de médecin pour être résolu. Si nous étions nous-mêmes handicapés, nous verrions différemment les choses et il faut donc que nous sachions écouter. Et si ma proposition ne devait servir qu’une seule personne, elle ne perdrait pas de son importance.

Mme Delphine Bagarry. Nous sommes bien d’accord pour simplifier la vie des personnes confrontées à des problèmes administratifs, mais pour peu que tout le monde soit concerné. On ne peut pas créer de dérogation pour une maladie mais en fonction des conséquences d’une maladie – principe qui, par conséquent, vaut, j’y insiste, pour tout le monde. Ce n’est pas parce que vous êtes atteint de la maladie X que vous subirez forcément la conséquence Y et que, donc, vous pourrez bénéficier de telle dérogation. D’ailleurs, le seul cas que vous citez, la protoporphyrie érythropoïétique, donne déjà lieu à une dérogation administrative et c’est a priori la seule maladie dans ce cas.

M. Pierre Vatin, rapporteur. J’ai sans doute oublié de citer un mot : « évolutif ». Le fichier a en effet vocation à s’adapter aux différentes situations auxquelles nous sommes confrontés.

Mais je vois bien que nous ne nous comprenons pas.

Mme Delphine Bagarry. Selon nous, tout le monde doit être concerné !

M. Pierre Vatin, rapporteur. Nous évoquions tout à l’heure les MDPH : elles aussi sont démunies et ne savent pas guider les gens en fonction de leur handicap.

Mme Delphine Bagarry. Mais si !

La commission passe à l’examen des articles.

Article premier : Recensement et mise en place d’un fichier des dérogations administratives liées à une maladie rare ou orpheline

La commission examine l’amendement AS1 du rapporteur.

M. Pierre Vatin, rapporteur. Peut-être trouverez-vous, monsieur Berta, que le présent amendement répond à vos préoccupations puisqu’il vise à ajouter au texte la définition des maladies rares et des maladies orphelines. Cette définition peut bien sûr être améliorée et je suis tout à fait prêt à en discuter en séance.

Mme Delphine Bagarry. Ajouter une définition au texte ne présente pas de difficulté, d’autant qu’elle est partagée au plan européen, mais qu’est-ce que cela apporte ?

M. Pierre Vatin, rapporteur. En fait, cet amendement introduit l’amendement suivant.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS2 du rapporteur.

M. Pierre Vatin, rapporteur. Il s’agit ici d’expérimenter un droit à l’adaptation des réglementations et formalités administratives pour les personnes atteintes de maladies rares et orphelines. Le présent amendement vise par conséquent à mettre en place, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un tel dispositif afin que les effets disproportionnés sur les personnes malades et contraires à la volonté du législateur soient effacés.

La personne concernée pourrait saisir une commission nationale regroupant des représentants du corps médical, de personnes atteintes et de l’administration, et qui serait chargée de proposer au ministre compétent des adaptations de la réglementation applicable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Gage de recevabilité

La commission rejette l’article 2.

M. Pierre Vatin, rapporteur. Je vous donne rendez-vous en séance publique. En attendant, je suis à votre disposition pour discuter à nouveau de cette proposition de loi. Vous avez bien sûr toute liberté de déposer des amendements. Je rappelle que ce texte a vraiment une vocation sociale. Peut-être les gens ont-ils des difficultés à parler de leurs problèmes alors qu’ils se retrouvent pendant des mois ou des années face à une administration qui ne répond pas. Or ce n’est pas la tâche des médecins de conseiller à leurs patients d’aller voir M. Machin à la préfecture.

Mme Martine Wonner. Mais la préfecture n’est pas concernée !

M. Pierre Vatin, rapporteur. C’est un exemple, et ce peut très bien être la préfecture pour les dérogations en vigueur. Pour celles qui n’existent pas encore – on connaît l’évolutivité des maladies en question –, il faut prévoir des mesures qui, malheureusement, ne concernent pas les MDPH compte tenu de leur spécificité.

*

*     *

L’ensemble des articles étant rejetés, la proposition de loi est considérée comme rejetée par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


([1])  Décision n° 1295/1999/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 1999 portant adoption d’un programme d’action communautaire relatif aux maladies rares, dans le cadre de l’action dans le domaine de la santé publique 1999 2003.

([2])  Chiffres tirés du document présentant le troisième plan national maladies rares 2018 – 2022, publié le 4 juillet 2018 par le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

([3]) Règlement n° 43 ONU-CE relatif aux prescriptions uniformes relatives à l’homologation des vitrages de sécurité et de l’installation de ces vitrages sur les véhicules.