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N° 1302
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255),
PAR M. Joël GIRAUD,
Rapporteur Général
Député
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ANNEXE N° 26
GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
ET DES RESSOURCES HUMAINES
FONCTION PUBLIQUE
CRÉDITS NON RÉPARTIS
Rapporteures spéciales : Mmes Cendra MOTIN et Mme Valérie PETIT
Députées
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SOMMAIRE
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Pages
donnÉes clÉs sur la fonction publique
I. faire de la GRH publique un levier de la transformation de l’action publique
A. vers une vraie politique de rémunération de l’état
1. L’impact de la politique de rémunération sur l’évolution de la masse salariale
a. La masse salariale, principal poste de dépenses de l’État
b. Les nouvelles mesures annoncées lors du rendez-vous salarial de juin 2018
c. La reprise du protocole PPCR
2. Encourager l’engagement des agents
a. Le RIFSEEP : un dispositif insuffisant
b. Promouvoir la performance individuelle et collective
3. Vers une remise à plat des structures de rémunération des agents publics
4. La politique de rémunération doit accompagner la transformation et l’action de l’État
B. Au-delà de la rémunération, développer des leviers de l’engagement
a. Mettre en œuvre le schéma directeur de la formation professionnelle des agents de l’État
b. Optimiser la formation initiale
c. Faire évoluer le compte personnel de formation
a. Favoriser la mobilité inter versants de la fonction publique
b. Répondre aux besoins de souplesse et de diversification des compétences des employeurs publics
c. Développer de nouvelles perspectives de mobilité
3. Améliorer la qualité de vie au travail
b. Le Fonds interministériel pour l’amélioration des conditions de travail (FIACT)
c. La lutte contre le micro-absentéisme
d. Le financement de l’action sociale
4. Être exemplaire en matière d’égalité et de diversité
a. L’action sociale interministérielle au service des familles
b. Un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes
II. Faire de l’éna l’école du leadership européen
A. diagnostic de la situation financière de l’éna
1. La situation financière de l’ENA
a. Des recettes insuffisantes…
b. … face à l’accroissement des dépenses
c. Une situation financière critique
2. D’insuffisantes ressources propres
b. Sur les actions internationales
c. La recherche de nouvelles ressources propres
3. Une organisation perfectible
a. Le suivi des processus internes comptables
b. La structure complexe des services
B. se redonner des objectifs pour…
1. Retrouver des marges de manœuvre budgétaires
b. Les décisions du conseil d’administration
2. Former et accompagner les leaders de la transformation de l’action publique
b. Affecter les élèves vers les missions prioritaires du Gouvernement
c. Poursuivre la formation des cadres dirigeants de l’État tout au long de leur vie professionnelle
3. Renforcer le rayonnement européen de la France
a. Une stratégie européenne efficace…
b. … qui mérite d’être renforcée
a. La mise en place d’un partenariat avec Paris Sciences et Lettres
b. La mise en place d’une fondation
c. S’ouvrir à de nouveaux profils
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURES SPÉCIALES
L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
Au 10 octobre 2018, 54 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.
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donnÉes clÉs sur la fonction publique
Évolution de la masse salariale de l’état
(en milliards d’euros)
Source : rapport annuel de performances de 2010 à 2017 et projet annuel de performances de 2018 et 2019.
Composition par statut de la fonction publique d’état
(1) Dans la FPE, la catégorie "Autres catégories et statuts" recouvre principalement des enseignants et documentalistes des établissements privés sous contrat, des ouvriers d'État et des apprentis.
Source : DGAFP, rapport annuel sur l’état de la fonction publique, septembre 2018.
effectifs par statut – (données 2016)
Source : Siasp, Insee. Traitement DGAFP - Département des études, des statistiques et des systèmes d'information. Champ : Emplois principaux, tous statuts, situés en métropole et DOM (hors Mayotte), hors COM et étranger. Hors bénéficiaires de contrats aidés. (1) EQTP annualisé : équivalent temps plein annualisé calculé sur l'ensemble des postes actifs de l'année. (2) La catégorie " Autres catégories et statuts " recouvre principalement des enseignants des établissements privés sous contrat et des ouvriers d'État dans la FPE, des assistants maternels et familiaux dans la FPT, des médecins dans la FPH et des apprentis dans les trois versants. (3) Dans la FPE, le nombre d'apprentis croît très fortement en raison du plan de relance de l'apprentissage et de la création du statut d'étudiant apprenti professeur en remplacement de celui d'emploi d'avenir professeur. (4) Pour respecter le secret statistique, dans la FPT les militaires sont regroupés avec les fonctionnaires et les militaires volontaires avec les contractuels. |
évolution de la subvention et des ressources propres de l’ENA depuis 2006
(en euros)
Source : commission des finances, d’après les données du secrétariat général de l’ENA.
évolution du fonds de roulement de l’éna depuis 2006
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les données du secrétariat général de l’ENA.
LES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURES
FAIRE DE LA GRH PUBLIQUE UN LEVIER DE LA TRANSFORMATION DE L’ACTION PUBLIQUE
1) Créer une mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur la politique de rémunération de l’État qui pourra faire une évaluation des mesures du protocole et de son impact sur les situations des fonctionnaires et l’évolution de la dépense publique ;
2) Rendre obligatoire le complément indemnitaire annuel (CIA), sous forme de bonus annuel, et instaurer un taux plancher qui permettrait de faire de ce bonus un réel levier de motivation chez les agents ;
3) Établir des indicateurs à la fois qualitatifs et quantitatifs mais également personnels et collectifs, afin que la réussite de tous soit le reflet de celle de chacun ;
4) Remettre à plat les dispositifs d’indemnité de résidence et de supplément familial de traitement, en les questionnant vis-à-vis de dispositifs d’action sociale interministérielle renforcés, qui ont un caractère collectif ;
5) Faire de la réforme des retraites une opportunité pour réfléchir à la rémunération des agents publics et revoir en profondeur la structure de leur rémunération en questionnant le système indiciaire / indemnitaire ;
6) Créer de véritables responsables « rémunération et avantages sociaux » (compensation and benefits) au sein des ministères et de la DGAFP ;
7) Initier une réflexion sur la création d’une agence nationale de gouvernance de la formation professionnelle et de l’apprentissage propre à la fonction publique, un « France Compétences Fonction Publique » ;
8) Définir, via la DGAFP, un plan pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes objectif 2022.
FAIRE DE L’ENA L’ECOLE DU LEADERSHIP EUROPÉEN
1) Réviser le concours interne pour le faire reposer sur des compétences professionnelles (techniques et humaines) et moins sur des savoirs académiques, pour redonner l’envie aux agents des services publics de progresser par cette voie ;
2) Transformer le cycle préparatoire pour adopter les modalités de sélection des candidats afin de garantir une meilleure représentation de la diversité et de la parité et d’améliorer le niveau de sélection par cette voie ;
3) Accorder des marges de manœuvres financières plus importantes à l’École lors des premières années de mise en place de son plan de redressement ;
4) Fusionner tous les corps de sortie en trois grands corps : un corps d’inspection, un corps d’administrateurs et un corps de magistrats ;
5) Opter pour une politique tarifaire exigeante afin de changer le positionnement stratégique et marketing de l’École.
La fonction publique emploie 5,480 millions d’agents ([1]) au sein d’organismes dont le statut commun de recrutement est le droit public.
44 % sont employés dans la fonction publique d’État (2,427 millions d’agents), 35 % dans la fonction publique territoriale (1,886 millions d’agents) et 21 % dans la fonction publique hospitalière (1,167 millions d’agents). Parmi eux, 3,851 millions ont le statut de fonctionnaire. La fonction publique, tous statuts confondus, représente 19,9 % de l’emploi total en France.
Le champ du projet de loi de finances ne concerne que les agents employés par l’État et ses opérateurs.
L’article 38 du projet de loi de finances pour 2019 fixe le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 964 659 ETPT, soit 4 326 de plus que la loi de finances initiale pour 2018 et 15 131 de plus que le projet de loi de finances rectificative pour cette même année (1 949 528 ETPT) qui ramène l’écart entre le plafond voté et la consommation effective des emplois à 1 % (contre 1,7 % en 2017). Notons que la correction apportée en PLFR porte à titre principal, sur les ministères de l’éducation nationale (– 3 466 ETPT), des armées (– 3 327 ETPT) et de l’action et des comptes publics (– 1 472 ETPT).
TABLEAU D’EVOLUTION DES PLAFONDS D’EMPLOI
(en ETPT)
Ministère ou budget annexe / Programme |
LFI |
PLFR 2018 |
PLF |
Budget général |
1 948 952 |
1 938 288 |
1 953 310 |
Action et comptes publics |
126 536 |
125 064 |
124 973 |
Agriculture et alimentation |
30 362 |
30 362 |
30 097 |
Armées |
274 580 |
271 253 |
274 595 |
Cohésion des territoires |
573 |
573 |
564 |
Culture |
11 148 |
11 084 |
11 089 |
Économie et finances |
13 137 |
12 944 |
12 801 |
Éducation nationale |
1 021 721 |
1 018 255 |
1 027 527 |
Enseignement supérieur, recherche et innovation |
8 016 |
7 354 |
7 960 |
Europe et affaires étrangères |
13 530 |
13 459 |
13 669 |
Intérieur |
287 325 |
286 845 |
287 771 |
Justice |
84 969 |
84 770 |
86 629 |
Outre-mer |
5 525 |
5 525 |
5 548 |
Services du Premier ministre |
11 536 |
11 443 |
11 701 |
Solidarités et santé |
9 938 |
9 938 |
9 524 |
Transition écologique et solidaire |
40 805 |
40 328 |
39 850 |
Travail |
9 251 |
9 091 |
9 012 |
Budgets annexes |
11 381 |
11 240 |
11 349 |
Contrôle et exploitation aériens |
10 677 |
10 536 |
10 686 |
Publications officielles et information administrative |
704 |
704 |
663 |
Total |
1 960 333 |
1 949 528 |
1 964 659 |
Source : projet de loi de finances pour 2019 ; projet de loi de finances rectificative pour 2018.
La hausse du plafond d’emplois doit être relativisée par un schéma d’emploi de – 4 164 équivalents temps plein (ETP) qui pèse, comme l’an dernier, sur les opérateurs (– 2 593 ETP) et sur les ministères (– 1 571 ETP). La hausse du plafond d’emploi s’explique notamment par le transfert de 11 200 contrats aidés en 6 400 ETPT AESH. Les principaux contributeurs à l’effort sont le ministère de l’action et des comptes publics (– 1 947 ETP pour l’État et – 336 ETP pour ses opérateurs), le ministère de l’éducation nationale (– 1 800 ETP), le ministère de la transition écologique et solidaire (– 811 ETP pour l’État et – 267 ETP pour ses opérateurs) et le ministère du travail (– 1 385 ETP sur les opérateurs).
Schéma d’emplois de l’état et de ses opérateurs
(en ETP)
|
LFI 2018 |
PLF 2019 |
Évolution (LFI 2018 + PLF 2019) |
Schéma d’emplois État |
– 324 |
– 1 571 |
– 1 895 |
Schéma d’emplois opérateurs |
– 1 276 |
– 2 593 |
– 3 869 |
TOTAL |
– 1 600 |
– 4 164 |
– 5 764 |
Le présent rapport spécial examine les crédits du programme 148 Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines et de ceux de la mission Crédits non répartis.
Mission Crédits non répartis
La mission Crédits non répartis comprend deux dotations prévues par la LOLF.
« Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations, dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits » : 79 millions d’euros de titre 2 sont prévus pour 2019 afin de financer les mesures décidées lors du rendez-vous salarial avec les organisations syndicales (revalorisation du barème kilométrique, des nuitées d’hôtels lors des déplacements des agents de l’État et création d’une indemnité de mobilité propre).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 551 DEPUIS 2012
(en millions d’euros)
|
2008 |
2009 |
2010 à 2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
PLF 2019 |
Crédits ouverts AE = CP |
150 |
150 |
0 |
11,44 |
0 |
0 |
79 |
Exécution AE = CP |
146,26 |
150 |
0 |
11,44 |
0 |
- |
- |
Sources : documents budgétaires.
« Une dotation pour dépenses accidentelles destinée à faire face à des calamités et pour dépenses imprévisibles » : le projet de loi de finances pour 2019 prévoit, comme en 2018, 424 millions d’euros en AE et 124 millions d’euros en CP sur ce programme. En exécution, ces fonds sont en partie utilisés pour abonder les fonds spéciaux (6,95 millions d’euros de transfert en 2018).
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 552 DEPUIS 2010
(en millions d’euros)
|
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
Crédits ouverts |
||||||||
AE |
332,9 |
334,15 |
335,00 |
314,42 |
324 |
324 |
424 |
424 |
CP |
32,99 |
34,15 |
35,00 |
14,42 |
24 |
24 |
124 |
124 |
Exécution |
||||||||
AE |
137,67 |
9,97 |
105 |
312,25 |
324 |
129,82 |
- |
- |
CP |
28,67 |
9,97 |
33 |
12,25 |
24 |
17,2 |
- |
- |
Sources : documents budgétaires.
Mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Programme 148 Fonction publique
Le programme 148 intitulé Fonction publique ne comprend que les 206,9 millions d’euros de crédits transversaux pour la fonction publique, gérés par la DGAFP. Ce programme finance notamment :
– des mesures pour la formation des fonctionnaires (centres de préparation aux concours, allocations pour la diversité dans la fonction publique, écoles de formation) pour 82 millions d’euros ;
– un socle minimal d’action sociale interministérielle à hauteur de 120 millions d’euros.
La diminution des crédits du programme (– 32 millions d’euros par rapport à la loi de finance 2018) est avant tout due à un effet de périmètre. En effet, il a été décidé de transférer directement les crédits dédiés à l’apprentissage (30 millions d’euros en LFI pour 2018) aux ministères concernés dans le but de remédier à une procédure très lourde en gestion.
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit également une diminution des dotations des opérateurs du programme que sont l’ENA (30,2 millions d’euros pour 2019, soit une diminution de 879 000 euros) et les Instituts régionaux d’administration (44 millions d’euros en diminution de 1,2 million d’euros).
Au-delà des actions qu’il finance, ce programme donne à l’État, en finançant l’action de la DGAFP, les moyens d’élaborer une stratégie et de mener une politique de ressources humaines interministérielle qui constitue, selon les rapporteures, l’embryon d’une véritable direction des ressources humaines (DRH) de l’État – appellation qu’elle a pris l’année dernière et qui peine à s’imposer – à même de mener une politique de ressources humaines partagée, moderne et efficace. Cette politique RH modernisée est le levier humain de la transformation de l’action publique. Elle s’appuie sur un système de rémunération plus juste et plus incitatif, un plan de formation en phase avec les besoins réels de missions et des postes des agents, une action volontaire sur la lutte contre les discriminations (âge, genre) et l’inclusion, et une amélioration des conditions en phase avec les attentes en matière de télétravail et d’équilibre des temps de vie. Elle suppose aussi une mobilisation efficace de toute la communauté des acteurs RH publics pour diffuser les meilleures pratiques en matière de maîtrise des dépenses publiques, de pilotage de la performance RH, de mobilisation des managers publics et d’engagement des agents dans l’innovation et la transformation de nos services publics.
Quatre cycles de concertation ont été lancés avec les organisations syndicales en 2018 : sur la rénovation du dialogue social, l’élargissement du recours au contrat, une rémunération plus individualisée et l’accompagnement à la mobilité. C’est dans ce contexte que se dérouleront les élections professionnelles, organisées tous les quatre ans, le 6 décembre prochain, pour l’ensemble de la fonction publique.
Les rapporteures spéciales entendent donc se saisir pleinement de ce rapport pour traiter des différentes problématiques afférentes à la fonction publique en général.
Améliorer la qualité du service public, repenser la place et les missions de l’État tout en maîtrisant les dépenses publiques, tels sont les enjeux portés par le Gouvernement. Les grandes missions du service public, auxquelles les Français sont attachés ([2]), sans être remises en cause doivent opérer une transformation profonde qui est nécessaire pour répondre aux exigences nouvelles des Français, tout en garantissant une trajectoire équilibrée des finances publiques.
C’est la feuille de route qu’a confiée le Gouvernement aux quarante‑quatre membres du comité Action publique 2022 présidé par Véronique Bédague‑Hamilius ([3]), Ross McInnes ([4]) et Frédéric Mion ([5]) au mois d’octobre 2017. Si vos Rapporteures spéciales ne considèrent pas que la réflexion doive se limiter aux 22 propositions du rapport, elles soutiennent son triple objectif :
– améliorer la qualité des services publics pour les usagers ;
– offrir un environnement de travail modernisé pour les agents publics ;
– accompagner la baisse des dépenses publiques pour les contribuables
(– 3 points de PIB d’ici 2022).
Les rapporteures insistent que le rôle stratégique de la GRH publique dans la transformation de l’action publique. Elle est le levier humain de celle-ci et doit donc être modernisée pour être efficace et efficiente. Dans ce cadre, Action Publique 22 ne doit pas uniquement être l’occasion de réformes sectorielles, par ministères, elle doit intégrer une vraie politique RH commune permettant de repenser le leadership public dans sa globalité. La mobilisation de l’ensemble des managers publics – par-delà les versants, ministères et grades – est essentielle.
Cette politique RH pourra s’appuyer sur deux puissants leviers :
1. La politique de rémunération : elle doit engendrer la motivation et la reconnaissance des agents et être pensée dans sa globalité, sans rester focalisée sur les aspects indiciaires ;
2. La formation des leaders : via l’expertise des grandes écoles d’administration publique mais aussi avec l’accroissement de la diversité des recrutements et des possibilités de mobilité.
I. faire de la GRH publique un levier de la transformation de l’action publique
La politique de rémunération de l’État représente un double enjeu : la maîtrise de la masse salariale de l’État, 131,7 milliards d’euros en 2019, et l’émergence d’une fonction publique moderne.
Les négociations actuellement conduites dans le cadre du « rendez-vous salarial » ont un impact visible dès le PLF 2019. La reprise du PPCR après une année de suspension et conformément à l’engagement du Gouvernement devrait peser pour 744 M au total et les mesures additionnelles actées coûteront au minimum 45 M. Ces mesures conduisent à une forte augmentation des « crédits non répartis » qui progressent de 79 M en 2019.
Au-delà de ces mesures concrètes, c’est la structure même de la rémunération des fonctionnaires qui doit être repensée pour mieux récompenser l’engagement des personnels et préparer la future réforme des retraites. La discussion qui s’est ouverte sur la rémunération devrait permettre à la fois de valoriser la performance individuelle et promouvoir l’implication collective. Plusieurs pistes sont possibles, mais déjà, le dispositif RIFSEEP semble particulièrement inadapté pour remplir cet objectif.
Mais au-delà de la rémunération, il existe bien des leviers qui sont mobilisables et qui doivent être activés. Ainsi, il apparaît essentiel de favoriser la mobilité - inter/intra fonction publique et externe -, de rénover la formation – en lien avec l’utilisation du CPF-, d’améliorer la qualité de vie au travail des agents – en intégrant une logique de « retour sur investissement » – et de rendre la fonction publique exemplaire en matière de diversité, d’inclusion et d’égalité.
A. vers une vraie politique de rémunération de l’état
1. L’impact de la politique de rémunération sur l’évolution de la masse salariale
a. La masse salariale, principal poste de dépenses de l’État
Les dépenses de personnel de l’État ont permis de rémunérer 1,9 million d’agents en équivalents temps plein en 2018, faisant de l’État le premier employeur de France. Or à ce jour, la gestion de la masse salariale reste du domaine de chaque ministère et il n’existe pas de consolidation de celle-ci. Du fait des enjeux qu’elle revêt, il semble important que l’État se dote d’outils de pilotage de la masse salariale au service d’une réelle politique de ressources humaines pour accompagner la transformation de l’action publique.
Les dépenses de personnel comprennent les rémunérations d’activité, les cotisations sociales et contributions sociales à la charge de l’employeur, ainsi que les prestations sociales et allocations diverses.
Décomposition des dépenses du titre 2
(Données 2016)
(en milliards d’euros)
Source : DGAFP, rapport annuel sur l’état de la fonction publique, décembre 2017.
D’après les données communiquées par les ministères, en 2018, le montant des mesures indemnitaires nouvelles est resté élevé (+ 626M) avec la mise en place des mesures liées au PPCR de 2017 dans l’ensemble des corps (418,5 M), le déploiement du RIFSEEP (18,4 M et 16 nouveaux corps concernés) et d’autres mesures diverses (190 M). Les premiers ministères bénéficiaires de ces mesures étant l’éducation nationale, l’armée, l’action et comptes publics et l’intérieur.
MESURES CATEGORIELLES 2018
(en euros)
|
PPCR |
Autres mesures |
RIFSEEP |
Total hors RIFSEEP |
Total RIFSEEP inclus |
Action et comptes publics |
100 437 832 |
7 394 684 |
|
107 832 516 |
107 832 516 |
Agriculture |
5 188 695 |
901 200 |
|
6 089 895 |
6 089 895 |
Armées |
87 771 356 |
39 013 985 |
9 733 570 |
126 785 341 |
136 518 911 |
Culture |
7 035 862 |
8 357 908 |
|
15 393 770 |
15 393 770 |
Économie et finances |
2 050 571 |
651 544 |
58 000 |
2 702 115 |
2 760 115 |
Éducation nationale |
190 878 583 |
38 235 554 |
|
229 114 137 |
229 114 137 |
Europe et affaires étrangères |
3 514 398 |
2 161 587 |
291 812 |
5 675 985 |
5 967 797 |
Intérieur |
3 802 676 |
72 823 829 |
3 200 000 |
76 626 505 |
79 826 505 |
Justice |
15 615 090 |
|
4 231 190 |
15 615 090 |
19 846 280 |
Outre-mer |
273 104 |
545 513 |
|
818 617 |
818 617 |
Services du PM |
949 302 |
1 867 389 |
72 000 |
2 816 691 |
2 888 691 |
Travail |
1 041 515 |
692 210 |
|
1 733 725 |
1 733 725 |
Solidarité et santé |
|
339 824 |
|
339 824 |
339 824 |
Transition écologique |
|
16 691 411 |
|
16 691 411 |
16 691 411 |
Enseignement supérieur |
|
|
752 093 |
- |
752 093 |
Total |
418 558 984 |
189 676 638 |
18 338 665 |
608 235 622 |
626 574 287 |
En comptabilité budgétaire, les dépenses de personnel du budget général de l’État s’élèvent à 131,7 milliards d’euros en prévision pour 2019, soit 27,5 % du budget général (hors fonds de concours), ce qui en fait le principal poste de dépenses du budget de l’État.
En 2015, la Cour des comptes signalait dans son rapport sur la masse salariale de l’État : « Les dépenses de personnel pèsent pour près d’un quart de la dépense publique et les effectifs de la fonction publique représentent un cinquième des emplois, ce qui place la France en tête des pays de l’OCDE avec les pays scandinaves. » Les données Eurostat pour l’année 2017 signalent elles aussi l’importance relative de la masse salariale publique française : plus de 12 % du PIB contre 10 % en moyenne dans la zone euro, 8,5 % au Royaume-Uni et moins de 8 % en Allemagne. Seules la Suède et la Belgique atteignaient alors un niveau proche.
On observe une augmentation de la masse salariale de 2,08 milliards d’euros sur le budget général de l’État par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale 2018, liée à l’augmentation des cotisations et contributions sociales (+ 830 millions d’euros), l’impact des mesures catégorielles (+ 600 millions dont 348 millions au titre du protocole PPCR), au solde du glissement-vieillesse-technicité (+ 360 millions d’euros) et à l’effet sur 2019 des créations d’emplois de 2018 (+ 100 millions d’euros).
Les rapporteures notent certaines divergences entre les données communiquées par les ministères et celles affichées par le Gouvernement :
– 362 M au lieu de 348 au titre du protocole PPCR ;
– 594 M au lieu de 600 au titre des mesures catégorielles.
Ces différences mériteraient des clarifications et soulignent le besoin d’avoir un outil de pilotage et de suivi de la masse salariale de l’État.
b. Les nouvelles mesures annoncées lors du rendez-vous salarial de juin 2018
Contenir l’évolution de la masse salariale et piloter les rémunérations sont des enjeux majeurs pour la maîtrise des dépenses publiques. En conséquence, le Gouvernement a confirmé le gel du point d’indice de la fonction publique pour 2019. Il n’a d’ailleurs connu depuis 2010 que deux revalorisations ; une augmentation de 0,6 % le 1er juillet 2016 et de 0,6 % le 1er février 2017. Ces deux revalorisations ont contribué à augmenter la masse salariale des trois fonctions publiques de 2,5 milliards d’euros sans effet fort sur les rémunérations individuelles des agents.
Étant donné la nécessité de contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques et compte tenu de l’inefficacité des dispositifs généraux, les rapporteures spéciales soutiennent la décision du Gouvernement de ne pas augmenter le point d’indice pour 2019.
Pour garantir le pouvoir d’achat des agents publics dont le traitement indiciaire ne progresse pas au même rythme que l’inflation, le Gouvernement a décidé de reconduire la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) pour la période de référence allant du 31 décembre 2013 au 31 décembre 2017. Au vu de l’importance des mesures catégorielles adoptées, la dépense estimée pour 2018 est de 2 millions d’euros pour la fonction publique d’État contre 21,6 millions en 2017.
Coût annuel de la Gipa depuis 2010
(en millions d’euros)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017² |
2018² |
FPE¹ |
43,4 M€ |
65,3 M€ |
99,4 M€ |
79,9 M€ |
131,9 M€ |
144,2 M€ |
61,6 M€ |
21,6 M€ |
2 M€ |
FPH |
nd |
28,8 M€ |
53,4 M€ |
36,2 M€ |
65,1 M€ |
62,3 M€ |
nd |
nd |
0,6 M€ |
FPT |
nd |
34 M€ |
75,8 M€ |
nd |
nd |
nd |
nd |
nd |
0,3 M€ |
¹ Hors militaires, établissements publics et enseignement privé.
² Il s’agit de prévisions et non de dépenses exécutées.
Cette composante vient diminuer la force que peut avoir la politique de rémunération comme levier de motivation et de maîtrise des dépenses en lissant les rémunérations et en atténuant l’effet des mesures catégorielles ou individuelles. C’est un système qui contribue à une vision focalisée sur le régime indiciaire.
Lors du rendez-vous salarial entre le ministre de l’action et des comptes publics et les organisations syndicales, avancé au mois de juin, de nouvelles mesures ont été annoncées. Les financements de ces mesures, à hauteur de 79 millions d’euros, sont inscrits pour 2019 sur le programme 551 de la mission Crédits non répartis.
Il s’agit de revaloriser :
– le barème de monétisation des jours épargnés sur un compte-épargne temps ainsi qu’un abaissement du seuil permettant la monétisation de 20 à 15 jours (+ 24 millions d’euros pour la FPE) ;
– l’indemnité kilométrique versée aux agents en déplacement à hauteur de l’inflation observée depuis 2006 ;
– le plafond des barèmes des frais de nuitée, qui passe de 60 à 70 euros (90 euros dans les grandes villes et 110 euros à Paris). Pour les agents à mobilité réduite, le barème de remboursement atteint 120 euros, en raison du prix des nuitées plus élevées dans les hôtels accessibles aux personnes à mobilité réduite (+ 21 millions d’euros pour la FPE).
Le programme 551 permettra également de financer à hauteur de 9 millions d’euros pour l’ensemble de la fonction publique d’État l’introduction du « forfait mobilité durable » qui a pour objet d’encourager l’usage du vélo pour les trajets domicile - travail. Il s’agit d’un transfert du programme 203 Infrastructures et services de transports.
Le programme 551 contribuera aussi à l’amélioration de l’accès au logement intermédiaire et au remodelage de l’aide à l’installation des personnels en fonction de la situation du marché de l’immobilier (dans la continuité des modifications effectuées en 2018 sur la NIB et la prime à l’installation REP+).
c. La reprise du protocole PPCR
Le protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations dans la fonction publique dit « PPCR », conclu en juillet 2015, consiste en un processus de rénovation des grilles indiciaires pour prendre en compte l’allongement de la durée des carrières.
Le Gouvernement a confirmé la reprise au 1er janvier 2019 du protocole qui avait été suspendu pendant un an afin de concilier la revalorisation des rémunérations des agents publics et l’impératif de redressement des comptes publics. Le calendrier a donc été revu en conséquence jusqu’à la fin du protocole avec une compensation de l’arrêt du protocole en 2018.
coût actualisé de PPCR
Coût annuel HCAS |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Total 2016-2021 |
Fonction publique d’État |
33 |
793 |
112 |
348 |
550 |
121 |
1 957 |
Fonction publique territoriale |
24 |
426 |
– 122 |
183 |
171 |
313 |
995 |
Fonction publique hospitalière |
75 |
276 |
– 52 |
214 |
107 |
152 |
772 |
TOTAL |
132 |
1 495 |
– 62 |
745 |
828 |
586 |
3 724 |
Source : Gouvernement.
Vos rapporteures spéciales constatent la reprise du protocole qui illustre la volonté du Gouvernement de respecter ses engagements. Elles soulignent néanmoins son impact important sur les finances publiques – concernant le projet de loi de finances pour 2019, 55 % des mesures catégorielles, soit 348 millions d’euros, sont liées à l’application du PPCR. Elles proposent la création d’une mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur la politique de rémunération de l’État qui pourra faire une évaluation des mesures du protocole et de son impact sur les situations des fonctionnaires et l’évolution de la dépense publique.
De manière globale, les rapporteures spéciales considèrent que toute mesure générale représente un coût très important pour les dépenses publiques alors qu’elles n’ont qu’un impact très limité pour les agents. Ainsi en est-il de l’augmentation du point d’indice ou d’un protocole tel que PPCR. Elles souhaitent que la rémunération devienne un outil plus efficace et plus maniable de reconnaissance et d’engagement pour les agents publics et qu’elle procède plus d’une volonté managériale que d’une obligation légale.
2. Encourager l’engagement des agents
a. Le RIFSEEP : un dispositif insuffisant
Le régime indemnitaire tenant compte des fonctions des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) a été créé en 2014 dans le but d’unifier un certain nombre de primes et d’indemnités dans un cadre interministériel commun à l’ensemble de la fonction publique d’État.
Applicable à la grande majorité des filières métier et à toutes les catégories, le RIFSEEP se compose de deux volets détachables :
– le socle de base obligatoire, l’indemnité relative aux fonctions, aux sujétions et à l’expertise (IFSE), a trait aux responsabilités exercées ;
– le second volet, le complément indemnitaire annuel (CIA), est facultatif et doit reconnaitre l’engagement professionnel et à la manière de servir.
Au 1er janvier 2018, près de 360 000 agents de l’État, appartenant à 265 corps et emplois ministériels et interministériels, bénéficient du RIFSEEP. En application du principe de parité entre la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale, les employeurs territoriaux doivent mettre en œuvre le RIFSEEP pour leurs cadres d’emplois homologues dès lors que les corps de la fonction publique de l’État en bénéficient
Un bilan du RIFSEEP et de la rémunération au mérite a été réalisé à l’été 2018 sous l’égide de la DGAFP et présenté aux organisations syndicales représentatives de la fonction publique dans le cadre de la concertation sur la refondation du contrat social avec les agents publics. Bien que le déploiement du dispositif ne soit pas encore achevé, ce premier bilan a permis d’identifier les principaux enjeux du développement de la rémunération au « mérite ».
Le RIFSEEP n’est qu’une première étape dans la prise en compte de la performance dans la rémunération des agents publics. Les rapporteures spéciales font le constat que les dispositifs existants censés intégrer une part de rémunération liée à l’engagement et à la performance sont insuffisamment incitatifs.
Dans son rapport spécial de juin 2018, la rapporteure Cendra Motin avait constaté que la part individuelle du RIFSEEP, le complément indemnitaire annuel, est insuffisamment appliquée alors même que ce complément indemnitaire individuel ne représente qu’une part minime de la prime (un maximum de 15 %), ce qui constitue un recul par rapport à la prime de fonctions et de résultats dont la partie « résultat » pouvait atteindre jusqu’à 40 % du montant de la prime. Elle avait relevé deux principaux obstacles à sa mise en place :
– la difficulté à définir des critères d’évaluation transparents, compris et acceptés par les agents eux-mêmes ;
– la crainte que la rémunération à la performance n’introduise des comportements individualistes perçus comme nocifs pour le service public.
La France apparaît effectivement en retrait sur ce point au regard des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Selon une étude de Stéphane Jacobzone, conseiller à l’OCDE, publiée par Acteurs publics, sur une échelle de 0 (aucune utilisation) à 1 (utilisation élevée), l’indice français de la rémunération fondée sur la performance était de 0,767 en 2016, soit à la 22e place sur les 28 pays du classement.
Les rapporteures estiment qu’il est important de poursuivre l’effort pour qu’une culture de la reconnaissance de l’implication et de la performance se développe au sein de la fonction publique. Pour ce faire, il est nécessaire d’arbitrer la part de rémunération à la performance dans la rémunération globale, la place respective du mérite individuel et du mérite collectif, ainsi que la pertinence des modes d’évaluation quantitatifs et qualitatifs.
b. Promouvoir la performance individuelle et collective
Rémunération des agents « au mérite », « à l’engagement », « à la performance » ; les dénominations sont nombreuses mais l’idée est la même. Il s’agit de renforcer le lien entre la rémunération et l’investissement des agents et de valoriser la performance. Bien que la prise en compte de l’engagement soit bien perçue par les agents, le terme de « prime au mérite » est particulièrement mal accueilli, du fait qu’il introduit un jugement de valeur, bien éloigné de l’objectivité avec laquelle chacun peut souhaiter être traité dans son travail. C’est pourquoi, les rapporteures spéciales préfèrent la notion de « prime d’objectifs ».
Dans le cadre de la démarche Action Publique 2022, le Gouvernement poursuit cet objectif de mieux valoriser l’engagement des agents. C’est donc un sujet dont s’est emparé la DGAFP qui en a fait un de ces quatre chantiers principaux.
● La performance individuelle
Une des pistes évoquées par le Gouvernement serait de généraliser le complément indemnitaire annuel (CIA), second volet facultatif du RIFSEEP, afin de le transformer en « bonus annuel universel ». Il serait d’abord nécessaire d’en simplifier l’architecture et les composantes mais également de délier les calendriers de déploiement territoriaux actuellement dépendants du déploiement étatique.
Le CIA représente actuellement 10 à 25 % du total du RIFSEEP et a bénéficié à près de 217 000 agents en 2017. Les rapporteures regrettent que beaucoup d’employeurs aient préféré ne pas activer le CIA alors qu’il peut constituer un bon moyen de récompenser l’implication de chacun.
Lors de l’audition de M. Olivier Dussopt avec les rapporteures spéciales, il a évoqué la possibilité de rendre obligatoire le CIA, sous forme de bonus annuel, et d’instaurer un taux plancher, de l’ordre de 10-15 %, afin d’en garantir les effets.
Les rapporteures spéciales soutiennent ce projet qui permettrait de faire de ce bonus un réel levier de motivation chez les agents.
Cependant, la principale difficulté dans la prise en compte de la performance réside dans la définition de critères d’évaluation transparents et surtout acceptés par les agents, sous peine d’entraîner une forte démotivation, contraire à l’effet recherché. On retrouve également parmi les agents la crainte que la rémunération à la performance n’introduise des comportements individualistes qui pourraient nuire à l’image du service public. Enfin, le manque de culture de valorisation de la performance au sein du management public aujourd’hui doit aussi être pris en compte dans les inquiétudes qui s’expriment quant à l’évaluation des agents.
● La performance collective
Compte tenu de l’importance du travail d’équipe et dans l’optique de motiver les agents dans l’amélioration continue des services rendus au public, il est nécessaire de valoriser également la performance collective.
L’intéressement est dans cette optique l’outil à privilégier lorsqu’il s’agit de prendre en compte la performance des agents de manière collective. C’est un complément de rémunération collectif qui permet d’associer les salariés à l’accroissement des performances et résultats de l’entité d’appartenance selon des critères objectivables et connus de tous. L’intéressement est en ce sens un outil vertueux dans la mesure où il n’est versé que si les objectifs préalablement établis ont été atteints.
Notons qu’un système d’intéressement collectif existe bien dans la fonction publique d’État depuis 2012 avec la prime d’intéressement à la performance collective (PIPC) destinée à récompenser chaque année la performance collective des agents des services les plus performants, sur des critères comme la qualité de service, la maîtrise des coûts, l’amélioration des conditions de travail ou encore le développement durable. Le bilan de la PIPC est cependant plus que contrasté. Dans la FPT, le bilan du déploiement de la PIPC n’est pas possible compte tenu de l’absence de données consolidées disponibles. Dans la fonction publique de l’État, la PIPC a été déployée dans une dizaine de services, essentiellement des établissements publics ou des structures gérant un service mesurable, et concerne moins de 10 000 agents. Cette faible adhésion au dispositif peut être analysée comme résultant du développement parallèle de la reconnaissance du mérite individuel, de la rigidité du cadre de définition des montants peu incitatif, des objectifs et indicateurs.
La prise en compte de la performance collective nécessite une mesure claire et objective de celle-ci. Elle peut être appréciée par référence à la qualité du service rendu comme le taux de satisfaction de l’usager ou le délai de traitement des dossiers, à la maîtrise des coûts, à la gestion des ressources humaines. Il appartient à l’employeur de s’assurer également que les moyens d’atteinte des objectifs sont garantis aux agents pour assurer une évaluation loyale de la performance.
La réflexion pour qu’un système d’intéressement au mérite collectif soit opérant doit encore être poursuivie notamment pour donner les outils permettant aux managers des services publics d’identifier les indicateurs qui sont adaptés à leurs communautés de travail afin d’apprécier au plus juste leur performance collective.
Partant de ce constat, les rapporteures spéciales préconisent des indicateurs à la fois qualitatifs et quantitatifs mais également personnels et collectifs, afin que la réussite de tous soit le reflet de celle de chacun. Ces objectifs doivent ensuite être régulièrement actualisés en fonction des projets du service, de l’établissement ou du ministère.
3. Vers une remise à plat des structures de rémunération des agents publics
Pour les rapporteures spéciales, le développement de la rémunération liée à la performance individuelle et/ou collective suppose de repenser le système des primes au profit d’une meilleure articulation entre progression à l’ancienneté, indemnisation des fonctions et sujétions et reconnaissance de l’engagement des agents. À titre d’exemple, l’automaticité de la progression individuelle indiciaire, via l’avancement d’échelon, mériterait d’être questionnée.
Les différents éléments du système de rémunération des agents publics visent plusieurs objectifs dont il convient de déterminer s’ils sont atteints ou s’ils sont toujours pertinents.
Les rapporteures spéciales ont déjà souligné l’an dernier les faiblesses des différents accessoires du traitement, que sont l’indemnité de résidence et le supplément familial de traitement.
L’indemnité de résidence repose sur un zonage largement dépassé qui ne correspond plus au coût de la vie sur un territoire donné. Elle est attribuée en fonction de la résidence administrative du fonctionnaire et est proportionnelle au traitement indiciaire : 3 % pour la zone 1 (qui est supposée regrouper les territoires où le coût de la vie est le plus élevé), 1 % en zone 2 et 0 % en zone 3. Ce découpage territorial n'a pas été modifié depuis 2001 et n’est plus adapté aux écarts de coût de la vie entre les zones géographiques.
Le supplément familial de traitement est versé en fonction du nombre d’enfants et comprend une part proportionnelle au traitement brut de l’agent. Il peut atteindre jusqu’à 284 euros mensuel pour un agent qui a trois enfants et se cumule avec les autres allocations familiales auxquelles l’agent a droit.
Les rapporteures sont d’avis qu’une remise à plat de ces dispositifs est nécessaire afin de les rendre plus efficaces, voire de les questionner au profit de dispositifs d’action sociale interministériels renforcés, qui ont un caractère collectif.
En outre, un dispositif comme la nouvelle bonification indiciaire, que les fonctionnaires occupant certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière perçoivent sous forme de points d’indice majoré supplémentaires, fait double emploi avec d’autres indemnités reconnaissant la technicité et la responsabilité, telles que le RIFSEEP.
La réforme des retraites annoncée par le Président de la République entend créer « un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Les Rapporteures spéciales estiment que cette réforme doit être l’occasion de mener une réelle réflexion de fond sur la rémunération des agents publics, de revoir en profondeur la structure de leur rémunération et de questionner le système indiciaire / indemnitaire. Cela permettrait en outre, d’assurer une meilleure mobilité des agents dans leur mobilité inter-fonction publique ou vers le secteur privé.
L’évolution de la structure de rémunération de l’État
depuis le début des années 2000
Les rémunérations dans la fonction publique sont structurées en deux blocs : la rémunération indiciaire, déterminée selon les grilles indiciaires et la valeur du point d’indice, et la rémunération indemnitaire, composée de différentes indemnités dont l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ou encore les composantes du RIFSEEP.
Cette structure détermine les outils dont dispose l’État en matière de politique salariale : la valeur nationale du point d’indice, les grilles indiciaires et les indemnités. Notons que l’évolution des grilles indiciaires est relativement contrainte dans la mesure où elles sont formées selon le corps d’appartenance, le grade (procédure sélective) et les échelons (ancienneté, lié au « glissement vieillissement technicité »).
Les impératifs de maîtrise de la masse salariale de l’État ont conduit les gouvernements à limiter l’évolution de la valeur du point d’indice, désindexé de l’inflation dès 1984. L’augmentation du point d’indice, qui s’applique à tous les fonctionnaires, s’avère en effet particulièrement coûteuse alors qu’elle génère des gains individuels faibles pour les agents.
Face à ce constat, deux dispositifs ont été ajoutés pour protéger les agents de baisse de pouvoir d’achat sans impacter la valeur du point : la garantie individuelle de pouvoir d’achat (Gipa) à partir de 2008 et l’indexation du minimum de traitement sur le SMIC par une augmentation du nombre de point d’indice au niveau de ce minimum.
Par ailleurs, la politique générale de revalorisation du point a été remplacée par des politiques catégorielles avec des revalorisations de grades, la mise en cohérence de grilles indiciaires… Ces modifications ont eu un impact particulièrement disparate au niveau des collectivités dans lesquelles elles sont le reflet des rapports de force locaux. On a ainsi vu apparaître : une augmentation des primes, la création d’avantages annexes (jours de congés, …) ou encore un avancement dès le délai minimum atteint. Sans prendre en compte les impacts du protocole PPCR, ces choix ont conduit à un tassement progressif des grilles et salaires pour certaines catégories de fonctionnaires, notamment de catégorie C, et une réduction des écarts entre agents débutants des différentes catégories. Ils ont aussi généré une grande diversité de rémunération extra-indiciaires aux modalités d’attribution variables.
Les évolutions décrites ont créé une opposition durable entre deux visions de la politique de rémunération de l’État : la vision des derniers gouvernements, qui se focalise sur la rémunération globale de l’agent sur l’année, et celle des syndicats, qui s’intéresse spécialement à l’évolution du point d’indice et exclu de la rémunération prise en compte l’avancement ou le glissement vieillissement technicité. Cette opposition est à l’origine, avec les politiques de gel du point d’indice, un mécontentement salarial important alors même que les rémunérations globales continuaient d’augmenter. Dans ce contexte, l’extension du dialogue social au-delà des questions de rémunération, lancée dès 2010, c’est avéré difficile et la question des rémunérations a largement déterminé le contenu des autres discussions ouvertes.
Les politiques de réduction des effectifs, qui ont été mises en place par intermittence, ont aussi contribué à l’augmentation des rémunérations globales en s’accompagnant de mesures ciblées de revalorisation.
En parallèle, le recentrement de la structure de rémunération sur les métiers, emplois et l’investissement professionnel lancé à partir de 2009 n’a été que très partiellement mis en place, et n’a donc bouleverser ni la structure et ni les pratiques en place. La prime de fonction de résultat a été remplacée par le RIFSEEP en 2014 mais, comme nous l’avons évoqué dans un rapport précédent, son attribution n’est aujourd’hui pas incitatif, son ampleur reste limitée et son développement a été très progressif et ne sera achevé qu’en 2019-2020. Si 63 % des corps sont désormais régis par des dispositions statutaires et indiciaires harmonisées, le nombre total de corps reste particulièrement important (293 corps prévus fin 2018) et leur réduction est bien trop lente (8 corps de supprimés depuis 2016).
4. La politique de rémunération doit accompagner la transformation et l’action de l’État
La politique de rémunération dans la fonction publique doit permettre d’attirer et de fidéliser des personnels qualifiés et compétents. La plus grande mobilité souhaitée par et pour les agents des services publics, qu’elle soit inter-versants ou vers le secteur privé, doit être mieux accompagnée. Conseil en évolution professionnelle, bilan de compétences, formation et accompagnement salarial sont des outils essentiels de cette politique de mobilité.
C’est pourquoi il semble nécessaire de pouvoir harmoniser les référentiels de rémunération afin de rendre lisibles et comparables tous les éléments de rémunération directe et indirecte auxquels les agents peuvent prétendre. De même, il est essentiel de rendre plus cohérente la politique de rémunération des contractuels pour faire de ce statut une opportunité pour des agents qui y trouveraient un intérêt et pour les salariés du secteur privé qui souhaiteraient s’engager dans un parcours dans le service public.
C’est pourquoi les rapporteures préconisent la création de véritables responsables « rémunération et avantages sociaux » (compensation and benefits) au sein des ministères et de la DGAFP afin d’avoir une réflexion d’ensemble et un pilotage plus global de la politique de rémunération dans la fonction publique d’État a minima.
B. Au-delà de la rémunération, développer des leviers de l’engagement
Les rapporteures spéciales soulignent que le levier de la rémunération ne doit pas constituer l’unique voie d’incitation des agents à la performance.
D’autres leviers de motivation sont régulièrement cités par les agents : l’accès à des opportunités de formation et de développement des compétences, les possibilités de mobilité, la qualité de l’encadrement, le sentiment de faire un travail qui compte et de se sentir soutenu ou encore un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
a. Mettre en œuvre le schéma directeur de la formation professionnelle des agents de l’État
Les budgets consacrés à la formation des fonctionnaires sont inscrits dans les dotations de chaque ministère et le détail n’est pas retracé dans les documents annexés à la loi de finances. Les rapporteures spéciales regrettent que le rapport sur l’état de la fonction publique et les rémunérations, « jaune » annexé au projet de loi de finances, ne soit toujours pas publié le 5 novembre 2018, alors que les crédits relatifs à la fonction publique ont été examinés par la commission des finances de l’Assemblée nationale depuis deux semaines.
Le dernier rapport sur l’état de la fonction publique ([6]), publié en décembre 2017,retrace les dépenses de formation dans les ministères en 2015. On distingue dans ces calculs les formations professionnelles ([7]) des formations statutaires ([8]).
dépenses de formation dans les ministères en 2015
|
Dépenses (en M€) |
Part des dépenses dans la masse salariale (en %) |
Évolution des dépenses 2015/2014 |
Ministères hors enseignement dont formation professionnelle |
1 767,5 874,2 |
7,8 % 3,9 % |
+ 2,3 % – 1,1 % |
Ministères de l’enseignement dont formation professionnelle |
1 213,9 1 027,1 |
3,4 % 2,9 % |
– 7,3 % – 4,4 % |
Ensemble dont formation professionnelle |
2 981,5 1 901,3 |
5,1 % 3,3 % |
– 1,9 % – 2,9 % |
Source : rapport annuel sur l’état de la fonction publique, DGAFP, édition 2017.
nombre de jours de formation professionnelle par agent dans les ministères de 2005 à 2015
(en nombre de jours par agent)
La diminution de l’accès à la formation professionnelle des agents de la fonction publique d’État sur les années 2005-2015 suscite l’inquiétude des rapporteures spéciales. Elles soulignent cependant, que d’après les dernières données publiées par la DGAFP ([9]), la situation s’est légèrement améliorée en 2016 où 5,3 millions de jours de formation ont été dispensés aux agents civils des ministères, hors ministères de l’enseignement (éducation nationale et enseignement supérieur et recherche). Chaque agent a suivi en moyenne 5,1 jours de formation statutaire et 3,3 jours de formation professionnelle. Au total, le nombre moyen de jours de formation par agent en fonction s’établit à 8,4 jours. Ce sont, comme les années précédentes, les agents de catégorie C qui ont le moindre accès à la formation (5,7 jours en moyenne en 2016).
Les rapporteures soulignent que la formation professionnelle n’est pas uniquement un moyen de développer les compétences des agents dans le cadre des fonctions qu’ils exercent mais aussi un levier qui permet de faciliter les transitions professionnelles et d’accompagner toutes les mobilités.
En 2018, un nouvel outil de pilotage de la formation professionnelle a été mis en place ([10]). Ce schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État couvre une période de trois ans. Il est structuré autour de cinq axes stratégiques qui doivent guider les politiques de formation à tous les niveaux d’actions. Les rapporteures souhaitent qu’il s’accompagne d’un référentiel managérial, afin de mieux former et aligner les managers de la fonction publique, faisant écho aux objectifs et offres des IRA/ENA en matière de formation.
schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’Etat
1. Structurer l’offre de formation pour accompagner collectivement les agents dans un contexte de transformation de l’action publique |
1/ Diffuser une culture renouvelée de la relation à l’usager auprès de l’ensemble des agents 2/ Développer une offre de formation ayant pour objet d’accompagner la transformation de l’action publique 3/ Structurer des parcours de formation au sein des filières professionnelles en mettant en place un dispositif interministériel de labellisation |
2. Utiliser le numérique comme levier de la transformation des administrations et de l’appareil de formation de l’État |
4/ Développer l'offre de formation à distance et la rendre accessible à tous les agents publics via une plateforme interministérielle dédiée 5/ Développer les formations et certification des compétences numériques pour tous les agents et pour les métiers numériques et SIC 6/ Définir une stratégie de convergence des SI Formation ministériels et interministériels |
3. Accompagner les encadrants dans la mise en œuvre des politiques publiques et l’exercice de leurs responsabilités managériales |
7/ Diffuser une culture managériale commune en rendant obligatoire une formation au management pour tout primo-encadrant et tout agent nommé à la direction d'un opérateur ministériel et en proposant des modules adaptés aux besoins de formation des managers tout au long de leurs parcours professionnels 8/ Former les cadres aux enjeux de l’égalité professionnelle, de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes (harcèlement, sexisme…) |
4. Rendre l’agent pleinement acteur de son parcours professionnel, en renforçant l’individualisation dans les formations initiales et l’accompagnement des projets d’évolution professionnelle |
9/ Mettre en œuvre une nouvelle articulation entre formation initiale et formation continue en renforçant l’évaluation des compétences et en individualisant les parcours de formation 10/ Développer des portefeuilles de compétences dans le cadre d’expérimentations concernant des filières métiers, des territoires et des ministères 11/ Mobiliser l’ensemble des outils de la formation professionnelle pour accompagner les transitions, reconversions et mobilités professionnelles 12/ Développer une offre de formation professionnelle à l’attention des conseillers et acteurs RH en charge de l’accompagnement personnalisé des agents dans la construction de leur parcours professionnels |
5. Renforcer le pilotage de la politique de formation dans un souci de qualité et de performance |
13/ Développer une offre de formation interministérielle pour les filières métiers transverses à l’attention de l’administration centrale et des services déconcentrés, en s’appuyant sur des porteurs interministériels et ministériels 14/ Développer l’analyse des coûts de formation et proposer des outils permettant de mieux évaluer la formation menée dans un souci de qualité et de performance 15/ Expérimenter en région une démarche de mutualisation des moyens de formation dans la perspective d’élaborer un schéma directeur régional de la formation professionnelle tout au long de la vie |
Source : DGAFP.
Ce schéma directeur s’articule avec le Grand plan d’investissement 2018‑2022 afin d’accompagner les réformes structurelles portées par le Gouvernement. Afin de favoriser un recentrage d’une partie des crédits de formation des ministères et établissements publics sur les priorités définies au titre du GPI et du schéma directeur, l’ensemble des actions mises en œuvre à ce titre pourront bénéficier d’une exonération de régulation qui se traduira par une absence de mise en réserve de crédits de fonctionnement (titre 3).
Les rapporteures soutiennent pleinement cet investissement important dans la formation professionnelle des fonctionnaires afin d’améliorer l’adéquation des compétences aux besoins des employeurs publics et de développer pour les agents des perspectives de mobilité.
Les rapporteures encouragent également le Gouvernement à initier une réflexion sur la création d’une agence nationale de gouvernance de la formation professionnelle et de l’apprentissage propre à la fonction publique, un « France Compétences Fonction Publique », qui pourrait être une déclinaison publique de l’agence en cours de création suite à la promulgation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En mutualisant les ressources des trois versants de la fonction publique et en s’appuyant sur les opérateurs de compétences existants, il serait alors possible de donner à tous les agents les mêmes chances de progression et de formation tout au long de sa vie professionnelle, de piloter au plus juste le nouveau schéma de formation continue et d’accompagner les mobilités.
b. Optimiser la formation initiale
Le programme 148, dont les rapporteures spéciales suivent les crédits chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances, rassemble une partie des crédits dédiés à la formation des fonctionnaires.
L’action 1 Formation des fonctionnaires est dotée de 82,5 millions d’euros en AE et en CP dans le projet de loi de finances pour 2019, soit une diminution de 1,9 million d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2018.
90 % de la dotation de l’action correspond aux subventions pour charge de service public des écoles de formation interministérielles sur lesquelles la DGAFP exerce sa tutelle : l’École nationale d’administration (ENA) ([11]) et les cinq Instituts régionaux d’administration (IRA).
ÉVOLUTION DE LA SUBVENTION pour L’Éna ET les IRA
(en millions d’euros)
|
LFI 2012 |
LFI 2013 |
LFI 2014 |
LFI 2015 |
LFI 2016 |
PLF 2017 |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
ENA |
35,47 |
33,20 |
32,48 |
32,27 |
31,9 |
31,9 |
31,05 |
30,1 |
IRA |
40,60 |
40,40 |
40,20 |
39,60 |
38,9 |
40,9 |
45,2 |
44 |
TOTAL |
76,07 |
73,60 |
72,68 |
71,87 |
70,8 |
72,8 |
76,3 |
74,1 |
Sources : documents budgétaires.
● L’ENA
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit d’allouer à l’ENA une subvention de 30,1 millions d’euros en AE et CP, en diminution de 879 000 euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.
Le projet de loi de finances pour 2019 fixe le plafond d'emplois de l’ENA à 467 ETPT et 12 ETPT hors plafond dont 3 contrats aidés. Le schéma d’emploi 2019 de l’ENA s’établit donc à – 4 emplois permanents et – 10 élèves soit – 14 ETPT. En tenant compte du projet de loi de finances pour 2019, l’ENA aura connu 46 suppressions de poste depuis 2008, soit une baisse des effectifs de 20 %.
Le directeur de l’École, M. Patrick Gérard ([12]), avait attiré l’attention des rapporteures spéciales sur les difficultés financières de l’établissement, il a depuis demandé un audit budgétaire de l'ENA. L’école connaît en effet un déficit qu’elle qualifie de « structurel » depuis 2013 en raison de l’augmentation des charges de rémunération, de la diminution de la subvention de l’État et de mesures prises par le Gouvernement précédent qui n’ont pas été financées, telles que l’augmentation du nombre d’élèves par promotion. Les rapporteures ont donc souhaité examiner cette situation plus précisément, ce qui fait l’objet de la seconde partie du présent rapport.
Elles en concluent que l’ENA doit redresser sa situation financière et se recentrer sur le cœur de sa mission pour pleinement accompagner les réformes entreprises par le Gouvernement et être un acteur à part entière de la transformation de l’action publique. D’après les informations transmises aux rapporteures spéciales, la diminution de la subvention à l’ENA devrait être atténuée en cours d’examen du projet de loi de finances, compte tenu des engagements de l’école, pris lors de son conseil d’administration du 10 octobre dernier. Les rapporteures se félicitent d’une décision qui viendrait soutenir une volonté avérée de toutes les équipes de faire le nécessaire pour assainir les finances de l’école tout en préservant l’excellence de sa formation.
● Les IRA
Implantés à Bastia, Lille, Lyon, Metz et Nantes, les instituts régionaux d’administration (IRA) sont conçus comme des opérateurs interministériels chargés du recrutement et de la formation de l’encadrement intermédiaire de la fonction publique de l’État. Ils assument, en outre, des missions dans le domaine de la formation continue interministérielle.
La subvention allouée aux IRA s’établit à 44 millions d’euros, en diminution de 1,2 million d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.
Les IRA font actuellement l’objet d’un ambitieux projet de réforme qui s’inscrit dans le cadre des recommandations du rapport de l’Inspection générale des finances consacré aux dépenses de formation initiale et continue de l’État ([13]).
Il s’agit d’une part de mettre les compétences et l’individualisation de la formation au cœur du dispositif et d’autre part de réduire la durée de formation des élèves au sein des IRA, de 12 à 8 mois, au profit d’un accompagnement renforcé à la prise de poste sous forme de formation continue. La formation sera complétée par une période de stage auprès de l’employeur d’affectation et c’est de ce dernier que dépendra la titularisation du stagiaire.
Ce dispositif doit permettre d’augmenter le nombre d’élèves formés afin de mieux répondre aux besoins de recrutement exprimés par les ministères et de limiter le développement de concours directs de recrutements par les ministères. Dès 2019-2020, les IRA devraient pouvoir accueillir 820 élèves, répartis sur deux promotions contre 730 aujourd’hui pour une seule promotion de 12 mois.
Cette réforme devrait également permettre de réaliser des économies en réduisant la charge financière de la formation de 12 à 8 mois. L’objectif est de réduire la subvention pour charge de service public des IRA de 5 millions d’euros d’ici 2020. Des investissements spécifiques sont néanmoins nécessaires, la nouvelle formation faisant davantage appel au numérique.
L’année 2019 est une année de transition. Le plafond d’emplois pour les cinq instituts est fixé à 728 ETPT (et 5 contrats aidés hors plafond), soit une baisse des emplois permanents de – 109 ETPT. Cette importante baisse du plafond d’emploi s’explique par le caractère transitoire entre deux dispositifs de l’année 2019. Le nombre d’élève formé sera de 730 sur 8 mois puis de 400 sur 4 mois. Il est donc retenu un nombre lissé sur l’année de 623 ETPT élèves pour un plafond d’emploi global de 728 ETPT en incluant les personnels permanents.
c. Faire évoluer le compte personnel de formation
Le compte personnel d’activité (CPA), lequel comprend le compte personnel de formation, doit permettre de favoriser l’accès des agents publics à la formation professionnelle. Il s’applique aux fonctionnaires et agents contractuels de la fonction publique depuis le 1er janvier 2017 conformément aux dispositions de l’article 22 ter de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, tel que modifié par l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017.
Les agents peuvent donc depuis le 15 juin 2018, consulter leur compte personnel de formation sur l’espace moncompteactivité.gouv.fr. Les employeurs pourront à compter du 15 octobre 2018 décrémenter ces comptes des droits utilisés pour obtenir le financement d’une formation. Cette plateforme est financée via le Fonds système d’information ressources humaines du programme 148. Le projet a été financé par ce Fonds pour un coût de 1,8 M en phase projet lancée en 2017 et 1,3 M en 2018. En 2019, année du lancement de la phase de fonctionnement de la plateforme, le coût prévisionnel de celui-ci est de 1,317 M.
Le vote récent de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée définitivement par le Parlement le 1er août dernier, amène aujourd’hui le Gouvernement à engager des réflexions sur l’évolution du compte personnel de formation applicable aux agents publics.
Les principes de l’universalité et de la portabilité des droits nous semblent devoir amener le Gouvernement à effectuer, soit dans le cadre d’une loi applicable à la fonction publique, soit dans le cadre réglementaire de la gestion des droits à la formation, des ajustements quant aux modalités de gestion des droits relevant du compte personnel de formation, dans l’objectif d’accroître l’attractivité de ce dispositif ainsi que sa lisibilité.
Plus qu’un bénéfice chiffré, c’est un changement culturel dans l’approche des politiques de formation qui est attendu du compte personnel de formation. En effet, l’objectif est de faire évoluer les politiques menées par les employeurs publics afin de développer une offre de formation qui accompagne davantage les mobilités et les transitions professionnelles, en tenant mieux compte des souhaits d’évolution des agents, en leur offrant de nouvelles perspectives et une plus grande liberté de choix.
Une telle évolution suppose l’identification de parcours de formation lisibles pour les agents et pour leurs managers. Elle implique également le développement en parallèle de formes d’accompagnement personnalisé permettant de faire le point sur les compétences acquises et celles susceptibles d’être développées au moyen de la formation, ainsi qu’un engagement de l’encadrement pour que l’accès à la formation soit appréhendé non plus uniquement pour mieux exercer les fonctions occupées, mais aussi pour préparer l’avenir professionnel de chaque agent.
Les rapporteures soutiennent, à termes, la mise en place d’un compte personnel de formation (CPF) soit identique soit unique, au mode de fonctionnement commun aux agents publics et aux salariés du privé qui contribuerait au décloisonnement et à la diversification des formations et des parcours.
Le développement de la mobilité dans la fonction publique doit répondre à de nombreux enjeux : améliorer l’attractivité de la fonction publique, permettre aux agents d’être acteurs de leur parcours professionnel, trouver un meilleur équilibre entre les besoins en compétences des employeurs et les projets professionnels des agents et répondre à la fois aux besoins de continuité et d’adaptabilité du service public.
a. Favoriser la mobilité inter versants de la fonction publique
La mobilité des agents publics est extrêmement limitée : en 2015, 8,9 % des agents de la fonction publique présents en 2014 et 2015 sont mobiles (471 300 agents). À l’occasion de leur mobilité, seuls 50 % d’entre eux ont changé d’employeur, 47 % de zone d’emploi et 33 % de statut ou de situation d’emploi.
Ainsi, parmi l’ensemble des agents employés dans la fonction publique en 2014 et en 2015 (5,3 millions d’agents), 4,5 % ont changé d’employeur en 2015, dont 3,8 % vers un employeur dans le même versant et 0,7 % dans un autre versant.
Comme le souligne la DGAFP dans son dernier rapport sur l’état de la fonction publique, « fluidifier le marché de l’emploi public, dans un contexte de maîtrise de la masse salariale et de réduction des effectifs, requiert de croiser une approche ministérielle, aujourd’hui structurée par programme budgétaire et par corps, et une approche interministérielle, voire inter-fonction publique, organisée par bassin d’emplois et par filières professionnelles ».
Accroître la mobilité des agents permet de répondre tout d’abord aux attentes des agents, mais c’est également un moyen d’augmenter l’attractivité de la fonction publique et un mode non contraignant de réaffectation et de réduction d’effectifs.
L’ordonnance n° 2017‑543 du 13 avril 2017 portant diverses mesures relatives à la mobilité dans la fonction publique élargit les possibilités de mobilité entre les trois versants de la fonction publique. Elle prévoit la possibilité de créer de nouveaux cadres de gestion statutaires inter-fonctions publiques, sans remettre en cause les corps et cadres d’emplois existants, pour permettre des recrutements ou des formations conjoints et faciliter les mobilités au sein d’une même filière professionnelle.
D’autre part, l’ordonnance garantit la portabilité du compte épargne temps en cas de mobilité d’un agent dans un autre versant de la fonction publique ; jusque‑là cette portabilité n’était reconnue qu’au sein d’un même versant.
Enfin, le texte prévoit la création d’un portail commun aux trois versants de la fonction publique pour la publication des offres d’emplois. La création d’une plateforme numérique de l’emploi public ouverte à tous a été annoncée. Cet outil, qui sera ouvert en 2019, offrira une géolocalisation des offres afin de faciliter les mobilités inter-versants dans un même bassin d’emploi.
Les rapporteures spéciales se réjouissent de la création de cette bourse de l’emploi public qui permettra de favoriser les mobilités et qui participera à rendre plus lisibles et attractives les offres d’emplois publics.
Néanmoins, une telle bourse à l’emploi ne saurait être une réponse en soi. Elle nécessite un véritable accompagnement pour l’identification des compétences et des opportunités accessibles avec ou sans formation préalable. Dans cette optique, il serait utile que l’information sur les différents dispositifs d’accompagnement soient mis en ligne sur la plateforme de l’emploi public. Par ailleurs, les rapporteures souhaitent que l’État et chaque ministère se dotent de véritables « marques employeurs ». Pour cela, ils pourront s’appuyer sur les différents outils numériques déjà mis en place, sur les projets innovants portés par le Fonds pour la transformation de l’action publique mais aussi sur l’expérience singulière de l’Armée en la matière.
b. Répondre aux besoins de souplesse et de diversification des compétences des employeurs publics
Moins d’un agent sur cinq qui travaille dans la fonction publique est contractuel. Cette part, en baisse, est quasi identique dans les trois fonctions publiques territoriale (18,9 %), hospitalière (18,2 %) ou d’État (18,6 %) à iso périmètre. Les rapporteures sont favorables à ce qu’il soit donné davantage de souplesse aux employeurs publics dans leur politique de recrutement en facilitant le recours au contrat. Elles notent que la part de contractuel dans la FPT semble avoir sensiblement diminuée (25 % en 2015) comme dans la FPH (21 % en 2015) pour revenir à un niveau bas comparable à celui de la FPE (19 % en 2016).
On observe par ailleurs que la proportion de contractuels dans la fonction publique diminue quand le niveau hiérarchique augmente. Les rapporteures considèrent que, pour favoriser une plus grande variété d’expériences parmi les managers publics, il est nécessaire d’ouvrir plus largement les emplois de cadres et cadres dirigeants au secteur privé. Elles soulignent que cette ouverture ne pourra être un succès qu’à condition de proposer des offres attractives et de ne pas reléguer les contractuels à un rôle de fonctionnaire de « seconde catégorie ».
De nouvelles mesures d’ouverture du contrat devraient figurer dans le cadre du futur projet de loi relatif à la fonction publique et plusieurs emplois fonctionnels de direction de la fonction publique d’État seront ouverts aux contractuels.
Ces mesures permettront de diversifier les compétences de la haute fonction publique mais également d’offrir de nouvelles perspectives professionnelles aux contractuels qui exercent déjà leurs fonctions au sein de l’administration. Le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, M. Olivier Dussopt, souhaite que cette réforme de la fonction publique soit l’occasion d’améliorer les conditions d’emplois des contractuels et de lutter contre la précarité notamment l’enchaînement de contrats courts. La fixation d’un référentiel de salaire pour les contractuels est également à l’étude.
Par ailleurs, il convient également de valoriser l’expérience acquise en dehors de la fonction publique pour ceux qui intègrent la fonction publique et en la prenant en compte dans la promotion des agents. Pour favoriser cette fluidité des parcours professionnels, l’article 108 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([14]) permet à un fonctionnaire en disponibilité de conserver pendant cinq ans ses droits à l’avancement, lorsqu’il exerce une activité professionnelle comparable aux fonctions qu’il exerçait dans la fonction publique au regard de leur nature ou du niveau de responsabilité exercée.
c. Développer de nouvelles perspectives de mobilité
La transformation de l’action publique doit, outre une redéfinition du rôle de la puissance publique dans la société, permettre de rationnaliser la dépense publique et d’atteindre l’objectif de réduction du nombre de fonctionnaires qui découlera des choix des missions, de la modernisation des outils et des simplifications d’accès aux services publics. Pour la fonction publique d’État, ce sont 50 000 postes qui seront concernés à horizon 2022.
Conscient des limites et des difficultés rencontrées par l’ensemble des agents dans leur parcours de mobilité, tant interne qu’externe, le Gouvernement a souhaité annoncer, à l’occasion du 2ème Comité interministériel de la transformation publique qui s’est tenu le 29 octobre 2018, la création d’une fonction dédiée à la reconversion et à la mobilité des agents de l’État confiée à la DGAFP et qui reposera d’une part sur une structure centrale légère et d’autre part sur les plateformes RH régionales existantes renforcées. Cette agence de reconversion doit s’inspirer de celle du ministère des armées, Défense mobilité, qui accompagne chaque année près de 14 000 personnes.
À l’occasion de ce 2e CITP, de nouveaux dispositifs indemnitaires ont été annoncés pour accompagner les restructurations et les mobilités :
– doublement de la couverture des frais liés aux mobilités, dont le plafond passera de 15 000 euros à 30 000 euros ;
– versement d’un complément de salaire pendant une durée pouvant aller jusqu’à 6 ans en cas de rémunération moins élevée dans le nouveau poste ;
– assouplissement des conditions d’ouverture des droits à l’indemnité de départ volontaire existante accessible jusqu’à 2 ans de l’âge d’ouverture des droits à pension, contre 5 actuellement ;
– ouverture du bénéfice de l’assurance chômage aux agents de la fonction publique.
Il s’agit enfin de rendre plus attractive l’indemnité de départ volontaire qui existe depuis 2008 dans la fonction publique d’État, sans pour autant connaître un grand succès. Outre son montant limité, elle suppose en effet une démission de l’agent – qui ne peut pas prétendre au chômage – et qui doit s’engager à ne pas réintégrer la fonction publique pendant cinq ans, sous peine de rembourser l’intégralité de l’indemnité.
l’indemnité de départ volontaire dans la FPE
Source : DGAFP.
Bilan de l’indemnité de départ volontaire dans la FPE
Le dispositif de l’indemnité de départ volontaire (IDV) a été introduit dans la réglementation en 1998 au sein de la fonction publique hospitalière puis étendu aux deux autres fonctions publiques dans le cadre des restructurations prévues par la révision générale des politiques publiques en 2008.
Dans la fonction publique de l’État (FPE), le bénéfice de l’IDV est ouvert aux fonctionnaires, aux agents contractuels en CDI et aux ouvriers d’État, autres que ceux appartenant au ministère des armées.
Il est réservé aux agents quittant définitivement la fonction publique de l’État dans le cadre d’une restructuration éligible à la prime de restructuration de service, ou pour créer ou reprendre une entreprise, indépendamment de toute restructuration.
Le montant de l’IDV, plafonné à deux fois la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'année civile précédant celle de la demande de démission. La définition de l’assiette de référence du calcul de l’IDV a été précisée en le fondant uniquement sur le traitement indiciaire et les primes statutaires et fonctionnelles, à l’exception de tout autre élément de rémunération.
Pour bénéficier de l’IDV, l’agent ne doit pas être à moins de 5 ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite et s’il devait être à nouveau recruté en tant que fonctionnaire stagiaire ou agent contractuel dans la fonction publique (d'État, territoriale ou hospitalière) dans les 5 ans suivant sa démission. À défaut, il devra rembourser son IDV.
Sur les 7 988 IDV versées entre 2009 et 2017, le ministère de l’éducation nationale est le principal employeur concerné (4 644 depuis 2009 dont 2 460 de professeurs et 1 096 d’instituteurs), ce qui correspond à la part de ce ministère parmi les emplois de l’État. Le nombre d’IDV versé au sein de la FPE a varié au cours du dispositif pour connaître un pic en 2012 avec 1287 IDV versées pour un coût total de 39 millions d’euros (montant moyen versé : 30 192 euros) avant de décroître pour se stabiliser en 2017 à 745 indemnités versées pour un coût total de 15 millions d’euros (montant moyen versé : 20 174 euros).
Les bénéficiaires de l’IDV se répartissent équitablement entre les hommes et des femmes, sont à plus de 60 % âgés de plus de 45 ans et sont à plus de 80 % des agents titulaires. Parmi ces derniers, 70 % sont des agents de catégorie A, 20 % de catégorie B et 10 % de catégorie de C. Cette répartition est stable depuis 2012.
Source : DGAFP.
Les rapporteures souhaitent attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que les modalités évoquées sont susceptibles de transformer l’IDV en un dispositif de retraite anticipée générant des effets d’aubaines importants pour une réduction de la dépense publique moindre et une possible désorganisation des services. En effet, l’ouverture de l’IDV jusqu’à deux ans de la retraite avec une indemnité s’élevant à 24 mois de travail rendrait ce dispositif particulièrement attractif aux personnes approchant de la retraite comme l’illustre la pyramide des âges ci-dessous.
Par ailleurs, les rapporteures notent qu’aucun dispositif d’accompagnement ou de formation des agents optant pour l’IDV n’a été présenté. En l’état, l’absence d’accompagnement des projets, pourrait théoriquement amener un agent à quitter son emploi sans projet professionnel défini, lui faisant prendre le risque de le conduire directement au chômage.
D’autres mesures impliquent des évolutions législatives qui seront portées dans le projet de loi prévu en 2019, notamment le bénéfice des droits au chômage.
Les rapporteures spéciales saluent la création d’un nouveau programme 351 Fonds d’accompagnement interministériel RH rattaché à la mission Action et transformation publique dont l’objet est d’accompagner les politiques RH et ces transformations.
Financé pour 2019 à hauteur de 50 millions d’euros, il a vocation à être abondé pour les exercices postérieurs. Il s’inscrit dans les plans ministériels de transformation de l’action publique et constitue une mise de départ pour financer des opérations de reconversion RH. Les ministères et opérateurs de l’État pourront candidater pour le co-financement de leurs transformations RH : dispositifs indemnitaires, accompagnement des agents (bilan de compétence, aide à la mobilité, accompagnement familial) et des services (audit organisationnel, étude d’impact RH).
L’enjeu de la DGAFP à travers ce programme est de doter la fonction RH d’une action d’accompagnement opérationnelle. En effet, l’État à travers sa politique RH doit accompagner les agents publics dont les missions et les emplois évoluent afin notamment de favoriser des mobilités fonctionnelles et / ou géographiques, au sein de la fonction publique ou vers le secteur privé.
Les rapporteures notent que l’État accélère fortement sa politique de développement numérique au sein de la fonction publique. Le Fonds d’innovation ressources humaines (FIRH) du programme 148 a ainsi permis de financer 51 projets innovants sur la gestion des ressources humaines et l’emploi public. Parmi eux, plusieurs projets sont de véritables outils d’accompagnement de mobilité des agents.
Les projets du FIRH : l’exemple du e-portfolio de compétences
Le projet « e-portfolio » de compétences créé en Bourgogne-Franche-Comté a permis de développer un espace numérique, dédié à l’identification des compétences et des possibilités d’évolution, accessible aux agents et aux managers.
Sur cet espace, les agents font un état des lieux de leurs acquis professionnels et extra-professionnels. Ils ont accès à des diagnostics « sur-mesure » (aide à l’orientation, identification des compétences transversales…) et se construisent directement un profil professionnel et un parcours nouveau. Les managers peuvent se servir de cette plateforme pour identifier les compétences de leurs équipes
3. Améliorer la qualité de vie au travail
À l’issue du Comité interministériel de transformation publique du 1er février 2018 visant à « refonder le contrat social avec les agents publics », le Gouvernement a engagé une concertation avec les organisations syndicales portant sur l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du dialogue social. L’enjeu de ce chantier vise à définir un nouveau modèle plus efficace de dialogue social dans la fonction publique.
La première grande évolution envisagée porte sur la création d’une nouvelle instance de dialogue social en matière de questions collectives, issue du rapprochement des CT et CHSCT actuels. L’objectif recherché est de moderniser les conditions de travail des agents publics ainsi que l’organisation des services, sans remettre en cause les efforts de professionnalisation des représentants du personnel et des administrations sur les questions santé, sécurité et conditions de travail.
Afin de permettre le travail des managers qui conduisent les transformations, il est nécessaire d’encourager le dialogue social de proximité
– comme cela a déjà été fait dans le secteur privé – en donnant notamment la possibilité de négocier des accords dérogatoires au cadre de la fonction publique et de mettre en place des accords sociaux locaux.
Les rapporteures spéciales soutiennent pleinement cette démarche, l’amélioration du dialogue social ayant pleinement un rôle à jouer dans la modernisation de l’État.
Par ailleurs, dans le cadre d’une contribution à Action Publique 2022, les rapporteures spéciales avaient proposé de ré-impulser une démarche de qualité de vie au travail au sein des organisations visant à redonner du sens au rôle et aux missions des partenaires sociaux en établissant notamment le ratio du mal-être au travail et le coût relatif à celui-ci afin de mettre en évidence à partir des indicateurs existants (absentéisme, arrêt maladie, accident de travail) les impacts socio‑économiques sur la performance de l’organisation. La démarche s’inscrit dans une logique « gagnant-gagnant » pour les agents et les organisations.
b. Le Fonds interministériel pour l’amélioration des conditions de travail (FIACT)
Le fonds interministériel d’amélioration des conditions de travail (FIACT), créé en 2018, a pour objet la mise en œuvre de meilleures conditions de travail pour les agents et l’accompagnement des transformations, tout en s’assurant des conditions de travail protectrices de leur santé. Il est doté de 1 million d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019. La création de ce fonds s’inscrit dans le cadre du programme Action Publique 2022 dans la mesure où il permet « d’offrir aux agents publics un environnement de travail modernisé en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi des transformations » ([15]).
Le FIACT fonctionne sur la base d’un appel à projet national dont les modalités de mise en œuvre ont été précisées dans la circulaire du 5 janvier 2018. Le FIACT a suscité une importante mobilisation auprès des employeurs puisque 200 dossiers ont été déposés. Dans un contexte de transformation, le FIACT est un réel outil d’accompagnement des réformes et semble répondre à de réelles attentes.
Les rapporteures spéciales soutiennent les initiatives prises pour mener un travail collaboratif des acteurs de terrain et de la DGAFP afin d’améliorer la qualité de vie au travail. Elles tiennent cependant à souligner les importantes marges de progrès restantes sur ces sujets et la nécessité d’un travail qui s’inscrit sur le long terme et dans la collaboration avec les différents acteurs de la QVT
c. La lutte contre le micro-absentéisme
L’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a introduit un délai de carence d’une journée en cas d’arrêt maladie dans la fonction publique.
Cette mesure vise, d’une part, à améliorer la qualité du service public en réduisant les absences pour raison de santé de courte durée dans les administrations publiques et, d’autre part, à faire converger les règles applicables aux secteurs public et privé en matière de prise en charge des absences maladie.
En réduisant le micro-absentéisme qui désorganise les services, cette mesure doit améliorer les conditions de travail des agents publics.
À ce jour, il n’est pas encore possible d’avoir des résultats consolidés sur le nombre et la durée des arrêts de travail de l’année 2018 pour les comparer aux années précédentes. Ce sera donc à l’occasion du printemps de l’évaluation que nous pourrons tirer un premier bilan de cette décision et que nous pourrons vérifier son impact sur la qualité de service rendue au public.
Le Gouvernement a annoncé souhaiter poursuivre son action sur la question de la santé au travail. Le rapport Lecocq propose comme un défi commun aux secteurs public et privé, les enjeux d’amélioration de la santé au travail.
d. Le financement de l’action sociale
● L’action sociale ministérielle
Comme pour la formation, l’essentiel du financement de l’action sociale pour les agents de l’État repose sur les dotations ministérielles. Les ministères financent ainsi :
– les actions sociales ministérielles, qui sont définies par chaque ministère, complétant l’offre interministérielle en tenant compte des spécificités de chaque ministère ;
– les prestations d’action sociale à réglementation commune, fixées au niveau interministériel, mais financées par chaque ministère.
Selon les derniers chiffres consolidés de la DGAFP, elles s’élèvent à 528,1 millions d’euros en 2017.
Action sociale ministérielle en 2017
(en millions d’euros)
Source : DGAFP, rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2017.
● L’action sociale interministérielle
L’action sociale interministérielle est financée sur l’action 2 du programme 148. L’estimation de dépenses est de 119,8 millions d’euros en AE et en CP, à laquelle s’ajoute 3 millions de fonds de concours. La dotation représente plus de la moitié des crédits du programme 148.
Le tableau suivant illustre l’évolution des crédits consacrés à l’action sociale interministérielle.
crÉdits du programme 148 consacrÉs
au financement de l’action sociale interministÉrielle
(en millions d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Évolution (%) |
Crédits de paiement |
Évolution (%) |
|||
LFI 2018 |
Demandées pour 2019 |
LFI 2018 |
Demandés pour 2019 |
||||
Aides |
Chèque vacances |
39,4 |
38,5 |
+ 0,3 % |
39,4 |
38,5 |
+0,3 % |
CESU garde d’enfants |
32,4 |
33,1 |
– 6 % |
32,8 |
33,1 |
– 6,2 % |
|
Réservations de places en crèche |
24,8 |
25,6 |
- |
25 |
25,4 |
- |
|
Logement |
Réservations de logements sociaux |
0 |
- |
- |
0,2 |
0,2 |
- |
Aide à l’installation des personnels de l’État |
8,3 |
8,5 |
+ 2,4 % |
10 |
8,5 |
+ 2,4 % |
|
Logement d’urgence |
0,3 |
0,3 |
– 50 % |
0,3 |
0,3 |
– 50 % |
|
Aide |
Participation de l’État au financement de la CNSA |
0 |
- |
- |
0 |
- |
- |
Aide au maintien à domicile |
0,5 |
3,9 |
+ 680 % |
0,5 |
3,9 |
+ 680 % |
|
SRIAS |
4,4 |
4,1 |
– 2,4 % |
4,4 |
4,1 |
- |
|
Restauration (Rénovation des restaurants inter-administratifs) |
6,8 |
5,7 |
– 16,2 % |
6,7 |
5,7 |
– 13,6 % |
Source : réponse au questionnaire budgétaire.
En 2017, 130 500 agents ont bénéficié du Chèque-vacances, pour une dépense de 36,78 millions d’euros, soit 1,37 million d’euros de plus qu’en 2016. On constate une stabilité de la bonification moyenne accordée aux bénéficiaires, qui s’établit à 256 euros. Pour 2019, le montant de la dépense est estimé à 38,5 millions d’euros. Ces crédits devraient permettre de financer l’ouverture de droits d’environ 130 000 agents, comme en 2017.
L’aide à l’installation des personnels de l’État (AIP) est destinée à prendre en charge, sous condition de ressources, une partie des frais d’installation des agents de l’État « primo-arrivants » ou affectés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il s’agit d’une aide financière pour le paiement du premier mois de loyer (provision pour charges comprises) ainsi que des frais d’agence, de dépôt de garantie et des frais de déménagement, non cumulable avec des aides de même nature versées le cas échéant par les ministères.
Le montant de la prestation était majoré à 900 euros pour les agents affectés en Île-de-France, PACA ou au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville, le montant de droit commun s’élevant à 500 euros pour une affectation dans une autre région. Depuis la circulaire du 21 juin 2018 relative à l’aide à l’installation des personnels, seuls les agents s’installant dans les zones ALUR ou les agents qui exercent la majeure partie de leurs fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville peuvent bénéficier de la majoration. Cette modification permet essentiellement de mettre en cohérence les zones immobilières les plus chères qui bénéficient du montant majoré de l’aide, avec le zonage ALUR. En effet, si une grande partie des agglomérations situées en zone ALUR se trouvent dans les régions PACA et Ile-de-France, ce n’est pas le cas de toutes et les deux périmètres ne coïncidaient pas parfaitement. L’aide n’est pas cumulable avec les aides à l’installation de même nature versées, le cas échéant, par les ministères. En 2019, la dépense devrait s’élever à 8,5 millions d’euros pour un peu plus de 10 500 bénéficiaires. Les principaux bénéficiaires sont issus des ministères de l’éducation nationale, de l’intérieur et de la justice, qui représentent 92,6 % des demandeurs.
Enfin, il pourrait être intéressant de rapprocher les besoins des agents en mobilité dans des zones de logement dites « en tension » avec le programme interministériel de réservation de logements, qui peut également apporter une solution dans ces territoires. Il conviendrait enfin d’aborder, à propos de l’indemnité de résidence, non seulement la question de son zonage en s’alignant là aussi sur les zones ALUR, mais également le lieu de résidence de ses bénéficiaires et non leur lieu de travail.
La caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) gère, pour le compte de l’État, la prestation d’aide au maintien à domicile dont la mise en œuvre a débuté au second semestre 2012, à la suite de la signature de la convention et du versement de l’enveloppe de 10 millions d’euros budgétée à cet effet en LFI 2012.
Cette aide n’a pas rencontré son public, si bien que le coût cumulé de la prestation n’excédait pas 10 millions d’euros jusqu’en 2018, d’où l’absence de dotation sur cette sous-action. Les crédits versés en 2012 à la CNAV seront intégralement épuisés en 2018. La dotation pour 2019 a été fixée à 3,9 millions d’euros. Il paraît nécessaire de considérer avec attention les crédits alloués à ce dispositif car la pyramide des âges des agents de la fonction publique d’État peut laisser présager d’une montée en charge de ce service dans les prochaines années.
4. Être exemplaire en matière d’égalité et de diversité
a. L’action sociale interministérielle au service des familles
L’action sociale interministérielle s’attache notamment à permettre aux agents publics de concilier leur vie professionnelle et familiale.
Une des principales mesures de l’action sociale interministérielle porte sur la réservation de berceaux en crèches (25,6 millions d’euros en AE et 25,4 millions d’euros en CP). La politique de réservation de places en crèches a été renforcée à partir de 2008 et connaît depuis une forte dynamique. Les contrats sont passés au niveau déconcentré, avec des structures d’accueil implantées dans des aires adaptées aux besoins des agents (non exclusivement dans leur commune de résidence). En 2018, plus de 330 nouveaux berceaux ont été réservés au niveau déconcentré, portant le parc à plus de 3 200 places de crèches réservées au bénéfice des agents de l’État.
Par ailleurs, la prestation CESU-garde d’enfant de 0 à 6 ans prend en charge, sous la forme de chèques emploi-service universels préfinancés, une partie des frais engagés par les agents pour la garde de leurs enfants de moins de six ans durant leurs heures de travail. Le projet de loi de finances pour 2019 fixe la dotation à 33,1 millions d’euros en AE et CP, correspondant à environ 69 000 bénéficiaires.
b. Un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes
Dans un rapport récent ([16]), la DGAFP dresse le bilan des actions engagées et des réalités mesurées en termes d’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Certaines données ont retenu l’attention des rapporteures spéciales et rappellent le chemin qui reste à parcourir en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.
La fonction publique compte 62 % de femmes, soit une proportion plus élevée que dans le privé (46 %). Cependant, parmi les 122 140 postes dans les corps et emplois A +, seulement 40 % sont occupés par des femmes (elles sont moins de 20 % dans le secteur privé). Par ailleurs, 82 % des postes à temps partiels sont occupés par des femmes.
Les ministères les plus féminisés sont les ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche et les ministères sociaux (respectivement 67 % et 71 %) et les moins féminisés sont ceux de la Défense (22 %) et de l’Intérieur/Outre-mer (29 %).
Concernant la rémunération, en moyenne dans la fonction publique, le salaire net des femmes est inférieur de 13,1 % à celui des hommes. Pour mémoire l’écart de rémunération dans le secteur privé est supérieur à 18 %.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a ouvert début septembre les négociations sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le but de signer un accord avant les prochaines élections professionnelles. Le précédent accord ([17]) n’a été que partiellement mis en œuvre. Le projet d’accord se développe en cinq axes et doit permettre à la fonction publique de franchir un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Il s’agit tout d’abord de renforcer la gouvernance des politiques d’égalité avec la mise en place de « référents Égalité » et en rendant obligatoire l’élaboration d’un plan pluriannuel d’action, un outil déjà présent dans l’accord précédent mais qui n’avait pas fonctionné.
Le deuxième axe du projet d’accord consiste à créer les conditions d’un égal accès aux métiers et aux responsabilités professionnelles. Les employeurs devraient notamment établir un diagnostic concernant l’obligation de mobilité géographique qui constitue souvent une condition à l’avancement et qui pénalise de fait les femmes et le cas échéant proposer des solutions alternatives à la mobilité géographique.
Autre ambition du Gouvernement, traiter les situations d’écarts de rémunération et de déroulement de carrière et combattre les écarts inexpliqués de rémunérations entre les femmes et les hommes à corps, cadre d’emplois et fonction identiques. Dans les négociations, l’instauration de pénalités financière pour les employeurs a notamment été évoquée. Le Gouvernement souhaiterait également neutraliser l’impact des différents congés familiaux, y compris le congé parental, sur la rémunération et les parcours professionnels. Dans ce cadre, les rapporteures demandent à ce que la DGAFP définisse un plan pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes objectif 2022.
Une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle est également un enjeu des négociations. Il se concrétiserait notamment en permettant aux agents publics d’exercer leurs fonctions en télétravail au-delà de la limite actuelle qui est de trois jours.
Enfin, le dernier axe de ce projet s’attache à renforcer la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Le Gouvernement réaffirme ainsi la tolérance zéro de l’État dans ce domaine. Un guide de la procédure disciplinaire sera donc diffusé à l’attention des employeurs publics.
Les rapporteures spéciales se réjouissent que le secrétaire d’État et la DGAFP se saisissent de la question de l’égalité femmes-hommes et sont favorables à la majeure partie des propositions énoncées, l’employeur public se devant d’être exemplaire en la matière.
Les rapporteures spéciales soulignent la nécessité de mettre en place une fonction publique plus inclusive, reflétant la diversité de la société. Elles souhaiteraient que des opérations régulières de comparaison au sein des institutions permettent de suivre les avancées réalisées et de repérer les obstacles afin de déterminer les actions à mener.
Les rapporteures spéciales prennent acte de l’adoption le 24 octobre dernier dans le cadre de la quatrième mouture du protocole d’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le secteur public d’une résolution concernant la suppression du jour de carence pour les femmes enceintes (cette disposition, présentée par amendement lors de l’examen du PLF 2018 avait été rejetée par l’Assemblée nationale). Comme le stipule ce document : « Les congés de maladie pendant la grossesse seront exclus du champ d'application de la journée de carence, qu'ils résultent ou non d'un état pathologique lié à la grossesse ». L'évolution législative correspondante serait prévue pour figurer dans le futur projet de loi sur la fonction publique. En l'absence de modifications, seules les agentes de la fonction publique bénéficieraient de cet aménagement. Les autres femmes enceintes salariées ou indépendantes seraient toujours soumises à une durée de carence, variable selon les conventions et les statuts. Les raisons qui pourraient justifier l'adoption de la mesure pour les agentes publiques sont tout autant applicables à ces autres femmes. Les rapporteures soulignent donc que l'application de la mesure du protocole induirait une inégalité de traitement entre les femmes enceintes de statuts professionnels différents qui semble difficilement compatible avec nos principes constitutionnels d’égalité.
Elles invitent plutôt à traiter les vraies raisons de l’inégalité : garde des enfants, télétravail, réduction des écarts de rémunération, lutte contre les discriminations, sensibilisation aux stéréotypes, programme de mentoring... Elles rappellent que le combat pour l’égalité femme/homme est un combat pour l’égalité des individus indépendamment de leur genre et non une approche genrée des politiques publiques qui consisterait in fine à reproduire une organisation toute aussi inégalitaire du travail, pour les hommes et pour les femmes, et donc reproduire la « valence différentielle des sexes », selon l’expression de Françoise Héritier, qui est le socle de siècles d’inégalités.
II. Faire de l’éna l’école du leadership européen
L’École nationale d'administration est un établissement public administratif de l'État, doté de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du Premier ministre.
L’école a pour rôle principal de recruter et former les cadres dirigeants de l’État depuis sa création en 1945. Ces missions se sont peu à peu diversifiées, notamment au travers de la fusion avec l’Institut international d’administration publique puis le Centre des études européennes de Strasbourg. Le règlement lui confère désormais pour mission :
– « la formation permanente des fonctionnaires français et le perfectionnement de fonctionnaires étrangers ayant reçu dans leur pays d’origine une formation initiale complète et acquis une expérience professionnelle ;
– « la coopération européenne et internationale, bilatérale et multilatérale, dans le domaine de l’administration publique et dans le cadre de la politique étrangère du Gouvernement français, avec les institutions et établissements étrangers, notamment par la réponse aux appels d’offre internationaux ;
– « la recherche et la publication dans ces différents domaines, notamment en droit et administration comparés ([18]) ».
A. diagnostic de la situation financière de l’éna
Les documents que se sont procurés les rapporteures spéciales témoignent du fait que l’ENA est dans une situation financière critique. Pour financer ses dépenses, la contraction de la subvention pour charges de service public et l’insuffisance de ses ressources propres ont conduit l’école à largement puiser dans son fonds de roulement. Conscient de ses difficultés, le directeur de l’ENA, M. Patrick Gérard, a commandé un audit financier de l’école, qui a été remis le 13 juillet 2018.
1. La situation financière de l’ENA
a. Des recettes insuffisantes…
Pour financer ses missions, l’ENA bénéficie d’une subvention inscrite sur le programme 148. Sur les dix dernières années, cette subvention a varié entre 36,5 millions d’euros, son plus haut niveau, en 2009, et 29,3 millions d’euros en 2013.
Depuis 2011, la subvention de l’État à l’ENA diminue régulièrement (à l’exception de 2014), affichant un total de – 5,08 millions d’euros entre 2011 et 2018, ce qui représente une baisse de 14,2 %.
évolution de la subvention et des ressources propres de l’ENA depuis 2006
(en euros)
Source : commission des finances, d’après les données du secrétariat général de l’ENA.
Comme l’illustre le graphique ci-dessus, l’ENA bénéficie également de ressources propres, qu’elle tire essentiellement de la facturation de ses formations professionnelles continues et de ses activités européennes et internationales. Ces ressources propres croissent faiblement (de l’ordre de 1 % par an), ne permettant pas toujours de couvrir le coût des missions qu’elles mettent en œuvre (cf. infra).
b. … face à l’accroissement des dépenses
Les dépenses de déplacement, missions et réception ont augmenté de 3 % entre 2016 et 2017 alors même que l’école était en difficulté financière.
Mais ce sont surtout les charges de rémunération qui pèsent lourd sur lebudget (75 %) : le total des dépenses de personnel atteint 30,96 millions d’euros en 2017, soit 210 000 euros de moins que le total de la subvention pour charges de service public de l’année (31,17 millions d’euros).
La masse salariale prend en compte en 2017 la rémunération des 180 élèves (deux promotions), des 134 stagiaires de cycles préparatoires, des 193 personnels permanents ainsi que des intervenants ponctuels. Le personnel permanent de l’école représente un petit peu moins de la moitié des dépenses de personnel.
Pour 2018, la répartition des dépenses de personnel en fonction des catégories est illustrée par le graphique suivant.
les dépenses de personnel de l’ENA en 2018
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les données du secrétariat général de l’ENA.
En réponse à certaines attaques récentes concernant la rémunération des élèves de l’ENA, les rapporteures soulignent que dès leur admission, les élèves de l’ENA deviennent des fonctionnaires stagiaires et sont soumis à ce titre aux droits et obligations des fonctionnaires. Ils effectuent d’ailleurs leur première année presque exclusivement en situation professionnelle puisqu’ils ont l’obligation d’effectuer des stages.
Les élèves sont rémunérés à l’indice brut 395 correspondant à 1 682,28 euros bruts par mois, à laquelle s’ajoute une indemnité de résidence de 16,82 euros bruts mensuels. Les élèves issus du concours interne et du troisième concours perçoivent par ailleurs une indemnité forfaitaire mensuelle (IFM) fixée forfaitairement à 843,48 euros bruts mensuels et peuvent également percevoir une indemnité compensatrice entre leur rémunération dans leur corps d’origine et l’indice de rémunération en tant qu’élève afin de ne pas subir une trop forte perte de rémunération. Tous bénéficient en outre d’une indemnité de formation (568 euros bruts mensuels) ou de stage (qui varie en fonction du lieu d’affectation) selon la période de scolarité.
Les lauréats du concours interne étant assurés, par différents dispositifs, de garder un niveau de rémunération comparable à celui dont ils bénéficient avant d’intégrer cette formation, il parait intéressant, comme le fait le rapport d’audit de se questionner sur la chute des postulants à ce concours et de l’impact de la baisse de sélectivité qui en découle. Contrainte géographique et personnelle, multiplication des accès aux administrations par concours directs, concours jugé trop académique et réputation en régression expliquent cette chute de potentiels.
Les rapporteures sont favorables à la révision du concours interne reposant plus sur des compétences professionnelles (techniques et humaines) et moins sur des savoirs académiques, pour redonner l’envie aux agents des services publics de progresser par cette voie.
Les élèvent perçoivent également une « indemnité de difficultés administratives », étrange legs institué en 1946 pour les personnels civils des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle afin de pallier les difficultés éprouvées momentanément par les fonctionnaires chargés d'y introduire la législation et la réglementation française après quatre années d'occupation. La suppression de cette indemnité a été différée à plusieurs reprises sans jamais aboutir. Son montant n’a pas varié depuis des années. Désormais, son caractère modique (moins de 3 euros bruts mensuels) prête davantage à sourire qu’à s’insurger même si son existence apparaît particulièrement incongrue et qu’une suppression serait logique et cohérente.
Les rapporteures spéciales tiennent à saluer les efforts de gestion importants de l’école : 42 emplois ont été supprimés en dix ans sur les personnels permanents, soit 18 % des effectifs.
Les représentants du personnel, rencontrés par Mme Cendra Motin lors de son déplacement en juillet 2018, ont souligné que l’inquiétude budgétaire pesait sur les personnels de l’École. Actuellement, le recrutement serait gelé sur dix postes. La diminution des effectifs entraîne naturellement l’accroissement de la charge de travail des personnes en place. Des modifications structurelles, plus que de simples suppressions d’emplois, sont donc aujourd’hui nécessaires pour accompagner la diminution des dépenses de masse salariale.
dépenses de personnel de l’Ena
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les données du secrétariat général de l’ENA.
La diminution des effectifs permanents ne permet cependant pas de diminuer d’autant la masse salariale en raison de l’augmentation de certaines charges imposées par l’État. Ainsi en est-il de l’augmentation de la contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » ([19]) (+ 4,73 millions d’euros), de l’augmentation du point d’indice (+ 0,9 million d’euros). Le glissement-vieillesse-technicité (+ 0,7 million d’euros) et l’évolution du régime indemnitaire (+ 0,6 million d’euros) ont également pesé sur ces dépenses.
c. Une situation financière critique
Les variations de subventions suivent l’évolution des missions de l’école et du nombre d’élèves par promotion. M. Stéphane Escoubet, chef du service des ressources humaines et du pilotage financier, a cependant souligné lors de son audition par les rapporteures, que certaines nouvelles missions assignées à l’école n’avaient pas été financées à leur juste niveau. Ainsi en serait-il de l’accueil de 10 élèves supplémentaires par promotion en 2015-2016, dont le coût pour deux promotions s’élève à 1,4 million d’euros, ou encore de la prolongation de la prise en charge des stagiaires des cycles préparatoires aux concours interne et troisième concours, lorsqu’ils sont admissibles à l’ENA ([20]) qui coûte 270 000 euros par an.
Selon l’École, la subvention ne représente plus aujourd’hui que 77 % des ressources de l’école et couvre à peine les charges de rémunération. Les dépenses de fonctionnement et d’investissement de l’École ont ainsi été financées par les ressources propres et le prélèvement sur le fonds de roulement de l’établissement.
M. Escoubet a souligné la tension dans le dialogue budgétaire avec la direction du budget et la DGAFP. Compte tenu du déficit d’image de l’école en France - certains parlent d’ « éna-bashing » - il peut paraitre difficile de porter son budget et de le défendre. Pourtant, l’ENA est une école de renommée internationale, qui forme de très nombreux hauts fonctionnaires venus de tous les pays du monde. L’excellence de ses formations est particulièrement recherchée par les pays de l’Europe dans et hors de l’UE.
En intégrant l’impact des mesures réglementaires récentes pesant sur les charges de rémunération, l’ENA estime son déficit – qu’elle qualifie de « structurel » – entre 1,6 et 1,8 million d’euros, selon les aléas budgétaires de chaque exercice.
Pour 2017, le déficit de l’école atteint 2,13 millions d’euros. Le budget rectificatif pour 2018 indique un déficit de 1,48 millions d’euros. Le besoin en fonds de roulement a augmenté de 242 % par rapport à 2016.
Jusqu’à aujourd’hui, ces besoins en fonds de roulement ont été couverts.
évolution du fonds de roulement de l’éna depuis 2006
(en millions d’euros)
Source : commission des finances, d’après les données du secrétariat général de l’ENA.
En 2007, l’ENA a bénéficié d’une dotation de 15 millions d’euros sur le produit de la vente du bâtiment rue de l’Université à Sciences Po. Cette dotation, remise à l’ENA en prévision du financement des travaux pour la construction d’un nouveau bâtiment, a permis d’assurer un fonds de roulement conséquent. Les travaux ont finalement coûté moins cher (9 millions d’euros) et le fonds de roulement a permis à l’école de financer le déficit de fonctionnement depuis 2013. Le fonds de roulement s’établit à 7,4 millions d’euros au 31 décembre 2017 et 5,94 millions d’euros fin 2018 selon le budget rectificatif. L’école ne dispose plus que d’à peine deux mois d’avance de trésorerie.
La réorganisation des services permettra de répartir les missions de la Direction des relations internationales, sise 2, rue de l’Observatoire à Paris, dans de nouvelles directions métiers. Il peut donc sembler opportun, à cette occasion, de se poser la question de la pertinence de conserver à Paris, un bâtiment historique, qui abrite principalement une direction qui va être réorganisée. La vente d’un tel bâtiment pourrait représenter une manne financière importante et de nature à aider et à accélérer la transformation de l’école et le rétablissement de ses finances.
2. D’insuffisantes ressources propres
L’ENA bénéficie de ressources propres, tirées de la formation continue (2,64 millions d’euros en 2017) et de la coopération européenne et internationale (2,41 millions d’euros en 2017).
On observe sur les dix der